Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - L'histoire des harkis, c'est l'histoire de France, celle aussi d'une loyauté française et d'une fidélité déçues. Cette histoire nous la regardons en face, avec ses ombres et ses lumières.

Dans son discours du 20 septembre 2021, le Président de la République a prolongé le chemin de reconnaissance ouvert par Jacques Chirac et suivi par tous les présidents depuis. Il a renouvelé la reconnaissance des manquements de la France et rappelé les singularités de cette tragédie française. Il a souhaité aussi aller plus loin dans la reconnaissance, la réparation et la transmission mémorielle, en les inscrivant dans le marbre de la loi. Ce projet de loi en est la traduction.

C'est un projet de loi grave, pour tous ceux qui ont subi la guerre d'Algérie et pour la mémoire nationale. Les harkis, leurs enfants, leurs ayants droit attendent nos discussions.

Nous entendons les espérances et la soif de reconnaissance. Nous les avons entendues dans les instances des anciens combattants, dans le rapport Ceaux de 2017, au cours de nos déplacements et lors des cérémonies.

Ce projet de loi s'inscrit dans le temps du pardon ouvert par le chef de l'État. Sachons reconnaître cette page sombre de notre histoire : la France a tourné le dos à ses valeureux et loyaux combattants et n'a pas été fidèle à son histoire et ses valeurs.

Par ce texte, la France leur renouvelle sa gratitude.

L'histoire des harkis est une tragédie : des hommes et des femmes, abandonnés sur leur terre natale et rapatriés dans l'Hexagone, déracinés.

Le 19 mars 1962 fut un tournant.

Mais la vérité est cruelle : la France a alors tergiversé pour les accueillir et leur ouvrir ses portes. Ce fut un temps de déchirement et de douloureux exil pour nombre de harkis, qui n'ont trouvé sur notre sol qu'hostilité et arbitraire. Ce fut le temps des meurtrissures.

Près de la moitié des 90 000 personnes arrivées a été reléguée dans des camps et des hameaux de forestage, dans des conditions de vie particulièrement indignes -  barbelés, froid, carences alimentaires, promiscuité, brimades, abus, détournement de prestations. C'était en France, c'était hier.

Et en laissant plusieurs milliers d'enfants sans instruction, la France n'a pas été au rendez-vous de sa promesse républicaine.

Ces lieux furent des lieux de bannissement qui ont meurtri, traumatisé et parfois tué.

Sur la voie de la justice et de la réparation, l'État a mis en place des actions de mémoire et des mesures de réparation, intensifiées depuis 2017. Sur la recommandation du rapport Ceaux, nous avons créé un dispositif de soutien pour la deuxième génération et augmenté les allocations de reconnaissance et viagères.

Depuis le 1er janvier, nous avons franchi une nouvelle étape avec le doublement des allocations, à près de 8 400 euros par combattant ou par veuve. C'est le signe tangible de la reconnaissance de la Nation.

Par ce projet de loi, la République couronne l'édifice de réparation.

L'article premier réaffirme la gratitude de la Nation envers tous les combattants qui ont servi la France entre 1954 et 1962. Pour la première fois, la France reconnaît sa responsabilité dans l'accueil indigne des harkis, moghaznis et autres supplétifs.

Nous ancrons dans la loi la journée nationale du 25 septembre et nous l'enrichissons d'un hommage à ceux, officiers, particuliers, maires, qui ont aidé des harkis sur le plan moral et matériel. Ils ont fait honneur à la France.

Ce projet de loi précise le périmètre de la réparation des préjudices subis. Sont éligibles les harkis et leurs familles ayant séjourné dans des lieux, camps et hameaux de forestage notamment, dont les conditions étaient indignes et contrevenaient à nos principes républicains. La réparation prend la forme d'une indemnisation forfaitaire et individualisée selon la durée du séjour dans les structures concernées, exonérée d'impôt.

Le texte instaure une commission nationale de reconnaissance et de réparation, qui statuera après instruction par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Elle mènera également une mission mémorielle pour recueillir, conserver et transmettre la mémoire des harkis.

Enfin ce projet de loi actualise et renforce des dispositifs préexistants. Il supprime les forclusions de rentes viagères, en permettant au conjoint survivant d'en bénéficier même sans avoir soumis de demande durant le délai légal.

L'accès à l'allocation viagère est étendu aux personnes vivant dans l'Union européenne et aux veuves des personnes « assimilées » aux membres des formations supplétives.

Il n'est pas de meilleure reconnaissance que la connaissance. Ainsi la transmission est prioritaire. L'histoire des harkis est trop méconnue par les Français. Nous devons favoriser son enseignement.

Le souvenir des harkis est rappelé sur les sites où ils ont vécu. Je pense notamment au travail fait sur les cimetières. La maison de l'histoire et des mémoires d'Ongles est soutenue par le ministère des Armées.

Un important travail d'archives est mené. Les expositions réalisées par l'ONACVG sont une pièce maîtresse de cette transmission mémorielle.

Je connais l'attachement du Sénat au monde combattant et aux enjeux de mémoire.

Ce projet de loi vous donne toute latitude pour renouveler l'hommage aux harkis et débuter un nouveau chemin de réparation. Nous sommes ensemble sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) « Aux combattants, à ces hommes, à ces femmes, j'exprime la reconnaissance de la Nation. C'est une question de dignité et de fidélité. La République ne laissera pas l'injure raviver les douleurs du passé. Elle ne laissera pas l'abandon s'ajouter au sacrifice. Elle ne laissera pas l'oubli recouvrir la mort et la souffrance. » Par ces mots, le président Chirac reconnaissait la responsabilité de la Nation dans le sort réservé aux harkis.

J'ai reçu de nombreux témoignages poignants, bouleversants. L'histoire des harkis est celle de la France, qui a pu compter sur des milliers de supplétifs d'origine algérienne aux côtés de son armée, à l'instar des gardes champêtres et auxiliaires médico-sociaux.

À la fin de la guerre, le plan général de rapatriement du Gouvernement ne permet de rapatrier qu'une partie des supplétifs. Nombre de ceux restés en Algérie, considérés comme des traîtres, sont victimes d'exaction et assassinés malgré les engagements du FLN.

Sur 82 000 rapatriés, 42 000 ont été accueillis dans des camps de transit et hameaux de forestage, où les conditions de vie étaient indignes et précaires, contraires aux lois et valeurs de la République : promiscuité, privations, brimades, déscolarisation des enfants, restrictions de circulation. Ces souffrances ont entraîné des traumatismes durables.

Le 6 août 1975 ces lieux ont fait l'objet d'une fermeture administrative, à la suite d'une révolte des enfants de harkis. Pourtant certaines familles y sont restées des décennies, notamment au camp de Bias.

Depuis, de nombreuses mesures d'aide, de reconnaissance et d'indemnisation ont bénéficié à des milliers d'anciens harkis et à leurs familles, en complément de l'aide sociale de droit commun.

En parallèle, les présidents Chirac, Sarkozy et Hollande ont successivement rendu hommage aux harkis et reconnu que la République les avait abandonnés. Le 20 septembre dernier, le Président Macron a présenté une demande de pardon au nom de la Nation, qui trouve sa concrétisation dans le présent projet de loi.

La reconnaissance de la Nation est exprimée à l'article premier. Elle l'avait déjà été par la loi en 1994 et 2005. Elle est complétée à l'article premier bis par l'inscription dans la loi de la journée d'hommage du 25 septembre.

L'article premier reconnaît aussi la responsabilité de l'État dans les conditions d'accueil des harkis. L'article 2 en tire les conséquences, en prévoyant une réparation financière pour ceux qui ont transité par un camp ou hameau entre 1962 et 1975. Seule la preuve du séjour sera demandée, le préjudice étant présumé. Il s'agira d'une somme forfaitaire, d'un maximum de 15 000 euros, soit la somme à laquelle le Conseil d'État a condamné l'État en 2018 pour un préjudice comparable.

La liste des structures concernées devrait être identique à celle du fonds de solidarité envers les enfants de harkis créé fin 2018.

Des lieux de toutes natures seront retenus, comme des prisons reconverties en lieu d'accueil.

Les 40 000 rapatriés ayant séjourné dans des cités urbaines, précaires mais moins attentatoires aux libertés et droits fondamentaux, ne sont en revanche pas concernés par cette réparation. Une telle extension créerait une rupture d'égalité. Pour autant, ceux qui y ont été orientés après un passage en camp seront indemnisés à ce titre.

Les demandes de réparation seront soumises à une commission de reconnaissance et de réparation, créée par l'article 3, également chargée de recueillir et de transmettre la mémoire des harkis. La tragédie de ces citoyens français et de leurs familles doit être connue de tous.

Cette commission aura un rôle majeur ; la commission des affaires sociales a donc renforcé les garanties de son indépendance.

La levée des délais de forclusion de rentes viagères est très attendue. La commission proposera, en accord avec le Gouvernement, d'étendre de quatre à six ans la période au titre de laquelle les veuves pourront solliciter les arrérages de l'allocation.

Si ce projet de loi comporte des avancées importantes, il a néanmoins un goût d'inachevé. D'une part, une somme de 15 000 euros n'est pas à la hauteur des souffrances endurées. D'autre part, il porte sur un préjudice bien spécifique subi par une partie des harkis, et n'apaisera donc pas totalement la communauté harki. « La douleur est énorme et si irrépressible qu'il est impossible de la combler », a dit l'historien Gilles Manceron, que j'ai auditionné.

C'est pourquoi la commission considère que ce projet de loi ne saurait en aucun cas constituer un solde de tout compte. La réflexion doit se poursuivre.

La commission considère qu'adopter ce projet de loi réaffirme la reconnaissance de la Nation envers les harkis et règle une partie de la dette d'honneur, je dis bien une partie, qu'elle doit à ces citoyens français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il y a bientôt soixante ans, après huit ans de conflit, la guerre d'Algérie prenait fin, ayant fait des centaines de milliers de morts. Les destins des populations s'étaient mêlés, et le conflit a revêtu une dimension de guerre civile. Des Algériens avaient pris fait et cause pour la France, les harkis, les moghaznis et les supplétifs, au péril de leur vie, comme les soldats de la métropole mais sans le même statut.

Hélas, leur souffrance ne s'est pas arrêtée avec la fin des combats. Une fois le cessez-le-feu signé, des dizaines de milliers de personnes ont été torturées et assassinées en Algérie. Je veux saluer leur mémoire, il ne faut pas les oublier.

Parmi les 82 000 rapatriés, certains ont connu un sort douloureux, dans des camps d'internement ou des hameaux de forestage, voire des prisons reconverties pour l'occasion. La France les a abandonnés. Elle a manqué à son devoir.

L'objectif de ce projet de loi est double. Tout d'abord, inscrire dans la loi la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont servi la France et reconnaître le préjudice subi. Cette reconnaissance, qui fait suite aux déclarations des présidents de la République successifs, est importante pour les personnes concernées et pour le travail de mémoire.

Ensuite, réparer le préjudice subi. La douleur et le temps perdu se convertissent mal en somme d'argent. Les réparations sont toujours imparfaites et n'ont pas le pouvoir d'effacer la souffrance. Elles ont néanmoins le mérite d'exister. Les montants ne sont pas dérisoires et seront exonérés d'impôt.

Le dispositif prévu présente l'avantage de la simplicité, avec une indemnisation fonction du temps passé dans les structures indignes. Le préjudice sera présumé. Cela dispensera les quelque 50 000 bénéficiaires potentiels de démontrer la réalité d'un préjudice subi il y a un demi-siècle.

Le projet de loi modifie les modalités d'attribution de l'allocation viagère. C'est une mesure de justice pour les 200 personnes qui restent concernées, ce dont nous nous félicitons.

Nous nous réjouissons aussi de la création d'une commission ad hoc au sein de l'ONACVG, chargée de faire évoluer le cas échéant la liste des structures d'accueil donnant droit à indemnisation.

Il faut regarder le passé en face. C'est la grandeur de la République que de reconnaître ses erreurs, tous les pays ne font pas preuve de la même hauteur de vue.

Je salue la rapporteure pour son excellent travail.

Le groupe INDEP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains, UC et du RDPI)

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à notre rapporteur pour son travail consciencieux.

Comment ne pas penser à ces femmes et hommes qui nous écoutent, attendent et espèrent. Ils n'ont rien oublié de l'indépendance de l'Algérie, ce moment qui a fait basculer un siècle d'histoire.

Alors que le manichéisme n'a aucune place dans ce débat, il faut parler de la responsabilité de la France dans ce qui fut un drame français. Les harkis ont toujours cru en la France. Des bords de la Marne au mont Cassin, le sang versé par les Algériens a souvent fait basculer le destin de notre pays.

Ne rien oublier, c'est rappeler le courage qu'il fallut pour faire le choix de la France. C'est prendre conscience des conditions d'arrivée dramatique d'un million de femmes, d'hommes et d'enfants contraints à un exil douloureux et sans retour.

À ce moment-là, la France aurait pu les aider à soulager les vicissitudes de leur arrivée. Élue du Lot-et-Garonne, où se trouve le camp de Bias, je sais le contraste entre ce confinement au long cours dans des lieux précaires, honteux et misérables, et le confort moderne des Trente Glorieuses.

Réparons, malgré le temps passé, les erreurs commises. Il y va de notre honneur, alors que les harkis n'ont pas pu s'insérer dans notre société.

Certes, la France a mis en place des régimes d'indemnisation, aidé les veuves et les enfants de harkis. Cependant, dans le symbole comme dans la rétribution financière, le compte n'y est pas.

Donner plus à ceux qui ont moins pour compenser le déterminisme, n'est-ce pas là, l'idéal républicain ?

Ce texte est une pierre importante dans l'oeuvre de réparation.

Je regrette toutefois qu'il ne s'adresse pas à toutes les victimes, notamment celles arrivées sur le sol métropolitain par leurs propres moyens. Ne créons pas une injustice pour en réparer une autre.

Ce projet de loi, qui rouvre un chapitre douloureux de notre histoire, ne saurait en constituer l'épilogue. Le Président de la République a demandé pardon aux combattants abandonnés. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de ce que nous impose la vérité ?

Il est bien tard pour porter un intérêt réel, sincère et dénué de tout électoralisme au crépuscule du quinquennat. Pourquoi ne pas avoir agi en début de législature ?

Les nombreuses auditions menées au Sénat comme les discussions que j'ai eues en Lot-et-Garonne nous montrent qu'il faut poursuivre notre devoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n'oublierons pas. Je demande pardon. La France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants. » Ce sont les mots du Président de la République en septembre dernier.

En 2018 le Conseil d'État avait déjà condamné l'État à indemniser un fils de harki en réparation du préjudice subi.

Les derniers débats ici même sur le massacre d'octobre 1961 ont montré combien les blessures de la guerre d'Algérie perdurent.

Demandé par les associations de harkis, ce projet de loi ne répond pas à leur attente. Espoir suscité par les discours, déception suscitée par le texte : oserais-je dire que j'y ai reconnu la patte du Président de la République.

Nombre d'associations, dont je salue la présence en tribunes, regrettent le manque de concertation et critiquent une écriture bâclée.

Comment expliquer que la reconnaissance n'est pas étendue à l'ensemble des harkis, qu'ils aient vécu dans des camps, des hameaux ou ailleurs ? Les conditions indignes de leur accueil dans ces structures sont bien sûr majeures, mais on ne peut limiter le problème à l'accueil dans ces seules structures. Les conditions de vie des 40 000 harkis dans les cités urbaines n'étaient pas toujours plus confortables, même s'ils étaient alors libres de circuler, contrairement aux premiers.

Ces réparations sont une avancée majeure, mais les montants ne sont pas à la hauteur pour compenser les pertes de chance de toute une génération. Toutefois, elles se différencient des allocations, qui ne se basaient que sur une solidarité sociale et non sur une compensation liée au comportement défaillant de l'État. Il faudra veiller à écarter toute fongibilité entre solidarité nationale et réparation.

C'est pourquoi je salue la position de la commission, selon laquelle il ne s'agit pas d'un solde de tout compte. Mais comment bonifier ce texte, vu que nos amendements sur la durée de réparation, son élargissement et même la création d'une fondation mémorielle, sont irrecevables pour raisons financières ? Le Gouvernement peut les reprendre, et puisqu'il le peut, il le doit. Nous demandons la création d'une commission indépendante pour élaborer des solutions plus justes.

Oui, ce texte est incomplet et doit être modifié. Nous le ferons ensemble et je demande au Gouvernement de nous y aider ; nous le devons bien aux harkis et à leurs enfants et petits-enfants. À l'heure où la réécriture de l'histoire et les révisionnismes gomment le travail des historiens, il est judicieux de soutenir ce texte.

Ce projet de loi doit permettre de reconnaître enfin les souffrances infligées aux harkis, mais ce ne doit pas être à contrecoeur. Nous soutiendrons ce texte s'il est amélioré. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Michelle Gréaume .  - À la veille du soixantième anniversaire des accords d'Évian, le Président de la République a voulu avancer sur la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la colonisation et la guerre d'Algérie.

En abandonnant les harkis et leurs familles en Algérie, le gouvernement de l'époque a trahi la parole donnée et les a condamnés à des représailles sanglantes. Selon l'ONACVG, de 80 à 90 000 personnes se sont réfugiées en France à partir de mars 1962.

Ce texte reconnaît la responsabilité de la Nation pour leurs conditions d'accueil et de vie inhumaines et les atteintes aux libertés dans les camps d'accueil et les hameaux de forestage. Aux privations de liberté et à la précarité des conditions de vie se sont ajoutés les violences, les humiliations et le racisme.

Réparer le préjudice subi est un progrès mais nous restons au milieu du gué. En effet, la réparation se limite aux 42 000 personnes passées par les camps de transit et de reclassement, excluant celles qui ont été placées dans les cités urbaines ou sont venues par leurs propres moyens. Elle exclut aussi les personnes qui ont demeuré dans ces structures après le 31 décembre 1975. Nous proposerons un amendement pour supprimer cette barrière.

Enfin, une simple somme forfaitaire ne tient pas compte de certaines circonstances personnelles. La réparation pour les personnes décédées devrait être plus importante.

Au total, 40 à 50 000 personnes restent exclues de toute réparation. C'est un vrai problème, alors que nous parlons de réconciliation et de reconnaissance.

En matière de mémoire, la reconnaissance dépasse la repentance et le dédommagement financier et exige un travail de mémoire, en Algérie comme en France. Si la mémoire divise, l'Histoire peut rassembler, comme le dit Pierre Nora.

Le rapport Stora préconise la création d'une commission « Mémoire et Vérité » chargée d'impulser des initiatives communes entre la France et l'Algérie. Pour cela, la France doit reconnaître sa responsabilité dans le massacre de Sétif le 8 mai 1945, l'assassinat de Maurice Audin en 1957, mais aussi les assassinats parisiens du 17 octobre 1961.

M. Philippe Tabarot.  - Et le 5 juillet 1962 ?

Mme Michelle Gréaume.  - La France et les pays du Maghreb ont un rôle irremplaçable dans l'avenir du bassin méditerranéen. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; Mme Esther Benbassa et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue la qualité du travail de Marie-Pierre Richer sur un sujet passionnant mais complexe. Cette page de l'histoire est tragique : des dizaines de milliers de harkis, considérés comme des traîtres, furent massacrés sur le sol algérien. Parmi les 82 000 ayant réussi à gagner la France, 42 000 ont connu des conditions d'hébergement indignes dans des camps de transit et des hameaux de forestage.

Ce projet de loi s'inscrit donc dans une démarche de réparation des préjudices subis. Pour les sénateurs de l'UC, il est primordial de reconnaître cette faute de la France et de rendre hommage à l'engagement des harkis durant la guerre d'Algérie.

La responsabilité de l'État envers les harkis a pris corps ces dernières décennies : aide sociale à la réinstallation, indemnisation des biens perdus en Algérie, aide au désendettement. Au 1er janvier 2017, l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère des conjoints ont été revalorisées.

Ce texte instaure de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation et pose le principe de la responsabilité de la France. Le Gouvernement estime le nombre de bénéficiaires à 50 000, pour un coût de 302 millions d'euros. L'indemnisation ne sera pas fiscalisée.

Je salue la création d'une commission nationale de reconnaissance, qui aura un rôle de pilotage dans les demandes de réparation. Mais un sentiment d'abandon pèse toujours sur le coeur des survivants et des descendants des harkis.

En aucun cas ces mesures ne sauraient constituer un solde de tout compte. Pour autant, nous ne pouvons dire que rien n'a été fait : de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, la parole présidentielle a exprimé la reconnaissance de la République envers les harkis.

Aucune indemnité financière ne refermera les plaies : après plus de soixante ans, peut-on encore réparer l'irréparable ? Malgré le retard accumulé, ce texte est une avancée. Il faut continuer le combat : l'UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il a fallu du temps, sans doute trop, pour que la France reconnaisse ses responsabilités dans l'abandon des harkis. Pour avoir servi la France, ils eurent le choix entre la mort et l'exil.

Dans ces conditions, ils n'ont pas hésité à franchir la Méditerranée. Quelle déception ! La terre promise ne s'est pas révélée aussi accueillante qu'espéré. Pour 42 000 d'entre eux, le passage dans des camps de transit, de reclassement ou hameaux de forestage, synonymes de privation de liberté et brimades, a constitué une véritable relégation, au mépris du principe de fraternité.

Notre pays, patrie des droits de l'Homme, a raté le rendez-vous de la compassion à l'égard de ceux qui croyaient en elle. À Bias ou dans le Larzac, peut-on comprendre que des enfants aient connu la France des barbelés avant celle des libertés ?

Diverses mesures sociales ont aidé certains à s'en sortir, mais le compte n'y est pas, comme l'a rappelé le Conseil d'État en 2018.

Aussi l'engagement du Président de la République prononcé le 20 septembre dernier permettra-t-il certaines réparations. Mon groupe approuve ce dispositif, tout comme les articles portant sur la reconnaissance de la Nation ou encore l'allocation viagère.

Cependant, ce n'est pas un solde de tout compte. Une majorité du RDSE aurait souhaité étendre le bénéfice du dispositif de réparation à tous les harkis, qu'ils aient été logés en structure fermée ou ouverte, car tous ont souffert de discriminations. André Guiol a déposé un amendement en ce sens, relayant le voeu de la communauté harki de ne pas être divisée.

Avec ce texte, nous aurions pu aussi régler le sort des 25 supplétifs civils de droit commun.

Le RDSE approuvera ce projet de loi qui concrétise la demande de pardon formulée par le Président de la République. Il est temps de panser les fêlures du passé pour laisser place à une seule communauté de destins.

Mon frère a fait son service militaire à Rodez, dans l'Aveyron. Avec ses collègues, il accueillait les harkis arrivant en gare de Millau et les conduisait dans le camp du Larzac, dans le froid ; il en conservait un souvenir poignant. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nicole Duranton et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

Mme Esther Benbassa .  - Albert Camus, dans ses Carnets, écrivait : « J'erre parmi des débris, je suis sans loi, écartelé, seul et acceptant de l'être. (...) Je dois reconstruire une vérité, après avoir vécu toute ma vie dans une sorte de mensonge. » C'est précisément ce que ressentent les harkis et leurs descendants, témoins et victimes d'une histoire coloniale douloureuse.

Ils ont été abandonnés par la France sur le sol algérien. Ceux que l'État a rapatriés furent entassés dans des camps d'accueil et des hameaux de forestage insalubres, sans eau chaude ni électricité. Les témoignages sont glaçants. Ces conditions de vie ont eu de graves conséquences sur l'état physique et psychique de ces personnes. Les dommages matériels et moraux sont irréversibles.

Le temps du silence et de la honte est révolu. Emmanuel Macron, le 25 septembre 2021, a déclaré que la République avait contracté à leur égard une dette : il faut l'honorer. Le devoir de réparation s'impose.

Le texte exclut toutefois le sort des harkis restés en Algérie, qui y ont vécu l'infamie et la persécution : ils ne sauraient être oubliés.

En dehors de la réparation pécuniaire, la reconnaissance solennelle des préjudices subis est un tournant mémoriel. Reconnaître ses torts, demander pardon ne suffit plus, il faut assumer pleinement ses actes. Pour ceux qui ont tout perdu pour la France, arrive le temps de la vérité et de la cicatrisation.

Ce texte est un premier pas. Je regrette que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je tiens d'abord à saluer les représentants des associations de harkis, présentes en tribunes, pour les éclairages qu'ils ont donnés en commission. Je remercie aussi les collègues pour leur participation à ce texte, en particulier Mme la rapporteure.

Ce texte reconnaît, il faut s'en féliciter, la responsabilité de l'État français dans l'indignité des conditions d'accueil des anciens supplétifs et de leurs familles, hébergés dans des structures fermées. François Hollande avait pour la première fois reconnu en 2016 la responsabilité du gouvernement français dans le massacre des harkis restés en Algérie et leurs conditions d'accueil inhumaines en France.

Soixante ans après la fin de la guerre, les plaies restent vives et les mémoires troublées. Il faut regarder notre histoire de manière lucide. L'histoire des harkis est celle de la France. Le terme de « supplétifs » les rabaisse à un rôle d'auxiliaire, alors que leur action a souvent été essentielle.

Cette histoire est aussi celle d'un abandon : à la fin de la guerre, le gouvernement français ordonne de désarmer les harkis, en n'en rapatriant que certains. Ils seront victimes d'exactions et de massacres sur le sol algérien.

Mais l'abandon a aussi eu lieu sur le sol français, alors que beaucoup ont été rapatriés par des officiers français agissant contre leurs ordres, en hommes d'honneur.

Plus de la moitié furent relégués dans des camps et hameaux de forestage isolés, soumis à couvre-feu et au contrôle des déplacements, avec un manque de scolarisation pour les enfants. Exilés, marginalisés, oubliés, ils ont souffert de traumatismes durables.

En ne reconnaissant que le préjudice subi par ceux qui ont séjourné dans ces camps, ce projet de loi est incomplet. Il oublie les 40 000 personnes logées en cité urbaine. En outre, le montant forfaitaire proposé n'est pas à la hauteur : il reconnaît un préjudice sans culpabilité. La réparation doit être individuelle et se fonder sur ce que chacun a subi.

Enfin, sur le volet mémoriel, je salue le travail remarquable effectué par l'ONACVG, mais il faut aller plus loin, accélérer le recueil de mémoire, faire vivre cette mémoire commune.

Ce texte est une avancée, mais il ne doit pas rester purement déclaratif. Nous proposons des amendements, même si beaucoup ont été déclarés irrecevables ou ont été rejetés en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je ne vous cache pas mon émotion alors que notre Haute assemblée va contribuer à écrire un nouveau chapitre de notre Histoire. Ma meilleure amie est fille de harki. Née dans le camp de Rivesaltes, où elle a connu la douleur, sa plaie ne s'est jamais refermée. Je salue les représentants des associations présents en tribune.

Harkis, moghaznis et autres supplétifs et assimilés ont été abandonnés en Algérie ou exilés en métropole où ils ont été relégués dans des cités, des camps ou des hameaux de forestage, où leur séjour a été rythmé par les privations, le rationnement, le froid, l'arbitraire et le racisme, au mépris des valeurs de la République.

Ces souffrances se sont transformées en des traumatismes durables, difficiles à apaiser.

C'est pourquoi le 20 septembre 2021, Emmanuel Macron a demandé pardon au nom de la France. Pour réparer cette faute de l'État, le Président de la République a reconnu la nécessité d'inscrire dans le marbre de la loi la responsabilité de l'État, d'indemniser et de rendre justice. Les articles premier et 2 créent un mécanisme de réparation du préjudice subi dans les structures visées.

Ce fait générateur permet de suivre la jurisprudence du Conseil d'État pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité.

La Commission nationale de reconnaissance et de réparation, prévue à l'article 3, pourra dresser la liste des lieux dans lesquels avoir séjourné permettra d'obtenir réparation.

En recueillant les nouveaux témoignages, elle pourra aider à transmettre aux jeunes générations les mémoires les plus précises possibles.

Enfin, c'est un véritable soulagement de constater que l'article 7 supprime les irritants concernant l'allocation viagère.

Madame la rapporteure, notre groupe vous félicite. Votre amendement précisant que la responsabilité de l'État portera sur des structures de toute nature inclut certaines prisons encore mal identifiées.

Notre groupe RDPI a amélioré en commission la commission nationale de reconnaissance et de réparation. L'ONACVG pourra ainsi solliciter la communication des renseignements utiles à l'exercice de sa mission auprès de toute institution.

Le RDPI vous propose de voter deux amendements, pour définir la composition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, afin qu'elle conserve son indépendance, et pour permettre à certains combattants d'avoir un accès prioritaire à cette commission.

Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement inlassable. C'est grâce à vous que les allocations viagères ont été doublées.

Maintenons la flamme de l'espoir et de la mémoire. Voilà le chemin vers la réconciliation et un avenir meilleur. Nous voterons ce texte. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Gravité et émotion... Voilà mes sentiments en abordant l'examen de ce texte. Nous allons refermer une page de notre histoire.

Abandon, massacre, déracinement, discrimination, misère sociale : cette vérité doit être dite, ainsi que la dette immense de la France à l'égard des harkis et de leurs familles. Parce qu'ils avaient servi le drapeau français, ils furent victimes de représailles après le cessez-le-feu. Pour éviter les exécutions par des terroristes du FLN, comme les connurent 100 000 de leurs compatriotes, ils furent contraints à un exil précipité. En Algérie, la France a abandonné une partie de ses propres soldats.

En métropole, sans ressources ni attaches, ils furent accueillis dans des conditions indignes. La France les a abandonnés.

Ce texte répare l'une des plus grandes injustices du XXe siècle. Je veux croire que le Président de la République se repent aujourd'hui des propos ignobles prononcés en 2017 à Alger (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), quand il a qualifié la présence française en Algérie de crime contre l'humanité.

Ce texte cristallise néanmoins beaucoup de déceptions. La moitié des harkis sera exclue de la reconnaissance, ceux qui auront eu le tort de ne pas vivre entourés de barbelés. Vous créez ainsi une défiance. Ce texte est incomplet : rien sur la reconnaissance de la qualité de Français pour les harkis, rien sur la responsabilité de la France, rien sur l'instauration d'une sanction pénale en cas de diffamation, rien sur l'abrogation de la date du 19 mars, rien sur la Cité des mimosas à Cannes. C'était la valise ou le cercueil.

Le sort des harkis est aussi lié à celui des pieds-noirs.

Au moment où, soixante ans plus tard, des extrémistes se détournent de notre pays en s'appuyant sur une logique victimaire, comment ne pas ériger en héros ces musulmans qui ont combattu pour la France ?

Un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire. Ce texte doit oeuvrer pour une complète réparation, pour tous ceux qui ont défendu notre pays avec leur coeur et avec leur sang.

J'en appelle à votre sens du devoir. Les harkis, qui ne demandent pas la charité, ne doivent pas subir une énième trahison. Tout doit commencer par la vérité. Tout doit finir par la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie Mme Richer pour son écoute et son sens du consensus. Mes premiers mots iront aux harkis, à tous les blessés et aux morts. Je leur rends à tous hommage.

Les auditions à l'Assemblée nationale et au Sénat ont fait ressurgir les témoignages et les souvenirs. Moi, fille de pied-noir, je suis restée muette face à la douleur et à la blessure de l'histoire. Le cessez-le-feu n'en fut pas un. Les accords de paix furent ceux d'une paix bâclée. Au plus haut sommet de l'État, c'était la peur de revivre l'Indochine, de s'enliser dans une guerre interminable. La France a été lâche, elle a abandonné ses citoyens, ce qui a conduit aux pires massacres. Puis les harkis ont été une seconde fois oubliés et abandonnés, pendant presque soixante ans.

Les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron ont eu des mots forts, car ils savaient que les harkis n'accepteraient pas un énième abandon. Ce texte donne une chance à l'État de sortir d'un silence sournois. Cette réparation est une réparation par la France pour la France. L'injure aux harkis et une injure à la Nation. Il faut enfin déclassifier les archives. Toute la lumière doit être faite sur les préjudices subis.

Cette loi si tardive vient aussi trop tôt. C'est la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui semble avoir imposé son tempo au président Macron qui se décrivait comme le maître des horloges.

La loi peut paraître froide, mais elle n'est pas une fin en soi. Le chemin ne s'arrête pas là. Chaque année, désormais, le 25 septembre, les harkis seront honorés.

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce projet de loi doit répondre aux aspirations des harkis et de leurs familles, eux qui ont servi dans les forces armées françaises. Ils furent 200 000. Nous leur devons toute notre reconnaissance.

Mais après le cessez-le-feu, les promesses de protection et de citoyenneté françaises n'ont pas été tenues. Ils ne furent ni protégés ni rapatriés, mais abandonnés à leur triste sort. Nos militaires, au nom de la fraternité d'armes, ont permis le rapatriement de près de 90 000 soldats harkis avec leurs familles. Mais la moitié d'entre eux fut condamnée aux camps. Des enfants sont morts de froid et de faim. D'autres furent déscolarisés. Des femmes furent violentées et parfois même violées. L'horreur dura treize longues années.

Les autres harkis vécurent un enfermement social. Il fallut attendre douze ans pour qu'ils obtiennent le statut d'anciens combattants.

Nos présidents de la République ont reconnu les douleurs. Les associations de harkis attendaient beaucoup de ce projet de loi, né de la volonté présidentielle. Mais elles sont déçues, parfois en colère. Tant de dispositions manquent...

D'abord, les 90 000 harkis et leurs familles doivent être reconnus dans leur ensemble.

Le groupe SER demande que la qualité de Français figure dès l'article premier. De plus, ce texte ne saurait être voté pour solde de tout compte, or c'est ce que semble signifier la réparation forfaitaire.

Nous appelons à l'humanité et à l'écoute. Madame la ministre, saisissez la main tendue du Sénat en retenant nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec beaucoup d'émotion et de gravité que nous abordons ce texte. Cette reconnaissance de la Nation découle du processus engagé en 2001 par Jacques Chirac. À la veille d'une élection, je me refuse à voir dans ce texte une tentative de récupération...

En croisant le regard embué d'un ancien combattant, on comprend combien la paix est précieuse.

Plusieurs dizaines de milliers de harkis ont été assassinés en Algérie. Comment ne pas leur rendre hommage ? La République n'a pas été à la hauteur : 90 000 harkis ont été rapatriés, dont 40 000 ont vécu violences et brimades dans des camps. Rien ne pourra jamais réparer cela. Mais nous reconnaissons les grandes nations à leur faculté à regarder leur histoire droit dans les yeux.

Dans cet hémicycle, nous déplorons le communautarisme, mais il faut reconnaître que notre pays a manqué de fraternité à l'égard de ces rapatriés. Ils ont développé tant de solidarité entre eux, comment le leur reprocher ? Je regrette que le présent projet de loi divise aujourd'hui cette communauté. Certes, il a été déposé précipitamment, mais je le voterai dans un esprit de responsabilité à la condition que mon amendement à l'article 3 soit adopté.

J'espère que nos amendements seront acceptés, notamment au regard des garanties apportées à la Commission nationale de reconnaissance et de réparation. Cette page douloureuse sera difficile à refermer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Émilienne Poumirol .  - L'article premier prévoit la reconnaissance des harkis et des participants aux forces supplétives par la France. Nous le saluons.

Un amendement de la rapporteure précise la notion de structure. Néanmoins, la reconnaissance de l'État devrait s'étendre à l'ensemble des harkis, à toutes les familles, venues en France même hors rapatriement militaire. Un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminante seront sources d'apaisement.

M. Hussein Bourgi .  - L'article premier reconnaît les préjudices subis par les harkis. Leur patriotisme aura été mal récompensé par la mère patrie qui les a abandonnés. Je rencontre les harkis depuis trente ans, et j'ai entendu le sentiment d'injustice qu'ils portent en bandoulière, à la place des armes dont on les a privés. J'ai écouté le silence assourdissant de ces hommes et femmes qui ne voulaient plus évoquer les exactions et les humiliations. Leur histoire, c'est la nôtre. Longtemps, à Lodève, à Avène, à Rivesaltes, ils ont été relégués dans des camps et des hameaux de forestage.

Dans les mémoires aussi, ils ont été relégués bien loin.

Nous sommes favorables à votre démarche, madame la ministre, mais pas à n'importe quel prix : ne divisons pas ! Il ne faut ni mégoter ni barguigner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Paccaud .  - Dans l'histoire de France, il y a des heures glorieuses. Il y a aussi des pages sombres, comme la guerre d'Algérie. Les plaies ne sont pas cicatrisées. Ces « tristes événements » ne sont pas si lointains. Rien n'était simple, certes, mais l'Algérie fut un récif tranchant.

Le mouvement de la décolonisation fut puissant, mais le sort réservé aux harkis n'est à l'honneur ni de la France ni de l'Algérie. Pourchassés d'un côté, abandonnés de l'autre, ils périrent par milliers. Injustement oubliés, les harkis méritent l'hommage de toute la France, qui est leur pays. Il faut rendre aux harkis ce que la France leur doit.

Ce texte est une avancée perfectible. Nous voulons pouvoir regarder nos fils harkis droit dans les yeux. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Valérie Boyer .  - Nous sommes tous d'accord pour dire que nous parlons d'un drame français.

Nous voulons que la France reconnaisse le droit d'être Français à tous les anciens combattants. Notre pays sait ce qu'il leur doit.

Si l'on veut savoir ce qu'est l'identité nationale, écoutons les harkis : être Français, c'est choisir la France et l'aimer par-dessus tout.

Pour construire une mémoire sereine et apaisée, il faut être deux : il nous faut justice et vérité des deux côtés de la Méditerranée. Le discours du Président de la République a été bien accueilli, mais le texte d'aujourd'hui a déçu. La fidélité des harkis a été trahie. Il n'y aura pas de reconnaissance des harkis tant que la France célébrera les tragiques accords d'Évian (murmures désapprobateurs sur les travées du groupe SER) qui marquent le début de leur drame.

Je me souviens des mots d'un maire de Marseille, ministre de l'Intérieur, qui invitait les harkis à se réadapter ailleurs. (Protestations sur les mêmes travées)

Nous porterons des amendements pour apporter à ce texte un supplément d'âme, pour que notre pays retrouve ses valeurs et son histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Notre pays a abandonné les harkis. Reconnaissons la responsabilité de l'accueil indigne que nous leur avons réservé. Ils ont été placés dans des structures fermées. Le projet de loi n'inclut pas les 40 000 rapatriés n'y ayant pas séjourné. Or tout le monde devrait être indemnisé. Ceux qui ont été placés dans des structures urbaines n'avaient pas une vie confortable, même s'ils avaient le droit de circuler.

La distinction entre les structures fermées et la ville n'est pas totalement satisfaisante même si ce projet de loi est une étape dans la reconnaissance totale des harkis. Nous sommes tout de même favorables à cet article.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je voulais demander une réparation générale, sans séparation incompréhensible. Les situations sont diverses, certes. Mais dans le Loiret, dans la commune de Semoy, la cité de l'Herveline accueillait des harkis. Ils me disent qu'ils n'étaient pas reconnus, pas pris en considération. Conjointement avec le maire de la commune et les harkis du Loiret, je demande que la commission qui sera mise en place ait toute latitude pour examiner tous les dossiers, de telle manière que des personnes placées en situation d'isolement, que ce soit en camp d'accueil - appellation presque ironique -, en hameaux de forestage ou dans cette cité soient pleinement prises en considération, pour bénéficier des réparations.

Il ne faut pas que les critères retenus puissent être considérés comme arbitraires et la seule façon de ne pas l'être, c'est de prendre en compte toutes les situations.

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Après le mot :

assimilés

insérer les mots : 

citoyens français anciennement

M. Rachid Temal.  - Reconnaissons dans la loi que les harkis étaient des citoyens français.

C'est la moindre des choses quand on a été enrôlé dans l'armée ; l'ordonnance de 1962 le prévoyait d'ailleurs.

C'est une demande légitime, naturelle et assez simple.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.

Alinéa 1

Après le mot :

Algérie

insérer les mots :

en tant que citoyens français

Mme Valérie Boyer.  - Mon objectif est la dignité et la justice. Avant d'être harkis, ces personnes étaient des citoyens français : il faut l'écrire.

Par ailleurs, dans leur immense majorité, les anciens supplétifs réfugiés en France sont juridiquement redevenus Français par la procédure de la « déclaration recognitive » qui leur a été ouverte jusqu'en 1967 par l'ordonnance de juillet 1962.

L'ambition de ce projet de loi étant de « reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l'accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d'Algérie, sur son territoire après les accords d'Évian et de réparer les préjudices subis par ces personnes résultant de leurs conditions de vie, particulièrement précaires, dans les structures de transit et d'hébergement où ils ont été cantonnés », il convient de nommer les événements et les personnes impliquées afin de répondre à cet objectif.

Les harkis étaient des militaires français qui ont versé leur sang.

Tous les 25 septembre et tous les 5 décembre, je me rends aux commémorations. Mais une date unique serait bien plus satisfaisante.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Bourgi.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît que les Harkis étaient des citoyens français à part entière lorsqu'ils servaient et défendaient ses intérêts.

M. Hussein Bourgi.  - Lorsque les harkis se sont engagés, ils étaient des citoyens français à part entière. Ils ont perdu cette nationalité lors des accords d'Évian. Ils l'ont recouvrée progressivement grâce à l'ordonnance du 21 juillet 1961.

Cet épisode fâcheux a été vécu par les intéressés comme une marque d'indignité infligée par la mère patrie.

Plus récemment, certains m'ont dit l'avoir vécu comme une déchéance de nationalité, comme une infamie supplémentaire.

Il convient de proclamer dans la loi que les harkis étaient des citoyens français à part entière.

Au-delà de la réparation symbolique, il s'agit d'une réalité incontestable qu'il n'appartient à personne de contester.

Mme la présidente.  - Amendement n°31rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol, Mmes Demas et Devésa et M. Saury.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît que les harkis ont servi en Algérie en tant que citoyens français.

M. Philippe Tabarot.  - Cet amendement accorde la qualité de Français aux harkis.

À cette époque, les harkis étaient bel et bien Français, avant de perdre cette nationalité à la faveur des accords d'Évian, puis de la récupérer.

Non seulement les harkis ont fait le choix de la France, mais à l'époque, l'Algérie était française. Les harkis ont besoin de réparation, mais surtout de reconnaissance.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l'ordre donné par le Gouvernement français de ne pas rapatrier les harkis et leurs familles, conduisant de fait à leur abandon sur le territoire algérien, postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie. Elle reconnaît que cet abandon a conduit les populations de harkis et personnes anciennement de statut civil de droit local, exposées aux représailles de membres du Front de libération nationale, à un sort tragique et souvent fatal.

Mme Valérie Boyer.  - Dans le même esprit, cet amendement reconnaît l'abandon par la France des forces supplétives sur le sol algérien, qui a conduit à de nombreuses représailles envers les harkis et leurs familles. Plusieurs milliers d'entre eux ont été massacrés sur le sol algérien dans des conditions particulièrement cruelles. Le Président de la République, dans son discours du 20 septembre 2021, a évoqué le 19 mars 1962 comme « la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l'angoisse pour tant d'autres, le début du calvaire pour les harkis, la cruauté des représailles, l'exil ou la mort ». La valise ou le cercueil...

La France ne saurait accepter la responsabilité de massacres qu'elle n'a pas commis, mais elle doit reconnaître sa responsabilité dans l'abandon délibéré des harkis et des personnes anciennement de statut civil et de droit local, restés en Algérie, et de leurs familles. Car cet abandon a conduit à des massacres.

Il est important de voter cet amendement pour affirmer que si la France n'a pas commis ces atrocités, sa trahison doit être réparée.

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par Mme Devésa.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle reconnaît que les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie ont amené à l'abandon des harkis, pourtant citoyens français, entraînant des massacres sur le territoire algérien, des représailles ainsi que l'exil forcé de harkis.

Mme Brigitte Devésa.  - Nombre d'amendements ont la même teneur que celui-ci, qui vise à reconnaître la responsabilité de l'État français dans l'abandon des harkis et de leurs familles après les accords d'Évian du 19 mars 1962.

Le nôtre inscrit noir sur blanc dans ce texte de loi les deux mots, « citoyens français ».

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l'accueil attentatoire à la dignité humaine de ceux qui ont été relégués dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu'à des spoliations, à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles et aux libertés publiques qui ont été source d'exclusion, de souffrances et de traumatismes durables induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.

Mme Valérie Boyer.  - Cet amendement inclut dans le champ de la reconnaissance ici prévue les ayants droit des harkis qui ont subi une perte de chance due aux conditions de vie et à l'absence de scolarisation. Entre eux et les autres citoyens et enfants de la République, il y a eu rupture d'égalité.

Élargir la reconnaissance de la faute de la France à l'endroit de la deuxième génération passée par les camps, les hameaux de forestage et les foyers constituerait une avancée sans précédent, que le Président de la République a du reste souhaitée dans son discours de 2021.

Il s'agit également de reconnaître que ceux qui ont été relégués dans les structures d'hébergement ou de transit ont subi divers préjudices, de la privation de libertés à la spoliation de leurs biens.

Mme la présidente.  - Amendement n°53, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Après le mot :

responsabilité

insérer les mots :

dans l'abandon des harkis sur le sol algérien, la gestion aléatoire du rapatriement de certains d'entre eux et les conditions particulièrement inhumaines des harkis qui furent accueillis dans les structures dédiées sur le territoire français

M. Hussein Bourgi.  - Ce projet de loi reconnaît la responsabilité de la France : elle a abandonné les harkis qui vivaient sur le sol français.

Mais la responsabilité vis-à-vis de ceux qui sont restés sur le sol algérien est aussi importante ; leur sang a rougi le port d'Alger pendant plusieurs jours !

Mme Valérie Boyer.  - C'est vrai ! 

M. Hussein Bourgi.  - Ils ont attendu en vain l'aide de la France.

Mme la présidente.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Tabarot et Mandelli, Mme V. Boyer, MM. Longuet, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Belin, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa.

Alinéa 2

Après le mot :

responsabilité

insérer les mots :

dans l'abandon et

M. Philippe Tabarot.  - La France est responsable de l'accueil indigne qu'elle a réservé aux harkis sur son sol mais aussi des actes barbares perpétrés par le FLN à l'encontre des harkis restés en Algérie.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

personnes rapatriées

par les mots :

citoyens français rapatriés

M. Rachid Temal.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Après le mot :

rapatriées

insérer les mots :

ou rentrées en France par leurs propres moyens

M. Lucien Stanzione.  - Il convient de reconnaître les préjudices subis par tous les harkis en France. Mais on manquerait à notre devoir en excluant ceux rentrés en France par leurs propres moyens, souvent dans des conditions tout aussi difficiles.

Il faut une reconnaissance identique pour tous les harkis et les personnes anciennement de droit local.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M.  Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa.

Alinéa 2

Après les mots :

des personnes rapatriées d'Algérie

insérer les mots :

ou arrivées par leurs propres moyens

M. Philippe Tabarot.  - On oublie que certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens. Ne les excluons pas.

Certains, torturés et emprisonnés en Algérie, n'ont pu venir que des années plus tard en France. Il ne faut pas les oublier.

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, hébergés dans de structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu'à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d'exclusion, de souffrances et de traumatismes durables

M. Rachid Temal.  - Cet amendement élargit le projet de loi à tous les harkis accueillis en France, qu'ils l'aient été dans des camps ou non.

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Après le mot :

familles,

insérer le mot :

notamment

M. Rachid Temal.  - C'est un amendement de repli. L'ajout du mot « notamment » permettra à tous les harkis de prétendre à une juste réparation.

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Corbisez, Roux, Bilhac, Gold, Cabanel, Fialaire et Requier.

Alinéa 2 

Remplacer les mots :

dans des structures de toute nature

par les mots :

pour leur transit puis leur cantonnement dans des structures de toute nature fermées ou ouvertes

M. André Guiol.  - Cet amendement évite toute discrimination fondée sur les conditions d'accueil et d'hébergement sur le territoire français.

Il est dommage de distinguer les structures selon qu'elles furent ouvertes ou fermées.

La commission nationale indépendante, créée à l'article 3, pourra instruire les demandes de reconnaissance et de réparation, dans le cadre d'une enveloppe financière dédiée, annuelle et normée qui devra intégrer toutes les situations de logement ayant abouti à une relégation de la communauté.

Mme la présidente.  - Amendement n°51, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

précaires

par le mot :

inhumaines

M. Hussein Bourgi.  - Derrière les mots, il y a des réalités. Parler de conditions d'accueil précaires, c'est atténuer la réalité. Il y a eu promiscuité, manque d'eau, absence de soins. On a empêché les harkis de se mêler à la population. L'hébergement précaire, cela aurait été de recevoir les harkis à l'hôtel, par exemple.

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par Mme Benbassa.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'État français reconnaît avoir refusé de rapatrier tous les harkis en les abandonnant à leur sort sur le territoire algérien.

Mme Esther Benbassa.  - L'article premier ne concerne que les harkis dans les camps et pas ceux arrivés par leurs propres moyens.

Tous les supplétifs de l'armée française n'ont pas eu le choix entre partir en France ou rester en Algérie.

N'excluons aucun supplétif du périmètre du texte. La France a une double responsabilité, elle qui a abandonné les harkis sur le sol français et sur le sol algérien.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

S'agissant des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local et leurs familles rapatriées sur son territoire, la France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l'abandon de certains d'entre eux arrivés par leurs propres moyens dans le plus grand dénuement.

Mme Valérie Boyer.  - Certains harkis et personnes anciennement de droit civil local sont arrivés en France par leurs propres moyens et, n'ayant pas séjourné dans des structures d'accueil, ont été livrés à la plus grande précarité dans l'indifférence générale, voire l'hostilité. Ils ont de fait subi un préjudice. Circonscrire cette loi à l'espace déterminé des structures de toute nature, exclura, en violation du principe constitutionnel d'égalité des citoyens, des harkis qui ne sont pas passés par ces structures mais qui seraient pourtant éligibles à une reconnaissance du préjudice subi.

Cette reconnaissance est une sépulture de dignité pour ceux qui sont morts dans des circonstances atroces. C'est aussi une réparation morale.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l'accueil attentatoire à la dignité humaine des personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, ainsi que les souffrances et les traumatismes durables occasionnés par ces conditions de rapatriement, induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.

M. Lucien Stanzione.  - Le 20 septembre 2021, le Président de la République disait qu'il fallait réparer pour la première génération, mais aussi pour la deuxième, qui a vécu les camps et les hameaux de forestage.

Cet amendement reconnaît donc les traumatismes et les préjudices subis par les descendants des harkis.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure.  - L'article premier reconnaît la responsabilité de la Nation dans les conditions d'accueil indignes faires aux harkis. Les lois des 11 juin 1994 et 23 février 2005, toujours en vigueur, reconnaissent déjà cette responsabilité.

Les amendements nos39, 2 rectifié, 14, 31 rectifié et 40 précisent que les harkis étaient français. Mais tous les supplétifs ne l'étaient pas : il y avait aussi des Tunisiens et des Marocains.

L'ordonnance du 21 juillet 1962 a fait perdre leur nationalité française aux supplétifs de droit local sauf s'ils étaient installés en France et s'ils avaient déposé une demande avant 1967. Avis défavorable donc à ces amendements.

Les amendements nos3 rectifié, 18, 53, 32 rectifié, 59 et 5 rectifié soulignent que certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens. Le FLN s'était engagé à assurer leur sécurité après les accords d'Évian. Néanmoins la France se saurait se soustraire à sa responsabilité à l'égard des harkis. Ces amendements sont satisfaits car l'alinéa 1 de l'article premier reconnaît l'abandon des harkis par la France. Retrait ou avis défavorable.

En outre, adopter ces amendements à l'article premier serait sans effet sur les indemnités prévues à l'article 2.

M. Philippe Tabarot.  - Justement !

Les amendements nos4 et 44 mentionnant la perte de chance des harkis et de leurs enfants sont satisfaits par ce texte et par les précédents. Retrait ou avis défavorable.

Sur les amendements nos43 et 33 rectifié, le terme « rapatriés » inclut tous les supplétifs, quel que soit leur mode d'arrivée. Retrait ou avis défavorable car satisfaits.

Les amendements nos41, 42 et 15 élargissent les critères d'éligibilité aux structures ouvertes. L'alinéa 1 reconnaît l'abandon de tous les harkis mais l'alinéa 2 cible la responsabilité de l'État pour avoir accueilli les harkis dans des camps. Il ne saurait en être de même pour les cités urbaines qui n'étaient pas régies par un régime administratif dérogatoire du droit commun. Une telle mesure créerait une rupture d'égalité avec ceux qui ont séjourné en cité. Avis défavorable.

Enfin, si je comprends l'amendement n°51, le texte précise déjà que les conditions d'accueil étaient indignes. Il me semble suffisamment précis. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Je rejoins les conclusions de la rapporteure tendant au rejet de ces amendements. En toute humilité, je ne pense pas qu'ils apporteront quelque chose à ce texte simple et clair, qui comporte le terme d'abandon, lequel se suffit à lui-même.

Bien sûr que les harkis sont français. C'est un état de fait. L'ensemble des communications de notre ministère le rappelle. Cependant, la rigueur historique se rappelle à nous : la rapporteure a précisé que certains étaient tunisiens ou marocains.

M. Rachid Temal.  - Certains !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Ils doivent pouvoir prétendre à réparation s'ils sont passés par un camp ou un hameau de foresterie.

Le 19 mars ne correspond pas à un soulagement, sauf peut-être pour les appelés, contents de rentrer chez eux. Nous savons tous que le 19 mars marque aussi l'accroissement de la violence, c'est historique. Il est clair qu'à la fin de la guerre d'Algérie, les autorités de l'époque...

M. Rachid Temal.  - Qui ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - ... ont sous-dimensionné les problèmes de rapatriement : nous le reconnaissons déjà. Mais l'État français avait fait inscrire dans ces accords longuement négociés la protection des harkis par les nouvelles autorités algériennes : la responsabilité des massacres n'est donc pas celle de l'État français ; nous sommes, je pense, tous d'accord sur ce point.

Les conditions de rapatriement ont été difficiles, car largement improvisées et contradictoires. Tous les rapatriés, pieds-noirs compris, en ont souffert.

Après le 19 mars 1962, il a été mis en place un rapatriement insuffisant de 5 000, puis 10 000 places ; en mai 1962, trois instructions de Pierre Messmer, ministre des armées, Louis Joxe, ministre des affaires algériennes et Roger Frey, ministre de l'Intérieur, ont rappelé l'interdiction des rapatriements hors de ce plan. C'est, en septembre 1962, Georges Pompidou qui a décidé de l'accueil des harkis. Entre 1963 et 1965, l'ambassade de France a appuyé les efforts du Comité international de la croix rouge (CICR) pour la libération des prisonniers harkis en Algérie. Beaucoup d'entre eux sont ensuite arrivés de façon perlée. Ils entrent dans le périmètre de la réparation, s'ils ont vécu dans les camps ou les hameaux.

Je tiens à rappeler le doublement, depuis le 1er janvier, de l'allocation de reconnaissance créée par Jacques Chirac, et qui concerne tous les combattants, qu'ils soient passés par les camps ou les hameaux, ou non.

Cette loi tend à réparer les fautes de l'État, qui a contrevenu aux exigences d'accueil et de scolarisation ; ce sont ces privations de liberté, d'éducation, cette mise sous tutelle de l'État, ces fautes contraires aux valeurs de la République, que nous entendons réparer, comme l'a dit le Président de la République le 20 septembre 2021.

Cette loi telle qu'enrichie par l'Assemblée nationale est remarquable...

M. Rachid Temal.  - Remarquable !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - ... dans la mesure où la commission qu'elle crée pourra augmenter le nombre de lieux concernés.

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas le sujet !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - À l'heure actuelle, nous reconnaissons d'ores et déjà 80 lieux, et la liste est enrichie par cinq nouveaux lieux.

Cela montre que rien n'est cadenassé. Cette loi permet d'évoluer.

La question de l'abandon des harkis sur le sol algérien doit faire l'objet d'un traitement mémoriel avec l'Algérie. Nous n'y sommes pas, mais ayons confiance en l'avenir. Plus on s'éloigne des faits...

M. Rachid Temal.  - Soixante ans, quand même !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - ... plus les choses s'améliorent. Avis défavorable sur tous les amendements.

M. Rachid Temal.  - Je suis extrêmement choqué par les propos de la rapporteure et de la ministre sur la citoyenneté française des harkis.

Si l'on parle de statut civil de droit local, c'est donc bien d'Algériens qu'il s'agit. Pourquoi ne sous-amendez-vous pas mon amendement pour préciser : « à l'exception des Tunisiens et Marocains » ? Vos arguments ne sont pas au niveau : ils étaient français et il faut l'indiquer dans la loi. Quelle est votre intention, sinon d'humilier encore une fois les harkis ?

Ensuite, sur le périmètre, la loi reconnaît « et » répare. Elle ne reconnaît pas certains points « pour » en réparer d'autres. Il s'agit de donner réparation à des hommes qui ont pris tous les risques pour la France.

M. Philippe Tabarot.  - Vous tentez vainement de nous opposer la nationalité tunisienne ou marocaine de certains combattants des harkas, pour contourner un sujet qui vous déplaît.

Aurez-vous le courage de nier devant les harkis leur qualité de Français ?

Vous ne souhaitez pas donner un espoir d'indemnisation qui pourrait être déçu ? Vous oubliez que l'article premier n'est que déclaratif : seul l'article 2 concerne l'indemnisation. Vous nous opposez exactement le même argument pour repousser un amendement tout autre.

M. Olivier Paccaud.  - Mon explication de vote porte sur les amendements sur la citoyenneté française de MM. Temal, Bourgi, Tabarot et de Mme Boyer, qui proposent la même chose, si ce n'est que M. Temal ajoute « anciennement ».

M. Rachid Temal.  - Simplement concernant le statut.

M. Olivier Paccaud.  - Il y a une quasi-unanimité sur le fait que cette citoyenneté française doit être gravée dans le marbre. On ne ressuscite jamais les martyrs. Mais si, comme le dit élie Wiesel, l'oubli est une seconde mort, un oubli volontaire est une insulte à la mémoire de ces martyrs. Ils ont été loyaux envers la France et, pour cela, exterminés par les tueurs du FLN. Exauçons la volonté des descendants de ces braves : rendons-leur justice en leur reconnaissant pour toujours la citoyenneté française. (Marques d'approbation et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Hussein Bourgi.  - Madame la ministre, madame la rapporteure, vous ne pouvez dire que vous comprenez nos amendements pour ensuite les balayer d'un revers de main.

Nos débats sont suivis, non seulement en tribune, mais aussi sur internet : je reçois en ce moment même des SMS de harkis qui se sentent blessés par vos propos. Le Sénat aussi a vocation à enrichir le texte. Quel que soit notre groupe, votons en conscience et en responsabilité !

M. Jean Louis Masson.  - Il faut en faire le plus possible pour les harkis, mais cela n'interdit pas d'avoir un peu de pudeur. Combien de gouvernements de gauche et de droite y a-t-il eu depuis cinquante ans ? Ils n'ont rien fait ! (Protestations à droite et à gauche)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Merci !

M. Jean Louis Masson.  - Si les harkis ont été massacrés, c'est aussi de la faute de ceux qui ont voulu les abandonner. Sans vouloir blanchir le présent Gouvernement, je trouve que donner des leçons est excessif.

M. Daniel Chasseing.  - Je me réfère, moi aussi aux quatre premiers amendements. Les harkis ont versé leur sang pour la France. Mesdames la rapporteure et la ministre, cette loi répare une faute de l'État français, mais il ne me semble pas inutile de préciser que les harkis étaient, dans leur immense majorité, des citoyens français.

Mme Valérie Boyer.  - Nous sommes ici au Parlement français pour voter une loi mémorielle sur des Français qui ont choisi la France, qui ne l'ont pas trahie.

Oui, ces débats sont très regardés par des familles dont les ancêtres sont nés de l'autre côté de la Méditerranée. En 1962, je n'étais pas parlementaire ; j'étais dans les valises de mes parents, à qui Gaston Defferre a demandé d'aller se réadapter ailleurs. Nous portons le poids de cette mémoire. Dénier aux harkis le fait d'être français est une offense à notre mémoire.

Il n'est pas question de couleur politique. Seules trois couleurs nous intéressent ici : bleu, blanc, rouge. Ce sont les couleurs pour lesquelles ils sont partis et pour lesquelles certains sont tombés. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - M. Masson nous traite de donneurs de leçons : il est expert en la matière ! (M. Rachid Temal le confirme.) Mais, madame la ministre, vous qui représentez ici le « en même temps », notez que dans cet hémicycle, des voix concordent pour améliorer le texte. C'est donc qu'il est perfectible (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Esther Benbassa.  - Nous oublions de dire que les harkis étaient des protagonistes du contexte colonial. (Protestations à droite) La colonisation de l'Algérie est une réalité ! N'oublions pas qu'au contraire des rapatriés, les harkis - Français ou non - étaient des musulmans. (Protestations à droite)

Mme Valérie Boyer.  - Et alors ?

Mme Esther Benbassa.  - Les rapatriés n'ont pas été enfermés dans des camps, ils ont pu s'intégrer dans la société. Arrêtons de noyer le poisson et voyons la réalité en face !

M. Marc Laménie.  - En tant que rapporteur spécial du budget des anciens combattants, je rappelle qu'il comprend le programme 169 « reconnaissance et réparations en faveur du monde combattant ». Le terme de réparation est fondamental.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - La devise de la légion étrangère est frappante : on est aussi français par le sang versé. Entre 60 000 et 150 000 harkis ont été massacrés après les accords d'Évian. Avoir un débat sur leur qualité de Français n'est pas approprié. Même si certains ne l'étaient pas techniquement, c'est notre devoir de les reconnaître comme des Français.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je n'accepte pas les propos foulant aux pieds le travail de la rapporteure, lui reprochant d'injurier la mémoire des harkis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également)

Personne n'a jamais dit qu'ils n'étaient pas citoyens français, mais que certains d'entre eux venaient d'autres pays. Vos propos décrédibilisent vos prises de position. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Raymonde Poncet Monge et M. Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Il faut un peu d'apaisement. Le conflit d'Algérie...

M. Guy Benarroche.  - La guerre !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - La guerre, oui... a laissé les esprits à vif encore aujourd'hui. Il nous faut respecter toutes les mémoires et faire en sorte que chacune se sente à l'aise dans le champ mémoriel.

Cela m'écorche les oreilles d'entendre que nous ne considérerions pas les harkis comme français. Ce sont des citoyens français depuis toujours ; je n'ai jamais dit le contraire, et c'est écrit dans le rapport Ceaux, dont je vous recommande la lecture. (M. Olivier Paccaud proteste.)

Je ne voudrais pas que cet ajout crée des zones d'exclusion pour certains. Des Tunisiens et Marocains ont combattu également dans l'armée française.

M. Rachid Temal.  - Combien ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Ils ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils méritent tout autant une réparation. Simplifions, pour que chacun puisse voir son droit respecté, et que nous n'ayons pas besoin de voter une nouvelle loi pour corriger cela. Telle est la raison de mon avis défavorable, il ne s'agit pas de blesser les harkis et leurs familles. Cela fait cinq ans que je rencontre les associations, je les connais. Leur histoire est touchante, troublante, car méconnue. Abordons-la avec dignité et pragmatisme et faisons une loi utile. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. René-Paul Savary.  - Je ne comptais pas intervenir, car je sais que nous partageons tous les mêmes préoccupations. Moi-même suis rapatrié d'Algérie. Les événements de la rue d'Isly sont concrets pour moi : ma cousine germaine a ainsi reçu un cadre sur la tête à cause des mitraillages. Nous sommes repartis de rien, élevés avec cette mémoire des événements traumatisants ; les harkis font partie de cette histoire, ils se sont battus à nos côtés ; ils sont français ! Jamais la commission ne l'a mis en doute.

Retrouvons la sérénité. Je fais confiance au travail de la commission. Ce texte est une avancée importante. Nous nous retrouvons tous dans la volonté d'une reconnaissance. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et sur les travées du groupe UC)

M. Laurent Burgoa.  - J'apporte moi aussi mon soutien à Mme la rapporteure, qui a réalisé un travail très important. On dit que nous sommes des sages... Certains propos ici prononcés ne sont pas très sages.

Dans mon département, il y a beaucoup de harkis. Personne n'a jamais dit, à la commission des affaires sociales, qu'ils n'étaient pas français.

Sur ce sujet sensible, essayons de retrouver un peu de responsabilité. Je suivrai l'avis de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et sur les travées du groupe UC ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Bernard Buis.  - Soutenons Mme la rapporteure. Les harkis sont bien français, nous le savons tous.

L'amendement n°39 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos2 rectifié, 14, 31 rectifié, 3 rectifié, 18, 4 rectifié, 53, 32 rectifié, 40, 43, 33 rectifié, 41, 42, 15 rectifié, 51, 59, 5 rectifié et 44.

L'article premier est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Bernard Buis .  - Le samedi 25 septembre 2021, dans la Drôme, nous avons doublement honoré les harkis au carré militaire de Valence et avec une plaque sur le site du hameau de forestage de Beaurières.

Honorer, c'est bien, mais il faut aller plus loin. L'ONACVG pourra accompagner leurs enfants et descendants, qui sont au coeur de cette histoire.

Voici comment l'un d'entre eux décrit son arrivée à Beaurières : « On est arrivés fin 1962. C'était l'hiver. Nous étions logés dans des tentes meublées avec de gros poêles à bois, des lits en fer et des tables de l'armée. Quelques jours plus tard, il se mit à neiger ; la neige nous arrivait aux genoux et ce n'était pas évident, car il fallait prendre le chemin de l'école distante de 3 kilomètres. Ma petite soeur, en voyant la neige, a dit à ma mère que c'était comme du sable, mais froid. »

Ce froid glacial a pu, pour certains, se doubler d'une indifférence ; mais pas dans la Drôme où la chaleur humaine et la solidarité se sont exercées sous la houlette d'André Reynaud, le maire, qui n'hésitait pas à faire le tour des maisons, des commerces, pour que les habitants puissent aider les arrivants. Je me félicite que lors de l'examen à l'Assemblée nationale, l'article premier bis ait étendu la journée nationale d'hommage à toutes les personnes qui leur ont porté secours et assistance. Elles font honneur à la République, là où malheureusement l'État avait failli. À Beaurières, Élisabeth et Pascal Reynaud, les enfants du maire, nous le rappellent : tous les enfants étaient sur les mêmes bancs à l'école et jouaient ensemble sans distinction. La chaleur humaine est grande mais la réparation apportée par cette loi de réparation est un plus indéniable. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Valérie Boyer .  - Le sujet rouvre les plaies de beaucoup d'entre nous. Nos amendements ne sont pas là pour dénigrer l'excellent travail de la rapporteure, mais pour améliorer le texte sur des sujets que nous portons depuis toujours - que nous le voulions ou non. Je veux que ce texte reconnaisse les massacres de la rue d'Isly et d'Oran, au cours desquels des militaires, des civils, hommes, femmes et enfants sont morts. Jean-Jacques Jordi dénombre 330 disparus civils jusqu'aux accords d'Évian ; plus de 600 ensuite, soit deux fois plus en quatre mois qu'en six ans de guerre !

Rue d'Isly, le bilan officiel d'une fusillade qui a duré douze minutes fut de 49 morts et 200 blessés, tous civils sauf un mort militaire. Les civils n'ont pas pu enterrer leurs morts dignement, les obsèques religieuses ont été interdites et les corps furent amenés directement au cimetière par camions militaires au jour et à l'heure choisie par les autorités. Il s'agit de la répression d'État d'une manifestation de rue la plus violente qu'ait jamais connu la France depuis la Commune.

Enfin, à Oran, le 5 juillet 1962, en quelques heures...

Mme la présidente.  - Votre temps de parole est épuisé.

M. Marc Laménie.  - Je salue cette journée nationale d'hommage, instituée en 2003, aux harkis et à tous ceux qui leur ont porté secours.

La date de l'hommage du 25 septembre rassemble tous les représentants de l'État et des anciens combattants, pour lesquels nous avons beaucoup de respect.

Le 19 mars et le 5 décembre sont aussi deux dates importantes pour la mémoire. Je soutiens donc cet article.

M. Philippe Folliot.  - Les grands peuples se distinguent par l'analyse lucide de leur histoire, dans ce que celle-ci a de plus beau, mais aussi de plus tragique. Aujourd'hui, nous voulons réparer une injustice flagrante, pour ceux qui ont choisi la France, dans une période troublée, dans une véritable guerre civile. Je voterai cet article premier bis pour nos compatriotes harkis, pour leurs descendants et pour ceux qui les ont soutenus.

Cette journée spécifique est essentielle. D'autres commémorations méritent aussi le respect. Mais cette date permettra un hommage serein.

Je salue le travail de la rapporteure, qui nous permet aujourd'hui de débattre de ces sujets.

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1, première phrase

Après le mot :

consentis

insérer les mots :

et des sévices qu'ils ont subis

M. Hussein Bourgi.  - Cet article salue les sacrifices consentis par les harkis, ciblés parce qu'ils étaient militaires français. Mais il serait aussi juste de rappeler que des membres de leurs familles ont été victimes de sévices alors qu'ils n'étaient pas dans l'armée. Chaque année, je rencontre des harkis qui me racontent que leurs parents ont été exécutés chez eux, dans leur village, parce que leur fils s'était engagé dans l'armée française. Ils n'avaient pourtant rien demandé.

Je propose de les inclure symboliquement dans la mémoire collective.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure  - Cet amendement est pertinent. Il est indéniable que les proches ont subi des sévices. Avis favorable.

M. Rachid Temal.  - Merci !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Vous évoquez une douloureuse vérité historique. Cette journée d'hommage englobe tous ceux qui ont servi la France. La mention des sévices est sans doute comprise dans la rédaction actuelle... Sagesse. (M. Rachid Temal s'en réjouit.)

L'amendement n°50 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc est abrogée.

Mme Valérie Boyer.  - Ce que la loi a fait, la loi peut le défaire. La loi du 6 décembre 2012 a imposé la date du prétendu cessez-le-feu, le 19 mars, comme date d'hommage.

Nicolas Sarkozy l'a dit : « Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date soit acceptée par tous. » Jacques Chirac, qui avait été sous-lieutenant dans ce conflit, avait choisi le 5 décembre, date plus neutre. Puis nous avons choisi le 25 septembre, date qui apaise.

Même François Mitterrand l'affirmait lui aussi : « cela ne peut être le 19 mars, car il y aurait confusion dans la mémoire de notre peuple. Ce n'est pas l'acte diplomatique rendu à l'époque qui pourrait s'identifier à ce qui pourrait apparaître comme un grand moment de notre histoire, d'autant plus que la guerre a continué, que d'autres victimes ont été comptées et qu'au surplus il convient de ne froisser la conscience de personne ».

C'est pour cela que j'ai tenu à évoquer ce qui s'est passé après. Comme l'a rappelé Jean Tenneroni, que je tiens à citer en conclusion, la date du 19 mars n'est pas propre à apaiser les mémoires. Dans un souci d'apaisement, il faut la changer.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°34 rectifié ter, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, Hingray, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon, Grosperrin, Paccaud et J.M. Boyer, Mme Demas et M. J.B. Blanc.

M. Philippe Tabarot.  - Madame la ministre, pour justifier votre position, vous avez évoqué la question de quelques Tunisiens et Marocains ; mais à l'article 2, cela ne vous dérange pas d'exclure 50 000 harkis des indemnisations...

Le 19 mars 1962 marque l'entrée en vigueur des funestes accords d'Évian qui n'ont jamais signifié la fin des combats et des exactions.

Après cette date de sinistre mémoire, des milliers de harkis et de pieds-noirs ont perdu la vie dans des assassinats et des massacres comme ceux commis rue d'Isly ou à Oran.

Commémorer les accords d'Évian, c'est commémorer l'abandon et la douleur subis par ceux qui se battaient pour notre pays. Si nous souhaitons honorer la mémoire des harkis qui ont choisi la France pour ce qu'elle était et pour les valeurs qu'elle portait, nous ne pouvons accepter cette date, qui est le début des exactions infligées aux harkis et aux pieds-noirs, à qui l'on a imposé « la valise ou le cercueil ».

Le présent amendement vise donc à abroger la loi du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir.

Nous sommes le seul pays à célébrer une défaite ; car le 19 mars est une défaite. (Protestations à gauche)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est la paix !

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure.  - Ce texte ne peut trancher cette question, qui divise. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Le 19 mars, factuellement, c'est la signature des accords d'Évian et le cessez-le-feu...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Des violences ont eu lieu après le cessez-le-feu ; c'est un fait historique reconnu par la carte de combattant 1962-1964.

Une remarque : je vois des personnes le 19 mars que je ne vois jamais le 5 décembre, et inversement ; même chose pour le 25 septembre... Il nous faut aller progressivement vers une date commune, certes ; mais nous n'y sommes pas prêts. Je consulte les associations depuis longtemps et je peux vous le dire, même si nous allons progressivement avancer.

Cependant, je me félicite de l'accord trouvé pour honorer les soixante ans des accords d'Évian lors d'une cérémonie commune, qui ne sera ni le 19 mars ni le 5 décembre, mais le 18 octobre.

Les 19 mars est certes une date douloureuse pour les harkis et leurs familles, mais je ne pense pas opportun de retirer cette date du calendrier officiel.

Il est difficile de construire un récit avec plusieurs dates. Avis défavorable.

Madame Boyer, le 26 mars 1962 et les exactions de la rue d'Isly ne relèvent pas de ce texte. Mais j'ai participé le 26 mars dernier à la cérémonie du Quai Branly et déposé une gerbe au nom du Président de la République pour honorer la mémoire des rapatriés.

Mme Michelle Gréaume.  - Le travail de mémoire ne doit pas omettre les aspects les plus douloureux. Mais ces amendements ont pour objet de réécrire l'histoire. Le 19 mars 1962 est reconnu par les autorités françaises et algériennes comme marquant la fin de la guerre d'Algérie, alors que la date du 5 décembre ne correspond à aucune réalité historique.

Cet amendement nie la responsabilité de l'OAS dans le massacre de la rue d'Isly, pourtant reconnue par les historiens.

M. Philippe Tabarot.  - Quelle honte ! Arrêtez de dire des choses pareilles !

Mme Michelle Gréaume.  - Ce sont les mêmes qui ont massacré de nombreux militants communistes, et tenté d'assassiner le Général de Gaulle lors de l'attentat du Petit-Clamart !

M. Philippe Tabarot.  - Porteurs de valises !

Mme Émilienne Poumirol.  - Je suis étonnée de voir ces amendements dans un texte sur les harkis. Il fallait bien choisir une date et le 19 mars correspond aux accords d'Évian qui ont mis fin à la guerre. Le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945 n'ont pas marqué la fin de toutes les exactions.

Le 19 mars a été une date importante pour les appelés du contingent. Dans ma région, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie française (Fnaca) en est satisfaite. (MM. Philippe Tabarot et Olivier Paccaud signifient qu'il ne s'agit que d'une seule association.)

Je voterai donc contre cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je ne comprends pas ce que cet amendement vient faire ici. Vous ressortez un vieux leitmotiv, alors que le cessez-le-feu a été un immense soulagement pour des millions de familles qui ont vu leurs enfants revenir après le 19 mars.

Il y a 4 000 lieux de mémoire dans nos villes où l'on commémore le 19 mars. Ce que vous proposez, c'est de supprimer un symbole de paix, de débaptiser des rues, d'ôter des plaques. Deux maires du Front national l'ont déjà fait. Vous pouvez tenter de réécrire l'histoire, mais le 19 mars restera la date du cessez-le-feu.

M. Olivier Paccaud.  - On ne choisit pas une date de commémoration par hasard. Le 11 novembre et le 8 mai s'imposent. Mais d'autres dates sont le fruit de débats, c'est le cas du 14 juillet 1790, pas 1789, date décidée par le Parlement.

Or, après le 19 mars, le sang a continué à couler. Des gens sans défense ont été massacrés, précisément parce que les forces officielles ont rangé les armes. Le 19 mars, c'est le début du calendrier de la haine, le signal de dizaines de milliers d'assassinats atroces !

Madame la ministre, j'espère aussi une date unique, mais commémorer le 19 mars est un non-sens historique, une faute morale et une provocation envers les sacrifiés. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Folliot.  - Je ne voterai pas ces amendements. Nous débattons d'une loi de reconnaissance envers les harkis, pas de la fixation de journées du souvenir. La date du 19 mars fait débat, comme celle du 20 décembre d'ailleurs. Personne ne conteste les exactions qui ont suivi le cessez-le-feu.

Pour autant, je partage les propos de Mme la ministre qui appelle à prendre le temps pour arriver à un cadre consensuel.

Je rappelle aussi que depuis la loi du 25 février 2012, le 11 novembre commémore les morts de toutes les guerres et de tous les conflits.

M. Rachid Temal.  - Nous voulons un débat serein.

Personne ne conteste les réalités historiques. Le 19 mars marque bien la fin de la guerre d'Algérie - même si le terme de guerre n'a été admis qu'en 1999. Oui, entre mars et juillet, il y a eu des exactions terribles, des deux côtés, mais la loi de la République a consacré la date du 19 mars.

Ayons un vrai débat là-dessus, plutôt que de voter cet amendement au détour d'un texte sur les harkis.

M. Marc Laménie.  - Je suivrai l'avis de la commission. D'abord parce que nous participons tous, en tant qu'élus, aux cérémonies nationales du 19 mars comme du 5 décembre. Nous respectons la loi.

Ensuite parce qu'avec M. Requier et Mme Cukierman, nous avons des échanges avec des associations patriotiques à l'occasion des lois de finances, en recherchant le respect et le consensus.

M. Guy Benarroche.  - Cette loi vise à réparer les préjudices subis par les harkis, qui aspirent à la dignité. Je ne comprends pas que certains collègues affaiblissent cette discussion avec ces amendements polémiques que je ne voterai pas.

Comme Valérie Boyer, je suis arrivé d'Algérie dans une valise, et mars 1962 n'est pas un bon souvenir pour ma famille. Pour autant, ne réécrivons pas l'histoire, monsieur Tabarot : ces exactions sont le fait de l'OAS.

M. Philippe Tabarot.  - C'est l'OAS qui a massacré cent mille harkis ?

M. Guy Benarroche.  - Comme dans toute guerre, il y a eu des exactions de part et d'autre.

Discuter de la date à commémorer doit se faire dans la sérénité. On ne peut pas opposer les morts des uns aux morts des autres. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Valérie Boyer.  - Parlerions-nous encore des harkis ici, soixante ans après, s'il n'y avait pas eu de massacres après le 19 mars ? Bien sûr que non ! Les harkis ont été massacrés car ils ont été abandonnés, désarmés...

M. Rachid Temal.  - Par qui ?

Mme Valérie Boyer.  - À l'Assemblée nationale, j'ai déposé plusieurs propositions de loi pour revenir sur la date du 19 mars, pour reconnaître le massacre de la rue d'Isly et les disparus du 5 juillet. Le 26 mars, je commémore les 80 morts de Bab El-Oued ; le 5 juillet, les 700 morts d'Oran, enterrés en catimini ; le 25 septembre, je rends hommage aux harkis ; le 5 décembre, à tous les morts d'Afrique du Nord.

Les harkis, et tous les Français des trois départements d'Algérie, sont concernés au premier chef par les évènements qui ont suivi le 19 mars.

Ce que la loi a fait, elle doit le défaire. Trouvons une date unique pour réconcilier les mémoires : le 19 mars n'est pas la bonne. (M. Olivier Paccaud applaudit.)

M. Serge Mérillou.  - Le 19 mars est une date historique. Elle a mis fin à une guerre qui n'avait que trop duré et a été un soulagement dans tout le pays. On nous dit qu'elle a été suivie par des règlements de comptes - mais le 8 mai 1945 aussi ! Un cessez-le-feu ne signifie pas la fin de toutes les violences.

Je ne voterai pas ces amendements, car la quasi-totalité des anciens combattants d'Algérie sont attachés à la date du 19 mars.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Chacun ici défend ses positions. Le débat mérite d'être posé, et je suis moi aussi favorable à une date unique pour commémorer cette histoire douloureuse. Mais la commission a jugé que ce n'est pas à travers un amendement à ce texte que l'on résoudra le problème. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Le 19 mars marque la date officielle du cessez-le-feu, même si elle a hélas été suivie d'exactions, d'un côté comme de l'autre. J'avais alors 15 ans et je me souviens du moment où l'orchestre du bal s'est interrompu pour annoncer la fin de la guerre. Ce fut un immense soulagement pour les familles, pour les appelés du contingent. C'est une date qu'on ne peut effacer !

M. Daniel Chasseing.  - En Corrèze et dans le Limousin, les anciens combattants restent attachés au 19 mars, alors que, le 5 décembre, il n'y a personne.

Les amendements identiques nos12 rectifié et 34 rectifié ter ne sont pas adoptés.