Compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.

Discussion générale

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Dans le prolongement de la loi du 2 août 2019, ce projet de loi instaure un cadre de confiance pour une réforme importante répondant aux besoins des Alsaciennes et des Alsaciens.

La loi de 2019 traduit la volonté de l'État de reconnaître la particularité de l'Alsace, région française profondément européenne. Avec ce texte, nous franchissons une nouvelle étape de la décentralisation en mettant en cohérence les compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) avec les réalités de ce territoire dans le domaine, stratégique, des infrastructures et du transport.

Il s'agit de ratifier trois ordonnances de mai 2021, issues de longs mois d'échanges, qui donnent à la CEA les moyens d'exercer sa nouvelle compétence en matière de gestion des flux routiers de marchandises.

Voilà quinze ans que les Alsaciens attendaient la possibilité d'instaurer une taxe sur les poids lourds en transit. En vertu de l'article 13 de la loi de 2019, la CEA pourra percevoir une telle taxe sur le réseau routier national non concédé, qui lui est désormais transféré.

Trois principes sous-tendent ce texte : le dialogue, une concertation étant prévue entre la CEA et les secteurs concernés ; la confiance, puisque la collectivité alsacienne disposera d'importantes marges d'adaptation de la future taxe ; la préfiguration, dans la mesure où ce dispositif pourra ensuite être exporté dans d'autres régions volontaires.

Je sais que les processus peuvent sembler longs ; c'est le prix de la concertation et du respect des spécificités des territoires.

Le Parlement a enrichi le dispositif en première lecture : création d'un comité de concertation, modulation possible du taux en fonction des saisons, adaptation du dispositif pour les contribuables occasionnels, augmentation de certaines amendes.

Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'équilibre atteint, qui respecte la libre administration des collectivités territoriales. L'Assemblée nationale a adopté le texte à l'unanimité. J'espère un vote conforme, pour la mise en oeuvre rapide d'une réforme qui concrétise notre politique de différenciation territoriale.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Ce texte marque l'aboutissement d'une démarche de long terme : elle a été engagée par les Alsaciennes et les Alsaciens voilà plus de quinze ans.

Il ratifie trois ordonnances, dont celle relative à l'instauration par la CEA d'une taxe sur le transport routier de marchandises. Depuis 2005, l'Alsace pâtit d'un important report de trafic à la suite de l'instauration d'une taxe sur les autoroutes allemandes. Cette situation entraîne nuisances environnementales et altérations de la santé des habitants.

Le Sénat a considérablement enrichi le dispositif pour en améliorer l'efficacité, en faciliter la transposition aux collectivités territoriales volontaires et renforcer le dialogue entre collectivités directement et indirectement concernées afin de limiter les effets de bord. Sur ce dernier point, nous avons prévu une instance de concertation et un rapport d'évaluation des reports de trafic. Enfin, nous avons anticipé la directive Eurovignette en prévoyant la possibilité de taxer les véhicules légers à partir de 2,5 tonnes.

L'Assemblée nationale a conservé une large part des apports du Sénat. Elle a modifié certains articles, mais sans remettre en cause leurs objectifs, s'agissant notamment du ticketing pour les usagers occasionnels. Un compromis a été trouvé sur l'évaluation des reports : l'Assemblée nationale a ramené de cinq à trois ans le délai de remise du rapport, en contrepartie de l'abandon du bilan d'étape.

Je ne veux pas occulter certains reculs, notamment sur l'anticipation de l'eurovignette. Je regrette que les députés aient censuré nos apports à cet égard, sous prétexte d'illisibilité.

Néanmoins, je recommande l'adoption conforme de ce texte pour une mise en oeuvre rapide du dispositif. Le travail du Sénat n'a pas été dénaturé et le calendrier parlementaire ne permet pas d'envisager une troisième lecture.

Si nous ne votons pas ce texte, la CEA sera privée de la possibilité de mettre en place cette mesure très attendue.

M. Olivier Jacquin.  - C'est faux !

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - En l'adoptant, nous préserverons les apports des deux assemblées, notamment en ce qui concerne la coopération entre collectivités territoriales.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - Enfin, la sécurisation du dispositif coupera court aux risques de contentieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Olivier Jacquin applaudit également.) Il y a conjonction, ce matin, entre notre Sénat et le Parlement européen, qui examine, sur la directive Eurovignette, un compromis insatisfaisant de notre point de vue. Dans les deux cas, il s'agit du principe pollueur-payeur ou utilisateur-payeur.

Avec le dispositif prévu, la CEA sera la seule collectivité française à disposer d'une taxe relevant de cette directive. Exception durable à la façon d'un village gaulois ou avancée pionnière avant une généralisation ?

Quel que soit le scénario, l'État doit soutenir la mise en oeuvre du dispositif en Alsace, attendu depuis dix-sept ans. L'objectif est clair : une taxe alsacienne d'un montant équivalent à celui de la taxe allemande.

En Suisse comme en Allemagne, la taxe poids lourds n'a pas déséquilibré l'économie des transports. Le secteur a modernisé sa logistique, optimisé les charges transportées. Le fret ferroviaire s'est beaucoup développé.

Mme la ministre a parlé d'efficacité de l'action de l'État. Mais si les ordonnances avaient été prises dans le délai prévu par la loi du 2 août 2019, nous ne serions pas contraints ce matin à un vote conforme, compte tenu du calendrier parlementaire.

M. André Reichardt.  - C'est juste !

M. Jacques Fernique.  - Des améliorations étaient encore possibles, notamment pour lutter contre l'abus du transport par véhicules légers pour le compte d'autrui et mieux prendre en compte les riverains du sillon lorrain.

Dans ces conditions, cette mesure positive risque d'être privée d'une belle unanimité. C'est dommage, d'autant que l'Alsace est volontaire - et même impatiente.

Le GEST souhaite un vote conforme du projet de loi.

M. Claude Kern.  - Bonne nouvelle !

M. Jacques Fernique.  - La région Grand Est pourra dès 2024 étendre cette taxe en Lorraine. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérard Lahellec .  - Nous saluons le travail de qualité mené par la commission sous l'égide de M. Anglars. Nous n'avons d'ailleurs déposé aucun amendement.

Reste que, sur le fond, nous continuons de penser que la régionalisation de l'écotaxe n'est pas la bonne réponse, même si nous comprenons l'impatience de l'Alsace et des autres régions traversières devant les nuisances et dégâts causés.

Toutes les régions ne sont pas égales. Ainsi, la Bretagne n'est pas une région que l'on traverse : on y va ou on en vient. Elle n'en a pas moins besoin de ressources pour financer les alternatives au transport routier... Il faut donc une solidarité nationale.

En particulier, il faut développer le fret ferroviaire, le mode de transport le plus vertueux sur le plan écologique et le seul qui paie la totalité de ses coûts. Or on ne connaît pas la destination du produit de l'écotaxe : développement des modes alternatifs ou financement des routes ?

Mieux vaudrait augmenter fortement les moyens de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), au service du développement des transports alternatifs.

Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.) Enfin ! Oui, enfin la CEA va disposer des bons outils pour exercer sa nouvelle compétence de régulation du trafic routier, en cohérence avec la loi Climat qui ouvre la voie à des écotaxes régionales, et peser positivement en matière de transition écologique.

Depuis trop longtemps, l'Alsace subit une dégradation de ses infrastructures liée aux flux de poids lourds se reportant depuis les autoroutes allemandes. La circulation est souvent paralysée, l'accidentologie élevée, la santé publique affectée.

Représentant du Bas-Rhin, je me réjouis donc de la concrétisation d'une mesure qu'Adrien Zeller défendait déjà il y a deux décennies et qu'Yves Bur, il y a quelques années, a tenté de faire aboutir, en vain.

Je salue le travail du rapporteur, même si tout n'est pas parfait. Je regrette notamment l'impossibilité d'instaurer un contrôle automatisé. Mais ne retardons pas l'application d'une mesure tant attendue. D'autant que la CEA bénéficiera d'une grande souplesse de mise en oeuvre.

Cette expérience alsacienne constituera un test avant l'extension du dispositif aux régions volontaires, prévue par la loi 3DS.

Certes, les transporteurs locaux risquent d'être pénalisés et des reports vers les axes secondaires gratuits sont inéluctables. Mais le dialogue, j'en suis sûr, permettra de trouver des solutions pragmatiques.

Le groupe UC votera cette avancée importante pour l'Alsace et pour la lutte contre le changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années », a écrit Corneille. On ne peut pas en dire autant des réformes territoriales de ces dernières années : loi Maptam, loi NOTRe, fusion des régions dont personne ne voulait.

M. André Reichardt.  - C'est bien vrai !

M. Jean-Claude Requier.  - Oui à la différenciation, non aux entorses à la République indivisible et à l'égalité devant la loi !

Le RDSE, qui avait voté contre la création de la CEA, partage les craintes des départements limitrophes. Le territoire de cette collectivité n'est pas le périmètre le plus pertinent pour la mise en oeuvre d'une telle taxe. Celle-ci devrait être instaurée à l'échelle nationale ou, à défaut, régionale, comme la loi Climat l'autorise désormais.

Ce texte ouvre la voie à un pouvoir fiscal local à géométrie variable, orientation à laquelle nous ne souscrivons pas.

L'Alsace subit depuis quinze ans un report de poids lourds consécutif à la mise en place par l'Allemagne de la LKW-Maut. Nous comprenons donc les impatiences. Mais une taxe ne fera que déplacer le problème si elle n'est appliquée que sur un territoire.

Il n'y aura pas de report modal vers le rail ou le fluvial, mais un transfert du trafic vers la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges. C'est pourquoi notre collègue Véronique Guillotin a demandé l'application concomitante de la taxe sur l'A31.

M. Olivier Jacquin.  - Bravo !

M. Jean-Claude Requier.  - Ne perdons pas de vue l'objectif essentiel : décarboner le secteur des transports. Le Conseil des prélèvements obligatoires recommande d'ailleurs d'affecter les recettes de fiscalité écologique aux investissements de transition écologique.

Reste que cette transition ne pourra pas reposer uniquement sur les impôts. Si l'écologie est toujours associée à la taxation ou à la punition, nous courons à l'échec !

Notre pays est très en retard pour le fret ferroviaire. Les trains circulent sur des voies qui remontent parfois au XIXe siècle... Si la taxe poids lourds est appliquée, faut-il encore qu'elle suffise à renverser l'avantage compétitif du mode routier.

Puisque les Alsaciens souhaitent se différencier sur cette compétence, nous ne les en empêcherons pas. Mais nous maintenons que ni l'aménagement du territoire ni l'écologie n'en sortiront gagnants. Nous nous abstiendrons donc.

M. Olivier Jacquin .  - Cette ratification, sous ses dehors techniques, est un enjeu bien politique.

Enfin, nous voyons l'application en France du principe du pollueur-payeur, dans un paysage fait de bonnets rouges, de gilets jaunes et de séparatistes alsaciens. (M. André Reichardt s'exclame.)

Au moment où le Parlement européen vote la possibilité de taxer le transport routier, Karima Delli nous apprend que le Gouvernement a obtenu un délai exceptionnel de huit ans... Qu'en penser, du point de vue de nos objectifs climatiques ?

Les Allemands, plus sensibles que nous au changement climatique, ont mis en place une écotaxe dès 2005.

Je salue la ténacité des Alsaciens depuis dix-sept ans. L'écotaxe est nécessaire face à des reports de trafic insupportables. Son parcours a été semé d'embûches, de promesses gouvernementales dédites et de trahisons.

Le texte instituant la CEA, nouveau nom d'un beau département avec peu de compétences,...

M. André Reichardt.  - Eh oui...

M. Olivier Jacquin.  - ... résulte de l'impossibilité de lever une écotaxe nationale. Mais c'est un ferment de division de la région Grand Est, ce que prouvent les déclarations sécessionnistes du président de cette collectivité.

M. André Reichardt.  - « Sécessionnistes » ? C'est scandaleux !

M. Olivier Jacquin.  - Le Premier ministre lui-même a tenu des propos clivants sur le sujet, à Strasbourg, en janvier 2021.

Le trafic se reportera du sillon rhénan vers le sillon lorrain. Vous aviez pourtant accepté l'application concomitante de l'écotaxe sur l'A31. Sans cette mesure, il faudrait être fou pour ne pas préférer la Lorraine gratuite, surtout avec les carburants low cost du Luxembourg, pour un trajet Hambourg-Lyon. Regardez sur n'importe quelle application de guidage...

Finalement, l'écotaxe lorraine est différée, dans l'attente d'une évaluation des reports.

Monsieur le rapporteur, vous avez su entendre nos arguments en première lecture ; vous n'avez pas méprisé notre démarche en déclarant nos amendements irrecevables, et je vous ai loué pour cela. Mais, à présent, en appelant au vote conforme, vous volez le débat et spoliez les Lorrains ! (M. André Reichardt s'exclame.)

Mme Catherine Belrhiti.  - Tout à fait !

M. Olivier Jacquin.  - Le groupe SER votera donc contre ce texte.

M. le président.  - Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Jacquin.  - Déjà plus de 200 collectivités de Meurthe-et-Moselle ont adopté une motion réclamant l'écotaxe. Nous demandons aussi des travaux sur l'A31. Le ministre des transports doit nous recevoir !

M. Ludovic Haye .  - Il aura fallu prendre son mal en patience, mais nous voici enfin sur le point de franchir un pas décisif.

Je salue l'esprit de coconstruction du rapporteur, qui a travaillé dans un esprit bienveillant avec la majorité de l'Assemblée nationale. Il faut dire que le sujet dépasse les logiques partisanes.

Nous le savons tous, les autoroutes alsaciennes sont surchargées et dangereuses : 16 500 poids lourds traversent Strasbourg tous les jours. Les accidents ne cessent de défrayer la chronique. Tout récemment encore, l'A35 a été coupée pendant cinq heures à la suite d'un carambolage à Sausheim.

L'écotaxe désengorgera les autoroutes alsaciennes, mais il faudra patienter encore, jusqu'à la fin 2024. En effet, il reste beaucoup de travail pour déterminer les modalités du dispositif, veiller à son acceptabilité, consulter les transporteurs alsaciens.

Les apports bénéfiques de la Haute Assemblée ont été largement conservés : augmentation de certaines amendes, mise en place d'un comité de concertation entre collectivités territoriales, notamment. L'Assemblée nationale a aussi procédé à quelques rectifications, s'agissant notamment des véhicules légers, très utilisés par les transporteurs locaux.

Il faut maintenant aller vite. Le vote conforme nous convient donc. Les caravanes de camions qui perturbent la vie des Alsaciens doivent cesser ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC et sur la plupart des travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Guerriau .  - Le travail mené sur ces ordonnances démontre la nécessité des ratifications.

Le dispositif a été considérablement enrichi. L'Assemblée nationale n'a pas modifié l'âme que le Sénat a insufflée au texte, même si nous regrettons la suppression de certaines dispositions.

Un rapport évaluera les effets de l'écotaxe alsacienne sur les régions limitrophes. Mais ensuite, comment y remédiera-t-on ? La vigilance s'impose à cet égard.

Ce projet de loi n'est pas parfait, mais il est équilibré et comporte des avancées notables. Nous suivrons donc le rapporteur, dans une démarche de pragmatisme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur la plupart des travées du groupe Les Républicains)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le rapporteur pour son écoute attentive des élus locaux. Je suis très favorable à la ratification de cette ordonnance, attendue de longue date en Alsace.

Ce texte répond à des enjeux locaux et à une forte attente de la population ; il prend en compte les spécificités locales dans une logique de différenciation.

Il donnera à la CEA les moyens d'exercer pleinement ses compétences. Celle-ci pourra ainsi répondre au problème d'encombrement du sillon rhénan depuis la mise en place de la taxe allemande, en 2005. Du fait de la situation actuelle, les infrastructures sont dégradées et l'accidentologie élevée.

La population attend cette solution depuis dix-sept ans. Adrien Zeller l'avait appelée de ses voeux. En 2005, Yves Bur avait fait adopter par l'Assemblée nationale un dispositif identique, malheureusement inappliqué. Nous y sommes donc - enfin !

Je salue certaines avancées, comme la possibilité du ticketing pour les redevables occasionnels, mais je regrette que l'anticipation de la directive Eurovignette ait été abandonnée.

Pour être appliqué rapidement, ce texte doit être voté dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il marque un progrès vers la différenciation, quelques jours après le vote d'une loi 3DS dont nous regrettons le manque d'ambition. En la matière, l'Alsace attend d'autres avancées, par exemple sur les ligues sportives. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et sa bienveillance.

Pour la sénatrice du Bas-Rhin et conseillère d'Alsace que je suis, ce moment est important : l'instauration d'une taxe poids lourds est espérée depuis 2006. Cette mesure ouvre la voie à une régulation optimale du trafic routier par la CEA. Je salue tous les élus locaux qui ont fait avancer ce dossier.

Nous ne pouvons donc être que satisfaits de ce texte, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Dans le respect du cadre européen, la CEA disposera de latitudes pour moduler la taxe : tonnages et catégories de véhicules concernés, modulation en fonction des saisons, majoration pour les coûts externes, exonérations.

L'intention de la collectivité n'est évidemment pas d'obtenir une recette fiscale supplémentaire, mais d'assurer une gestion raisonnée des flux routiers et de financer l'entretien de la voirie dans une logique d'utilisateur-payeur

Le débat parlementaire a amélioré les ordonnances sans en changer l'esprit. La CEA est prête pour mettre en oeuvre ce dispositif, qui servira de test pour d'autres régions. Laissons-le faire ses preuves ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.)

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Enfin, ce texte parvient au bout de son parcours législatif. Je salue le vote unanime des députés, feu vert à la mise en oeuvre de l'écotaxe alsacienne.

En première lecture, le Sénat a enrichi le texte qui s'inscrit dans la dynamique de différenciation. Je me réjouis que la CEA puisse expérimenter une solution nouvelle.

L'écotaxe est attendue par les Alsaciens, victimes du report du trafic routier allemand. J'entends les craintes de nos amis lorrains. Mais les apports du Sénat, en particulier le comité de concertation et le rapport d'évaluation, y répondront.

Ce texte ouvre la porte à des dispositifs similaires dans d'autres régions. Je souhaite que le Sénat soutienne largement cette expérimentation ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER BIS A (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante

I.  -  Au 2° de l'article 2 de l'ordonnance n°2021-659 du 26 mai 2021 précitée, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 2,5 ».

II.  -  Le I entre en vigueur au plus tard six mois après l'entrée en vigueur de la révision de la directive 1999/62 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

M. Olivier Jacquin.  - Il s'agit de rétablir une avancée significative de première lecture, en anticipant la transcription de la directive européenne sur le fléau des véhicules utilitaires légers (VUL). Cet article avait été adopté à l'unanimité au Sénat : pourquoi l'Assemblée nationale l'a-t-elle supprimé ? C'est pourtant l'objet de la révision de la directive. Amis alsaciens, vous allez prendre du retard avec ce vote conforme.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - La commission n'y est pas opposée sur le principe, mais propose un vote conforme qui préserve certains apports du Sénat. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, pour les motifs déjà exposés à l'Assemblée nationale. Il s'agit de préserver la qualité et la lisibilité de la norme française en n'anticipant pas la révision de la directive. Par ailleurs, les distorsions de concurrence entre VUL et poids lourds ont été réduites par le paquet Mobilité.

M. André Reichardt.  - Je regrette cette suppression de l'Assemblée nationale. Ces véhicules doivent aussi être concernés par la taxe. Je suis désolé, monsieur Jacquin, j'aurais voulu vous rejoindre, mais le calendrier nous impose un vote conforme.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Les articles premier quinquies, premier sexies, premier septies, premier decies, premier terdecies A, premier terdecies B, premier quaterdecies et premier sexdecies sont successivement adoptés.

ARTICLE PREMIER SEPTDECIES

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

. Ce rapport

par les mots :

ainsi qu'un rapport d'étape au plus tard deux ans après la mise en oeuvre de cette taxe. Ce rapport d'étape

M. Olivier Jacquin.  - Vous craigniez un retard : c'est pourquoi nous avions proposé d'évaluer la taxe alsacienne avant de l'étendre à d'autres régions. Mais vous le refusez, pour gagner quelques jours, alors qu'une CMP aurait pu être organisée avant la suspension de travaux du Parlement.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous n'étions pas priori opposés à ce rapport d'étape. Cependant, nous avons trouvé un compromis avec l'Assemblée nationale, en réduisant le délai de remise du rapport du Gouvernement de cinq à trois ans.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avis défavorable également : l'équilibre trouvé est le bon.

M. Olivier Jacquin.  - Je demande un scrutin public pour obtenir une expression claire sur le report de l'écotaxe.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°103 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption   66
Contre 248

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier septdecies est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER SEPTDECIES

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En fonction des conclusions du rapport d'étape mentionné à l'article 61 de l'ordonnance n°2021-659 du 26 mai 2021 précitée, une taxe applicable aux véhicules de transport de marchandises qui utilisent l'autoroute A31 est instituée au plus tôt, sauf si un dispositif régional est mis en place avant la publication du rapport susmentionné.

Un décret détermine le régime juridique et les conditions d'application de cette taxe.

M. Olivier Jacquin.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En fonction des conclusions du rapport mentionné à l'article 61 de l'ordonnance n°2021-659 du 26 mai 2021 précitée, une taxe applicable aux véhicules de transport de marchandises qui utilisent l'autoroute A31 est instituée au plus tôt, sauf si un dispositif régional est mis en place avant la publication du rapport susmentionné.

Un décret détermine le régime juridique et les conditions d'application de cette taxe.

M. Olivier Jacquin.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Belrhiti.

Après l'article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En fonction des conclusions du rapport mentionné à l'article 61 de l'ordonnance n°2021-659 du 26 mai 2021 précitée, la région Grand Est est autorisée à instaurer une taxe applicable aux véhicules de transports de marchandises qui utilisent l'autoroute A 31.

Un décret fixe le régime et les conditions d'application de cette taxe.

Mme Catherine Belrhiti.  - Le report sur l'A31 est inéluctable, n'en déplaise à nos collègues alsaciens. Or cette autoroute est déjà saturée, avec d'importantes nuisances. Il nous faut aussi une taxe en Lorraine, sans attendre les deux ans de la loi Climat. D'où cette demande de rapport.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois amendements, pour quatre raisons principales : la loi Climat prévoit déjà une telle taxe pour les régions volontaires ; ne confondons pas vitesse et précipitation : prenons le temps d'élaborer un dispositif co-construit avec l'État ; cet amendement ne respecte pas la répartition constitutionnelle des domaines législatif et réglementaire ; le calendrier nous impose un vote conforme.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Cela sera traité, à l'été 2022, dans le cadre de l'ordonnance prévue par la loi Climat.

M. André Reichardt.  - J'assure M. Jacquin et Mme Belrhiti de mon regret de ne pouvoir poursuivre la discussion. L'ordonnance prévue par la loi Climat apportera des réponses aux Lorrains et aux Mosellans. Je ne me déroberai pas, en tant qu'élu alsacien, et je m'associerai volontiers à vos efforts en faveur d'une éventuelle réécriture de cette ordonnance dès l'été. Soyez assurés de notre solidarité.

M. Christian Klinger.  - Voilà dix-sept ans que nous attendons la mise en place de cette taxe. Chers collègues, comptez sur les élus alsaciens pour vous soutenir en cas de déport du trafic.

M. Olivier Jacquin.  - Je voterai l'amendement de Mme Belrhiti, similaire au mien. Nous perdons une bataille. Je ne vois pas comment nous pourrions réécrire l'ordonnance au cours de l'été.

Mme Catherine Belrhiti.  - En Moselle, voilà trente ans que nous réclamons une A31 bis ! Qui peut encore douter de nos difficultés et de la réalité du report de trafic ? Je remercie mes collègues alsaciens pour leur compréhension.

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos2 et 1 rectifié bis.

Les articles premier octodecies, premier novodecies, 4 et 5 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. André Reichardt .  - Je regrette les suppressions substantielles opérées par l'Assemblée nationale. Dommage aussi que nous ne puissions poursuivre nos travaux sur la Lorraine et la Moselle, mais le vote conforme nous bride. Après dix-sept ans d'attente, nous devons maintenant définir les modalités de mise en oeuvre de la taxe : cela ne sera pas simple.

Une votation sur la pérennité de la CEA dans la région Grand Est s'est achevée hier. Monsieur Jacquin, cela n'a rien d'une démarche sécessionniste : nous voulons simplement retrouver notre région Alsace.

Votons ce texte au plus vite.

M. Jacques Fernique .  - Notre unique amendement de première lecture visait à réduire le délai d'instauration de la taxe de six à trois ans. J'espère que nous saurons être réactifs et efficaces dans la suite des opérations et que le dispositif élaboré sera transférable. Nous serons pionniers. (M. André Reichardt applaudit.)

M. Olivier Jacquin .  - Ce vote conforme est une spoliation pour les Lorrains. Nous ne baisserons pas les bras et poursuivrons la bagarre pour l'environnement et la justice.

L'article 32 de la loi Climat a constitué une grande avancée. Avec le vote de la loi 3DS, des expérimentations seront possibles dans les régions frontalières subissant des reports de trafic.

Tous les élus de Meurthe-et-Moselle ont écrit au Premier ministre, pour que l'A31 soit modernisée et élargie très rapidement.

À la demande du GEST et du groupe SER, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°104 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l'adoption 247
Contre   66

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur.  - Monsieur Jacquin, nulle spoliation ! Merci à M. le président pour sa confiance, ainsi qu'à Mme la ministre.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Madame la ministre, merci pour votre engagement. Merci à Jean-Claude Anglars pour son travail, son esprit d'initiative et son talent de négociateur. Je salue aussi le travail décisif de notre collègue Philippe Tabarot sur la loi Climat. (Applaudissements)