Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Conclusions de la CMP)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le succès de la CMP sur ce projet de loi traduit l'objectif partagé des deux assemblées de franchir un pas supplémentaire dans la reconnaissance que la Nation doit aux harkis, abandonnés après s'être engagés pour la France puis, pour certains, hébergés de manière particulièrement indigne dans des structures comme des camps ou des hameaux de forestage.

En première lecture, le Sénat a adopté ce texte au regard des avancées notables qu'il comporte, tout en considérant qu'il ne pouvait s'agir d'un solde de tout compte. Le texte de la CMP reprend la plupart des apports des deux assemblées. En l'adoptant, nous avancerons sur le chemin de la réconciliation et de la mémoire, qui sera encore long.

L'article premier affirme la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis et la responsabilité de l'État du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil dans des camps et les hameaux. Sur l'initiative du Sénat, cette responsabilité s'étend aux structures de toute nature où les harkis ont été hébergés dans des conditions indignes ; sont ainsi visées certaines prisons reconverties en lieux d'hébergement.

L'article 2 instaure un mécanisme de réparation, sous la forme d'une indemnisation forfaitaire au prorata de la durée d'hébergement.

La CMP ayant retenu l'article premier bis dans la rédaction du Sénat, la journée d'hommage aux harkis commémorera aussi les sévices subis par eux.

La commission nationale de reconnaissance et de réparation prévue à l'article 3 statuera sur les demandes de réparation et contribuera au travail mémoriel. Comme le souhaitait l'Assemblée nationale, elle pourra proposer de faire évoluer la liste des structures concernées. Le texte laisse ainsi la porte ouverte à une évolution des mesures de réparation.

Les futurs travaux du Gouvernement et du Parlement pourront s'appuyer sur les propositions de cette commission, dont les garanties d'indépendance prévues par le Sénat ont été conservées par la CMP.

À l'article 7, le texte de la CMP conserve l'allongement de quatre à six ans, sur l'initiative du Sénat, de la période pendant laquelle les veuves pourront solliciter les arrérages de l'allocation viagère.

Enfin, la CMP a supprimé l'article 8, qui prévoyait une amende spécifique pour l'injure ou la diffamation envers un ancien supplétif à raison de cette qualité. Ces infractions sont déjà réprimées au titre de l'assimilation aux forces armées ou dans le cadre du droit commun. Tenons-nous en au droit en vigueur, pour ne pas risquer des ruptures d'égalité devant la loi.

Si ce texte ne pansera pas des plaies encore vives pour nombre de nos compatriotes, il comporte toutefois des mesures utiles pour la reconnaissance et la réparation que la Nation doit aux harkis et à leurs familles. Je vous recommande son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - (M. André Gattolin applaudit.) « Nous devons nous souvenir, nous soutenir et, avec l'encre du passé, sur une page oubliée de l'histoire de France, écrire notre espérance. » Ces vers de Messaoud Gadi expriment l'émotion que nous ressentons à la pensée de nos compatriotes harkis et ce que, collectivement, nous avons voulu faire.

Le parcours parlementaire de ce texte a été jalonné d'échanges fructueux et de débats pour l'essentiel respectueux ; je salue cette coopération exemplaire.

Je vous remercie d'avoir mis tant de coeur à l'ouvrage. Le Parlement a joué tout son rôle. Je remercie particulièrement les rapporteures des deux chambres pour la qualité de leurs travaux.

Grâce à ce texte, les engagements pris par le chef de l'État le 20 septembre dernier devant les représentants des harkis seront honorés. J'ai entendu les critiques et les attentes, mais je le répète : ce projet de loi marque une avancée inédite en matière de reconnaissance et de réparation ; il ouvre une nouvelle étape de l'histoire entre la Nation et les harkis, celle du pardon.

Ce texte, qui marquera la vie de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens, s'inscrit dans la profondeur mémorielle de notre pays, répondant à l'exigence de fraternité républicaine.

Il est le fruit d'une longue concertation, menée sous plusieurs gouvernements. J'ai souhaité qu'il réponde aux attentes et besoins que j'ai entendus depuis 2017.

Le sort des harkis, tragédie française, reste une blessure profonde : la France a tourné le dos à des hommes valeureux, qui l'avaient loyalement servie, qui avaient cru aux promesses de la fraternité d'armes. Ce texte réaffirme la gratitude que nous leur devons. N'oublions jamais les leçons de fidélité française que porte leur histoire.

Le récit des harkis est celui d'un arrachement aux racines, d'un exil douloureux, de l'incertitude de familles balayées par les événements. Nous leur adressons solennellement l'hommage et l'affection de la Nation.

La vérité est cruelle : la France a tergiversé pour ouvrir ses portes aux harkis et à leurs familles. Pour beaucoup, l'arrivée en métropole a marqué le début d'une marginalisation et d'une vie dans des conditions indignes - le Sénat a tenu à insister particulièrement sur cette notion d'indignité. Cette trahison de la promesse républicaine est le coeur de ce texte.

Le Sénat a élargi le dispositif aux structures de toute nature dans lesquelles les harkis ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous avons avancé ensemble.

C'est l'honneur de la République de compléter par ce texte l'édifice de réparation bâti depuis plusieurs dizaines d'années, par de nombreux gouvernements.

La journée nationale du 25 septembre sera inscrite dans la loi, dans une définition enrichie.

Je salue les avancées issues du débat parlementaire sur le périmètre de la réparation - évaluée à 310 millions d'euros - ainsi que sur le rôle de la commission nationale, qui sera une institution forte et indépendante.

Je rappelle que, le 1er janvier dernier, l'allocation de reconnaissance attribuée aux harkis et à leurs veuves a été doublée.

Rien ne pourra effacer les errements du passé, rien ne pourra guérir les blessures. Mais l'État doit favoriser autant qu'il le peut une meilleure connaissance de l'histoire des harkis. C'est dans cet esprit que j'étais hier à Saint-Maurice-I'Ardoise. C'est un enjeu de transmission, mais aussi un devoir moral, surtout en un temps où les faits historiques subissent des assauts inédits.

Les harkis, leurs enfants et leurs petits-enfants ont fait, font et feront la France. Leur histoire est celle d'une fidélité française. Ce texte est donc oeuvre de fraternité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP et UC et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et SER)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Jocelyne Guidez et M. Claude Kern applaudissent également.) Sans difficulté, la CMP a abouti à un texte équilibré, dont mon groupe est globalement satisfait. Il prolonge l'action entreprise par Jacques Chirac et poursuivie par ses successeurs en faveur de la mémoire des harkis.

Dans les camps et les hameaux de forestage, véritables prisons à ciel ouvert, les harkis, condamnés à mort en Algérie, ont été condamnés à la survie en France. Notre pays a manqué à son devoir moral vis-à-vis de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants.

Le RDSE approuve tous les dispositifs du texte. Nous aurions aimé que toutes les structures d'hébergement soient concernées, mais le rôle dévolu à la commission nationale laisse la porte ouverte à des améliorations. Nous devons rester vigilants à cet égard, afin que tous les harkis ayant subi une forme de relégation bénéficient de la politique de réparation.

La journée du 25 septembre honorera non seulement les harkis, mais aussi ceux qui les ont aidés. L'ancrage de cette date dans la loi est bienvenu.

La réconciliation entre l'Algérie et la France n'est pas achevée ; des deux côtés de la Méditerranée, les sensibilités restent vives. Le chef de la diplomatie algérienne a récemment déclaré que les relations entre les deux pays sont dans une phase ascendante... Il est à espérer qu'elles s'améliorent encore, car nos peuples ont de nombreux défis à relever en commun. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte répare beaucoup de maux et d'incurie, mais ne saurait être une fin en soi ; beaucoup reste à faire.

Les gouvernements successifs, de gauche et surtout de droite, n'ont pas fait leur travail ni assumé leurs responsabilités.

La fin de la guerre d'Algérie a été un désastre. Nous pouvions quitter l'Algérie, mais pas ainsi. (M. Gérard Longuet opine.) C'est une honte pour la France !

Quand on voit l'état actuel de l'Algérie, qui dispose pourtant de ressources considérables, il est clair que les dirigeants d'Alger sont mal placés pour nous donner des leçons. Il est regrettable que tout le monde se soumette à leur dictature intellectuelle, ainsi qu'à celle des milieux bien-pensants.

Reste que ce texte est positif, même s'il ne répare pas tous les torts commis par la France. Je le voterai donc, sans y voir un solde de tout compte.

Mme Émilienne Poumirol .  - Je remercie les associations de harkis, dont les éclairages et propositions nous ont été précieux, ainsi que l'ensemble des parlementaires pour leur engagement sur ce texte essentiel.

Le groupe SER a voté ce texte, qui s'inscrit dans la lignée des différentes lois et discours présidentiels marquant la reconnaissance de la Nation envers les harkis. C'est François Hollande qui, en 2016, a reconnu explicitement la responsabilité des gouvernements français dans l'abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil inhumaines de ceux transférés en France.

Ce texte est un pas de plus vers une mémoire apaisée. Il répond aussi à une demande ancienne des veuves de harkis en ce qui concerne le délai pour faire valoir le droit à l'allocation viagère.

Néanmoins, il ne saurait avoir valeur de solde de tout compte. Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été adoptés et que subsiste dans le texte une distinction de reconnaissance et de droits entre les anciens harkis. De fait, ceux qui n'ont pas transité par des structures sont exclus du dispositif. En outre, le système de forfait prévu n'est pas à la hauteur du traumatisme.

Nous sommes convaincus qu'un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminatoire seraient source d'apaisement. Les harkis sont des citoyens français à part entière. Le manque de reconnaissance demeure pour eux une blessure.

Nous voterons ce texte, qui marque un pas supplémentaire dans la reconnaissance des sacrifices endurés. Le travail de mémoire s'inscrit dans le temps long ; il doit continuer. Il faut désormais engager au plus vite le processus de réparation. La commission indépendante doit commencer ses travaux rapidement, et le Parlement y veillera.

Enfin, la mémoire des harkis doit continuer d'être transmise, pour que nul ne soit oublié. C'est ainsi que nous parviendrons à la réconciliation nationale et à un meilleur vivre-ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation pour les personnes rapatriées d'Algérie.

Il s'agit de franchir un nouveau pas historique : oui, les harkis appartiennent à une page sombre de l'histoire de France ; ces hommes ont été délaissés sur leur terre natale ou relégués en métropole dans des camps, des cités ou des hameaux de forestage.

Historique, car ce texte traduit l'engagement pris par le Président de la République le 20 septembre dernier devant les harkis. Dans ce discours, salué unanimement, il leur a demandé pardon au nom de la France.

Pour réparer la faute commise, ce texte inscrit dans la loi la responsabilité de l'État et l'impérieuse nécessité d'une indemnisation. La commission nationale de reconnaissance et de réparation constitue également une avancée majeure ; elle statuera sur les demandes de réparation et participera à la transmission de la mémoire.

Nous nous félicitons que la CMP ait maintenu la possibilité pour cette commission d'entendre les anciens combattants et rapatriés ; c'est notre groupe qui l'avait proposé.

La possibilité de compléter la liste des camps et des hameaux est également bienvenue. La voie est ouverte aussi à l'inclusion de certaines prisons parmi les lieux d'accueil donnant droit à indemnisation.

Il s'agit enfin de transmettre aux générations futures la mémoire des harkis, pour ne jamais oublier.

Je salue le travail de notre rapporteure, qui a renforcé le texte. Je remercie aussi le Gouvernement, qui nous permet de progresser dans la réconciliation nationale.

Nous voterons ce texte avec fierté et émotion. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Joël Guerriau .  - En 2001, Jacques Chirac prononçait ces mots qui résonnent jusqu'à aujourd'hui : « Les harkis ne sauraient demeurer les oubliés d'une histoire enfouie. Ils doivent désormais prendre toute leur place dans notre mémoire. »

On ne peut oublier le préjudice subi par ces hommes. Nous consolidons dans ce texte l'indispensable devoir de mémoire.

Soixante ans après les accords d'Évian, je rends hommage à mon tour à ceux qui se sont engagés aux côtés de la France, au prix de sacrifices immenses. Nous leur devons cet hommage, ainsi qu'à leurs familles.

Je remercie ceux qui ont oeuvré pour ce texte, spécialement notre rapporteure.

Nous devons porter un regard de vérité sur notre passé. Ce devoir de mémoire est incontournable pour l'avenir. J'espère que cette loi apportera un peu de sérénité.

Ce texte exprime notre reconnaissance envers les harkis, moghaznis et membres des diverses formations supplétives. Il rappelle la responsabilité de notre pays dans leur abandon et dans l'accueil indigne que certains d'entre eux ont subi lors de leur arrivée en France. Le Sénat a apporté sur ce point des précisions importantes.

Le régime d'indemnisation prévu est une avancée notable, même si elle arrive bien tard et pourrait sembler dérisoire à certains ; 50 000 personnes en bénéficieront.

Enfin, je salue la création de la commission indépendante. La placer sous l'autorité du Premier ministre me paraît bienvenu.

Nombre d'apports du Sénat ont été maintenus, et je m'en réjouis. Le texte de la CMP inscrit dans notre droit la reconnaissance de la France envers ceux qui l'ont servie, qui étaient avant tout des Français. Le groupe INDEP votera en faveur de ce texte, car il y va de l'honneur de notre pays.

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons déjà eu à nous exprimer sur cette page douloureuse de notre histoire ; nous l'avons fait avec mesure et responsabilité, sans laisser instrumentaliser ceux qui ont servi la France.

Je remercie la rapporteure pour son écoute et son travail.

En CMP, nous avons su défendre les apports du Sénat. Il aurait été insupportable d'établir une hiérarchie entre harkis. Chaque histoire familiale est différente, mais tous ont porté leur lot de souffrances : il aurait donc été indécent d'exclure certains du dispositif.

C'est pourquoi la commission indépendante pourra proposer toute mesure de réparation nécessaire pour tous les harkis et autres supplétifs de l'armée française. Cette mesure, votée sur l'initiative de Bruno Retailleau et de l'ensemble du groupe Les Républicains du Sénat, n'était pas négociable pour nous.

L'article 7, modifié par un amendement de notre rapporteure, représente une autre avancée. Il allonge de quatre à six ans la période pendant laquelle les veuves peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère.

Le rattachement de la commission au Premier ministre est le gage d'une plus grande indépendance. Je me réjouis que cet apport du Sénat ait été maintenu.

Nous sommes lucides : aucun texte ne pourra réparer les blessures d'une guerre. Au nord comme au sud de la Méditerranée, des personnalités sans vergogne continueront à vouloir les rouvrir pour les exploiter. Le travail de reconnaissance entamé par Jacques Chirac doit se poursuivre, pour que les jeunes générations ne soient pas séduites par les discours de haine.

J'ai une pensée pour tous nos anciens combattants, qui n'étaient jamais les mêmes à leur retour. Ils nous rappellent combien la paix est précieuse et que, si une guerre est facile à déclencher, il faut plusieurs générations pour retrouver une paix harmonieuse.

Le groupe Les Républicains votera très majoritairement en faveur de ce texte, qui n'est pas un solde de tout compte. Il rend hommage aux harkis, envers lesquels la République n'a pas été à la hauteur. Cela, rien ne pourra jamais le réparer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)

M. Guy Benarroche .  - Ce texte était attendu pour reconnaître et réparer les injustices et préjudices subis par les harkis. Le Président de la République a voulu faire de son mandat un moment de réflexion sur ce sujet ; il a reconnu la responsabilité de la France en la matière en novembre dernier.

Le texte s'inscrit aussi dans la lignée d'un arrêt du Conseil d'État de 2018 condamnant l'État à réparer le préjudice subi.

Les questions liées à la guerre d'Algérie perdurent, soixante ans après les accords d'Évian.

Ce projet de loi ne répond pas vraiment aux attentes des harkis et certaines mesures peuvent sembler équivoques. Certes, il constitue une avancée nécessaire, passant de la solidarité à la réparation, mais il ne prend pas en compte l'ensemble des harkis et de leurs familles, quelles que soient leurs conditions d'accueil.

La déception est à la hauteur des espoirs suscités. Le manque de concertation dans la rédaction du texte a été critiqué, comme la décision de ne pas inclure dans le dispositif tous les harkis, non plus que les périodes de prison effectuées en Algérie.

Même la création d'une fondation mémorielle a été jugée irrecevable pour raisons financières ! Le Gouvernement a refusé de reprendre à son compte cette proposition, alors qu'il le pouvait.

Les conditions de vie des harkis dans les camps et hameaux de forestage étaient indignes, mais ceux qui n'ont pas suivi ce parcours méritent aussi réparation.

Nous entendons les associations exprimer la crainte d'une fongibilité entre reconnaissance et réparation. Les réparations prévues ne doivent pas être un solde de tout compte !

Nous avions porté l'ambition d'une commission indépendante et diverse dans sa composition. Nous serons attentifs à son travail.

Tous conviennent que ce texte aurait mérité des améliorations. Il doit montrer notre volonté de nous confronter à notre histoire, aussi difficile soit-elle. Alors que les révisionnistes tentent de gommer le travail des historiens, il faut agir. D'autant que le temps presse, compte tenu de l'âge des anciens combattants.

Ce projet de loi offre cette reconnaissance, mais à contrecoeur. (Mme la ministre le conteste.) Il reste incomplet : nous devons bien mieux aux harkis et à leurs enfants.

Une partie de notre groupe votera pour ce texte ; l'autre, dont je fais partie, s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Michelle Gréaume .  - Les travaux de la CMP ont démontré un large consensus politique en faveur de la reconnaissance par la Nation des harkis et de la réparation du préjudice qu'ils ont subi.

La guerre de décolonisation de l'Algérie fut des plus sanglantes. Il faut reconnaître la responsabilité de la France dans le massacre de Sétif et dans l'assassinat de Maurice Audin. Rappelons aussi Charonne : il y a soixante ans, la répression sanglante d'une manifestation par le préfet Papon causait la mort de neuf militants communistes et syndicalistes et faisait 250 blessés.

La réconciliation entre France et Algérie a été trop longtemps entravée ; il nous faut maintenant construire une mémoire commune.

Rappelons le rôle des députés Colombier et Rochebloine et des sénateurs Alain Néri et Guy Fischer, notre regretté collègue, à l'origine de la loi reconnaissant le 19 mars comme journée nationale du souvenir de la guerre d'Algérie.

Ce texte n'est pas parfait ; il ne répond pas à toutes les souffrances et tous les traumatismes subis par les harkis et leurs familles. Les critères d'indemnisation choisis par le Gouvernement excluent du dispositif tous ceux qui ont été hébergés dans des cités urbaines.

Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les moyens de l'ONACVG. Dans son dernier rapport budgétaire, notre collègue Marc Laménie a mis en évidence des crédits insuffisants au vu des missions attribuées à cet organisme.

Alors que le traitement des dossiers nécessiterait le recrutement de 6 ETP, 23 postes ont été supprimés en 2022. Cela ne peut se justifier par la baisse du nombre de bénéficiaires : la transmission de la mémoire demande des moyens financiers et humains.

Le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission) Les sénateurs UC se réjouissent de la réussite de la CMP. Ce projet de loi répare le préjudice subi par les harkis et leurs familles. Un compromis a été facilement trouvé, grâce à un esprit de coopération entre les deux chambres. Merci à Mme la ministre et à Mme la rapporteure.

Ce texte constitue une avancée en matière de réparation dans un contexte où la mémoire est encore douloureuse. Il marque une étape importante du processus de réparation et de reconnaissance.

La navette a amélioré ce texte, sur la notion d'abandon ainsi que sur les missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation.

Le Sénat l'a enrichi grâce aux efforts de notre rapporteure. La journée d'hommage permettra de commémorer l'histoire des harkis. En outre, le dispositif a été étendu à tous les lieux d'accueil et la commission indépendante a été rattachée au Premier ministre qui nommera les représentants de l'État. Enfin, le délai pendant lequel les veuves peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère a été allongé de quatre à six ans.

Ce texte pose aussi le principe de la responsabilité de la France. Il ne répond cependant pas à tous les traumatismes et ne répare pas tous les préjudices -  aucune mesure financière ne le pourrait. Nous devons poursuivre en ce sens, nous le devons aux combattants et à leurs familles; eux qui ont tout quitté pour leur pays, la France. Il faudra réfléchir aux modalités de réparation les plus appropriées et continuer à transmettre leur mémoire aux jeunes générations. Leur sacrifice et leur résilience ne seront pas oubliés.

« La mémoire est l'avenir du passé », disait Paul Valéry. La connaissance de notre passé nous permet de comprendre le présent et de préparer l'avenir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme la rapporteure applaudit également.)

À la demande de la commission, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°99 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 329
Contre     7

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur les travées du RDPI et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.