SÉANCE

du mercredi 20 juillet 2022

5e séance de la session extraordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Feux de forêt (I)

M. Pascal Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP) Depuis plusieurs jours, deux incendies dévastent la Gironde. Le nombre d'hectares brûlés représente déjà deux fois plus que l'ensemble des feux de forêt en 2021. Je salue le président Larcher, venu dimanche soutenir nos pompiers. (Applaudissements nourris) Nos sapeurs-pompiers et nos élus locaux méritent toute notre reconnaissance.

Ces feux ravagent toute l'Europe. Avec le réchauffement climatique, le risque va s'intensifier. Les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable ont lancé une mission d'information. Nos propositions seront nombreuses : renforcer les moyens aériens, tenir compte d'une recrudescence du risque incendie dans le Nord, améliorer le recrutement des sapeurs-pompiers, renforcer le financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) par l'État, renforcer l'obligation légale de débroussaillement, sensibiliser les Français, modifier le droit de l'urbanisme, améliorer la gestion forestière...

L'heure est très grave et nécessite une mobilisation générale. Une réflexion interministérielle, associant les élus locaux, a-t-elle été lancée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - J'apporte tout mon soutien à nos concitoyens dont la vie a été bouleversée et salue les acteurs de la protection civile qui opèrent dans des conditions très difficiles, parfois au péril de leur vie. Dans notre modèle de sécurité civile, la solidarité nationale est essentielle et elle fonctionne, avec 1 200 personnels en renfort en Gironde.

Je salue aussi les élus locaux, départementaux et communaux, qui sont des acteurs majeurs de la lutte contre les incendies. Les réflexions de votre mission d'information seront très utiles à nos travaux futurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Feux de forêt (II)

M. Jérémy Bacchi .  - La sécheresse est le combustible idéal des feux de forêt. Dans les Bouches-du-Rhône, comme dans le Finistère et en Gironde, les pompiers font face avec beaucoup de courage. Je pense aussi à ceux qui ont beaucoup perdu dans les flammes.

Nous avons besoin d'une gestion publique des forêts, comme l'avait déjà souligné notre ancien collègue Louis Minetti. Or l'Office national des forêts (ONF) voit ses effectifs diminuer. Autrefois, le pastoralisme favorisait cette gestion durable des forêts. Il faut dorénavant trouver des solutions adaptées à chaque région, en concertation avec les acteurs locaux.

Le risque est désormais partout et l'on ne peut plus transférer les moyens de lutte d'un département à l'autre. A-t-on suffisamment de Canadairs ? Ne faut-il pas rappeler les 5 000 pompiers non vaccinés suspendus ? Pourquoi ne pas créer une cellule de crise transpartisane associant les acteurs locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue tous les pompiers et riverains concernés. Le Président de la République sera à leurs côtés dès cet après-midi. À chaque feu, c'est un écosystème et un puits de carbone qui sont détruits.

La prévention a montré son efficacité, mais le réchauffement climatique change la donne. Nous devons adapter et étendre nos moyens, avec notamment les 200 plans de prévention des risques incendie de forêt et la politique « défense de la forêt contre les incendies » du ministère de l'agriculture. Le débroussaillement n'est pas toujours correctement réalisé. C'est pourquoi nous avons lancé, en mars 2022, deux missions d'inspection pour actualiser notre politique et rendre plus efficaces les obligations.

Certes, le changement climatique est en cause, mais n'oublions pas que 90 % des feux de forêt sont d'origine humaine, par négligence ou malveillance. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) La protection de nos forêts nous concerne tous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Bilan de Parcoursup

Mme Nicole Duranton .  - Comme chaque année, les utilisateurs de Parcoursup sont inquiets. Les lycéens peuvent formuler jusqu'à trente voeux non classés. Des commissions d'examen des voeux se réunissent ensuite, sans algorithme de sélection unique ; la Cour des comptes a toutefois suggéré en 2020 que les algorithmes locaux soient publiés.

Les lycéens ont quatre jours pour réagir à une proposition de la plateforme et doivent donc rester vigilants tout au long de la procédure. Les premières réponses sont tombées le 2 juin. Le 23 juin, les lycéens ont pu formuler dix nouveaux voeux, mais certains ont attendu jusqu'au 15 juillet pour être affectés.

À cette date, 86 % des lycéens de terminale et 71,6 % des étudiants en réorientation avaient reçu une proposition. C'est mieux qu'en 2021...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ah !

Mme Nicole Duranton.  - ... mais 94 187 jeunes sont toujours sans affectation. Depuis lundi, les recteurs se mobilisent auprès d'eux, car 100 000 places, dans 6 000 formations, sont encore vacantes.

Depuis 2018, la plateforme s'améliore chaque année et le nombre d'élèves qui abandonnent leurs études après le bac n'a pas augmenté.

Quel est le bilan de la phase principale de Parcoursup ? Comment les rectorats accompagnent-ils les jeunes sans proposition ? Quelles améliorations envisagez-vous pour l'an prochain ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Parcoursup a cinq ans. Pour ne laisser personne au bord du chemin, nous devons être en amélioration continue.

Parcoursup, ce n'est pas qu'un outil, c'est aussi un accompagnement humain (marques d'ironie sur les travées du groupe SER) et je tiens à remercier les personnels des lycées et des rectorats.

La phase principale s'est terminée le 15 juillet, mais la phase complémentaire se poursuit jusqu'en septembre. Neuf élèves de terminale sur dix et 79 % des étudiants en réorientation ont eu au moins une proposition. Entre 2018 et 2020, le taux de réussite en licence est passé de 40 à 45 % et le taux de boursiers de 20 à 25 %. Depuis le 1er juillet, tous les lycéens sans affectation ont été contactés par téléphone afin de les inciter à solliciter la commission d'accès à l'enseignement supérieur.

L'amélioration doit se poursuivre, avec un renforcement de l'information sur les débouchés des formations et la prise en compte d'une note du baccalauréat dans un souci d'objectivité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Feux de forêt (III)

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre maison brûle sous nos yeux : 20 000 hectares de forêt détruite par deux feux hors norme, 36 000 personnes évacuées. Le drame humain, économique et environnemental est immense. La Gironde est ravagée. Je rends hommage aux pompiers et aux invisibles qui luttent, tout comme au président du Sénat pour sa visite. (Applaudissements) Mais les visites ministérielles éclair sont contre-productives...

Notre département ne dispose d'aucun Canadair - ils ont mis douze heures à venir de Nîmes -, alors qu'autrefois certains étaient stationnés à Mérignac. Aujourd'hui, une entreprise privée gère des avions du siècle passé. Pourquoi ne pas relocaliser au moins deux Canadairs dans le sud-ouest ? Pourquoi ne pas créer un secrétariat d'État dédié ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Nous vivons tous au rythme de ces incendies. Je m'associe aux hommages rendus aux pompiers, mais aussi aux militaires, gendarmes et policiers et aux élus.

L'engagement du Gouvernement est total, avec vingt-et-un avions - douze Canadairs, six Dash, trois Beach -, la plus grande flotte européenne. Le budget de la sécurité civile a augmenté de 44 % sur le précédent quinquennat.

L'heure n'est pas à la polémique, mais à la solidarité. (Protestations véhémentes et brouhaha sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Il n'y a pas de polémique !

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - La difficulté est que le feu en Gironde a touché plus de 20 000 hectares. Des moyens militaires sans précédent sont mobilisés. Le ministre Darmanin l'a rappelé : notre priorité est la protection des Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hervé Gillé.  - Ce drame aurait mérité une réponse de la Première ministre. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Il faut une nouvelle loi de programmation d'ici à l'été prochain, quoi qu'il en coûte. Les populations brisées attendent vos propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Zéro artificialisation nette

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La semaine dernière, répondant à Mme Gatel sur les décrets d'application de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN), vous avez reconnu un certain « manque de pédagogie et d'accompagnement » à l'égard des élus locaux, formule quelque peu paternaliste.

Il y va pourtant de l'avenir de nos territoires ruraux qui manquent d'attractivité, faute de pouvoir accueillir de nouveaux habitants. Quelle frustration, à l'heure du renouveau de la vie rurale ! C'est aussi un manque à gagner pour les petites communes, dont certaines risquent de passer sous la barre des 5 000 habitants, comme en Lozère. Après avoir affirmé que les décrets pourraient être réécrits, pouvez-vous nous donner un calendrier ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Vingt mille hectares, c'est l'étendue des incendies en Gironde, mais c'est aussi l'augmentation annuelle de l'artificialisation des sols. Je salue le courage de ceux qui ont voté la ZAN (à droite, on réclame les décrets) ; l'artificialisation des sols conduit à perdre en biodiversité et à accentuer le réchauffement climatique.

M. François Patriat.  - C'est vrai !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Lors de nos concertations, de l'association des maires de France (AMF) à l'association des régions de France (ARF) en passant par Ville et Banlieue, toutes les organisations ont évoqué la ZAN. Nous allons rouvrir le dialogue sur les modalités, mais sans remettre en cause l'objectif. Je rencontrerai la présidente Primas prochainement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus. - Excellent !

Mme Guylène Pantel.  - Les maires attendent des actes.

Adaptation de nos forêts au changement climatique

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Si les engagements des États lors de la COP de Glasgow sont tenus, le climat se stabilisera en 2050 avec une hausse de 2,3 °C par rapport à l'ère préindustrielle, soit 4 °C supplémentaires en France, plus du double du réchauffement actuel.

Dans les années 2050-2060, nous couperons les pins replantés après les incendies. Ils pousseront donc dans un univers inconnu.

Monsieur le ministre, comment allez-vous débattre avec les acteurs de la forêt ? Il faut changer le modèle d'exploitation de nos forêts. Nous rendons hommage aux pompiers, mais le sujet va au-delà de la sécurité civile : nous avons besoin de la recherche publique et des agents de l'État. Quand mettrez-vous fin à la baisse des postes de l'ONF ? (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Un moratoire sur la suppression de 95 postes serait un premier pas. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - En ce moment, 2 300 sapeurs-pompiers se battent contre le feu. Le réchauffement climatique provoque la sécheresse des sols et accroît la vitesse de propagation des incendies. Mais, dans 95 % des cas, les départs de feu sont d'origine humaine. (Murmures sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame ; M. Alain Richard applaudit.)

De nombreuses forêts ont été plantées avant les changements climatiques actuels. Des recherches sont menées pour diversifier les essences.

Avec le ministre de l'Agriculture, nous venons de faire des propositions au président de l'ONF. Mais n'oublions pas que 75 % de la forêt française est privée. (M. Loïc Hervé proteste.) Il faut dialoguer avec tous les propriétaires sur la diversification et la lutte contre les feux. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Agrivoltaïsme

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le groupe INDEP s'associe aussi à l'hommage aux sapeurs-pompiers.

Nos cultures ont soif, nos bêtes ont chaud, nos agriculteurs souffrent, notre souveraineté alimentaire est en danger, notre modèle est remis en cause. Nous ne pouvons aller de plans d'urgence en indemnisations.

Pourtant l'agrivoltaïsme est une solution, qui répond à tous les défis : production d'électricité, amélioration des revenus agricoles, maîtrise de l'artificialisation des sols... Une proposition de résolution de MM. Longeot et Moga, et une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool ont été déposées en ce sens, l'agriculture demeurant l'activité principale.

Quand lèverez-vous les blocages administratifs que constituent le code de l'urbanisme et la suppression des aides PAC en cas de production d'électricité durant plus de quinze jours ? Ces installations sont sans danger pour l'environnement et représentent un réel espoir pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Merci de cette question, qui me permet de rendre hommage au travail du Sénat. L'agrivoltaïsme est porteur d'espoir pour la lutte contre le réchauffement climatique, pour la recherche de revenus complémentaires pour les agriculteurs, pour la protection des sols et pour la simplification de nos procédures administratives.

Il y a urgence climatique, mais il y a aussi urgence pour nos agriculteurs. Il y va de notre souveraineté agricole, mais aussi énergétique. Je donnerai les instructions nécessaires à notre administration. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Feux de forêt (IV)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis dix jours, deux gigantesques feux ravagent la Gironde. Je rends hommage aux soldats du feu et aux maires.

Chaleur, sécheresse et vents entraînent des feux exceptionnels et très dynamiques. L'État doit adapter son dispositif de lutte contre les incendies aux évolutions climatiques. Aujourd'hui, 31 % du territoire boisé métropolitain est concerné par les feux de forêt ; or les moyens des SDIS sont insuffisants. Ils n'ont pas évolué depuis vingt ans, alors que la Gironde a gagné 400 000 habitants. Il faut suffisamment de bombardiers d'eau, proches des départs de feux.

La prévention est vitale et nécessite des investissements à la charge des forestiers. Les sylviculteurs du Sud-Ouest sont les seuls à payer la taxe Défense des forêts contre l'incendie (DFCI).

Quels moyens le Gouvernement mobilisera-t-il contre les incendies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - Ces feux sont d'une ampleur exceptionnelle. (Voix à droite : « Où est la Première ministre ? » ; « Sur son téléphone ! »)

En juin, déjà plus de 27 000 hectares de forêt et 23 000 hectares de cultures avaient brûlé. Le Gouvernement apporte son soutien à tous les acteurs concernés : les citoyens, les élus et les sapeurs-pompiers.

En Gironde, près de 36 000 habitants ont été évacués. Deux mille pompiers et 200 forestiers sont mobilisés, ainsi que 1 222 renforts nationaux. Six Canadairs et deux Dash sont sur place. Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur sont en Gironde cet après-midi afin de faire le point sur la situation et d'adapter les moyens nécessaires. L'État, les collectivités et toutes les forces vives de la Nation sont mobilisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Florence Lassarade.  - Ma question porte sur l'avenir. Comment proportionnera-t-on les moyens au changement climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Multiplication des attaques à l'arme blanche

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En septembre 2020, monsieur le garde des Sceaux, vous avez déclaré : « Notre pays n'est pas un coupe-gorge ».

Hélas, depuis deux mois, une succession de meurtres à l'arme blanche vous fait mentir, de Marseille, où un médecin militaire a perdu la vie, à Metz et Amiens en passant par Trappes et Montpellier, jusqu'au meurtre, à Angers, de trois jeunes Wallisiens ayant porté secours à une femme agressée sexuellement.

Devant la multiplication de ces faits, le Gouvernement se complaît dans le déni et l'émotion de routine. Il contribue à leur banalisation en refusant de les nommer pour ce qu'ils sont : non des faits divers ou, comme l'a dit le Président Macron, de simples « incivilités », mais des actes barbares.

Il ne s'agit ni de stigmatiser ni de prétendre détenir une baguette magique. Mais les familles ne se résignent pas à ce que la vie de tout un chacun puisse être aussi facilement fauchée. Que leur répondez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - L'émotion rend les mots dérisoires. Ces mots, pourtant, il faut bien que je les prononce pour répondre à votre légitime question.

Après Angers, les familles et 400 anonymes se sont rassemblés ; tous ont souhaité qu'il n'y ait aucune récupération politique. Je ne vous fais aucun procès à cet égard : nous savons que vous n'êtes pas l'extrême droite.

Les chiffres, eux aussi, sont dérisoires. Ils montrent toutefois que, depuis de nombreuses années, le nombre de meurtres est à peu près stable.

Cela ne nous conduit pas au fatalisme. Nous avons, d'abord, recruté davantage de policiers, de magistrats et de greffiers. Ensuite, avec le code de justice pénale des mineurs, la réponse est désormais plus rapide.

Quelle réponse apporter aux familles ? Une réponse judiciaire, rendue par nos compatriotes s'agissant d'un procès aux assises.

En 2000, le taux des peines fermes était de 28 % ; il est aujourd'hui de 36 %. Au cours de la même période, le quantum moyen est passé de six à plus de neuf mois ferme. Notre pays est ainsi l'un des plus sévères d'Europe. Depuis un an, la durée moyenne d'emprisonnement a augmenté de 11 %.

Pour tordre le cou aux idées fausses qui font le lit de l'extrême droite, j'ai créé un Observatoire des peines d'emprisonnement. Je tiens toutes les données produites à votre disposition.

Merci de m'avoir permis de m'exprimer sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Stéphane Piednoir.  - La sécurité est la première des libertés. Or, dans notre société déliquescente, le règlement de comptes à l'Opinel et l'indifférence à la mort de l'autre sont monnaie courante. Il faudra beaucoup de courage pour restaurer l'autorité républicaine. Nous comptons sur vous pour le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Fiscalité du SDIS

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Plusieurs questions portent sur les récents feux de forêt. J'apprécierais que Mme la Première ministre réponde à la mienne, qui n'est nullement polémique. (Applaudissements sur des travées du groupe SER)

La France est en proie à de terribles incendies - j'ai une pensée particulière pour la Gironde, où la situation est dramatique. Je rends hommage à l'engagement remarquable de nos sapeurs-pompiers et de l'ensemble des acteurs de terrain.

Ces prochaines années, le risque va s'accroître, dans le temps comme dans l'espace. Les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d'ici à 2050. L'été que nous vivons ne fait que renforcer le poids des alertes scientifiques.

Dès lors, comment justifier que les SDIS soient soumis au malus écologique sur des véhicules indispensables à leurs interventions ? Et qu'ils soient assujettis à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont l'armée, par exemple, est exonérée ?

La lutte contre le changement climatique nécessite des investissements massifs pour accompagner les territoires. Le volontariat de nos sapeurs-pompiers, rémunérés seulement 9 euros de l'heure, ne sera pas une réponse suffisante à long terme.

Face à l'aggravation des aléas climatiques, allez-vous recourir à la solidarité nationale pour le financement des SDIS ? Dans mon département, les moyens aériens sont anciens... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE et du GEST)

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - La crise actuelle, d'une ampleur exceptionnelle,... (Protestations à gauche)

M. Rachid Temal.  - Où est Mme Borne ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - « Ces gens-là »...

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée.  - ... mobilise fortement les moyens de lutte contre les incendies. Je m'en suis rendu compte dans le Gard il y a quelques jours. Les moyens déployés sont considérables, et la solidarité nationale joue à travers les renforts.

Vous soulevez légitimement la question du financement des SDIS. La loi du 25 novembre 2021 prévoit un rapport sur cette question, qui doit être remis au Parlement avant le 1er janvier prochain. Il devra comporter des prévisions de recettes et de dépenses et une analyse des critères de calcul des dotations versées à ces établissements. Il déterminera les besoins associés aux prestations versées aux sapeurs-pompiers et les conditions dans lesquelles une allocation de vétérance peut être accordée.

Ce rapport posera les bases de la réflexion que vous appelez de vos voeux. (M. François Patriat applaudit ; protestations à gauche.)

Mme Monique Lubin.  - Pendant ce temps, la forêt peut continuer de brûler...

Recapitalisation d'EDF (I)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La nationalisation d'EDF, aussi tonitruante qu'en soit l'annonce, ne répond pas aux difficultés du groupe.

D'abord, EDF, grevée d'une dette de 43 milliards d'euros, fait face à un mur d'investissements. Elle a perdu des sommes considérables avec la corrosion sous contrainte et le relèvement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'Arenh. Or il faut 65 milliards d'euros pour le grand carénage et 90 milliards d'euros pour les EPR.

Ensuite, les concessions hydroélectriques sont sous le coup d'un différend vieux de vingt ans avec la Commission européenne. Et que dire du principe du coût marginal, qui lie le prix de l'électricité à celui du gaz ?

Enfin, quel est le cap du Gouvernement en matière énergétique ? Il souhaite aujourd'hui relancer le nucléaire, mais il a fermé Fessenheim et le projet Astrid. Quant à l'hydroélectrique, le Gouvernement a dit tout et son contraire. Que de revirements et d'indécision...

Comment comptez-vous résoudre les difficultés d'EDF, qui mettent en péril notre souveraineté ? (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Exclamations ironiques à droite et sur certaines travées à gauche) Je suis toujours très sensible à l'accueil chaleureux que vous me réservez. (L'ironie redouble.)

M. Gremillet soulève des enjeux stratégiques pour notre Nation.

Le Président de la République a décidé la nationalisation d'EDF.

M. Bruno Sido.  - C'est la loi qui décide !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il s'agit d'accélérer le renforcement de notre indépendance énergétique. C'est aujourd'hui le défi le plus important pour notre pays.

Quelle sera la feuille de route donnée au groupe ? D'abord, produire plus, car nous sommes sous les 300 térawattheures, ce qui est insuffisant.

M. Rachid Temal.  - Vous êtes ministre depuis cinq ans !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La priorité est la remise en route des réacteurs arrêtés.

Ensuite, il faut réaliser le programme de six nouveaux réacteurs annoncé par le Président de la République au Creusot. Il faudra le faire vite et bien, conformément aux instructions de la Première ministre, qu'Agnès Pannier-Runacher et moi-même mettrons en oeuvre.

Enfin, il faut mettre un terme à l'absurdité du modèle européen, dans lequel le prix de l'énergie décarbonée est aligné sur celui des énergies fossiles.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il ne fallait pas l'adopter !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous voulons des résultats rapides sur ce sujet. La Commission européenne a commencé à bouger.

Notre stratégie énergétique tient en trois principes : plus de sobriété, plus d'énergies renouvelables et une confiance totale dans l'énergie nucléaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. François Bonhomme.  - Touché par la grâce !

M. Daniel Gremillet.  - Ici même, le 13 janvier 2021, la ministre de l'Énergie avait annoncé une loi spécifique sur EDF. (M. Fabien Gay renchérit.) Elle jugeait le débat parlementaire indispensable avant toute réforme...

On a légiféré en 1946, en 2004, en 2010. Aujourd'hui, on ne légiférerait plus ? C'est scandaleux... Notre politique de souveraineté énergétique ne peut se résumer à une OPA ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER)

Suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAV)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Madame la Première ministre, votre gouvernement veut supprimer la redevance, principale ressource des entreprises de l'audiovisuel public. Trois milliards d'euros sont en jeu.

Cette mesure est déconnectée de toute réflexion sur l'avenir du secteur, Mme Bachelot ayant fait le choix d'enterrer le débat sur la réforme engagée par son prédécesseur. Elle est déconnectée tout autant du contexte lourd et incertain de nos finances publiques.

De surcroît, cette suppression se joue dans une certaine opacité : nous venons de découvrir le rapport des inspections générales des affaires culturelles et des finances, mais tronqué...

La mesure redonnerait du pouvoir d'achat aux Français, mais on parle de lui substituer une part de la TVA, payée par tout le monde alors que cinq millions de foyers sont exonérés de la redevance.

Compte tenu de la complexité des enjeux, ne serait-il pas sage d'écouter le secteur et de reporter cette décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - L'audiovisuel public est le premier média des Français et le premier financeur de la création. Nous y sommes attachés et comptons l'accompagner dans ses mutations.

Avec la redevance, nous supprimons un prélèvement qui pèse sur 23 millions de Français. Mais nous ne supprimons pas le financement de l'audiovisuel public, encore moins son indépendance. Dans leur rapport, vos collègues Karoutchi et Hugonet jugent eux-mêmes la redevance « à bout de souffle », alors que de plus en plus de Français regardent la télévision sur d'autres écrans. Par ailleurs, la redevance ne suffit pas, puisque l'État la complète chaque année à hauteur de 600 millions d'euros.

Il s'agit de maintenir l'indépendance et le financement de notre audiovisuel public. Cette indépendance demeure pleine et entière : les dirigeants de l'audiovisuel public sont nommés par l'Arcom et le Gouvernement n'a aucun moyen d'interférer dans le choix des programmes.

Nous proposons un nouveau mode de financement, avec des garanties : compensation à l'euro près, versement intégral en début d'année, visibilité pluriannuelle renforcée.

Nous en discuterons avec le Parlement. Notre ligne est claire : redonner du pouvoir d'achat aux Français, tout en assurant le financement de l'audiovisuel public dans le respect de son indépendance. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Vous cherchez à être rassurante ; nous vous en remercions. Mais il n'y a aucune urgence à faire cette réforme, alors que nous ne disposons pas de toutes les études sur ses conséquences.

Toutes les garanties d'indépendance et de prévisibilité des ressources ne sont pas apportées. La réforme envisagée affectera aussi le budget de l'État, alors qu'on nous dit que la cote d'alerte de la dette est atteinte.

Nous refusons un bricolage de dernière minute au détour d'un projet de loi de finances rectificative. Nous voulons participer à un travail collectif sérieux qui redonne du sens politique à cette réforme, en parlementaires responsables et constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, j'ai alerté dès 2019 sur le déclin de notre production agricole, qui favorise l'importation de produits ne respectant pas nos normes.

Après l'épisode de la covid, qui nous a fait redécouvrir l'intérêt d'une alimentation produite en France, et l'entrée en guerre de la Russie contre l'Ukraine, qui met en lumière l'intérêt de disposer d'une agriculture forte et protégée, nous pensions que vous aviez compris.

Vous vantez les bienfaits des clauses miroirs, rebaptisez le ministère de l'Agriculture en ministère de la Souveraineté alimentaire... Comment pouvez-vous, en même temps, ne pas vous opposer aux accords de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, CRCE et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La Commission européenne, dans le cadre de ses compétences en matière commerciale, a conclu un accord avec la Nouvelle-Zélande. Nous l'évaluons en détail, mais, en première analyse, il s'agit d'un bon accord. (Vives protestations sur de nombreuses travées)

D'abord, il facilitera l'accès de nos exportateurs au marché néozélandais.

M. Bruno Retailleau.  - Cinq millions d'habitants !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Ensuite, c'est l'accord de nouvelle génération le plus ambitieux en matière sociale et environnementale jamais conclu par l'Union européenne.

Enfin, cet accord protège nos filières agricoles sensibles. (Protestations sur de nombreuses travées)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'est faux !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Il faut arrêter...

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Il soutiendra nos exploitations agricoles et agroalimentaires, notamment en protégeant plus de 200 indications géographiques, ce qui est loin d'être anecdotique pour nos territoires.

Cet accord sera signé et ratifié par l'Union européenne dans le cadre de ses compétences, après approbation par le Parlement européen. Olivier Becht et moi-même vous le présenterons plus en détail, une fois l'approbation acquise. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent ; murmures sur de nombreuses travées)

M. Laurent Duplomb.  - J'en appelle à un sursaut national ! C'est pourquoi, madame la Première ministre, je m'adressais à vous...

M. Rachid Temal.  - Elle n'est pas là !

M. Laurent Duplomb.  - Arrêtons les injonctions contradictoires. On ne peut pas accabler notre agriculture de critiques et de contraintes qui tuent sa compétitivité et, en même temps, la livrer à une concurrence déloyale. L'atrazine, interdite chez nous depuis 2003, est toujours autorisée en Nouvelle-Zélande ! (Bravos et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE)

Madame la Première ministre, réveillez-vous ! La France agricole se meurt. Si vous n'arrêtez pas le massacre, ce sera le blackout alimentaire. (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi que sur des travées du GEST et des groupes SER et CRCE ; M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)

Recapitalisation d'EDF (II)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mégafeux, pluies diluviennes, sécheresses, gelées, grêlons gros comme des boules de pétanque : autant d'effets du dérèglement climatique. Nous devons opérer une transition de civilisation, qui repose sur les énergies décarbonées.

La France dispose d'un atout maître : EDF. La propriété en sera bientôt entièrement publique, mais une OPA ne fait pas un projet industriel. Après cinq ans sans décision à la hauteur des enjeux, le Gouvernement reste muet sur sa stratégie pour l'entreprise.

Quel est votre projet industriel, social et environnemental pour EDF ? Avez-vous renoncé à son découpage, ce qui serait fort souhaitable ? Comment comptez-vous financer les investissements nécessaires ? Comment préserverez-vous le caractère public de nos concessions hydroélectriques ?

Une OPA prive les citoyens et le Parlement d'un débat national. Pour concrétiser vos nouvelles intentions de dialogue, allez-vous en passer par une loi spécifique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je partage ce que vous avez dit sur l'énergie nucléaire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Plusieurs voix à droite.  - Fessenheim !

Mme Laurence Rossignol.  - Et sur le reste ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous ne pouvons pas gagner la bataille du climat sans reconstruire des capacités nucléaires ! (On le conteste sur les travées du GEST ; marques d'ironie à droite.)

Le Président de la République a engagé la réalisation de six nouveaux réacteurs, et nous avons mis sur pied une Université des métiers du nucléaire pour redonner ses lettres de noblesse à la filière. Dans le cadre de France 2030, nous mobilisons des moyens importants pour rester à la pointe des technologies.

Oui, nous continuerons à défendre et à développer le nucléaire !

S'agissant du financement de notre opération sur EDF, qui représente 9,7 milliards d'euros, un compte d'affectation spéciale du Trésor sera créé.

Il n'y a pas de meilleure illustration de notre détermination à soutenir EDF et ses salariés dans les années qui viennent. Nous nous donnons les meilleurs moyens d'assurer la réussite de ce grand service public de l'énergie.

M. Rachid Temal.  - Quels moyens, concrètement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous apporterons 55 milliards d'euros pour les investissements dans les nouveaux réacteurs.

Sur le plan de la structure, nous avions un projet de réforme, qui ne consistait d'ailleurs pas à découper EDF. (Protestations à gauche ; M. Fabien Gay s'exclame.) La réforme Hercule est aujourd'hui caduque.

Nous voulons un nouveau départ pour EDF. La nationalisation est une première étape ; à la direction, avec l'État, de définir ses priorités.

M. Gérard Longuet.  - Au Parlement !

M. Franck Montaugé.  - De tergiversations en atermoiements, la France a perdu cinq ans.

M. Gérard Longuet.  - Vous voulez dire dix...

M. Franck Montaugé.  - EDF doit rester un groupe intégré, sous statut d'établissement public. Nous souhaitons la suppression de l'Arenh et la restructuration des tarifs de l'électricité sur la base du coût marginal complet à long terme.

Vous n'avez pas tout à fait répondu à mes questions. J'espère que nous aurons un débat au Parlement sur ce sujet de la plus haute importance ! Mme la Première ministre opine du chef, nous prenons donc rendez-vous... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Réforme du corps diplomatique

M. Damien Regnard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est par un décret, pris en catimini au coeur de l'été 2018, que le poison de la République des copains a commencé de se répandre. C'est ainsi qu'un romancier contemplateur du couple présidentiel, Philippe Besson, devait être nommé consul général à Los Angeles, au lieu d'une personne dont c'est le métier de représenter la France et nos compatriotes de l'étranger.

Depuis lors, ce poison ne cesse de miner notre diplomatie, qui pâtit d'une absence de vision et de concertation. Depuis le début de l'année, j'ai visité près de trente postes diplomatiques ; partout, l'inquiétude monte.

Elle monte face à une réforme injuste et incompréhensible : la suppression du corps diplomatique. Après cinq ans d'une improvisation constante, vous avez décidé qu'on pouvait s'improviser aussi diplomate... Eh bien non : être diplomate, c'est une vocation et une carrière.

Plusieurs dizaines de diplomates attendent encore leur affectation pour la rentrée, signe de votre peu de considération pour eux. C'est l'image de la France qui est ternie, sa voix qui est affaiblie.

La France peut compter sur un réseau diplomatique solide, qui a su se diversifier. Elle est riche du savoir-faire de son corps diplomatique, dont l'expertise est respectée dans le monde. Si ce corps doit évoluer, cela doit se faire dans le respect et la concertation, sans esprit partisan.

Avez-vous conscience que cette réforme injuste renvoie une image désastreuse ? Comment comptez-vous permettre à notre diplomatie de poursuivre sa mission de manière professionnelle et sereine ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe SER ; Mmes Cathy Apourceau-Poly et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Jean-Louis Lagourgue, applaudissent également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci d'avoir rendu hommage aux agents du Quai d'Orsay, qui le méritent ; ils ont le sens du service public chevillé au corps. Leur mobilisation au service de notre pays et de nos compatriotes a été particulièrement appréciée lors des crises récentes.

Une partie de ces agents a fait grève le 2 juin dernier, dans un ministère qui n'est pas coutumier du fait.

M. Rachid Temal.  - C'est même historique !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Ma responsabilité est d'en tenir compte.

D'abord, je mettrai en oeuvre la réforme de la haute fonction publique en l'expliquant mieux, en montrant les opportunités qu'elle présente, en consolidant les garanties obtenues par Jean-Yves Le Drian et en démontant quelques contrevérités.

La mise en extinction des corps de ministre plénipotentiaire et de conseiller ne signifie pas l'extinction des métiers et carrières diplomatiques. Le Quai d'Orsay continuera à recruter les meilleurs profils, et les diplomates pourront y dérouler des carrières longues.

M. Jacques Grosperrin.  - Les amis, oui !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Ensuite, nous examinerons la question des missions et des moyens, dans un contexte international où les premières ne cessent de croître.

Enfin, nous lancerons une concertation, que je souhaite inclusive et positive, sur l'avenir de notre outil diplomatique. Nous aurons besoin de votre regard et de votre exigence. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)

Fonderie SAM en Aveyron

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, le Président de la République s'est félicité d'avoir créé 120 sites industriels et mis fin à la désindustrialisation de la France. Pourtant, c'est la conclusion inverse qui s'impose...

Le directeur de MH Industries vient de renoncer à déposer une offre de reprise de l'usine de l'ex-SAM à Viviez-Decazeville, en Aveyron, faute d'engagement de Renault et de sécurisation du financement. Les 333 salariés licenciés, les habitants et les élus se battent pourtant depuis des mois contre le démantèlement de l'outil de production et la fuite des savoir-faire.

Le bassin de Decazeville, par la volonté des collectivités territoriales, porte un projet industriel d'avenir. MH Industries proposait de vraies perspectives. Pourquoi l'État n'est-il pas au rendez-vous ?

Hier, monsieur le ministre, vous avez fait une déclaration qui n'est pas acceptable pour un représentant de l'État, actionnaire de Renault. Vous allez me répondre que l'équation économique est peu viable et que les anciens salariés sont accompagnés. Mais ne nous dites pas que les perspectives de réindustrialisation sont bonnes !

Toute la Mecanic Vallée est fragilisée. Que dites-vous aux élus locaux, désemparés ? Comment comptez-vous assurer la transition et l'innovation des fonderies dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Vous le savez, j'ai appelé tous les élus locaux et parlementaires concernés, dont vous-même et Alain Marc. Je regrette autant que vous l'abandon du projet, mais je le comprends. Je me suis efforcé de convaincre le repreneur de le maintenir, mais la conjoncture internationale dégradée le rendait sans doute trop risqué. Je pense que nul ne souhaite fragiliser deux entreprises au lieu d'une.

Notre priorité, c'est d'accompagner les salariés ; plus de la moitié ont déjà une solution, et nous en trouverons une pour chacun.

Je pense que la réindustrialisation du bassin est possible et que nous y arriverons ensemble, salariés, entrepreneurs et élus locaux. Nous pouvons le faire !

Oui, nous avons besoin d'un sursaut national pour la réindustrialisation. Je sais que vous souhaitez y contribuer et je suis prêt à travailler avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.