Agences de l'eau

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les agences de l'eau, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains .  - L'eau, c'est la vie ; c'est une ressource essentielle et stratégique pour notre pays. Le législateur en a fait une partie du patrimoine commun de la Nation. Mais les agences de l'eau pâtissent d'un trop-plein de concertation et d'un manque de lisibilité. L'eau est trop souvent utilisée à des fins idéologiques pour pointer du doigt les industriels, les agriculteurs et les collectivités.

La loi de 1964 a établi une nouvelle organisation de la politique publique de l'eau fondée sur une gestion décentralisée en bassins versants ; elle a consacré le principe du pollueur-payeur et celui de subsidiarité afin de concilier les besoins en eau, pour les collectivités, l'agriculture et l'industrie.

Avons-nous atteint ce dernier objectif ? Poser la question, c'est y répondre. Le fonctionnement est devenu trop complexe. Trois acteurs gèrent l'eau : les comités de bassin et de sous-bassins qui fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ; les agences de l'eau ; les préfets coordonnateurs de bassin.

Cependant, quel labyrinthe crétois ! L'organisation est complexe et chronophage. Trop d'acteurs sont impliqués : associations, experts, conseils scientifiques ; souvent, ils sèment le doute sur la capacité des collectivités à gérer la ressource. Une simplification s'impose.

Le deuxième problème est celui du financement des agences. Le principe fondateur « l'eau paie l'eau » n'est plus respecté. Depuis 2001 et Dominique Voynet, l'État siphonne les excédents des agences de l'eau. Nous sommes passés à « l'eau paie l'État ». Le plafond mordant de 2018 a entraîné une forte baisse des moyens des agences, au moment même où l'on demandait aux collectivités territoriales de mettre aux normes leurs infrastructures d'eau et d'assainissement, et où on leur confiait la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).

L'agence a vu sa compétence étendue du petit cycle de l'eau - eau potable et assainissement - aux grands cycles de l'eau, incluant les milieux aquatiques ou le littoral. Mais l'Office français de la biodiversité (OFB) absorbe une grande partie des ressources. Comment assurer dans ces conditions le respect de « l'eau paie l'eau » ? Le Sénat, qui s'en était inquiété, a eu, encore une fois, raison trop tôt. Le message de l'État aux agences de l'eau s'est réduit à : « débrouillez-vous ! ».

Enfin, la péréquation entre agences de l'eau et pour les territoires ruraux pose problème. Entre l'agence Seine-Normandie,  685 millions d'euros, et l'agence Loire-Bretagne, 376 millions, la différence de budget est considérable ! La péréquation vers les communes rurales devrait s'élargir, car les territoires ruraux, particulièrement étendus, rendent de grands services environnementaux, qu'il faut prendre mieux en compte. Les deux enjeux se recoupent, puisque l'agence Loire-Bretagne comprend un territoire classé à 55 % en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Le dossier de l'eau est devant nous : dérèglement climatique, arrivée des adeptes du frein à main dans les instances de gestion... Diversification des ressources financières et simplification des procédures, une meilleure péréquation, voilà les chantiers à mettre en oeuvre.

Dans un futur proche, j'espère une grande loi sur l'eau, comme je le demandais dès 2016. Pragmatisme et discernement devront nous guider. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je vous remercie pour votre invitation à débattre sur les agences de l'eau, qui sont au coeur de notre action pour la biodiversité et de la réponse aux défis posés à nos territoires.

Les agences de l'eau sont stratégiques, mais trop mal connues. Les assises de l'eau se sont penchées en 2017 sur l'assainissement puis en 2019 sur le dérèglement climatique. La troisième séquence, que j'anime avec M. Denormandie, s'intéresse à la gestion de l'eau pour les agriculteurs, réinterrogeant certaines pratiques.

Des tensions se font sentir autour de cette ressource. Nous voulons améliorer la qualité de l'eau et lutter contre les micropolluants. L'érosion de la biodiversité est aussi à prendre en compte, comme la préservation des écosystèmes naturels et des zones humides, essentielles, ou le développement de nouvelles aires protégées.

Les six agences de l'eau jouent un rôle central d'accompagnement des transitions. Depuis cinquante ans, elles portent la vision des bassins hydrographiques, incarnée dans les comités de bassin, au plus près des territoires.

La redevance sur l'eau du robinet et les amendes liées à des mésusages rapportent 2,197 milliards d'euros, au bénéfice des agences, qui les redistribuent ensuite aux acteurs de l'eau. Les programmes sont établis pour six ans. Chaque million investi génère ou préserve 30 à 35 emplois. Les 2 milliards d'euros d'aides ont donc créé ou préservé jusqu'à 70 000 emplois par an.

Les agences de l'eau voient leurs missions se diversifier depuis 2017 : accompagnement de la gestion de l'eau en fonction des grands cycles ou adaptation au changement climatique...

Les défis nouveaux indiquent que notre action doit être renforcée. La stratégie nationale des aires protégées fête son premier anniversaire ; nous publierons très bientôt une stratégie nationale pour la biodiversité : notre ambition doit perdurer, des ressources importantes doivent accompagner l'urgence à agir.

Malgré la diversification, la part des aides à l'amélioration des réseaux et infrastructures d'assainissement et d'approvisionnement reste nodale, à 45 %.

Nous encourageons une meilleure péréquation en faveur des ZRR, pour mieux prendre en compte les aménités rurales. Je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur.

Nous devons aussi éviter l'effet de saupoudrage. Au 30 juin 2021, 700 millions d'euros ont été attribués aux collectivités territoriales pour la modernisation de leurs réseaux.

Les agences de l'eau ont su se mobiliser lors de la crise sanitaire, en assurant la continuité de l'adduction et le traitement très rapide des dossiers France relance, puisque les 260 millions d'euros concernés ont été engagés en totalité en moins de sept mois.

Les volumes d'intervention sont très importants, et pour la première fois depuis 2008, nous avons stoppé la baisse des effectifs. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Frédéric Marchand .  - Avec 8 000 kilomètres de cours d'eau, 80 rivières, 20 nappes phréatiques, 270 kilomètres de côtes, 4,8 millions d'habitants, le bassin d'Artois-Picardie exige une gestion durable. Le Sdage va être réévalué cette année, pour six ans.

Les citoyens doivent s'approprier ces questions à l'heure du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité.

Les enjeux du nouveau programme sont la réduction des fuites des réseaux d'eau potable, la réduction de la pollution, la prévention des inondations et la préservation de la qualité de l'eau potable.

Seuls 22 % des cours d'eau en Artois-Picardie sont en bon état, contre 88 % en Corse, avez-vous déclaré à Lille le 16 novembre dernier. Quelque 16 millions d'euros du plan de relance sont consacrés à ce bassin.

Les engagements pris lors de l'annonce du plan national pour la gestion des eaux pluviales permettront-ils bien à l'agence Artois-Picardie de mener ses missions, notamment dans le Nord, qui a connu ces derniers mois des phénomènes aux conséquences dramatiques ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La gestion des eaux de pluie est essentielle pour prévenir les risques. Nous nous appuyons notamment sur le plan national de gestion des eaux pluviales.

Dans le bassin Artois-Picardie, il faut lutter en milieu rural contre l'érosion des sols pour recharger les nappes, en zone urbaine contre des rejets directs d'eaux usées lorsque les réseaux débordent ; une infiltration à la source des eaux de pluie permettrait de rafraîchir la ville en créant des îlots de fraîcheur.

Un budget de 60 millions d'euros sur six ans est prévu pour le bassin Artois-Picardie. La participation de l'agence est de 70 % pour les projets fondés sur la nature. Pour lutter contre l'érosion des sols, les budgets ont déjà été consommés à 200 % ! Ces enjeux sont pris à bras-le-corps, notamment par l'association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d'eaux pluviales (Adopta) financée par l'agence.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Des inondations peuvent avoir lieu en dehors d'épisodes extrêmes ; dans l'Aisne, des précipitations de 40 ou 50 millimètres ont pu avoir des conséquences importantes : routes coupées, foyers isolés...

Pourquoi ? Parce qu'il faudrait mieux entretenir les cours d'eau et les fossés. Des millions de mètres cubes d'eau ne peuvent plus s'écouler. Pourquoi cette inaction ? Parce que plus personne n'y comprend rien. Entre ru, cours d'eau et fossé, personne ne fait la différence ni ne sait ce que l'on peut y faire. L'agence de l'eau devrait travailler avec les directions départementales des territoires (DDT) pour élaborer un cahier des charges, afin de donner les bonnes directives pour éviter les débordements récurrents.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous devons partager les bonnes pratiques et diffuser des fiches pratiques, essentielles pour entretenir correctement nos cours d'eau, malgré les méandres administratifs. (Sourires) Les agences de l'eau peuvent soutenir l'ensemble des acteurs d'un point de vue financier et en matière d'ingénierie.

M. Daniel Gremillet .  - La situation des agences de l'eau nous interpelle, depuis la loi Biodiversité. Depuis 2010, la ponction sur les ressources et le plafond mordant ont entamé leur capacité d'action. La réforme sur la redevance a été ajournée. Les agences de l'eau peuvent-elles encore accompagner les collectivités territoriales sur les projets de gestion de l'eau ? Nous devons trouver des stratégies de financement pertinentes et des actions budgétaires de long terme.

Pour 2019-2024, la question de l'assainissement non collectif est critique, mais elle n'a pas été retenue comme une mission prioritaire des agences de l'eau. Les collectivités sont démunies. À quoi ressemblera la réforme de la redevance ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Cette montée en puissance et cette diversification des missions des agences de l'eau justifient de les soulager de l'effort général demandé sur l'emploi public. Dans la loi de finances pour 2022, nous avons donc proposé la stabilisation du nombre de leurs agents. C'était le bon moment pour cette mesure très attendue.

Pour l'assainissement non collectif, les débats sur le sujet animent notre ministère. L'effort des agences, qui a pu être très important, doit être questionné aujourd'hui. On laisse certains Français sans réponse alors que cela représente pour eux un budget considérable. Je ne connais pas encore la forme de l'aide qui pourrait être créée. Levier incitatif fiscal ou possibilité de service unique de l'assainissement à moyen ou long terme ? Cette dernière possibilité est intéressante et relève du législateur. En tout cas, nous devons intervenir dans les territoires les plus à risque et en tension.

M. Daniel Gremillet.  - Les ponctions sur le budget des agences de l'eau ont été faites sans la moindre concertation. Des territoires sont abandonnés alors qu'ils participent au financement des agences de l'eau.

M. Ronan Dantec .  - Je rejoins les propos de MM. Pointereau et Gremillet, et me trouve en plein accord avec la droite sénatoriale quand elle considère que les moyens alloués à l'action publique sont insuffisants. (Sourires)

La ministre a dit que 1 million d'euros investi créait 35 000 emplois. Pourquoi vous priver de la création de 35 000 emplois ? Entre le onzième et le dixième programme, c'est en effet 1 milliard d'euros de crédits d'intervention qui a disparu. Sur quelles études l'État s'est-il fondé pour prendre cette décision ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous partageons un certain diagnostic : les moyens des agences de l'eau doivent croître face au changement climatique. L'abaissement du plafond de recettes a entraîné une baisse de 9 % de la fiscalité sur l'eau potable, ce dont nous pouvons nous féliciter. Nous avons besoin de nouvelles recettes, mais il ne faut pas augmenter la pression fiscale sur les Français. Peut-être faut-il renforcer le principe de pollueur-payeur ?

Ne nous trompons pas sur le public qui doit participer à l'effort.

M. Ronan Dantec.  - Merci à la ministre pour sa franchise. Clairement, l'État voulait faire baisser cette redevance qui était pourtant acceptée par les Français. Vous vous demandez où sont les recettes ? Elles sont dans les collectivités : avec la Gemapi, l'État se défausse sur elles, préférant qu'elles augmentent les impôts, plutôt que de le faire lui-même.

Par ailleurs, il y a une baisse de 40 ETP dans les agences de l'eau, c'est dans la loi.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Non ! Il n'y a pas de baisse d'effectifs des agences de l'eau cette année. C'est une première depuis 2008, alors que les agences connaissaient une baisse moyenne de leurs effectifs de 2 % chaque année. Réjouissons-nous de ce geste fort. Tous les autres opérateurs français sauf l'OFB, les parcs nationaux et le Conservatoire du littoral contribuent à la réduction de la dépense publique. Que nous ayons fait cesser la réduction du nombre des agents en charge de l'eau est un geste suffisamment fort pour être signalé.

M. Ronan Dantec.  - Le schéma d'emploi a été fixé à moins 40 ETP et c'est après un collectif budgétaire technique que l'on a retrouvé le même chiffre, par mise à disposition de certains agents des agences de l'eau à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema).

Il y a des enjeux forts de respect des normes et des pratiques. Un agent de police de l'eau pour 1 000 km de rivière ! Sans vouloir vous faire un procès d'intention, il est impossible d'avoir une politique cohérente si l'on baisse sans cesse les crédits.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Les missions des agences de l'eau sont essentielles dans le contexte de dérèglement climatique. Pour autant, elles font les frais d'une cure d'austérité drastique. Quelque 21 % des emplois ont été supprimés en dix ans alors que leurs missions s'accroissent. Leurs moyens financiers n'ont pas suivi. Pire, ils ont été rabotés par le plafond mordant.

Le besoin est de 3 milliards d'euros sur les six prochaines années. Quelle capacité pour faire face à ces enjeux, en particulier dans les bassins ruraux à faible potentiel fiscal ? Comment faire jouer davantage la solidarité nationale ? Quels moyens humains prévoyez-vous pour assurer un service public de proximité ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Pour vous répondre et répondre également à M. Dantec, les 41 ETP en moins étaient au projet de loi de finances pour 2021 débattu fin 2020. On est bien à zéro dans le budget de 2022 débattu fin 2021.

M. Ronan Dantec.  - One point !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je vous remercie de le reconnaître. Il est nécessaire de stabiliser les opérateurs pour leur donner de la visibilité sur la mise en oeuvre de leurs nouvelles missions.

On a connu une baisse de 20 % des effectifs. Il était difficile dans ces conditions pour les agences de l'eau de mener à bien leurs missions. Nous avons une réflexion sur le financement global de la biodiversité, qui, avec tous ces transferts, constituait un véritable Beaubourg ! Nous nous efforçons de tout remettre à plat.

Nous devons disposer de différents scénarios pour redonner de la transparence au financement collectif de la biodiversité.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Le principe de décentralisation prévaut pour l'eau. Nous craignons pour la capacité d'adaptation de la politique nationale aux réalités locales. La notion même de bassin est mise à mal. Il faut maintenir le pilotage décentralisé et l'implication des collectivités territoriales au sein des agences de l'eau, avec une solidarité urbain-rural, amont-aval et générationnel.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Il faut absolument préserver le modèle de gouvernance des comités de bassin, qui est exceptionnel. L'ancrage local est indiscutable.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Les élus sont inquiets de cette réforme des redevances, qui risque de mettre à mal le modèle même des agences. Ce sont les collectivités qui supporteront les impayés et les procédures annexes de facturation et de recouvrement. Une hausse des redevances est à craindre.

Le signal envoyé est contradictoire avec le principe pollueur-payeur, fondement de la gestion de l'eau en France.

Il faut conférer aux agences de l'eau une mission de progrès, plutôt qu'une fonction seulement fiscale. L'eau doit payer l'eau et la biodiversité doit payer la biodiversité.

M. Pierre Louault .  - La loi Gemapi fonctionne bien pour la protection contre les crues des petits cours d'eau. Dans la basse vallée de la Loire, la communauté de communes d'Azay-le-Rideau voit de nombreux affluents qui prennent leur source dans le massif central - Indre, Cher, Vienne - rejoindre le fleuve. Or l'entretien de toutes les digues va revenir à cette intercommunalité, ce qui est injuste. Un financement local ne devrait pas assumer un défi national.

Pourquoi l'Agence de l'eau ne s'investit-elle pas sur la protection des crues de la Loire et de ses affluents ?

Le renforcement des digues est mission impossible pour les petites collectivités. Ne faudrait-il pas recentraliser la gestion et le financement des agences de l'eau ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les aides liées à l'aménagement du territoire et au remembrement, très budgétivores, sont très largement assurées par les agences de l'eau et l'entretien des digues et barrages est éligible au fonds Barnier. J'entends que vous voulez une simplification de l'accès à ces aides. Cependant, le schéma est assez lisible et monte en puissance sur le plan financier.

M. Pierre Louault.  - L'intervention du Fonds Barnier est une amélioration mais ce qui reste à financer est au-dessus des capacités financières des collectivités territoriales concernées.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La capacité d'intervention atteint 40 %, mais j'entends la difficulté à boucler certains tours de table. N'hésitez pas à nous faire remonter des projets précis, car l'on trouve toujours un montage pour réunir les financements !

M. Pierre Louault.  - Renforcer un kilomètre de digue en bord de Loire coûte 1 million d'euros !

M. Éric Gold .  - L'adaptation au changement climatique préoccupe l'ensemble des usagers de l'eau. Le débit des cours d'eau devrait baisser de 10 à 40 % dans les prochaines décennies, ce qui va accroître les conflits d'usage. Il faut définir des priorités nationales et une réglementation forte.

Or malgré cela, la politique des agences n'est pas homogène. Les réponses sont différentes, selon les agences, sur les retenues collinaires. Il n'y a pas de doctrine ni de financements unifiés, ce qui engendre des tensions au niveau local.

Après les assises de l'eau, le Varenne agricole de l'eau devait être l'occasion de trouver des solutions apaisées. Malheureusement, plusieurs parties n'ont pas souhaité y participer. Comment améliorer la coordination des agences ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - L'urgence climatique nous impose de nous mobiliser, notamment en faveur des agriculteurs dont le modèle économique est fragile.

Julien Denormandie et moi avons eu à coeur de trouver une réponse commune à la problématique de la gestion de l'eau. La ressource s'amenuise... Une seule association n'a pas souhaité participer, craignant que les intérêts économiques du milieu agricole ne pèsent sur les échanges. Depuis, elle suit nos débats très attentivement.

Les conclusions du Varenne agricole de l'eau et du changement climatique seront publiées le 1er février.

Nous avons besoin d'une vision partagée sur la ressource et les volumes prélevables. Beaucoup d'agriculteurs sont prêts à s'adapter s'ils peuvent sécuriser leur activité à l'avenir.

Nous avons simplifié les montages de projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Ces derniers portent une vision globale, mais nous devons sans doute accélérer sur les « projets sans regret », sans menacer les équilibres.

M. Éric Gold.  - Vous avez parlé des changements de pratiques en agriculture. S'il faut engager une réflexion sur la ressource en eau, il ne faut pas s'empêcher de penser aux retenues collinaires, qui permettent un prélèvement hivernal pour restitution en période de stress hydrique. Les évènements climatiques de ces dernières années doivent nous orienter vers des solutions innovantes et pragmatiques, hors de tout raisonnement dogmatique.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous ne nous interdisons rien, tant qu'il y a préservation de la ressource. Le Lot s'est retrouvé en rupture d'eau potable l'été dernier. Nous ne voulons pas que cela se reproduise. Divers moyens doivent être mobilisés.

M. Jean Louis Masson .  - Malgré le principe pollueur-payeur, nous sommes confrontés depuis des décennies à la pollution de la Moselle par des rejets de chlorures de la part des soudières de la vallée de la Meurthe. Les gouvernements successifs n'ont rien fait ; de l'argent public a même été investi pour écrêter les pics de pollution en période d'été, mais les pollueurs en ont profité pour augmenter leur pollution : elle représente le double de ce qu'elle était il y a quarante ans. C'est scandaleux !

Actuellement, on continue à cautionner au lieu de réagir. Il serait peut-être temps de sanctionner les pollueurs. Vous ne pouvez pas laisser perdurer la situation actuelle ; il est urgent que vous fassiez quelque chose !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - L'Agence de l'eau avec l'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) peuvent chercher une solution technique de filtration contre ces rejets.

M. Jean Louis Masson.  - Quand j'étais député, un ministre giscardien m'a répondu comme vous, en disant que c'était difficile et qu'on ne pouvait rejeter de chlorures dans la Moselle, parce que sinon, on polluerait la Mer du Nord. Votre réponse est aussi dense que la sienne.

Cela fait quarante ans que cela dure. Il serait temps de se réveiller.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Si j'avais été alertée sur ce dossier, j'aurais eu une réponse plus détaillée ...

M. Jean Louis Masson.  - Cela fait vingt ans que j'écris à ce sujet !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Un contrat a été trouvé avec la région pour dessiner une réponse.

M. Jean Louis Masson.  - C'est un dialogue de sourds. Ça et rien, c'est la même chose !

Mme Angèle Préville .  - Chaque été, le bassin Adour-Garonne connaît des étiages inquiétants, qui seront sans doute réduits de moitié d'ici à 2050, alors que l'eau frise les 30 degrés. Toulouse et Bordeaux, attractives avec 15 000 habitants supplémentaires chaque année, ont besoin de plus d'eau. L'équation est difficile à résoudre. Alors que le réchauffement climatique s'apparente à un voyage sans retour, les micropolluants -  plastiques, médicaments, pesticides  - s'accumulent dans nos rivières. Or l'eau, c'est la vie.

Ces défis immenses auront un coût, qui risque fort de peser sur nos concitoyens : plus de 70 % des revenus des agences de l'eau proviennent déjà des particuliers. La reconquête nécessite une action locale et des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins.

Les comités de bassin sont des lieux de dialogue et d'équilibre entre collectivités et associations. Leur modèle de gouvernance décentralisée est tout à fait pertinent. Maintiendrez-vous le gel de la baisse des effectifs des agences au-delà de 2022 ? Comment luttez-vous contre le réchauffement climatique et la pollution ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je salue votre implication sur le sujet et espère que votre colloque pourra se tenir. Les micropolluants sont au coeur de notre nouveau plan de lutte et vos travaux y contribuent.

Nos plans identifient des vulnérabilités comme celles du bassin Adour-Garonne. Ces travaux - tout comme les Sdage en cours de révision - dégagent des perspectives dans la gestion et la maîtrise de la ressource.

Par ailleurs, les comités de bassins me semblent un modèle de gouvernance particulièrement approprié, susceptibles de faire émerger une vision portée par tous. Il faut préserver ce modèle et rester vigilant sur les besoins majeurs, et donc les ressources à renforcer.

Mme Sylviane Noël .  - Selon l'article L. 210-1 du code de l'environnement, l'eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Les agences de l'eau ont été créées en 1964 pour financer la solidarité, le petit cycle de l'eau et la prévention des pollutions en amont.

Entre 1982 et 2018, 92 % des communes du bassin Rhône-Méditerranée-Corse ont été concernées par une inondation déclarée catastrophe naturelle. Cela nécessite des crédits de reconstruction exceptionnels. Or le budget de l'agence de l'eau est très sollicité alors que ses capacités d'intervention sont en baisse de 15 % par rapport à 2013-2018.

Alors que nos montagnes constituent les principaux châteaux d'eau de la France, la solidarité nationale doit s'exercer au bénéfice de cette agence. Le plafond mordant instauré en 2018 a-t-il encore du sens ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Vous n'êtes que trop bien placée pour mesurer la violence de certains épisodes climatiques. Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles fait déjà appel à la solidarité nationale, qui intervient aussi dans la prévention à travers des études et des travaux. En deux ans, les crédits du fonds Barnier ont augmenté de 70 %, passant de 131 à 235 millions d'euros, auxquels s'ajoute une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros au titre des suites de la tempête Alex. L'agence Rhône-Méditerranée-Corse apporte aussi son concours au financement de travaux, avec par exemple 25 millions d'euros post-Alex.

Un rééquilibrage des recettes entre agences a eu lieu durant la préparation du onzième programme, ainsi que des mutualisations interagences. Nous sommes attentifs à cet équilibre et à cette solidarité.

Mme Sylviane Noël.  - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les plafonds mordants.

La péréquation existe, mais elle est insuffisante pour une agence de l'eau aussi stratégique que Rhône-Méditerranée-Corse.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous avons à la fois besoin de maîtriser la pression fiscale sur les ménages et d'assurer une montée en puissance des financements. Le rapport Richard-Jerrettie fournit des réflexions intéressantes. Je me tourne vers M. Guené : ces réflexions sur la fiscalité doivent s'inscrire dans une réflexion plus large sur la fiscalité des collectivités territoriales.

Mme Sylviane Noël.  - Je ne proposais pas de réévaluer les cotisations des particuliers. L'État a pris de l'argent aux agences de l'eau pour le donner à l'OFB, mais il faut que « l'eau paye l'eau ».

Mme Annick Billon .  - Le stress hydrique est une réalité pour de nombreux départements et le changement climatique impose des solutions innovatrices.

En Vendée, le projet Jourdain, de 17 millions d'euros sur dix ans, vise à produire de l'eau potable à partir des eaux usées, grâce à des zones d'épuration végétalisées. Cette expérimentation, une première en Europe, est une opportunité et une réponse pertinente pour de nombreux territoires.

L'agence de l'eau accompagne Vendée-Eau à hauteur de 4 millions d'euros sur les 9 engagés à ce jour, mais refuse de soutenir l'intégralité du projet. Devons-nous recourir à un financement privé alors qu'un organisme d'État est censé se consacrer à ces sujets ? Madame la ministre, vous engagez-vous à soutenir ce projet ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Le projet Jourdain est très innovant et nous y portons un grand intérêt. Ce recyclage indirect des eaux usées traitées devrait améliorer l'approvisionnement en eau potable du littoral vendéen. Ce projet est accompagné depuis 2018 par l'agence de l'eau Loire-Bretagne, à hauteur de 4,18 millions d'euros, sur un total de 8,69. La région Pays de la Loire a contribué à hauteur de 1 million d'euros, le département de la Vendée pour 1,7 million d'euros. C'est un budget important, à la hauteur des ambitions.

Le reste à financer est estimé à 13 millions d'euros, le tour de table est en cours. Un financement exceptionnel est tout à fait justifié. Nous étudierons le soutien que l'agence de l'eau peut encore apporter.

Mme Annick Billon.  - L'agence de l'eau participe à la première phase, mais on ne sait pas comment sera financée la deuxième. Vendée-Eau a besoin d'une réponse claire.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - L'accord de principe, je vous le donne et vous confirme le soutien de l'État et du Gouvernement. Cependant, la décision appartient à l'agence de l'eau. Le projet semble bien parti pour aboutir.

Mme Annick Billon.  - Je vous remercie même s'il semble qu'il y ait des problèmes de gouvernance. Le projet a été lancé en 2017 : nous avons besoin d'une vision claire sur des investissements longs qui ne peuvent être supportés par les Vendéens.

M. Hervé Gillé .  - Peut-on envisager une réforme de la gouvernance de l'eau qui repose sur la confiance avec les collectivités territoriales ? Il faudra pour cela développer les contrats interrégionaux, alors que les contrats de plan interrégionaux État-Régions (CPIER) sont en attente, et impliquer l'ensemble des collectivités.

L'État a une fonction régalienne de cohérence à l'échelle nationale et européenne.

Par leur expertise, les comités de bassin doivent assurer un appui aux actions. Il faciliter les contractualisations, en rapprochant les plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) et les Sdage, le tout participant à la mise en oeuvre d'une nouvelle loi-cadre de l'eau, avec un rôle accru des régions.

Quelle est votre position ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Un rapprochement entre PGRI et Sdage relève du niveau législatif, mais mérite d'être étudié en vue du prochain programme sur six ans.

Toutefois, la description que vous venez de donner me semble refléter la gouvernance actuelle. Les comités de bassin regroupent déjà des élus locaux de tous les niveaux de collectivité, ce qui participe de ce modèle exceptionnel.

M. Hervé Gillé.  - Je souhaite un approfondissement de la décentralisation. L'État est parfois trop présent sur des projets territoriaux : il doit se recentrer sur le régalien. À l'inverse, il faut réaffirmer le rôle des régions, en particulier le dialogue inter-régions. Nous voudrions des CPIER plus fournis en la matière. Pourriez-vous donner plus de précisions, alors que des bassins s'étendent sur plusieurs régions ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - En effet, il faut décloisonner les politiques sur certains bassins hydrographiques. Cette problématique est déjà connue. J'y insiste : cette politique reste à la main des territoires et des élus. Si la vision globale de la politique de l'eau doit demeurer du ressort de l'État, son adaptation relève des bassins.

M. Hervé Gillé.  - Des questions ont été posées sur le financement par la taxe Gemapi. Il reste un solde à payer au-delà du fonds Barnier. Mais nous manquons de visibilité sur la contractualisation, car les plans de financement ne sont pas suffisamment consolidés.

Mme Catherine Belrhiti .  - De nombreux maires de petites communes rurales de Moselle m'ont fait part de leurs difficultés avec l'agence de l'eau. Alors que les budgets sont contraints, la rénovation des réseaux non collectifs, peu subventionnée par l'État et les régions, est coûteuse pour les communes. Or le 11e programme ne les subventionne plus !

C'est un casse-tête : la collectivité doit avancer des sommes pour que des particuliers conservent un dispositif individuel. Le réseau non collectif fait-il partie des priorités de l'État, et si oui, avec quelles subventions ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je suis d'accord : nous devons proposer une solution, notamment aux maires nouvellement élus, volontaristes dans leurs projets.

Sur la forme, le Gouvernement n'a pas souhaité poursuivre ces interventions, longtemps financées ; c'est pourquoi les capacités d'intervention des agences de l'eau ont été redirigées, mais nous devons imaginer de nouveaux leviers.

Nous pouvons élaborer des réponses quasi immédiates, notamment avec des incitations fiscales, ou bien un accompagnement en termes d'ingénierie financière.

Mme Catherine Belrhiti.  - Les revirements successifs des agences de l'eau et leurs prescriptions contradictoires font que les collectivités territoriales ne savent plus à quoi s'en tenir. Les projets sont bloqués. Une solution urgente s'impose.

M. Thierry Cozic .  - Depuis 2017, les sept agences de l'eau sont devenues de fait le bras armé des comités de bassin qui financent les politiques environnementales, au-delà de leurs compétences propres : biodiversité, parcs nationaux, j'en passe.

Plutôt que d'accorder à ses opérateurs des crédits propres, le Gouvernement pioche dans le budget des agences de l'eau : près de la moitié de la politique de la biodiversité est financée de la sorte.

En outre, au-delà d'un plafond mordant fixé à 2,1 milliards d'euros pour 2019, les ressources des agences sont reversées à l'État, alors qu'un rapport fait état d'un besoin de financement des agences de l'eau de 400 millions d'euros. Cette règle est anachronique, car les problématiques ne manquent pas : multiplication des inondations et sécheresses, raréfaction de l'eau, hausse du niveau de la mer... Les agences de l'eau prévoient une baisse de 10 à 50 % de l'étiage des grands fleuves et de 10 à 30 % du niveau des nappes phréatiques.

En organisant par le plafond mordant l'attribution du financement des agences, au mépris du principe de la gestion décentralisée de l'eau, n'ouvre-t-on pas une brèche dans le principe « l'eau paie l'eau » ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je considère que l'eau et la biodiversité sont liées : la gestion de l'eau est un pilier de la biodiversité. Il en va de même pour les financements, et l'effort national doit rester dans cet esprit de décloisonnement et de solidarité.

Il faut en revanche rester clair sur la répartition des compétences : quels opérateurs, quelles missions, avec quels financements ?

Les recettes qui reviennent au budget de l'État au titre du plafond mordant ne disparaissent pas dans les poches de l'État, elles financent d'autres services publics, comme l'éducation ou la santé : ce n'est pas un coup de rabot.

Mme Sabine Drexler .  - La loi du 27 janvier 2014 a créé la Gemapi, pour une meilleure gestion de l'eau et des zones humides à l'échelle des communes. Hélas, on en voit les limites, avec un positionnement ambigu des agences et des conflits d'intérêts évidents. L'agence de l'eau Rhin-Meuse subventionne des études pour des collectivités territoriales en dehors de leur champ de compétence. Après trois ans de mise en oeuvre, les agences de l'eau doivent respecter la loi et les contrôles demandés par la Cour des comptes en 2015 doivent être mis en place.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - J'espère que le cas de Rhin-Brisach restera un cas particulier. L'agence de l'eau avait subventionné la communauté de communes pour réaliser la réhabilitation d'un ancien bassin minier sur une île du Rhin, avant que la compétence ne soit transférée à un syndicat. Il s'agit d'un différend entre deux collectivités que l'agence de l'eau n'a pas à trancher.

La situation de conflit d'intérêts n'est pas établie. Le ministère a veillé au respect des règles déontologiques dans l'attribution des aides et un arrêté de 2021 rappelle désormais les obligations des agents.

Mme Sabine Drexler.  - L'objectif du législateur était d'améliorer l'action publique; cela n'est pas une réalité partout... Nous avons besoin d'une clarification des compétences afin d'éviter blocages et tensions.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous espérons que ce différend très local reste circonscrit. Il me semble que le cadre de la Gemapi s'applique relativement bien.

M. Hugues Saury .  - La loi de 1964 a créé les agences de l'eau selon le principe « l'eau paie l'eau », aujourd'hui menacé. Pour renouveler les réseaux, les petites communes ne sont pas suffisamment aidées. Pourquoi ces indispensables rénovations ne sont-elles plus une priorité des agences ?

La politique de subvention au sein d'un même territoire pose problème, comme dans le Loiret, où les deux comités de bassin ont des priorités très différentes. Les subventions sont attribuées de manière peu transparente et certaines situations confinent à l'absurde.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Le cas du Loiret est tout à fait particulier. Nous voulons une définition des priorités au plus près du terrain, il est donc normal que les priorités diffèrent selon les bassins. Les agences de l'eau regardent les situations au cas par cas et attribuent les subventions en fonction des exigences locales. Depuis 2016, il y a une continuité dans les différentes politiques de biodiversité, de la terre à la mer. Nous devons donc conserver une vision globale, tout fixant des priorités spécifiques pour certains territoires.

Il nous faut aussi prioriser certaines problématiques, notamment dans le cadre du plan France relance, avec 250 millions d'euros attribués via les agences de l'eau aux projets des collectivités territoriales.

M. Hugues Saury.  - L'urgence écologique ne doit pas nous faire oublier la vocation première des agences de l'eau : l'entretien des équipements de base. Pouvez-vous réaffirmer que « l'eau paie l'eau » ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Eau et biodiversité ne sont qu'un même problème. On pourrait presque envisager de fusionner l'Ademe, l'OFB et les agences de l'eau !

Une vision globale est nécessaire, et les agences de l'eau y participent. Petits cycles, grands cycles, lutte contre le changement climatique et contre l'érosion de la biodiversité, continuum terre-mer, tout cela n'est pas éloigné.

M. Hugues Saury.  - Les deux sujets que j'ai évoqués sont majeurs.

Une eau potable de qualité, à un prix raisonnable, c'est le premier des combats écologiques.

M. Laurent Duplomb .  - Le projet de Sdage Loire-Bretagne fait l'objet de vives tensions : lors d'un premier vote en 2021, 49 % des votants étaient favorables, mais 32 % ont voté blanc ! C'est une légitimité insuffisante pour entrer en application - surtout si l'on compare avec le Sdage d'Adour-Garonne, adopté à 72 % !

Les points de blocage, dont la préfète de bassin et vous-même avez été informées, sont nombreux : manque de concertation, caractère excessif des prescriptions, biais méthodologiques, erreurs, non-prise en compte des enjeux économiques du territoire, vision dogmatique des enjeux environnementaux...

Au barrage de Naussac, l'étiage est régulé de manière absurde.

Manque de cohérence, manque de concertation... Reportez l'application du Sdage de six mois et revoyez la copie ! (MM. Pierre Cuypers et Rémy Pointereau approuvent.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Cette situation de tension ne nous a pas échappé. La préfète est impliquée dans la concertation et les contours du Sdage doivent être fixés d'ici mars. Les agriculteurs sont particulièrement impactés par la tension sur la ressource.

Par ailleurs, je vous confirme le lancement d'une mission sur la mobilisation des barrages hydroélectriques pour un soutien à l'étiage, réalisée par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Nous pourrons ainsi affiner les volumes et trouver des solutions aux tensions.

M. Mathieu Darnaud .  - D'un côté, des agences de l'eau dont on ne cesse de ponctionner les recettes ; de l'autre, une diversification croissante de leurs missions... Et d'autres problèmes non pris en compte, comme l'assainissement non collectif ou le ruissellement.

Le rapport de Rémy Pointereau dresse un constat inquiétant : l'eau ne paie plus l'eau ; voire, l'eau paie l'État. Et ce alors que les nuages s'amoncellent sur nos têtes : réchauffement climatique, diminution des ressources en eau...

Sur le financement, nous restons sur notre faim : les ressources des agences de l'eau se tarissent et l'État, via la DETR, doit pallier le manque d'accompagnement par les agences de l'eau.

Nous avons besoin de plus d'agilité sur les territoires ; je regrette que cela ne soit pas mis en avant, à quelques heures de la CMP 3DS... Tout ne doit pas passer par les intercommunalités, faisons aussi confiance aux syndicats. Les logiques sont encore trop technocratiques ; les élus n'obtiennent pas de réponse à leurs problèmes.

Nous voulons des réponses concrètes et des ressources à la hauteur des défis du changement climatique. L'eau, c'est la vie et il y a une vie et un avenir sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.