Restitution de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

Discussion générale

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Je veux saluer les ayants droit de Nora Stiasny, de David Cender, de Georges Bernheim qui assistent à nos débats depuis les tribunes.

Voilà près de 77 ans que les armes se sont tues. Nombre de responsables des crimes odieux ont été poursuivis, jugés, condamnés et sont morts aujourd'hui. De nombreuses institutions culturelles ont hélas été complices de ces crimes et recèlent dans leurs collections des oeuvres spoliées qui n'auraient jamais dû s'y trouver.

Bien avant l'extermination, il y a eu la spoliation des biens des juifs, leur aryanisation, pour reprendre l'expression employée par les nazis et leurs complices, et la vente sous la contrainte.

Les oeuvres spoliées non restituées sont parfois les seuls biens qui relient les familles à ceux qu'elles ont perdus. En 2019, le ministère de la Culture s'est doté d'une mission spécifiquement consacrée à l'identification des oeuvres spoliées présentes dans les collections.

C'est un projet de loi historique que je vous présente : pour la première fois, le Gouvernement de la République présente un texte permettant la restitution des oeuvres des collections publiques nationales ou territoriales spoliées ou acquises dans des conditions troubles.

Il a fallu un travail majeur pour identifier ces oeuvres. La Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) était compétente sur deux des quatre dossiers. La ville de Sannois et l'État ont suivi ses préconisations.

Cette démarche de restitution est attendue. Les musées du monde entier s'interrogent sur la provenance de leurs collections acquises à l'époque. Le travail de recherche doit se poursuivre.

Le Gouvernement vous propose donc d'adopter une loi d'espèce portant sur quatre cas : Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, d'abord. Acheté par l'État en 1980, il n'y avait à l'époque pas de doutes sur la collection dont elle était issue. Il s'est avéré il y a quelques années que ce tableau pouvait correspondre au tableau intitulé Pommier, que Nora Stiasny, nièce du collectionneur juif viennois Viktor Zuckerkandl, avait été contrainte de vendre en août 1938 pour une valeur dérisoire, quelques mois après l'Anschluss et le début des persécutions antisémites. Cette hypothèse a été confirmée par les chercheurs du musée d'Orsay. Le principe de la restitution de cette oeuvre de Klimt, unique dans les collections nationales, a donc été accepté sans hésitation, en mémoire de Nora Stiasny, déportée et assassinée en 1942.

Le second ensemble est constitué de onze oeuvres graphiques de Jean-Louis Foram, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, relevant du musée d'Orsay et du musée du Louvre, et d'une sculpture de Pierre-Jules Mène conservée au château de Compiègne, acquises par l'État en juin 1942, à Nice, lors de la vente publique qui a suivi le décès d'Armand Dorville, avocat français juif.

La CIVS, saisie par les ayants droit d'Armand Dorville, a considéré que cette vente n'était pas spoliatrice, car les héritiers en avaient touché le produit et ne l'avaient pas remise en cause après la guerre. Le produit de cette vente, organisée par la succession du collectionneur, a cependant été, le premier jour, placé sous administration provisoire par le commissariat général aux questions juives. La commission a donc recommandé en équité que les douze oeuvres soient remises aux héritiers en raison du contexte trouble de leur acquisition. Le Gouvernement s'est conformé à la recommandation de la CIVS.

Ce texte prévoit aussi la restitution de Carrefour à Sannois d'Utrillo, acheté par la ville de Sannois en 2004 pour son musée Utrillo-Valadon. Il s'est avéré avoir été volé chez Georges Bernheim, marchand d'art à Paris, par le service allemand de pillage des oeuvres d'art dirigé par Alfred Rosenberg en décembre 1940.

La CIVS a recommandé la restitution de ce tableau à l'ayant droit. Saluons la ville de Sannois, qui a soutenu à l'unanimité la restitution de cette oeuvre de ses collections.

Enfin, ce texte propose la restitution du tableau Le Père de Marc Chagall, qui relève du Musée national d'art moderne. Cette oeuvre, entrée dans les collections nationales par dation en paiement des droits de succession en 1988 sans aucune connaissance d'une éventuelle provenance problématique, ni par la famille ni par l'État, s'est révélée très récemment avoir été volée à Lodz à David Cender, pendant ou après le transfert des juifs vers le ghetto de la ville en 1940.

Le parcours de ce tableau est très particulier. Peint et vendu avant 1939, il a probablement été racheté par Chagall après la guerre. Son lien avec David Sander a été établi très récemment, après le dépôt du projet de loi. C'est pourquoi un amendement visant à l'ajouter à la liste a été adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Certains auraient voulu une loi-cadre permettant de s'affranchir de telles lois d'espèce à l'avenir. Mais il nous a semblé nécessaire de présenter ce texte inédit sur ces oeuvres spécifiques. Notre engagement sur la restitution du tableau de Klimt, salué unanimement, devait vous être soumis au plus vite.

Pour autant, je suis favorable à l'élaboration d'une loi-cadre. Nous y viendrons ! Une loi-cadre sur les oeuvres issues de spoliations coloniales nous engage évidemment dans la même voie. Un nouveau dispositif est souhaitable, mais il doit être affiné.

En tout cas, cette réflexion ne saurait aboutir à la toute fin du quinquennat ; il faudra peser les enjeux spatio-temporels avec précaution. En attendant, procédons à ces restitutions.

Ce n'est pas un projet de loi ordinaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Non !

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Pour la première fois, des oeuvres présentes dans les collections publiques et spoliées pendant la période nazie ou acquises de manière trouble pendant l'Occupation vont pouvoir être restituées.

Elles portent la mémoire de leurs propriétaires spoliés. (Applaudissements)

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec une vive émotion que je m'exprime ce soir. Les familles des victimes, dont certaines sont présentes en tribune, doivent aussi la ressentir. Le moment est solennel, car ce texte est historique : jamais le Parlement français n'avait été amené à se prononcer sur la sortie d'oeuvres des collections publiques aux fins de restitution aux ayants droit de persécutions antisémites commises pendant la période nazie.

Ces spoliations sont inséparables de l'entreprise d'extermination des juifs d'Europe menée par les nazis et leurs complices, dont le régime de Vichy qui y collabora de manière active.

Elles visaient à anéantir le peuple juif dans sa culture et son identité. Elles font partie des crimes de la Shoah. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

En 1995, Jacques Chirac a évoqué une « dette imprescriptible ». Nous devons tout faire pour rétablir la justice, reconnaître ces crimes et transmettre la mémoire. Car c'est un devoir de mémoire, comme le souligne l'historienne Emmanuelle Polack.

La levée du caractère inaliénable de ces quinze oeuvres s'inscrit dans cette démarche. Elles sont parfois la seule trace matérielle qui demeure d'une victime, les témoins silencieux de la barbarie.

Leur restitution est une reconnaissance symbolique de cette criminelle spoliation : leur sortie des collections publiques s'impose. Le travail réalisé par la CIVS et par les musées démontre les conditions douteuses d'entrée de ces oeuvres dans les collections nationales.

Nous déplorons qu'il ait fallu attendre plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale pour les restituer : quel retard !

La commission Mattéoli et la CIVS ont été un premier pas. L'ouverture des archives a permis d'autres avancées, dont ce texte porte le fruit.

Ce projet de loi exprime la volonté de notre pays de regarder son passé en face. C'est un acte de reconnaissance qui manifeste notre détermination à trouver des solutions justes pour ces oeuvres, selon les principes de Washington.

J'espère que, comme l'Assemblée nationale, nous voterons ce texte à l'unanimité. Il nous oblige à poursuivre et à renforcer nos efforts. Malgré toutes leurs précautions, les collections publiques ont parfois acquis involontairement des oeuvres spoliées. Le travail de recherche de provenance doit s'accélérer, sous l'égide du ministère de la Culture. Plus les musées seront transparents, plus les familles de victimes pourront trouver une forme d'apaisement.

Sans doute n'y consacrons-nous pas assez de moyens. Il faut réaffirmer qu'il s'agit d'une priorité politique, avec des moyens renforcés.

Une loi-cadre serait-elle appropriée ? Cela répondrait aux exigences de Washington qui demande des délais raccourcis. Mais il ne faudrait pas qu'elle soit trop étroite ou trop large. Et comment rendre ces restitutions automatiques sans leur ôter leur portée symbolique ? La question n'est pas tranchée : poursuivons le travail pour trouver le dispositif le plus approprié.

Je souhaite saluer notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, auteur d'un rapport sur le sujet en 2013. (Applaudissements) Ce texte est la traduction de son souhait de voir la mémoire s'apaiser. (Applaudissements)

M. Lucien Stanzione .  - Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont systématiquement pillé les oeuvres d'art par le biais d'un organisme ad hoc fondé sur leur idéologie génocidaire. Quelque 70 000 logements juifs ont été vidés, le Jeu de Paume devenant une véritable gare de triage de trésors culturels en partance pour l'Allemagne entre 1941 et 1944.

En France, ces oeuvres ont été à 75 % rendues à leur propriétaire après la Libération, mais des ventes ont néanmoins eu lieu avec quelque légèreté. Il reste donc des incertitudes sur le passé de certaines oeuvres.

Le statut « Musées nationaux de récupération » (MNR) a été apposé à 2 000 oeuvres dont l'État est seulement le détenteur provisoire et qui n'appartiennent donc pas aux collections publiques.

L'ouverture des archives allemandes et américaines au début des années 1990 a insufflé une nouvelle dynamique. Le 16 juillet 1995, c'est le tournant du discours du Vel' d'Hiv' de Jacques Chirac. La mission Mattéoli est lancée, qui aboutit à la création de la CIVS en 1999. (Mme Nathalie Goulet le confirme.) En 1998, 44 États sont à l'origine des onze principes de la Déclaration de Washington.

Il existe environ 40 000 oeuvres dont nous avons perdu la trace, mais qui peuvent réapparaître sur le marché de l'art ou dans les musées. Certains organismes de ventes aux enchères refusent désormais de procéder à une vente en cas de doute sur la provenance du bien.

Le parcours de restitution n'est ni aisé, ni rapide, ni connu. Voyez l'exemple de Carrefour à Sannois, dont le pillage a été reconnu en 2018, mais qui devra attendre quatre ans pour être restitué par la voie législative.

Il faut pouvoir parler de la spoliation par le régime nazi, à l'heure où l'on entend tant d'approximations historiques. (M. Joël Bigot et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)

Le peuple juif a subi des exactions sur notre territoire, il faut le rappeler ! Elles ont été commises par les nazis et les collaborationnistes en tous genres.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Les pistes sont diverses : un statut spécial pour ces oeuvres ou une loi-cadre ? Deux des oeuvres ont fait l'objet d'une spoliation directe, les autres d'une vente trouble. Leur restitution se heurte au principe d'inaliénabilité inscrit au code du patrimoine. Elle pose aussi la question de la valeur universelle de ces oeuvres : comment conserver un accès au plus grand nombre, même après leur restitution ? Par le biais d'une photographie ?

La restitution représente bien plus qu'un retour légitime : elle est aussi symbole de reconnaissance républicaine, de justice équitable et de réparation mémorielle des actes perpétrés contre les juifs. Elle est un acte symbolique d'apaisement et de réconciliation.

Notre groupe votera ce texte avec conviction. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - André Malraux écrivait : « L'art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort ; le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort. »

Cette part d'immuable prend tout son sens ici, à l'heure de restituer à leurs héritiers des oeuvres spoliées par les nazis à leurs propriétaires avant de les tuer.

Je salue la volonté politique du Gouvernement et le consensus à l'Assemblée nationale et en commission. Le RDPI votera bien évidemment en faveur de ce texte.

Plus que jamais, il y a urgence à restituer ces oeuvres d'art : les derniers témoins de la Shoah disparaissent et emportent avec eux la mémoire de ces spoliations. En outre, leurs ayants droit se font plus nombreux, ce qui fragmente la propriété des oeuvres et rend les accords difficiles : les ayants droit se trouvent souvent contraints de vendre ces oeuvres dès leur restitution.

La France accuse un important retard par rapport à d'autres pays, notamment l'Allemagne. Cela s'explique par l'installation tardive, en 1999, d'une mission spécifique de recherche des oeuvres spoliées, dont le travail doit néanmoins être salué.

En outre, les moyens alloués sont faibles au regard de l'ampleur de sa tâche. Son périmètre de recherche commence en 1933 à l'arrivée des nazis au pouvoir. C'est une date communément admise, mais elle exclut les descendants de victimes de persécutions non institutionnelles avant cette date par des milices violentes antisémites.

La circulation des oeuvres s'est internationalisée au fil du temps. Mein Kampf qualifiait l'art juif de dégénéré. De nombreuses pièces d'art moderne confisquées par les nazis ont migré vers la France ou outre-Atlantique pour être vendues et permettre l'acquisition d'oeuvres plus « conformes ». Paris a constitué la grande plaque tournante de ce blanchiment.

Le parcours long et laborieux du processus de restitution du tableau de Gustav Klimt est typique des difficultés rencontrées, mais aussi de l'efficacité de la coopération européenne.

Notre mission est bien moins dotée que ses homologues outre-Rhin. Elle n'étudie que 40 dossiers par an, alors que 1 800 sont encore en souffrance. Il s'agit souvent de dossiers complexes et de situations atypiques. Il faudra encore des années pour former des experts sur ces sujets, ce qui nécessitera une implication forte de nos musées, qui doivent souvent consacrer leurs faibles moyens à se séparer d'oeuvres emblématiques de leurs collections...

Il faut également accroître les coopérations internationales. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Joël Guerriau .  - Hitler rêvait de réunir les plus grands chefs-d'oeuvre pillés dans les territoires occupés. À l'époque, Paris était la plus grande place mondiale du marché de l'art, et la plupart des galeries appartenaient à des juifs. Le régime de Vichy a favorisé les spoliations. Le Jeu de Paume et le Palais de Tokyo permettaient le stockage des oeuvres pillées, avant leur départ pour l'Allemagne. Des milliers d'oeuvres ont ainsi été disséminées sur le territoire allemand, jusque dans des sous-marins !

Rendons hommage à Rose Valland qui a transmis des informations sur le trafic au Jeu de Paume et permis ainsi le retour de 100 000 oeuvres. D'autres continuent d'être découvertes, ce qui a conduit le gouvernement allemand à supprimer le délai de prescription.

Dans la continuité du discours du Vel' d'Hiv', le Gouvernement d'Édouard Philippe a intensifié les recherches sur les oeuvres spoliées. Un effort particulier doit porter sur les instruments de musique. Nous devons former des experts à la recherche de provenance.

Je crois à la force du récit, à la transmission de l'histoire individuelle et collective. Nous devons honorer les victimes de l'antisémitisme et lutter contre l'oubli alors que les derniers témoins disparaissent.

L'antisémitisme n'est pas mort avec Hitler : il renaît sous d'autres formes. Des flots de haine sont répandus chaque jour sur les réseaux sociaux, des cimetières sont profanés, des enfants juifs contraints de changer d'école.

J'ai eu le privilège de siéger avec Simone Veil à l'UDF. Elle continuera à influencer d'autres destins que le mien. Je souhaite lui rendre hommage. (Applaudissements)

Mme Toine Bourrat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte marque une nouvelle étape dans le processus de restitution des biens volés pendant l'Occupation à des familles juives au nom de l'idéologie nazie. La Shoah a conduit au pillage de 100 000 oeuvres d'art sur le territoire national, dans 70 000 logements ; 45 000 d'entre elles ont pu être restituées à leur propriétaire légitime après la Libération, mais d'autres ont eu un destin plus complexe. Certaines, 2 000 environ, les MNR, sont placées sous la garde des musées nationaux dans l'attente de leur restitution. D'autres - 13 000 - ont été vendues par l'administration des domaines. S'est ensuite ouverte une période de silence et d'oubli.

Plus tard, des voix se sont élevées pour que les musées reprennent leurs recherches. En 1998, 44 États énoncèrent les principes de la restitution des oeuvres spoliées. Le discours de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation des juifs a ouvert la voie à la mission Mattéoli et à la création de la CIVS.

Le Sénat a contribué à cette tâche avec le rapport de Corinne Bouchoux. (Mmes Nathalie Goulet et Esther Benbassa applaudissent.)

Depuis, la restitution des oeuvres spoliées s'est accélérée : alors que seules six oeuvres avaient été restituées entre 1954 et 1993, 116 l'ont été depuis.

Le témoignage de David Zivie nous a éclairés sur les difficultés rencontrées, notamment pour les oeuvres appartenant aux collections publiques quand l'achat a été réalisé en toute bonne foi par le musée.

En s'attaquant à ce problème, le présent texte a un caractère inédit, même si son dispositif est similaire à celui du texte récemment voté pour restituer certaines oeuvres au Bénin et au Sénégal (Mme Nathalie Goulet le conteste), à la différence qu'il concerne des personnes privées.

Le dessaisissement de la France est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'oeuvres majeures et notamment de la seule toile de Klimt présente dans les collections nationales.

Notre rapporteure, dont je salue le travail, a rappelé que nous avons besoin de moyens et de former des experts pour poursuivre ce travail de restitution.

L'État doit réfléchir à une loi-cadre qui éviterait d'avoir à légiférer au cas par cas et accélérerait les procédures, mais cela semble délicat.

Notre groupe votera évidemment ce projet de loi, qui répond à une exigence de vérité et de justice. (Applaudissements)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Restituer ce qui a été mal acquis : voilà l'impératif ! Je pense à ce texte, mais aussi à la restitution des oeuvres spoliées au Sénégal et au Bénin. (Mme Nathalie Goulet proteste.) Mais ce texte en diffère, car il fait référence à une spoliation récente, massive, précédant un génocide organisé avec la complicité de l'État français. Il s'agissait alors de déposséder les juifs de leur culture et de briser les chaînes de la transmission des idées et des valeurs.

Cette spoliation a été combattue par de trop rares combattants de l'ombre comme Rose Valland, dont le travail a permis de retrouver la trace de la plupart des oeuvres spoliées par l'occupant nazi. Quelque 85 000 oeuvres spoliées ont été identifiées par la commission de récupération artistique, 61 000 ont été retrouvées et 45 000 oeuvres rendues ; les autres ont été vendues ou sont devenues des MNR, avec un succès mitigé - seules 178 MNR ont été restituées depuis 1950, sur un total de 2 000.

Pendant cinquante ans, le sujet a disparu, ces oeuvres devenant le secret de famille de nos musées, comme le rappelait la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux en 1993. Elle insistait également sur l'importance des recherches sur la provenance des collections : c'est une question d'éthique. Beaucoup de musées, comme le Louvre, s'y attachent, ce qui mérite d'être salué. Des travaux de recherche sont également réalisés par les ayants droit, des généalogistes et par la CIVS.

En autorisant la restitution de plusieurs oeuvres aux familles des victimes de la barbarie, ce texte s'inscrit dans cette histoire tragique. Nous saluons cette initiative. C'est la réparation d'une partie des crimes commis, alors que l'histoire continue d'être réécrite par certains...

Une loi-cadre raccourcirait les délais tout en garantissant le sérieux des procédures. Le Conseil d'État, David Zivie, la rapporteure à l'Assemblée nationale, Mme la ministre, y sont favorables.

Nous avons eu le même débat s'agissant des restitutions au Sénégal et au Bénin.

Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet.  - Cela n'a rien à voir !

M. Thomas Dossus.  - C'est bien ce que je dis : voilà deux réalités différentes, mais qui répondent à un même impératif de vérité, de justice, d'éthique. Nous recherchons la concorde entre les peuples et les générations. Rendre ce qui a été mal acquis nous honore. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Citant Le Mikrokosmos de Hermann Lotze, Walter Benjamin jugeait qu'il ne peut y avoir de progrès s'il n'est pas rendu justice à ceux qui ont souffert dans le passé. Les oeuvres que ce projet de loi restitue font resurgir les souffrances endurées par Éléonore Stiasny, Armand Dorville, Georges Bernheim, David Cender, leurs familles et tous les Juifs qui ont connu la persécution. « Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race et notre race vit en nous », disait Gérard de Nerval.

Alors que les idéologies antijudaïques jaillissent de nouveau du ventre encore fécond de la bête immonde, rappelons les persécutions commises par le soi-disant gouvernement de l'État français du maréchal Pétain. Dès le 22 juillet 1940, la collaboration prononce la déchéance de nationalité des Français naturalisés depuis la loi du 10 août 1927 : plus de 6 000 Français de confession juive sont ainsi privés de leur nationalité. Le commissariat général aux questions juives est créé le 29 mars 1941, notamment pour procéder à la liquidation des biens des citoyens français considérés comme juifs. Le second statut des Juifs du 2 juin 1941 interdit aux Français de confession juive toute profession en relation avec le commerce : les fonds des galeries d'art sont expropriés et confiés à des administrateurs provisoires. La loi du 22 juillet 1941 organise l'éradication de toute « influence juive dans l'économie ».

De nombreuses oeuvres sont saisies par l'occupant allemand, mais la plupart sont écoulées sur le marché de l'art. L'Hôtel Drouot est fermé dès l'été 1940, mais ses gestionnaires obtiennent vite la réouverture des ventes. Les acheteurs sont les autorités d'occupation, les musées allemands, des particuliers qui blanchissent des revenus tirés du marché noir, mais aussi des musées publics dont Le Louvre. Dès 1945, Jean Dutour a dénoncé ce pillage organisé : « Les Allemands ont emporté pour 500 milliards d'oeuvres. Ils furent beaucoup aidés dans cette belle opération par des experts, des commissaires-priseurs et des marchands français. »

Pour la première fois, une loi restitue des oeuvres conservées dans des collections publiques, mais acquises hors du cadre de la légalité républicaine. Elle porte aussi reconnaissance et réparation des spoliations dont le Régime de Vichy s'est rendu coupable et que le Parlement n'a jamais reconnues. L'ordonnance du 21 avril 1945 a frappé de nullité tous ses actes, mais il a fallu attendre le discours de Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, pour que la France admette sa responsabilité dans la déportation de 76 000 personnes, dont 11 000 enfants.

La Nation a reconnu tout à l'heure sa responsabilité pour l'indignité faite aux harkis et à leur famille lors de leur accueil en France. Il est de son devoir de reconnaître maintenant, par la loi, la culpabilité de la France pour la déportation et la spoliation des personnes de confession juive. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Le Gouvernement souhaite proposer au Parlement une loi-cadre pour faciliter les futures restitutions. Quinze oeuvres vont retrouver les familles auxquelles elles ont été arrachées par une violence d'État responsable du pire génocide de notre histoire. Elles rappellent aussi la faillite de la démocratie et le suicide de la République. N'oublions pas. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le projet de loi qui nous réunit porte sur la restitution de biens culturels aux héritiers des spoliations nazies. Il s'agissait de faire disparaître tout un peuple.

Je salue le travail colossal réalisé par la CIVS depuis sa création. Ce n'est pas rien d'ébranler le principe d'inaliénabilité des collections... Mais cela est nécessaire pour établir un équilibre entre éthique et protection des collections.

Le Sénat a toujours joué un rôle moteur en la matière avec Nicolas About et Catherine Morin-Desailly, autour de la Vénus hottentote et des têtes maories.

Il a aussi créé une commission ad hoc, hélas supprimée par la loi Asap. Pour y remédier, une proposition de loi de nos collègues Max Brisson, Catherine Morin-Dessailly et Pierre Ouzoulias a été adoptée en ce début d'année : elle crée un conseil national de réflexion pour, tout à la fois, apporter un conseil scientifique aux musées confrontés à des demandes de restitution, préserver le principe d'inaliénabilité et éviter le fait du prince.

Je salue le travail de notre rapporteure. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fialaire .  - Ce projet de loi, que le groupe du RDSE soutient à l'unanimité, est à la croisée de l'histoire, de la culture et du droit.

Il aura fallu 50 ans pour que le Président Chirac reconnaisse la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs de France, comme tous les Juifs, contrairement à ce que certains laissent entendre... (M. Pierre Ouzoulias approuve.) C'est trop récemment que la CIVS a été dotée de la capacité de s'autosaisir de spoliations de biens culturels. C'est un enjeu essentiel de reconnaissance de la Shoah.

Il s'agit aussi, avec ce texte, de l'appréciation des biens culturels, qui ont une valeur affective importante pour les familles ; (Mme Nathalie Goulet le confirme) ce sont pour elles un témoignage de leur passé. Cette valeur dépasse celle, économique, d'un marché de l'art toujours plus spéculatif et fortement dépendant de la fiscalité. L'article 2 ramène à la valeur marchande du bien culturel, qui peut fluctuer, mais qu'il convient de réparer quand la spoliation découle des politiques iniques de Vichy.

Enfin, il est question de droit : il faut utiliser pour le dire des mots justes qui guérissent et réparent. Dire et écrire la nécessaire réparation est un devoir que nous devons remplir. Le funeste régime de Vichy découle aussi de la faillite morale de la représentation nationale d'alors.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire.  - La repentance n'est pas une réécriture de l'histoire en dehors de son contexte : c'est le courage de demander pardon.

Je veux revenir sur le principe d'inaliénabilité de nos collections publiques : il faut désormais glisser vers un principe d'inaliénabilité de la dimension culturelle, plutôt que de sa propriété. Les biens culturels ont une dimension universelle, ils doivent être partagés sur leur lieu d'origine ou dans un musée. Et pourquoi ne pas rêver à l'universalité de certaines ressources naturelles indispensables à la survie de l'humanité...

Penser à un monde meilleur, plus juste et fraternel, est aussi un hommage que nous devons aux victimes de la barbarie. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - À l'heure où certains tentent de réhabiliter le régime de Vichy, je m'exprime avec émotion sur ce texte de réparation et dédie mon intervention à ma grand-tante, qui avait émigré de Smyrne à Marseille dans les années vingt et qui fut déportée à Auschwitz-Birkenau avec sa famille.

L'art fut un pilier de la barbarie nazie. Dès leur arrivée à Paris, les Allemands ont pillé les oeuvres, imités par le régime de Vichy qui ordonnera la confiscation de tous les biens juifs.

La restitution des oeuvres a été insuffisante à la Libération ; elle a concerné 40 000 oeuvres sur les 100 000 concernées. Certaines se trouvent dans les collections publiques et sont, à ce titre, inaliénables. Une loi doit les déclasser pour les restituer. Pour d'autres, nous avons perdu toute trace de spoliation...

Je ne doute pas que le travail de la mission permettra de restituer de nombreuses oeuvres, à condition qu'elle dispose des moyens nécessaires. Une loi-cadre serait également bienvenue pour éviter les obstacles du calendrier législatif.

Ce texte est nécessaire à l'heure où notre société est menacée par des courants révisionnistes et antisémites. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et des groupes SER et CRCE ; Mme Sabine Drexler applaudit également.)

M. Sébastien Meurant .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte va dans le sens de l'histoire; nous pouvons nous en féliciter. Il répare, si l'on peut dire, les terribles spoliations subies par les familles juives sous l'occupation allemande.

Je veux évoquer l'oeuvre Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, acquise et conservée depuis vingt ans par la ville de Sannois, dans mon département.

La restitution a été décidée en 2018 par la commune, qui avait cependant engagé, avec le département, plus de 100 000 euros pour acquérir ce tableau en 2004 lors d'une vente aux enchères organisée par Sotheby's afin d'enrichir le fonds du Musée Maurice Utrillo.

La ville de Sannois souhaite que Sotheby's Londres reconnaisse sa responsabilité, au moins morale, ce que la maison de ventes refuse, en se fondant sur le droit britannique, au motif que l'accès aux fiches de l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg n'était pas possible lors de la vente.

Les élus de Sannois n'ont pas voulu se lancer dans une action judiciaire à l'issue incertaine.

Il semble pourtant inimaginable qu'une oeuvre authentifiée, d'un artiste renommé, n'ait pu être suivie depuis sa conception jusqu'à sa vente à Sannois ! Sotheby's aurait dû faire état de doutes quant à la détention de l'oeuvre autour de la guerre.

La commune de Sannois, comme d'autres acquéreurs d'oeuvres spoliées, serait légitime à demander réparation au vendeur.

Chacun doit contribuer, à sa mesure, à réparer les préjudices de la folie nazie. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour appuyer la commune de Sannois dans sa demande légitime ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - Je suis fille et petite-fille de déportés. Mes grands-parents, bouchers rue Saint-Paul, dans le Marais, sont morts en déportation après avoir été spoliés et déchus de leur nationalité. Vichy ne les a pas protégés...

J'ai en main un document : la fiche de spoliation de ma grand-tante, après la vente du 24 août 1942 de son petit magasin de chapeaux à Douai - peu avant la grande rafle des juifs du Nord du 11 septembre 1942. (L'oratrice brandit une feuille manuscrite, jaunie, à la tribune.)

Un autre document, du 25 juin 1942 : le comptable explique ne pas savoir que faire des biens en l'absence d'instructions des autorités allemandes. (L'oratrice brandit un courrier d'apparence ancienne.)

La spoliation des oeuvres d'art, c'est ceci. (L'oratrice indique un mince volume posé devant elle.) La spoliation des juifs de France, c'est cela ! (L'oratrice indique trois épais volumes posés devant elle.)

Tout cela n'a pas grand-chose à voir avec le Bénin... La spoliation, c'est aussi le renvoi de mon père du lycée Charlemagne à 10 ans !

Le travail de la commission Mattéoli et de Corinne Bouchoux nous en a rappelé les détails : le linge de maison des petites gens n'était pas épargné. Pensez, mes grands-parents étaient de modestes bouchers ! Par miracle, deux petits chandeliers ont été retrouvés, comme dans l'oeuvre de Zweig...Ce sont nos biens les plus précieux.

Évidemment, cette loi est indispensable, pour restituer le tableau de Klimt, et d'autres. Mais je voudrais consacrer mon temps de parole à tous les autres, à tous ceux qui ne possédaient pas d'oeuvres d'art mais qui, tailleurs, marchands ambulants, lingères, n'en ont pas moins été spoliés parce qu'ils étaient juifs.

Madame la ministre, je vous invite à lancer un appel pour la collecte de documents originaux tels que ceux-ci, non pas pour une réparation qui n'aurait guère de sens, mais pour une reconnaissance dans la mémoire nationale, peut-être dans un musée.

Vous n'êtes pas seulement le ministre de la Culture aujourd'hui : vous êtes le ministre de la Justice ! Soyez-en remerciée. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Paccaud .  - Cet article évoque le principe d'inaliénabilité des collections publiques rappelé par Bernard Fialaire.

Ce texte a une haute portée morale et civilisationnelle. Le droit de propriété est inscrit à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : il est inviolable et sacré. La folie nazie, la peste brune se sont nourries de la haine du juif, de la jalousie que pouvait susciter cette communauté.

Avant d'être déportés, puis exterminés, ils ont été spoliés.

La République, par ce texte, peut apaiser, rappeler le cauchemar national-socialiste et la complicité d'un gouvernement collaborationniste indigne. L'oubli est une seconde mort : n'oublions jamais jusqu'où l'homme a pu perdre son âme !

Ce texte est un second pas, après celui de Jacques Chirac en 1995, mais bien d'autres pas devront être franchis pour que justice soit rendue.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Pierre Ouzoulias .  - La mission de recherche et de restitution présidée par David Zivie, que je salue, a de larges attributions. Elle concerne les biens spoliés entre 1933 et 1945. Les dossiers sont ensuite instruits pas la CIVS dont le périmètre de compétence se limite à la période 1940-1944, époque des lois sur le statut des juifs. Je crois qu'il conviendrait de modifier le décret du 10 septembre 1999 pour élargir ses missions à l'intégralité de la période couverte par la mission Zivie. (Applaudissements)

M. Marc Laménie .  - Cet article concerne la restitution aux ayants droit d'oeuvres spoliées, suivant une recommandation de la CIVS du 17 mai 2021 qui s'est prononcée sur des motifs d'équité.

Le rapport de Corinne Bouchoux, publié en 2013, a donné un nouvel élan à la politique de restitution, tout comme le travail mené par la commission des finances en juin 2018 à l'occasion des vingt ans de la CIVS ; la recommandation n 13 de son rapport d'information préconisait de replacer les restitutions au coeur de la réparation.

Je salue le travail mené par la rapporteure et par la commission de la culture sur un sujet sensible, qui relève du travail de mémoire.

L'article 2 est adopté, ainsi que les articles 3 et 4.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - J'étais un peu émue à la tribune...

Madame la ministre, la France a le privilège de présider l'Union européenne. Il est important de faire vivre ce combat à l'échelle européenne, car nous sommes en avance sur le sujet. Je le redis, aujourd'hui, vous êtes ministre de la Justice.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Mme la présidente.  - Je salue cette unanimité. (Applaudissements)

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure.  - Je me réjouis de cette unanimité, pour que les ayants droit puissent retrouver leurs biens.

C'est un geste important de l'État pour une mémoire apaisée.

Je remercie Mme la ministre, mes collègues et tous ceux qui ont oeuvré à ce texte. (Applaudissements)

Prochaine séance demain, mercredi 16 février 2022 à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 45.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 16 février 2022

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

M. Vincent Delahaye vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (texte de la commission, n°425, 2021-2022) et conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte (texte de la commission, n°426, 2021-2022)

3. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à démocratiser le sport en France (n°477, 2021-2022)

4. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement (n°481, 2021-2022)