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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Accord en CMP

Questions orales

Financement des SDIS

M. Hervé Gillé

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Apprentissage des jeunes en situation de handicap

Mme Laure Darcos

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan

Mme Laurence Harribey

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

État de la justice en France

Mme Brigitte Lherbier

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Accueil des élèves en situation de handicap

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Manque d'AESH

M. Alain Marc

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Comptabilisation des enfants en très petite section

Mme Dominique Vérien

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Ruralité et éducation prioritaire

M. Olivier Paccaud

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Fermeture de classes en milieu rural

M. Bruno Belin

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Remplacement des professeurs absents

Mme Anne Ventalon

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Enquête interne sur l'opération Sirli

M. Guillaume Gontard

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Déserts vétérinaires en zone rurale

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Refonte de la politique forestière

M. Mathieu Darnaud

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Prévention de nouvelles vagues d'influenza aviaire

M. Max Brisson

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Appel à manifestation d'intérêt pour le renouvellement forestier

Mme Frédérique Puissat

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Hausse du prix de l'énergie pour les collectivités locales

M. Hervé Maurey

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Conséquences de l'inflation sur le financement des projets locaux

Mme Corinne Féret

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Raccordement final des abonnés

Mme Patricia Demas

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Travaux d'installation de la fibre optique

Mme Else Joseph

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

État des infrastructures de télécommunications dans les Hautes-Alpes

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Responsabilité comptable des directeurs généraux des services

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Réduction d'horaires et fermeture de bureaux de poste

M. Christian Bilhac

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Écloseries marines de Gravelines

M. Frédéric Marchand

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers

Mme Sylviane Noël

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Avenir des centres de vacances en milieu rural

M. Jean-Yves Roux

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Mesures de soins sous contrainte dans le Nord

Mme Martine Filleul

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Reprise de la collecte de sang en Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Constatation des décès à domicile

M. Édouard Courtial

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Autorisation d'exercice pour les Padhue

Mme Nadine Bellurot

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Désarroi des professionnels des centres médico-psychopédagogiques

Mme Élisabeth Doineau

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Exercice de la fonction d'assistant médical

M. Daniel Gremillet

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Dépistage du Covid par des chiens renifleurs

Mme Sabine Drexler

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Attractivité des carrières hospitalo-universitaires

Mme Véronique Guillotin

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Oubliés du Ségur de la santé

Mme Annie Le Houerou, en remplacement de M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Démographie médicale

Mme Annie Le Houerou

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Conséquences de la hausse des prix de l'énergie

M. François Bonhomme

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Financements de la France en faveur du climat

M. Jean-François Husson

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Qualité des services de la SNCF dans les Hauts-de-France

Mme Martine Filleul, en remplacement de M. Rémi Cardon

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Financement des agences de l'eau

Mme Amel Gacquerre

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Nuisances sonores et pollution de l'autoroute A6

M. Christian Cambon

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Destruction et bétonisation des jardins d'Aubervilliers

M. Thomas Dossus

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Consultation des communes menacées par le recul du trait de côte

M. Didier Mandelli

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Lutte contre les nuisances aériennes

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Création de l'agence territoriale de la biodiversité de Guyane

M. Georges Patient

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Évolution du classement en zone tendue

Mme Annick Billon

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Commission (Nomination)

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. François Bonneau

M. Éric Gold

M. Mickaël Vallet

M. Xavier Iacovelli

M. Joël Guerriau

M. Gilbert Bouchet

M. Guillaume Gontard

Mme Michelle Gréaume

Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Conclusions de la CMP)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la CMP

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

M. Jean-Claude Requier

M. Jean Louis Masson

Mme Émilienne Poumirol

M. Xavier Iacovelli

M. Joël Guerriau

M. Laurent Burgoa

M. Guy Benarroche

Mme Michelle Gréaume

Mme Jocelyne Guidez

Choix du nom issu de la filiation (Procédure accélérée)

Nominations à une éventuelle CMP

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

Mme Esther Benbassa

M. Hussein Bourgi

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Joël Guerriau

Mme Catherine Belrhiti

Mme Mélanie Vogel

Mme Éliane Assassi

Mme Dominique Vérien

M. Henri Cabanel

M. Olivier Paccaud

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Grand

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

APRÈS L'ARTICLE 2

ARTICLE 2 BIS

ARTICLE 4

Mise au point au sujet d'un vote

Restitution de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure de la commission de la culture

M. Lucien Stanzione

M. André Gattolin

M. Joël Guerriau

Mme Toine Bourrat

M. Thomas Dossus

M. Pierre Ouzoulias

M. Pierre-Antoine Levi

M. Bernard Fialaire

Mme Esther Benbassa

M. Sébastien Meurant

Mme Nathalie Goulet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Paccaud

ARTICLE 2

M. Pierre Ouzoulias

M. Marc Laménie

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet

Ordre du jour du mercredi 16 février 2022




SÉANCE

du mardi 15 février 2022

57e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 45 questions orales.

Financement des SDIS

M. Hervé Gillé .  - Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde est en tension permanente. Les missions de secours à personne explosent, or les effectifs manquent, conséquence d'un financement déconnecté de la réalité du terrain.

Malgré la solidarité départementale, la situation reste instable. En effet, le mode de calcul des contributions communales et intercommunales, qui résulte de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, prend en compte l'inflation, mais ni l'augmentation de la population, ni la hausse probable du nombre d'incendies dus au réchauffement climatique.

Ce calcul est préjudiciable pour la Gironde, dont la population augmente plus vite que la moyenne nationale : 1,2 % par an, sans compter la saison touristique. Environ 136 000 opérations ont lieu chaque année, soit une intervention toutes les quatre minutes. Or la population va continuer d'augmenter et le dérèglement climatique va décupler les accidents, sachant que la forêt couvre la moitié de la superficie du département.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer au SDIS les moyens de son fonctionnement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le modèle de financement des SDIS par les départements, les EPCI et les communes, pour lesquelles il s'agit d'une dépense obligatoire, est le reflet de l'histoire.

La loi Matras du 25 novembre 2021 vise à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat. Son article 54 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur le financement des SDIS avant le 1er janvier 2023. L'inspection générale de l'administration a donc été saisie de ce sujet, et associera les représentants des collectivités territoriales à ses travaux. Il vous en sera rendu compte.

M. Hervé Gillé.  - Nous suivrons ce sujet avec attention, car la situation se dégrade sur le terrain.

Apprentissage des jeunes en situation de handicap

Mme Laure Darcos .  - La faculté des métiers de l'Essonne a mis en place, depuis plusieurs années, un dispositif dit « passerelle bleue » pour préparer des jeunes porteurs de handicap cognitif à se former par la voie de l'apprentissage dans divers champs professionnels - restauration, carrosserie, vente, boulangerie, bâtiment, etc.

Au terme de cette année, qui associe individualisation des parcours et accompagnement médico-psycho-social, les jeunes entrent en CAP. La signature d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise sensibilisée permet une formation en alternance.

Or les jeunes en Institut médico-professionnel (IMPro) rencontrent un obstacle : ils ne peuvent pas accéder au statut d'apprenti, et, partant, de salarié. C'est une injustice inacceptable dans une société qui se veut plus inclusive. Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces jeunes ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Je réponds au nom de Mme Cluzel, retenue, et salue votre engagement sur ce sujet.

L'apprentissage est une priorité du Gouvernement. En témoigne la prime aux entreprises qui recrutent un apprenti, d'ailleurs prolongée jusqu'en juin 2022.

C'est un vrai levier vers l'emploi durable pour les personnes en situation de handicap. Notre ambition est d'éviter de mener une politique à part pour ces dernières. La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel oblige chaque centre de formation d'apprentis (CFA) à avoir un référent handicap et à prévoir des aménagements. Avec la réforme de la formation professionnelle, ces accompagnements ne sont plus à la charge des CFA.

L'accompagnement est particulièrement adapté au public de la « Passerelle bleue ». Un expert des troubles cognitifs suit la personne tout au long de son parcours, en amont, en apprentissage puis en poste.

La loi 3DS prévoit la délivrance automatique de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé aux jeunes de plus de 16 ans déjà accompagnés par les MDPH.

Ces mesures portent leurs fruits : le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap baisse et le nombre d'apprentis en situation de handicap a bondi de 79 % entre 2019 et 2021.

Mme Laure Darcos.  - Je reposerai ma question à Mme Cluzel. Ces jeunes se heurtent à un obstacle pour accéder au statut d'apprenti, puis de salarié. Il y a un trou dans la raquette.

Centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan

Mme Laurence Harribey .  - Dans son avis du 4 juin 2020, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté rappelait que le nombre de personnes hébergées dans un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le maximum prévu.

Dans sa tribune du 7 février dans Le Monde, elle dresse un tableau inquiétant : insalubrité des cellules, surpopulation entraînant des atteintes aux droits fondamentaux des détenus.

La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en janvier 2020 pour traitements inhumains et dégradants. Cette situation pèse sur le personnel.

À Gradignan, on compte 779 détenus pour 434 places, 94 matelas à même le sol, et plus de dix cellules individuelles de 9 m2 où logent trois détenus.

Le personnel est en souffrance et démuni. Les annonces de revalorisation salariale, bienvenues, ne suffisent pas à compenser les conditions structurelles. « J'espère que vous porterez notre voix pour que le Gouvernement réagisse », m'ont-ils dit. Que leur répondez-vous ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - La surpopulation carcérale est une préoccupation constante du ministère de la Justice.

La densité carcérale du centre pénitentiaire de Bordeaux est effectivement excessive, en particulier dans le quartier maison d'arrêt.

Pour y remédier, 60 transferts de désencombrement vers des centres voisins ont déjà été effectués. Le ministère a annoncé 409 millions d'euros pour la construction de 15 000 places supplémentaires - le programme immobilier le plus ambitieux depuis trente ans - ainsi que 138 millions d'euros pour des opérations de maintenance et d'entretien des centres existants.

De nouveaux projets immobiliers sont prévus en Nouvelle-Aquitaine, avec 250 places supplémentaires à Gradignan et un nouvel établissement à Pau en 2022. Deux structures d'accompagnement vers la sortie ont été ouvertes, à Poitiers et à Bordeaux.

La loi du 22 décembre 2021 permet de désengorger les prisons grâce à la libération sous contrainte de plein droit pour les peines de moins de deux ans et au renforcement de l'assignation à résidence sous surveillance électronique.

Comptez sur la détermination du Gouvernement sur ce sujet.

Mme Laurence Harribey.  - J'étais avec le garde des Sceaux l'année dernière à Gradignan. Ce déplacement avait fait naître un espoir - mais rien n'a changé. Le personnel déplore l'absence de dialogue social. Un petit geste en sa direction serait bienvenu.

État de la justice en France

Mme Brigitte Lherbier .  - Magistrats et greffiers se sont mobilisés en décembre 2021 pour dénoncer l'état de la justice dans notre pays. En janvier 2022, le personnel du tribunal judiciaire de Lille a prononcé, dans une motion commune, une « impossibilité de faire judiciaire ». Le délai moyen pour qu'un justiciable soit convoqué par le tribunal correctionnel atteint un an ; huit ans devant la cour d'assises !

Les conditions de travail sont déplorables. Le tribunal peut juger jusqu'à quinze dossiers de violences conjugales sur une matinée ; les juges des enfants lillois suivent chacun mille mineurs.

Le Gouvernement met en avant l'augmentation historique du budget de la justice. Certes, des recrutements ont été effectués et des moyens techniques ont été apportés dans les juridictions. Mais ces mesures ne permettent toujours pas aux personnels de rendre une justice de qualité.

Le décalage entre les missions confiées à l'institution et les ressources humaines et matérielles dont elle dispose est patent.

Que répondez-vous à ces professionnels ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Veuillez excuser le garde des Sceaux.

Entre 2017 et 2021, 698 nouveaux magistrats sont arrivés, soit une hausse de 9 % des effectifs, ainsi que 870 greffiers, soit une hausse de 9,4 %. Ajoutez les 2 000 contractuels recrutés dans le cadre de la mise en oeuvre de la justice de proximité, et vous verrez qu'il n'y a jamais eu autant de personnel dans les juridictions !

Mais nous n'ignorons pas les difficultés et continuons les efforts de recrutement. Le prochain concours de l'École nationale de la magistrature offrira 460 places, la promotion la plus importante de l'histoire. Le Gouvernement a aussi pérennisé 1 414 emplois contractuels.

Au tribunal judiciaire de Lille, neuf postes ont été créés ces deux dernières années. Les effectifs du siège sont au complet, un poste est vacant au parquet. Le tribunal bénéficie d'un renfort de trente magistrats placés pour compenser les arrêts et congés.

Au 1er mars 2022, vingt fonctionnaires manqueront : nous nous attachons à résorber au plus vite cette vacance, avec l'entrée en fonction de deux directeurs de services de greffe, de huit greffiers et de deux adjoints administratifs. Le plan de soutien à la justice de proximité a permis le recrutement de seize contractuels, dont deux de catégorie A.

Accueil des élèves en situation de handicap

Mme Marie-Claude Varaillas .  - La circulaire interministérielle du 10 février 2021 précise que le projet d'accueil individualisé (PAI) des élèves atteints de troubles physiques ou psychiques s'étend dorénavant au temps périscolaire et qu'il revient à la collectivité concernée d'assurer sa mise en oeuvre.

Si cette continuité est indispensable pour une école réellement inclusive, la charge financière qui incombe aux collectivités fait courir le risque d'un système à deux vitesses. Les communes qui acceptent des dispositifs inclusifs dans leur école ne choisissent pas l'affectation des élèves orientés par les MDPH ou l'Éducation nationale.

Il faut une revalorisation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui sont à 93 % des femmes. Le Gouvernement doit y mettre les moyens ; cela passe par la création d'un corps de fonctionnaires correspondant à un besoin permanent. Le contrat des AESH doit être étendu au temps périscolaire.

Il conviendrait enfin de réduire les effectifs en classe. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour accompagner les collectivités territoriales et garantir l'égalité d'accès à l'école publique ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - La scolarisation inclusive est l'une des missions fondamentales de l'école de la République.

La circulaire du 8 septembre 2003 prévoyait déjà la mise en oeuvre du PAI par les collectivités territoriales. La circulaire de février 2021 qui l'abroge introduit la notion de parcours de vie et favorise la mise en oeuvre des mesures sur tout le temps de l'enfant, qu'il relève de l'État ou des collectivités territoriales. Elle a été rédigée en concertation avec toutes les organisations syndicales concernées. Elle apporte une plus grande sécurité juridique au personnel de l'Éducation nationale et précise le rôle et les responsabilités de chacun.

Notre objectif est d'assurer la scolarité inclusive de tous les enfants.

Manque d'AESH

M. Alain Marc .  - Trop d'élèves disposant d'une notification de la MDPH attendent pendant des mois, voire des années, l'accompagnement nécessaire au regard de leurs besoins et de leurs singularités.

Cela pénalise non seulement les enfants qui, faute d'enseignement adapté à leur handicap, subissent des retards d'apprentissage, mais aussi les parents, obligés de renoncer à leur activité professionnelle afin de prendre en charge leur enfant.

La construction d'une école pleinement inclusive est une priorité absolue, inscrite dans la loi.

Quelles mesures comptez-vous prendre afin de garantir la scolarisation de chaque élève nécessitant un AESH ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - Le Gouvernement a fait du service public de l'école inclusive une priorité : 400 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, soit 19 % de plus en cinq ans ; 125 500 AESH ont été recrutés, avec un statut plus protecteur, 1 300 ULIS ont été ouvertes ainsi que 250 structures dédiées à l'autisme.

En 2022, 4 000 AESH ont été recrutés ; au total, 27 000 ETP ont rejoint nos écoles depuis 2017, soit une hausse de 50 %.

Nous poursuivons la professionnalisation du métier par une formation continue et sécurisons leur carrière par un CDD de trois ans. La grille indiciaire est améliorée et les AESH ont bénéficié de l'indemnité inflation de 100 euros en janvier 2022. En 2021 et 2022, 150 millions d'euros auront été consacrés à la revalorisation des AESH.

Depuis 2017, l'école inclusive aura bénéficié de 3,5 milliards d'euros, soit une hausse de 66 %. L'objectif, c'est la réussite de ces jeunes : pour la première fois, la part d'élèves en situation de handicap est plus importante dans le secondaire que dans le primaire.

M. Alain Marc.  - Ma question portait moins sur la situation matérielle des AESH que sur la situation dans l'académie de Toulouse, où les enfants ne peuvent obtenir l'AESH promis par le directeur académique, malgré les recrutements...

Comptabilisation des enfants en très petite section

Mme Dominique Vérien .  - Les établissements pilotes de l'expérimentation relative à l'intégration des toutes petites sections (TPS) dans les cycles scolaires ont consenti des efforts financiers, matériels et humains pour concourir à son succès.

Or il apparaît que les enfants des TPS ne sont plus comptabilisés dans les effectifs des établissements, ce qui a un impact direct sur le choix de l'administration d'y ouvrir ou plutôt d'y fermer une classe.

Cette décision est mal vécue par les responsables scolaires et les parents d'élèves, mais aussi par les élus locaux qui ont investi au moment du lancement de l'expérimentation.

En outre, cela risque de conduire à des fermetures de classes alors que ces communes bénéficient justement d'une dynamique de peuplement liée à cette expérimentation.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - Elle est très claire. Dans les écoles à l'environnement social défavorisé, en milieu urbain comme rural, la scolarisation des enfants dès 2 ans révolus est possible, mais non obligatoire. Dans les zones non prioritaires, les moins de 3 ans peuvent être accueillis si des places sont disponibles. Ils sont dans tous les cas comptabilisés dans les effectifs de l'école, comme le prévoit l'article L 113-1 du code de l'éducation.

Mme Dominique Vérien.  - Votre réponse fera jurisprudence : les académies ne semblent pas au courant de l'obligation de comptabiliser ces enfants. L'Yonne, département rural, est directement concernée. Une circulaire serait de bon aloi.

Ruralité et éducation prioritaire

M. Olivier Paccaud .  - Malgré nos différences, nous mettons tous au coeur de notre action la promesse républicaine d'égalité des droits et des chances. Dans notre pacte républicain, l'école a une place fondatrice : elle offre à tous, sans distinction, la possibilité d'acquérir le savoir et de progresser dans la société.

À cette fin, des zones d'éducation prioritaires (ZEP), puis réseaux d'éducation prioritaire (REP), ont été mis en place. Cette politique de discrimination positive donne des résultats, mais elle a aussi des limites, surtout quand la carte de l'éducation prioritaire oublie, voire efface, des territoires entiers. En 2014, les zones rurales ont ainsi été injustement exclues au profit des quartiers de la politique de la ville.

La commune de Mouy dans l'Oise, classée pendant trente ans en ZEP, souffre d'un taux de chômage de 20 %. On veut y fermer une classe dans l'école maternelle Louise-Michel, ce qui fera passer le nombre d'élèves par classe de 19 à 25 - quand à Creil, à quelques kilomètres de là, ils sont 12 ! L'équité commande d'abandonner ce projet.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - Le Gouvernement est à l'écoute de la ruralité, et le Président de la République s'est engagé à ce qu'aucune école ne ferme en milieu rural sans l'accord du maire. En 2021, 401 000 élèves sont scolarisés dans les écoles publiques de communes rurales éloignées, soit 7,2 % des effectifs. Le nombre moyen d'élèves par classe y est de 20,9, pour une moyenne nationale de 21,9.

Il ne peut y avoir de réponse unique à la diversité des situations. Nous avons mis en place des conventions ruralités et lancé le programme Territoires éducatifs ruraux (TER), pendant rural des cités éducatives ; 23 territoires pilotes se sont inscrits.

Il s'agit de renforcer les coopérations avec les collectivités territoriales et les partenaires de l'école, d'accompagner les jeunes ruraux dans l'orientation et de renforcer l'attractivité des écoles rurales pour le personnel. Au vu des premiers résultats, l'expérimentation sera étendue à de nouveaux territoires dans sept nouvelles académies. Au total, plus de soixante territoires sont engagés dans une démarche de contractualisation, afin de construire une réponse globale et adaptée.

Fermeture de classes en milieu rural

M. Bruno Belin .  - Les fermetures de classes en milieu rural sont vécues comme une injustice. Soit l'État revient sur les engagements pris - je pense à l'école de Mirebeau, dans la Vienne, où le dispositif Plus de maîtres que de classes va s'interrompre ; soit il ne prend pas en compte les projets des élus qui visent à donner un nouvel élan à la commune - à Montmorillon, par exemple, où Joël Giraud a pourtant salué un projet qui va transformer le quart sud-est de la Vienne. En fermant des classes, vous leur sapez le moral !

L'école restera toujours un facteur d'attractivité et de vitalité des territoires ruraux.

L'État ne tient pas parole ! Mme El Haïri a déclaré devant le Sénat, le 8 février dernier, qu'aucune école ni aucune classe ne serait fermée sans l'accord du maire : page 8 du compte rendu analytique !

Je m'élève contre ces fermetures, qui ont pour corollaire des temps de transport accrus pour les enfants et un décrochage plus important.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - L'expérimentation des TER va être étendue pour mieux prendre en compte les projets des maires. Le Gouvernement fait de l'école primaire sa priorité. C'est pourquoi, malgré la forte baisse des effectifs - 259 000 élèves en moins dans le premier degré - nous avons créé 14 300 nouveaux postes, de manière à poursuivre le dédoublement des classes de grande section en REP et à plafonner à 24 élèves les effectifs en grande section, en CP et en CE1 sur tout le territoire. Plus de 2 000 postes seront encore créés en 2022, alors que le nombre d'élèves diminuera de près de 67 000.

Je le redis : aucune fermeture d'école ne peut intervenir en zone rurale sans l'accord du maire. Le dialogue est mené avec les élus de manière constructive.

Dans la Vienne, il y a 21,4 élèves par classe en 2021, mieux que la moyenne nationale et mieux qu'en 2019. Le nombre de professeurs pour cent élèves, passé de 5,4 en 2016 à 5,9 en 2021, atteindra 6,08 en 2022.

Remplacement des professeurs absents

Mme Anne Ventalon .  - Dans toutes les académies, et notamment celle de Grenoble, la question est la même : où sont les remplaçants ?

Dans son rapport de décembre 2021, la Cour des comptes a estimé que près de 10 % des heures de cours dans le second degré ont été perdues sur l'année scolaire 2018-2019, soit une augmentation de 24 % par rapport à l'année précédente. Les absences de courte durée ne sont remplacées que dans un cas sur cinq. De plus, l'enseignant de secours ne fait pas toujours le Iien entre le professeur référent et les élèves, d'où une discontinuité dans l'apprentissage.

La question du remplacement est cruciale pour la continuité du service public. Hélas, la machine de l'Éducation nationale s'est grippée. Au plus fort de la crise sanitaire, des professeurs retraités ont été mobilisés. Quel bilan en tirez-vous ? Quelles pistes le Gouvernement envisage-t-il pour mettre chaque matin un enseignant devant les élèves ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - Le remplacement des professeurs absents est une préoccupation majeure du Gouvernement, qui a annoncé le recrutement de 3 300 professeurs contractuels supplémentaires jusqu'à la fin de l'année scolaire.

La crise sanitaire continue de peser sur la disponibilité des enseignants ; il faut une action non seulement conjoncturelle mais structurelle. Afin de limiter les absences, nous indemnisons, à hauteur de 120 euros par jour, les formations effectuées en dehors du temps de classe, pendant les petites vacances ou le mercredi après-midi.

L'engagement 11 du Grenelle de l'éducation prévoit qu'en cas d'absence, les établissements assurent la permanence pédagogique dans le premier comme le second degré sur l'ensemble du temps scolaire. Des solutions numériques sont testées, en s'appuyant sur l'espace numérique de travail, les cours en ligne, le travail en autonomie encadrée.

Parallèlement, nous investissons massivement pour améliorer l'attractivité du métier de professeur.

Mme Anne Ventalon.  - Ce métier est d'abord une vocation. Si l'on veut attirer des enseignants motivés, il faut améliorer les conditions de travail et de rémunération. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

Enquête interne sur l'opération Sirli

M. Guillaume Gontard .  - Nos forces armées seraient impliquées dans au moins dix-neuf bombardements contre des civils dans le nord de l'Égypte entre 2016 et 2018, dans le cadre d'une opération de renseignement visant à soutenir ce pays dans la lutte contre le terrorisme. C'est ce qu'a révélé le site internet Disclose.

Le Gouvernement aurait été informé que les objectifs que poursuivait l'Égypte, grâce à l'appui des forces armées françaises, relevaient en réalité prioritairement de la lutte contre le trafic transfrontalier et contre l'immigration illégale.

De tels faits, s'ils étaient avérés, seraient d'une gravité extrême. Pourtant, la coopération sécuritaire avec l'Égypte continue. On pense notamment à la vente de Rafales.

Nos valeurs comme nos engagements devant la communauté internationale sont piétinés.

Où en est l'enquête que vous avez annoncée il y a trois mois ? Ces informations sont-elles prises en compte dans l'attribution des licences d'exportation de matériel vers l'Égypte ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Les conclusions de l'enquête interne demandée par la ministre des Armées démontrent que cette mission, autorisée dans le cadre de notre partenariat stratégique avec l'Égypte, était cadrée. La prévention de risques de dérive a fait l'objet d'un suivi durable ; en témoignent les directives du commandement.

Les résultats de l'enquête sont placés sous la protection du secret de la défense nationale, sans préjudice de la pleine collaboration du ministère des Armées avec la justice.

Les autorisations d'exportation d'armes sont délivrées sous l'autorité du Premier ministre, après un examen approfondi et rigoureux, en tenant compte de leurs conséquences sur la paix régionale et la situation intérieure du pays, du respect des droits de l'homme et des risques de détournement par des acteurs locaux. Elles se font dans le strict respect de nos engagements internationaux.

M. Guillaume Gontard.  - Les parlementaires doivent être informés, comme ils le demandent depuis plus de trois mois. La Commission européenne s'interroge aussi : c'est une première.

Déserts vétérinaires en zone rurale

M. Jean-Marie Mizzon .  - Sur les près de 20 000 vétérinaires que compte la France - dont 55 % de femmes - seuls 4 000 exercent en zone rurale. Pourtant, c'est là que se trouve la majorité des animaux.

Vétérinaire en zone rurale est un métier en voie de disparition. Journées harassantes, déplacements incessants : les conditions d'exercice sont de plus en plus difficiles.

La loi du 3 décembre 2020 permet aux collectivités territoriales d'attribuer des aides à ceux qui exercent dans des déserts vétérinaires. Ces mesures vont dans le bon sens.

Elles gagneraient toutefois à être accompagnées d'une baisse des charges, très élevées, des jeunes diplômés qui choisiraient d'exercer en zone rurale. Êtes-vous prêts à intervenir en ce sens ? Il y a urgence !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - M. le ministre de l'Agriculture m'a demandé de vous répondre sur cette question essentielle.

Un maillage dense de vétérinaires est essentiel à la sécurité sanitaire des élevages, à l'activité agricole et au dynamisme des territoires. Difficultés d'exercice et faible rentabilité découragent pourtant leur implantation en zone rurale.

La loi du 3 décembre 2020 apporte une aide financière pour les vétérinaires s'installant dans des territoires déficitaires. Prise en charge des frais d'investissement, versement d'une prime d'exercice, mise à disposition d'un logement ou d'un local professionnel : ces aides peuvent atteindre 60 000 euros par an.

La formation en école vétérinaire a été ouverte aux bacheliers issus d'un lycée agricole. Le système de tutorat en dernière année est efficace ; 80 % des étudiants qui en bénéficient restent en milieu rural. Ce dispositif est financé par le ministère de l'Agriculture et peut être soutenu par les collectivités.

Enfin, un appel à manifestation d'intérêt a été lancé pour sélectionner six territoires pilotes désireux de réfléchir aux enjeux de la désertification vétérinaire. Il faut s'appuyer sur les expériences du terrain.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Vous vous limitez à faire le même constat que moi et à décrire les dispositifs existants. Il est vrai que le sujet ne relève pas de votre compétence... Soyez toutefois remerciée pour votre réponse.

Refonte de la politique forestière

M. Mathieu Darnaud .  - Les communes forestières ne souhaitent pas la disparition de l'Office nationale des forêts (ONF), mais réclament davantage de transparence et de rigueur dans sa gestion. Le Gouvernement a renoncé à ponctionner à nouveau les 14 000 communes forestières, qui ne peuvent être la variable d'ajustement du budget de l'ONF, et une nouvelle convention État-ONF va être renégociée.

Un débat doit s'engager sur la nature du versement compensateur de 140 millions d'euros reçu de l'État : investissement, péréquation, ou subvention d'équilibre finançant le déficit de gestion des forêts des collectivités ?

Les communes forestières proposent la création d'une grande administration chapeautant l'ensemble des forêts françaises, le renforcement du régime forestier pour les forêts publiques ainsi qu'une séparation nette au sein de l'ONF entre les missions de service public et les activités marchandes.

Le Gouvernement envisage-t-il de refondre la politique forestière ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Je suis originaire d'un département forestier et sensible à ces sujets. Une politique forestière ambitieuse suppose un ONF fort et performant. Le Gouvernement lui a renouvelé sa confiance dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025, tout en s'attachant à lui redonner des perspectives soutenables.

Les missions d'intérêt général de l'ONF sont confortées, et leur coût entièrement pris en charge. Des régularisations ont été effectuées sur les budgets 2021 et 2022.

Le versement compensateur lié à l'application du régime forestier aux forêts communales est maintenu. Les communes contribuent à hauteur de 17 % à ces coûts. Le Gouvernement mobilise 60 millions d'euros supplémentaires pour la période 2021-2023 au titre de la subvention d'équilibre. Enfin, une dotation de 30 millions d'euros est allouée à l'ONF dans le cadre du plan France Relance pour la reconstitution des forêts domaniales. Le plan France 2030 prendra ensuite le relais.

En contrepartie, l'État demande à l'ONF un effort de modernisation et une réduction de ses charges de 4 millions d'euros dès 2022.

Prévention de nouvelles vagues d'influenza aviaire

M. Max Brisson .  - Les élevages de canards et d'oies sont confrontés, notamment dans les Pyrénées atlantiques et dans les Landes, à une nouvelle vague d'influenza aviaire qui entraîne des abattages massifs. La zone de dépeuplement préventif couvre 26 communes.

Face à ce nouveau drame, pourquoi ne pas avoir modulé les abattages en fonction des types d'élevage ? Ne faudrait-il pas lever le tabou autour de la vaccination aviaire en cas d'alerte ? Où en sont les projets d'expérimentation en la matière ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Le Sud-Ouest connaît une épidémie virulente qui touche toutes les volailles, avec des conséquences dramatiques pour les éleveurs.

Une feuille de route sur l'influenza va être élaborée dans la concertation.

Nous devons mener une réflexion sans tabou sur la vaccination, actuellement interdite sauf autorisation explicite de la Commission européenne. Sur ce sujet, il faut un consensus de toute la filière : peut-être existe-t-il aujourd'hui, mais ce n'était pas le cas il y a un an. (M. Max Brisson opine.)

Nous avons besoin d'expérimentations pour prouver l'efficacité de la vaccination. À partir de mars, deux candidats vaccins vont être testés. Nous avançons pour que ce moyen de lutte prometteur puisse être utilisé sur des bases scientifiques fiables et dans un cadre sécurisé.

M. Max Brisson.  - Oui, le consensus progresse et la réflexion doit être sans tabou. J'espère une vaccination rapide, car il y a urgence pour sauver les élevages de plein air.

Appel à manifestation d'intérêt pour le renouvellement forestier

Mme Frédérique Puissat .  - L'appel à manifestation d'intérêt pour le renouvellement forestier correspond aux besoins locaux et suscite un formidable engouement des propriétaires et gestionnaires forestiers, notamment en Isère.

Or le ministère de l'Agriculture a indiqué que seuls seraient éligibles les projets ayant donné lieu à une récolte en amont. Cette contrainte entravera la quasi-totalité des projets d'enrichissement en forêt. Le président du conseil départemental de l'Isère, M. Barbier, a interpellé le Gouvernement sur le sujet.

Il semble qu'un décret assouplissant cette condition, voire l'abandonnant, soit en préparation. Dans quel délai paraîtra-t-il et quel sera exactement son contenu ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Le plan France Relance mobilise des moyens inédits en faveur de la forêt française.

Dans le cadre du volet 3, une coupe préalable est exigée en cas de faible valeur sylvicole ; elle est encadrée par le schéma régional sylvicole.

Les trouées subies doivent être distinguées des trouées volontaires. Nous avons choisi de soutenir en priorité les premières.

Après échanges avec les professionnels, le dispositif sera très prochainement assoupli, notamment pour intégrer les futaies irrégulières, très courantes en montagne, sans condition de coupe préalable.

Mme Frédérique Puissat.  - Le ministre de l'Agriculture doit indiquer un délai précis. Les professionnels comme les communes en ont besoin.

Hausse du prix de l'énergie pour les collectivités locales

M. Hervé Maurey .  - Particuliers et entreprises ne sont pas les seuls frappés par l'augmentation des prix de l'énergie. Les collectivités territoriales, en particulier les communes, n'échappent pas à l'envolée, quoi qu'en dise le Gouvernement.

D'après les associations d'élus, les augmentations se situent entre 3 et 300 %. Charleval, dans mon département, voit sa facture de gaz bondir de 67 % !

Faute de soutien de l'État, les collectivités territoriales n'auront d'autre choix que de répercuter ces hausses sur la fiscalité ou d'abandonner des projets. Le Gouvernement va-t-il enfin sortir de son déni et les aider à faire face ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - La hausse des prix de l'électricité et du gaz est sans précédent partout en Europe ; tous les consommateurs sont touchés.

Dans ce contexte, le Gouvernement a pris des mesures de soutien exceptionnelles : baisse de 8 milliards d'euros de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), chèque énergie pour 5,8 millions de ménages, relèvement de 20 térawattheures du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Les collectivités territoriales bénéficient de la baisse de fiscalité dans les mêmes conditions que les autres consommateurs. Pour les plus petites, éligibles au tarif réglementé, la hausse sera limitée à 4 %. Les autres profiteront de la hausse du volume de l'Arenh.

Sur le plan structurel, nous soutenons les efforts de rénovation énergétique des collectivités territoriales. Une dotation spéciale de 933 millions d'euros finance 3 500 projets, qui seront sources d'importantes économies.

M. Hervé Maurey.  - Votre réponse me stupéfie. Je vous ai interrogée précisément sur les collectivités territoriales, et vous alignez des généralités. Au moins M. Dussopt avait-il évoqué la revalorisation des bases locatives...

Que vais-je répondre aux élus locaux qui m'interrogent ? De toute évidence, le Gouvernement n'a pas conscience du problème et n'a rien à proposer aux collectivités territoriales.

Conséquences de l'inflation sur le financement des projets locaux

Mme Corinne Féret .  - Face à la hausse des prix de l'énergie, le Gouvernement doit aider les collectivités territoriales à préserver la continuité de services publics de qualité.

Le coût des projets locaux risque d'augmenter, car les entreprises répercutent l'envol des prix des matières premières et de l'énergie. Les hypothèses budgétaires sur lesquelles les projets ont été bâtis risquent de devenir obsolètes.

Nombre de projets risquent ainsi d'être remis en cause, dans le Calvados comme ailleurs. Quelles mesures comptez-vous vous prendre pour prévenir le dérapage des budgets prévisionnels ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Comme je l'ai indiqué à M. Maurey, la baisse de 8 milliards d'euros de la TICFE bénéficiera aussi aux collectivités territoriales. De même que l'augmentation du volume de l'Arenh, qui est le meilleur bouclier.

Par ailleurs, l'État soutient fortement l'investissement local, notamment à travers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Nous avons augmenté cette dernière de 300 millions d'euros pour financer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE).

Sur les 3 500 projets de rénovation énergétique, 2 700 se traduiront à moyen terme par des économies supérieures à 30 %, 1 200 par des économies supérieures à 50 %. Ces mesures structurelles valent mieux que toute forme d'aide à la petite semaine.

Enfin, les collectivités territoriales bénéficieront de la révision des bases cadastrales, ainsi que de hausses substantielles de recettes de TVA : 400 millions d'euros pour les intercommunalités et 800 millions d'euros pour les départements comme pour les régions.

Mme Corinne Féret.  - « Aide à la petite semaine » ? Comment osez-vous parler de la sorte aux élus ? Sur le terrain, la hausse des coûts est considérable. Une fois de plus, les collectivités territoriales se retrouvent seules.

Raccordement final des abonnés

Mme Patricia Demas .  - Le déploiement de la fibre s'est accéléré ces dernières années, le raccordement final étant confié à l'opérateur commercial. Mais le recours massif à des sous-traitants pour cette opération entraîne de nombreux dysfonctionnements.

Sur le terrain, il n'est pas rare que les élus soient tenus responsables de ces difficultés par les usagers mécontents, plus nombreux depuis le début de la crise sanitaire.

Face aux difficultés engendrées par le mode « sous-traitance opérateur commercial » (STOC), les opérateurs d'infrastructures ont proposé des changements ; une feuille de route a été mise en place en mars 2020.

De son côté, l'Arcep a demandé aux opérateurs d'infrastructures de prendre des engagements de qualité de service envers les opérateurs commerciaux. À partir de l'année prochaine, les premiers seront soumis à des seuils réglementaires de qualité.

Des sanctions pourront être prononcées par l'État ou l'Arcep à l'encontre des opérateurs n'adhérant pas au nouveau cadre contractuel ou ne mettant pas en place des indicateurs de qualité.

Le Gouvernement compte-t-il prendre d'autres mesures ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - En effet, ces problèmes récurrents en matière de raccordement ne sont pas acceptables.

Le développement de la fibre a connu une accélération très forte au cours des dernières années. Ainsi, ces derniers mois, 20 000 prises par jour ont été installées. Aujourd'hui, 67 % du territoire national est couvert.

Cette accélération ne doit pas se faire au détriment de la qualité des raccordements. Les opérateurs d'infrastructures doivent donc résoudre les difficultés qui se posent.

Plusieurs chantiers ambitieux ont été engagés par l'Arcep pour améliorer le service : pénalités financières en cas de dégradation, meilleure maîtrise de la chaîne de sous-traitance notamment.

Des outils de contrôle de la qualité des interventions seront déployés. Les intervenants seront mieux formés, le nombre de sous-traitants limité. L'Arcep s'est dotée d'instruments de suivi.

Une enquête a récemment été ouverte sur Xp Fibre ; elle est toujours en cours.

Travaux d'installation de la fibre optique

Mme Else Joseph .  - Nous nous réjouissons du déploiement de la fibre dans les Ardennes. C'est un facteur de désenclavement essentiel, car l'accès à internet est devenu indispensable à toute activité économique.

Ce déploiement nécessite des travaux de génie civil importants et coûteux. Or d'autres opérateurs numériques ont décidé d'utiliser les tracés ouverts, sans solliciter l'autorisation des maires.

L'absence de cohérence de ces travaux engendre pour les riverains des désagréments et des nuisances incompréhensibles - perturbations sur la voie publique, en particulier. En outre, les travaux de comblement sont parfois bâclés.

Il faut davantage de mutualisation entre les opérateurs pour mettre fin aux nuisances en tout genre subies par les habitants. Quelles solutions les pouvoirs publics comptent-ils mettre en oeuvre ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Le Gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture numérique du territoire une priorité. Il s'agissait de rattraper le retard accumulé au cours des mandatures précédentes.

Le Gouvernement, l'Arcep et les opérateurs ont conclu un New Deal sur la résorption des zones blanches. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux : la généralisation de la fibre en 2025. Le plan France Très Haut Débit prévoit 30 mégabits par seconde pour tous d'ici à la fin de l'année.

D'ici à 2023, les Ardennes bénéficieront de la fibre, via le réseau d'initiative publique de la région Grand Est ou le réseau d'initiative privé d'Orange. La mutualisation est déterminante pour offrir la couverture la plus large.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) travaille avec la région sur la mutualisation des opérations et la réutilisation des réseaux existants. Nous veillerons ce que les réseaux soient neutres, accessibles et ouverts.

État des infrastructures de télécommunications dans les Hautes-Alpes

M. Jean-Michel Arnaud .  - Orange vient de présenter un plan de fermeture de son réseau cuivre, qui compte encore 21 millions de lignes actives. La totalité des abonnés devront au préalable avoir été raccordés à la fibre.

Dans les territoires de montagne comme les Hautes-Alpes, les maires déplorent le manque d'entretien du réseau cuivre et les problèmes de communication avec Orange, alors que le déploiement de la fibre reste embryonnaire et complexe.

Pouvez-vous garantir qu'aucun usager ne se retrouvera dans une zone blanche ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - D'ici sa fermeture, un haut niveau de service devra être maintenu sur le réseau cuivre. C'est le sens de la circulaire du Premier ministre du 5 juin dernier. Les services de l'État mettent en place des comités départementaux. Celui des Hautes-Alpes doit se réunir.

Orange s'est engagée sur 500 millions d'euros par an pour l'entretien de ce réseau, soit 22 % de plus par abonné qu'en 2018. Dans les départements en tension, l'entreprise a créé 123 postes. Elle a également augmenté ses effectifs d'intervention de 30 %. En cas de dysfonctionnement grave, un accès satellitaire en mairie sera assuré.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Des questions se posent aussi sur le démantèlement du réseau. Il ne faudrait pas que les collectivités territoriales se retrouvent à financer elles-mêmes l'enlèvement des poteaux...

Orange a annoncé que l'offre satellitaire serait suspendue. Je crains qu'il y ait des zones blanches.

Responsabilité comptable des directeurs généraux des services

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - L'article 41 du projet de loi de finances pour 2022 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance pour transférer une partie de la responsabilité des comptables sur les ordonnateurs.

Certes nécessaire, la réforme de ce régime de responsabilité aurait mérité un débat, spécialement avec le Sénat, représentant des collectivités territoriales.

Alors que les baisses d'effectif dans l'administration fiscale ont réduit l'appui au réseau des comptables publics, les ordonnateurs, au premier rang desquels les directeurs généraux des services des collectivités territoriales, seront désormais exposés à un risque de sanctions sans que leur rôle soit défini. On marche sur la tête !

Ce transfert de responsabilité menace le principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable.

Quel accompagnement prévoyez-vous pour les ordonnateurs ? L'État mettra-t-il en place un régime assurantiel ou bien, comme d'habitude, les collectivités territoriales devront-elles assumer ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Votre lecture n'est pas la bonne. Cette réforme vise à unifier le régime de responsabilité de tous les gestionnaires, ordonnateurs ou comptables. Il ne s'agit pas de transférer la responsabilité sur l'ordonnateur mais de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne financière.

L'intervention du juge sera limitée aux cas de faute grave avec préjudice important, les gestionnaires publics auront une marge de manoeuvre plus large. En définitive, l'action publique sera fluidifiée.

Compte tenu de la protection fonctionnelle, le régime que vous proposez n'aurait pas de sens.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - À vous entendre, nous n'avons jamais la bonne lecture...

Les directeurs généraux des services du Pas-de-Calais s'inquiètent du risque de sanctions. Une crise des vocations est à craindre.

Vous alignez le fonctionnement de nos administrations sur celui des entreprises, où les comptables ne sont que des exécutants. Nous dénonçons ce glissement !

Réduction d'horaires et fermeture de bureaux de poste

M. Christian Bilhac .  - En juin dernier déjà, j'interrogeais le Gouvernement sur les fermetures et les réductions d'horaires dans les bureaux de poste, notamment dans l'Hérault.

Dans un contexte de baisse importante du volume du courrier, nos collègues Chaize, Louault et Cardon ont formulé des propositions dans leur rapport d'information de mars 2021.

M. Dussopt a annoncé plusieurs centaines de millions d'euros de compensations, ce que je salue.

Mais les fermetures de bureau et réductions d'horaires d'ouverture se poursuivent, alors que La Poste demeure un vecteur important de lien social, notamment en milieu rural.

Dans mon département, la commune de Montarnaud, qui disposait d'un bureau de Poste lorsqu'elle comptait 500 habitants, se voit proposer - en fait, imposer - une simple agence communale, aujourd'hui qu'elle en compte 4 000 ! Et comment expliquer la fermeture du bureau du Cap d'Agde, première station balnéaire d'Europe ?

Comment comptez-vous enrayer le déclin de ce service public essentiel ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - La numérisation des échanges a entraîné une baisse de 39 % du courrier à acheminer entre 2010 et 2020. Cette tendance, encore amplifiée depuis deux ans, va certainement se poursuivre.

Des mesures sont indispensables pour assurer l'équilibre financier du service universel. Comme Olivier Dussopt l'a indiqué, le Gouvernement verse une compensation de 500 à 520 millions d'euros par an à La Poste pour assurer la pérennité de la distribution six jours sur sept.

La Poste s'est engagée à maintenir un réseau de 17 000 points de contact, avec 90 % de la population à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes de voiture d'un d'entre eux.

Constatant une forte baisse de la fréquentation de ses bureaux, La Poste noue des partenariats pour ouvrir des agences communales et des points postaux chez des commerçants.

Nous recherchons la meilleure efficacité économique et sociale.

M. Christian Bilhac.  - L'État doit verser une compensation à la hauteur du montant calculé par l'Arcep.

Écloseries marines de Gravelines

M. Frédéric Marchand .  - Les écloseries marines de Gravelines sont le plus important éleveur de bars et daurades royales en France. Cette entreprise est aussi un modèle d'économie circulaire, adossant à la centrale nucléaire une activité productive qui répond à des enjeux majeurs - raréfaction des ressources halieutiques, notamment.

Or l'activité de ces écloseries est fortement menacée, la direction générale des douanes et droits indirects ayant mis fin à l'exonération partielle de TICFE dont elles bénéficiaient. Cette décision va multiplier le taux d'imposition de l'entreprise par dix, avec, de surcroît, un effet rétroactif sur quatre ans. Le surcoût annuel sera de 450 000 euros...

Combinée à l'augmentation inédite du tarif de l'électricité, cela risque de porter un coup fatal à ce modèle économique innovant combinant électro-intensif et agro-industriel, alors que l'activité est rentable depuis 2015 dans un contexte fiscal normal.

Je salue la décision du Gouvernement d'accorder à Aquanord un taux plancher de TICFE en 2022, au titre des mesures d'urgence. Dans le même esprit, allez-vous étudier un changement de nomenclature pour revenir sur la requalification rétroactive de l'entreprise par les douanes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Le droit européen tient compte du poids de l'énergie dans les intrants de certaines activités. Mais il exclut l'aquaculture, activité agricole et non industrielle, de ce régime particulier. Ces règles sont constantes depuis des années.

Le Gouvernement a apporté des réponses avec la baisse de la TICFE.

Dans le cadre du paquet Fit for 55, la Commission européenne reverra de fond en comble la fiscalité énergétique. C'est dans ce cadre que nous pourrons agir dans le sens que vous souhaitez.

Par ailleurs, nous restons attentifs à soutenir, pour le court terme, toute entreprise produisant en France.

Rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers

Mme Sylviane Noël .  - Les travailleurs transfrontaliers employés en Suisse cotisent auprès du régime d'assurance chômage de ce pays, mais, en cas de chômage total, ils sont indemnisés par le système français.

Avant 2009, une convention franco-suisse de 1978 prévoyait la rétrocession à l'Unedic de 90 % des cotisations chômage prélevées sur les salaires des frontaliers. Depuis cette date, la Suisse ne rembourse plus que les trois premiers mois d'allocations.

C'est peu dire que ce système est désavantageux pour la France. C'est même la double peine : nous finançons la formation de jeunes qui, une fois diplômés, sont aspirés par les salaires suisses ; en cas de chômage, nous finançons des indemnités de deux à trois fois plus élevées que la moyenne française.

Le Gouvernement va-t-il remédier à cette situation inéquitable en négociant un nouvel accord bilatéral avec la Suisse ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - En application de la réglementation européenne, l'indemnité est assurée par l'État de résidence.

Les modalités de remboursement partiel sont déterminées par un règlement européen, auquel la Suisse a accepté de se soumettre. Elle rembourse de trois à cinq mois d'allocations, en fonction de la durée d'affiliation.

Le nombre de frontaliers travaillant en Suisse ayant augmenté, le montant de leur indemnisation chômage a crû également : en 2020, elle a représenté 810 millions d'euros, dont 143 millions remboursés par la Suisse.

La France soutient une révision du règlement européen en vue d'une indemnisation par l'État où le travailleur est employé - lex loci laboris. Mais ces négociations, longues et complexes, n'ont pas encore abouti.

Avenir des centres de vacances en milieu rural

M. Jean-Yves Roux .  - Voilà bientôt deux ans que les centres de vacances de montagne subissent les annulations de réservations par les écoles. La fréquentation a baissé de 37 % sur deux ans.

Or dans la ruralité, ces centres constituent des sources d'animation et de recrutement. Certains sont particulièrement novateurs, à l'instar de celui de Montclar, dans les Alpes-de-Haute-Provence, première station autogérée de France, avec 300 emplois induits.

Certes, les aides exceptionnelles et les séjours de cohésion ont permis d'éviter des faillites en cascade. Mais certains centres risquent de ne pas pouvoir se relever, compte tenu aussi de la hausse des prix de l'énergie et des difficultés de recrutement.

Comment comptez-vous assurer la pérennité de ces centres indispensables à la vitalité des communes rurales et de montagne ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - En effet, les classes de neige et de découvertes ont subi de nombreuses annulations liées à la pandémie. Cette situation a de fortes conséquences sur certains territoires, pour lesquels cette activité est un poumon économique.

C'est pourquoi l'accompagnement économique s'est poursuivi en décembre et en janvier : chômage partiel, dispositif coûts fixes, aides au paiement. Les acteurs constitués en associations peuvent aussi en bénéficier.

Jean-Baptiste Lemoyne travaille avec la filière pour valoriser l'offre et en améliorer la lisibilité.

Par ailleurs, le dispositif Colonie apprenante, renouvelé en 2021, sera à nouveau reconduit en 2022.

Mesures de soins sous contrainte dans le Nord

Mme Martine Filleul .  - La Commission des citoyens pour les droits de l'homme, spécialisée dans la santé mentale, alerte sur la situation dans le département du Nord en matière de soins sous contrainte.

Deux procédures peuvent être utilisées à titre exceptionnel : l'urgence et le péril imminent. Or dans le Nord, 90 % des soins sous contrainte décidés par les directeurs d'établissement psychiatrique relèvent de l'un ou l'autre cas. L'exception est ainsi devenue la règle !

Par ailleurs, les obligations légales de visite ne sont pas respectées : la majorité des établissements du département n'ont pas fait l'objet de visites de contrôle.

Le Gouvernement compte-t-il faire respecter les droits fondamentaux des patients de ces établissements ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les données pour 2020 dans le Nord ne présentent pas de différences majeures avec les moyennes régionales et nationales. Ainsi, les mesures de péril imminent y représentent 27 % des soins sous contrainte, contre 34 % dans les Hauts-de-France et 33,76 % au niveau national. Il n'y a donc rien d'alarmant.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté souligne que les admissions sur demande d'un tiers demeurent prépondérantes.

D'autre part, les unités spécialisées en soins sous contrainte font l'objet de visites régulières. La commission départementale des soins psychiatriques les visite au moins deux fois par an. Le procureur de la République a bien procédé aux visites légales en 2020, en dépit de la pandémie.

Mme Martine Filleul.  - Je m'étonne de ces chiffres, contradictoires avec ceux de la Commission des citoyens pour les droits de l'homme. Les patients doivent être à l'abri de toute dérive.

Reprise de la collecte de sang en Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Alors que l'Établissement français du sang (EFS) est en situation critique, avec des stocks très bas, nos citoyens de Guyane et de Mayotte ne peuvent toujours pas donner leur sang.

Depuis 2015, à la suite de la découverte d'une trentaine de cas de maladie de Chagas, la collecte a été suspendue en Guyane. Ors selon le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), cette maladie ne constitue pas un problème de santé publique en Guyane, d'autant que d'importants progrès ont été réalisés en matière de dépistage.

Je sais que le Gouvernement est favorable à l'égalité de traitement sur tout le territoire. Comment compte-t-il instaurer une véritable politique de collecte du sang en Guyane ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La reprise de la collecte de sang en Guyane permettrait la constitution d'un pool de sang local, mais aussi d'avoir plus de donneurs de certains phénotypes à l'échelle nationale. La direction générale de la santé (DGS) a demandé une analyse de la situation épidémiologique à Santé publique France. Il s'avère que la Guyane reste très exposée à de nombreuses maladies infectieuses, laissant craindre une perte de près de 5 % des poches de sang pour le seul virus de l'hépatite B. Les donneurs ayant séjourné en Amérique latine ou de retour des zones endémiques présentant des risques de maladie de Chagas peuvent également faire l'objet de contre-indications. La Guyane est en outre particulièrement touchée par l'émergence d'arboviroses.

Elle comptait 294 146 habitants au 1er janvier dernier : on pourrait donc attendre 7 000 collectes par an. Ce n'est pas négligeable, mais nous privilégions la sécurité sanitaire dans ce territoire vulnérable au risque infectieux.

La reprise de la collecte apparaît donc trop risquée à ce jour, mais nous suivons attentivement l'évolution des conditions épidémiologiques.

Constatation des décès à domicile

M. Édouard Courtial .  - Le 27 décembre dernier, dans une commune de mon département, un décès à domicile, signifié au maire à 8 h 15, n'a été constaté par un médecin qu'à 17 h 30 ! Ce n'est malheureusement pas un cas isolé. Pendant des heures interminables, aucun médecin n'est disponible, pas même le 15 ! La famille, en attendant, ne peut voir le défunt. C'est une autre face de la désertification médicale.

Le vieillissement de la population et le choix croissant du maintien à domicile entraînent la multiplication de tels cas. Il faut des réponses rapides. Pourquoi ne pas dédommager les médecins de leurs déplacements ? Instaurer une astreinte ? Ou avoir recours à d'autres médecins, retraités, internes ou issus du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ?

Il faut mieux accompagner les élus, renforcer leur formation et prévoir des procédures claires, avec notamment une liste de médecins. Prenons enfin les mesures nécessaires !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Je suis confrontée à cette question dans mon territoire rural et le ministère de la Santé y est très sensible. Le code général des collectivités territoriales a été modifié en 2019 pour autoriser les médecins retraités, les étudiants en 3e cycle de médecine et les patriciens à diplôme hors Union européenne (Padhue) à établir un certificat de décès.

Il s'agit d'un document médical qui établit les causes du décès. Ces données sont utilisées pour les statistiques et servent à des alertes de santé publique ainsi qu'à l'ouverture d'éventuelles investigations. Le certificat a aussi des conséquences sur les opérations funéraires. Les médecins sont formés à la détection d'un obstacle médico-légal, contrairement aux pompiers ou aux infirmiers. Donner à ces derniers la possibilité d'établir ces certificats n'est donc pas pertinent.

Mes services sont en revanche intéressés par toute autre suggestion.

Autorisation d'exercice pour les Padhue

Mme Nadine Bellurot .  - Conformément au décret du 7 août 2020, il revient au Centre national de gestion (CNG) d'homologuer les demandes d'autorisation d'exercice des professions médicales par des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). À Châteauroux, un médecin étranger attend une réponse, alors que notre territoire manque de médecins.

Combien de dossiers sont en attente d'instruction ? On parle de 3 000 à 4 000 dossiers en souffrance... Quand interviendront les décisions finales du CNG, sachant qu'il ne reste que quelques mois ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Ce dispositif transitoire, qui s'adresse seulement à des praticiens ayant des fonctions de professionnel de santé en France, permet la vérification des compétences de ces Padhue. S'agissant des médecins, les dossiers sont examinés par une commission régionale, puis nationale. Pour les autres professions de santé, le dispositif est purement national.

Quelque 4 500 dossiers ont été déposés auprès des ARS ; 790 dossiers ont reçu un avis des commissions régionales. Les commissions nationales ont commencé à se réunir, une centaine d'avis ont été rendus, à 70 % favorables, en priorité dans les spécialités médicales en tension.

Le calendrier des prochaines réunions sera intensifié : douze à seize commissions se réuniront désormais chaque mois.

Le délai d'examen d'un dossier dépend du degré de tension et de l'équilibre entre territoires ; sa date de dépôt à l'ARS n'est pas un critère déterminant.

Mme Nadine Bellurot.  - Merci pour ces précisions. Il aura fallu une question orale pour obtenir enfin une réponse !

Désarroi des professionnels des centres médico-psychopédagogiques

Mme Élisabeth Doineau .  - Les professionnels des centres médico-psychopédagogiques (CMPP) sont en plein désarroi. Ils ont le sentiment de mal exercer leur profession et en souffrent.

Orthophonistes et psychomotriciens disparaissent en milieu hospitalier et médico-social, ce qui les prive d'une approche pluridisciplinaire indispensable. À la suite d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2018, des plateformes d'orientation et de coordination se sont mises en place. C'est une solution a minima, car on assiste à un « tri » des enfants, à des orientations chez des professionnels libéraux déjà submergés et à l'application de forfaits inadaptés.

La désinstitutionnalisation du soin se poursuit, amplifiée par la faible attractivité de la profession en établissement, en raison du niveau des salaires.

Or, les problématiques touchant les enfants sont multiples : troubles du langage, retards psychomoteurs, troubles psychoaffectifs, pertes de repères, environnement social et familial difficile. Il faut agir et entendre le malaise des professionnels.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Nous sommes tous conscients des difficultés rencontrées par ces professions. Elles font l'objet d'efforts importants de l'État et le nombre de professionnels a fortement augmenté en dix ans : + 30 % d'orthophonistes, + 80 % de psychomotriciens et en milieu hospitalier, + 38 % d'orthophonistes, + 50 % de psychomotriciens.

Les orthophonistes salariés ont bénéficié d'une revalorisation statutaire dans le cadre du Ségur de la santé : en plus des 183 euros nets mensuels, ils ont obtenu 19 points d'indice supplémentaires, soit 75 euros nets mensuels. Cette augmentation de rémunération s'accompagne d'une dynamisation des parcours, avec de meilleures perspectives en fin de carrière, pour un gain d'environ 400 euros mensuels. L'accès direct à la profession d'orthophoniste est expérimenté dans six départements.

Autant d'éléments qui renforceront l'attractivité de ces professions.

Exercice de la fonction d'assistant médical

M. Daniel Gremillet .  - Les assistants médicaux ont été créés pour libérer du temps médical et améliorer l'accès au soin. Ce métier représente une nouvelle voie pour certains professionnels de santé - infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de puériculture - qui peuvent y accéder sur simple formation d'adaptation à l'emploi. C'est une mesure de bon sens.

Or, pour y accéder, les sages-femmes, qui disposent pourtant de compétences étendues en santé, doivent réaliser l'ensemble des heures de formation du certificat de qualification professionnelle.

Le Gouvernement envisage-t-il d'étendre le champ des professionnels de santé visés par l'arrêté du 7 novembre 2019 ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le recrutement d'assistants médicaux est l'une des mesures phares de la stratégie Ma santé 2022. Ce métier a été créé pour redonner du temps d'exercice aux médecins. L'arrêté de 2019 liste les qualifications nécessaires à son exercice. Il ne s'agit pas d'une profession de santé.

Les profils soignants sont en augmentation constante dans les effectifs d'assistants médicaux. Rappelons cependant que les missions qui leur sont confiées sont essentiellement d'ordre administratif ; elles sont laissées à l'appréciation du praticien.

La profession de sage-femme est une profession médicale à part entière, avec pouvoir de diagnostic et droit de prescription, comme celle de médecin et de chirurgien-dentiste. Leurs missions sont très différentes de celles d'un assistant médical. Nous sommes toutefois prêts à examiner la situation, même si les perspectives d'intégration de sages-femmes au sein des assistants médicaux semblent anecdotiques. Nous ne rencontrons aucune difficulté majeure dans le recrutement.

Dépistage du Covid par des chiens renifleurs

Mme Sabine Drexler .  - L'école vétérinaire de Maisons-Alfort développe le projet Nosaïs de dépistage du Covid par des chiens renifleurs, à partir d'une lingette de sueur. L'odorat du chien est en effet 5 000 fois supérieur à celui des humains ; il est déjà souvent utilisé, notamment pour la détection d'hypoglycémies, de crises d'épilepsie ou de certains cancers. Cette méthode de détection du Covid a fait la preuve de son efficacité avec un taux de réussite de 95 % et pour le quart du coût d'un test PCR - la formation d'un chien coûte entre 2 000 et 3 000 euros.

Le Premier ministre a accordé un soutien de principe à cette expérimentation, mais elle n'est toujours pas officiellement reconnue.

Ce type de dépistage est gratuit, non invasif et il a fait ses preuves. Pourquoi ce projet français, reconnu par l'OMS et peu coûteux, ne bénéficie-t-il pas de financements publics ? Vous engagez-vous à faire le nécessaire pour sa validation par la Haute Autorité de santé (HAS) ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le ministère de la Santé porte une attention particulière à cette méthode de dépistage. Plusieurs options sont envisagées, notamment quand un contrôle itératif est difficile à organiser, pour les personnes handicapées ou dans des lieux de passage important. Un potentiel théorique a été démontré, mais la performance en situation réelle ne l'est pas encore. Le contexte est contraint, le nombre de chiens formés est limité. Il faut donc démontrer l'intérêt de cette démarche avant de la mettre en oeuvre. La population peut aussi être heurtée par la démarche.

Un comité ad hoc de pilotage des essais thérapeutiques procède à l'évaluation des méthodes de dépistage et à la détermination des leviers à mobiliser. Nous travaillons avec l'école vétérinaire de Maisons-Alfort dans ce cadre.

Mme Sabine Drexler.  - Les tests ont coûté 1,6 milliard d'euros en janvier. Il faut avancer sur des méthodes moins coûteuses.

Attractivité des carrières hospitalo-universitaires

Mme Véronique Guillotin .  - Les carrières hospitalo-universitaires souffrent d'une nette désaffection, comme en témoignent démissions et postes vacants. Ces carrières d'excellence exigent en effet un investissement personnel de long terme, parfois des mobilités à l'étranger, or le retard salarial est évalué à 300 000 euros à 40 ans.

Après une thèse de neurosciences à Oxford, Thomas a débuté son internat à 30 ans, pour moins de 2 000 euros par mois. Aujourd'hui, son salaire et son CDD de chef de clinique ne lui permettent même pas d'emprunter pour acheter un logement ! Comment s'étonner alors que certains partent à l'étranger ou abandonnent la recherche ?

On pourrait pourtant revaloriser ces postes en prenant en compte les années de recherche et de mobilité internationale dans le calcul de l'ancienneté.

Quelle solution pour lutter contre la fuite des cerveaux qui nuit à la qualité de la médecine française ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le Ségur de la santé avait prévu une réflexion sur la réévaluation des grilles salariales des personnels enseignants et hospitaliers. Un groupe de travail a été installé en novembre 2020 et vingt-quatre mesures ont été actées, notamment la revalorisation des émoluments hospitaliers des maîtres de conférences et des professeurs praticiens. Une prime d'enseignement supérieur et de recherche a été instaurée pour valoriser leur engagement. Leur statut a aussi été rénové par décret et des mesures ont été prises pour l'attractivité des carrières, comme la prise en compte des diplômes de thèse sous la forme d'une bonification d'un an.

Nous souhaitons faciliter la préparation aux concours et l'entrée dans la carrière, en prenant mieux en compte les mobilités effectuées au cours du deuxième cycle. Nous renforcerons le dispositif de l'année recherche.

Oubliés du Ségur de la santé

Mme Annie Le Houerou, en remplacement de M. Christian Redon-Sarrazy .  - À la suite de la première vague de la covid-19 en 2020, les accords conclus au terme du Ségur de la santé, portés par les syndicats, ont permis des revalorisations de salaire, mais certains professionnels en restent exclus, notamment dans le secteur social et médico-social : les « oubliés du Ségur » - quelle terrible expression !

À titre d'exemple, les animateurs en résidence autonomie n'ont pas bénéficié du Ségur de la santé au même titre que leurs collègues en Ehpad. Ils sont pourtant tout autant épuisés par les conséquences de la pandémie. Sans revalorisation salariale ni reconnaissance, leur carrière décroche. Mais vous vous acharnez à nier cette réalité : quand allez-vous enfin reconnaître leur dévouement sans faille ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée .  - Après des décennies de stagnation salariale, notre Gouvernement est fier d'avoir revalorisé ces professions qui ont montré leur engagement et leur résilience lors de la crise sanitaire. Elles ont bénéficié d'un complément de traitement indiciaire de 183 euros nets supplémentaires dans l'ensemble des établissements pour personnes âgées, grâce au Ségur, élargi par les accords dits Laforcade. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a étendu la mesure en accueil de jour autonome et dans les résidences autonomie.

Dans trois jours se tiendra une conférence pour déterminer un plan pour l'attractivité de ces métiers. Un livre vert nous sera remis en mars. Il n'y a pas d'oubliés : ce sont les oubliés d'hier qui sont revalorisés aujourd'hui.

Démographie médicale

Mme Annie Le Houerou .  - Plus d'un Français sur dix ne trouve pas de médecin traitant. Et c'est pire pour les plus précaires, qui ont huit fois plus de risques de renoncer aux soins.

À Guingamp, la situation est particulièrement tendue pour les 100 000 habitants avec la menace de fermeture de la maternité. On sait l'importance d'un hôpital de plein exercice pour l'attractivité et la qualité des soins.

À Uzel, un dentiste tunisien attend toujours une réponse du Conseil national de gestion à sa demande d'installation.

Le Président de la République avait annoncé que la formation à la maîtrise de stages serait une priorité. Mais en décembre, le Gouvernement a limité les possibilités de formation. Résultat ? Deux cents maîtres de stage en moins ! Cela pénalisera les territoires sous denses.

Qu'en est-il des objectifs fixés aux agences régionales de santé en matière de maîtrise de stage ? Comment lever les freins à l'installation et lutter contre les déserts médicaux ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le nombre de médecins diminue régulièrement depuis 2010.

Tous en parlaient, mais nous l'avons fait : nous avons supprimé le numerus clausus pour former davantage - 86 médecins de plus chaque année dès 2025 en Bretagne -, et renforcé les stages en zones sous-denses - déjà, la moitié des étudiants en réalise. Le contrat d'engagement de service public a contribué à l'installation de 3 000 jeunes médecins en zone rurale. Nous entamons un rééquilibrage territorial en augmentant les postes dans les régions les moins dotées, tout en stabilisant les effectifs dans les régions les mieux dotées.

D'autres mesures, comme l'exercice coordonné, porteront des fruits ultérieurement. Dans les Côtes-d'Armor, vingt-quatre maisons de santé ont ouvert, six sont en projet et les communautés professionnelles territoriales de santé vont passer de trois à cinq. Le nouveau zonage favorisera également l'installation de médecins généralistes dans les zones les plus éloignées des soins, avec des primes à l'installation.

Conséquences de la hausse des prix de l'énergie

M. François Bonhomme .  - Les collectivités locales et leurs groupements doivent faire face à des augmentations parfois considérables de leurs factures d'énergie, qui peuvent aller, en l'absence de bouclier tarifaire, jusqu'à 300 %.

Celles qui ne disposent pas d'un contrat à prix fixe subissent une hausse brutale des prix et celles dont les contrats arrivent à échéance ont du mal à souscrire à des prix raisonnables. Elles peinent à mener à bien leurs projets et vont, pour certaines, devoir augmenter les impôts.

Envisagez-vous des mesures d'accompagnement et de soutien, même provisoires ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Les moyens financiers mobilisés par l'État sont considérables et bénéficient aussi aux collectivités territoriales : baisse de 95 % de la taxe sur l'électricité pour 8 milliards d'euros en 2022, augmentation du volume de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), bouclier tarifaire pour les plus petites collectivités.

L'État incite également aux économies d'énergie en aidant la rénovation des locaux avec le coup de pouce chauffage pour les bâtiments du tertiaire. Le plan de relance sera mobilisé en ce sens.

M. François Bonhomme.  - Ces mesures sont temporaires. Or la situation restera tendue du fait de la politique énergétique de l'État. Les collectivités territoriales risquent d'être étranglées.

Financements de la France en faveur du climat

M. Jean-François Husson .  - Afin d'assurer à la France les moyens de ses ambitions climatiques à court terme, il faudrait investir environ 15 milliards d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2023, soit 100 milliards d'euros par an entre 2020 et 2050. Nous en sommes loin. Le plan France Relance, s'il promet d'investir 30 milliards d'euros en faveur de la transition écologique, s'oriente vers des dispositifs trop ciblés pour garantir des changements significatifs. Sur la seule rénovation thermique, il faudrait 10 milliards d'euros par an !

Pour que les émissions baissent plus rapidement après 2028, de nombreux champs d'action doivent être investis, comme celui de la recherche ou de l'offre de financement. Nous sommes en queue de peloton européen.

Quelles mesures allez-vous prendre pour assurer un financement suffisant et bien orienté en faveur du climat, de la biodiversité et de l'environnement ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Le financement des investissements nécessaires à la transition écologique et aux mobilités mobilisera 50 milliards d'euros en 2022. Il s'agit d'un effort sans précédent.

Déjà 840 000 primes à la conversion et 340 000 bonus écologiques ont été attribués, sans oublier les 600 000 aides à la rénovation pour 9 milliards d'euros de travaux. Le plan France Relance y consacre 30 milliards d'euros en 2021 et 2022. Enfin, France 2030 consacrera 8 milliards d'euros au secteur de l'énergie, notamment nucléaire, et 4 milliards aux transports du futur.

Qualité des services de la SNCF dans les Hauts-de-France

Mme Martine Filleul, en remplacement de M. Rémi Cardon .  - La situation du ferroviaire est catastrophique dans les Hauts-de-France si bien que la région a suspendu ses paiements à la SNCF en attendant une amélioration.

Les voyageurs sont les premières victimes de ces dysfonctionnements : annulations, retards, lignes abandonnées, manque de personnel, etc.

Selon la CGT du Nord-Pas-de-Calais, il faudrait au moins 200 postes supplémentaires dans les deux départements pour que les TER fonctionnent correctement. La qualité de service sur les TER Hauts-de-France se dégrade d'année en année, à tel point que le plafond des pénalités pour suppression de trains, de 1,8 million d'euros par an, a été atteint dès juin 2021.

Que comptez-vous faire pour améliorer le service aux usagers ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Cela ne relève pas de la compétence de l'État même si le sujet nous soucie. C'est la région qui est compétente.

Le service rencontre des difficultés de production, en raison de causes externes à l'entreprise -  bagages oubliés, accidents de personnes  - , mais pas seulement. Aussi, SNCF Voyageurs a engagé en novembre un plan d'action avec vingt et un agents et deux locomotives supplémentaires. Les premiers résultats sont encourageants, mais insuffisants. Il faut poursuivre les recrutements et les investissements dans les infrastructures.

Mme Martine Filleul.  - J'entends votre volonté, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les usagers des Hauts-de-France attendent des actes concrets.

Financement des agences de l'eau

Mme Amel Gacquerre .  - Les dernières lois de décentralisation ont confié les compétences gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), assainissement et eau potable aux intercommunalités sans accompagner ces transferts des financements correspondants. Aussi, de nombreuses intercommunalités ont dû instaurer une contribution Gemapi afin d'accélérer les programmes d'investissement. Or, le financement des opérations prévues devient critique du fait de la baisse annoncée des subventions des agences de l'eau.

Déjà, en 2018, le Gouvernement décidait d'écrêter plus fortement le produit des redevances sur l'eau pour financer les opérateurs du ministère de l'Environnement. En 2021, dans le cadre du plan France Relance, les crédits des agences de l'eau ont été fortement mobilisés sur des actions qui n'étaient pas prévues dans leurs programmes pluriannuels. D'où d'importantes difficultés financières pour les agences de l'eau, contraintes de diminuer leurs subventions. Le syndicat de la communauté d'agglomération de Béthune-Bruay, Artois Lys Romane, perdra ainsi près de 11 millions d'euros jusqu'en 2024.

Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Nous en avons débattu le 25 janvier. La fiscalité appliquée à l'eau potable a été réduite de 12 %, ce qui a conduit à une baisse des dotations des agences de l'eau. En contrepartie, l'État a mis un terme à ses prélèvements sur la trésorerie des agences. Celles-ci ont donc réduit le montant de leurs interventions de l'ordre de 12,63 milliards d'euros sur la période 2019-2024, d'où un recentrage des aides.

Les agences de l'eau restent mobilisées sur le soutien aux programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Sur le bassin Artois-Picardie, le taux d'aide est de 40 % sur les ouvrages prioritaires, et de 20 % pour les autres. Le PAPI Lys bénéficiera de la moitié des crédits du bassin, soit 9 millions d'euros sur trois ans. La communauté de communes est également aidée sur le petit cycle de l'eau. Les agences ont également mobilisé en 2021 les crédits complémentaires du plan de relance, majoritairement au bénéfice de projets de collectivités territoriales en matière d'eau et d'assainissement.

Nous réfléchissons à une nouvelle trajectoire de la dépense publique en matière d'eau et de biodiversité, sur la base notamment du rapport du sénateur Richard et du député Jerretie.

Nuisances sonores et pollution de l'autoroute A6

M. Christian Cambon .  - L'Haÿ-les-Roses souffre des nuisances liées au passage sur l'autoroute A6 de 300 000 véhicules par jour. Les pollutions sonores et atmosphériques de ce trafic ont des conséquences lourdes sur la santé des 3 500 riverains dont les logements ont souvent été construits avant l'autoroute.

Le mur antibruit est le plus vétuste de France. Le maire est mobilisé depuis 2014 : c'est ainsi qu'il a obtenu en 2017 la pose d'un enrobé phonique qui a permis de diviser par trois la pollution sonore.

Fin 2019 et en janvier 2022, deux pétitions ont demandé l'abaissement de la vitesse sur ce tronçon et l'installation d'un radar fixe. Le maire souhaite l'inscription du secteur sur la liste officielle des points noirs du bruit francilien, qui recense les sections à traiter en urgence.

Qu'allez-vous faire pour mettre fin à ce calvaire ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Gestionnaire du réseau routier national non concédé, l'État veille à la réduction des nuisances sonores à la source. En 2017, un kilomètre de section a bénéficié d'un nouvel enrobé pour réduire le bruit. Nous poursuivrons.

Nous expérimentons la baisse de la vitesse en milieu urbain, sans guère de résultat sur le niveau sonore et les émissions de gaz à effet de serre. Compte tenu du faible nombre d'accidents, un radar supplémentaire ne semble pas nécessaire : il y a déjà trois radars sur l'A6 entre l'A86 et le boulevard périphérique. Un ou plusieurs radars pédagogiques pourraient néanmoins être implantés.

M. Christian Cambon.  - Le calvaire des habitants va donc se poursuivre...

Destruction et bétonisation des jardins d'Aubervilliers

M. Thomas Dossus .  - Depuis septembre 2021, les pelleteuses ont détruit 6 000 m² de jardins ouvriers à Aubervilliers pour y installer une piscine et une gare du Grand Paris Express en vue des Jeux olympiques de 2024.

Ces jardins centenaires ont une histoire : celle des femmes et des hommes qui en ont fait des endroits vivants, végétalisés, des lieux de mixité sociale.

Alors qu'Aubervilliers n'offre qu'un mètre carré d'espace vert par habitant, quand l'OMS en préconise dix, la destruction de ces parcelles fait mentir l'ambition environnementale des Jeux de 2024 affichée par le Gouvernement, par l'Agence nationale du sport et par le Comité d'organisation des Jeux

C'est une attaque directe contre le vivre-ensemble. Les habitants se mobilisent pour sauver ce patrimoine populaire. Recours en justice, désobéissance civile, manifestations, pétitions : le collectif « Jardins à défendre » se bat contre la disparition programmée des jardins, parfois au prix de gardes à vue.

Le 10 février dernier, le tribunal administratif a déclaré le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) illégal. Pourtant, les bétonneuses poursuivent leur sinistre travail. Quelles mesures seront prises pour remettre en état ces jardins et les rendre aux habitants ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Ces jardins - 272 parcelles sur 7 hectares - sont impactés pour dix-sept d'entre eux par le centre aquatique et quinze par la gare, soit 12 % des surfaces actuelles.

La disparition de ces jardins n'est en rien programmée. La réinstallation sur des parcelles inexploitées dans un rayon de 500 mètres et la reconstitution à terme du site actuel sur des terrains en friche, proposées par Grand Paris Aménagement, ont été acceptées par une majorité des jardiniers.

La Société du Grand Paris a adapté l'emprise de sa gare pour en limiter l'impact. Ces démarches accompagnent l'évolution des jardins, dont une part non négligeable est aujourd'hui délaissée.

Le centre aquatique servira de centre d'entraînement pour les Jeux, mais sera surtout à terme un équipement de proximité dans un territoire qui en manque cruellement. De même, la desserte par le nouveau métro améliorera la mobilité.

L'équilibre de ce projet n'est pas remis en cause par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 10 février 2022.

Consultation des communes menacées par le recul du trait de côte

M. Didier Mandelli .  - La loi Climat prévoit qu'un décret fixe la liste des communes concernées par le recul du trait de côte et l'élaboration de cartographies. Sous l'autorité des préfets, les communes du littoral ont été appelées à rendre, avant la fin du mois de janvier 2022, un avis préalable afin de figurer sur cette liste.

Plusieurs élus, ainsi que l'Association des maires de France et l'Association nationale des élus du littoral, ont appelé à un report de la consultation, le délai de deux mois étant intenable en raison de la crise sanitaire mais aussi de l'impossibilité de disposer aussi rapidement des diagnostics préalables nécessaires pour se prononcer sur le transfert de responsabilité proposé.

L'engagement d'un financement national du recul du trait de côte n'ayant pas été tenu dans le projet de loi de finances pour 2022, les élus craignent que ce transfert de compétences ne s'accompagne d'un désengagement de l'État au plan technique et financier.

J'appelle le Gouvernement à organiser une nouvelle consultation afin que l'ensemble des communes concernées puissent disposer des éléments et garanties nécessaires.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Veuillez excuser Mme Pompili.

La loi Climat et résilience vise à anticiper l'érosion littorale, ce qui suppose d'identifier les communes les plus exposées au recul du trait de côte. Les préfets ont explicité les critères d'élaboration de la liste ; des éléments complémentaires ont été apportés et un accompagnement par le Cerema est en cours de définition.

Compte tenu du contexte, le délai a été reporté au 14 février 2022, sachant que le retour des collectivités territoriales pourra être pris en compte jusqu'à la réunion des instances nationales.

L'État financera 80 % de la cartographie. Dans le cadre du projet partenarial d'aménagement (PPA), les projets de recomposition spatiale pourront profiter de 10 millions d'euros du plan France Relance. Les établissements publics fonciers pourront aussi les accompagner sur le long terme. Un cadre financier sera déterminé dans la prochaine loi de finances.

M. Didier Mandelli.  - Les élus manquent de visibilité. Le Conseil national d'évaluation des normes et le Conseil national de la mer et des littoraux ont émis un avis défavorable au projet de décret -  ils ont eu 48 heures pour se prononcer...

Lutte contre les nuisances aériennes

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Les troubles cardio-vasculaires sont plus fréquents chez les personnes exposées au bruit, qui est aussi un facteur de stress et de perturbation du sommeil. Ce devrait donc être une priorité de politique de santé publique.

Autour de l'aéroport d'Orly, ce sont 251 communes et 1,9 million d'habitants qui sont survolés à moins de 3 000 mètres d'altitude ; 439 000 personnes subissent quotidiennement un niveau de bruit supérieur aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.

Or le plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE), obligatoire depuis 2008, ne reprend aucune des revendications exprimées par les riverains lors de la consultation du public, à savoir le respect du plafonnement à 200 000 mouvements annuels et le couvre-feu quotidien de huit heures consécutives.

Multiplier les consultations citoyennes en faisant fi des demandes devient insupportable.

L'impact sanitaire du bruit est-il une priorité pour les pouvoirs publics ? Si oui, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - La question des nuisances sonores autour de l'aéroport d'Orly fait l'objet d'une attention particulière.

Des cartes stratégiques de bruit ont été établies et un plan de prévention du bruit dans l'environnement pour la période 2018-2023 a été élaboré ; dans ce cadre, l'impact du bruit sur les fortes gênes et sur les perturbations du sommeil a été évalué.

La concertation des parties prenantes, pendant un an, a fait évoluer les projets. L'essentiel des demandes a été pris en compte, dont l'abandon d'une zone C et d'une zone D, l'accélération de la généralisation des descentes continues, et la fixation d'un objectif de réduction de 6 décibels sur la plage de 22 heures à 6 heures. La concertation se poursuivra sur le prochain PPBE.

Une consultation publique a été organisée et une synthèse est en ligne sur le site du ministère. Les demandes de plafonnement à 200 000 mouvements et d'extension du couvre-feu ne peuvent être satisfaites sans étude d'impact préalable. Celle-ci déterminera les moyens pour atteindre l'objectif de réduction du bruit.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - On se hâte avec lenteur...

Création de l'agence territoriale de la biodiversité de Guyane

M. Georges Patient .  - Lors de son récent déplacement en Guyane, Mme Pompili a annoncé la création d'une agence territoriale de la biodiversité de Guyane, avec pour mission la préservation mais aussi la valorisation des biodiversités.

« La biodiversité amazonienne ne doit pas être mise sous cloche mais valorisée », disait Patrick Karam.

L'annonce gouvernementale arrive à point nommé, car tout projet en Guyane suscite l'opposition farouche de militants écologistes radicaux.

L'agence ne doit donc pas être confiée à ces militants qui voudraient maintenir la Guyane dans un état originel fantasmé. Il faudra associer les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs, le secteur forestier et aurifère.

Tous sont sensibilisés à la préservation de notre environnement. Mais il faut intégrer la biodiversité dans la stratégie des entreprises.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - La richesse naturelle guyanaise est exceptionnelle et mérite d'être préservée et valorisée. La collectivité territoriale, l'État et l'Office français de la biodiversité (OFB) ont travaillé à la création d'une agence territoriale de la biodiversité via un groupement d'intérêt public, dont la préfiguration a été lancée en 2018, mais le ministère a dû revoir les statuts pour prendre acte du refus de la collectivité territoriale de délibérer.

La collectivité territoriale de Guyane a toutefois manifesté sa volonté de créer cette agence territoriale de la biodiversité. Le Gouvernement soutient le développement de cette nouvelle structure. Sa création sera le fruit d'un travail commun. Toute la diversité des acteurs économiques guyanais devra être représentée.

Comme annoncé en février 2022 par Mme Pompili, l'État, l'OFB et la collectivité territoriale s'engagent à financer cette future agence, tout en s'ouvrant à différents partenariats.

Évolution du classement en zone tendue

Mme Annick Billon .  - Avec la crise sanitaire, la pression immobilière s'est accentuée dans de nombreuses communes littorales, notamment aux Sables d'Olonne. Raréfaction des biens à la vente, inflation du prix au mètre carré, difficulté de louer à l'année, aggravée par le développement des sites de location de type Airbnb : faute de biens à des prix raisonnables, des actifs ne peuvent s'installer dans les communes littorales où ils travaillent à l'année ou en saison.

Le déséquilibre entre l'offre et la demande entraîne des difficultés d'accès au logement dans le parc résidentiel existant. C'est la définition même d'une zone tendue. Or ne peuvent être considérées en zone tendue que les communes constituant une aire urbaine de plus de 50 000 habitants. Ce critère de population n'est plus adapté en l'espèce.

La majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires serait une première réponse pertinente. Envisagez-vous d'étendre les critères de classement en zone tendue ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - La taxe sur les logements vacants ne peut être appliquée que dans les zones urbanisées de plus de 50 000 habitants. Les communes concernées peuvent majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

Le Gouvernement partage votre analyse : les zones touristiques littorales présentent un marché immobilier tendu, avec une forte proportion de résidences secondaires et de locations touristiques. Aux Sables d'Olonne, le prix avoisine les 4 800 euros par mètre carré, bien plus élevé que dans de nombreuses métropoles.

L'application de la taxe sur les logements vacants et la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires peuvent être une solution, mais d'autres outils existent : le conseil municipal peut rendre obligatoire la demande d'autorisation pour le changement d'usage d'un logement, et la commune peut participer au plan national de lutte contre les logements vacants.

Mme Annick Billon.  - L'agglomération des Sables d'Olonne compte 53 000 habitants. J'avais eu un rendez-vous avec le maire et le cabinet de Mme Wargon, qui s'était engagée sur ce dossier. La situation est la même à Noirmoutier et dans d'autres communes littorales. Il est urgent d'agir !

La séance est suspendue à 12 h 50.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Commission (Nomination)

Mme le président.  - Une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires sociales a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévue par notre Règlement.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Mme le président.  - Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Je suis heureuse de vous présenter ce projet de loi signé à Doha le 5 mars 2021.

La France et le Qatar ont un partenariat stratégique dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l'économie, des investissements, de la culture, de l'éducation et du sport. Il est particulièrement important dans le domaine de la sécurité des grands événements sportifs depuis les Jeux asiatiques de 2006. Il s'est approfondi avec le championnat de handball en 2015, puis de cyclisme en 2016 et d'athlétisme en 2019.

La France s'est donc engagée à accompagner le Qatar dans la préparation et la conduite de la sécurité de la Coupe du monde de football, qui se tiendra à Doha du 21 novembre au 18 décembre 2022. Il sera le premier pays arabe à accueillir un tel événement.

Le ministère de l'Intérieur français apporte une expertise de haut niveau afin d'accompagner les services qataris dans la préparation et la conduite de cette compétition. Une relation historique s'est nouée entre la gendarmerie française et les forces de sécurité intérieure qataries. Elle s'est illustrée par la mobilisation d'experts français lors de la Coupe de football des pays arabes en 2021, ce qui a permis d'évaluer les besoins pour 2022.

Ces échanges croisés ont pour objectif d'accompagner les forces qataries avant et pendant la compétition. C'est aussi une occasion de développer nos savoir-faire dans la perspective de la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Cet accord offre un cadre juridique protecteur aux experts français. Il rend possible le déploiement d'une assistance technique et opérationnelle. Ce sera le premier outil juridiquement contraignant entre la France et le Qatar dans le domaine de la sécurité intérieure ; les précédentes coopérations, plus techniques, plus modestes, n'avaient pas donné lieu à une telle formalisation.

L'objectif est double : aider le Qatar à assurer dans les meilleures conditions la sécurité de la Coupe du monde - l'offre française porte sur la planification, le contre-terrorisme, la gestion de l'ordre public, le renseignement, la sécurité des installations et des mobilités, la cybersécurité ou encore la sécurité civile - et déployer des experts français au Qatar.

En l'absence d'accord, le personnel français déployé au Qatar aurait été soumis au droit local et exposé à des risques. Des garanties équivalentes au statut des forces en matière de coopération de défense leur sont ainsi offertes.

Rédigé sur la base de la réciprocité, cet accord détermine le statut juridique et les conditions de séjour des personnels français déployés au Qatar et des Qataris déployés en France. Ces experts sont tenus au respect de la législation de la partie d'accueil.

L'essentiel de la dépense liée aux actions de coopération incombe à la partie qui en bénéficie.

La partie d'envoi peut importer et réexporter en franchise de droits et taxes son matériel ou ses véhicules déployés dans la partie d'accueil.

En matière pénale, l'accord prévoit un partage de juridiction. Les infractions commises par un membre de la partie d'envoi dépendent de la compétence des juridictions de la partie d'accueil, qui peut toutefois être dévolue à la partie d'envoi si elles sont commises dans le cadre du service.

En cas de poursuites devant la partie d'accueil, la personne concernée bénéficie du droit à un procès équitable. En cas de condamnation, les demandes visant à purger la peine dans le pays d'envoi seront examinées avec bienveillance. La peine de mort, toujours en vigueur au Qatar, ne pourra être ni requise ni prononcée.

Des réformes ont été engagées par le Qatar, notamment concernant les droits des travailleurs étrangers pour lesquels a été supprimé le système dérogatoire qui leur était imposé, la kafala. Ces progrès doivent être approfondis. Nous maintiendrons le dialogue sur ce point avec les autorités qataries.

Je vous invite à approuver cet accord en adoptant ce projet de loi. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.) Ce projet de loi a été adopté par la commission le 9 février 2022.

Les groupes CRCE et GEST ont souhaité le retour à la procédure normale ; rappelons toutefois qu'un tel projet de loi ne peut être amendé.

Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l'ambition politique tracée par la déclaration d'intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.

Le Qatar a été désigné par la FIFA en 2010 pour accueillir la Coupe du monde de 2022. L'événement se tiendra en novembre et décembre 2022 pour tenir compte des contraintes climatiques. Néanmoins, les douze stades seront climatisés. Ce sera le plus grand événement sportif jamais organisé dans le monde arabe.

Le Qatar pourrait accueillir jusqu'à 1,5 million de supporters, un nombre considérable pour un si petit pays. À titre d'illustration, cela correspondrait pour la France à l'accueil de 40 millions de visiteurs.

Le Qatar sera confronté à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques, mais aussi à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n'est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d'alcool, actions d'organisations contestataires...

Pour relever ces défis, le Qatar a cherché à développer, dès 2010, des partenariats avec différents États, dont la France, pays avec lequel il a déjà développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense. Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis. Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l'achat récent de 36 Rafale.

Le Qatar est également un partenaire stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation.

Le Président de la République et l'émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d'intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Un dialogue stratégique a été mis en place en février 2019.

L'émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d'Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel. Enfin, le Qatar et les Nations unies ont récemment convenu de l'ouverture d'un bureau à Doha du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.

Le Qatar a réalisé d'importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. Il est le premier État de la région à avoir abrogé en 2016 le système de la kafala, qui oblige l'expatrié à dépendre d'un parrain, et à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Ces efforts doivent être poursuivis. Le nombre d'accidents du travail reste trop élevé. Une meilleure indemnisation des victimes et de leurs familles doit être recherchée.

La peine de mort est toujours en vigueur au Qatar et continue d'être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, mis à part le cas de l'exécution d'un ressortissant népalais, condamné pour meurtre en 2020.

La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs a commencé lors des Jeux asiatiques de 2006. Elle s'est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d'athlétisme en 2019 et pour la Coupe arabe des nations de football de 2021.

Pour la Coupe du monde, le partenariat projeté est encore plus ambitieux, et nécessitait une formalisation juridique pour sécuriser le déploiement de nombreux experts sur le terrain. Cet accord peut se définir comme une offre de services de la France, de nature à couvrir l'ensemble du spectre des besoins de sécurité d'un grand événement sportif. Sa mise en oeuvre pourra notamment s'appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l'Intérieur pour des missions de conseil, d'accompagnement et d'appui opérationnel. La partie qatarienne doit formuler plus précisément ses besoins : l'offre de coopération française sera alors ajustée.

L'accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.

Cet accord prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l'Intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien : droit à un procès équitable, protection contre l'application de la peine capitale ou d'autres traitements inhumains et dégradants.

Ces dispositions offriront une parfaite sécurité juridique aux agents français qui participeront aux activités de coopération, jusqu'au 30 juin 2023, à l'instar de celles offertes aux agents du ministère de la Défense par l'accord bilatéral relatif au statut des forces.

Les retombées de la Coupe du monde sont estimées à 200 milliards de dollars, ce qui offre des opportunités importantes à nos entreprises. C'est aussi l'occasion de nous préparer à l'accueil de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques en 2024.

Les autorités qatariennes n'ont, à ce jour, pas notifié l'accomplissement des procédures nationales requises pour l'entrée en vigueur de l'accord, qui sera examiné par l'Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les relations franco-qatariennes ont pris leur essor au début des années 1990. La volonté qatarie de diversifier l'économie du pays au-delà du secteur pétrolier a conduit à élargir le spectre de nos coopérations à de nombreux secteurs.

En matière de sécurité et de défense, pilier essentiel de notre coopération, la visite du Président de la République le 7 septembre 2017 a permis la signature d'accords majeurs dans les domaines de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment.

Le 11 février 2019, nos gouvernements ont signé une déclaration d'intention pour renforcer notre partenariat dans tous ces domaines.

Cet accord constitue le premier instrument juridiquement contraignant entre nos deux États dans le domaine de la sécurité intérieure.

La France porte l'ambition d'accompagner le Qatar, pays parmi les plus sûrs au monde, donc peu habitué à gérer un événement aussi sensible et complexe.

Les enjeux économiques de la Coupe du monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent des opportunités importantes à nos entreprises.

Notre coopération policière peut être dynamisée, de manière à valoriser l'expérience de nos services.

Nous devons en même temps garder conscience de la condition sociale des migrants travaillant sur les chantiers de la Coupe du monde. Le Qatar a adopté des lois en leur faveur, mais elles sont encore peu appliquées. D'autres sujets appellent notre vigilance, notamment les droits des femmes et la liberté d'expression. La France doit user de son influence en la matière.

Nous voterons cet accord, qui offre la sécurité juridique nécessaire à nos agents, favorise la sécurisation de la région et met en valeur le savoir-faire français.

Le Qatar est un partenaire stratégique essentiel de la lutte contre le terrorisme et apporte un solide soutien logistique à la communauté internationale et au G5 Sahel.

Il faut cependant que ce pays améliore les droits des travailleurs étrangers.

Le contexte est plus concurrentiel qu'autrefois. Si les autorités qatariennes continuent à s'appuyer sur des partenariats historiques, elles sont aussi à la recherche d'autres soutiens. Aussi, il nous semble important d'approuver cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette convention ne fera finalement pas l'objet d'une procédure simplifiée, ce qui me semble sain compte tenu des enjeux en présence. Elle porte sur la sécurité de la Coupe du monde de foot de 2022. La France mettra notamment à disposition du personnel et du matériel pour une coopération policière.

Le Qatar, l'un des pays les plus sûrs du monde, n'est pas préparé pour faire face à des débordements lors d'un événement d'une telle ampleur.

Ce petit émirat est connu pour son gaz, son pétrole et donc pour son empreinte carbone désastreuse. Les conditions de travail des travailleurs étrangers, soumis à la kafala, ont fait scandale jusqu'à conduire certains à appeler au boycott de l'événement. Cette coupe du monde est une aberration écologique avec des structures pharaoniques promises à une quasi-inactivité une fois la compétition achevée.

Les stades seront dotés de super-climatiseurs, comme en 2019 pour l'athlétisme, mais cela ne suffira pas à offrir des conditions acceptables pour les sportifs. Doit-on pour autant boycotter cet événement ?

Le Qatar a fait de réels efforts en supprimant la kafala et en organisant des élections nationales.

Du reste, les ONG n'appellent pas au boycott - la politique de la chaise vide a ses limites - mais demandent que la situation sociale et écologique s'améliore.

Les grandes organisations sportives internationales ne doivent plus se contenter d'être des chambres d'enregistrement. Ces compétitions doivent répondre à des enjeux éthiques. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Mickaël Vallet .  - Ce projet de loi, certes technique, doit nous conduire à nous interroger plus largement.

Sur le texte et ses effets juridiques, le propos est simple. La France est un partenaire ancien du Qatar. Nous partageons notre expertise en matière de défense et de sécurité.

Les 200 milliards de dollars que va générer la Coupe du monde de football offrent des perspectives à nos entreprises dans cette cité-État qui représente le sixième excédent commercial français.

Cet accord sécurise l'intervention du personnel français. La peine de mort notamment ne pourra pas leur être appliquée. À ce stade, si j'ose dire, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Malgré tout, la France doit rester crédible dans ses choix de coopération. Certains ont qualifié cet événement de Coupe du monde de la honte. La signification politique de notre engagement interroge. Une information judiciaire est ouverte dans plusieurs pays, dont le nôtre, pour des faits de corruption autour de la Coupe du monde.

On peut également déplorer les conditions de travail des ouvriers étrangers au Qatar malgré la récente suppression de la kafala - qui équivaut à l'établissement d'un salaire minimum - et l'ouverture d'un bureau de l'organisation internationale du travail (OIT). De telles avancées restent néanmoins insuffisantes d'autant que les accidents du travail sont encore nombreux.

Quid en outre des émissions de CO2, dont le Qatar possède le record du monde par habitant ?

On ne peut que s'interroger sur la fin de non-recevoir opposée à nos services de renseignement sur les soupçons de financement par le Qatar de mosquées islamistes sur notre territoire.

Cet événement sportif et sa mise en oeuvre appelaient-ils un tel degré d'implication de la diplomatie française ?

Lors de sa tournée dans le Golfe, le Président de la République n'a pas abordé ces différents sujets.

Notre groupe ne pourra pas voter ce texte. Nous nous abstiendrons uniquement en raison de la sécurité juridique dont bénéficieront nos experts. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Xavier Iacovelli .  - Nous sommes appelés à débattre d'un texte et d'un contexte ; le contexte, c'est celui des détestables soupçons de corruption pesant sur la FIFA.

Pourtant, il ne s'agit pas de voter sur le choix du Qatar pour organiser la Coupe du monde. Il est acquis depuis 2010, et ne relève pas du Parlement. L'évènement se tiendra cette année, dans des conditions météorologiques difficiles, après des préparatifs dont le coût humain a été élevé.

Mais ce chantier a poussé le Qatar à se moderniser, notamment en matière de droit du travail afin de se conformer aux normes internationales. Il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre nos standards en matière de droits de l'homme.

Le Qatar a institué un salaire minimum en 2020 pour les expatriés non qualifiés, après avoir abrogé la kafala en 2016, suivi par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Cet accord de sécurité intérieure témoigne de notre savoir-faire en cette matière. Il fait rayonner notre expertise et apporte d'indispensables garanties juridiques aux agents français déployés au Qatar.

Notre groupe votera ce texte.

M. Joël Guerriau .  - La Coupe du monde de football fait vibrer des millions de personnes tous les quatre ans. Le pays organisateur de la compétition bénéficie de nombreuses retombées. Le Qatar a été choisi en 2010 et a demandé à la France de l'aider pour assurer la sécurité de l'événement.

La France a montré ses capacités en matière de sécurisation des grands évènements, comme en 1998 et en 2016. Elle accueillera prochainement la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques.

Nos collègues communistes ont souhaité un débat sur ce texte ; je le comprends.

Le choix du Qatar interroge en raison du climat et des conditions de travail des immigrés sur son sol. Diverses sources font état de la mort de dizaines d'entre eux, employés sur les chantiers. La lumière doit être faite sur ces faits.

Le calendrier de la compétition a été adapté pour répondre aux contraintes climatiques.

En 2014, au Brésil, des scandales relatifs aux conditions de travail ont également éclaté. Cela relève de la responsabilité de la FIFA. Aucun jeu ne peut valoir la perte d'une vie humaine.

Le foot a apporté beaucoup à la diplomatie, comme d'autres événements sportifs.

Il n'a pas été question de boycotter les Jeux de Pékin. Ces événements permettent de faire rayonner notre pays et nos valeurs.

Pour autant, il convient de mieux préserver la sécurité des individus. Tel est l'objectif de cet accord. « Un match après l'autre », disait Luis Fernandez. Cela vaut aussi en matière de diplomatie.

Le groupe INDEP souhaite une meilleure protection des travailleurs immigrés au Qatar et votera ce texte.

M. Gilbert Bouchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le retour à la procédure normale pour cette convention nous offre l'occasion de débattre.

Permettez-moi de saluer nos athlètes, qui ont été privés si longtemps de compétitions et qui vont nous apporter joie et espoir. Ils représentent des valeurs universelles sur lesquelles nous ne devons pas céder.

L'organisation de la Coupe du monde de football s'inscrit dans un contexte sécuritaire compliqué.

En décembre 2017, la France et le Qatar ont engagé une coopération en matière de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, essentielle à la sécurité de notre pays.

Nous savons que le Qatar apporte un appui logistique au G5 Sahel. Mais quelles sont les mesures concrètes en matière de lutte contre le radicalisme et le financement du terrorisme ?

La France apportera son concours à la sécurité de la Coupe du monde de football. Le savoir-faire de nos experts est reconnu.

En tant que membre du groupe Sport, je comprends certaines interrogations sur les droits des travailleurs, mais elles ne relèvent pas de ce texte qui concerne la sécurité de la compétition.

Pour cette raison, notre groupe votera majoritairement pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Des milliers de vies humaines ont été emportées en raison de conditions de travail sans précédent depuis le Moyen-Âge - 6 500 selon le Guardian -, 200 milliards de dollars engloutis dans des stades à usage unique, des dépenses énergétiques considérables pour limiter les températures : tel est l'héritage de l'attribution par la FIFA de la Coupe du monde de la honte au Qatar, grâce au funeste appui de l'ancien président Sarkozy... (Exclamations et protestations à droite)

Triste année 2022 : les valeurs du sport sont devenues le paillasson d'un capitalisme sans vergogne. Les écologistes ne sont pas les ennemis du sport, bien au contraire ! (On en doute sur les mêmes travées.) Nous nous levons contre cette aberration mercantile ! Quel footballeur peut accepter de jouer dans un stade qui sent l'odeur de la mort ? (Nouvelles exclamations à droite) Nous condamnons cette folie meurtrière. Jusqu'où fermerons-nous les yeux pour vendre nos Rafale ?

Ce projet d'accord est moralement inacceptable. Laissons le Qatar organiser un événement qu'il a obtenu contre le sens commun.

La France qui a organisé un championnat d'Europe de foot après les attentats de 2015 n'a nul besoin d'entraînement dans la perspective de la Coupe du monde de rugby ou des Jeux olympiques, contrairement à ce qui est dit dans le rapport. Notre commission nous a habitués à plus d'objectivité.

Merci au groupe CRCE d'avoir souhaité débattre de ce texte. Même si on se place comme vous du côté de la Realpolitik, ce projet d'accord n'est pas opportun.

Le Qatar a longtemps financé le terrorisme et les Frères musulmans sur notre sol. Soyons cohérents et rejetons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Michelle Gréaume .  - Cette Coupe du monde de football devrait être boycottée pour plusieurs raisons.

Ce mondial sera-t-il celui de la fête ou de la honte ? Les suspicions sur le mode d'attribution de cet évènement sont nombreuses. Les pressions politiques, notamment de l'Élysée, sont connues. Le Qatar avait le dossier le moins bien noté ! Le mode d'attribution des compétitions internationales doit impérativement être revu. Je rejoins la tribune de Marie-George Buffet dans L'Humanité à ce propos.

Ensuite, la préparation de la compétition interroge. Pour construire six des huit stades, des ouvriers immigrés asiatiques ont travaillé dans des conditions inacceptables. Quelque 6 750 d'entre eux ont perdu la vie - et non 37, comme le prétend le pays.

Pendant la compétition, le pire est à craindre. Rappelons que, dans ce pays, l'homosexualité est réprimée, la femme soumise à une tutelle. Si la consommation d'alcool n'est pas formellement interdite, un grand flou l'entoure. Dans un tel contexte, devons-nous vraiment contribuer à la sécurisation de l'événement ?

Cette convention, tout comme celle dont l'examen a été repoussé, doit nous interroger sur nos relations avec le Qatar.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est vrai !

Mme Michelle Gréaume.  - Le Royaume a besoin de redorer son blason. Il serait naïf de penser que Doha agit par amour du sport ! C'est bien de sportwashing qu'il s'agit.

Notre partenariat privilégié avec le Qatar a des retombées cultuelles, éducatives et en matière de transports. Mais surtout, nous le savons bien, en matière militaire : le Qatar est notre deuxième acheteur d'armes - après l'Arabie saoudite, cette autre grande démocratie... Et la France se satisfait fort bien d'une relation qui pèse plusieurs dizaines de milliards d'euros dans sa balance commerciale.

Pour notre part, nous n'acceptons pas des discours sur un pays en voie de modernisation. La France ne s'enorgueillit-elle pas d'être le pays des droits de l'homme ? Elle est aussi engagée dans la lutte contre le terrorisme, alors que le Qatar est fortement soupçonné de financer des groupes terroristes.

Le groupe CRCE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - L'attribution de la Coupe du monde au Qatar suscite des interrogations légitimes, c'est entendu. Reste que, comme l'a fait observer M. Iacovelli, nous ne sommes pas là pour en juger. Il s'agit de savoir si nous souhaitons coopérer avec le Qatar pour que cet événement se tienne dans les meilleures conditions possibles. Pour la commission, la réponse est oui.

Mme Nathalie Goulet.  - Nos relations avec le Qatar sont extrêmement difficiles. Ce pays héberge les Frères musulmans, en particulier le cheikh Youssef al-Qaradawi, qui, de là, propage ad omnes sa mauvaise parole. Par ailleurs, notre convention fiscale avec le Qatar fait de la France un paradis fiscal. Pour ces deux raisons, je voterai contre le texte.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Conclusions de la CMP)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le succès de la CMP sur ce projet de loi traduit l'objectif partagé des deux assemblées de franchir un pas supplémentaire dans la reconnaissance que la Nation doit aux harkis, abandonnés après s'être engagés pour la France puis, pour certains, hébergés de manière particulièrement indigne dans des structures comme des camps ou des hameaux de forestage.

En première lecture, le Sénat a adopté ce texte au regard des avancées notables qu'il comporte, tout en considérant qu'il ne pouvait s'agir d'un solde de tout compte. Le texte de la CMP reprend la plupart des apports des deux assemblées. En l'adoptant, nous avancerons sur le chemin de la réconciliation et de la mémoire, qui sera encore long.

L'article premier affirme la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis et la responsabilité de l'État du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil dans des camps et les hameaux. Sur l'initiative du Sénat, cette responsabilité s'étend aux structures de toute nature où les harkis ont été hébergés dans des conditions indignes ; sont ainsi visées certaines prisons reconverties en lieux d'hébergement.

L'article 2 instaure un mécanisme de réparation, sous la forme d'une indemnisation forfaitaire au prorata de la durée d'hébergement.

La CMP ayant retenu l'article premier bis dans la rédaction du Sénat, la journée d'hommage aux harkis commémorera aussi les sévices subis par eux.

La commission nationale de reconnaissance et de réparation prévue à l'article 3 statuera sur les demandes de réparation et contribuera au travail mémoriel. Comme le souhaitait l'Assemblée nationale, elle pourra proposer de faire évoluer la liste des structures concernées. Le texte laisse ainsi la porte ouverte à une évolution des mesures de réparation.

Les futurs travaux du Gouvernement et du Parlement pourront s'appuyer sur les propositions de cette commission, dont les garanties d'indépendance prévues par le Sénat ont été conservées par la CMP.

À l'article 7, le texte de la CMP conserve l'allongement de quatre à six ans, sur l'initiative du Sénat, de la période pendant laquelle les veuves pourront solliciter les arrérages de l'allocation viagère.

Enfin, la CMP a supprimé l'article 8, qui prévoyait une amende spécifique pour l'injure ou la diffamation envers un ancien supplétif à raison de cette qualité. Ces infractions sont déjà réprimées au titre de l'assimilation aux forces armées ou dans le cadre du droit commun. Tenons-nous en au droit en vigueur, pour ne pas risquer des ruptures d'égalité devant la loi.

Si ce texte ne pansera pas des plaies encore vives pour nombre de nos compatriotes, il comporte toutefois des mesures utiles pour la reconnaissance et la réparation que la Nation doit aux harkis et à leurs familles. Je vous recommande son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - (M. André Gattolin applaudit.) « Nous devons nous souvenir, nous soutenir et, avec l'encre du passé, sur une page oubliée de l'histoire de France, écrire notre espérance. » Ces vers de Messaoud Gadi expriment l'émotion que nous ressentons à la pensée de nos compatriotes harkis et ce que, collectivement, nous avons voulu faire.

Le parcours parlementaire de ce texte a été jalonné d'échanges fructueux et de débats pour l'essentiel respectueux ; je salue cette coopération exemplaire.

Je vous remercie d'avoir mis tant de coeur à l'ouvrage. Le Parlement a joué tout son rôle. Je remercie particulièrement les rapporteures des deux chambres pour la qualité de leurs travaux.

Grâce à ce texte, les engagements pris par le chef de l'État le 20 septembre dernier devant les représentants des harkis seront honorés. J'ai entendu les critiques et les attentes, mais je le répète : ce projet de loi marque une avancée inédite en matière de reconnaissance et de réparation ; il ouvre une nouvelle étape de l'histoire entre la Nation et les harkis, celle du pardon.

Ce texte, qui marquera la vie de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens, s'inscrit dans la profondeur mémorielle de notre pays, répondant à l'exigence de fraternité républicaine.

Il est le fruit d'une longue concertation, menée sous plusieurs gouvernements. J'ai souhaité qu'il réponde aux attentes et besoins que j'ai entendus depuis 2017.

Le sort des harkis, tragédie française, reste une blessure profonde : la France a tourné le dos à des hommes valeureux, qui l'avaient loyalement servie, qui avaient cru aux promesses de la fraternité d'armes. Ce texte réaffirme la gratitude que nous leur devons. N'oublions jamais les leçons de fidélité française que porte leur histoire.

Le récit des harkis est celui d'un arrachement aux racines, d'un exil douloureux, de l'incertitude de familles balayées par les événements. Nous leur adressons solennellement l'hommage et l'affection de la Nation.

La vérité est cruelle : la France a tergiversé pour ouvrir ses portes aux harkis et à leurs familles. Pour beaucoup, l'arrivée en métropole a marqué le début d'une marginalisation et d'une vie dans des conditions indignes - le Sénat a tenu à insister particulièrement sur cette notion d'indignité. Cette trahison de la promesse républicaine est le coeur de ce texte.

Le Sénat a élargi le dispositif aux structures de toute nature dans lesquelles les harkis ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous avons avancé ensemble.

C'est l'honneur de la République de compléter par ce texte l'édifice de réparation bâti depuis plusieurs dizaines d'années, par de nombreux gouvernements.

La journée nationale du 25 septembre sera inscrite dans la loi, dans une définition enrichie.

Je salue les avancées issues du débat parlementaire sur le périmètre de la réparation - évaluée à 310 millions d'euros - ainsi que sur le rôle de la commission nationale, qui sera une institution forte et indépendante.

Je rappelle que, le 1er janvier dernier, l'allocation de reconnaissance attribuée aux harkis et à leurs veuves a été doublée.

Rien ne pourra effacer les errements du passé, rien ne pourra guérir les blessures. Mais l'État doit favoriser autant qu'il le peut une meilleure connaissance de l'histoire des harkis. C'est dans cet esprit que j'étais hier à Saint-Maurice-I'Ardoise. C'est un enjeu de transmission, mais aussi un devoir moral, surtout en un temps où les faits historiques subissent des assauts inédits.

Les harkis, leurs enfants et leurs petits-enfants ont fait, font et feront la France. Leur histoire est celle d'une fidélité française. Ce texte est donc oeuvre de fraternité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP et UC et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et SER)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Jocelyne Guidez et M. Claude Kern applaudissent également.) Sans difficulté, la CMP a abouti à un texte équilibré, dont mon groupe est globalement satisfait. Il prolonge l'action entreprise par Jacques Chirac et poursuivie par ses successeurs en faveur de la mémoire des harkis.

Dans les camps et les hameaux de forestage, véritables prisons à ciel ouvert, les harkis, condamnés à mort en Algérie, ont été condamnés à la survie en France. Notre pays a manqué à son devoir moral vis-à-vis de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants.

Le RDSE approuve tous les dispositifs du texte. Nous aurions aimé que toutes les structures d'hébergement soient concernées, mais le rôle dévolu à la commission nationale laisse la porte ouverte à des améliorations. Nous devons rester vigilants à cet égard, afin que tous les harkis ayant subi une forme de relégation bénéficient de la politique de réparation.

La journée du 25 septembre honorera non seulement les harkis, mais aussi ceux qui les ont aidés. L'ancrage de cette date dans la loi est bienvenu.

La réconciliation entre l'Algérie et la France n'est pas achevée ; des deux côtés de la Méditerranée, les sensibilités restent vives. Le chef de la diplomatie algérienne a récemment déclaré que les relations entre les deux pays sont dans une phase ascendante... Il est à espérer qu'elles s'améliorent encore, car nos peuples ont de nombreux défis à relever en commun. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte répare beaucoup de maux et d'incurie, mais ne saurait être une fin en soi ; beaucoup reste à faire.

Les gouvernements successifs, de gauche et surtout de droite, n'ont pas fait leur travail ni assumé leurs responsabilités.

La fin de la guerre d'Algérie a été un désastre. Nous pouvions quitter l'Algérie, mais pas ainsi. (M. Gérard Longuet opine.) C'est une honte pour la France !

Quand on voit l'état actuel de l'Algérie, qui dispose pourtant de ressources considérables, il est clair que les dirigeants d'Alger sont mal placés pour nous donner des leçons. Il est regrettable que tout le monde se soumette à leur dictature intellectuelle, ainsi qu'à celle des milieux bien-pensants.

Reste que ce texte est positif, même s'il ne répare pas tous les torts commis par la France. Je le voterai donc, sans y voir un solde de tout compte.

Mme Émilienne Poumirol .  - Je remercie les associations de harkis, dont les éclairages et propositions nous ont été précieux, ainsi que l'ensemble des parlementaires pour leur engagement sur ce texte essentiel.

Le groupe SER a voté ce texte, qui s'inscrit dans la lignée des différentes lois et discours présidentiels marquant la reconnaissance de la Nation envers les harkis. C'est François Hollande qui, en 2016, a reconnu explicitement la responsabilité des gouvernements français dans l'abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil inhumaines de ceux transférés en France.

Ce texte est un pas de plus vers une mémoire apaisée. Il répond aussi à une demande ancienne des veuves de harkis en ce qui concerne le délai pour faire valoir le droit à l'allocation viagère.

Néanmoins, il ne saurait avoir valeur de solde de tout compte. Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été adoptés et que subsiste dans le texte une distinction de reconnaissance et de droits entre les anciens harkis. De fait, ceux qui n'ont pas transité par des structures sont exclus du dispositif. En outre, le système de forfait prévu n'est pas à la hauteur du traumatisme.

Nous sommes convaincus qu'un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminatoire seraient source d'apaisement. Les harkis sont des citoyens français à part entière. Le manque de reconnaissance demeure pour eux une blessure.

Nous voterons ce texte, qui marque un pas supplémentaire dans la reconnaissance des sacrifices endurés. Le travail de mémoire s'inscrit dans le temps long ; il doit continuer. Il faut désormais engager au plus vite le processus de réparation. La commission indépendante doit commencer ses travaux rapidement, et le Parlement y veillera.

Enfin, la mémoire des harkis doit continuer d'être transmise, pour que nul ne soit oublié. C'est ainsi que nous parviendrons à la réconciliation nationale et à un meilleur vivre-ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation pour les personnes rapatriées d'Algérie.

Il s'agit de franchir un nouveau pas historique : oui, les harkis appartiennent à une page sombre de l'histoire de France ; ces hommes ont été délaissés sur leur terre natale ou relégués en métropole dans des camps, des cités ou des hameaux de forestage.

Historique, car ce texte traduit l'engagement pris par le Président de la République le 20 septembre dernier devant les harkis. Dans ce discours, salué unanimement, il leur a demandé pardon au nom de la France.

Pour réparer la faute commise, ce texte inscrit dans la loi la responsabilité de l'État et l'impérieuse nécessité d'une indemnisation. La commission nationale de reconnaissance et de réparation constitue également une avancée majeure ; elle statuera sur les demandes de réparation et participera à la transmission de la mémoire.

Nous nous félicitons que la CMP ait maintenu la possibilité pour cette commission d'entendre les anciens combattants et rapatriés ; c'est notre groupe qui l'avait proposé.

La possibilité de compléter la liste des camps et des hameaux est également bienvenue. La voie est ouverte aussi à l'inclusion de certaines prisons parmi les lieux d'accueil donnant droit à indemnisation.

Il s'agit enfin de transmettre aux générations futures la mémoire des harkis, pour ne jamais oublier.

Je salue le travail de notre rapporteure, qui a renforcé le texte. Je remercie aussi le Gouvernement, qui nous permet de progresser dans la réconciliation nationale.

Nous voterons ce texte avec fierté et émotion. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Joël Guerriau .  - En 2001, Jacques Chirac prononçait ces mots qui résonnent jusqu'à aujourd'hui : « Les harkis ne sauraient demeurer les oubliés d'une histoire enfouie. Ils doivent désormais prendre toute leur place dans notre mémoire. »

On ne peut oublier le préjudice subi par ces hommes. Nous consolidons dans ce texte l'indispensable devoir de mémoire.

Soixante ans après les accords d'Évian, je rends hommage à mon tour à ceux qui se sont engagés aux côtés de la France, au prix de sacrifices immenses. Nous leur devons cet hommage, ainsi qu'à leurs familles.

Je remercie ceux qui ont oeuvré pour ce texte, spécialement notre rapporteure.

Nous devons porter un regard de vérité sur notre passé. Ce devoir de mémoire est incontournable pour l'avenir. J'espère que cette loi apportera un peu de sérénité.

Ce texte exprime notre reconnaissance envers les harkis, moghaznis et membres des diverses formations supplétives. Il rappelle la responsabilité de notre pays dans leur abandon et dans l'accueil indigne que certains d'entre eux ont subi lors de leur arrivée en France. Le Sénat a apporté sur ce point des précisions importantes.

Le régime d'indemnisation prévu est une avancée notable, même si elle arrive bien tard et pourrait sembler dérisoire à certains ; 50 000 personnes en bénéficieront.

Enfin, je salue la création de la commission indépendante. La placer sous l'autorité du Premier ministre me paraît bienvenu.

Nombre d'apports du Sénat ont été maintenus, et je m'en réjouis. Le texte de la CMP inscrit dans notre droit la reconnaissance de la France envers ceux qui l'ont servie, qui étaient avant tout des Français. Le groupe INDEP votera en faveur de ce texte, car il y va de l'honneur de notre pays.

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons déjà eu à nous exprimer sur cette page douloureuse de notre histoire ; nous l'avons fait avec mesure et responsabilité, sans laisser instrumentaliser ceux qui ont servi la France.

Je remercie la rapporteure pour son écoute et son travail.

En CMP, nous avons su défendre les apports du Sénat. Il aurait été insupportable d'établir une hiérarchie entre harkis. Chaque histoire familiale est différente, mais tous ont porté leur lot de souffrances : il aurait donc été indécent d'exclure certains du dispositif.

C'est pourquoi la commission indépendante pourra proposer toute mesure de réparation nécessaire pour tous les harkis et autres supplétifs de l'armée française. Cette mesure, votée sur l'initiative de Bruno Retailleau et de l'ensemble du groupe Les Républicains du Sénat, n'était pas négociable pour nous.

L'article 7, modifié par un amendement de notre rapporteure, représente une autre avancée. Il allonge de quatre à six ans la période pendant laquelle les veuves peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère.

Le rattachement de la commission au Premier ministre est le gage d'une plus grande indépendance. Je me réjouis que cet apport du Sénat ait été maintenu.

Nous sommes lucides : aucun texte ne pourra réparer les blessures d'une guerre. Au nord comme au sud de la Méditerranée, des personnalités sans vergogne continueront à vouloir les rouvrir pour les exploiter. Le travail de reconnaissance entamé par Jacques Chirac doit se poursuivre, pour que les jeunes générations ne soient pas séduites par les discours de haine.

J'ai une pensée pour tous nos anciens combattants, qui n'étaient jamais les mêmes à leur retour. Ils nous rappellent combien la paix est précieuse et que, si une guerre est facile à déclencher, il faut plusieurs générations pour retrouver une paix harmonieuse.

Le groupe Les Républicains votera très majoritairement en faveur de ce texte, qui n'est pas un solde de tout compte. Il rend hommage aux harkis, envers lesquels la République n'a pas été à la hauteur. Cela, rien ne pourra jamais le réparer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)

M. Guy Benarroche .  - Ce texte était attendu pour reconnaître et réparer les injustices et préjudices subis par les harkis. Le Président de la République a voulu faire de son mandat un moment de réflexion sur ce sujet ; il a reconnu la responsabilité de la France en la matière en novembre dernier.

Le texte s'inscrit aussi dans la lignée d'un arrêt du Conseil d'État de 2018 condamnant l'État à réparer le préjudice subi.

Les questions liées à la guerre d'Algérie perdurent, soixante ans après les accords d'Évian.

Ce projet de loi ne répond pas vraiment aux attentes des harkis et certaines mesures peuvent sembler équivoques. Certes, il constitue une avancée nécessaire, passant de la solidarité à la réparation, mais il ne prend pas en compte l'ensemble des harkis et de leurs familles, quelles que soient leurs conditions d'accueil.

La déception est à la hauteur des espoirs suscités. Le manque de concertation dans la rédaction du texte a été critiqué, comme la décision de ne pas inclure dans le dispositif tous les harkis, non plus que les périodes de prison effectuées en Algérie.

Même la création d'une fondation mémorielle a été jugée irrecevable pour raisons financières ! Le Gouvernement a refusé de reprendre à son compte cette proposition, alors qu'il le pouvait.

Les conditions de vie des harkis dans les camps et hameaux de forestage étaient indignes, mais ceux qui n'ont pas suivi ce parcours méritent aussi réparation.

Nous entendons les associations exprimer la crainte d'une fongibilité entre reconnaissance et réparation. Les réparations prévues ne doivent pas être un solde de tout compte !

Nous avions porté l'ambition d'une commission indépendante et diverse dans sa composition. Nous serons attentifs à son travail.

Tous conviennent que ce texte aurait mérité des améliorations. Il doit montrer notre volonté de nous confronter à notre histoire, aussi difficile soit-elle. Alors que les révisionnistes tentent de gommer le travail des historiens, il faut agir. D'autant que le temps presse, compte tenu de l'âge des anciens combattants.

Ce projet de loi offre cette reconnaissance, mais à contrecoeur. (Mme la ministre le conteste.) Il reste incomplet : nous devons bien mieux aux harkis et à leurs enfants.

Une partie de notre groupe votera pour ce texte ; l'autre, dont je fais partie, s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Michelle Gréaume .  - Les travaux de la CMP ont démontré un large consensus politique en faveur de la reconnaissance par la Nation des harkis et de la réparation du préjudice qu'ils ont subi.

La guerre de décolonisation de l'Algérie fut des plus sanglantes. Il faut reconnaître la responsabilité de la France dans le massacre de Sétif et dans l'assassinat de Maurice Audin. Rappelons aussi Charonne : il y a soixante ans, la répression sanglante d'une manifestation par le préfet Papon causait la mort de neuf militants communistes et syndicalistes et faisait 250 blessés.

La réconciliation entre France et Algérie a été trop longtemps entravée ; il nous faut maintenant construire une mémoire commune.

Rappelons le rôle des députés Colombier et Rochebloine et des sénateurs Alain Néri et Guy Fischer, notre regretté collègue, à l'origine de la loi reconnaissant le 19 mars comme journée nationale du souvenir de la guerre d'Algérie.

Ce texte n'est pas parfait ; il ne répond pas à toutes les souffrances et tous les traumatismes subis par les harkis et leurs familles. Les critères d'indemnisation choisis par le Gouvernement excluent du dispositif tous ceux qui ont été hébergés dans des cités urbaines.

Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les moyens de l'ONACVG. Dans son dernier rapport budgétaire, notre collègue Marc Laménie a mis en évidence des crédits insuffisants au vu des missions attribuées à cet organisme.

Alors que le traitement des dossiers nécessiterait le recrutement de 6 ETP, 23 postes ont été supprimés en 2022. Cela ne peut se justifier par la baisse du nombre de bénéficiaires : la transmission de la mémoire demande des moyens financiers et humains.

Le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission) Les sénateurs UC se réjouissent de la réussite de la CMP. Ce projet de loi répare le préjudice subi par les harkis et leurs familles. Un compromis a été facilement trouvé, grâce à un esprit de coopération entre les deux chambres. Merci à Mme la ministre et à Mme la rapporteure.

Ce texte constitue une avancée en matière de réparation dans un contexte où la mémoire est encore douloureuse. Il marque une étape importante du processus de réparation et de reconnaissance.

La navette a amélioré ce texte, sur la notion d'abandon ainsi que sur les missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation.

Le Sénat l'a enrichi grâce aux efforts de notre rapporteure. La journée d'hommage permettra de commémorer l'histoire des harkis. En outre, le dispositif a été étendu à tous les lieux d'accueil et la commission indépendante a été rattachée au Premier ministre qui nommera les représentants de l'État. Enfin, le délai pendant lequel les veuves peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère a été allongé de quatre à six ans.

Ce texte pose aussi le principe de la responsabilité de la France. Il ne répond cependant pas à tous les traumatismes et ne répare pas tous les préjudices -  aucune mesure financière ne le pourrait. Nous devons poursuivre en ce sens, nous le devons aux combattants et à leurs familles; eux qui ont tout quitté pour leur pays, la France. Il faudra réfléchir aux modalités de réparation les plus appropriées et continuer à transmettre leur mémoire aux jeunes générations. Leur sacrifice et leur résilience ne seront pas oubliés.

« La mémoire est l'avenir du passé », disait Paul Valéry. La connaissance de notre passé nous permet de comprendre le présent et de préparer l'avenir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme la rapporteure applaudit également.)

À la demande de la commission, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°99 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 329
Contre     7

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur les travées du RDPI et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.

Choix du nom issu de la filiation (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au choix du nom issu de la filiation.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette proposition de loi touche à une composante intime de notre identité : notre nom de famille, porteur de nos racines, souvent source de fierté, mais aussi parfois d'une souffrance trop longtemps ignorée par la société. La procédure de changement de nom était un parcours du combattant.

Ce texte répare et apaise la douleur de certains de porter un nom, en en simplifiant le changement. Il était attendu de nos concitoyens. Certains supportent leur nom, plus qu'ils ne le portent.

Le nom peut être une source de tracasserie pour certains parents qui ne portent pas le nom de l'enfant. Je pense à l'humiliation de ces mères de famille qui doivent sans cesse montrer leur livret de famille.

C'est aussi un texte d'égalité entre les deux parents.

Il permettra surtout à tous les enfants dont le père est absent ou violent de rendre hommage, s'ils le souhaitent, à leur mère courage.

Il ne bouleverse pour autant ni le droit de la filiation ni les règles d'attribution et de dévolution du nom de famille.

Il s'agit seulement de permettre aux Français de porter un nom en phase avec leur passé, leur identité, leur intimité.

J'ai entendu des contre-vérités et des procès d'intention. Je soutiens qu'il s'agit d'une loi d'égalité, de simplification et de liberté.

Le texte initial simplifie les règles de changement de nom à la majorité. Les réformes de 2005 et 2013 ont apporté une certaine souplesse en la matière, mais les rigidités de procédure demeurent : publicité, instruction par la Chancellerie, contrôle du motif légitime, décret du Premier ministre... La procédure est longue et coûteuse -  200 euros. Elle demande de se dévoiler, parfois jusqu'à l'indicible. J'ai reçu de très nombreux témoignages à ce sujet. Beaucoup ont été découragés par cette procédure qui ravivait leur souffrance.

Elle se justifie uniquement lorsqu'il s'agit de prendre un nom qui n'est pas celui d'un des parents, soit la moitié seulement des 4 000 demandes annuelles de changement de nom.

Les autres concernent le nom de l'autre parent. Désormais, le changement se fera devant l'officier d'état civil, pas par un décret, sans contrôle du motif ni autre publicité que celle des registres d'état civil. (M. François Bonhomme s'exclame.)

Il s'agit en effet seulement de permettre à une personne de porter un nom qu'il aurait pu porter. C'est avec vigueur et enthousiasme que je soutiens cette réforme juste et équilibrée.

M. François Bonhomme.  - C'est visible !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Dans la majorité des cas, l'enfant devenu majeur sera fier de son nom et ne se posera aucune question, mais il faut permettre à ceux qui le souhaitent d'en changer.

Il faut aussi assouplir les règles relatives au nom d'usage, ce nom dont chacun peut user dans la vie sociale ou dans ses relations avec les administrations, mais qui ne se transmet pas. Le texte fait entrer dans le code civil les dispositions trop méconnues de la loi Badinter de 1985. S'agissant des mineurs, les deux noms pourront ainsi être accolés, avec l'accord des deux parents. Mais en cas de séparation, le parent qui n'a pas transmis son nom pourra l'adjoindre au nom d'usage de son enfant, à condition d'en informer l'autre parent, auquel il reviendra le cas échéant de saisir le juge.

Votre commission a modifié plusieurs dispositions. Elle a conservé les mesures relatives aux majeurs ; votre rapporteure vous proposera un amendement qui va dans le bon sens. Mais elle est revenue à la case départ pour les mineurs : je ne peux approuver ce choix qui fait peser sur la mère la responsabilité de saisir le juge pour que l'enfant porte son nom. Car oui, dans l'immense majorité des cas, c'est des mères qu'il s'agit. Votre texte ne répond pas aux préoccupations légitimes des mères séparées, sous prétexte de stabilité.

En outre, votre commission refuse la substitution à titre d'usage pour les mineurs. Il fallait pourtant harmoniser les règles entre nom d'usage et nom de famille.

Pire, à l'article 2, votre commission a rejeté la réforme du changement de nom de famille. J'ai, comme vous, conscience des équilibres sensibles et fragiles en la matière, mais l'unité du nom de la fratrie n'est nullement modifiée. Le principe posé dans le code civil demeure. Mais il existe déjà des noms différents au sein des fratries : c'est inévitable.

Vous vous êtes inquiétés des fraudes possibles et de la charge de travail des officiers d'état civil. Le risque de fraude est négligeable, car la procédure simplifiée est limitée à un nom de la parentèle, nécessairement inscrit sur l'acte de naissance. On ne pourra donc pas perdre la trace de quelqu'un !

Nul besoin non plus de renforcer la publicité : les officiers d'état civil transmettent les informations à l'Insee. Les administrations peuvent ensuite actualiser leur fichier auprès de l'Insee et ce dispositif sera généralisé par voie réglementaire.

Ne surestimons pas non plus la charge nouvelle pour les officiers d'état civil, qui s'occupent déjà des changements de noms en cas de discordance avec celui porté à l'étranger. Et ils n'auront pas à réaliser de contrôle du motif.

Le texte de la commission ne modifie pas la procédure de changement de nom auprès de la Chancellerie, à l'exception de la suppression de l'exigence d'un intérêt légitime : voilà une fausse bonne idée. La procédure de changement de nom par décret est longue, bureaucratique, aléatoire et coûteuse. Il faut la simplifier, pas la complexifier comme le propose la commission avec la création de cette procédure ad hoc par arrêté du ministre de la justice.

On ne change pas de nom de famille par plaisir, mais en raison de son histoire personnelle, parfois douloureuse. Changer de nom permet de retrouver de la fierté, d'éteindre une souffrance ou d'apporter de la reconnaissance.

Je vous demande donc de préserver les équilibres trouvés par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) « Bonjour, comment vous vous appelez ? » Voilà la première question que l'on pose : le nom est notre identification, notre différenciation.

L'annonce que vous avez faite, monsieur le garde des Sceaux, a suscité beaucoup d'espoirs, mais aussi des craintes. La commission a souhaité apporter une réponse aux personnes à l'origine de cette réforme, tout en tenant compte de l'intérêt des enfants et des réalités.

Difficile d'évaluer le volume des demandes, mais selon l'IFOP, 22 % des Français souhaiteraient changer de nom de famille. C'est considérable. Comment justifier une procédure accélérée sur un texte avec de telles répercussions ?

À l'origine de ce texte, il y a la difficulté rencontrée par certains parents - en réalité des mères - lorsque leur enfant ne porte pas leur nom. Mais le droit existant permet d'accoler les deux noms dans le nom d'usage, avec l'accord des deux parents ou du juge en cas de désaccord.

L'article premier permet, au-delà de l'adjonction, une substitution du nom d'usage. Pour les mineurs, un parent pourrait y procéder moyennant la seule information de l'autre parent, qui pourrait s'y opposer auprès du juge des affaires familiales. La commission a accepté une telle substitution pour les majeurs - cela répondrait à la souffrance des enfants de parents maltraitants ou délaissants. Mais les mineurs ne font pas de différence entre nom d'usage et nom de famille : une substitution c'est un changement de nom ! La commission est donc défavorable à cette mesure, qui risque d'exacerber les conflits familiaux et de créer des situations instables. Le droit existant, qui exige l'accord des deux parents ou, en cas de désaccord, une décision du juge aux affaires familiales, est plus protecteur.

La question du nom devrait toujours être abordée lors de la séparation, au même titre que la résidence habituelle, le droit de visite et d'hébergement, etc. Et si le père fait de l'obstruction ou est absent, la mère peut toujours demander l'exercice exclusif de l'autorité parentale.

L'article 2, qui focalise toute l'attention, permettrait à tout majeur de choisir son nom une fois dans sa vie, de la même manière que les parents peuvent le faire pour leurs enfants depuis 2005.

Il s'agit d'un souci sincère d'apporter une solution à des situations difficiles, mais aussi d'une volonté de simplification administrative et de transfert partiel de la charge en direction des communes. Cette idée est loin de faire l'unanimité parmi les professionnels du droit que j'ai entendus. En faisant du changement de nom un acte administratif banal, la proposition de loi risque d'engendrer de nombreuses difficultés personnelles et administratives, qui n'ont pas toutes été envisagées.

Outre un nombre accru de demandes de titres d'identité auquel il aurait à faire face, le ministère de l'Intérieur devrait concevoir de nouveaux outils pour que l'identification des personnes figurant dans ses fichiers soit mise à jour en temps réel, tout en adaptant le cadre réglementaire après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). En effet, il ne dispose pas aujourd'hui de la possibilité de s'interconnecter avec le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) tenu par l'Insee. Les avocats expriment également leurs craintes de difficultés à venir dans leurs rapports avec les administrations, en l'absence d'une mise à jour globale et uniforme des données de l'état civil. Tout cela ne peut pas être balayé d'un revers de main, sous prétexte que l'intendance suivra !

La commission estime qu'il faut maintenir une procédure centralisée et formelle, car le changement de nom a des impacts à très long terme sur un individu et sa famille. Elle vous proposera une téléprocédure simplifiée sur le site du ministère de la Justice, avec décision prise par arrêté et non plus par décret.

Le nom, c'est toute une histoire, souvent belle, mais parfois moche. Sombre ou en couleurs. Parfois une histoire d'amour. Juliette dit : « Ô Roméo ! Roméo ! Pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet. » Parfois une histoire de désamour.

Alors, faut-il modifier la loi, oui ou non ? Faut-il changer la loi pour un oui ou pour un nom ?

Il nous faut trouver une solution forte et simple, prenant surtout en compte l'intérêt supérieur des enfants d'aujourd'hui et de demain. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Esther Benbassa .  - Notre nom est un pilier de notre identité. L'état actuel de la législation n'est cependant plus adapté à certains besoins de notre société. Si un nom de famille peut être source de fierté, il peut aussi être un motif de souffrance. C'est le cas quand il rappelle un parent absent, violent ou incestueux. Je pense aussi à ces mères qui élèvent seules leur enfant et qui doivent sans cesse prouver leur identité. Je pense enfin à ces porteurs de noms difficiles, sources de quolibets, voire de harcèlement. Or les procédures de changement de nom sont complexes, longues et coûteuses.

La simplification du changement de nom est bienvenue, comme la possibilité pour chacun de porter à titre d'usage le nom de son parent qui n'a pas été transmis.

Je regrette donc la suppression par la commission de la procédure déclarative auprès des officiers d'état civil. La crainte d'un état civil à la carte n'est pas raisonnable.

J'espère que ces discussions permettront à ce texte de retrouver sa consistance initiale.

J'espère aussi que nous irons vers d'autres évolutions, sur le changement de prénom et de genre, pour une société plus inclusive. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. Hussein Bourgi .  - Merci à Marie Mercier, pour la série d'auditions qu'elle a conduites, et auxquelles j'ai eu plaisir à participer. Je salue la présence en tribune de l'auteur de la proposition de loi, le député de l'Hérault Patrick Vignal.

Le nom relève de l'intime, il a à la fois une dimension individuelle et collective. Il proclame aux yeux des tiers l'identité unique et singulière de chaque personne. C'est grâce à lui que l'individu s'inscrit dans une histoire, dans une famille, dans une société.

Mais le nom renvoie aussi à nos coutumes. Si depuis les années 80, l'usage du terme de patronyme, trop associé au paterfamilias, s'estompe, nous le devons au législateur. L'héritage du code civil est du côté du père. La loi Badinter de 1985 a rompu avec cette habitude, en autorisant chaque majeur à adjoindre à titre d'usage le nom de sa mère à celui de son père. La loi de 2005 a supprimé la transmission automatique du nom du père, permettant aux parents de choisir le nom transmis aux enfants. Enfin, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a encore assoupli le régime.

Pourtant, en 2019, 81,4 % des enfants nés en France ont reçu le nom du père, 11,7 % un double nom et 6,6 % seulement celui de leur mère. On assiste toujours à l'invisibilisation du nom de la mère.

Comme le résume Marine Gatineau-Dupré, présidente du collectif « Porte mon nom » : « la mère donne la vie, et toute sa vie elle va devoir le prouver. » Cela a de fâcheuses conséquences au quotidien pour les parents séparés et les familles recomposées.

La proposition de loi issue de l'Assemblée nationale allait dans le bon sens, mais elle n'a pas été bien accueillie par la majorité sénatoriale. Il s'agissait pourtant de faciliter la vie des mamans et des beaux-parents ; il s'agissait de répondre à des traumatismes survenus dans le cadre intrafamilial -  incestes, féminicides  -  ; il s'agissait aussi d'apporter une solution à des personnes à qui le hasard avait donné un nom tristement célèbre - celui d'un terroriste par exemple.

Car le nom peut être un boulet. En refusant purement et simplement de substituer un nom d'usage pour les enfants, on condamne ces enfants au harcèlement.

La procédure de changement de nom est longue et coûteuse, cela peut décourager des personnes en situation de précarité, notamment les femmes qui élèvent seules leurs enfants.

Notre groupe a cherché un équilibre subtil entre les apports rédactionnels bienvenus de Mme le rapporteur et les positions de l'Assemblée nationale que nous partageons.

J'aurais apprécié que d'autres arguments soient opposés à cette avancée que l'hostilité de principe d'une corporation professionnelle ou la réticence de certains fonctionnaires.

Nous plaidons en permanence pour la simplification administrative. Pourquoi ce qui est bon pour les entreprises ne le serait-il pas pour le droit de la personne ?

Tout changement législatif engendre une surcharge de travail administratif. Les fonctionnaires de l'État ou des collectivités territoriales - aussi respectables soient-ils - doivent appliquer les décisions souveraines du Parlement.

Face à la souffrance de ces personnes qui nous ont décrit des difficultés traînées depuis tant d'années, il ne faut pas des changements homéopathiques, mais une vraie réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du RDPI, du GEST et du groupe CRCE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Vous l'ignorez peut-être, mais jusqu'en 2000, les Français de Mayotte étaient connus par des vocables sans distinction entre nom et prénom. Lors de la création d'un état civil de droit commun, nous avons dû choisir un nom parmi les vocables présents dans notre acte de naissance ou retenir un surnom. Les magistrats ont veillé à ce que cela ne soit pas trop baroque, mais cela a néanmoins pu entraîner une confusion en termes de filiation.

Ici rien de tel : ce texte ne devrait pas bouleverser les règles ni créer un état civil à la carte. Il se borne à simplifier la vie des personnes qui veulent choisir un nom dans le cadre de leur filiation.

Le texte étend aux mineurs la possibilité de choisir comme nom d'usage le nom du parent qui n'a pas été transmis. Nos collègues députés avaient prévu qu'un des deux parents puisse le faire ; nous proposerons de rétablir cette rédaction : le choix unilatéral par un des deux parents est soumis à une obligation d'information du deuxième parent, qui peut saisir le juge aux affaires familiales.

Une autre disposition adoptée par l'Assemblée nationale simplifie la procédure pour les majeurs souhaitant changer de nom. La procédure est longue, complexe et coûteuse. Avec cette loi, un formulaire en mairie suffira pour le faire une fois dans sa vie.

La commission est revenue à la procédure ancienne, ôtant simplement la condition de légitimité de la demande. Nous proposerons de revenir au texte de l'Assemblée nationale. Cette procédure n'est pas étrangère aux officiers d'état civil, qui auront la possibilité de saisir le procureur de la République.

Le texte issu de l'Assemblée nationale nous a semblé répondre de façon pragmatique à des demandes sociales.

Madame la rapporteure, vous avez évolué vers plus de souplesse à l'article 2. Le groupe RDPI espère que nos débats nous amèneront vers un compromis. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc de la commission)

M. Joël Guerriau .  - Notre nom nous distingue et nous identifie. C'est un héritage, un flambeau qui se transmet de génération en génération. La majorité d'entre nous le conserve jusqu'à la mort.

Longtemps, les femmes ont été exclues de cette histoire ; leur nom de jeune fille s'effaçait devant le nom d'épouse. Les temps changent, la loi autorise désormais davantage de liberté. Depuis 2005, on peut choisir de transmettre à l'enfant le nom de la mère, même si cela reste très minoritaire -  80 % des enfants nés en 2020 portent le nom de leur père.

Toutes les difficultés ne sont pas résolues pour autant : le nom est choisi pour nous, et il est parfois lourd à porter. Il peut renvoyer à un passé douloureux, rappeler des violences et des maltraitances, ou prêter à rire.

Nombre de nos concitoyens demandent donc à changer de nom chaque année. La procédure pour ce faire est longue et complexe.

Ce texte entend donc clarifier plusieurs points de notre droit, afin que nos concitoyens s'en saisissent, notamment en matière de nom d'usage.

Si la nécessité de simplifier la procédure de changement de nom s'impose à tous, les avis divergent sur le meilleur moyen d'y parvenir.

La possibilité de changer de nom, une fois dans sa vie, par simple déclaration auprès de l'officier d'état civil, a paru excessive à la commission des lois, qui a préféré en rester à la procédure actuelle, en supprimant toutefois l'exigence d'intérêt légitime. Un décret restera nécessaire, mais les délais devraient être réduits.

Il faut trouver un équilibre entre la sécurité juridique et la liberté. Chaque citoyen doit pouvoir apprécier librement ce qui lui convient.

Le groupe INDEP votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mars 1804, le code civil unifiait les coutumes et offrait aux Français stabilité et traçabilité de leur état civil. Ne sous-estimons pas cette avancée. Depuis l'Antiquité, la tradition veut que l'on transmette le nom du père ; cela n'a jamais fait l'objet d'une contestation d'ampleur dans la société française.

Les noms de famille font partie de notre patrimoine ; la France en compterait 1,4 million, un record. La question de leur protection se pose, quand certains sont menacés d'extinction.

Depuis la loi du 4 mars 2002, les parents peuvent transmettre aux enfants le nom du père, celui de la mère, ou les deux dans l'ordre de leur choix. Mais seuls 11,7 % des enfants nés en 2020 portent un double nom, et 6,6 % uniquement celui de leur mère, preuve que la transmission du patronyme reste consensuelle.

Il ne faut pas pour autant y voir le signe d'une oppression patriarcale.

Cette proposition de loi, qui part d'une bonne intention, pourrait avoir des conséquences graves, d'autant qu'elle n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact. L'usage de la procédure accélérée est problématique, comme l'a rappelé notre rapporteur, dont je salue le travail.

L'article premier, consensuel, codifie le droit existant en matière de nom d'usage ; la commission y a apporté des améliorations substantielles, notamment en évitant qu'un changement puisse se faire sans l'accord des deux parents.

L'article 2, en ouvrant une procédure simplifiée de changement de nom devant l'officier d'état civil pour les majeurs par un simple formulaire Cerfa, risque en revanche de déconstruire la famille, la généalogie et la filiation ; des délinquants pourraient aussi en profiter pour se soustraire ainsi aux autorités.

Certes, il existe des situations dramatiques, mais ne simplifions pas à outrance les procédures pour répondre à des difficultés individuelles. Les 2 000 demandes par an de substitution ou d'adjonction de nom ne justifient pas l'instauration d'un état civil à la carte.

Le nom, rappelle Sylviane Agacinski, c'est l'inscription symbolique de la personne dans un ordre qui ne dépend pas d'elle. Ne nions pas les motivations idéologiques de ce texte, fruit d'un individualisme forcené et d'un rejet de la masculinité.

Cette proposition n'apportera pas de libertés supplémentaires par rapport à la loi de 2002, mais causera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra. Des drames personnels ou des objectifs idéologiques ne sauraient le justifier. Oui aux libertés et à la simplification administrative, non à une loi précipitée remettant en cause la sécurité juridique des Français ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte important s'inscrit dans la lignée des grands combats féministes contre l'invisibilisation des femmes, pour leur liberté et leur égale dignité. Être contraint de renoncer à son nom ou de le garder contre son gré, c'est bien ce que subissent les femmes depuis des siècles au travers du mariage et de la filiation.

La loi française n'est toujours pas adaptée aux objectifs que se donne notre société.

Elle a tenté de briser le monopole des hommes dans la transmission du nom mais ne tient pas compte du fait que le patriarcat perdure : dans plus de 80 % des cas, l'enfant ne porte que le nom du père. Seuls 6 % des enfants portent uniquement celui de la mère. Ce n'est pas un hasard ! C'est bien que les dominations systémiques perdurent si on ne les fait pas disparaître. Or il est difficile pour la femme de négocier, de résister aux pressions, au neuvième mois de grossesse...

Au-delà de la violence symbolique, le système actuel est source de souffrances additionnelles pour les femmes. Le collectif « Porte mon nom » livre nombre de témoignages touchants. Ma propre mère, élevée par sa grand-mère maternelle, porte le nom de son père, qui l'avait abandonnée. Elle a toujours dit qu'elle s'appelait comme personne, qu'elle portait le nom d'un inconnu que nul ne portait dans sa famille - ni sa mère, ni ses demi-frères, mes oncles. C'est seulement pour cela qu'elle a voulu porter le nom de son mari. Lorsque nous avons voulu, ma soeur et moi, prendre son nom comme nom d'usage à 17 ans, cela n'a pas été possible. Si nous avions pu nous appeler comme elle, et elle comme ses frères et soeurs, son nom n'aurait pas été une violence qui exclut, mais un lien qui apaise.

C'est à ces injustices que nous souhaitons mettre fin, en donnant la possibilité de changer de nom, de prendre librement celui du parent qui ne l'a pas transmis.

Certains s'inquiètent d'un changement profond de l'état civil traditionnel français et d'une déconstruction de la famille traditionnelle. Ils ont raison, telle est bien notre idée : déconstruire un système où le nom de la moitié du monde disparaît à chaque génération, au profit d'un monde égalitaire.

Notre vote dépendra du sort de nos amendements ; vraisemblablement, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - Chaque année, 3 000 personnes demandent à changer de nom, pour des raisons multiples. Depuis 2014, ce changement est possible, mais requiert une longue procédure administrative, en application de l'article 61 du code civil. Il faut saisir le ministre de la Justice, motiver sa demande ; une instruction d'environ deux ans précède la publication du décret de changement de nom.

Cette proposition de loi de liberté vise principalement à simplifier cette procédure, pour permettre un changement, une fois dans sa vie, afin de faire cesser des souffrances et apaiser les familles.

La version adoptée par l'Assemblée nationale le faisait.

Longtemps, les motifs affectifs n'étaient pas pris en compte comme justification. Il a fallu attendre un arrêt du Conseil d'État, en 2014, pour qu'ils puissent, exceptionnellement, caractériser l'intérêt légitime.

En dépit de cette évolution, la procédure demeure longue et incertaine, soumise à l'appréciation par l'administration de la légitimité du motif affectif, alors qu'il relève de l'intime. L'Assemblée nationale a estimé que chacun devait être laissé juge de cette légitimité, en fonction de raisons qui lui sont propres.

Notre commission des lois a conservé ce volet du texte initial, à raison, mais est revenue sur la simplification de la procédure, en refusant une déclaration par formulaire Cerfa. Nous regrettons ce recul, d'autant qu'il est justifié par des considérations administratives. La commission appelle la Chancellerie à accélérer le traitement des demandes et d'en prioriser certaines. Mais si les motifs ne sont plus exprimés, comment prioriser, sinon de manière subjective, voire discriminante ?

Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de loi, qui révèle des problématiques sociétales d'importance. Ancrée dans une vision progressiste de la société, elle nous invite à une meilleure prise en compte de la diversité des individus et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est dommage de l'avoir ainsi amoindrie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Un nom, ce n'est pas une simple suite de lettres : c'est l'expression quotidienne de notre identité, c'est ce qui nous rattache à notre passé et à l'histoire de notre famille ; c'est aussi un lien avec le futur, puisque nous le transmettons à notre tour.

Parfois, c'est le nom pris lors d'une adoption ou d'un mariage, symbole de l'entrée dans une famille. Souvent, c'est une source de fierté.

Le sujet est sensible pour les femmes, qui doivent choisir entre le nom de leur père ou celui de leur mari. Il est souvent difficile de justifier la décision de conserver le nom de jeune fille, car le nom est aussi symbole du lien, qui n'est jamais si fort qu'au moment du mariage.

Le nom, c'est enfin la part d'intime de chaque famille ; il peut être porteur de drames et de douleurs. Un nom jugé ridicule peut être source de souffrance ; la personne qui porte le nom d'un parent abusif en est marquée pour toujours.

De nombreux enfants naissent désormais hors mariage, mais personne n'est au courant de la possibilité de donner les deux noms et presque tous les enfants portent le nom de leur père uniquement.

On peut donc comprendre la lassitude des mères qui doivent sans cesse justifier de leur lien avec leur enfant parce qu'elles portent un autre nom - contrairement, parfois, à la nouvelle épouse du mari...

Il existe pourtant des solutions, celles qu'a rappelées notre rapporteur dont je salue le travail. Grâce à la mention des deux noms sur la carte d'identité, la mère n'aurait plus à justifier de sa qualité.

Ne confondons pas nom d'usage et nom de famille. Pour le premier, la procédure est déjà très simple. Une fois adulte, on peut ajouter à son patronyme celui du parent qui n'a pas transmis le sien. L'article premier permet à celui-ci d'accoler son nom à un enfant mineur sans l'accord de l'autre parent ; notre commission a voulu que l'autre parent puisse s'y opposer. Je ne partage pas cette position, car l'accolement ne lèse personne. On pourrait limiter les risques de conflits en demandant aux parents de se prononcer avant la naissance.

Le texte de l'Assemblée nationale entendait aussi permettre une substitution d'un nom à l'autre. Substituer, c'est faire disparaître, c'est effacer le nom mais aussi celui qui le porte. Je ne peux m'y résoudre, tout comme notre rapporteur.

Le nom de famille est presque indélébile : la procédure de changement est longue, coûteuse et le succès n'est pas garanti. Pourtant, il s'agit essentiellement de demandeurs voulant porter le nom du parent qui ne leur a pas été transmis. On pourrait pour eux faire plus simple, leur apporter une réponse plus rapide.

La solution retenue par l'Assemblée nationale, un formulaire Cerfa, est toutefois une simplification excessive, s'agissant d'un élément symbolique de l'identité. Je préfère donc la position de notre commission, consistant à améliorer la procédure existante. On simplifiera la tâche de la Chancellerie tout en évitant le rejet de demandes jugées illégitimes et en préservant la solennité de la démarche.

Pour que le nom puisse être toujours un héritage qui se recueille et non un fardeau qui se subit, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

M. Henri Cabanel .  - Ne pas subir son nom pour ne plus subir son passé : en quelques mots, la députée Aina Kuric a expliqué la nécessité de simplifier le changement de nom. « Je souhaite porter le nom de la femme qui m'a faite : ma mère ; pas celui de mon bourreau, un père incestueux ».

Ce texte, c'est du bon sens, ce n'est pas une demande rhétorique ou théorique. La question se pose pour nombre de Français, très concrètement. Elle touche à la construction identitaire, à l'équilibre psychologique.

Plus de huit enfants sur dix portent encore le seul nom de leur père. Le plus souvent, c'est le choix assumé de s'accorder avec une pratique traditionnelle. Dans certains cas, cette pratique cause des difficultés, auxquelles le texte de l'Assemblée nationale entendait répondre : chacun pourrait changer de nom, une fois dans sa vie, pour prendre ou ajouter le nom de l'autre parent, par une simple démarche en mairie.

S'agissant du nom d'usage de l'enfant, la commission des lois du Sénat a refusé la faculté de substituer un nom à l'autre et rétabli le consentement préalable de l'autre parent pour procéder à une adjonction, tout en précisant le rôle du juge aux affaires familiales.

Elle a supprimé la procédure simplifiée de changement de nom de famille auprès de l'officier d'état civil. Je le regrette, cela dénature complètement le texte. « L'article premier ne prend rien à personne », dit avec raison Patrick Vignal. Faisons confiance aux citoyens et nous retrouverons leur confiance !

Limiter à une fois dans la vie la possibilité de cette procédure en conserve le caractère solennel. La majorité légale est synonyme de liberté et de responsabilité. Il convient de laisser chaque personne décider de son nom de famille. Arrêtons d'infantiliser les citoyens ! C'est sans doute une clé de l'exercice de la citoyenneté.

N'oublions pas que ce texte émane de demandes concrètes de la société, de familles parfois en grande souffrance. Le collectif « Porte mon nom » a recueilli des dizaines de milliers de signatures. Les généalogistes, les associations concernées ont apporté leur expertise.

Le RDSE ne votera pas ce texte dans la version de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le nom est un élément constitutif de notre identité, avant la nationalité, le genre ou l'apparence physique. C'est aussi ce qui nous lie à notre famille, écrin de valeurs, lieu de la transmission.

Le patronyme est parfois multiséculaire, qu'il soit illustre ou non. Nous lui devons sauvegarde et protection, comme à notre patrimoine, comme tout ce qui concourt à faire de nous un peuple singulier.

Inscrit dans le marbre de la loi en 1794, le principe d'immuabilité du nom a consacré sa portée identitaire et patrimoniale.

Le code civil fait écho à la structure familiale traditionnelle, et il faut n'y toucher que d'une main tremblante.

Le modèle familial, cependant, a évolué au cours des décennies. Le modèle de la filiation légitime et de la prééminence du père ne va plus de soi. Il y a plus de vingt ans, un rapport sénatorial le remarquait déjà. Le législateur a accompagné ces évolutions en leur donnant un cadre juridique ; il nous appartient de poursuivre cette adaptation.

Les assouplissements apportés par l'article premier sont bienvenus pour de nombreuses femmes. Je remercie Mme le rapporteur d'avoir su trouver un équilibre entre une procédure certes longue et fastidieuse et un simple formulaire Cerfa...

La nouvelle rédaction de l'article 2 conforte le caractère solennel du changement de nom ; je défendrai des amendements pour éviter les décisions irréfléchies. Mais certains témoignages nous obligent : ceux des milliers de Français qui portent leur nom comme un fardeau. Nous avons tous entendu des témoignages poignants. L'attente, comme la souffrance, est réelle.

Il faut donc adapter notre droit sans rompre le fil de la transmission de ces noms, repères historiques et patrimoniaux irremplaçables.

Je voterai ce texte amélioré par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame Belrhiti, je prends acte de votre position et respecte votre liberté de conscience. Mais ce texte ne doit pas vous faire craindre une déstructuration de la famille.

Il s'agit qu'une femme qui élève seule un enfant puisse lui donner son nom (M. Jean-Pierre Grand applaudit), qu'elle n'ait pas à produire le livret de famille pour l'inscrire au judo ; que des noms prestigieux ne s'éteignent pas, et avec eux une petite part de notre patrimoine ; qu'une femme violée n'ait pas à porter le nom de son violeur. Dans La Croix, une dame de 67 ans confiait porter son nom comme une plaie vivace, et ne pas vouloir qu'il soit gravé sur sa tombe. Cela s'entend ! Cette femme, je veux l'aider.

J'ai reçu un nombre considérable de courriers. Certains souhaitent rendre hommage à leur mère en adjoignant son nom au leur. Cela ne déstructure en rien la famille !

Mme Catherine Belrhiti.  - La loi de 2002 le permet déjà.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La société fait le droit, non l'inverse !

Il faut simplifier les procédures. Déjà, 4 000 dossiers sont en cours d'instruction à la Chancellerie, sans certitude d'aboutir. Les demandeurs, en outre, doivent justifier leur démarche, alors qu'elle relève parfois de l'intime.

Il ne faut pas infantiliser nos compatriotes, a dit M. Cabanel, à raison.

Cela ne concernera que peu de dossiers. La très grande majorité des Français est fière de porter son nom.

Mme Catherine Belrhiti.  - Voilà ! On légifère pour une minorité !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je pense à ceux qui souffrent.

Madame le rapporteur, nous sommes d'accord sur de nombreux points. (Mme le rapporteur le confirme.) Vous proposez de centraliser les changements de nom au ministère, mais ce sont les officiers d'état civil qui les reporteront : la Chancellerie ne détient aucune base de données d'état civil. Faisons simple !

Votre texte met en place une boucle administrative superfétatoire.

Liberté, égalité, simplicité : nous pouvons tous nous retrouver autour de ces trois mots.

Je sais que nous ne sommes pas loin, comme souvent, d'être d'accord.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Grand .  - Cette proposition de loi de mon collègue de l'Hérault, Patrick Vignal, a été détricotée par la commission. Je le regrette.

L'article premier permet à un parent d'ajouter son nom au nom d'usage de l'enfant. C'est une simplification historique ! Et n'allons pas chercher des problèmes imaginaires.

« Un père et une mère » prônait la Manif pour tous. Les pourfendeurs de ce texte y étaient en première ligne, ils devraient être ravis ! (M. le garde des Sceaux s'amuse.)

Il faut être clair ! Ce n'est pas un hasard si deux sénateurs de l'Hérault s'expriment sur cette proposition de loi ; c'est que nous avons été saisis par nos concitoyens et sensibles à leurs témoignages.

Mme le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 311-24-2.  -  Toute personne majeure peut intervertir l'ordre de ses deux noms accolés choisi par ses parents ou porter, à titre d'usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien ou le nom de famille de l'ensemble des frères, soeurs ou demi-frères et demi-soeurs, par substitution ou par adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'elle choisit, dans la limite de deux noms de famille.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement étend les possibilités de choix d'un nouveau nom à celui de ses soeurs et frères ou demi-soeurs et demi-frères, afin de faire famille avec eux.

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 6

Après le mot :

peut

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

porter, à titre d'usage, l'un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l'article 311-21.

II.  -  Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« À l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale.

« En outre, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut l'adjoindre, à titre d'usage, au nom de l'enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en informe préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'amendement rétablit le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve d'un renvoi à l'article 311-21 du code civil.

Le Gouvernement souhaite une évolution des règles applicables au nom d'usage. Il n'y a aucune raison, quand les deux parents sont d'accord ou quand le juge l'autorise, d'interdire de donner à l'enfant, à titre d'usage, le nom de l'autre parent.

Mais pourquoi conserver une procédure lourde, coûteuse, aléatoire et intrusive pour le changement de nom de famille ? Des parents ont donné un double nom et souhaitent n'en conserver qu'un seul. Faut-il l'interdire ?

Nous souhaitons également simplifier la vie des mères séparées dont l'enfant ne porte pas le nom. En cas de désaccord, le père pourra saisir le juge des enfants, devant lequel il existe des procédures de référé. L'argument des délais ne tient pas...

Le renvoi à l'article 311-21 du code civil unifie les règles en matière de nom d'usage et de dévolution du nom de famille. Je le proposerai aussi à l'article 2.

Mme le président.  - Amendement identique n°27 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les garanties apportées par le texte sont conformes à l'intérêt de l'enfant. Le juge reste compétent en cas de désaccord.

Mme le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Alinéa 6

Après le mot :

usage,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

porter l'un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l'article 311-21.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement apporte plus de souplesse au nom d'usage.

Mme le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« À l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale.

« En outre, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut l'adjoindre, à titre d'usage, au nom de l'enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en informe a posteriori, une fois la démarche effectuée et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement reprend la rédaction de l'Assemblée nationale, enrichie des apports du rapporteur.

Mme le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa.

Alinéa 7, deuxième phrase

Après le mot :

oeuvre

insérer les mots :

pour tous les enfants communs

M. Olivier Paccaud.  - Il s'agit de sécuriser l'union patronymique au sein d'une fratrie. Les enfants communs doivent porter le même nom. C'était sans doute implicite, mais mieux vaut être explicite, pour éviter le morcellement patronymique.

Mme le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 7

1° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale

par les mots :

le parent exerçant l'autorité parentale n'ayant pas transmis son nom

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Mélanie Vogel.  - Nous rétablissons la possibilité pour le parent exerçant l'autorité parentale de transmettre son nom a posteriori, sans l'accord préalable de l'autre parent, et supprimons la saisine du juge aux affaires familiales.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'amendement n°17 va trop loin. On peut changer de nom d'usage sans formalités plusieurs fois dans sa vie. N'ouvrons pas trop le champ des noms possibles. Il est important de conserver une certaine stabilité. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos21 et 27 rectifié rétablissent la rédaction de l'Assemblée nationale. La commission refuse en outre la substitution, et souhaite maintenir le recours au juge en cas de désaccord.

Le nom d'usage n'est pas, pour l'enfant, qu'une notion administrative. Ce sera le nom par lequel l'appelle sa maîtresse : ce sera son nom.

Pourquoi une loi s'il s'agit seulement de faire figurer le nom de la mère sur la carte nationale d'identité ? Il suffit d'en changer le format : il ne serait plus nécessaire de montrer son livret de famille. Avis défavorable.

L'amendement n°7 poursuit un objectif similaire : avis défavorable. Il faut veiller à l'accord de l'autre parent, notamment dans un contexte conflictuel.

L'amendement n°1 rectifié bis propose un principe logique : avis favorable.

Avis défavorable à l'amendement n°19. Il est important de maintenir une décision conjointe des parents.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vos propos me semblent « oxymoriques » : vous craignez une surcharge de travail pour les officiers d'état civil mais proposez de modifier la carte nationale d'identité ! C'est un travail colossal !

Avis favorable, naturellement, à l'amendement n°27 rectifié.

Avis défavorable aux autres amendements.

L'amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos21 et 27 rectifié.

L'amendement n°29 est adopté.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa.

Alinéa 8

Remplacer le mot : 

treize

par le mot :

onze

M. Olivier Paccaud.  - Cet amendement avance à 11 ans l'âge à partir duquel le consentement d'un mineur est requis dans la procédure de changement de nom. C'est l'âge de l'entrée au collège, un moment qui peut être compliqué. S'il s'accompagne d'un changement de nom subi, cela peut être traumatique.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - La question de l'âge du consentement est délicate : l'enfant peut être pris dans un conflit de loyauté. Le pédopsychiatre que j'ai entendu appelle à ne pas faire peser la résolution d'un éventuel conflit sur l'enfant.

C'est au moment du brevet des collèges, après 13 ans, que l'enfant découvre parfois qu'il n'a pas le même nom de famille que son nom d'usage. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je partage complètement l'avis de Mme la rapporteure.

M. Olivier Paccaud.  - Je comprends l'argument du pédopsychiatre. Je suis rapporteur du texte sur le harcèlement scolaire. Parfois, des cas de harcèlement sont liés au nom. Un enfant peut très mal vivre un changement de nom qui lui tombe dessus.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

Mme le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 264 du code civil est ainsi modifié : 

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , mais peut conserver l'usage du nom de son conjoint s'il en fait la demande explicite » ;

2° Le second alinéa est supprimé.

M. Hussein Bourgi.  - Lorsque deux personnes se marient, l'une d'entre elles peut porter le nom de son conjoint. Après la séparation, l'époux doit accepter que son nom continue d'être porté comme nom d'usage.

Des femmes peuvent avoir fait carrière sous ce nom, que ce soit dans le monde du spectacle, du droit ou de la médecine. Lors de la séparation, le mari peut décider de leur refuser d'utiliser ce nom, ce qui peut leur porter un préjudice professionnel.

Cet amendement supprime l'accord du mari et le jugement.

Mme le président.  - Amendement identique n°14, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Mélanie Vogel.  - On ne peut pas en même temps obliger les femmes à porter le nom de leur mari et leur imposer de changer de nom en cas de séparation.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Lorsque nous épousons un monsieur, nous pouvons porter son nom - c'est un emprunt - mais nous gardons le nôtre. Le mécanisme prévu repose sur le caractère contractuel du mariage. N'en faisons pas un droit.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je ne suis pas d'accord !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Juliette aimerait-elle encore Roméo s'il changeait de nom ? (Sourires)

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Elle l'aimerait plus encore !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - N'en faisons pas un droit, d'autant que la femme peut garder le nom de son ex-époux en cas de divorce par consentement mutuel.

Les amendements identiques nos8 et 14 ne sont pas adoptés.

ARTICLE 2

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - Cet article apporte la liberté de changer de nom de famille une fois dans sa vie. Seraient ainsi indirectement satisfaites les demandes des personnes souhaitant abandonner le nom d'un parent avec lequel elles ont un passé douloureux ou ajouter le nom d'un parent pour lui rendre hommage. Les conséquences juridiques de cette innovation semblent néanmoins incertaines. Ainsi, la question des mineurs n'a pas été prise en compte. La commission a souhaité un juste milieu entre la procédure actuelle et celle voulue par l'Assemblée nationale et le garde des Sceaux.

La publicité dans un journal d'annonces légales, dénoncée par M. le ministre, n'est que réglementaire ; le Gouvernement pourrait lever cette condition. Le ministère pourrait mettre en place une téléprocédure avec formulaire Cerfa. Un arrêté signé le ministre allégerait également la procédure.

Pour éviter toute demande irréfléchie, une confirmation serait requise après trois mois.

Pour protéger l'enfant mineur, la procédure serait interdite aux parents d'enfants de moins de 18 ans.

Mme le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Bonhomme.

Supprimer cet article.

M. François Bonhomme.  - L'article 2 prévoit la création d'une procédure de changement de nom déclarative et décentralisée afin de permettre à chaque Français majeur de changer facilement de nom.

Il existe pourtant d'ores et déjà une procédure permettant de changer de nom de famille.

Cet article est susceptible d'introduire un désordre généalogique alors même que l'état civil est et doit demeurer une source de stabilité. Ce n'est pas une question accessoire.

En effet, l'élément central de la doctrine dite de l'État de droit réside dans l'impératif de sécurité juridique, c'est-à-dire de généralité, de stabilité et de publicité de la norme.

Quelles répercussions sur les services de l'État ? Sur les conflits familiaux ? Ce texte comporte un vice initial : pourquoi le Gouvernement n'en est-il pas à l'initiative, ce qui aurait permis d'avoir une étude d'impact ?

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Nous avons retravaillé l'article 2 de manière à simplifier tout en gardant un certain formalisme, qualité trop méconnue ! Retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vous regrettez que je porte un texte d'initiative parlementaire ? C'est curieux. J'ai soutenu avec ferveur la proposition de loi de Mme Billon. Le Sénat devrait être satisfait que le Gouvernement s'intéresse aux initiatives parlementaires. Avis défavorable à cet amendement qui détruit un texte auquel je crois.

M. François Bonhomme.  - J'entends les arguments de Mme la rapporteure. Soutenir un texte d'initiative parlementaire n'engage pas les mêmes responsabilités. Nous ne disposons d'aucune étude d'impact qui permettrait d'évaluer les conséquences à moyen et long terme.

Mme Catherine Belrhiti.  - Très bien.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l'article 311-21. » ;

2° Après le mot : « fixées », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans et sous réserve de leur consentement au-delà de cet âge. »

Mme Mélanie Vogel.  - Nous proposons de rétablir la version de l'Assemblée nationale.

Certes, la commission a supprimé l'exigence d'intérêt légitime, mais aucun délai légal n'est imposé à la Chancellerie. Cela peut parfois prendre six ans et le demandeur n'est pas tenu au courant, ce qui explique pourquoi aussi peu de gens changent de nom.

Facilitons, décentralisons le changement de nom, d'autant que la procédure est limitée au nom des parents.

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l'article 311-21. Sans préjudice de l'article 61, ce choix ne peut être fait qu'une seule fois. » ;

2° Après le mot : « fixées », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans et sous réserve de leur consentement au-delà de cet âge. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il convient d'en revenir au texte de l'Assemblée nationale, sous réserve d'un ajustement : une extension aux enfants nés avant 2005.

Un adulte pourra substituer à son nom celui du parent qui ne le lui a pas transmis.

La procédure longue et bureaucratique se justifie seulement si le nouveau nom n'est pas celui d'un des parents.

Mme le président.  - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Certaines personnes ne veulent plus porter le nom d'un parent violent ou délaissant. Or, la procédure actuelle est lourde et intrusive.

Nous proposons de limiter l'application de la simplification aux seules demandes concernant le nom d'un des parents. Enfin, l'officier d'état civil pourra saisir le procureur de la République en cas de difficulté.

Mme le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom, par inversion de l'ordre des noms choisi par les parents, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans l'ordre choisi par elle, dans la limite d'un nom de famille pour chacun des parents. Sans préjudice de l'article 61, ce choix ne peut être fait qu'une seule fois. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux quatre premiers alinéas s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans » sont remplacés par les mots : « au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire si celui-ci en fait explicitement la demande lorsque lesdits enfants sont âgés de moins de treize ans et sous réserve de leur consentement dans le cas contraire » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise quel service d'état civil est compétent pour traiter les demandes émanant des Français nés à l'étranger ainsi que celles des Français vivant à l'étranger. »

M. Hussein Bourgi.  - Il faut en revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale, avec deux modifications : les enfants de moins de 13 ans devront être associés à la démarche. Nous ajoutons une précision pour les Français résidant à l'étranger -  Yan Chantrel vous en dira plus.

Mme le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Benbassa.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom, par inversion de l'ordre des noms choisi par les parents, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans l'ordre choisi par elle, dans la limite d'un nom de famille pour chacun des parents. Sans préjudice de l'article 61, ce choix ne peut être fait qu'une seule fois. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux quatre premiers alinéas s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans » sont remplacés par les mots : « au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils sont âgés de moins de treize ans et sous réserve de leur consentement dans le cas contraire ».

Mme Esther Benbassa.  - L'enquête de l'IFOP démontre que cette réforme répond à une demande sociétale et redonne aux femmes toute la place qui leur revient.

Or la procédure actuelle de changement de nom est longue et humiliante. La commission ne devrait pas rester sourde aux demandes de la société.

Mon amendement réintroduit donc cette procédure qui ne met pas en péril le bon fonctionnement de l'état civil.

Mme le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 61-3-1 du code civil, il est inséré un article 61-3-... ainsi rédigé :

« Art. 61-3-.... ? Toute personne majeure peut demander à changer de nom en vue de porter l'un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l'article 311-21. La demande est transmise au ministre de la justice et confirmée trois mois après son dépôt. Elle n'est pas recevable lorsque le demandeur a des enfants mineurs.

« Sans préjudice de l'article 61, cette faculté ne peut être exercée qu'une seule fois.

« Le changement de nom est autorisé par arrêté du ministre de la justice. »

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Je défends une position médiane. Il convient de préserver l'intérêt des enfants : ainsi, le changement de nom serait ouvert aux adultes sans enfants ou à ceux dont les enfants auraient plus de 18 ans.

Les autres amendements rétablissent la procédure de l'Assemblée nationale avec plus ou moins de modifications. L'amendement de M. Bourgi prend en compte l'intérêt des mineurs, mais avec des garanties insuffisantes. Avis défavorable à tous ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos28 rectifié, 10, 6 et 30.

M. Yan Chantrel.  - L'amendement n°10 comporte des dispositions relatives aux Français nés à l'étranger ou vivant à l'étranger, pour qui les difficultés sont décuplées en matière d'état civil. En outre, ils subissent les suppressions d'emplois dans les postes consulaires, ce qui rend les procédures d'état civil de plus en plus difficiles.

Les services consulaires sont désormais transférés à Nantes, où le service n'est que dépositaire. Il faut que ce dernier dispose de la compétence d'officier d'état civil.

M. Laurent Burgoa.  - Monsieur le garde des Sceaux, il ne faudrait pas que j'aie plus de difficultés administratives à déclarer le fusil de chasse que mon grand-père m'a légué il y a trente ans que pour changer de nom ! (Rires)

L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos22 et 26 rectifié.

Les amendements nos10 et 6 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°30 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette demande ne peut être effectuée qu'une seule fois et peut faire l'objet d'une rétractation dans les conditions fixées par décret.

M. Olivier Paccaud.  - Il ne faut pas que le changement de nom soit irrémédiable : prévoyons une possibilité de retour en arrière.

Mme le président.  - L'amendement n°30, qui a été adopté, rédigeait l'intégralité de l'article. Vos amendements nos3 rectifié et 4 rectifié n'ont dès lors plus d'objet.

Les amendements nos3 rectifié et 4 rectifié n'ont plus d'objet.

L'article 2 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ARTICLE 2

Mme le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 311-21 du code civil est ainsi rédigé :

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers accolent leurs deux noms dans l'ordre choisi par eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant l'ordre donné au nom de l'enfant, celui-ci prend le nom des parents dans l'ordre alphabétique. En l'absence d'un parent reconnu, le nom est celui du seul parent pour lequel la filiation est établie en premier lieu. En cas de désaccord entre les parents, signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil en amont, au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l'établissement simultané de la filiation, l'enfant prend les deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique. »

M. Jean-Claude Tissot.  - Le droit français du nom a longtemps vécu dans un régime de prééminence quasi absolue du nom du père.

La loi du 4 mars 2002, modifiée par la loi du 18 juin 2003, a mis fin à cet état du droit issu du code civil de 1804 et a reconnu aux parents la possibilité de choisir le nom de famille de l'enfant.

La loi du 17 mai 2013 a complété ce dispositif dans un souci de meilleure égalité entre les parents.

Pourtant, par tradition et malgré les évolutions positives du droit, de nombreuses femmes acceptent à la naissance de leur enfant que celui-ci n'ait que le nom du père inscrit à l'état civil. Il est temps que les us et coutumes changent.

Ainsi, cet amendement automatise le double nom dans la déclaration de naissance.

Mme le président.  - Amendement identique n°15 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Mélanie Vogel.  - La prééminence du nom du père n'est pas un hasard, mais le fruit d'une tradition patriarcale.

Il convient donc d'automatiser la transmission des deux noms, quitte à choisir parmi eux un nom d'usage. Laisser la place à la négociation interpersonnelle ne fonctionne pas lorsqu'il existe une situation de domination. Les chiffres en témoignent.

Mme le président.  - Amendement n°13 rectifié ter, présenté par Mme Vérien, MM. Bonnecarrère et Le Nay, Mme Férat, M. Détraigne et Mme Doineau.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 311-21 du code civil est supprimée.

Mme Dominique Vérien.  - À la naissance d'un enfant, le nom de famille choisi est établi dans un formulaire de déclaration conjointe signé des deux parents.

Pourtant, trop souvent le service de l'état civil se contente d'attribuer à l'enfant le nom du premier parent qui vient le déclarer.

Pour un choix éclairé, l'utilisation de ce formulaire doit être systématique.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Il n'est pas étonnant que les parents ne se saisissent pas encore fréquemment de la possibilité du double nom, qui est récente. Il faut environ une génération pour modifier ce type d'habitude.

Il ne faudrait pas que les petits-enfants aient quatre noms, ou faire peser sur les enfants devenus adultes le soin de choisir le nom de leur père ou de leur mère au moment de leur mariage. Cela pourrait être source de tension familiale.

Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux trois amendements.

M. Jean Louis Masson.  - Dans les années 1980, je me battais pour que la mère puisse transmettre son nom, mais les socialistes étaient contre. Mme Roudy a inventé en 1985 le nom d'usage pour échapper au débat sur les noms de famille, mais c'était une aberration puisque le nom d'usage ne peut pas se transmettre aux enfants.

Avec ces amendements se poserait un problème d'égalité suivant l'ordre alphabétique des noms ! Si on ne garde que le premier des deux noms à chaque union, il n'y aura plus de noms en fin d'alphabet dans quelques générations ! Si je soutiens l'esprit de ces amendements, la méthode est absurde.

Les amendements identiques nos12 rectifié et 15 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°13 rectifié ter.

ARTICLE 2 BIS

Mme le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

treize

par le mot :

onze

M. Olivier Paccaud.  - Cet amendement aura une destinée funeste, je vais donc le retirer. Mon amendement n°3 rectifié est tombé, mais M. le garde des Sceaux semblait approuver l'idée d'un droit à l'erreur. J'espère que cette idée prospérera au cours de la navette.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'article 2 bis est adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.

Remplacer le mot :

septembre

par le mot :

juillet

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pour répondre à M. Paccaud, je suis en effet sensible à l'idée d'un délai de réflexion. Le travail se poursuit sur le sujet.

Cet amendement rétablit la date initiale d'entrée en vigueur du texte, cette réforme étant attendue par les Français. La procédure que je propose n'est pas un saut dans l'inconnu pour les officiers d'état civil.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Il convient de laisser un délai raisonnable à l'administration pour se familiariser avec ces mesures. Elle ne sait pas toujours faire vite et bien...

L'amendement n° 23 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Micheline Jacques.  - Lors du scrutin public n°99, Henri Leroy souhaitait voter contre.

Mme le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Restitution de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

Discussion générale

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Je veux saluer les ayants droit de Nora Stiasny, de David Cender, de Georges Bernheim qui assistent à nos débats depuis les tribunes.

Voilà près de 77 ans que les armes se sont tues. Nombre de responsables des crimes odieux ont été poursuivis, jugés, condamnés et sont morts aujourd'hui. De nombreuses institutions culturelles ont hélas été complices de ces crimes et recèlent dans leurs collections des oeuvres spoliées qui n'auraient jamais dû s'y trouver.

Bien avant l'extermination, il y a eu la spoliation des biens des juifs, leur aryanisation, pour reprendre l'expression employée par les nazis et leurs complices, et la vente sous la contrainte.

Les oeuvres spoliées non restituées sont parfois les seuls biens qui relient les familles à ceux qu'elles ont perdus. En 2019, le ministère de la Culture s'est doté d'une mission spécifiquement consacrée à l'identification des oeuvres spoliées présentes dans les collections.

C'est un projet de loi historique que je vous présente : pour la première fois, le Gouvernement de la République présente un texte permettant la restitution des oeuvres des collections publiques nationales ou territoriales spoliées ou acquises dans des conditions troubles.

Il a fallu un travail majeur pour identifier ces oeuvres. La Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) était compétente sur deux des quatre dossiers. La ville de Sannois et l'État ont suivi ses préconisations.

Cette démarche de restitution est attendue. Les musées du monde entier s'interrogent sur la provenance de leurs collections acquises à l'époque. Le travail de recherche doit se poursuivre.

Le Gouvernement vous propose donc d'adopter une loi d'espèce portant sur quatre cas : Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, d'abord. Acheté par l'État en 1980, il n'y avait à l'époque pas de doutes sur la collection dont elle était issue. Il s'est avéré il y a quelques années que ce tableau pouvait correspondre au tableau intitulé Pommier, que Nora Stiasny, nièce du collectionneur juif viennois Viktor Zuckerkandl, avait été contrainte de vendre en août 1938 pour une valeur dérisoire, quelques mois après l'Anschluss et le début des persécutions antisémites. Cette hypothèse a été confirmée par les chercheurs du musée d'Orsay. Le principe de la restitution de cette oeuvre de Klimt, unique dans les collections nationales, a donc été accepté sans hésitation, en mémoire de Nora Stiasny, déportée et assassinée en 1942.

Le second ensemble est constitué de onze oeuvres graphiques de Jean-Louis Foram, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, relevant du musée d'Orsay et du musée du Louvre, et d'une sculpture de Pierre-Jules Mène conservée au château de Compiègne, acquises par l'État en juin 1942, à Nice, lors de la vente publique qui a suivi le décès d'Armand Dorville, avocat français juif.

La CIVS, saisie par les ayants droit d'Armand Dorville, a considéré que cette vente n'était pas spoliatrice, car les héritiers en avaient touché le produit et ne l'avaient pas remise en cause après la guerre. Le produit de cette vente, organisée par la succession du collectionneur, a cependant été, le premier jour, placé sous administration provisoire par le commissariat général aux questions juives. La commission a donc recommandé en équité que les douze oeuvres soient remises aux héritiers en raison du contexte trouble de leur acquisition. Le Gouvernement s'est conformé à la recommandation de la CIVS.

Ce texte prévoit aussi la restitution de Carrefour à Sannois d'Utrillo, acheté par la ville de Sannois en 2004 pour son musée Utrillo-Valadon. Il s'est avéré avoir été volé chez Georges Bernheim, marchand d'art à Paris, par le service allemand de pillage des oeuvres d'art dirigé par Alfred Rosenberg en décembre 1940.

La CIVS a recommandé la restitution de ce tableau à l'ayant droit. Saluons la ville de Sannois, qui a soutenu à l'unanimité la restitution de cette oeuvre de ses collections.

Enfin, ce texte propose la restitution du tableau Le Père de Marc Chagall, qui relève du Musée national d'art moderne. Cette oeuvre, entrée dans les collections nationales par dation en paiement des droits de succession en 1988 sans aucune connaissance d'une éventuelle provenance problématique, ni par la famille ni par l'État, s'est révélée très récemment avoir été volée à Lodz à David Cender, pendant ou après le transfert des juifs vers le ghetto de la ville en 1940.

Le parcours de ce tableau est très particulier. Peint et vendu avant 1939, il a probablement été racheté par Chagall après la guerre. Son lien avec David Sander a été établi très récemment, après le dépôt du projet de loi. C'est pourquoi un amendement visant à l'ajouter à la liste a été adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Certains auraient voulu une loi-cadre permettant de s'affranchir de telles lois d'espèce à l'avenir. Mais il nous a semblé nécessaire de présenter ce texte inédit sur ces oeuvres spécifiques. Notre engagement sur la restitution du tableau de Klimt, salué unanimement, devait vous être soumis au plus vite.

Pour autant, je suis favorable à l'élaboration d'une loi-cadre. Nous y viendrons ! Une loi-cadre sur les oeuvres issues de spoliations coloniales nous engage évidemment dans la même voie. Un nouveau dispositif est souhaitable, mais il doit être affiné.

En tout cas, cette réflexion ne saurait aboutir à la toute fin du quinquennat ; il faudra peser les enjeux spatio-temporels avec précaution. En attendant, procédons à ces restitutions.

Ce n'est pas un projet de loi ordinaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Non !

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Pour la première fois, des oeuvres présentes dans les collections publiques et spoliées pendant la période nazie ou acquises de manière trouble pendant l'Occupation vont pouvoir être restituées.

Elles portent la mémoire de leurs propriétaires spoliés. (Applaudissements)

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec une vive émotion que je m'exprime ce soir. Les familles des victimes, dont certaines sont présentes en tribune, doivent aussi la ressentir. Le moment est solennel, car ce texte est historique : jamais le Parlement français n'avait été amené à se prononcer sur la sortie d'oeuvres des collections publiques aux fins de restitution aux ayants droit de persécutions antisémites commises pendant la période nazie.

Ces spoliations sont inséparables de l'entreprise d'extermination des juifs d'Europe menée par les nazis et leurs complices, dont le régime de Vichy qui y collabora de manière active.

Elles visaient à anéantir le peuple juif dans sa culture et son identité. Elles font partie des crimes de la Shoah. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

En 1995, Jacques Chirac a évoqué une « dette imprescriptible ». Nous devons tout faire pour rétablir la justice, reconnaître ces crimes et transmettre la mémoire. Car c'est un devoir de mémoire, comme le souligne l'historienne Emmanuelle Polack.

La levée du caractère inaliénable de ces quinze oeuvres s'inscrit dans cette démarche. Elles sont parfois la seule trace matérielle qui demeure d'une victime, les témoins silencieux de la barbarie.

Leur restitution est une reconnaissance symbolique de cette criminelle spoliation : leur sortie des collections publiques s'impose. Le travail réalisé par la CIVS et par les musées démontre les conditions douteuses d'entrée de ces oeuvres dans les collections nationales.

Nous déplorons qu'il ait fallu attendre plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale pour les restituer : quel retard !

La commission Mattéoli et la CIVS ont été un premier pas. L'ouverture des archives a permis d'autres avancées, dont ce texte porte le fruit.

Ce projet de loi exprime la volonté de notre pays de regarder son passé en face. C'est un acte de reconnaissance qui manifeste notre détermination à trouver des solutions justes pour ces oeuvres, selon les principes de Washington.

J'espère que, comme l'Assemblée nationale, nous voterons ce texte à l'unanimité. Il nous oblige à poursuivre et à renforcer nos efforts. Malgré toutes leurs précautions, les collections publiques ont parfois acquis involontairement des oeuvres spoliées. Le travail de recherche de provenance doit s'accélérer, sous l'égide du ministère de la Culture. Plus les musées seront transparents, plus les familles de victimes pourront trouver une forme d'apaisement.

Sans doute n'y consacrons-nous pas assez de moyens. Il faut réaffirmer qu'il s'agit d'une priorité politique, avec des moyens renforcés.

Une loi-cadre serait-elle appropriée ? Cela répondrait aux exigences de Washington qui demande des délais raccourcis. Mais il ne faudrait pas qu'elle soit trop étroite ou trop large. Et comment rendre ces restitutions automatiques sans leur ôter leur portée symbolique ? La question n'est pas tranchée : poursuivons le travail pour trouver le dispositif le plus approprié.

Je souhaite saluer notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, auteur d'un rapport sur le sujet en 2013. (Applaudissements) Ce texte est la traduction de son souhait de voir la mémoire s'apaiser. (Applaudissements)

M. Lucien Stanzione .  - Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont systématiquement pillé les oeuvres d'art par le biais d'un organisme ad hoc fondé sur leur idéologie génocidaire. Quelque 70 000 logements juifs ont été vidés, le Jeu de Paume devenant une véritable gare de triage de trésors culturels en partance pour l'Allemagne entre 1941 et 1944.

En France, ces oeuvres ont été à 75 % rendues à leur propriétaire après la Libération, mais des ventes ont néanmoins eu lieu avec quelque légèreté. Il reste donc des incertitudes sur le passé de certaines oeuvres.

Le statut « Musées nationaux de récupération » (MNR) a été apposé à 2 000 oeuvres dont l'État est seulement le détenteur provisoire et qui n'appartiennent donc pas aux collections publiques.

L'ouverture des archives allemandes et américaines au début des années 1990 a insufflé une nouvelle dynamique. Le 16 juillet 1995, c'est le tournant du discours du Vel' d'Hiv' de Jacques Chirac. La mission Mattéoli est lancée, qui aboutit à la création de la CIVS en 1999. (Mme Nathalie Goulet le confirme.) En 1998, 44 États sont à l'origine des onze principes de la Déclaration de Washington.

Il existe environ 40 000 oeuvres dont nous avons perdu la trace, mais qui peuvent réapparaître sur le marché de l'art ou dans les musées. Certains organismes de ventes aux enchères refusent désormais de procéder à une vente en cas de doute sur la provenance du bien.

Le parcours de restitution n'est ni aisé, ni rapide, ni connu. Voyez l'exemple de Carrefour à Sannois, dont le pillage a été reconnu en 2018, mais qui devra attendre quatre ans pour être restitué par la voie législative.

Il faut pouvoir parler de la spoliation par le régime nazi, à l'heure où l'on entend tant d'approximations historiques. (M. Joël Bigot et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)

Le peuple juif a subi des exactions sur notre territoire, il faut le rappeler ! Elles ont été commises par les nazis et les collaborationnistes en tous genres.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Les pistes sont diverses : un statut spécial pour ces oeuvres ou une loi-cadre ? Deux des oeuvres ont fait l'objet d'une spoliation directe, les autres d'une vente trouble. Leur restitution se heurte au principe d'inaliénabilité inscrit au code du patrimoine. Elle pose aussi la question de la valeur universelle de ces oeuvres : comment conserver un accès au plus grand nombre, même après leur restitution ? Par le biais d'une photographie ?

La restitution représente bien plus qu'un retour légitime : elle est aussi symbole de reconnaissance républicaine, de justice équitable et de réparation mémorielle des actes perpétrés contre les juifs. Elle est un acte symbolique d'apaisement et de réconciliation.

Notre groupe votera ce texte avec conviction. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - André Malraux écrivait : « L'art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort ; le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort. »

Cette part d'immuable prend tout son sens ici, à l'heure de restituer à leurs héritiers des oeuvres spoliées par les nazis à leurs propriétaires avant de les tuer.

Je salue la volonté politique du Gouvernement et le consensus à l'Assemblée nationale et en commission. Le RDPI votera bien évidemment en faveur de ce texte.

Plus que jamais, il y a urgence à restituer ces oeuvres d'art : les derniers témoins de la Shoah disparaissent et emportent avec eux la mémoire de ces spoliations. En outre, leurs ayants droit se font plus nombreux, ce qui fragmente la propriété des oeuvres et rend les accords difficiles : les ayants droit se trouvent souvent contraints de vendre ces oeuvres dès leur restitution.

La France accuse un important retard par rapport à d'autres pays, notamment l'Allemagne. Cela s'explique par l'installation tardive, en 1999, d'une mission spécifique de recherche des oeuvres spoliées, dont le travail doit néanmoins être salué.

En outre, les moyens alloués sont faibles au regard de l'ampleur de sa tâche. Son périmètre de recherche commence en 1933 à l'arrivée des nazis au pouvoir. C'est une date communément admise, mais elle exclut les descendants de victimes de persécutions non institutionnelles avant cette date par des milices violentes antisémites.

La circulation des oeuvres s'est internationalisée au fil du temps. Mein Kampf qualifiait l'art juif de dégénéré. De nombreuses pièces d'art moderne confisquées par les nazis ont migré vers la France ou outre-Atlantique pour être vendues et permettre l'acquisition d'oeuvres plus « conformes ». Paris a constitué la grande plaque tournante de ce blanchiment.

Le parcours long et laborieux du processus de restitution du tableau de Gustav Klimt est typique des difficultés rencontrées, mais aussi de l'efficacité de la coopération européenne.

Notre mission est bien moins dotée que ses homologues outre-Rhin. Elle n'étudie que 40 dossiers par an, alors que 1 800 sont encore en souffrance. Il s'agit souvent de dossiers complexes et de situations atypiques. Il faudra encore des années pour former des experts sur ces sujets, ce qui nécessitera une implication forte de nos musées, qui doivent souvent consacrer leurs faibles moyens à se séparer d'oeuvres emblématiques de leurs collections...

Il faut également accroître les coopérations internationales. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Joël Guerriau .  - Hitler rêvait de réunir les plus grands chefs-d'oeuvre pillés dans les territoires occupés. À l'époque, Paris était la plus grande place mondiale du marché de l'art, et la plupart des galeries appartenaient à des juifs. Le régime de Vichy a favorisé les spoliations. Le Jeu de Paume et le Palais de Tokyo permettaient le stockage des oeuvres pillées, avant leur départ pour l'Allemagne. Des milliers d'oeuvres ont ainsi été disséminées sur le territoire allemand, jusque dans des sous-marins !

Rendons hommage à Rose Valland qui a transmis des informations sur le trafic au Jeu de Paume et permis ainsi le retour de 100 000 oeuvres. D'autres continuent d'être découvertes, ce qui a conduit le gouvernement allemand à supprimer le délai de prescription.

Dans la continuité du discours du Vel' d'Hiv', le Gouvernement d'Édouard Philippe a intensifié les recherches sur les oeuvres spoliées. Un effort particulier doit porter sur les instruments de musique. Nous devons former des experts à la recherche de provenance.

Je crois à la force du récit, à la transmission de l'histoire individuelle et collective. Nous devons honorer les victimes de l'antisémitisme et lutter contre l'oubli alors que les derniers témoins disparaissent.

L'antisémitisme n'est pas mort avec Hitler : il renaît sous d'autres formes. Des flots de haine sont répandus chaque jour sur les réseaux sociaux, des cimetières sont profanés, des enfants juifs contraints de changer d'école.

J'ai eu le privilège de siéger avec Simone Veil à l'UDF. Elle continuera à influencer d'autres destins que le mien. Je souhaite lui rendre hommage. (Applaudissements)

Mme Toine Bourrat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte marque une nouvelle étape dans le processus de restitution des biens volés pendant l'Occupation à des familles juives au nom de l'idéologie nazie. La Shoah a conduit au pillage de 100 000 oeuvres d'art sur le territoire national, dans 70 000 logements ; 45 000 d'entre elles ont pu être restituées à leur propriétaire légitime après la Libération, mais d'autres ont eu un destin plus complexe. Certaines, 2 000 environ, les MNR, sont placées sous la garde des musées nationaux dans l'attente de leur restitution. D'autres - 13 000 - ont été vendues par l'administration des domaines. S'est ensuite ouverte une période de silence et d'oubli.

Plus tard, des voix se sont élevées pour que les musées reprennent leurs recherches. En 1998, 44 États énoncèrent les principes de la restitution des oeuvres spoliées. Le discours de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation des juifs a ouvert la voie à la mission Mattéoli et à la création de la CIVS.

Le Sénat a contribué à cette tâche avec le rapport de Corinne Bouchoux. (Mmes Nathalie Goulet et Esther Benbassa applaudissent.)

Depuis, la restitution des oeuvres spoliées s'est accélérée : alors que seules six oeuvres avaient été restituées entre 1954 et 1993, 116 l'ont été depuis.

Le témoignage de David Zivie nous a éclairés sur les difficultés rencontrées, notamment pour les oeuvres appartenant aux collections publiques quand l'achat a été réalisé en toute bonne foi par le musée.

En s'attaquant à ce problème, le présent texte a un caractère inédit, même si son dispositif est similaire à celui du texte récemment voté pour restituer certaines oeuvres au Bénin et au Sénégal (Mme Nathalie Goulet le conteste), à la différence qu'il concerne des personnes privées.

Le dessaisissement de la France est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'oeuvres majeures et notamment de la seule toile de Klimt présente dans les collections nationales.

Notre rapporteure, dont je salue le travail, a rappelé que nous avons besoin de moyens et de former des experts pour poursuivre ce travail de restitution.

L'État doit réfléchir à une loi-cadre qui éviterait d'avoir à légiférer au cas par cas et accélérerait les procédures, mais cela semble délicat.

Notre groupe votera évidemment ce projet de loi, qui répond à une exigence de vérité et de justice. (Applaudissements)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Restituer ce qui a été mal acquis : voilà l'impératif ! Je pense à ce texte, mais aussi à la restitution des oeuvres spoliées au Sénégal et au Bénin. (Mme Nathalie Goulet proteste.) Mais ce texte en diffère, car il fait référence à une spoliation récente, massive, précédant un génocide organisé avec la complicité de l'État français. Il s'agissait alors de déposséder les juifs de leur culture et de briser les chaînes de la transmission des idées et des valeurs.

Cette spoliation a été combattue par de trop rares combattants de l'ombre comme Rose Valland, dont le travail a permis de retrouver la trace de la plupart des oeuvres spoliées par l'occupant nazi. Quelque 85 000 oeuvres spoliées ont été identifiées par la commission de récupération artistique, 61 000 ont été retrouvées et 45 000 oeuvres rendues ; les autres ont été vendues ou sont devenues des MNR, avec un succès mitigé - seules 178 MNR ont été restituées depuis 1950, sur un total de 2 000.

Pendant cinquante ans, le sujet a disparu, ces oeuvres devenant le secret de famille de nos musées, comme le rappelait la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux en 1993. Elle insistait également sur l'importance des recherches sur la provenance des collections : c'est une question d'éthique. Beaucoup de musées, comme le Louvre, s'y attachent, ce qui mérite d'être salué. Des travaux de recherche sont également réalisés par les ayants droit, des généalogistes et par la CIVS.

En autorisant la restitution de plusieurs oeuvres aux familles des victimes de la barbarie, ce texte s'inscrit dans cette histoire tragique. Nous saluons cette initiative. C'est la réparation d'une partie des crimes commis, alors que l'histoire continue d'être réécrite par certains...

Une loi-cadre raccourcirait les délais tout en garantissant le sérieux des procédures. Le Conseil d'État, David Zivie, la rapporteure à l'Assemblée nationale, Mme la ministre, y sont favorables.

Nous avons eu le même débat s'agissant des restitutions au Sénégal et au Bénin.

Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet.  - Cela n'a rien à voir !

M. Thomas Dossus.  - C'est bien ce que je dis : voilà deux réalités différentes, mais qui répondent à un même impératif de vérité, de justice, d'éthique. Nous recherchons la concorde entre les peuples et les générations. Rendre ce qui a été mal acquis nous honore. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Citant Le Mikrokosmos de Hermann Lotze, Walter Benjamin jugeait qu'il ne peut y avoir de progrès s'il n'est pas rendu justice à ceux qui ont souffert dans le passé. Les oeuvres que ce projet de loi restitue font resurgir les souffrances endurées par Éléonore Stiasny, Armand Dorville, Georges Bernheim, David Cender, leurs familles et tous les Juifs qui ont connu la persécution. « Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race et notre race vit en nous », disait Gérard de Nerval.

Alors que les idéologies antijudaïques jaillissent de nouveau du ventre encore fécond de la bête immonde, rappelons les persécutions commises par le soi-disant gouvernement de l'État français du maréchal Pétain. Dès le 22 juillet 1940, la collaboration prononce la déchéance de nationalité des Français naturalisés depuis la loi du 10 août 1927 : plus de 6 000 Français de confession juive sont ainsi privés de leur nationalité. Le commissariat général aux questions juives est créé le 29 mars 1941, notamment pour procéder à la liquidation des biens des citoyens français considérés comme juifs. Le second statut des Juifs du 2 juin 1941 interdit aux Français de confession juive toute profession en relation avec le commerce : les fonds des galeries d'art sont expropriés et confiés à des administrateurs provisoires. La loi du 22 juillet 1941 organise l'éradication de toute « influence juive dans l'économie ».

De nombreuses oeuvres sont saisies par l'occupant allemand, mais la plupart sont écoulées sur le marché de l'art. L'Hôtel Drouot est fermé dès l'été 1940, mais ses gestionnaires obtiennent vite la réouverture des ventes. Les acheteurs sont les autorités d'occupation, les musées allemands, des particuliers qui blanchissent des revenus tirés du marché noir, mais aussi des musées publics dont Le Louvre. Dès 1945, Jean Dutour a dénoncé ce pillage organisé : « Les Allemands ont emporté pour 500 milliards d'oeuvres. Ils furent beaucoup aidés dans cette belle opération par des experts, des commissaires-priseurs et des marchands français. »

Pour la première fois, une loi restitue des oeuvres conservées dans des collections publiques, mais acquises hors du cadre de la légalité républicaine. Elle porte aussi reconnaissance et réparation des spoliations dont le Régime de Vichy s'est rendu coupable et que le Parlement n'a jamais reconnues. L'ordonnance du 21 avril 1945 a frappé de nullité tous ses actes, mais il a fallu attendre le discours de Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, pour que la France admette sa responsabilité dans la déportation de 76 000 personnes, dont 11 000 enfants.

La Nation a reconnu tout à l'heure sa responsabilité pour l'indignité faite aux harkis et à leur famille lors de leur accueil en France. Il est de son devoir de reconnaître maintenant, par la loi, la culpabilité de la France pour la déportation et la spoliation des personnes de confession juive. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Le Gouvernement souhaite proposer au Parlement une loi-cadre pour faciliter les futures restitutions. Quinze oeuvres vont retrouver les familles auxquelles elles ont été arrachées par une violence d'État responsable du pire génocide de notre histoire. Elles rappellent aussi la faillite de la démocratie et le suicide de la République. N'oublions pas. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le projet de loi qui nous réunit porte sur la restitution de biens culturels aux héritiers des spoliations nazies. Il s'agissait de faire disparaître tout un peuple.

Je salue le travail colossal réalisé par la CIVS depuis sa création. Ce n'est pas rien d'ébranler le principe d'inaliénabilité des collections... Mais cela est nécessaire pour établir un équilibre entre éthique et protection des collections.

Le Sénat a toujours joué un rôle moteur en la matière avec Nicolas About et Catherine Morin-Desailly, autour de la Vénus hottentote et des têtes maories.

Il a aussi créé une commission ad hoc, hélas supprimée par la loi Asap. Pour y remédier, une proposition de loi de nos collègues Max Brisson, Catherine Morin-Dessailly et Pierre Ouzoulias a été adoptée en ce début d'année : elle crée un conseil national de réflexion pour, tout à la fois, apporter un conseil scientifique aux musées confrontés à des demandes de restitution, préserver le principe d'inaliénabilité et éviter le fait du prince.

Je salue le travail de notre rapporteure. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fialaire .  - Ce projet de loi, que le groupe du RDSE soutient à l'unanimité, est à la croisée de l'histoire, de la culture et du droit.

Il aura fallu 50 ans pour que le Président Chirac reconnaisse la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs de France, comme tous les Juifs, contrairement à ce que certains laissent entendre... (M. Pierre Ouzoulias approuve.) C'est trop récemment que la CIVS a été dotée de la capacité de s'autosaisir de spoliations de biens culturels. C'est un enjeu essentiel de reconnaissance de la Shoah.

Il s'agit aussi, avec ce texte, de l'appréciation des biens culturels, qui ont une valeur affective importante pour les familles ; (Mme Nathalie Goulet le confirme) ce sont pour elles un témoignage de leur passé. Cette valeur dépasse celle, économique, d'un marché de l'art toujours plus spéculatif et fortement dépendant de la fiscalité. L'article 2 ramène à la valeur marchande du bien culturel, qui peut fluctuer, mais qu'il convient de réparer quand la spoliation découle des politiques iniques de Vichy.

Enfin, il est question de droit : il faut utiliser pour le dire des mots justes qui guérissent et réparent. Dire et écrire la nécessaire réparation est un devoir que nous devons remplir. Le funeste régime de Vichy découle aussi de la faillite morale de la représentation nationale d'alors.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire.  - La repentance n'est pas une réécriture de l'histoire en dehors de son contexte : c'est le courage de demander pardon.

Je veux revenir sur le principe d'inaliénabilité de nos collections publiques : il faut désormais glisser vers un principe d'inaliénabilité de la dimension culturelle, plutôt que de sa propriété. Les biens culturels ont une dimension universelle, ils doivent être partagés sur leur lieu d'origine ou dans un musée. Et pourquoi ne pas rêver à l'universalité de certaines ressources naturelles indispensables à la survie de l'humanité...

Penser à un monde meilleur, plus juste et fraternel, est aussi un hommage que nous devons aux victimes de la barbarie. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - À l'heure où certains tentent de réhabiliter le régime de Vichy, je m'exprime avec émotion sur ce texte de réparation et dédie mon intervention à ma grand-tante, qui avait émigré de Smyrne à Marseille dans les années vingt et qui fut déportée à Auschwitz-Birkenau avec sa famille.

L'art fut un pilier de la barbarie nazie. Dès leur arrivée à Paris, les Allemands ont pillé les oeuvres, imités par le régime de Vichy qui ordonnera la confiscation de tous les biens juifs.

La restitution des oeuvres a été insuffisante à la Libération ; elle a concerné 40 000 oeuvres sur les 100 000 concernées. Certaines se trouvent dans les collections publiques et sont, à ce titre, inaliénables. Une loi doit les déclasser pour les restituer. Pour d'autres, nous avons perdu toute trace de spoliation...

Je ne doute pas que le travail de la mission permettra de restituer de nombreuses oeuvres, à condition qu'elle dispose des moyens nécessaires. Une loi-cadre serait également bienvenue pour éviter les obstacles du calendrier législatif.

Ce texte est nécessaire à l'heure où notre société est menacée par des courants révisionnistes et antisémites. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et des groupes SER et CRCE ; Mme Sabine Drexler applaudit également.)

M. Sébastien Meurant .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte va dans le sens de l'histoire; nous pouvons nous en féliciter. Il répare, si l'on peut dire, les terribles spoliations subies par les familles juives sous l'occupation allemande.

Je veux évoquer l'oeuvre Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, acquise et conservée depuis vingt ans par la ville de Sannois, dans mon département.

La restitution a été décidée en 2018 par la commune, qui avait cependant engagé, avec le département, plus de 100 000 euros pour acquérir ce tableau en 2004 lors d'une vente aux enchères organisée par Sotheby's afin d'enrichir le fonds du Musée Maurice Utrillo.

La ville de Sannois souhaite que Sotheby's Londres reconnaisse sa responsabilité, au moins morale, ce que la maison de ventes refuse, en se fondant sur le droit britannique, au motif que l'accès aux fiches de l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg n'était pas possible lors de la vente.

Les élus de Sannois n'ont pas voulu se lancer dans une action judiciaire à l'issue incertaine.

Il semble pourtant inimaginable qu'une oeuvre authentifiée, d'un artiste renommé, n'ait pu être suivie depuis sa conception jusqu'à sa vente à Sannois ! Sotheby's aurait dû faire état de doutes quant à la détention de l'oeuvre autour de la guerre.

La commune de Sannois, comme d'autres acquéreurs d'oeuvres spoliées, serait légitime à demander réparation au vendeur.

Chacun doit contribuer, à sa mesure, à réparer les préjudices de la folie nazie. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour appuyer la commune de Sannois dans sa demande légitime ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - Je suis fille et petite-fille de déportés. Mes grands-parents, bouchers rue Saint-Paul, dans le Marais, sont morts en déportation après avoir été spoliés et déchus de leur nationalité. Vichy ne les a pas protégés...

J'ai en main un document : la fiche de spoliation de ma grand-tante, après la vente du 24 août 1942 de son petit magasin de chapeaux à Douai - peu avant la grande rafle des juifs du Nord du 11 septembre 1942. (L'oratrice brandit une feuille manuscrite, jaunie, à la tribune.)

Un autre document, du 25 juin 1942 : le comptable explique ne pas savoir que faire des biens en l'absence d'instructions des autorités allemandes. (L'oratrice brandit un courrier d'apparence ancienne.)

La spoliation des oeuvres d'art, c'est ceci. (L'oratrice indique un mince volume posé devant elle.) La spoliation des juifs de France, c'est cela ! (L'oratrice indique trois épais volumes posés devant elle.)

Tout cela n'a pas grand-chose à voir avec le Bénin... La spoliation, c'est aussi le renvoi de mon père du lycée Charlemagne à 10 ans !

Le travail de la commission Mattéoli et de Corinne Bouchoux nous en a rappelé les détails : le linge de maison des petites gens n'était pas épargné. Pensez, mes grands-parents étaient de modestes bouchers ! Par miracle, deux petits chandeliers ont été retrouvés, comme dans l'oeuvre de Zweig...Ce sont nos biens les plus précieux.

Évidemment, cette loi est indispensable, pour restituer le tableau de Klimt, et d'autres. Mais je voudrais consacrer mon temps de parole à tous les autres, à tous ceux qui ne possédaient pas d'oeuvres d'art mais qui, tailleurs, marchands ambulants, lingères, n'en ont pas moins été spoliés parce qu'ils étaient juifs.

Madame la ministre, je vous invite à lancer un appel pour la collecte de documents originaux tels que ceux-ci, non pas pour une réparation qui n'aurait guère de sens, mais pour une reconnaissance dans la mémoire nationale, peut-être dans un musée.

Vous n'êtes pas seulement le ministre de la Culture aujourd'hui : vous êtes le ministre de la Justice ! Soyez-en remerciée. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Paccaud .  - Cet article évoque le principe d'inaliénabilité des collections publiques rappelé par Bernard Fialaire.

Ce texte a une haute portée morale et civilisationnelle. Le droit de propriété est inscrit à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : il est inviolable et sacré. La folie nazie, la peste brune se sont nourries de la haine du juif, de la jalousie que pouvait susciter cette communauté.

Avant d'être déportés, puis exterminés, ils ont été spoliés.

La République, par ce texte, peut apaiser, rappeler le cauchemar national-socialiste et la complicité d'un gouvernement collaborationniste indigne. L'oubli est une seconde mort : n'oublions jamais jusqu'où l'homme a pu perdre son âme !

Ce texte est un second pas, après celui de Jacques Chirac en 1995, mais bien d'autres pas devront être franchis pour que justice soit rendue.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Pierre Ouzoulias .  - La mission de recherche et de restitution présidée par David Zivie, que je salue, a de larges attributions. Elle concerne les biens spoliés entre 1933 et 1945. Les dossiers sont ensuite instruits pas la CIVS dont le périmètre de compétence se limite à la période 1940-1944, époque des lois sur le statut des juifs. Je crois qu'il conviendrait de modifier le décret du 10 septembre 1999 pour élargir ses missions à l'intégralité de la période couverte par la mission Zivie. (Applaudissements)

M. Marc Laménie .  - Cet article concerne la restitution aux ayants droit d'oeuvres spoliées, suivant une recommandation de la CIVS du 17 mai 2021 qui s'est prononcée sur des motifs d'équité.

Le rapport de Corinne Bouchoux, publié en 2013, a donné un nouvel élan à la politique de restitution, tout comme le travail mené par la commission des finances en juin 2018 à l'occasion des vingt ans de la CIVS ; la recommandation n 13 de son rapport d'information préconisait de replacer les restitutions au coeur de la réparation.

Je salue le travail mené par la rapporteure et par la commission de la culture sur un sujet sensible, qui relève du travail de mémoire.

L'article 2 est adopté, ainsi que les articles 3 et 4.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - J'étais un peu émue à la tribune...

Madame la ministre, la France a le privilège de présider l'Union européenne. Il est important de faire vivre ce combat à l'échelle européenne, car nous sommes en avance sur le sujet. Je le redis, aujourd'hui, vous êtes ministre de la Justice.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Mme la présidente.  - Je salue cette unanimité. (Applaudissements)

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure.  - Je me réjouis de cette unanimité, pour que les ayants droit puissent retrouver leurs biens.

C'est un geste important de l'État pour une mémoire apaisée.

Je remercie Mme la ministre, mes collègues et tous ceux qui ont oeuvré à ce texte. (Applaudissements)

Prochaine séance demain, mercredi 16 février 2022 à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 45.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 16 février 2022

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

M. Vincent Delahaye vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (texte de la commission, n°425, 2021-2022) et conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte (texte de la commission, n°426, 2021-2022)

3. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à démocratiser le sport en France (n°477, 2021-2022)

4. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement (n°481, 2021-2022)