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Table des matières



Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

M. Jérôme Durain

Mme Éliane Assassi

M. Loïc Hervé

M. Jean Louis Masson

Mme Nathalie Delattre

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Mise au point au sujet d'un vote

Formation des internes en médecine générale

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention

Mme Laurence Cohen

Mme Nadia Sollogoub

M. Stéphane Ravier

Mme Véronique Guillotin

Mme Catherine Deroche

M. Daniel Chasseing

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Abdallah Hassani

M. Bernard Jomier

M. Alain Milon

Mme Anne Ventalon

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Fabien Genet

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Pierre Ouzoulias

M. Bruno Rojouan

M. Jean-Luc Fichet

M. Stéphane Sautarel

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Élisabeth Doineau

M. Emmanuel Capus

Mme Sonia de La Provôté

M. Bruno Belin

M. Patrice Joly

Mme Victoire Jasmin

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Houpert

M. Hervé Maurey

Mme Nathalie Goulet

M. Alain Milon

M. Daniel Chasseing

M. Daniel Breuiller

Mises au point au sujet d'un vote

Finances locales

M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales

M. Hervé Maurey

M. Stéphane Ravier

M. Jean-Claude Requier

M. Roger Karoutchi

M. Emmanuel Capus

M. Daniel Breuiller

M. Didier Rambaud

Mme Isabelle Briquet

M. Pascal Savoldelli

M. Jean-Michel Arnaud

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Thierry Cozic

M. Charles Guené

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances

Modification de l'ordre du jour

Intervention des cabinets privés

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

M. Stéphane Ravier

M. Jean-Yves Roux

M. Arnaud Bazin

M. Emmanuel Capus

M. Guy Benarroche

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Pierre Sueur

M. Éric Bocquet

Mme Nathalie Goulet

M. Jérôme Bascher

M. Mickaël Vallet

M. Stéphane Sautarel

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Muller-Bronn

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

M. Jérôme Durain

Mme Éliane Assassi

M. Loïc Hervé

M. Jean Louis Masson

Mme Nathalie Delattre

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Mise au point au sujet d'un vote

Formation des internes en médecine générale

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention

Mme Laurence Cohen

Mme Nadia Sollogoub

M. Stéphane Ravier

Mme Véronique Guillotin

Mme Catherine Deroche

M. Daniel Chasseing

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Abdallah Hassani

M. Bernard Jomier

M. Alain Milon

Mme Anne Ventalon

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Fabien Genet

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Pierre Ouzoulias

M. Bruno Rojouan

M. Jean-Luc Fichet

M. Stéphane Sautarel

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Élisabeth Doineau

M. Emmanuel Capus

Mme Sonia de La Provôté

M. Bruno Belin

M. Patrice Joly

Mme Victoire Jasmin

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Houpert

M. Hervé Maurey

Mme Nathalie Goulet

M. Alain Milon

M. Daniel Chasseing

M. Daniel Breuiller

Mises au point au sujet d'un vote

Finances locales

M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

ARTICLE 3

Mme Éliane Assassi

M. Marc Laménie

ARTICLE 4

ARTICLE 5

APRÈS L'ARTICLE 5

ARTICLE 6

Mme Laurence Muller-Bronn

ARTICLE 7

M. Mickaël Vallet

M. Stanislas Guerini, ministre

M. Emmanuel Capus

ARTICLE 8

ARTICLE 10

M. Arnaud Bazin

ARTICLE 11

ARTICLE 12

ARTICLE 13

M. Stanislas Guerini, ministre

ARTICLE 14

ARTICLE 15

ARTICLE 16

ARTICLE 18

ARTICLE 19

Interventions sur l'ensemble

Mme Nicole Duranton

Mme Nathalie Goulet

M. Arnaud Bazin

Ordre du jour du mercredi 19 octobre 2022




SÉANCE

du mardi 18 octobre 2022

7e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail des deux rapporteurs qui se sont toujours exprimés avec une clarté certaine, au-delà de nos désaccords. Nous sommes également sensibles au fait que le ministre, avec qui les désaccords sont encore plus fréquents, ait pris le temps de nous répondre.

Je soulignerai plusieurs manques de ce projet de loi : d'abord, les préfectures et la présence de l'État sur le terrain, alors que le Gouvernement communique sur la réouverture bienvenue de sous-préfectures ; ensuite, la réforme de la police judiciaire. Les mentions qui en sont faites dans le rapport annexé sont succinctes. Le destin de la réforme ne se joue pas ici. La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, pour réconcilier votre ministère avec ses propres troupes et avec les représentants du monde judiciaire.

Vous revendiquez une certaine fibre sociale. Ne la cultivez pas au point d'ajouter des manifestations des policiers à celles des salariés ! (Sourires) Pour faire rentrer la police judiciaire dans les commissariats, comme pour faire cesser les blocages dans les dépôts, il faudra négocier.

Je regrette que nous n'abordions pas les problèmes de justice et de sécurité dans un même élan. La stéréophonie chère au rapporteur Marc-Philippe Daubresse nous manque.

Le silence sur le continuum de sécurité, c'est-à-dire la coopération entre les collectivités territoriales et l'État central, nous inquiète. Ce continuum de sécurité, prôné par la loi Sécurité globale de mai 2021, peut rapidement virer au marché de dupes. Ainsi, une mairie qui n'engagerait pas assez vite des moyens, pour des raisons budgétaires ou démographiques, pourra être pointée du doigt... La sécurité doit rester la prérogative de l'État central.

Le rapport annexé, issu du Livre blanc de la sécurité et du Beauvau de la sécurité, présente une certaine cohérence. Des améliorations portées par le groupe SER ont été prises en compte : l'accessibilité des locaux et les démarches pour les personnes en situation de handicap, une meilleure projection des moyens sur le territoire et notamment la localisation des nouvelles brigades, l'étude d'une seconde base pour les Canadair.

Sur le plan budgétaire, nous nous félicitons de l'augmentation des crédits consacrés au ministère de l'intérieur. Les 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur cinq ans sont bienvenus, même si nous serons vigilants sur leur application, dans un contexte incertain. Je m'étonne que la droite de l'hémicycle soit discrète sur ces questions de sécurité...

Mme Laurence Rossignol.  - Elle est attentive ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SER)

M. Jérôme Durain.  - Les articles normatifs ont peu évolué malgré l'adoption de certains de nos amendements. Le dépôt de plainte par visioconférence me semble peu encadré, le projet de radio du futur sera mieux assuré sans ordonnance tout comme l'adaptation aux collectivités ultramarines. Nous approuvons l'alignement des peines encourues pour les agressions sur les élus sur le régime des autres personnes dépositaires de l'autorité publique.

Nous déplorons le rejet des propositions de Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie contre les violences intrafamiliales et conjugales. Sur le refus d'obtempérer, nous regrettons que notre proposition de revenir au dispositif gouvernemental initial de 2016 ait été rejetée.

Nous ne soutenons pas l'extension des amendes forfaitaires délictuelles, malgré les limites apportées par les rapporteurs. Nous n'approuvons pas les nouvelles modalités d'accès à l'examen d'officier de police judiciaire (OPJ) ni l'article nouveau sur les violences dites gratuites.

Nous nous sommes vivement opposés sur la loi anticasseurs et sur la loi Sécurité globale. Après avoir envisagé l'abstention, notre groupe a choisi de prendre ses responsabilités ; l'exigence de sécurité exprimée par nos concitoyens nous a convaincus de voter en faveur de ce texte et des moyens supplémentaires alloués à nos forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Éliane Assassi .  - Être policier, c'est être au coeur de la société. Comme le disait Albert Camus dans Les Justes, c'est « être au centre des choses ». Le policier doit être le garant de la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics, grâce à une police de proximité, concept défendu par le groupe CRCE mais pas par ce projet de Lopmi.

La Lopmi traduit une conception de la sécurité intérieure bien éloignée de la nôtre.

Au cours de ce débat, nous avons été cohérents avec nos positions sur la loi Sécurité globale. Une autre voie est possible : une police des vocations, une police de proximité, exemplaire et digne comme nous le soulignions dans notre proposition de loi du 11 septembre 2017, reposant sur le triptyque prévention, dissuasion et répression.

Le numérique est un faux ami : la modernité ne doit pas être synonyme d'éloignement. Le temps passé sur la voie publique sera la règle, le temps passé au commissariat ou à la brigade sera l'exception.

Vous avez maintenu votre proposition de simplification de la procédure pénale, qui n'améliorera pas la qualité des enquêtes. Le groupe CRCE a, lui, défendu la procédure pénale comme garantie indispensable des libertés et droits fondamentaux.

L'amende forfaitaire délictuelle présente un risque d'arbitraire et de disparités de traitement contraires au principe d'égalité devant la justice. Son maintien fait fi du principe d'opportunité de la peine. C'est une procédure de masse, systématisée et qui ne fonctionne pas pour régulariser les délits.

Nous regrettons également que la formation des policiers et gendarmes à la procédure pénale n'ait pas été une priorité de ce texte. La responsabilité nécessite la formation, l'expérience et le recul. Une prise de poste immédiate à la sortie de l'école ne répond pas cette exigence. Il est déjà difficile d'être jugé par un juge de 25 ans, il en sera de même pour un prévenu perquisitionné par un OPJ novice...

Ce projet de loi ne se penche pas suffisamment sur l'humain. Il comporte un risque de déshumanisation de la police. Le ministère impose sa vision, sans prendre en compte l'impopularité de la police dans les quartiers populaires ou la défiance de la jeunesse. C'est une évidence : le tout répressif ne fonctionne pas et n'a jamais porté ses fruits.

Il faut repenser l'action de la police et de la justice.

Autre problème, la lutte contre ce que le rapport annexe appelle la subversion. Nous défendons une doctrine privilégiant la négociation, le dialogue et la pédagogie, à l'instar de notre proposition de loi du 22 janvier 2019 visant à interdire les lanceurs de balles de défense (LBD).

Nous devons tirer les leçons de l'escalade de la violence et de l'usage disproportionné de la force, notamment contre les manifestants. Pour cela, il convient d'étudier en détail les avantages et les inconvénients de chaque technique de maintien de l'ordre.

C'est justement parce que le groupe CRCE est soucieux des conditions de travail de nos policiers que nous voterons contre ce projet de loi. La fuite en avant sécuritaire n'est pas une solution.

C'est dans le cadre d'un projet de société qui met le service public au coeur de l'épanouissement collectif que nous concevons une action de la police renouvelée, restaurée et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.) Ce texte franchit une nouvelle étape devant le Sénat. S'il a été réduit entre son premier et son second dépôt, les échanges au Sénat auront permis des échanges qualitatifs - dont notre Haute Assemblée a le secret et désormais l'exclusivité - ainsi que des améliorations. Les propositions sont venues de tous les bancs de l'hémicycle.

À l'article premier, l'économie générale du rapport annexé n'a pas été bouleversée, mais confortée et enrichie par la connaissance empirique des sénateurs. Je pense ainsi à la création des 200 nouvelles brigades de gendarmerie, mais aussi à leurs modalités de construction - notamment au rôle des collectivités territoriales aux côtés de l'État. Je salue ainsi l'amendement de Mme Vérien sur les maisons de la confiance.

La cybersécurité a été longuement débattue, et c'est nécessaire, tant les attaques et demandes de rançons sont devenues fréquentes. Il est impératif de permettre à nos policiers et gendarmes d'intervenir au plus vite.

Nous avons également inscrit dans la loi le réseau radio du futur (RRF). Les industriels retenus sont déjà à l'oeuvre pour donner aux services de sécurité et de secours des moyens de communication modernes et résilients.

Sur proposition de mon co-rapporteur M. Daubresse, le Sénat a renforcé l'arsenal pénal contre les violences envers les élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains.

Le texte contient plusieurs simplifications de la procédure pénale. Nous avons ainsi permis le recours facultatif à la visioconférence pour la prise de plainte et la déposition.

La création de 5 500 postes d'assistants d'enquête auprès des OPJ soulagera les enquêteurs de leur charge administrative.

Le Sénat a choisi de déjudiciariser les peines, au travers des amendes forfaitaires délictuelles. En revanche, nous n'avons pas suivi le Gouvernement qui voulait élargir à l'excès le nombre d'infractions concernées : 4 000 cas de figure auraient été concernés. Actuellement, l'amende forfaitaire délictuelle est possible sur dix infractions. Après notre examen, il y en aura quatorze de plus dont nous pourrons évaluer la mise en oeuvre.

Nous avons alourdi la répression de l'outrage sexiste et de l'outrage sexiste aggravé, qui devient un délit. Nous avons aussi renforcé le pouvoir des préfets dans le département et mis les agences régionales de santé (ARS) à leur disposition pour faciliter des actions rapides et résilientes.

La discussion a mis en lumière d'autres sujets. Deux collègues du Sénat conduiront une mission d'information sur la réforme de la police judiciaire. Nous avons débattu des violences conjugales et intrafamiliales, du droit des images dans la perspective des jeux Olympiques, de l'accueil des gens du voyage. Monsieur le ministre, à vous de présenter les textes qui aborderont ces questions.

Ce texte donne des moyens significatifs aux missions régaliennes de votre ministère. Très attendu sur le terrain, il devrait recueillir un consensus très large auquel le groupe UC apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte est excellent. Nous devons nous réjouir d'avoir à examiner des mesures de retour à l'ordre public et de lutte contre la délinquance.

À titre personnel, j'avais initialement envisagé de voter en faveur de ce texte...

M. Loïc Hervé.  - C'était bien, jusque-là !

M. Jean Louis Masson.  - Cependant, il y a des mesures dans ce texte qui m'inquiètent profondément, en particulier la mise sous tutelle de la police judiciaire, qui se retrouvera aux ordres des préfets. On ne peut donner plus de pouvoir à la police si on ne respecte pas l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans les grandes villes, il y a toujours des microcosmes, où les préfets et les structures économiques et politiques peuvent entretenir des rapports particuliers.

Ce qui fait la force de la police judiciaire, c'est qu'elle n'est pas impliquée dans ce type de rapports locaux, avec les risques de dérives qu'ils peuvent comporter.

Les points positifs de ce texte sont gâchés par cette proposition de réforme et je profite de cette séance pour vous faire part de ma profonde désapprobation.

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Ce texte, dans ses propositions initiales et avec les apports du Sénat, va dans la bonne direction. Saluons le travail des rapporteurs et l'investissement du ministre.

Le rapport annexé apporte des réponses sur le soutien matériel, technique, numérique et juridique attendu par nos forces de l'ordre. Notre groupe a porté le sujet de l'accessibilité des personnes en situation de handicap et des amendements de Mme Maryse Carrère ont été adoptés. Les moyens budgétaires sont à la hauteur des enjeux, encore faut-il qu'ils soient déployés à bon escient. Je pense notamment à la formation continue, alors que les trois années de pratique pour devenir OPJ sont supprimées. Espérons que l'effort sera suivi d'effets.

Nous serons particulièrement attentifs à l'implantation de nouvelles casernes de gendarmerie, notamment à la lumière des poussées démographiques dans certains territoires comme la Gironde.

Nous avons relayé les inquiétudes des acteurs de terrain et des magistrats sur la réforme de la police judiciaire. Le Sénat a voté que « la réforme devra tenir compte des spécificités de la police judiciaire ». Oui, son évolution est nécessaire, mais dans la sérénité. Vous avez tenu des propos rassurants à cet égard.

Encadrer l'usage de l'amende forfaitaire délictuelle était bienvenu. Les rapporteurs ont strictement limité le champ d'application du dispositif, complété en séance par le Gouvernement. C'est plus sage.

La création des assistants d'enquête a également suscité des débats. L'analogie avec les greffiers est séduisante, mais comment seront-ils formés, encadrés, rémunérés, répartis et contrôlés ?

Monsieur le ministre, quelques interrogations demeurent. Roger Karoutchi les a évoquées : la politique et la justice se plaignent souvent l'une de l'autre, alors qu'il faudrait les penser ensemble.

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

Mme Nathalie Delattre.  - De ce point de vue, le texte est une occasion manquée. Je pense notamment aux irrecevabilités, qui ont frappé entre autres la possibilité pour des associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir les élus victimes d'agression. Je comprends l'argument sur le périmètre de la loi puisque cela touche au procès, mais cela montre les limites de cette loi de programmation et un certain cloisonnement administratif. Une partie conséquente des articles du projet de loi initial du mois de mars, à commencer par le volet justice, ne figure pas dans ce texte. Il faudra les examiner. Dans cette attente, la grande majorité du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réponse est oui, mais quelle était la question ? Si c'était de savoir si nous nous réjouissons du renforcement des moyens du ministère de l'intérieur, nul doute que nous le voterons avec ferveur.

Mais s'il s'agit de répondre à la question que se posent beaucoup de nos compatriotes - comment va-t-on réarmer l'État sur le plan migratoire et sécuritaire, ou dans nos campagnes ? C'est beaucoup plus difficile.

Ce texte fait suite au Livre blanc de la sécurité intérieure et au Beauvau de la sécurité, auquel a participé notre collègue Henri Leroy. Mais ce texte a un champ plus resserré que sa première version. Nous sommes heureux qu'il ait été déposé en premier sur le Bureau du Sénat.

Acceptez donc nos modifications, et nous vous sommes reconnaissants de l'avoir fait sur plusieurs d'entre elles.

J'ai cependant quelques regrets. L'immigration est enfin reconnue comme une des causes de délinquance dans notre pays, et il faudra mettre en oeuvre rapidement la reconnaissance faciale, notamment en vue des grands événements. (Protestations à gauche)

Autre regret, les manques sur l'amélioration de la réponse pénale. Comme l'a dit notre excellent collègue Roger Karoutchi, la sûreté n'est pas actuellement un droit fondamental pour nos concitoyens. Il faudrait une loi de programmation pour la justice que, telle soeur Anne, nous ne voyons pas venir...

Avec 15 milliards d'euros supplémentaires, dont 7 milliards pour les nouvelles technologies, deux fois plus de présence des forces de sécurité intérieure sur le terrain, 8 500 postes répartis entre police et gendarmerie, une meilleure appréhension des nouvelles frontières digitales et des menaces du futur : l'essentiel est là et nous y sommes favorables.

Vous avez inséré dans votre texte un rapport d'orientation très intéressant, qui dresse un réquisitoire implacable de l'augmentation de la violence dans notre pays depuis cinq ans...

Mais il aborde aussi quelques sujets qui fâchent, et d'abord la départementalisation de la police judiciaire. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé sur son maintien sous l'autorité du Procureur de la République, sur son ressort exclusif dans certaines enquêtes comme les manquements à la probité. Sortons du carcan de la réflexion strictement départementale. Cela ira mieux en l'écrivant, et nous déposerons un amendement en ce sens lors de la commission mixte paritaire.

Nous avons amélioré votre dispositif sur la cybersécurité et le dépôt de plainte en ligne, facultatif.

Enfin, les auditions ont montré l'urgence de répondre aux violences sur la voie publique, sur trois sujets essentiels : violence contre les élus, refus d'obtempérer et rodéos urbains. Mes propositions ont été reprises par le Sénat à la quasi-unanimité à l'article 7 bis. Les violences faites aux élus augmentent de 47 %... Il faut qu'ils soient protégés comme le sont les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On constate un refus d'obtempérer toutes les vingt minutes, alors même que les tirs de policiers face à ces violences sont en recul, contrairement aux affirmations de certains. Il faut plus de répression. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre vote est lucide et vigilant. Tel Candide, vous avez bien cultivé le jardin de la police, mais il reste à défricher ceux de la justice et de la procédure pénale, pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous avons débattu d'un texte très attendu par nos concitoyens, qui constatent tous l'augmentation de l'insécurité. Certaines zones se soustraient à l'autorité publique, faisant vivre un calvaire aux habitants. Ils ont besoin, comme nos entreprises, d'ordre et de tranquillité publique.

Ce texte est une première réponse à la montée de l'insécurité. Le renforcement des moyens est bienvenu, face à la criminalité organisée, au terrorisme, mais aussi dans la perspective des jeux Olympiques. Ces moyens financeront aussi 200 nouvelles brigades de gendarmerie et 8 500 recrutements d'agents des forces de sécurité intérieure. Ceux-ci doivent être plus nombreux, mais aussi se consacrer plus pleinement aux enquêtes.

C'est l'objet de la nouvelle fonction d'assistant d'enquête, dédiée à une myriade de tâches administratives.

Nous avons aussi agi face aux complexifications de la procédure pénale, impraticable à force de réformes, et qui selon les États généraux de la justice est l'une des raisons majeures de l'allongement des délais : même les juges ne s'y retrouvent plus. C'est délétère pour les victimes comme pour les mis en cause. La justice doit être rendue avec efficacité, clarté et célérité.

Il faudra simplifier et sans doute fusionner les régimes de l'enquête préliminaire et de l'enquête de flagrance.

Ce texte a été enrichi sur deux sujets majeurs. Le piètre divertissement des rodéos urbains est désormais puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende. Ensuite, les violences contre les élus scandalisent les Français. Les élus représentent le peuple, mais aussi la République dans son ensemble. Leur porter atteinte, c'est lui porter atteinte. Ces violences seront désormais punies comme le sont celles dirigées contre les forces de l'ordre.

L'amende forfaitaire délictuelle n'est pas généralisée mais étendue ; elle n'a pas vocation à devenir la norme. Quatorze nouvelles infractions, dont l'atteinte à la circulation des trains ou la filouterie de carburant, pourront faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle, gage d'une réponse pénale plus rapide et plus certaine, et qui évitera des procédures trop longues contre la délinquance du quotidien.

Le texte supprime aussi la condition d'ancienneté nécessaire pour se présenter à l'examen d'OPJ. Les compétences ne sont pas abaissées, mais il faudra un encadrement suffisant pour ces jeunes recrues, en particulier dans les zones difficiles.

Je salue le travail de nos forces de l'ordre, en ville comme à la campagne. Elles sont une composante essentielle de notre République. Espérons que la dynamique engagée par ce texte sera durable. Notre groupe dans son ensemble votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur le banc des commissions ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte nous présente, dans son rapport annexé, la vision de la sécurité du Gouvernement pour les prochaines années. Il reste lacunaire, parfois trop développé, parfois trop peu. Les prises de parole du GEST reflètent une volonté profonde de défendre notre projet pour la sécurité dans ce pays - un projet cohérent face à une vision qui obère les rapports entre police et population, et n'apporte pas de réponse à la souffrance de nos forces de l'ordre.

Nous partageons tous l'objectif d'une police avec plus de moyens et mieux formée. La police doit exercer ses missions auprès de la population, avec elle et pour elle - pour toute la population. Que dire de la doctrine du maintien de l'ordre ? Nous ne voulons pas des lanceurs de balles de défense, des drones, des bombes lacrymogènes, de la technique de la nasse. Nous avons voulu engager un dialogue sur ce sujet, mais aucune de nos propositions n'a été retenue ni étudiée, notamment celle d'une réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

La réforme de la police judiciaire a été imposée à marche forcée. Il faut une meilleure gestion des dérives et une transparence des données utilisées. Le GEST s'est étonné des changements de position de la majorité sénatoriale, qui a rejeté des propositions au motif qu'une mission est en cours sur le sujet, ou alors qu'elles ont fait l'objet de travaux passés...

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Ce n'est pourtant pas faux !

M. Guy Benarroche.  - Nous regrettons aussi que notre vision des moyens n'ait pas été entendue, notamment pour l'amélioration des conditions de travail. Nous souhaitions une plus grande pluralité d'intervenants lors des formations initiale et continue.

Nos propositions d'interdire la reconnaissance faciale, soutenues par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), n'ont pas plus été considérées. Les caméras-piétons ne sont utiles ni aux policiers ni à nos concitoyens. Nos inquiétudes sur les droits des justiciables ne sont pas apaisées par l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle - outil dont l'efficacité sur la réponse pénale est peu étudiée. Son utilisation semble très variable en fonction des territoires.

Je me réjouis de l'adoption de l'amendement de Thomas Dossus sur le nécessaire dialogue avec les maires avant une fermeture de commissariat. Le continuum de la sécurité, tant vanté par le Gouvernement, ne pourra faire l'économie d'un dialogue avec les élus locaux.

Aucune de nos demandes sur un suivi des relations avec l'enseignement supérieur et la recherche n'a été retenue ; pas plus d'écho pour notre proposition de création d'agents de liaison pour les collègues LGBT+ ou pour celle de mieux exploiter les formations au cyberharcèlement.

Il aurait aussi fallu discuter de la gestion des frontières, du maintien de la possibilité de porter une arme, hors service, dans les établissements recevant du public. Toutefois, nous saluons l'adoption d'un amendement de Mme de Marco tendant à renforcer les moyens des pompiers face aux nouvelles menaces.

J'ai, à maintes reprises, rappelé combien nos forces de l'ordre sont au coeur du pacte républicain. Donnons-leur les moyens de travailler dignement, et donnons confiance à nos concitoyens dans leur organisation et leur fonctionnement.

L'examen du texte a confirmé nos craintes. L'orientation n'est ni convaincante ni justifiée. Nous voterons contre ce texte.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - C'est dommage !

(Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'adoption du projet de loi est naturelle. Le soutien du RDPI va d'abord à la partie programmatique du texte, détaillée dans l'article 2 qui encadre l'attribution des moyens aux composantes du ministère. L'augmentation des moyens est dans la continuité de la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes depuis 2017, du renforcement de la formation, d'une remontée des crédits d'équipement dont nous voyons la traduction dans l'accueil de nombreux commissariats.

Ce texte agit sur tous les éléments du tableau de bord. Les effectifs d'abord, avec 8 500 postes de policiers et gendarmes créés dans les cinq ans. Il conviendra de les répartir efficacement sur le territoire, en tenant compte des besoins du périurbain et du rural. L'annonce des 200 nouvelles brigades doit être saluée, comme le développement de la réserve. Je n'insiste pas sur l'augmentation des moyens de fonctionnement.

La transformation numérique n'est pas une déshumanisation, mais la démultiplication des capacités d'action, qu'il s'agisse des outils de travail ou des moyens de la police technique et scientifique. Ainsi, le ministère sera outillé pour répondre à de nouvelles formes de délinquance.

Cette programmation apporte une réponse adéquate aux défis qu'affrontent nos forces de sécurité civile. Le programme de renouvellement des flottes d'hélicoptères et d'aéronefs anti-feux de forêt est une pierre angulaire de ce plan, qui apportera satisfaction à tous les fonctionnaires des services mobilisés.

Je salue enfin les progrès dans l'accueil des victimes de violences intrafamiliales.

Deuxièmement, ce projet offre un cadre de cohérence et de méthode de travail pour l'ensemble des services. Il prévoit de mieux organiser les services de l'État face aux crises de toutes natures. Nous devrons aussi intensifier les actions de coopération internationale, notamment européenne.

La démarche affirmée par le rapport annexé contribue à la modernisation des méthodes de gestion des ressources humaines. Veillons au bien-être au travail et aux perspectives de carrière des 250 000 professionnels. L'accompagnement des jeunes recrues sera renforcé.

Une réflexion intense a présidé à l'ensemble de ces réformes, à la suite du Livre blanc de la sécurité intérieure et du Beauvau de la sécurité. Toutes les propositions constructives ont été entendues et intégrées à ce projet. C'est donc une programmation complète et cohérente.

Cette qualité de méthode a conduit à un excellent travail collaboratif avec les sénateurs et vous-même, monsieur le ministre, et débouché sur un consensus large, parfois presque unanime.

Troisièmement, plusieurs mesures renforcent la lutte contre la délinquance. Je pense à la disposition pénale en cas d'agression contre un élu et à la création du délit d'outrage sexiste.

Nous étions nombreux à approuver le développement des amendes forfaitaires délictuelles. La proposition du Gouvernement était très large. Nous sommes parvenus à un bon accord : 24 cas de figure auxquels ces amendes seront applicables. L'évaluation de ce dispositif nous aidera à le faire progresser.

Nous approuvons les modifications apportées à la procédure pénale afin d'alléger la charge quotidienne des enquêteurs. Nous sommes en désaccord avec l'idée selon laquelle le code de procédure pénale ne doit pas être rationnalisé. (Marques d'impatience à droite)

Nous soutenons ce texte, qui me donne l'occasion de rendre hommage aux femmes et aux hommes qui veillent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public solennel.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 307
Contre   27

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je remercie le Sénat pour sa contribution et l'esprit constructif dans lequel nous avons travaillé. Des amendements de tous les groupes ont été adoptés.

J'ai pris certains engagements auprès du président de la commission, notamment sur la réforme de la police nationale. Je soumettrai également décrets et règlements à sa sagacité et à celle de tout le Sénat.

Je remercie le groupe socialiste de ses encouragements à faire mieux, pour ce texte qui apportera 15 milliards d'euros de plus à la police et à la gendarmerie.

Nous n'oublions pas qu'une bonne justice est nécessaire à une bonne police. Le Gouvernement n'esquive pas le débat sur l'immigration, sur lequel nous pourrons échanger prochainement.

J'espère que le même esprit de compromis présidera à l'examen en commission mixte paritaire. Merci à tous, pour le bien-être apporté aux policiers, gendarmes, pompiers et agents préfectoraux. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, et des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Mise au point au sujet d'un vote

M. Laurent Somon.  - Lors du scrutin n°3, je souhaitais voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Formation des internes en médecine générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la présidente de la commission des affaires sociales et la rapporteure, qui a réalisé un excellent travail.

La France est le pays des pénuries et des rationnements, et pas seulement pour le carburant ou l'électricité : c'est aussi le cas pour l'accès aux soins et aux médicaments. Ainsi, 6 300 000 Français n'ont pas de médecin traitant. C'est une injustice, et même un scandale, surtout au regard de nos dépenses de santé, très élevées.

Cette situation n'est pas le fait des médecins, mais de choix technocratiques et idéologiques. (Mme Laurence Cohen s'étonne.) On a abandonné la médecine aux comptables. On a pensé qu'il suffirait de rationner l'accès aux médecins pour diminuer les dépenses de santé. L'organisation est centrée sur l'hôpital : la formation de nos jeunes médecins a été orientée dans les facultés sur d'autres pistes que la médecine générale.

Le moment est venu de remédier à cette situation dont pâtissent les Français et les élus locaux. Beaucoup de maires n'en peuvent plus. Leur population les rend responsables alors qu'ils ont multiplié les actions, telles que l'ouverture de maisons de santé et le salariat de médecins.

De deux choses l'une : soit nous agissons, soit nous n'agissons pas. Il n'existe pas de panacée ; il faut privilégier un bouquet de solutions. Mais celles qui sont actuellement en place sont insuffisantes, comme le déblocage du numerus clausus : beaucoup de doyens nous le disent, ils n'ont pas les moyens d'accueillir plus d'étudiants. Ailleurs, cela ne donnera des effets que dans dix ans. On ne peut pas attendre !

Les aides de l'État, trop tardives, sont des rustines et non des réponses fondamentalement satisfaisantes. Certains plaident pour des solutions coercitives - or celles-ci sont vouées à l'échec, comme le montre un rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe sur le conventionnement sélectif en Allemagne, qui s'est révélé sans effet dans les zones sous-denses. Échec et mat !

Les aides ne sont qu'un palliatif aux résultats insuffisants. Nous devons traiter le problème, de façon curative.

La solution exposée dans cette proposition de loi nous a été inspirée par notre vote, jamais suivi d'effet, en faveur de six mois de stage de terrain pour les étudiants en troisième année de médecine générale, dans la loi Buzyn de 2019. Le décret n'a jamais été pris. Pourquoi ? Parce qu'il ne fallait pas déshabiller l'hôpital pour habiller la ville !

Nous voulons créer une quatrième année de consolidation qui entraînerait l'installation de 3 500 à 4 000 médecins généralistes sur l'ensemble du territoire, rémunérés de manière attractive. De nombreuses collectivités pourraient s'engager, par exemple en mettant un logement à leur disposition. Ainsi, on faciliterait l'installation de jeunes médecins dans nos territoires, quand la formation actuelle ne les y incite pas.

Le rapport fait état, sinon d'une unanimité, du moins d'un consensus. Je n'ai pas ressenti de franche opposition à cette mesure lorsque j'ai moi-même rencontré plusieurs représentants de médecins.

Je veux souligner que les médecins généralistes sont les seuls à ne pas bénéficier d'une année de consolidation.

Notre proposition, importante, a été reprise de manière précipitée par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sans beaucoup de concertation, ce qui a pu raidir les internes. La rédaction des dispositions sur ce sujet dans le PLFSS est à coup sûr inconstitutionnelle. Cette proposition de loi offre donc une séance de rattrapage.

Quand on choisit de devenir médecin, on fait plus que choisir un métier : on choisit une vocation et une mission de service public - vous le savez bien, monsieur le ministre. C'est à cette aune que nous devons examiner cette proposition de loi. Nous, parlementaires, devons faire des propositions. Vous, exécutif, devez consolider les vôtres. Quant aux jeunes médecins, ils sont incités à considérer qu'il est impossible de laisser des millions de Français sans médecin traitant.

Soyez courageux, monsieur le ministre, et prenez vos responsabilités. Cette réforme est nécessaire et urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Laugier et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Déposée par le président Retailleau, cette proposition de loi poursuit deux objectifs auxquels la commission des affaires sociales a pleinement souscrit : améliorer la formation des médecins généralistes en créant une année professionnalisante supplémentaire et trouver un remède aux difficultés d'accès au soin.

La quatrième année ainsi créée serait consacrée à un stage en ambulatoire ; cela est envisagé depuis un certain temps. La médecine générale est actuellement isolée des 43 autres spécialités, puisqu'elle est la seule à ne pas bénéficier de la dernière phase de consolidation. Les étudiants ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior. Enfin, alors que la soutenance de la thèse d'exercice est souvent réalisée dans les délais pour les autres spécialités, car c'est une des conditions d'accès à la phase de consolidation, elle ne l'est pas pour les généralistes, qui ne jouissent pas de cette incitation.

Les généralistes suivent un troisième cycle de cinq ans au Danemark, en Suède et en Norvège. Les enseignants et médecins que nous avons auditionnés y sont favorables et certains y travaillent depuis plusieurs années. Ils ont insisté sur la nécessité d'enrichir le référentiel de formation, le cursus actuel comportant trop peu de stages en ambulatoire, alors que c'est un débouché naturel. Ainsi, seuls deux des six stages prévus sont obligatoirement réalisés en ville.

En améliorant la professionnalisation des internes en médecine générale, ce texte incitera les étudiants à s'installer rapidement, mais également à soutenir leur thèse dans les délais, puisqu'ils ne pourront plus la reporter comme auparavant.

L'extension du troisième cycle devrait améliorer l'offre de soins. Le texte prévoit en effet que ces stages seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses.

Rassurons les représentants des étudiants, qui ont pu craindre une instrumentalisation : ce texte ne sacrifiera pas la qualité de la formation, au contraire. Les maîtres de stage formés et accrédités par les universités accompagneront les étudiants dans leur professionnalisation.

L'expression « désert médical » ne décrivant pas fidèlement la réalité contrastée des zones sous-denses, la commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi afin de mettre en valeur son objectif premier : l'amélioration de la formation des internes en médecine générale. Mais il ne faut pas oublier les besoins de santé de nos territoires. La démographie médicale est sinistrée ; la France a perdu cinq mille généralistes en dix ans. La fin du numerus clausus n'y changera rien avant plusieurs années.

Il faudra s'assurer du nombre suffisant de maîtres de stage. Les collectivités locales se mobilisent en ce sens en s'organisant avec les facultés de médecine.

Ce texte est un pas indispensable vers une meilleure réponse à la demande de soins. Il démystifie l'installation et la notion de zone sous-dense.

Le logement des étudiants affectés loin de leur domicile peut constituer un motif d'inquiétude. Les collectivités locales y consacrent de nombreux efforts. Par ailleurs, les docteurs juniors sont rémunérés forfaitairement et - il faut le dire - trop faiblement. Je souhaite qu'ils puissent effectuer leur stage sans difficultés matérielles.

L'ajout d'une quatrième année ne concernera pas les étudiants actuels de troisième cycle pour ne pas affecter la cohérence de leur formation, mais seulement les futurs étudiants.

Le Gouvernement a repris l'essentiel du dispositif dans le PLFSS alors même que cette proposition de loi était inscrite à l'ordre du jour.

Nous avions déjà adopté, dès 2019, une mesure prévoyant un stage en zone sous-dense, mais le décret d'application n'est jamais paru.

Cette proposition de loi est un support législatif plus sûr que l'article 23 du PLFSS, qui, n'ayant pas d'incidence financière, n'est pas conforme à la loi organique. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Ce texte porte sur des sujets qui me tiennent à coeur : la qualité de la formation des médecins et la lutte pour l'accès à la santé dans nos territoires. Faisant écho à l'article 23 du PLFSS, il ne vise en aucun cas à « boucher les trous » avec des étudiants non encadrés, mais au contraire, par l'accession au statut de docteur junior, à rendre les futurs généralistes plus autonomes et plus à même de gérer un cabinet médical dès leur diplôme.

Cette séance est une occasion, quelques jours avant l'examen du PLFSS, de faire le point sur ces enjeux cruciaux.

Sans cette phase de consolidation, qui correspond à l'esprit du docteur junior, l'installation immédiate est difficile ; elle devient même rarissime. Améliorer la formation des jeunes médecins et faciliter leur installation est donc légitime.

J'y tiens particulièrement : cette quatrième année s'inscrira dans un projet pédagogique engageant des maîtres de stage expérimentés. Je souhaite que cette réforme soit mise en oeuvre de la meilleure façon possible. Avec Sylvie Retailleau, nous avons lancé une étude pour préfigurer les modalités d'hébergement et de rémunération. Nous souhaitons que ces stages soient effectués en priorité - sans en faire une obligation - dans les zones sous-denses. Les inégalités d'accès à la santé sont intolérables ; six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, dont 600 000 personnes souffrant d'une affection de longue durée.

J'étais dans la Sarthe pour le lancement du Conseil national de la refondation en santé. Le nombre de généralistes y est de 59 pour 100 000 habitants, quand la moyenne nationale est de 85.

Face à la pénurie de généralistes qui jouaient un rôle d'aiguilleur du système de soins, les urgences, devenues un premier recours, ont vu leur fréquentation croître de 50 % en vingt ans. Grâce aux mesures prises cet été, elle chute enfin pour la première fois de 5 %.

Nous devons prendre des mesures fortes. La création d'une quatrième année de médecine générale s'insère dans un ensemble de mesures, telles que la simplification des aides à l'installation dans les zones sous-denses ou la suppression du numerus clausus.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et encore !

M. François Braun, ministre.  - Cette quatrième année est une chance non seulement pour les territoires sous-dotés, mais aussi pour les jeunes médecins et leurs patients. C'est la clé d'une mise en responsabilité supervisée pour accompagner les jeunes généralistes vers l'installation.

Je partage l'intention des auteurs de la proposition de loi mais le Gouvernement a choisi le PLFSS comme support de ces mesures. C'est pourquoi il donne un avis de sagesse bienveillante. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Emmanuel Capus applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen .  - Je remercie la rapporteure Corinne Imbert pour son travail. L'examen de cette proposition de loi nous donne l'occasion de débattre de la réponse publique aux difficultés d'accès aux soins. Comment accepter que 30 % de la population vive dans un désert médical, même dans des territoires périurbains et urbains ? Ainsi la région Île-de-France est-elle le premier désert médical de France : 62,4 % de la population francilienne, soit 7,6 millions de personnes, ont du mal à accéder à un médecin.

Depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont refusé d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine. Dans LMonde, Agnès Buzyn avouait qu'on avait perdu plus de quinze ans. Mais la suppression du numerus clausus et son remplacement par le numerus apertus n'ont pas significativement augmenté le nombre d'étudiants. Faute de moyens supplémentaires, on est passé de 9 300 en 2020 à 11 180 en 2021 alors que les besoins sont plus importants.

Dans ce contexte, cette proposition de loi ne résoudra rien, au contraire. Elle précarisera les internes.

L'absence de négociation avec ces derniers revient à mettre la charrue avant les boeufs. Il faut d'abord réfléchir au contenu pédagogique et au rythme des études, revaloriser le statut des internes, prendre en compte l'épuisement professionnel qui touche deux tiers d'entre eux et lutter contre les comportements sexistes qu'ils subissent. Je veux rappeler qu'un interne a trois fois plus de risques de se suicider qu'un autre jeune du même âge.

Cette proposition de loi est en décalage. Elle ne réglera pas la pénurie de médecins et ne répondra pas au souhait de concilier vie professionnelle et vie personnelle. La majorité des nouveaux médecins aspirent à un exercice salarié, en équipe, et non en libéral, comme le préconise cette proposition de loi. Il faut donc favoriser les stages et installations en centre de santé.

Les stages en zone sous-dotée ne vont pas entraîner mécaniquement l'arrivée de 3 900 internes dans les déserts médicaux. Les incitations ont montré leurs limites puisque seulement 400 médecins par an sollicitent l'aide de 50 000 euros à l'installation en territoire sous-doté.

Les internes devront être encadrés par des médecins seniors, alors que les déserts médicaux manquent de médecins, par définition.

L'année blanche entraînera aussi une pénurie.

Enfin, l'attractivité fait défaut, puisque l'austérité des vingt dernières années a entraîné la fermeture de lits dans des hôpitaux et maternités de proximité.

Bien des réformes seraient préférables. Voici quatre propositions majeures : augmentation des moyens des universités ; développement des centres de santé ; abrogation du décret Mattei sur les gardes ; conventionnement sélectif dans les zones surdotées.

Cette proposition de loi est loin du compte. Nous voterons contre. Nous nous opposerons aussi à l'article 23 du PLFSS qui reprend la même idée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques semaines, nous a été soumise la proposition de loi visant « à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre les déserts médicaux ». Les internes n'étant pas une variable d'ajustement, une modification de leur formation uniquement pour faire reculer les déserts médicaux ne serait pas acceptable. Les mots ont un poids ; il est grand temps d'en changer.

J'habite dans une région où l'accès aux soins est difficile. Mais ce n'est pas un désert : des initiatives fleurissent et des soignants viennent s'installer volontairement. Les jeunes médecins ne construisent pas leur vie en fonction des primes, mais pour s'épanouir.

Ni désert, ni punition : notre commission l'a bien compris et a changé l'intitulé du texte. Si son but est d'orienter la formation vers plus d'ambulatoire, il doit être soutenu. Il est logique d'aligner la médecine générale sur les autres spécialités, en instaurant une année de docteur junior qui devra être assortie d'une rémunération suffisante.

Un regroupement de généralistes réclame une formation de qualité et une phase de consolidation qui accompagne réellement les projets. Oui, il est indispensable que cette quatrième année soit une plus-value pour les internes.

Le groupe UC est majoritairement favorable à ce texte. Mais certains collègues émettent des réserves sur le nombre de maîtres de stage, la nécessité d'une plus grande concertation et le risque de coercition déguisée.

En tant que conjoint collaborateur d'un médecin généraliste, j'ai accueilli chez moi des internes et je sais combien le séjour à la fin des études peut être déterminant. Trois de ces stagiaires se sont installés près de chez nous.

Quid des maîtres de stage ? Dans la Nièvre, les sessions de formation à Dijon, à deux heures et demie de route, sont très dissuasives. Les sessions en présentiel doivent être organisées au plus près, dans les départements.

L'ambulatoire est déjà au programme du DES de médecine générale, mais les internes restent dans les CHU pour pallier les manques de personnel, ce qui est inadmissible.

Reste l'épineux problème du lieu de ces stages, puisque presque toute la France est sous-dotée.

En fin de cursus, les internes peuvent avoir un ancrage, une vie de famille et des contraintes. La quatrième année ne doit pas signifier l'installation dans un territoire inconnu. Il faut conserver de la souplesse dans les affectations.

Si tous ceux qui réussissent le concours de médecine à Dijon sont des Dijonnais, il est compliqué de les contraindre à emménager en milieu rural. C'est pourquoi il faut absolument délocaliser la formation et ne pas la cantonner aux grandes villes. Nous payons les années où nous n'avons formé que des urbains.

Le parcours accès santé spécifique (Pass) de Nevers, obtenu de haute lutte, a permis à 50 % des étudiants de réussir le concours. Les déserts médicaux sont des déserts de formation. Il faut passer d'un numerus apertus à un numerus proximus ! (On s'amuse sur le banc des commissions.)

L'article 23 du PLFSS, qui reprend l'objectif de cette proposition de loi, n'a aucun impact financier ; il risque d'être censuré. Monsieur le ministre, privilégiez le texte du Sénat !

Souhaitons que la loi de 2022 fasse, en mieux, ce que la loi de 2019 n'avait pas pu réaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Bienvenue en France, le pays qui prétend avoir le meilleur système de santé au monde, mais abandonne plus de 10 % de sa population, soit huit millions de personnes, dans des déserts médicaux...

Des déserts qui ne sont plus seulement ruraux : du fait de l'insécurité, les médecins manquent dans les quartiers nord de Marseille, malgré l'importance d'une population venue des quatre coins du monde - et surtout du tiers-monde.

Dans la ruralité, les déserts sont globaux : comment voulez-vous qu'un médecin s'installe dans un quartier où les services publics sont absents et qui cumule des problématiques de mobilité, de logement et d'emploi ? Et les choses vont s'aggraver, avec le prochain départ en retraite d'un généraliste sur deux... L'inflation aussi amplifie le phénomène, car l'assurance maladie ne rembourse pas le trajet jusqu'à la consultation.

Dans les Bouches-du-Rhône, la disparition de SOS Médecins dans les communes rurales se traduit par moins de visites à domicile et une surcharge ambulancière supportée par le Samu et les Sdis, déjà en tension.

Les maisons de santé se retrouvent souvent sans médecin, malgré les incitations mises en place par les maires, derniers influx nerveux d'une ruralité exsangue.

Il faut repenser tout le soutien à la ruralité. Et, avant tout, réintégrer les soignants non vaccinés : leur suspension était scandaleuse, c'est aujourd'hui une aberration.

Les internes en médecine, qui font déjà tourner l'hôpital, ne sauraient être traités comme une variable d'ajustement. Certains ont déjà fondé une famille. On ne peut pas leur imposer une année supplémentaire après dix ans d'études, surtout payée 8 euros de l'heure !

En outre, cette mesure coercitive pose un problème de suivi des patients.

Où est la mission de service public dont a parlé notre excellent collègue Retailleau - selon la formule consacrée ? En réalité, sa proposition relève plutôt de la philosophie macroniste...

Je voterai contre ce palliatif administré. Il faut une réforme profonde en faveur de la ruralité ! Nous devons aussi faire mieux connaître le contrat d'engagement de service public.

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées du groupe UC) Cette proposition de loi nous invite à nous saisir de la question, essentielle, de la formation des médecins. Celle-ci doit permettre l'acquisition de connaissances et de savoir-être et préparer à l'exercice professionnel, majoritairement libéral.

La question n'est pas d'aligner la durée du cursus des généralistes sur celui des autres spécialités, mais d'allonger d'une année le troisième cycle des études médicales. S'il s'agit de déployer un bataillon de docteurs juniors dans les territoires sous-dotés, je n'y suis pas favorable.

De fait, le doute persiste sur la finalité de cette proposition de loi. Alors que la discussion est engagée depuis plusieurs années, l'objectif à peine masqué de ce texte suscite une vive inquiétude. Pour ma part, je ne crois pas à la coercition, même drapée de bonnes intentions.

En dix ans, nous avons perdu cinq mille médecins généralistes. Leur densité a baissé deux fois plus que celle des autres médecins. Rien ne réglera le problème de l'accès aux soins tant que le nombre de médecins n'augmentera pas significativement. Il faut donc augmenter nettement le numerus apertus, ainsi que le quota de généralistes.

Une quatrième année professionnalisante, concertée, devrait mieux préparer les jeunes à l'exercice en libéral. Si elle est bien menée, elle favorisera l'installation dans les territoires ruraux. Par ailleurs, les étudiants ne pourront plus repousser leur thèse, ce qui retarde leur installation.

Toutefois, les conditions doivent être réunies pour que ce texte ne soit pas le prétexte d'une réponse imparfaite au problème des déserts médicaux : adhésion des étudiants, encadrement par un maître de stage, rémunération suffisante - à cet égard, la proposition de rémunération à l'acte paraît peu aboutie.

De manière générale, de bonnes conditions de travail, un environnement stimulant et des territoires accueillants sont les critères d'installation privilégiés par les jeunes professionnels. Il faut leur donner envie de poursuivre l'aventure.

Avec toutes ces réserves, nous ne sommes pas défavorables au texte, mais nous déterminerons en fonction de la discussion et du sort réservé aux amendements, notamment les plus coercitifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Sylvie Vermeillet et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi n'est pas sortie du chapeau de M. Retailleau ; nous en parlons depuis des années avec l'Ordre des médecins et les doyens, dont la conférence s'y est déclarée favorable.

Notre rapporteure a apporté deux clarifications indispensables. D'abord, la réforme ne saurait s'appliquer aux étudiants ayant entamé leur troisième cycle. Ensuite, il ne s'agit pas uniquement de remédier au problème de l'accès aux soins dans les territoires sous-denses, mais de consolider la formation des jeunes médecins.

La crainte exprimée par les étudiants en 2019, lorsque la commission des affaires sociales a proposé une réforme de la troisième année du troisième cycle, venait de ce qu'ils ne se sentaient pas prêts à un exercice autonome ; ils redoutaient également une affectation dans un lieu non choisi.

Rien de tel ici, puisque la quatrième année sera faite en autonomie supervisée, sous l'autorité d'un maître de stage, et permettra un exercice coordonné, auquel nombre de jeunes médecins aspirent. Elle comportera de vrais apports pédagogiques pour les futurs médecins.

Il ne s'agit pas de transformer les internes en médecins de famille à l'ancienne, ni de mettre un médecin sous chaque clocher - ce modèle a vécu. Il convient, en revanche, de réfléchir à des zones d'activité médicale. La concurrence entre territoires est délétère, et il faut plus de coopération.

L'affectation forcée ne nous paraît pas souhaitable. Il n'y a pas véritablement de zone surdotée, en tout cas en secteur 1. Il faut associer les agences régionales de santé (ARS), les unions régionales des professionnels de santé et les élus à la réflexion sur les zones d'affectation.

La nouvelle maquette incitera aussi les internes à ne pas repousser leur thèse. Il y a déjà 12 000 maîtres de stage pour les docteurs juniors, mais il faudra en augmenter le nombre.

Ce texte, bien sûr, ne constitue pas une réponse unique au creux que connaît la démographie médicale : nous avons besoin de réponses multiples, de la télémédecine à la délégation de tâches. Mais il prépare les étudiants à la médecine de ville, afin qu'ils puissent s'installer en toute connaissance de cause. Je le voterai donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre objectif est de faire venir des médecins dans nos villages et nos bourgs. Élu de Corrèze et médecin rural, je ne puis que constater dans nos territoires un manque dramatique de médecins. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à favoriser l'accès aux soins dans les déserts médicaux. Faute de décisions rapides, nous courons à la catastrophe.

Je me réjouis de ce débat et remercie la rapporteure pour son travail.

Les étudiants en médecine que j'ai rencontrés ont le sentiment d'être exploités, payés 2 000 euros par mois après dix ans d'études : je le conçois totalement. Ils se plaignent également de ne pas être suffisamment secondés.

À la suite de ces rencontres, j'ai déposé trois amendements, dont deux ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. L'un s'inscrivait dans la lignée d'une mesure négociée par Alain Milon avec les étudiants en 2019, selon laquelle les six derniers mois d'internat se feraient en territoire sous-dense : il s'agissait de créer un second stage dans le cadre du Saspas (stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée), en augmentant la rémunération des étudiants. L'autre visait à fixer la rémunération des docteurs juniors au niveau de dix consultations par jour payées à l'acte.

Rappelons que les internes ont déjà derrière eux neuf ans d'études. Ils peuvent consulter seuls, avec l'aide d'un médecin référent. La réalité de terrain, c'est aussi que les médecins, débordés, n'ont pas le temps d'être maîtres de stage.

Mon troisième amendement prévoyait que la troisième année d'internat s'effectue dans le territoire du CHU où l'étudiant a étudié.

L'État a l'impérieux devoir d'assurer l'accès aux soins sur tous les territoires, en écoutant davantage les étudiants. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Signe d'impuissance des politiques publiques depuis longtemps, les zones sous-denses s'étendent. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les zones sous-denses ont augmenté de 15 %, et 60 % des territoires ruraux connaissent des difficultés d'accès à des médecins généralistes.

La Cour des comptes a constaté des effets d'aubaine induits par les mesures précédentes. Des études pointent des pistes intéressantes et durables. À cet égard, selon la méta-analyse de la Drees, le choix de s'installer dans une zone mal desservie est lié à des critères d'ordre personnel. L'origine rurale du médecin est un facteur essentiel d'installation en zone rurale. Être né en milieu rural, y avoir grandi et fait sa scolarité apparaît dans tous les pays comme le critère décisif pour l'installation en zone rurale.

Or les élèves issus de ces zones se heurtent à la barrière de la sélection à l'université, amplifiée par Parcoursup, véritable machine de reproduction sociale.

Les chances de réussite d'un enfant de cadre à l'université sont 2,5 fois supérieures à celles d'un enfant d'ouvrier. Les fusions d'université vont à l'encontre des recommandations de l'OMS. De nombreux pays ont entamé une décentralisation des lieux de formation, voire ouvert de nouvelles écoles de médecine.

Des réformes structurelles sont nécessaires. Les territoires ruraux subissent la dévitalisation économique. Pour le démographe Hervé Le Bras, la France des déserts médicaux est celle des gilets jaunes.

Cette proposition de loi propose une régulation très partielle et contestée, faisant l'économie d'autres types de régulation plus efficaces. Le groupe écologiste votera contre.

M. Abdallah Hassani .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi vise à préserver et améliorer notre système de soins sur nos territoires. La médecine générale est la seule spécialité qui ne compte que trois ans d'études et ne donne pas accès, dans sa dernière année, au statut de docteur junior.

Cette quatrième année permettrait l'arrivée chaque année de plusieurs milliers de jeunes professionnels dans des zones où l'offre médicale est faible. Plusieurs véhicules législatifs, dont le PLFSS, nous permettront de débattre encore de ces mesures.

Ce texte vise à améliorer plus globalement la santé pour tous. Le nombre de maîtres de stages a augmenté de 9,6 % entre 2019 et 2021.

Les souhaits des jeunes professionnels doivent être pris en compte, notamment l'organisation avec le conjoint.

Je viens d'un territoire non pas sous-doté mais sous-sous-doté. Je salue, à cet égard, le rapport d'information de la commission des affaires sociales sur le système de soins à Mayotte : 27 généralistes libéraux, dont sept maîtres de stage, pour 300 000 habitants !

À La Réunion, il y a 1 200 généralistes et 160 maîtres de stage pour trois fois plus d'habitants. Mayotte n'a pas de CHU, ce qui multiplie les évacuations sanitaires vers La Réunion, voire en métropole. Ceux qui n'ont pas les moyens renoncent aux soins.

La sécurité sociale à Mayotte est toujours régie par des dispositions spécifiques, mais la convergence progresse : l'année prochaine, nous bénéficierons de la complémentaire santé solidaire. L'absence de convention signée par les médecins libéraux avec la sécurité sociale pose de nombreux problèmes.

Une quatrième année de troisième cycle apporterait beaucoup aux internes qui la feraient à Mayotte. Je salue aussi la création, sur l'initiative du centre hospitalier, d'une agence territoriale de regroupement, qui assurera le recrutement des agents hospitaliers.

Cette proposition de loi contribue à lever les blocages. Le RDPI la votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre monde vit assez de malheurs pour qu'on lui épargne celui de mal nommer les choses. Or cette proposition de loi installe une confusion : son titre a été amputé de la partie relative aux déserts médicaux, mais cette question est omniprésente dans les propos que nous venons d'entendre, à commencer par ceux de l'auteur du texte.

Ce n'est pas parce que son titre a été expurgé que la proposition de loi porte bien sur la formation des internes en médecine générale. Masquer les objectifs est un mal récurrent dans le débat public. Nous préférons, nous, les intentions clairement affirmées. À cette aune, le texte est maladroit. Notre vie publique est encombrée d'euphémismes : concertation veut dire « cause toujours » et coconstruction, « on fait comme j'ai prévu »...

Nous connaissons bien les aptitudes de M. Retailleau à la clarté et à la synthèse ; je ne puis croire qu'il vienne juste de les perdre... (Sourires) Clarifions, donc.

Peut-on conjuguer meilleure professionnalisation des études de médecine générale et apport de temps médical supplémentaire ? Doit-on proposer aux jeunes médecins de participer à une meilleure offre de soins dans les 85 ou 90 % du territoire qui en ont bien besoin ?

Si l'on répond non, s'il n'est question que de formation, alors quatrième année et lieux de stage n'ont rien à faire dans le texte.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Bernard Jomier.  - Ce n'est pas au Parlement de décider de la durée des études de médecine, ni des lieux où les étudiants ont à effectuer leurs stages.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il y a l'autonomie universitaire !

M. Bernard Jomier.  - On abaisse le niveau de la loi dans ce débat réglementaire. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

M. Bruno Retailleau.  - Alors on ne fait rien ? Impossibilisme français...

M. Bernard Jomier.  - Il faut tenir le langage de la vérité aux premiers concernés. En leur disant, d'abord, qu'ils ne sont pas responsables de la grave pénurie de médecins que connaît notre pays. Au mitan des années 1970, nous formions 10 000 médecins par an... Nous étions tombés à 3 500, nous sommes aujourd'hui à 8 500. Comment ne ferions-nous pas face à une pénurie profonde ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Les responsables, ce sont les gouvernements successifs, obsédés par la réduction des coûts par la réduction de l'offre. Cette politique a été soutenue par les syndicats professionnels médicaux et l'Ordre des médecins.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Eh oui !

Mme Émilienne Poumirol.  - Très bien !

M. Bernard Jomier.  - Les jeunes médecins refusent à raison ce dispositif précipité et le statut sous-rémunéré qui leur est proposé. Il faut négocier avec eux. (Mme Émilienne Poumirol et M. Daniel Breuiller applaudissent.)

Les approches se sont complexifiées : la rareté de l'offre, les nouveaux parcours de soins et les enjeux sociaux rendent inopérante une approche strictement sanitaire.

Concilier professionnalisation et temps médical accru ne passe pas par la création d'une quatrième année. Privilégions plutôt une année de professionnalisation qui respecte les jeunes médecins, les rémunère à leur juste valeur et prenne en compte leurs problématiques de vie.

Ce texte est précipité. Nous avons d'ailleurs bien perçu la course engagée avec le Gouvernement, qui a inscrit ce dispositif dans le PLFSS. Nous allons revoir l'alliance de juillet autour de certains textes... (Marques d'agacement à droite)

Il faut négocier avec les jeunes médecins les moyens de dégager du temps médical supplémentaire. On négocie d'abord, on légifère ensuite ! Nous voterons contre ce texte contreproductif et en appelons à la responsabilité partagée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 1947, dans Paris et le désert français, Jean-François Gravier démontrait le fort déséquilibre entre Paris et la province et ses conséquences.

Cette problématique demeure sensible en matière médicale. Depuis peut-être quarante ans, monsieur Jomier, les déserts médicaux s'étendent. Le phénomène n'est plus seulement rural.

Est-il spécifique ou résulte-t-il de la disparition des services publics dans certains territoires ? Peut-on espérer l'installation de médecins dans des territoires sous-équipés en services publics de qualité ? La vie d'un médecin de campagne des années 1970 ou 1980 correspond-elle aux attentes des jeunes médecins d'aujourd'hui ? L'évolution des mentalités et la judiciarisation de la société affectent nécessairement les installations.

Nous devons concilier les attentes des jeunes médecins avec celles d'une patientèle inquiète du manque d'accès aux soins.

Cette proposition de loi rassure les élus locaux et améliore le cursus de formation des étudiants en médecine générale.

Dès 2019, nous avions adopté un dispositif similaire, resté lettre morte faute de décret d'application. Or voici que le Gouvernement ajoute à la hâte une mesure quasi identique dans son PLFSS, s'appropriant en catimini le travail du Sénat. Ce procédé traduit une forme de mépris.

Les débats en commission ont été passionnants, tant le sujet est multidimensionnel. Je sais que les internes contestent l'allongement d'un an du troisième cycle et sont inquiets du stage en ambulatoire. Mais grâce à cette année supplémentaire, ils acquerront le statut de docteur junior et bénéficieront de l'accompagnement d'un médecin superviseur. La quatrième année représente donc une réelle avancée.

Toutefois, les conditions de rémunération et d'accueil des étudiants restent en suspens. Les frais seront-ils à la charge des seules collectivités territoriales ?

Par ailleurs, les maîtres de stage seront-ils en nombre suffisant et équitablement réparti ? Le versement de leur rémunération avec des mois de retard est en outre facteur de démotivation.

Enfin, il convient de réfléchir au lien entre création de postes d'internes et démographie à l'échelle des bassins de vie, afin d'éviter les distorsions. Dans les Alpes-Maritimes, il y a vingt postes d'interne pour 1,2 million d'habitants...

Cette proposition pose les jalons d'un meilleur accès aux soins, en respectant le principe cardinal de libre installation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment la France, dont la médecine est réputée et le système de soins envié, a-t-elle pu en arriver à une telle pénurie ? Songeons que 11 % de la population n'a pas de médecin traitant -  dans un territoire comme l'Ardèche, c'est le double.

La responsabilité est partagée : au début des années 1990, les gouvernements répondaient aux inquiétudes des élus par des projections lénifiantes...

De notre inertie ou de notre action dépendra l'accès aux soins des prochaines décennies, marquées par un vieillissement prononcé. Le problème doit être abordé sans tabou. Le salut viendra d'une conjugaison de solutions complémentaires et volontaristes.

Il est de notre devoir de proposer des solutions concrètes et viables. À cet égard, je salue l'initiative de Bruno Retailleau.

Les élus des territoires créent des maisons de santé pluridisciplinaires, mettent en place le salariat des médecins ou, comme le conseil départemental d'Ardèche, proposent des solutions de logement aux internes.

Les internes ne sauraient être montrés du doigt : ils sont, au contraire, une partie de la réponse. La solution proposée constitue un des leviers à actionner pour restaurer le droit de chacun à la santé.

Cette quatrième année alignera la formation des généralistes sur le cursus des autres spécialités. Les futurs médecins bénéficieront de la supervision d'un médecin expérimenté et d'une rémunération plus élevée que pendant leurs années d'internat. Dans les territoires sous-dotés, ils prendront, à l'aube de leur carrière, la mesure du délaissement, voire de la détresse, qui existe en matière médicale, ce qui mobilisera leur conscience civique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Fabien Genet .  - Je salue cette initiative de consolidation et de professionnalisation de la formation des internes. C'est un espoir pour nombre de territoires privés de médecins.

Certains nous accusent de mettre la charrue avant les boeufs... En tant qu'élu charolais, j'estime plutôt qu'on a trop tardé ! (Sourires)

Maire de Digouin, j'ai été confronté en 2014 au départ de la moitié des généralistes en quelques mois et à l'angoisse de la population, confrontée à l'irresponsabilité totale de notre système de santé, l'ARS finissant par renvoyer des patients vers le maire que j'étais... Heureusement, la situation s'est améliorée avec notamment la création d'une maison de santé pluridisciplinaire. Mais d'autres communes cherchent encore leur médecin...

Nos concitoyens des territoires ruraux s'adaptent aux délégations de tâches, aux cabines de télémédecine ou, demain, aux médecins stagiaires, mais ne peuvent accepter le principe d'une médecine à deux vitesses. Il faut une mobilisation générale au service du grand oublié : le patient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Il y a quelques années, les études de médecine duraient sept ans. Les médecins étaient-ils moins compétents ?

Désormais, il n'y a plus de médecins dans notre bassin minier. Va-t-on résorber les déserts médicaux en allongeant la durée des études ? Qui encadrera les jeunes médecins volontaires, payés 2 000 à 2 500 euros par mois après dix ans d'études ?

Nous ne pouvons continuer à laisser s'installer des médecins dans des zones fortement excédentaires. Nous plaidons pour une refonte d'ensemble des études de médecine, avec l'ensemble des partenaires concernés.

Les effets de la suppression du numerus clausus ne se feront sentir que dans dix ans. Il faut augmenter le nombre de places dans les facultés ! (Applaudissements sur les travées du CRCE ; Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - L'hôpital public ne peut fonctionner sans les internes. La formation d'un généraliste coûte à l'université 104 000 euros par an, pour un travail d'une valeur estimée à 121 000 euros. Les internes gagnent 6 euros de l'heure, alors que 70 % d'entre eux dépassent le plafond légal de 48 heures travaillées par semaine... Les internes sont les seuls étudiants qui rapportent de l'argent à l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur plusieurs travées des groupes SER, UC et Les Républicains)

Mme Sonia de La Provôté.  - Exactement !

M. Pierre Ouzoulias.  - Ils le vivent comme une injustice profonde.

Manuel Tunon de Lara, président de France Universités, praticien hospitalier, a déclaré devant notre commission de la culture que « les CHU vont dans le mur ». Entre cinquante et soixante professeurs de médecine ont démissionné depuis 2018. Croyez-vous vraiment que cette réforme est celle dont le monde médical a besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées des groupes SER et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Rojouan .  - En commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet de l'accès aux soins dans les territoires en souffrance ; notre approche est un peu différente de celle de la commission des affaires sociales.

Enfin une proposition de loi qui envoie un message fort vers ces populations délaissées et vers les élus locaux ! À chaque réunion, les maires évoquent ce problème de la présence médicale.

Vu la situation désastreuse, on ne pourra s'arrêter là, et le vote sur ce texte ne sera qu'une première étape. J'ai déposé une proposition de loi comprenant un ensemble de mesures qui devront être prises simultanément afin que tous les Français voient leur situation s'améliorer.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Bruno Rojouan.  - Ce texte n'est qu'un point de départ. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Luc Fichet .  - J'aimerais tellement que ça marche ! (Sourires) Cela fait dix ans que le Sénat débat de ces sujets. Avec Hervé Maurey, nous avions produit un premier rapport en 2011-2012. Nos propositions étaient sans doute coercitives, mais elles me semblent toujours indispensables.

La quatrième année vise à répondre de manière masquée au problème des déserts médicaux. À condition d'avoir un maître de stage, un logement, une voiture, un cabinet médical mis à disposition par le maire, l'interne pourra effectuer son stage dans une zone sous-dense ; on évalue le potentiel à 3 600 médecins. Je n'y crois pas. Les internes ont une autre approche. Reconsidérons la manière dont ils sont traités à l'hôpital - à la limite de l'esclavage ! (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

Comment l'État répartit-il aujourd'hui les médecins sur l'ensemble du territoire ? Voilà la vraie question. Ce texte n'y répond pas. (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE)

M. Stéphane Sautarel .  - Je remercie Bruno Retailleau pour cette initiative indispensable - même si elle n'est pas suffisante. La question de l'accès aux services publics essentiels que sont la santé, la sécurité et l'éducation est cruciale. Soyons à la hauteur de la confiance placée en nous par nos concitoyens.

Certes, les internes ne résoudront pas tous les problèmes. Toutefois, c'est un premier signe envoyé à des territoires en désespérance. Nous pouvons débattre, mais nous devons agir ! Ce sera un premier pas en direction des élus et des territoires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Notre collègue Joly avait déposé deux amendements portant sur le rapport entre la formation et la présence médicale.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ils sont irrecevables.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je tiens à exprimer mon profond désaccord sur l'interprétation qui est faite de l'article 45 de la Constitution, selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Que l'on m'explique pourquoi ces deux amendements ont été jugés irrecevables ! Faute de quoi, nous sommes dans l'arbitraire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue cette initiative et remercie le ministre de l'avoir reprise dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Malgré le changement d'intitulé, nous avons parlé davantage de démographie médicale que de formation des médecins. Je le regrette, car aucune réforme n'aboutira sans l'adhésion des premiers concernés. Or les étudiants en médecine ont exprimé leur mécontentement dans la rue la semaine dernière, nous devons les entendre. Ils ne veulent pas être les variables d'ajustement d'une situation née de notre manque d'anticipation.

Comment imaginer recruter plus de maîtres de stage, alors que les généralistes actuels approchent de la retraite ? Nous ne disposons même pas des 12 000 maîtres de stage nécessaires. Je m'abstiendrai sur ce texte.

M. Emmanuel Capus .  - Je soutiens sans réserve la proposition de loi. Elle va dans le même sens que celle de Daniel Chasseing que j'ai co-signée - retirée depuis. Il faut dépasser nos clivages, car ce problème concerne tous nos territoires. Dans le Maine-et-Loire, les généralistes ne prennent plus de nouveaux patients - même à Angers ! De nombreuses personnes ne sont pas suivies.

Les maires s'ingénient à faire face en construisant des maisons de santé, à leurs frais, en faisant venir des médecins roumains... Partout, c'est la débrouille.

La solution passe par l'adhésion des étudiants en médecine, et par une juste rémunération de leur effort. (M. Daniel Chasseing et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)

Mme Sonia de La Provôté .  - Être médecin de famille, c'est un choix. Les jeunes qui choisissent cette voie sont les piliers de la médecine de demain. Pourquoi ne s'installent-ils pas ? Pourquoi leur rémunération est-elle inférieure à la moyenne européenne ? Pourquoi choisissent-ils de faire autre chose au cours de leur carrière ? Pourquoi décident-ils de se salarier ? Seuls un cinquième des étudiants reçus à l'internat deviendront médecins de premier recours.

Je ne voterai pas cette proposition de loi qui ne règle ni la question de la rémunération ni celle des conditions d'exercice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

M. Bruno Belin .  - Il y a trente ans, nous avons diminué le numerus clausus pour faire des économies de sécurité sociale, en sacrifiant des générations d'étudiants qui nous auraient été bien utiles aujourd'hui.

Prenons date, monsieur le ministre. On nous a raconté que la fin du numerus clausus réglerait tout - et on l'a remplacé par le numerus apertus bientôt le numerus proximus ? (Murmures à gauche) Le numerus apertus, c'est le nombre d'étudiants que les universités estiment être en capacité de former. Les riches forment donc des riches, et les pauvres, des pauvres - car il y aura toujours plus d'étudiants formés à Paris Ouest qu'en province.

Le numerus apertus a-t-il changé quelque chose concrètement ? Combien de places ont-elles été créées ? Êtes-vous prêt à le réévaluer, à faire de la transparence ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Patrice Joly .  - Je suis surpris que l'intitulé de cette proposition de loi ait été amputé. L'accès à la santé dans les territoires est un problème majeur. L'égalité est bafouée, avec des conséquences sur l'espérance de vie de nos citoyens : dans la Nièvre, elle est nettement inférieure à la moyenne. Il y a urgence. Nos concitoyens attendent de la puissance publique qu'elle organise la présence sanitaire.

Nous devons redéfinir les zones sous-dotées et sur-dotées : les zones sous-denses sont celles où le nombre de médecins est inférieur à la moyenne nationale -  c'est aussi simple que cela.

En août, j'ai déposé une proposition de loi pour réguler le conventionnement, limiter l'intérim et apporter des aides à l'installation. Les Français souffrent, monsieur le ministre. Au secours ! Agissez concrètement, agissez vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Victoire Jasmin .  - Je suis gênée de ne parler que de la formation des internes en médecine générale, alors que l'intitulé initial traitait aussi des déserts médicaux.

On rencontre les mêmes problèmes de qualité de soins, d'aménagement du territoire en outre-mer que dans le reste du pays. Ce texte ne peut pas tout résoudre.

Les internes travaillent, suppléent, prennent des responsabilités. Or ils sont exploités et insuffisamment payés. Personne ne parle de ceux qui se sont suicidés durant le confinement. Pensons à leur qualité de vie et à la qualité de vie de nos populations. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du II de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. - Le troisième cycle de médecine générale est suivi d'une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d'un maître de stage universitaire, dans l'un des territoires mentionnés au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.

«  Leurs conditions matérielles d'exercice sont fixées par arrêté, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale. »

M. Bernard Jomier.  - Cet amendement pose la nécessité d'une année de professionnalisation, tout en renvoyant les modalités à une négociation avec les organisations professionnelles. En créant brutalement une quatrième année, alors que la question de la rémunération, du lieu d'affectation, des moyens matériels n'a pas été réglée, vous avez mis tous les internes en grève. Renvoyons à la négociation avant d'adopter un dispositif définitif.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le sujet de la démographie médicale n'a pas disparu, seuls les termes de « déserts médicaux » ont été retirés, car ils ne correspondent pas à la réalité et font insulte aux élus locaux qui oeuvrent à l'attractivité de leur territoire. La France n'est pas un désert ; ce terme péjoratif risque de décourager des médecins de s'installer. (On le conteste sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Nous respectons les internes en médecine. Si cette proposition de loi est adoptée, ils seront docteurs juniors en quatrième année et seront rémunérés pour leur travail. L'effort qui leur est demandé mérite une reconnaissance. C'est l'objet de l'amendement présenté par le docteur Savary.

Cet amendement ne permet pas de compléter le troisième cycle de médecine générale. Or l'ajout d'une phase de consolidation est essentiel. Au Gouvernement de définir les modalités de rémunération adaptées. Avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - L'ajout d'une quatrième année vise à doter la spécialité de médecine générale d'une phase de professionnalisation, à l'instar des autres spécialités médicales. Je ne suis pas favorable à la concertation, qui est toujours contre-productive... (On s'amuse du lapsus du ministre.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Vous voulez sans doute parler de la coercition.

M. François Braun, ministre.  - Je vous remercie de vous intéresser à la rémunération des internes. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous sommes tous très attachés à l'autonomie des universités -  Mme Pécresse tout particulièrement. Or le législateur intervient pour la première fois dans un cursus universitaire. (Mme Catherine Deroche, présidente de la commission, le conteste.) C'est un changement radical ! Si vous touchez aux études, vous remettez en question le processus de Bologne. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Bernard Jomier.  - Que la commission ait supprimé les termes « déserts médicaux », personne n'en sera chafouin. Toutefois, vous auriez dû évoquer le dispositif visant à améliorer l'offre de soins dans les territoires. En l'effaçant, on crée la confusion. Ne cherchez pas ailleurs les causes de la grève des internes.

Rémunération à l'acte, salaire, mélange des deux : la question doit être tranchée par la négociation. Vous mettez la charrue avant les boeufs. Nous maintenons cet amendement.

Mme Nathalie Goulet.  - Monsieur le ministre, vous avez dit ne pas être favorable à la concertation. J'imagine que vous vouliez parler de la coercition... (M. le ministre le confirme.)

Mme Laurence Cohen.  - Vos propos n'auraient pas eu de sens sans cette précision, monsieur le ministre. À quoi, sinon, aurait donc servi le CNR ? (Sourires)

Notre groupe ne rentrera pas dans le jeu des amendements, car nous sommes en désaccord avec ce texte, qui ne résout aucun des problèmes. Desserrons l'étau du numerus apertus.

La majorité des jeunes médecins sont attirés par un exercice salarié, en équipe, or cette proposition de loi encourage la pratique libérale. Fâcheux hiatus. Laissons-les décider librement.

Mme Sonia de La Provôté.  - Je m'abstiendrai sur tous ces amendements. En fin de cursus, à 27 ans, on a parfois des enfants en bas âge, le conjoint est engagé dans la vie professionnelle. Il me semble difficile d'envoyer ces internes, qui s'engagent dans le service public, loin de chez eux pour pallier les carences des politiques publiques.

M. René-Paul Savary.  - La quatrième année ne tombe pas du ciel. On en parle depuis des années, pour mettre le troisième cycle de médecine générale à égalité avec les autres spécialités. Cette revendication est ancienne, mais elle a été mise sous le tapis par manque de courage, sans doute.

Les internes savent bien qu'une formation à l'installation est intéressante. Ils iront dans des territoires plus ou moins attractifs, mais avec un médecin qui les prendra en main. Un territoire sans maître de stage n'aura pas d'interne. Soyons-y attentifs. Ils ne seront pas maltraités - en tout cas pas plus qu'à l'hôpital. Ils découvriront des territoires merveilleux, et je suis convaincu que beaucoup s'y installeront, et pas forcément en libéral.

Monsieur le ministre, on pourrait se pencher sur la durée des deux premiers cycles, de manière à réduire ces six ans à cinq. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing.  - Je suis favorable à ce que l'on rémunère davantage les étudiants en quatrième année. Il est évident qu'après dix ans, on ne peut pas les payer 2 000 euros par mois.

J'ai proposé dix consultations par jour : un médecin débordé qui fera appel à un jeune médecin pourra lui confier cela et être là pour le conseiller en cas de problème.

Ne parlons plus de déserts médicaux. Les médecins sont là pour soigner, là où on a besoin d'eux. C'est leur vocation. Je ne vois pas où est le problème à le leur demander. La plupart sont d'accord. C'est un problème de rémunération. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Monsieur Ouzoulias, nous avons déjà légiféré en 2019 sur la troisième année ; demain, nous examinerons une proposition de loi sur les sages-femmes sur laquelle votre groupe est moteur, qui touche elle aussi à la formation.

Il n'y a pas d'opposition entre la commission des affaires sociales et les autres commissions : ses membres sont aussi des élus locaux. Je ne suis pas favorable à la coercition : partout où elle a été instaurée, elle n'a jamais fonctionné. Lisez le rapport de Mme Polton sur les pénuries de médecins dans différentes zones géographiques ! Nous revenons de Suède, où les problèmes sont les mêmes. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié quinquies, présenté par Mmes F. Gerbaud et Gruny, MM. Milon et Belin, Mme Bellurot, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Burgoa, Calvet, Charon, Courtial et Decool, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Devésa et Drexler, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, MM. Grosperrin et Guerriau, Mme Herzog, MM. Klinger, Longuet, Menonville, Moga, Pellevat, Pointereau et Rapin, Mmes Richer et M. Vogel, MM. Wattebled et Babary et Mmes Borchio Fontimp, N. Delattre et Perrot.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

de la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de l'étudiant

Mme Frédérique Gerbaud.  - Il s'agit d'affecter les étudiants en priorité dans leur subdivision territoriale de rattachement. Un tel fléchage éviterait que des territoires de rattachement naturel des stagiaires se trouvent spoliés en faveur de territoires objectivement moins défavorisés.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Grand, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret et Laménie, Mme Noël, M. Le Rudulier, Mmes N. Goulet, Micouleau et Vermeillet et M. Cigolotti.

M. Daniel Chasseing.  - Il est normal que le territoire qui forme des médecins bénéficie des forces vives. Cela permettra aussi une meilleure répartition et répond à l'objectif de lutte contre les zones sous-denses.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Je comprends l'intention des auteurs. Le nombre de maîtres de stage n'est pas forcément proportionnel à la population des internes, mais les deux amendements ont été rectifiés pour n'exclure aucun territoire. Dès lors, avis favorable.

M. François Braun, ministre.  - Madame Goulet, je vous remercie d'avoir corrigé mon lapsus - non révélateur ! (Sourires). Je suis un inconditionnel de la concertation et fermement opposé à la coercition.

L'affectation des internes se fait déjà dans la subdivision territoriale de leur faculté. Il faut conserver de la souplesse, notamment pour les territoires limitrophes. La répartition des postes d'internes est décidée conjointement avec le ministère de la santé en tenant compte des besoins de santé des territoires.

Avis défavorable à cet amendement, satisfait par les textes existants.

Les amendements identiques nos3 rectifié quinquies et 8 rectifié quater sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Savary, Babary et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bouloux, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. Lefèvre et Longuet, Mmes Malet et Micouleau, MM. Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Puissat, M. Reichardt, Mme Richer et MM. Rietmann, Sol, Tabarot, C. Vial et J.P. Vogel.

Après l'alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Par dérogation à l'article L. 632-5, les modalités de rémunération propres aux étudiants de la quatrième année de troisième cycle de médecine générale. »

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement aborde la question de la rémunération de cette quatrième année, via une dérogation au décret existant. Il faut une rémunération digne, sans mettre à mal celle des spécialistes. Nous avons donc finalement abandonné l'idée d'une rémunération à l'acte.

Je suis stupéfait de pouvoir proposer cet amendement sans me faire opposer l'article 40, alors que c'est une dépense supplémentaire... (On s'amuse sur les travées de gauche.) Pourtant, un amendement qui réduisait d'un an la durée des deux premiers cycles - pour rester à neuf ans en tout - a, lui, été déclaré irrecevable !

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - C'est la commission des finances qui manie l'article 40, pas la commission des affaires sociales.

M. André Reichardt.  - Ça ne change rien.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le Gouvernement doit avancer sur la question des rémunérations, en concertation avec les parties prenantes. Avis favorable.

M. François Braun, ministre.  - C'est l'objet de la mission mise en place avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui devrait rendre ses conclusions au premier trimestre 2023. Le sujet est à travailler en concertation avec les parties concernées. Retrait ?

M. René-Paul Savary.  - Il ne m'a pas échappé que vous aviez lancé une concertation. Mais quel qu'en soit le résultat, vous devrez prendre une dérogation par rapport au décret. Alors autant montrer votre ouverture dès aujourd'hui !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. André Reichardt.  - Je voterai cet amendement que j'ai cosigné. Il est apparu tout au long du débat que la rémunération était un élément essentiel.

Que ce soit la commission des finances ou non, nous sommes confrontés aux limites de l'application de l'article 40 - comme de l'article 45, au demeurant. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) J'ai déjà demandé comment était évaluée l'irrecevabilité. On m'a envoyé un fascicule très complexe, auquel on ne comprend rien. Cet exemple est typique. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les questions posées sur la rémunération montrent les limites de cette proposition de loi, faute de concertation avec les internes.

On parle d'une rémunération à l'acte, mais cela créerait des inégalités entre les zones sous-denses ! (On le conteste à droite.) Pour un même travail, la rémunération ne serait pas la même : c'est scandaleux !

M. Philippe Mouiller.  - L'amendement prévoit une dérogation pour laisser le temps au Gouvernement de négocier avec les étudiants afin d'obtenir un dispositif cohérent sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Bien sûr !

M. Daniel Chasseing.  - J'avais proposé dix consultations minimum en libéral. Mais il y a des jours avec plus ou moins de consultations. C'est ainsi et ce n'est en aucun cas une discrimination.

Les médecins qui prendront un junior le feront parce qu'ils sont débordés. Dix consultations par jour, cinq jours par semaine, cela fait 5 000 euros par mois.

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié sexies, présenté par Mmes Bellurot et F. Gerbaud, MM. Perrin et Rietmann, Mme Thomas, MM. Brisson, Calvet et Reichardt, Mmes Demas, Puissat et Ventalon, MM. Cambon, Lefèvre et Bazin, Mmes Eustache-Brinio et Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Procaccia et Micouleau, MM. Bonne, Belin, E. Blanc, Bouchet, Babary et Meignen, Mmes Estrosi Sassone et Lassarade, M. Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Deseyne et Dumont, MM. Bouloux et J.B. Blanc, Mme Gosselin et MM. C. Vial, Genet, B. Fournier et Pointereau.

Après l'alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après le 3° du III de l'article article L. 632-2 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«...° Les conditions d'agrément des médecins retraités comme maîtres de stage des universités. »

Mme Nadine Bellurot.  - Cet amendement pragmatique devrait vous combler, monsieur le ministre : il prévoit qu'un médecin retraité puisse être référent.

En 2014, ma commune de Reuilly, dans l'Indre, de moins de 2 000 habitants, comptait deux généralistes et un dentiste ; aujourd'hui, il n'y en a plus du tout. Nous devons profiter de l'expérience et de la bonne volonté de ces médecins retraités, qui sont prêts à accompagner de jeunes médecins.

C'est un amendement d'appel, car la mesure est d'ordre réglementaire, mais si l'on ne s'appuie pas sur les médecins retraités, cela ne fonctionnera pas.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - La réforme ne pourra réussir que si elle garantit un accompagnement aux internes. L'ouverture à des médecins retraités enverrait un mauvais signal aux étudiants. L'accompagnement est déjà ouvert aux médecins qui cumulent emploi et retraite.

Nombre de collectivités s'engagent pour former des maîtres de stage ; je pense en particulier au conseil départemental de Charente-Maritime. C'est important pour les départements dépourvus de faculté. Retrait ou avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - Même avis.

Mme Nadine Bellurot.  - Je vais retirer mon amendement. (On le déplore sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

La rédaction du décret tiendra-t-elle bien compte du cumul emploi-retraite ? Il faut que les médecins retraités puissent être agréés pour accueillir des docteurs juniors. Je le vois bien dans ma commune : les médecins récemment retraités sont compétents, connaissent la patientèle, ils seraient de bons maîtres de stage.

L'amendement n°14 rectifié sexies est retiré.

À la demande des groupes Les Républicains et CRCE, l'article unique, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 233
Contre   95

Le Sénat a adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Sol, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houpert, Genet, C. Vial, H. Leroy et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Micouleau et Belrhiti et MM. Burgoa, Cambon et Calvet.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé

I.  -  Le 7° du III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par les mots : « sans que le nombre de postes ouverts en médecine générale ne puisse représenter moins de 70 % du nombre de postes ouverts ».

II.  -  Le I entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et, au plus tard, le 1er janvier 2025.

M. Jean Sol.  - Par cet amendement, je propose un pourcentage d'étudiants se destinant à la médecine générale en troisième cycle de 70 %, contre 30 % pour les autres spécialités.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Quelque 40 % des étudiants accédant au troisième cycle se destinent à la médecine générale et cela augmente chaque année. Votre amendement risque de mettre en difficulté des spécialités comme la gynécologie, la pédiatrie, la réanimation, tout aussi essentielles. Avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - Même avis.

M. Jean Sol.  - J'y crois, donc je le maintiens !

Mme Sonia de La Provôté.  - En gynécologie, ophtalmologie, anesthésie-réanimation, on manque aussi de médecins ! On a besoin de tous les médecins et de promotions plus importantes. Il y a une complicité collective à ne pas avoir formé assez de médecins pendant des années.

Les médecins généralistes sont de facto polyvalents : ils sont tour à tour gynécologues, cardiologues de ville, etc.

Sur la portion congrue des effectifs de l'internat, ne mangeons pas la part des autres !

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Houpert .  - Cette proposition de loi pose une bonne question sur la démographie médicale, mais apporte-t-elle une bonne réponse ? (« Non ! » sur quelques travées à gauche) Je ne le pense pas. En médecine, on traite toujours la cause et ici, la cause, c'est l'aménagement du territoire, éternel voeu pieux.

Il n'y aurait pas de déserts médicaux si les territoires étaient véritablement attractifs. Déplacer un étudiant de quatrième année dans un territoire, c'est déplacer toute une famille, trouver un logement, des écoles... (M. Patrice Joly ironise.)

On explique souvent que les étudiants en médecine sont favorisés, car l'État leur paye leurs études, mais Pierre Ouzoulias a bien expliqué qu'ils remboursaient largement leur dette en renforçant l'hôpital.

Et trouver un maître de stage est très difficile en médecine générale.

N'instaurons pas un service médical semblable au service militaire et cessons d'embêter les étudiants en médecine.

M. Hervé Maurey .  - Le groupe UC votera cette proposition de loi.

Il y a dix ans, j'ai présenté un rapport d'information intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment ». La ministre de la santé de l'époque, Mme Bachelot, m'avait expliqué qu'après un mauvais moment à passer, les choses iraient beaucoup mieux dans dix ans ! Elles n'ont fait que s'aggraver...

Cette proposition de loi sera-t-elle seulement appliquée ?

Ce seul dispositif ne réglera pas le problème. Nous avons besoin d'une véritable régulation. Cela a été réussi avec les kinés et cela se fait déjà dans de nombreux pays. Face à l'échec des dispositifs incitatifs, il nous faut un gouvernement courageux qui ose déplaire aux médecins.

L'accès des patients à une médecine de qualité est plus important que le confort des médecins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet .  - La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) prévoyait une mesure coercitive, malheureusement supprimée par une proposition de loi de notre ancien collègue Alain Vasselle, après une bronca des médecins.

Je voterai cette proposition de loi en regrettant que notre débat se limite à la quatrième année. Car c'est aussi l'échec de Parcoursup. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Notre débat du 15 novembre prochain sera l'occasion de le constater et de trouver des solutions pour débloquer l'accès à la filière.

Des collectivités ont commencé à prendre des initiatives - le département de l'Orne salarie des médecins. Mais réglons d'abord le problème de l'entrée dans les études de médecine.

M. Alain Milon .  - La loi Ma Santé 2022 prévoyait une formation dans les cabinets médicaux au cours de la troisième année de spécialisation. Mais les étudiants s'estimant insuffisamment formés, la CMP a réduit cette formation à six mois.

Le texte de M. Retailleau place les étudiants au contact des patients, alors qu'à l'hôpital ils sont en contact avec la maladie. C'est essentiel.

Seuls 30 % de nos étudiants en médecine générale s'installent immédiatement à l'issue de leur troisième année de spécialisation ; avec cette proposition de loi, tous passeront leur quatrième année au contact des patients. Je vous invite à voter ce texte.

M. Daniel Chasseing .  - Le RDSE votera cette proposition de loi. N'oublions pas que dans la ruralité, il y a aussi de la culture, des écoles, des collèges, des lycées... Certes, il n'y a pas d'université et souvent pas d'emploi pour le conjoint.

Personne n'aspire à travailler 24 heures sur 24. De nos jours, la vie dans le monde rural est tout à fait compatible avec la vie que souhaitent les jeunes.

En 2019, nous avions voté un dispositif, resté inappliqué faute de décret. Depuis, la situation s'est aggravée.

Les maires attendent de l'efficacité. Il ne s'agit pas de punir les internes, qui doivent percevoir un salaire décent. Nous leur demandons simplement, pendant cette quatrième année, d'apporter la médecine dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Daniel Breuiller .  - Cette proposition de loi oublie la question de la formation des jeunes médecins et passe à côté de celle de la couverture médicale. La concertation doit précéder la loi : le GEST votera contre cette proposition de loi.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 232
Contre   96

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Abdallah Hassani applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Merci au ministre pour son avis de sagesse et à tous les intervenants pour la qualité de nos échanges. Cette proposition de loi n'a pas la prétention de tout régler. Il était néanmoins important qu'elle soit votée, car la situation est insupportable pour les patients comme les élus. Elle n'enlève rien à l'hôpital : puisse l'arrivée de docteurs juniors dans les territoires soulager les urgences.

C'est un pas demandé à chacun : à l'État, aux internes, aux maîtres de stage, à l'université. Merci pour ce vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Jean-Michel Arnaud.  - Lors du scrutin solennel n°3 sur la Lopmi, Mmes Amel Gacquerre et Anne-Catherine Loisier souhaitaient voter pour.

Mme Frédérique Puissat.  - Lors du même scrutin, Charles Guené, Gérard Longuet, Albéric de Montgolfier et Damien Regnard souhaitaient voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Finances locales

M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La loi organique relative à la gestion des finances publiques nous permet d'organiser ce débat bienvenu sur les finances locales.

Madame la ministre, vous souhaitez supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans. Or cette mesure ne profitera qu'à 40 % à des entreprises industrielles, et beaucoup plus de sociétés du tertiaire. Aidons plutôt notre industrie à faire face à la crise énergétique.

Le calcul de la compensation de la suppression de la CVAE inclut deux années de crise sanitaire - où son produit s'est contracté -, alors que l'État a déjà perçu le produit pour 2023, qui, lui, est dynamique. La ficelle est un peu grosse...

La Première ministre s'est certes engagée à abonder le fonds vert du montant de ce surplus, mais le socle de la compensation est inchangé. Les conséquences de cette suppression à partir de 2024 n'ont pas été suffisamment évaluées et le projet de loi de finances pour 2023 fait un trop large renvoi au pouvoir réglementaire. Voilà qui rappelle la suppression de la taxe d'habitation...

Après les contrats de Cahors, les pactes de confiance traduisent une nouvelle recentralisation du fonctionnement des collectivités territoriales. Vous prévoyiez de plafonner la hausse de leurs dépenses de fonctionnement un demi-point en dessous de l'inflation, avec des sanctions en cas de dépassement : c'était inacceptable et cet article a été heureusement supprimé à l'Assemblée nationale. Madame la ministre, revoyez votre copie.

Sortons enfin de l'ère du soupçon, d'autant que les règles budgétaires des collectivités territoriales sont autrement plus exigeantes que celles qui s'appliquent à l'État. Pour respecter vos engagements européens, vous faites des économies sur le dos des collectivités, pourtant plus vertueuses que vous.

Votre seul souci devrait être de leur permettre de conserver des capacités financières pour investir en faveur de la transition énergétique. Françoise Gatel estime leur facture énergétique à 11 milliards d'euros ; bouclier tarifaire et plafonnement des prix de l'électricité sont bienvenus, mais insuffisants.

Oui, les collectivités territoriales peuvent participer à l'effort de redressement des comptes publics, mais il faut d'abord des échanges constructifs avec les associations d'élus. Car les finances locales connaissent un effet de ciseaux et, par mitage fiscal, leurs impôts directs sont remplacés par des dotations sur lesquelles les élus n'ont plus de pouvoir, ni de taux ni d'assiette.

Il faut une meilleure coordination des finances locales, sociales et étatiques, plutôt que de revenir à un État central qui ne doit plus l'être. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'interviens au nom du rapporteur général, excusé.

Ce débat est une avancée importante permise par la réforme de la LOLF.

Dissipons d'emblée l'illusion d'une situation financière favorable des collectivités territoriales. Fin 2021, près de 46 % des communes avaient une épargne brute inférieure au niveau de 2019 : la crise sanitaire a laissé des traces budgétaires.

La loi de finances rectificative prévoit un filet de sécurité pour le bloc communal - que le Sénat a renforcé en y incluant le point d'indice de la fonction publique, la hausse des prix de l'énergie et des produits alimentaires -, ainsi que des mesures en faveur des départements et des régions.

Mais sa portée n'est plus adaptée : depuis la rentrée, de nombreuses collectivités territoriales sont confrontées au mur du renouvellement de leurs contrats d'électricité et de gaz. Il faut, dans le PLF, des mesures puissantes et efficaces.

M. Roger Karoutchi.  - C'est sûr !

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission.  - En les mettant dans l'impasse, nous agissons contre nos intérêts, car ce sont elles qui réalisent les investissements indispensables à la transition écologique.

L'examen du projet de loi de programmation des finances publiques est aussi l'occasion de nous prononcer sur la part des collectivités territoriales dans l'effort de redressement des comptes publics. Elles affichent un solde excédentaire de 5 milliards d'euros et leur dette représente moins de 9 % de la dette publique, mais le Gouvernement leur demande une baisse de leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 % par an en volume, quand l'État, lui, ne réalise pas le moindre effort sur ses propres dépenses...

Nous ne saurions accepter les méthodes d'un État qui veut réduire la dette publique en aggravant la sienne et baisser les impôts en supprimant ceux des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Est-ce par étourderie que le Gouvernement a laissé dans le projet de loi de programmation des finances publiques un copié-collé de la loi de programmation qui instaurait les contrats de Cahors ? Certes, on accorde aux collectivités une année de liberté surveillée, mais avec de nouvelles sanctions comme l'exclusion des dotations d'investissement de l'État. Nous sommes bien loin de la nouvelle méthode annoncée.

Or il y a une communauté de destin entre les collectivités territoriales et l'État. Elles sont prêtes à continuer à maîtriser leurs dépenses, sous réserve de réciprocité. Nous attendons non plus des mots, mais des actes. Et des actes de confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - La loi organique de 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques rend possible ce débat consacré aux finances locales ; c'est une avancée. J'étais vendredi dernier à l'Assemblée nationale ; me voici devant vous, selon des modalités légèrement différentes.

L'élaboration du volet territorial du PLF a été marquée par un échange continu avec les associations d'élus. Avec Gabriel Attal et Christophe Béchu, nous les avons toutes reçues, à plusieurs reprises, jusqu'à la présentation du projet de texte au Comité des finances locales le 26 septembre.

Nous construisons un budget protecteur, dans un souci de maîtrise de nos finances publiques.

Face à l'inflation, les collectivités territoriales ont besoin d'un soutien accru de l'État. La LFR contenait déjà des mesures fortes que vous avez enrichies.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Nous les avons renforcées !

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée.  - Je songe notamment au filet de sécurité de 430 millions d'euros destiné aux communes et intercommunalités les plus fragiles. Depuis la parution du décret, le 13 octobre, les collectivités peuvent déposer leur demande et obtenir un acompte de 50 %.

La hausse de 4 % du RSA a été compensée aux départements, comme celle des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle, pour les régions.

Le PLF contient aussi une prolongation du filet de sécurité sur les dépenses énergétiques et du bouclier tarifaire en 2023. Citons aussi le quintuplement de l'enveloppe pour les collectivités territoriales les plus fragiles, pour un total de 10 millions d'euros, et le non-plafonnement des bases fiscales.

Voilà pour l'immédiat. Mais il faudra aussi agir au niveau européen - pour réguler les prix de l'énergie et capter les superprofits des grands groupes énergétiques  - et au niveau individuel conformément au plan de sobriété.

Résoudre durablement la crise impose aussi de favoriser la transition énergétique et écologique. C'est pourquoi les crédits de la mission Biodiversité augmentent d'un tiers dans le PLF pour 2023, après un doublement en 2022, pour atteindre 30 millions d'euros. Les règles d'accès au fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, seront simples, sans appel à projets ; tout partira de l'initiative des élus, dans un dialogue avec le préfet. La Première ministre a annoncé vendredi dernier que 200 millions d'euros seront réservés aux départements.

Il faut aussi donner de la visibilité financière sur le long terme. Ainsi la DGF augmente de 320 millions d'euros, sans recourir à l'écrêtement ; c'est inédit depuis treize ans.

La suppression de la CVAE nous fera gagner en compétitivité, sans amoindrir les ressources des collectivités territoriales, et sera intégralement compensée par une part supplémentaire de TVA. Il n'y aura pas d'année blanche et rien ne sera conservé par l'État. Un travail sur le projet de décret en Conseil d'État est en cours avec les associations d'élus.

Enfin, pour protéger les marges de manoeuvre des collectivités, nous maintenons la dotation d'investissement à près de 2 milliards d'euros.

Devant les défis qui s'annoncent, nos collectivités territoriales ne manquent pas d'atouts. Nous avons toujours su, dans la crise, construire des consensus au service de l'intérêt général. Les postures et effets de manche, je l'espère, n'auront pas lieu. Ne rejouons pas le sempiternel combat entre girondins et montagnards. Les Français nous jugeront sur notre capacité à améliorer concrètement leur qualité de vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MMEmmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après le quinquennat de François Hollande marqué par une baisse de 11 milliards d'euros des dotations, Emmanuel Macron, en 2017, a voulu donner des assurances aux collectivités territoriales. La stabilisation de la DGF a bien été accueillie.

Mais la désillusion fut rapide : dès l'été 2017, le Gouvernement réduisait de 300 millions d'euros les crédits des collectivités territoriales, supprimait la réserve parlementaire, réduisait drastiquement les emplois aidés.

La moitié des communes de France ont, en réalité, vu leurs dotations baisser en cinq ans. Leurs leviers fiscaux sont réduits par les réformes fiscales qui rognent leur autonomie financière.

Or dans le même temps, les collectivités ont perdu 7 milliards d'euros à cause de la crise sanitaire. Pour le bloc communal, sur les 3,4 milliards de pertes de recettes, la compensation n'a été que de 270 milliards d'euros pour les pertes fiscales et domaniales et de 250 millions d'euros pour les compensations en faveur des services publics industriels et commerciaux (Spic) et des services publics administratifs (SPA).

Dès le mois de février, j'ai alerté le Gouvernement sur les conséquences de l'augmentation des prix de l'énergie. Sans réponse. Puis le Gouvernement a ajouté le choc de la revalorisation du point d'indice - 2,3 milliards d'euros de surcoût pour les collectivités territoriales !

C'est l'Assemblée nationale qui a introduit un filet de sécurité, que le Sénat a ensuite beaucoup amélioré, notamment grâce au groupe UC.

Il demeure très restreint, puisque seulement 5 000 à 8 000 communes et groupements en bénéficieront. Et pas avant 2023. Quant aux avances, quelles communes en bénéficieront, quand et comment ?

Le PLF, à notre grande surprise, ne prolongeait pas le filet de sécurité en 2023.

L'augmentation de 320 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne représente en fait qu'une revalorisation de 1,2 %, bien loin de l'inflation, qui est de plus de 5 %.

Les élus et surtout les maires sont inquiets. Dans le contexte de transfert à l'intercommunalité de la taxe d'aménagement, des situations très complexes surgissent ; l'Assemblée nationale a voté ce dispositif sans concertation. Je vous invite, madame la ministre, à revoir la copie du prochain PLF pour faire face à cette période difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - Y a-t-il encore une décentralisation dans notre pays ? Si l'on décentralise les compétences, la fiscalité reste jacobine. Le Gouvernement fait de la démagogie fiscale sur le dos des collectivités territoriales. En matière de taxe d'habitation, rien n'est supprimé pour les contribuables puisque la taxe foncière et les loyers augmentent... Les collectivités territoriales perdent toute autonomie fiscale. Prises au piège, elles rackettent les propriétaires avec la taxe foncière.

Ajoutons l'augmentation des prix de l'énergie - près de 250 % de hausse ! -, la restauration scolaire et la revalorisation du point d'indice : il n'y a plus de marge de manoeuvre, et les maires s'arrachent les cheveux.

Je demande pourtant depuis février un bouclier tarifaire, en vain... Des piscines ferment, on risque de supprimer les décorations et fêtes de Noël.

L'état obèse refuse de sortir ses mains de nos poches. Il répond par des soins palliatifs, des aides, des dotations, mais plus de ressources propres. Les collectivités territoriales font la manche ; on prévoit 11,3 % de baisse de leur épargne brute cette année. Nous nous dirigeons vers un blackout fiscal communal.

La Cour des comptes propose de recentrer les droits de mutation à titre onéreux sur le bloc communal. Ce serait un juste retour de leur investissement, qui financerait leurs dépenses de fonctionnement.

Décentraliser la fiscalité, c'est garantir le respect du consentement à l'impôt. Nous devons d'abord rendre aux communes leur pouvoir fiscal ; rien d'autre.

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP) Je salue la tenue de ce débat, instauré par la loi organique de décembre 2021 ; mais il sera inévitable, à terme, de discuter d'un texte spécifique consacré aux finances locales.

En France, les finances locales ne représentent que 20 % de la dépense publique, contre 40 % en moyenne européenne. Cela relativise l'accusation de manque de rigueur budgétaire, alors qu'elles sont les seules à présenter tous les ans un budget à l'équilibre : leur contribution au déficit public est quasi nulle. (M. Jean-Baptiste Lemoyne approuve.)

Globalement, leurs finances sont sorties assainies de la crise sanitaire, grâce aux économies réalisées et aux aides versées par le Gouvernement.

Mais le bloc communal a été très affecté par la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale et le sera prochainement par celle de la CVAE, compensée par un transfert d'impôts nationaux. L'autonomie financière des collectivités territoriales est pourtant essentielle.

Les départements, davantage financés par les impôts nationaux et les dotations, sont confrontés à la montée en puissance de leurs interventions sociales. Je pense notamment aux départements ruraux dont la population vieillit et dont les ressources propres sont peu dynamiques. Cela pose la question d'un modèle où l'on décentralise sans donner d'autonomie financière.

Face au retour de l'inflation, la LFR a soutenu les collectivités territoriales, avec 430 millions d'euros. Faut-il pérenniser ce soutien en 2023 ? Je me réjouis que l'Assemblée nationale l'ait voté. Le RDSE votera tout ce qui va dans le sens de moyens alloués aux collectivités.

La compensation de la CVAE à l'euro près, pérenne et dynamique, doit être confirmée. Nous vous prenons au mot, madame la ministre !

La DGF se maintient à 26 ou 27 milliards d'euros malgré l'inflation ; la revalorisation de la DSU et de la DSR sera équivalente à ce qu'elle était les années précédentes.

Les incertitudes demeurent, à cause de la menace du 49.3. Au vu du contexte économique et social, les collectivités territoriales ont besoin de clarté, de prévisibilité et de sérieux. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Respectons-nous la Constitution ? Celle-ci, dans ses articles 72 à 74, consacre le principe d'autonomie des collectivités territoriales. Or qu'en est-il lorsqu'on supprime la taxe professionnelle, la taxe d'habitation, la CVAE, qu'on encadre l'action des collectivités territoriales par des « pactes » ? En réalité, les élus perdent leur autonomie, parce qu'ils perdent la capacité de financer des projets au service de leurs concitoyens.

Vous dites compenser. Mais ce n'est pas la même chose ! Vous recentralisez les impôts locaux et les remplacez par des dotations qui évoluent moins vite que l'inflation. Cela revient à dire que la gestion des élus locaux est si peu fiable qu'il faut la recentraliser ! (M. Jérôme Bascher approuve.)

À la fin de l'année 2012, Jean-Marc Ayrault avait annoncé une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité, nationale et locale. Elle n'a, bien sûr, jamais eu lieu, et les gouvernements successifs continuent à rogner le pouvoir des élus (M. Jean-Michel Arnaud approuve.)

Les maires sont étranglés : ils demeurent responsables devant leur population, mais n'ont plus la capacité de faire. Madame la ministre, vous étiez il y a peu maire de Beauvais. Lorsque le Président Hollande réduisait les dotations, lorsqu'on supprimait la taxe d'habitation, les élus perdaient du pouvoir et du lien avec leur population.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a fixé un maximum de hausse de la taxe foncière : au-delà, l'État compensera.

Il n'y aura plus bientôt aucune ressource pour les collectivités territoriales ! Ce n'est pas cela, l'autonomie. La Cour des comptes elle-même reconnaît que l'autonomie financière des collectivités territoriales est remise en cause. Elle devrait aller plus loin et demander à l'État de mettre fin à ce mouvement.

Or le contexte est totalement fou : crise sanitaire, énergétique... Nos collectivités trinqueront si le bouclier énergétique n'est pas mis en oeuvre. Il concerne 80 % des communes : qu'en est-il des 20 % restants, madame la ministre ? Les élus sont responsables électoralement devant leurs concitoyens, mais n'ont pas de capacité à agir ; ils pourraient être contraints à supprimer des services publics locaux.

Pourquoi ne pas envisager la création d'un projet de loi de finances des collectivités locales ? Cela donnerait de la visibilité et rétablirait peut-être l'équilibre nécessaire pour discuter avec l'État. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) On dit le Sénat conservateur, mais il est des changements que nous accueillons bien volontiers. Notre débat sur les finances locales est une nouveauté qui nous plaît beaucoup et nous offre l'occasion de faire un point sur la situation des collectivités territoriales. Le rapport de la Cour des comptes établit un diagnostic clair.

En ce début de quinquennat, abordons une promesse du Président de la République : la baisse des impôts de production comme la CVAE, ce qui n'est pas le souhait des élus locaux...

Par principe, nous sommes favorables à la baisse des impôts de production, qui s'élèvent toujours à 5,3 % du PIB en France, contre 2,6 % dans l'Union européenne et 0,8 % en Allemagne. Ces impôts injustes sont contre-productifs, puisqu'ils pénalisent l'industrie. Leur réduction n'aurait aucun inconvénient si elle ne nuisait à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le problème n'est pas la suppression de cet impôt, mais bien son remplacement. Offrir une fraction de TVA représente une ressource dynamique. Mais cela place les collectivités territoriales sous la coupe de l'État. La préservation de l'autonomie financière des collectivités territoriales ne doit pas se faire aux dépens de leur autonomie fiscale, déjà réduite à peau de chagrin.

Les collectivités territoriales ont pourtant fait preuve de leur capacité à tenir les comptes. Extrêmement prudentes, elles ont dégagé, fin 2021, 5 milliards d'euros d'excédents budgétaires.

Mais l'inflation et la guerre en Ukraine placent les élus locaux dos au mur. La Cour des comptes propose plusieurs solutions, notamment le partage de la fiscalité nationale. Elle propose aussi d'attribuer un type d'impôt par strate de collectivités territoriales. C'est intéressant, mais l'urgence est de sauvegarder l'autonomie financière des collectivités territoriales. Elles doivent conserver la maîtrise de leur destin. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet, madame la ministre ? Les élus locaux attendent des engagements forts. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les précédents orateurs ont cité beaucoup de chiffres. Je débuterai avec les propos de Pablo Neruda : « Je t'aime d'une manière inexplicable, de nature inavouable, de façon contradictoire. Je t'aime... Avec mes états d'âme qui sont nombreux, et mes changements d'humeur continuels ». Voilà la déclaration d'amour que les collectivités territoriales attendent de l'État !

Oui, l'histoire est ancienne entre l'État et les collectivités territoriales : depuis 1983, les lois de décentralisation ont permis d'agir.

Le Gouvernement ne cesse de déclarer sa flamme aux grandes entreprises en leur accordant des dizaines de milliards d'euros d'exonérations fiscales sans contrepartie. Total réalise un profit cumulé de 2 600 dollars par seconde.

Les collectivités territoriales sont des entreprises locales innovantes qui méritent d'être soutenues : qui a organisé, pendant la pandémie, le suivi des personnes âgées ? Qui a distribué des masques, créé les centres de vaccination ? Qui a rétabli le dialogue avec les gilets jaunes ? Qui assure la transition écologique ? Les collectivités territoriales sont un atout puissant que le Gouvernement met au pain sec, alors que le PLF 2021 a offert 56 milliards d'euros aux entreprises du CAC 40, non conditionnés.

Pourquoi l'État contraint-il les collectivités territoriales, alors que celles-ci contribuent à 70 % des investissements publics ? Elles sont le laboratoire des solutions innovantes et propres pour notre pays, notamment pour protéger la biodiversité. Si vous leur accordiez la confiance -  sans contrat  - , vous verriez leur capacité à accompagner les défis de notre société.

Le bouclier tarifaire vaut pour tous les citoyens et les entreprises, mais pas pour les collectivités territoriales et leurs équipements -  écoles, piscines, centres de santé, crèches ?

Laissez-les taxer davantage Airbnb, les résidences secondaires et les logements vacants en zone touristique ! Les associations d'élus plaident pour une contribution responsable. Madame la ministre, ne nous écoutez pas, entendez-nous ! Ne supprimez pas la CVAE, indexez la DGF, taxez ceux qui font des profits exceptionnels dans ce contexte de crise et financez ainsi un bouclier tarifaire pour toutes les institutions publiques, supprimez les contrats et faites confiance à ceux qui incarnent les services publics de proximité. Osez quitter ce jacobinisme surplombant pour faire vivre enfin la République décentralisée. Les élus territoriaux ne veulent pas devenir des sous-préfets anémiés qui ne pourront pas mener les actions qu'ils souhaitent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul et M. André Guiol applaudissent également.)

M. Éric Bocquet.  - Bravo !

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je remercie le président Raynal d'avoir demandé ce rapport à la Cour des comptes. Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, les collectivités territoriales occupent une place prépondérante dans l'action publique. La question de leur financement est fondamentale pour l'égalité entre les citoyens. Nous ne pouvons pas dissocier financement et compétences.

Le système de financement des collectivités territoriales est à bout de souffle, selon le premier président de la Cour des comptes. Voilà treize ans, la Cour dénonçait l'enchevêtrement des compétences, source de l'essoufflement du financement. L'introduction de la clause de compétence générale a accéléré ce processus, les transferts étant réalisés de façon désordonnée. La cacophonie budgétaire est souvent la conséquence des hésitations du législateur et des changements de doctrine de l'administration. À la fin, plus personne ne s'y retrouve.

La Cour des comptes rappelait que la phase de décentralisation de 2003 aurait pu représenter un nouveau départ. Or il n'en a rien été. Le constat sur les finances locales rejoint celui sur les compétences.

Les collectivités territoriales ont connu un excédent de 4,7 milliards d'euros fin 2021 en raison d'une dynamique de recettes supérieure à celle des dépenses. Cette situation contraste avec celle des autres administrations publiques. L'État porte 89 % du déficit en 2021 !

C'est la conséquence d'un fort soutien de l'État tout au long de la crise, mais également des réformes successives de la fiscalité locale compensées par des ressources pérennes et dynamiques.

Mais ne nous y trompons pas : nous sommes face à un choix de doctrine pour les années qui viennent. La liberté des collectivités territoriales s'accompagne nécessairement d'un recul de l'État dans la garantie des financements.

Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, disait que considérer qu'il y a trois acteurs autonomes de même niveau, l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, n'est pas réaliste, car l'État est le seul maître du jeu. Pour nous parlementaires, cela a trois conséquences. Premièrement, chacun doit prendre sa part de rétablissement des comptes de la Nation. Nous ne devons jamais oublier notre responsabilité collective.

Deuxièmement, toute réforme d'ampleur suppose une concertation avec les élus, en vue de discuter du juste niveau de contribution face aux besoins. Là encore, le rapport de 2009 est sans appel : une véritable péréquation aurait supposé de remettre en cause des situations acquises. Ce projet de loi de finances 2023 apporte la seule réponse possible, faute de réforme radicale.

Troisièmement, acceptons de revoir en profondeur le système de péréquation afin de rétablir l'égalité entre les territoires. En 2009, le premier président déclarait que la République, c'est la solidarité nationale et qu'il ne faudrait pas que la décentralisation devienne l'alibi de son affaiblissement.

Nous devons nous préoccuper de l'équilibre entre le principe d'autonomie financière, l'équité et la cohésion entre les territoires et la responsabilité de chacun envers nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE) Les finances locales sont-elles devenues la variable d'ajustement des finances publiques ? L'autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales ne seront bientôt plus que de lointains souvenirs. Madame la ministre, comprenez l'inquiétude des élus locaux, qui doivent toujours faire plus avec moins. Je pense à la suppression de la taxe d'habitation ou de la CVAE. Transformer des recettes fiscales en dotations entraîne une perte d'autonomie, une rupture du lien avec les habitants et une diminution des recettes.

Au printemps dernier, il était question d'une ponction de 10 milliards d'euros sur les finances locales. Depuis, les collectivités ont dû faire face à l'augmentation du point d'indice, à la hausse des prix des matières premières, de l'énergie et de l'alimentation. Elles sont au bord de l'asphyxie. Ma commune est confrontée à une augmentation des prix de l'électricité d'un million d'euros, alors que son budget de fonctionnement n'est que de 5 millions d'euros. Comment faire ?

Au-delà de leurs dépenses propres, les collectivités territoriales doivent affronter les difficultés des organismes qu'elles financent, notamment les Ehpad et les Sdis. Le filet de sécurité voté cet été concernait 20 000 communes initialement. Or un tiers seulement d'entre elles seraient éligibles. Il est urgent de réviser les critères d'attribution. La réponse du Gouvernement doit être à la hauteur. Les pactes que vous nous proposez constituent une double peine : baisse des dotations et contrôle des dépenses. C'est léonin.

Pour la seule électricité, les surcoûts représentent une hausse de 10, 100, 300 voire 500 %. Et les taux d'intérêt de l'an prochain sont imprévisibles.

Amputées de toute marge de manoeuvre, les collectivités territoriales n'ont plus de perspective. Pourtant, leur rôle est essentiel dans la préservation de l'emploi, l'action économique, le financement des services publics en tout point du territoire.

Les collectivités territoriales n'en peuvent plus d'être si peu considérées. Elles ont besoin d'une relation de confiance et non d'une mise sous tutelle déguisée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - Ce débat intervient dans un climat de défiance entre l'État et les collectivités territoriales. La hausse de l'énergie, des denrées alimentaires et des matières premières et la revalorisation du point d'indice ont été citées. Les préfets sont démunis. Le Gouvernement invite les collectivités territoriales à la sobriété, mais pour qui ? Elles sont les premiers investisseurs publics en France. Les élus communaux, départementaux et régionaux doivent quémander leur dû, qui ne vient pas.

La suppression de la taxe d'habitation a marqué une première atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, de même que la baisse des impôts de production. La suppression de la CVAE parachève le tout en affaiblissant la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Les ménages modestes financent des baisses d'impôt qu'ils ne payaient pas. C'est la réalité.

Chaque année, ce sont 41 milliards d'euros qui échappent à l'État. Sans cette évaporation, le déficit serait résorbé de près d'un tiers. L'État éponge sa dette sur le dos des collectivités territoriales. Or elles sont à l'équilibre, malgré les transferts de compétences, les baisses de charges, les diminutions de la fiscalité. Et vous voudriez que les travailleurs paient pour cette lâcheté ? Dès la loi de finances rectificative pour 1982, l'État a institué des allègements de la part salariale de la base de la taxe professionnelle. L'État devient ainsi le premier contribuable local.

La situation actuelle est l'aboutissement d'une logique qui ne peut faire que des perdants, car les collectivités territoriales constatent une décorrélation entre les charges et les ressources. Le Gouvernement a décidé de revaloriser à 3,5 % le point d'indice. Le filet de sécurité est troué ! Il s'élève à 430 millions d'euros alors que la revalorisation du point d'indice représente à elle seule 1,14 milliard d'euros. Les réponses de mon groupe sont claires : indexer la DGF sur l'inflation, sanctuariser dans la Constitution l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, maintenir la CVAE et refondre un impôt économique territorial avec une liberté de taux pour les communes, élargir les tarifs réglementés de l'électricité à toutes les communes, et revenir sur la disparition des tarifs réglementés du gaz. Madame la ministre, les oppositions sont utiles. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. Éric Bocquet.  - Bravo !

M. Jean-Michel Arnaud .  - Questionner les finances locales, c'est s'interroger sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, largement bouleversées par les réformes successives. Dans un récent rapport, la Cour des comptes souligne la réduction de l'autonomie fiscale, malgré une augmentation mathématique de l'autonomie financière. Après la suppression de la taxe d'habitation et le reversement d'une fraction aux intercommunalités, le Gouvernement annonce une suppression de la CVAE. Le groupe UC demande un report de cette mesure.

M. Michel Canévet.  - Bravo !

M. Jean-Michel Arnaud.  - C'est une fiscalité par procuration, téléguidée par l'État. Dans le même rapport, la Cour des comptes indique que l'augmentation de 2,5 % des dépenses de fonctionnement s'explique par les transferts. En réalité, il faut considérer aussi le milliard d'euros dû aux réglementations imposées par l'État, l'élargissement du périmètre des intercommunalités et l'amortissement par l'échelon local des crises, à commencer par le covid. Oui, les communes assurent le dernier kilomètre. Elles assurent 70 % de l'investissement public et sont responsables de moins de 9 % de la dette.

L'exécutif appelle à un énième pacte de confiance. Soit, mais pas de contrats léonins ! Ce pacte ne doit pas être un outil de contrainte, mais une aide à la croissance. Chaque territoire doit pouvoir atteindre ses objectifs à sa manière.

Par exemple, la révision des valeurs locatives doit prendre en compte l'inflation. Le zéro artificialisation nette (ZAN) sera aussi à prendre en compte.

Madame la ministre, je souhaite que le débat du PLF se fasse dans la confiance vis-à-vis des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Michel Canévet.  - Bravo !

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport annexé au PLF, de 208 pages, ne comprend quasiment rien sur l'inquiétude due au ZAN, qui laisse les collectivités territoriales démunies face à l'écart entre l'objectif et les moyens à leur disposition. Un département sur deux est touché. L'absence du mot « artificialisation » le montre : le Gouvernement n'a aucune réflexion. Que devient le fonds Friches dont le Président de la République a annoncé la pérennisation ? Il n'est plus qu'un volet du fonds vert et limité à 1 000 hectares de friches rénovées par an. Les documents budgétaires n'indiquent pas de montant de crédits.

Il faudra agir sur le levier fiscal. On ne peut pas imposer des contraintes aussi fortes sans incitations. La commission des finances a donc saisi le Conseil des prélèvements obligatoires sur le sujet : son analyse, publiée le 26 octobre, nourrira notre réflexion.

Le PLF prévoit certes une adaptation mineure de la taxe d'aménagement, mais c'est facultatif et non compensé par l'État.

D'autres pistes, telles que la taxe sur les logements vacants ou l'ancien versement pour sous-densité, existent. Attention cependant aux risques de contournement ou de rebond.

Je regrette que l'administration n'ait pas conduit cette réflexion ; des préconisations sur le financement du ZAN auraient pu calmer certaines inquiétudes face aux injonctions contradictoires : développement du logement social et des entreprises, mais sans consommer de terrain... Comment réindustrialiser la France dans ces conditions ?

Les collectivités territoriales consacrent un travail considérable aux documents d'urbanisme. Avec Valérie Létard, dans le cadre de notre travail sur le ZAN, nous constatons un haut niveau de réflexion des élus, qui ont des propositions à vous faire.

Un autre ministre l'a reconnu ici : la nomenclature fait encore l'objet de travaux et un certain nombre de grands projets engagés ou prévus risquent de consommer du foncier de façon excessive. Le sujet est explosif.

Il faudra aussi adapter la fiscalité aux objectifs.

Je propose d'ajouter la climatisation du ZAN et de la fiscalité locale aux propositions polaires de la Cour des comptes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au gré de nos déplacements dans nos circonscriptions, nous le voyons : les dépenses contraintes des mairies s'envolent. Cela peut paraître trivial, mais il faut bien que les villes chauffent et éclairent leurs équipements. Cela représente 4,5 millions d'euros de surcoût pour Le Mans Métropole.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 15 % en moyenne pour les communes.

Dans ce contexte, l'État ne fait pas assez. Il faut revaloriser la DGF à hauteur de l'inflation. La rallonge de 320 millions d'euros ne suffit pas : il reste 900 millions d'euros à couvrir.

En rognant sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, vous les avez placées dans une dépendance. Vous siphonnez les recettes de manière systémique. C'est insupportable pour la démocratie de proximité. À en croire les déclarations de Bruno Le Maire, cela ne va pas s'améliorer : « vous avez des collectivités bien gérées, et d'autres moins bien gérées ; ces dernières ne pourront pas attendre de l'aide de l'État ». Cela en dit long sur le pacte de confiance que vous proposez.

Vous voulez entrer ans une relation transactionnelle avec les collectivités territoriales. J'en appelle à tous les bancs ; il faut mener un débat d'ampleur supérieure aux contingences financières sur l'impôt local. Si rien n'est fait, la mise sous tutelle s'aggravera, obligeant les collectivités territoriales à négocier chaque ligne budgétaire, ce qui serait inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Charles Guené .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'avenir des finances des collectivités territoriales nous interpelle à court et moyen termes. Au regard du moment présent, je veux évoquer le traitement dont les collectivités font l'objet, en particulier les communes, dans le PLF.

Le Gouvernement, conforté par la Cour des comptes, évoque une bonne santé financière qui frise l'insolence au sortir de la crise sanitaire. Or les collectivités territoriales, bordées par la règle d'or, sont soumises à des règles dont l'État s'exonère. Il est curieux que celui-ci fasse une lecture de leur situation à l'aune de règles qui ne sont pas les leurs.

Notre République garantit la libre administration des collectivités. Durant le dernier quart de siècle, elles ont fait beaucoup d'efforts, pour le plus grand bénéfice de notre pays au regard des critères maastrichtiens. Elles ont accepté le remplacement de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation par des recettes moins dynamiques et subi la contribution au redressement. Si l'on avait paramétré une loi de programmation spécifique sur cette période, on constaterait qu'elles ont consenti une perte de 50 milliards d'euros au bénéfice de la Nation.

Nous voulons le dire haut et fort : le compte n'y est toujours pas. Les collectivités territoriales n'ont pas à être fustigées par un État impécunieux.

La suppression de la taxe d'habitation et la perspective de celle de la CVAE les privent de la capacité à gérer leur dynamique. Elles s'en remettent à la diligence de la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour la mise en oeuvre de la péréquation.

Le système est devenu « complexe et à bout de souffle », dit la Cour des comptes. Les collectivités sont à la merci de décisions venues d'en haut, sans plus aucune visibilité ni cohérence.

Le Sénat s'est attelé à résoudre cette équation, mais elle est insoluble, faute de boussole. Il faudrait que l'État mette fin au démantèlement erratique des ressources des collectivités territoriales, qui le méritent, car elles prennent en charge 70 % des investissements publics.

Madame la ministre, quand mettrez-vous cet ouvrage sur le métier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - Évoquons d'abord quelques points précis du PLF pour 2023.

Monsieur Capus, la suppression de la CVAE n'entraînera pas, j'insiste, de baisse de ressources pour les collectivités territoriales, bien au contraire. Sa compensation intégrale par une fraction de TVA, plus dynamique, offrira une meilleure visibilité sur les recettes. Nous avons introduit un mécanisme de moyenne pour lisser la grande volatilité de la CVAE d'une année à l'autre.

Rien ne sera conservé par l'État. Un territoire accueillant plus d'activité recevra plus de TVA.

Monsieur Cozic, le choix de ne pas indexer la DGF sur l'inflation date des années 2010 mais le Gouvernement a décidé, lui, d'augmenter son montant. Il a créé le filet de sécurité, le bouclier tarifaire et un fonds d'urgence pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

De manière plus générale, les interventions de MM. Guené et Rambaud consistent en une synthèse du débat.

Le système est complexe et reflète la sédimentation de nombreux transferts de compétences.

Le rapport de la Cour des comptes reflète une impression, plus qu'une réalité : l'autonomie financière en effet, progresse. C'est la perte de fiscalité qui donne aux élus le sentiment d'une perte de maîtrise sur les ressources. Le Président de la République l'a annoncé dans son discours en Mayenne du 20 octobre : notre modèle est à repenser, à simplifier. Cela impliquera des choix politiques forts auxquels notre Gouvernement est prêt. Mais cette refonte ne peut être conduite qu'en étroite concertation avec l'ensemble des parties concernées et avec le Parlement.

Je ne m'exprimerai pas sur le scénario esquissé par la Cour des comptes. Je vous remercie de vos interventions, qui nourriront ma réflexion. Mais la démarche de coconstruction ne peut être sincère si chacun a des positions arrêtées. Nous avons bien sûr une direction et une boussole, mais c'est ensemble que nous construirons le nouveau modèle de demain.

Jean-Pierre Raffarin disait que la politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours la résolution des problèmes du quotidien.

La refonte que nous souhaitons construire avec vous impose pour tous, État comme collectivités, de jouer le jeu d'une remise à plat qui bouleversera de nombreuses situations établies. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général aurait fait remarquer à madame la ministre qu'il y avait un problème de vocabulaire : après avoir expérimenté une nouvelle définition du dialogue, voilà une nouvelle acceptation du mot « débat »... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

Nous aurions voulu plus d'interactions.

Madame la ministre, ne réécrivez pas l'histoire : le filet de sécurité n'a pas été voulu par le Gouvernement mais imposé par les parlementaires lors du vote de la loi de finances rectificative. Vous ne faites pas non plus de cadeau aux collectivités sur l'indexation des valeurs locatives mais ne faites qu'appliquer le droit !

Pascal Savoldelli a souligné les erreurs de votre majorité, notamment le lien distendu entre les usagers des services publics locaux et leur coût. C'était l'objet de ma première question d'actualité en octobre 2017... L'égarement du Gouvernement à cet égard ne date donc pas d'hier. Et vous continuez avec la suppression de la CVAE.

Roger Karoutchi le dit : les collectivités territoriales ont besoin de visibilité à moyen et long termes. L'ancien gouvernement l'avait promis... en remettant de nombreuses décisions à une loi de financement des collectivités territoriales, que plusieurs sénateurs vous réclament encore ce soir.

Le rapporteur général, qui a suivi tout le débat, vous fait dire : si vous avez écouté la Chambre haute, alors tout devient possible ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Fabien Gay et Serge Mérillou applaudissent également.)

La séance est suspendue à 20 h 30.

présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d'avancer le début de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, initialement prévu le jeudi 3 novembre, au mercredi 2 novembre, à l'issue de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions fixer le délai limite d'inscription des orateurs dans la discussion générale au lundi 31 octobre, à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Intervention des cabinets privés

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Arnaud Bazin et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jérôme Bascher et Mme Valérie Boyer applaudissent également.) J'ai l'honneur de vous présenter la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques, fruit du travail rigoureux mené par la commission d'enquête dont mon groupe a été à l'origine. En quatre mois d'investigations, nous avons mené 40 auditions et analysé 7 300 documents.

Nous visons trois objectifs : mettre un terme à l'opacité des prestations de conseil, mieux les encadrer et renforcer les exigences déontologiques des consultants. Transpartisane, notre démarche consiste à fixer un cadre clair pour mettre fin aux dérives constatées.

Je remercie l'ensemble des membres de la commission d'enquête pour leur soutien et la rapporteure pour les améliorations apportées au texte.

C'est le pluralisme sénatorial qui s'exprime ce soir ; soyons-en fiers. (Marques d'assentiment sur de nombreuses travées ; MM. Fabien Gay et Laurent Burgoa applaudissent.)

Mme Nathalie Goulet.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - Je salue également le président de la commission d'enquête, Arnaud Bazin ; nous avons travaillé de concert depuis le premier jour.

La commission d'enquête a mis en évidence un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur des pans entiers de l'action publique. Crise sanitaire, avenir du métier d'enseignant, états généraux de la justice : la liste de leurs interventions donne le tournis. Y a-t-il un pilote dans l'avion ?

L'année dernière, la facture a atteint 1 milliard d'euros pour l'État ; elle a plus que doublé depuis 2018. Une journée de consultant coûte 1 500 euros - et ce tarif a atteint 2 168 euros pendant la crise sanitaire...

Or les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous : CapGemini a touché plus de 280 000 euros pour une mission sur le handicap dont la valeur ajoutée est « quasi nulle, contre-productive parfois », selon l'évaluation de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). BCG et EY ont même reçu plus de 550 000 euros pour une convention des managers de l'État qui n'a jamais eu lieu ! Et McKinsey a reçu près de 1 million d'euros pour aider la Caisse nationale d'assurance vieillesse en vue de la réforme des retraites, dont tout le monde se souvient qu'elle a été abandonnée...

De telles dérives avec de l'argent public sont inacceptables, surtout dans le contexte actuel.

Mme Nathalie Goulet.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - Au quotidien, les cabinets de conseil souhaitent rester « behind the scenes », comme ils disent.

La mission Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l'enfant ignorait que Roland Berger avait été missionné en parallèle sur le même sujet. Le cabinet a touché plus de 400 000 euros, quand les membres de la mission, bénévoles, peinaient à se faire rembourser leurs déplacements...

L'opacité persiste, et le « jaune » budgétaire publié la semaine dernière par le Gouvernement est lacunaire et très décevant. En effet, il ne concerne que 470 millions d'euros de prestations sur les 894 millions d'euros couverts par la commission d'enquête. En outre, le Gouvernement se refuse à publier la liste des prestations. Les ministères traînent des pieds pour répondre aux journalistes, malgré les avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada). Un journaliste de NextInpact a demandé à l'Éducation nationale une copie de la mission sur le métier d'enseignant : dix mois plus tard, il attend toujours...

Le Gouvernement ne doit pas avoir peur de la transparence. C'est pourquoi le texte prévoit la publication intégrale des prestations réalisées pour le compte des opérateurs de l'État.

Lorsque les consultants viennent leur expliquer leur métier à coups de post-it, de jeux de rôle et de paper boards, les agents publics éprouvent un certain malaise. À l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), Wavestone chassait des « irritants » pour réduire le délai de traitement des demandes d'asile.

Au coeur de la crise sanitaire, McKinsey utilisait le logo du ministère de la santé pour ses présentations. M. Véran a affirmé devant notre commission d'enquête : « Si vous aviez voulu des documents estampillés McKinsey présents dans le dossier, vous auriez trouvé une feuille blanche ». Étrange, pour une prestation facturée plus de 12 millions d'euros...

Pour mettre fin à ces dérives, nous imposons aux cabinets de ne plus utiliser les signes de l'administration. Sur l'initiative de Mickaël Vallet, nous bannissons les expressions anglo-saxonnes d'inspiration managériale.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - La langue de la République est le français, y compris pour les consultants.

Certains ont réduit notre texte à une « PPL McKinsey ». Certes, les pratiques de ce cabinet, qui n'a payé aucun impôt sur les sociétés pendant dix ans alors qu'il réalise 450 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, ont choqué nos compatriotes. En juillet, sur BFM Business, sa directrice générale a mis en cause le coût du travail en France, évidemment trop élevé. En réalité, McKinsey peut remercier le mécanisme des prix de transfert et le paradis fiscal du Delaware...

Mais notre proposition va bien au-delà, car le recours à des consultants est devenu un réflexe pour l'administration. À tel point que l'État semble se fier davantage aux PowerPoint de ses consultants qu'au travail de ses agents !

L'État est en mode start-up. Mais en déléguant ses missions stratégiques à des cabinets privés, il risque de se démunir face aux multinationales du conseil. (M. Mickaël Vallet renchérit.)

Nous gardons à l'esprit la circulaire publiée le 19 janvier dernier, jour de l'audition de Mme de Montchalin par notre commission d'enquête. Le hasard fait parfois bien les choses...

Nous vous demandons solennellement d'inscrire notre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les Français veulent que les choses changent. L'enjeu dépasse notre pays : McKinsey a été payé 35 000 dollars par jour lors de la crise sanitaire au Québec.

Nous avons le devoir de fixer des règles claires. C'est une exigence devenue populaire au fil des travaux de notre commission. Je fais confiance à notre assemblée pour être à la hauteur de ces exigences. (Applaudissements nourris sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois .  - La proposition de loi de nos collègues Assassi et Bazin est ambitieuse et novatrice, nourrie des mois de travaux de la commission d'enquête qu'ils ont menée.

Leur travail a eu un effet profond sur l'action de l'État : circulaire du 19 janvier, renégociation de l'accord-cadre de la DITP, charte de déontologie pour les interventions de conseil auprès de la puissance publique, publication d'un document budgétaire que je me refuse à appeler « jaune »...

Tout cela reste néanmoins insuffisant, faute d'avoir le caractère général et pérenne que nous souhaitons. Une loi d'encadrement est donc nécessaire.

Ce texte répond à quatre enjeux essentiels pour une démocratie mature : transparence, maîtrise de la dépense publique, souveraineté et probité.

La commission des lois a conservé l'équilibre du rapport adopté par la quasi-totalité des membres de la commission d'enquête, tout en veillant à lui donner une pleine effectivité.

Elle a sécurisé le périmètre du texte, préférant la catégorie d'établissements publics de l'État à celle d'opérateurs. Elle a renforcé les exigences de transparence et rendu plus dissuasive l'amende administrative en cas de non-respect des obligations. Enfin, elle a apporté des garanties à la procédure de vérification sur place et prévu un mécanisme de régulation des marchés publics.

Ce texte n'est qu'une étape, car certains sujets importants restent en débat. Ainsi, la question de l'inclusion des collectivités territoriales se pose. Mais il faut consulter les associations d'élus locaux sur le sujet, avant d'adopter un amendement qui affaiblirait l'objectif visé. Par ailleurs, il nous semble prématuré de fixer un seuil de taille ou de dépenses des opérateurs.

Une partie des amendements remettent en cause l'architecture du texte, notamment le rôle de contrôle dévolu à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et le recours à la sanction administrative. La commission s'y opposera.

D'autres ont une portée plus restreinte : même si nous n'y sommes pas favorables à ce stade, nous pourrons y revenir dans la suite de la navette.

Les amendements visant à renforcer le cadre applicable aux représentants d'intérêts se sont heurtés à l'article 45. Ce sujet mérite un texte à part et le comité de déontologie du Sénat travaille sur la question. Préservons l'équilibre issu du travail de la commission d'enquête.

Nous posons des fondations, mais beaucoup restera à faire pour améliorer le texte et le rendre applicable. Nous ne voulons pas affaiblir l'État, mais changer les pratiques qui ont conduit à externaliser la prise de décision vers le secteur privé. (Mme Nathalie Goulet approuve.)

En la matière, nous jouons pleinement notre rôle d'initiative et de contrôle. Espérons que l'Assemblée nationale fera de même. La commission des lois vous invite à adopter ce texte, enrichi de quelques amendements. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI et du groupe INDEP)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Ce sujet est stratégique : il s'agit de la capacité de la puissance publique à agir, à répondre efficacement aux défis.

Nous choisissons ensemble de renforcer la puissance publique, alors que les populistes polémiquent pour affaiblir l'État. Nous sommes, de manière transpartisane, dans le camp de ceux qui veulent renforcer l'État.

Celui-ci doit-il faire appel à des compétences dont il ne dispose pas en interne ? Oui. Doit-il se doter d'un cadre renforcé pour le recours à ces compétences ? Oui également.

Je salue le travail approfondi et sérieux de la commission d'enquête créée sur l'initiative du groupe CRCE. La commission a voulu que ses propositions aient une traduction législative. Nous en prenons acte et abordons ce texte avec attention et exigence.

Je me présente devant vous avec la volonté d'avancer. Nous avons déjà agi, avec la circulaire du Premier ministre du 19 janvier dernier, qui a fixé des modalités de contrôle interne et un cap de réduction des dépenses de conseil. Une mission interinspections sera menée d'ici à la fin de l'année pour vérifier la bonne application du contrôle interne.

Dès ma nomination, j'ai mis en place un nouveau cadre : l'accord-cadre interministériel porté par la DITP, qui entrera en vigueur en janvier prochain. Ce cadre intègre pleinement les recommandations de la commission d'enquête en matière de déontologie, de transparence, d'encadrement des données. Par ailleurs, afin de réarmer concrètement l'État, j'ai créé quinze postes dédiés au sein de la DITP, qui compte une centaine d'agents.

Enfin, nous avons élaboré un document synthétisant l'ensemble des dépenses de conseil de l'État, annexé au projet de loi de finances pour 2023. Je m'engage à déposer devant l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi de finances visant à faire de ce document un « jaune » annuel.

Mme Nathalie Goulet.  - Un vrai « jaune » !

M. André Reichardt.  - Un vrai !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - De même, je m'engage à renforcer le volume et la granularité des informations portées à votre connaissance.

C'est dans cet esprit constructif et sincère, mais aussi exigeant sur l'efficacité et la proportionnalité des mesures, que j'aborde notre discussion. Je partage l'objectif premier du texte : améliorer la maîtrise des dépenses publiques et préserver la neutralité de la décision publique.

Un point de méthode : je ne donnerai aucun avis défavorable sans avancer de contre-propositions.

En ce qui concerne le périmètre de la proposition de loi, il me semble essentiel qu'il inclue les collectivités territoriales. Sur la transparence des prestations, le Gouvernement défendra le regroupement dans un article unique des articles 3, 4 et 8, pour une meilleure lisibilité. Quant au mécanisme de contrôle déontologique et de sanction, il doit être proportionné à l'objectif recherché.

Madame Assassi, je souhaite que ce texte chemine, dans une niche parlementaire ou sur l'ordre du jour examiné au Gouvernement. (M. Fabien Gay s'en félicite.)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Entrons maintenant dans le vif du débat. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Décidément, monsieur le ministre, vous êtes incorrigible... La discussion générale n'a pas commencé que vous brandissez déjà votre chiffon rouge, votre point Godwin : le populisme ! Voilà qui trahit la fébrilité du Gouvernement.

Que cela vous plaise ou non, ce texte doit mettre fin à de très mauvaises habitudes. Recourir à des prestations de conseil pour un soutien ponctuel, c'est légitime. Mais le faire de manière systématique et en devenir dépendant, c'est inacceptable !

Ce sont non seulement les proportions, mais les méthodes qui interrogent. La start-up nation, c'est un État colonisé par des cabinets le plus souvent étrangers ; c'est notre souveraineté captée par des intérêts financiers qui ne connaissent qu'une patrie, le profit.

Alors que le ministère de la santé compte 11 000 fonctionnaires, il a fait appel à 11 000 jours de conseil pendant la crise de la covid : c'est insupportable. Même si, que nous n'ayons pas possédé en interne les porte-flingues de l'Ausweis sanitaire, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai. (Protestations sur plusieurs travées)

M. Mickaël Vallet.  - Ça aussi c'est un mot étranger !

M. Stéphane Ravier.  - Les cabinets de conseil servent parfois plusieurs clients, se vendent au plus offrant et renvoient l'ascenseur à ceux qui leur ouvrent les portes. Le directeur de l'innovation de Pfizer a passé vingt-cinq ans chez McKinsey, le cabinet chargé de notre stratégie vaccinale...

La porosité entre ces cabinets et les administrations et partis politiques interroge : le fils du président du Conseil constitutionnel, un directeur de cabinet de ministre et le directeur général d'En Marche sont passés par McKinsey - et j'en passe. Sans compter que vingt associés ont fait la campagne du candidat Macron en 2017.

Cette porosité ne peut qu'entraîner défiance et suspicion, à l'heure où, avec le conseil de défense militaire et sanitaire, bientôt environnemental et migratoire, nous sommes sommés de prendre l'habitude des huis clos sans aucun contrôle parlementaire.

Je soutiendrai cette avancée pour rétablir la confiance dans la politique, fortement éprouvée.

M. Jean-Yves Roux .  - Nous avons tous à l'esprit la surprise des membres de la commission d'enquête lors de l'audition du directeur général de McKinsey, interrogé sur un contrat de près de 500 000 euros relatif aux évolutions du métier d'enseignant : un échange lunaire du point de vue tant des montants évoqués que des réponses reçues.

Les critiques que je formulerai resteront accessoires par rapport à la grande qualité du travail mené. Toutes les mesures de cette proposition de loi vont dans la bonne direction : diffusion de la liste des prestataires, encadrement du recours aux consultants, encadrement déontologique par la HATVP. Nous sommes attachés à un État fort, garant de l'intérêt général.

S'agissant de la liste des prestations visées, notre collègue Corbisez avait proposé en commission l'exclusion des prestations d'expertise technique. Nous nous rangeons au choix d'une approche plus souple.

Un sujet pose réellement problème : les collectivités territoriales, dont nous sommes les représentants. « Le Sénat oublie ses électeurs » : voilà l'un des titres de presse qu'on a pu lire. Ne donnons pas le sentiment d'un refus d'obstacle. Notre président, Jean-Claude Requier, a déposé un amendement qui éviterait cet écueil.

Ne tirons pas argument des difficultés techniques ou des seuils à fixer : nos collectivités territoriales méritent aussi d'être protégées de l'influence excessive des cabinets de conseil. Souvenons-nous des emprunts toxiques : s'ils ont été contractés, c'est aussi parce que les élus étaient mal protégés.

J'invite notre assemblée à poursuivre ses travaux en incluant les collectivités. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.) Comme Mme Assassi, je remercie l'ensemble des membres de la commission d'enquête. Que de chemin parcouru depuis la réunion constitutive, voilà près d'un an !

Notre travail est transpartisan : c'est un gage de sérieux et d'équilibre. Je remercie la rapporteure, qui a amélioré le texte.

Soyons clairs : nous ne légiférons pas contre les cabinets de conseil, mais pour en finir avec l'opacité qui entoure leur intervention.

J'appelle le Gouvernement à inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, car nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il reste bloqué.

Sur le plan déontologique, nous avons identifié trois risques : les conflits d'intérêts, le pantouflage et le « pied dans la porte », c'est-à-dire le pro bono.

Des sommets comme TechForGood ou Choose France ont été organisés gratuitement, mais ils servaient la stratégie commerciale des cabinets. Nous interdisons purement et simplement le pro bono, ce que le Gouvernement n'a jamais fait. Seul subsisterait le mécénat, dans des champs bien circonscrits et avec déclaration à la HATVP.

Par ailleurs, l'État est en droit de connaître les autres clients de ses consultants. Un État aveugle sur les activités de ses consultants est un État en danger.

Des consultants s'émeuvent du formalisme des déclarations d'intérêts. Qu'ils se rassurent : nous, parlementaires, remplissons ces déclarations depuis 2013. Des bac+10 devraient y arriver... (Nombreuses marques d'assentiment)

Concernant le pantouflage, il n'y a rien d'insurmontable non plus : il n'est pas question de l'interdire, mais de l'encadrer. L'avis de la HATVP serait systématique et les intéressés rendraient compte de leurs activités à intervalles réguliers. Cela éviterait par exemple qu'un consultant de Capgemini embauché au service des correspondances de l'Élysée recrute ce même cabinet pour moderniser le service. Toute ressemblance...

Nous renforçons les moyens d'investigation et de sanction de la HATVP. Cette dernière pourra prononcer des sanctions administratives et des exclusions de la commande publique, ce qui nous semble logique et conforme au droit européen.

M. Philippe Bas.  - Très bien !

M. Arnaud Bazin.  - Enfin, le comité de déontologie du Sénat émettra des propositions sur les représentants d'intérêts d'ici à la fin de l'année ; en la matière, nous tiendrons les engagements pris devant le Bureau du Sénat. (Vifs applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI, du groupe INDEP et du GEST)

M. Emmanuel Capus .  - La commission d'enquête trouve son origine dans une polémique, née à l'occasion de la campagne présidentielle.

Mme Nathalie Goulet.  - Non !

M. Jérôme Bascher.  - C'est faux !

M. Emmanuel Capus.  - Aussi divers que soient ses services, l'administration ne peut avoir en interne les compétences requises pour gérer tous les problèmes.

C'est ainsi que 72 % des 900 millions d'euros relevés par la commission d'enquête...

M. Philippe Bas.  - 900 millions d'euros !

M. Emmanuel Capus.  - ... portent sur des prestations informatiques.

Nos concitoyens préfèrent sans doute que les administrations prennent des décisions éclairées. (Murmures à gauche)

La proposition de loi impose des obligations de transparence aux prestataires de conseil.

M. Philippe Bas.  - Enfin !

M. Emmanuel Capus.  - Elle vise à prévenir les conflits d'intérêts, mais aussi à éviter les allers-retours entre cabinets et administrations.

L'État n'est évidemment pas le seul à recourir aux cabinets ; les collectivités territoriales le font aussi très régulièrement. Or le texte ne les inclut pas.

Pour notre part, nous doutons qu'une proposition de loi soit un moyen efficace et adapté pour répondre aux problèmes. (Exclamations sur diverses travées)

Nous pensons qu'il n'est pas malsain que public et privé échangent conseils et personnes. C'est toujours le politique qui décide.

Voix sur plusieurs travées.  - Ou pas...

M. Emmanuel Capus.  - Nous craignons aussi que cette proposition de loi renforce des maux bien français : bureaucratie (ironie à gauche), lourdeur administrative (l'ironie redouble), augmentation du nombre de fonctionnaires. (Exclamations à gauche et sur certaines travées au centre)

M. le président.  - Il serait bon que tous les avis soient respectés...

M. Emmanuel Capus.  - Notre pays a besoin de souplesse et de simplicité.

M. Fabien Gay.  - La souplesse à 1 milliard d'euros !

M. Emmanuel Capus.  - Les fertilisations croisées sont source de synergies qui améliorent l'efficacité des politiques.

Naturellement, nous devons être vigilants sur l'utilisation des deniers publics. Reste que la manière la plus efficace, pour les libéraux que nous sommes, de réduire l'influence de ces cabinets, c'est de réduire l'intervention de l'État. (On s'exclame à gauche et sur certaines travées au centre et à droite.)

Le groupe INDEP ne votera pas comme M. Ravier...

M. Stéphane Ravier.  - Suspense insoutenable...

M. Emmanuel Capus.  - .... mais s'abstiendra. (Nombreuses marques d'ironie)

Un sénateur du groupe Les Républicains. - Courageusement !

M. Guy Benarroche .  - La fin du pantouflage et des allers-retours entre État et cabinets privés avait été érigée en objectif par Emmanuel Macron. Une fois de plus, nous avons été déçus. Sans doute faudrait-il dire, comme le Président de la République : ce n'est pas un échec, ça n'a pas marché...

Des révélations journalistiques ont mis en évidence une explosion du recours aux prestations de conseil depuis 2017. La commission d'enquête a fait le même constat de manière transpartisane.

Ce n'est pas le recours même à l'expertise extérieure qui est en cause ; ce sont l'opacité des mécanismes et les montants consacrés, pour des résultats plus que discutables.

Le désinvestissement dans les compétences publiques favorise ce recours massif. Les sociétés de conseil sont souvent perçues comme un moyen simple et agile de pallier le manque d'emploi public ou l'absence de montée en compétences des agents publics. Dans le domaine informatique, certains agissent en pompiers pyromanes, empêchant l'État de gagner en compétences pour donner aux cabinets de nouvelles occasions d'intervenir.

Le manque de transparence est également pointé du doigt. L'opacité dans le recours aux cabinets est source de défiance de la part de nos concitoyens.

Certains points du texte méritent des améliorations. Nous regrettons l'irrecevabilité opposée à plusieurs de nos amendements. L'un d'eux s'inscrivait pourtant dans la lignée d'une recommandation de la mission d'évaluation de la loi Sapin II.

Nous sommes globalement favorables au texte. Toutefois, la plupart des mesures ont un caractère non normatif ou réglementaire. C'est bien là que le bât blesse : souvent l'écriture des décrets ne suit pas. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Nicole Duranton .  - Les pouvoirs publics ont toujours eu besoin d'un appui extérieur ; cela ne date pas de 2017.

Ressources humaines, informatique, gestion de données massives, analyses comparatives : les besoins sont nombreux. Certains champs d'expertise nécessitent le recours à des conseils extérieurs. D'autre part, un arbitrage apaisé appelle parfois un regard extérieur. Enfin, certaines situations de crise appellent l'intervention coordonnée et rapide d'un grand nombre de personnes.

Nous ne sommes pas les plus mauvais élèves en Europe : les chiffres sont cinq fois plus élevés en Allemagne, quatre fois au Royaume-Uni.

M. Olivier Rietmann.  - C'est incroyable !

Mme Nicole Duranton.  - La commission d'enquête a entendu 47 personnes, analysé 7 300 documents... Je me réjouis que le Gouvernement ait pris en considération certaines de ses recommandations dans l'accord-cadre interministériel. Il a, en outre, publié un « jaune » budgétaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Un faux !

Mme Nicole Duranton.  - Compétence, souveraineté, démocratie et légitimité : autant d'enjeux à sécuriser.

Le Premier ministre avait publié le 19 janvier une circulaire fixant l'objectif ambitieux de faire diminuer de 15 % le montant des prestations de conseil avant la fin 2022.

Mercredi 12 octobre, la commission des lois a adopté à l'unanimité la proposition de loi qui traduit dans la loi les préconisations de la commission d'enquête : assurer la traçabilité de la participation des cabinets et mieux informer les citoyens. Il ne s'agit en aucun cas de supprimer le conseil.

Le RDPI a déposé cinq amendements. Le premier précise le seuil des établissements publics concernés par le champ de la proposition de loi, en le fixant à 60 millions d'euros. Le second exclut du champ du texte le conseil interne à l'administration pour éviter une surinterprétation par le juge. Le troisième exclut les prestations de gestion des ressources humaines et d'expertise informatique. À l'article 11, nous renvoyons au décret les modalités d'enregistrement des actions de démarchage. Le dernier limite les obligations d'audit, souvent très coûteuses, aux marchés les plus sensibles.

Il a été envisagé d'appliquer le dispositif aux collectivités territoriales qui font appel au conseil. Mais une telle extension passe par la fixation d'un seuil. Plusieurs amendements le fixent à 100 000 habitants ; c'est un seuil qui semble adapté.

Je sais que le ministre aura à coeur de ne pas dévitaliser le texte de la commission. Il convient d'empêcher les dérives, sans tomber dans la surenchère législative.

Le RDPI est favorable au principe de ce texte et sera attentif au sort de ses amendements. Il faudra veiller à ce que le dispositif soit aligné autant que possible sur ce qui existe déjà pour les représentants d'intérêts. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au nom du groupe SER, je remercie sincèrement Éliane Assassi et Arnaud Bazin pour avoir fait, avec tous les membres de la commission d'enquête, un travail remarquable qui illustre, une fois encore, combien le Parlement, et particulièrement le Sénat, peut être utile et efficace lorsqu'il exerce pleinement sa mission de contrôle. (M. André Reichardt approuve.)

Ce travail a permis l'ouverture d'une enquête judiciaire sur le non-paiement par McKinsey de l'impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020 alors qu'il réalise en France un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de millions d'euros. Nous avons aussi découvert que l'État avait dépensé plus d'1 milliard d'euros en prestations de conseil en 2021 -  45 % de plus qu'en 2018. Nous avons enfin appris que dans la crise sanitaire, il avait été largement fait appel à ces cabinets. Les services de l'État disposent pourtant des compétences nécessaires.

J'ai appris un jour qu'un ministre avait fait appel à un cabinet de conseil pour rédiger l'exposé des motifs d'un projet de loi. C'est insupportable ! (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Si un ministre ne peut pas exposer les raisons pour lesquelles il présente un projet de loi, c'est à désespérer de la politique.

Il est des domaines où il est utile de faire appel à des compétences extérieures, nul ne le conteste ; mais encore faut-il que cela soit fait en toute transparence.

Le groupe SER a déposé des amendements pour élargir le champ du texte. Mme la rapporteure juge préférable de s'en tenir au travail de la commission d'enquête. Mais rien n'empêche le législateur d'aller plus loin ! C'est pourquoi nous proposons d'intégrer au texte les collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants, la Caisse des dépôts et consignations et les assemblées parlementaires -  tout en préservant intégralement l'autonomie de ces dernières : le Bureau de chaque assemblée décidera des modalités de mise en oeuvre.

Le but, c'est la transparence. Nous avons tout intérêt à jouer cette carte vis-à-vis de nos concitoyens.

« La vérité vous rendra libres ». C'est d'un livre très ancien que je tire ma conclusion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. André Reichardt.  - Saint-Jean !

M. Éric Bocquet .  - Acteurs de l'ombre, mais omniprésents et tentaculaires : la commission d'enquête a mis au grand jour l'activité des cabinets de conseil. L'écho de nos travaux nous a dépassés : les cabinets constituent désormais un objet politique identifié et controversé. D'où l'impérieuse nécessité de légiférer rapidement.

Si le recours aux cabinets est ancien, son ampleur est inédite : un milliard d'euros en 2021. Ce qui a changé, c'est une confiance toujours plus affirmée, depuis 2017, dans ceux qui savent -  les cabinets de conseil  - face à ceux qui ne savent pas -  l'administration. Ces cabinets étrangers sont connus pour appliquer les mêmes recettes à des contextes différents.

La révision générale des politiques publiques (RGPP) de Nicolas Sarkozy s'est traduite par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, portant un coup à la capacité de la fonction publique à mener à bien ses missions. Il est temps de refaire du politique le maître de l'action publique.

Nous fûmes seuls à demander la suppression, dans la loi du 28 décembre 2021, de la fongibilité asymétrique, fruit d'une logique libérale mortifère. Le collectif « Nos services publics » montre l'effet pervers du mécanisme qui consiste à réduire la qualité du service par l'externalisation -  qui dégrade les finances publiques.

Le Gouvernement, feignant de soutenir la proposition de loi, cherche à la miner à grands coups d'exclusions. On ne peut pas prétendre encadrer le recours aux cabinets tout en sapant les obligations déontologiques que prévoit la proposition de loi. Votre « en même temps », monsieur le ministre, c'est le laxisme, la poursuite de la connivence entre les cabinets et le Gouvernement. Les contrats massifs passés depuis l'été montrent que vous ne tirez aucune leçon des travaux de la commission d'enquête.

Circulaire opportune la veille de l'audition de la ministre, annonce en pleine campagne présidentielle, jaune budgétaire incomplet : vous avez sans cesse cherché à saper notre travail.

C'est à raison que le président-candidat a reconnu : « sur McKinsey, on est mauvais comme des cochons » ! La commission d'enquête a en effet prouvé que la Firme ne payait pas d'impôt sur les sociétés depuis dix ans, tout en captant l'argent public. Merveilleux Delaware : 960 000 habitants et 1,6 million de sociétés enregistrées !

Ce texte transpartisan est un point de départ bienvenu pour que l'État continue à garantir l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Arnaud Bazin applaudit également.) J'ai une aigreur : celle de ne pas avoir eu moi-même l'idée de cette commission d'enquête ! Je m'étais limitée à demander un débat sur le sujet.

Le sujet de la part du privé dans la décision publique est central, il n'est pas que philosophie, tant notre société est attentive aux conflits d'intérêts, le pire cancer de la politique.

Il n'a jamais été question d'interdire les cabinets de conseil, mais d'encadrer le recours à ceux-ci.

On y a toujours eu recours ; mais il y a une tendance inquiétante à ubériser le pouvoir régalien notamment pour les décisions les plus sensibles. On placardise la haute fonction publique (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit) en lui préférant à prix d'or des consultants privés ; on la paupérise, et avec elle les inspections générales, trop rarement écoutées et entendues. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Martin Hirsch, lors de son audition, avait confié le malaise des agents hospitaliers vis-à-vis du recours systématique à des cabinets pour lesquels l'hôpital n'est qu'un client. Les agents de l'Ofpra disent se sentir infantilisés : 485 000 euros pour une prestation sur la réduction des délais de traitement des demandes d'asile...

Supprimer le corps diplomatique, l'ENA, le corps préfectoral : je ne crois pas à ces réformes en trompe-l'oeil. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Mickaël Vallet applaudit également.). Le 19 janvier 2022, sous la rubrique « il faut sauver le soldat Montchalin »...

M. Mickaël Vallet.  - Raté !

Mme Nathalie Goulet.  - ... on publiait une circulaire pour limiter le recours aux cabinets de conseil - le jour même de l'audition de la ministre !

Un mot sur le périmètre - et là, je serai franchement centriste. (Sourires) Pour les régions, les départements, les métropoles, les intercommunalités, le conseil est un sujet à part entière, mais la commission d'enquête ne s'y est pas intéressée et les associations d'élus n'ont pas été consultées. Le groupe UC s'abstiendra donc sur les amendements qui intègrent les collectivités territoriales.

Le cadre de la proposition de loi est celui des travaux de la commission d'enquête. Les collectivités territoriales sont un vrai sujet - peut-être celui d'une future mission flash. Nous pourrions aussi travailler sur les centrales d'achat.

Le Conseil national du barreau s'est vanté d'avoir obtenu l'exclusion du conseil juridique du périmètre du contrôle. Nous avons le même type d'irritant au niveau européen, face aux pyramides d'optimisation, voire de fraude fiscale. Il faudra avancer sur le sujet, en travaillant avec les bâtonniers. On ne peut pas consulter un cabinet d'avocats sur la loi d'orientation des mobilités, par exemple, sans savoir quels intérêts il représente par ailleurs. Je le redis, le conflit d'intérêts est le cancer de la vie publique.

Un mot sur l'article 8 qui renforce les pouvoirs de la HATVP. Il est, à mon avis, bienvenu.

L'absence de coordination des prestations de conseil, ni par France Stratégie, ni par le haut-commissariat au plan laisse songeur.

Les dépenses listées du rapport ont été citées par les orateurs qui m'ont précédée. McKinsey a été l'agent de liaison entre l'État et ses agences de santé publique - pour plus de 170 000 euros. Tout cela n'est pas raisonnable.

Ce texte présente une haute plus-value pour notre assemblée et le travail républicain que nous menons. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception de celles du RDPI)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pour reprendre Talleyrand, « suffisant et insuffisant » décrit l'attitude du Gouvernement lorsque la commission d'enquête a présenté ses conclusions. Le sémillant porte-parole du Gouvernement déclarait sur les ondes que c'était l'oeuvre d'une rapporteure communiste (on le confirme sur les travées du groupe CRCE), oubliant que le rapport avait été adopté à l'unanimité.

Le Gouvernement a tenté de corriger le tir : qui une circulaire, qui un autre rapport, qui un jaune budgétaire. Manifestement, vous n'êtes pas à l'aise. Rassurez-vous : nous sommes simplement là pour faire notre travail de parlementaires.

Le Sénat n'est absolument pas contre le recours au conseil, notamment en matière informatique. Mais pour la haute fonction publique, c'est différent. Madame Duranton, les Allemands recourent peut-être plus que nous au conseil, mais la haute fonction publique allemande n'est pas la haute fonction publique française ! Combien de personnes hautement qualifiées, parfois d'anciens ministres, recrute-t-on à l'IGAS ou à l'IGF ! Le Président de la République a justifié la suppression de l'ENA par la volonté de placer de gens d'expérience dans l'administration. Mais on ne les utilise pas ! Lors de la RGPP, nous avions beaucoup utilisé les corps d'inspection...

La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est comme les préfets : elle croyait centraliser, mais les dépenses proliféraient de partout.

Certains ont parlé des collectivités territoriales. N'exagérons rien : leurs services financiers ne font pas appel aux cabinets sans retenue. Que l'État commence par ranger sa chambre, avant d'aller voir chez les autres !

La question de la souveraineté des données est très importante. Les cabinets comme McKinsey sont aussi chers, car ils mettent à disposition des bases de données... qui sont aux États-Unis (Mme la rapporteure le confirme) et qu'on ne peut pas surveiller.

Avec cette proposition de loi, pour paraphraser le Président de la République, l'abondance est terminée pour les cabinets ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. Mickaël Vallet .  - Mon camarade Sueur vous a exposé la position du groupe sur les grandes lignes du texte. Je me concentrerai sur l'article 7 qui impose la langue française dans les échanges des cabinets avec l'administration et dans leurs documents.

La commission d'enquête a pu observer ce qui se passait dans les coulisses de ces marchés publics où, diapositive après diapositive, les cabinets imposaient leurs solutions. Je pourrais dire que j'ai fait partie du board de la commission qui a mesuré, behind the scene, comment, slide après slide, les consultants juniors et seniors des mêmes practices font des « propales » pour offrir les bons feedbacks et key learnings à leurs prospects publics. (Rires)

La commission d'enquête a d'ailleurs annexé à son rapport un glossaire du vocabulaire dont les cabinets abreuvent leurs clients, et dans lequel le PDG de la Poste dit voir le risque d'un nouveau conformisme : ce globish est un instrument de formatage de la pensée.

La France a un rapport propre à la puissance publique et à l'administration. Villers-Cotterêts n'est pas Wall Street. La grande culture anglo-saxonne n'est pas la nôtre.

La légère modification de la loi Toubon proposée ici ne se résume pas à une approche passéiste ni à la recherche d'une langue pure et figée, fantasme morbide que je laisse aux réactionnaires. Il faut adopter les mots étrangers ou nouveaux lorsqu'ils recouvrent une réalité que notre langue ne décrit pas.

En revanche, lorsque le mot existe en français et surtout quand il est entendu de tous les citoyens, il doit être employé pour que les gens se comprennent entre eux. C'est impératif pour éviter l'entre-soi.

Les gouvernements successifs ne respectent pas les lois en la matière. Choose France, French Tech, Business France, French Impact, bottom up, cluster : autant d'agressions verbales qui creusent le fossé entre le peuple et ses représentants. Quand on est payé par le contribuable, on le sert dans sa langue.

Ne laissons pas les Québécois seuls dans ce combat pour la langue française. Je pourrais dire que c'est now or never pour réaffirmer les principes linguistiques. Mais je préfère dire : c'est maintenant ou jamais ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ainsi que sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excellent !

M. Stéphane Sautarel .  - Je salue l'initiative des auteurs de la proposition de loi ainsi que le travail de la rapporteure.

Je ne développerai pas les risques que l'emprise des cabinets de conseil fait peser sur la démocratie. À l'heure où la confiance est pour le moins distendue entre les pouvoirs publics et les citoyens, il convient d'encadrer ces pratiques.

Les prestations pro bono obéissent à la stratégie du pied dans la porte. Je me réjouis que le texte pose le principe de l'interdiction de ces missions gratuites, avec quelques exceptions légitimes pour les organismes d'intérêt général, dans le cadre du mécénat d'entreprise.

Il est essentiel de s'assurer que les données de l'administration utilisées par les cabinets de conseil soient protégées. Confier à la Cnil le soin de contrôler la suppression de ces données me paraît équilibré ; cela relève du bon usage de nos autorités indépendantes.

Cette proposition de loi exemplaire comprend bien d'autres volets, qui feront avancer les pratiques démocratiques. Je me réjouis des mesures visant à renforcer la transparence et assurer la proportionnalité.

Éclairer les décisions, oui ; les orienter en présentant des scénarios prébalisés, non. Ne nous laissons pas déposséder, comme certains le sont aujourd'hui. Je vous encourage à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Je remercie mes collègues pour ce travail remarquable et inédit qui a illustré l'influence des cabinets de conseil et leur emprise sur la décision publique.

J'avais déposé des amendements pour interdire les prestations de conseil stratégique. Consciente des difficultés rédactionnelles et techniques qu'ils présentent, j'accepte de les retirer.

Dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la justice ou de l'énergie, le recours aux cabinets est plus que fréquent.

McKinsey a conseillé l'État à toutes les étapes de la crise covid - confinement, tests PCR, vaccination, aides publiques. Ces mêmes préconisations ont été suivies par d'autres pays qui ont eu recours au même cabinet.

Il serait urgent de stopper la déresponsabilisation des décideurs et de retrouver l'autonomie de la décision politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d'euros

II.  -  Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Duranton.  - Cet amendement fixe un seuil à partir duquel les établissements publics de l'État entreraient dans le champ d'application de la loi. Le seuil de 60 millions d'euros de dépenses de fonctionnement correspond à celui des avances obligatoires versées aux PME dans le cadre d'un marché public.

Seraient ainsi exclus les chambres d'agriculture, les Crous, certains petits musées, certains établissements publics fonciers. Seuls les plus gros établissements publics entreraient dans le champ de la loi, comme Voies navigables de France ou Météo France.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable, non pas que la question des seuils doive être balayée, mais nous ne disposons pas des chiffres consolidés pour savoir quels établissements entreraient dans le champ de la loi si nous retenions ce seuil des 60 millions d'euros.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable. Le seuil proposé va dans le sens de l'effectivité et de la proportionnalité de la loi. Cela concentrera les efforts sur les 500 plus gros établissements publics de l'État, qui sont les plus exposés au risque de conflit d'intérêts, mais aussi les plus à même d'intégrer les contraintes administratives.

M. Arnaud Bazin.  - La déontologie n'est pas une affaire de chiffre d'affaires. (Marques d'assentiment à droite) Il faut absolument se garantir du conflit d'intérêts, que l'on soit un petit ou un gros établissement. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. Philippe Bas.  - Bien sûr !

M. Arnaud Bazin.  - Les conflits d'intérêts sont en effet le cancer de la fonction publique, comme l'a dit Nathalie Goulet. On ne peut réduire la portée de cette proposition de loi dès le premier amendement. Je ne le voterai donc pas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE)

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le Gouvernement n'entend pas amoindrir les exigences déontologiques. Simplement, cette proposition de loi entraîne un certain nombre de contraintes administratives, certes fondées, qui doivent pouvoir être absorbées par les établissements publics. L'amendement ne vient pas amoindrir, mais au contraire renforcer la portée du texte.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement réduirait la portée et donc l'ambition de la proposition de loi. Ce seuil de 60 millions d'euros n'a en outre aucune cohérence. Il existe dans le code de la commande publique, mais pour tout autre chose.

On ne connaît pas la liste complète des établissements publics qui seraient exclus, on peut quand même citer l'INSP - ex-ENA -, l'ENM, certaines agences de l'eau ou les ARS.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La Caisse des dépôts et consignations ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit de faire entrer dans le périmètre du texte la Caisse des dépôts et consignations, qui n'a ni le statut d'établissement public de l'État ni celui d'autorité administrative indépendante.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Favorable : la Caisse des dépôts faisait partie du périmètre de la commission d'enquête.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Sagesse. La Caisse des dépôts est effectivement un établissement à part, mais qui fait l'objet d'un contrôle parlementaire puisqu'un parlementaire préside son conseil de surveillance.

M. Jérôme Bascher.  - La Caisse des dépôts a de nombreuses filiales : le directeur général de La Poste, lors de son audition, nous a rappelé qu'il en dépendait. Faut-il les y intégrer ? Ce point pourra être tranché par la navette, car le ministre ne manquera pas de soumettre ce texte à l'Assemblée nationale... (Sourires)

L'amendement n°27 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

...° Les collectivités territoriales et leurs établissements publics, à l'exception des communes de moins de 10 000 habitants ;

...° Les établissements publics de coopération intercommunale, à l'exception des communautés de communes.

M. Jean-Claude Requier.  - Cette proposition de loi est la bienvenue, mais une partie de l'administration publique a été oubliée qui, pourtant, a elle aussi recours aux cabinets de conseil. Il n'est pas absurde de vouloir mieux encadrer ce recours par les collectivités territoriales, même si elles sont soumises au contrôle des chambres régionales des comptes. Je songe notamment aux conséquences des emprunts toxiques...

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Les collectivités territoriales et leurs établissements publics, à l'exception des communes de moins de 100 000 habitants ;

...° Les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On nous dit que la loi doit correspondre exactement au périmètre de la commission d'enquête. Je ne comprends pas pourquoi. Si le législateur estime nécessaire d'élargir le champ, il doit le faire. Aussi, nous proposons d'étendre les bienfaits de cette loi aux collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi qu'aux EPCI, au-delà d'un seuil de 100 000 habitants.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

...° Les collectivités territoriales et leurs établissements publics, à l'exception des communes de moins de 100 000 habitants ;

...° Les établissements publics de coopération intercommunale, à l'exception des communautés de communes.

M. Jean-Claude Requier.  - C'est un amendement de repli, qui retient le seuil de 100 000 habitants pour les communes.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les régions, la collectivité territoriale de Guyane, la collectivité territoriale de Martinique, la collectivité de Corse, les départements, les communes de plus de 100 000 habitants, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants et la métropole de Lyon ;

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Si l'on considère que cette proposition de loi vient non pas punir, mais renforcer les acteurs concernés, je ne vois pas de raison de ne pas inclure les collectivités territoriales, qui ont elles aussi recours aux cabinets de conseil.

On peut considérer que les régions, les départements, les 42 communes les plus importantes sont en mesure d'intégrer les contraintes administratives qui viennent avec le bénéfice de ces mesures. Le Gouvernement propose également de fixer le seuil à 100 000 habitants ; la différence rédactionnelle porte sur les EPCI.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - La discussion sur les collectivités territoriales est légitime. Monsieur Sueur, personne ne dit que la loi ne peut pas aller plus loin. En commission, j'ai proposé un équilibre politique qui respecte l'accord trouvé en commission d'enquête. Il s'agit de ne pas entrer dans des champs qui n'ont pas été investigués au préalable.

Je remarquerai avec une pointe d'ironie que quatre amendements sont présentés avec des seuils différents : cela montre le besoin d'expertise pour viser juste.

À l'heure où l'on demande de la concertation, en partant de la réalité locale, il serait malvenu de faire entrer les collectivités dans le champ de la loi sans tenir compte des conséquences sur l'application des autres articles.

Ces vraies questions doivent être travaillées dans le détail, avec les associations d'élus. Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il y aurait un travail à mener pour parfaire ces dispositions. Vous dites aussi qu'on mesure mal l'impact sur les collectivités. Je note que vous n'avez pas eu ces réserves sur les établissements publics de santé. Et pourtant, la commission d'enquête ne s'est pas penchée sur les conséquences sur ces établissements. Vous n'avez auditionné que Martin Hirsch.

Ce texte est en outre le point de départ d'une navette parlementaire qui permettra au texte de cheminer. Je défends l'intégration des collectivités territoriales dans le champ d'application de la loi.

Retrait des amendements nos1 rectifié, 24 rectifié et 45 rectifié, pour des raisons de cohérence. Si le seuil doit être de 100 000, il faut qu'il soit le même pour toutes les collectivités.

M. André Reichardt.  - Je me suis ému en commission des lois de l'absence des collectivités territoriales dans le périmètre de ce texte, et j'ai envisagé de présenter un amendement pour y remédier. Mais je me suis trouvé sec face à ma feuille blanche... J'aurais pu penser à inclure la Guyane, l'Alsace, ma région, également. L'autre point d'entrée était le seuil : 100 000, mais pourquoi pas 10 000 ou 50 000 ?

Au bout du compte, j'ai été convaincu par les explications de la rapporteure : il faut un travail approfondi sur ce dossier.

Je suis très sensible à l'observation du président Bazin : la question de la déontologie l'emporte sur celle du seuil. Nous avons tous en tête certaines collectivités territoriales où le seuil n'est pas en cause.

Je ne voterai pas ces amendements.

M. Arnaud Bazin.  - La question est légitime, c'est l'une des premières que la rapporteure et moi-même nous sommes posées en rédigeant cette proposition de loi.

Mais d'abord, l'influence des cabinets de conseil sur l'État porte à l'évidence sur des sujets qui intéressent l'ensemble de la Nation ; alors que les sujets traités par les collectivités territoriales sont plus limités.

Et surtout, nous avons voulu renforcer la transparence. Pour cela, il nous a fallu tous les pouvoirs d'une commission d'enquête -  auditions sous serment, communication obligatoire des documents, vérifications sur pièces et sur place  - pour savoir combien l'État dépensait en conseil. Nous avons prévu de faire entrer tous ces moyens dans la loi.

Mais pour les collectivités territoriales, il y a des assemblées délibérantes, des oppositions, des communications obligatoires de documents. J'y ai été soumis en tant que président du département du Val-d'Oise. Il y a aussi le contrôle des services de l'État. Pas de symétrie, donc, en la matière.

Mme Éliane Assassi.  - La commission d'enquête a documenté l'influence des cabinets de conseil sur les décisions de l'État, des établissements publics, mais aussi des hôpitaux.

Ne soyons pas sur la défensive face à ces propositions qui concernent les collectivités territoriales. Nous avons évoqué la possibilité d'un échange entre le ministre et les associations d'élus sur le sujet : pourquoi pas une mission flash, une mission d'information, voire une commission d'enquête ? C'est un fait : les collectivités ont recours aux cabinets de conseil. Toutefois, nous ne disposons d'aucune donnée consolidée.

Monsieur le ministre, il est étrange de vous voir étendre le périmètre de ce texte aux collectivités alors que vous essayez d'en réduire l'impact sur vos propres services.

Mme Françoise Gatel.  - Ce texte illustre la capacité du Sénat à dépasser les clivages. Je partage la nécessité, dans certains cas, de recourir à une expertise extérieure -  tout en partageant aussi la volonté de transparence, d'exigence et de contrôle.

Il ne faudrait pas que le public ait l'impression que nous nous dérobons. La commission d'enquête a écarté les collectivités territoriales de son champ de travail. Il y a bien un champ à investiguer, mais nous ne décidons pas à la hussarde. De plus, monsieur le ministre, il manque dans votre amendement les métropoles de Marseille et Paris, dont le statut est particulier.

M. Patrice Joly.  - J'ai été maire, président d'une intercommunalité, d'un syndicat mixte et d'un département. J'ai constaté les dérives du recours aux cabinets de conseil. C'est la loi qui le suscite, à travers l'obligation d'élaborer de documents stratégiques ou d'urbanisme. Cela entraîne une standardisation des approches, un certain « copier-coller », et aussi une insuffisante maîtrise des travaux par les élus.

Le conseil doit être limité aux domaines dans lesquels une expertise technique est nécessaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Le groupe UC s'abstiendra sur ces amendements. Il y a bien un sujet, mais nous devons y travailler plus précisément.

M. Emmanuel Capus.  - Ces discussions montrent que ce texte est très complexe. D'un côté, on dit que la déontologie n'est pas liée au chiffre d'affaires ou au budget de fonctionnement ; de l'autre, on refuse d'appliquer cet article aux collectivités territoriales de moins 100 000 habitants. (Mmes Nathalie Goulet et Françoise Gatel se récrient.) Il y a bien une difficulté, qui montre que ce texte n'est pas prêt. Je m'abstiendrai.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Évitons de caricaturer nos propos. Personne n'a dit ici qu'il n'y avait pas d'interrogation sur les collectivités territoriales. Mais, comme l'a bien montré le président Bazin, il existe des mécanismes de contrôle et de transparence spécifiques à ces collectivités.

De plus, il faut une réflexion globale sur la question avec les élus.

Préservons la cohérence du texte et évitons de le rendre incompréhensible.

Mardi 18 octobre 2022

Bas sommaire

Sommaire

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)1

M. Jérôme Durain2

Mme Éliane Assassi2

M. Loïc Hervé2

M. Jean Louis Masson2

Mme Nathalie Delattre2

M. Marc-Philippe Daubresse2

M. Alain Marc2

M. Guy Benarroche2

M. Alain Richard2

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer2

Mise au point au sujet d'un vote2

Formation des internes en médecine générale2

Discussion générale2

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi2

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales2

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention2

Mme Laurence Cohen2

Mme Nadia Sollogoub2

M. Stéphane Ravier2

Mme Véronique Guillotin2

Mme Catherine Deroche2

M. Daniel Chasseing2

Mme Raymonde Poncet Monge2

M. Abdallah Hassani2

M. Bernard Jomier2

M. Alain Milon2

Mme Anne Ventalon2

Discussion des articles2

ARTICLE UNIQUE2

M. Fabien Genet2

Mme Cathy Apourceau-Poly2

M. Pierre Ouzoulias2

M. Bruno Rojouan2

M. Jean-Luc Fichet2

M. Stéphane Sautarel2

M. Jean-Pierre Sueur2

Mme Élisabeth Doineau2

M. Emmanuel Capus2

Mme Sonia de La Provôté2

M. Bruno Belin2

M. Patrice Joly2

Mme Victoire Jasmin2

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE2

Interventions sur l'ensemble2

M. Alain Houpert2

M. Hervé Maurey2

Mme Nathalie Goulet2

M. Alain Milon2

M. Daniel Chasseing2

M. Daniel Breuiller2

Mises au point au sujet d'un vote2

Finances locales2

M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances2

SÉANCE

du mardi 18 octobre 2022

7e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail des deux rapporteurs qui se sont toujours exprimés avec une clarté certaine, au-delà de nos désaccords. Nous sommes également sensibles au fait que le ministre, avec qui les désaccords sont encore plus fréquents, ait pris le temps de nous répondre.

Je soulignerai plusieurs manques de ce projet de loi : d'abord, les préfectures et la présence de l'État sur le terrain, alors que le Gouvernement communique sur la réouverture bienvenue de sous-préfectures ; ensuite, la réforme de la police judiciaire. Les mentions qui en sont faites dans le rapport annexé sont succinctes. Le destin de la réforme ne se joue pas ici. La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, pour réconcilier votre ministère avec ses propres troupes et avec les représentants du monde judiciaire.

Vous revendiquez une certaine fibre sociale. Ne la cultivez pas au point d'ajouter des manifestations des policiers à celles des salariés ! (Sourires) Pour faire rentrer la police judiciaire dans les commissariats, comme pour faire cesser les blocages dans les dépôts, il faudra négocier.

Je regrette que nous n'abordions pas les problèmes de justice et de sécurité dans un même élan. La stéréophonie chère au rapporteur Marc-Philippe Daubresse nous manque.

Le silence sur le continuum de sécurité, c'est-à-dire la coopération entre les collectivités territoriales et l'État central, nous inquiète. Ce continuum de sécurité, prôné par la loi Sécurité globale de mai 2021, peut rapidement virer au marché de dupes. Ainsi, une mairie qui n'engagerait pas assez vite des moyens, pour des raisons budgétaires ou démographiques, pourra être pointée du doigt... La sécurité doit rester la prérogative de l'État central.

Le rapport annexé, issu du Livre blanc de la sécurité et du Beauvau de la sécurité, présente une certaine cohérence. Des améliorations portées par le groupe SER ont été prises en compte : l'accessibilité des locaux et les démarches pour les personnes en situation de handicap, une meilleure projection des moyens sur le territoire et notamment la localisation des nouvelles brigades, l'étude d'une seconde base pour les Canadair.

Sur le plan budgétaire, nous nous félicitons de l'augmentation des crédits consacrés au ministère de l'intérieur. Les 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur cinq ans sont bienvenus, même si nous serons vigilants sur leur application, dans un contexte incertain. Je m'étonne que la droite de l'hémicycle soit discrète sur ces questions de sécurité...

Mme Laurence Rossignol.  - Elle est attentive ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SER)

M. Jérôme Durain.  - Les articles normatifs ont peu évolué malgré l'adoption de certains de nos amendements. Le dépôt de plainte par visioconférence me semble peu encadré, le projet de radio du futur sera mieux assuré sans ordonnance tout comme l'adaptation aux collectivités ultramarines. Nous approuvons l'alignement des peines encourues pour les agressions sur les élus sur le régime des autres personnes dépositaires de l'autorité publique.

Nous déplorons le rejet des propositions de Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie contre les violences intrafamiliales et conjugales. Sur le refus d'obtempérer, nous regrettons que notre proposition de revenir au dispositif gouvernemental initial de 2016 ait été rejetée.

Nous ne soutenons pas l'extension des amendes forfaitaires délictuelles, malgré les limites apportées par les rapporteurs. Nous n'approuvons pas les nouvelles modalités d'accès à l'examen d'officier de police judiciaire (OPJ) ni l'article nouveau sur les violences dites gratuites.

Nous nous sommes vivement opposés sur la loi anticasseurs et sur la loi Sécurité globale. Après avoir envisagé l'abstention, notre groupe a choisi de prendre ses responsabilités ; l'exigence de sécurité exprimée par nos concitoyens nous a convaincus de voter en faveur de ce texte et des moyens supplémentaires alloués à nos forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Éliane Assassi .  - Être policier, c'est être au coeur de la société. Comme le disait Albert Camus dans Les Justes, c'est « être au centre des choses ». Le policier doit être le garant de la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics, grâce à une police de proximité, concept défendu par le groupe CRCE mais pas par ce projet de Lopmi.

La Lopmi traduit une conception de la sécurité intérieure bien éloignée de la nôtre.

Au cours de ce débat, nous avons été cohérents avec nos positions sur la loi Sécurité globale. Une autre voie est possible : une police des vocations, une police de proximité, exemplaire et digne comme nous le soulignions dans notre proposition de loi du 11 septembre 2017, reposant sur le triptyque prévention, dissuasion et répression.

Le numérique est un faux ami : la modernité ne doit pas être synonyme d'éloignement. Le temps passé sur la voie publique sera la règle, le temps passé au commissariat ou à la brigade sera l'exception.

Vous avez maintenu votre proposition de simplification de la procédure pénale, qui n'améliorera pas la qualité des enquêtes. Le groupe CRCE a, lui, défendu la procédure pénale comme garantie indispensable des libertés et droits fondamentaux.

L'amende forfaitaire délictuelle présente un risque d'arbitraire et de disparités de traitement contraires au principe d'égalité devant la justice. Son maintien fait fi du principe d'opportunité de la peine. C'est une procédure de masse, systématisée et qui ne fonctionne pas pour régulariser les délits.

Nous regrettons également que la formation des policiers et gendarmes à la procédure pénale n'ait pas été une priorité de ce texte. La responsabilité nécessite la formation, l'expérience et le recul. Une prise de poste immédiate à la sortie de l'école ne répond pas cette exigence. Il est déjà difficile d'être jugé par un juge de 25 ans, il en sera de même pour un prévenu perquisitionné par un OPJ novice...

Ce projet de loi ne se penche pas suffisamment sur l'humain. Il comporte un risque de déshumanisation de la police. Le ministère impose sa vision, sans prendre en compte l'impopularité de la police dans les quartiers populaires ou la défiance de la jeunesse. C'est une évidence : le tout répressif ne fonctionne pas et n'a jamais porté ses fruits.

Il faut repenser l'action de la police et de la justice.

Autre problème, la lutte contre ce que le rapport annexe appelle la subversion. Nous défendons une doctrine privilégiant la négociation, le dialogue et la pédagogie, à l'instar de notre proposition de loi du 22 janvier 2019 visant à interdire les lanceurs de balles de défense (LBD).

Nous devons tirer les leçons de l'escalade de la violence et de l'usage disproportionné de la force, notamment contre les manifestants. Pour cela, il convient d'étudier en détail les avantages et les inconvénients de chaque technique de maintien de l'ordre.

C'est justement parce que le groupe CRCE est soucieux des conditions de travail de nos policiers que nous voterons contre ce projet de loi. La fuite en avant sécuritaire n'est pas une solution.

C'est dans le cadre d'un projet de société qui met le service public au coeur de l'épanouissement collectif que nous concevons une action de la police renouvelée, restaurée et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.) Ce texte franchit une nouvelle étape devant le Sénat. S'il a été réduit entre son premier et son second dépôt, les échanges au Sénat auront permis des échanges qualitatifs - dont notre Haute Assemblée a le secret et désormais l'exclusivité - ainsi que des améliorations. Les propositions sont venues de tous les bancs de l'hémicycle.

À l'article premier, l'économie générale du rapport annexé n'a pas été bouleversée, mais confortée et enrichie par la connaissance empirique des sénateurs. Je pense ainsi à la création des 200 nouvelles brigades de gendarmerie, mais aussi à leurs modalités de construction - notamment au rôle des collectivités territoriales aux côtés de l'État. Je salue ainsi l'amendement de Mme Vérien sur les maisons de la confiance.

La cybersécurité a été longuement débattue, et c'est nécessaire, tant les attaques et demandes de rançons sont devenues fréquentes. Il est impératif de permettre à nos policiers et gendarmes d'intervenir au plus vite.

Nous avons également inscrit dans la loi le réseau radio du futur (RRF). Les industriels retenus sont déjà à l'oeuvre pour donner aux services de sécurité et de secours des moyens de communication modernes et résilients.

Sur proposition de mon co-rapporteur M. Daubresse, le Sénat a renforcé l'arsenal pénal contre les violences envers les élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains.

Le texte contient plusieurs simplifications de la procédure pénale. Nous avons ainsi permis le recours facultatif à la visioconférence pour la prise de plainte et la déposition.

La création de 5 500 postes d'assistants d'enquête auprès des OPJ soulagera les enquêteurs de leur charge administrative.

Le Sénat a choisi de déjudiciariser les peines, au travers des amendes forfaitaires délictuelles. En revanche, nous n'avons pas suivi le Gouvernement qui voulait élargir à l'excès le nombre d'infractions concernées : 4 000 cas de figure auraient été concernés. Actuellement, l'amende forfaitaire délictuelle est possible sur dix infractions. Après notre examen, il y en aura quatorze de plus dont nous pourrons évaluer la mise en oeuvre.

Nous avons alourdi la répression de l'outrage sexiste et de l'outrage sexiste aggravé, qui devient un délit. Nous avons aussi renforcé le pouvoir des préfets dans le département et mis les agences régionales de santé (ARS) à leur disposition pour faciliter des actions rapides et résilientes.

La discussion a mis en lumière d'autres sujets. Deux collègues du Sénat conduiront une mission d'information sur la réforme de la police judiciaire. Nous avons débattu des violences conjugales et intrafamiliales, du droit des images dans la perspective des jeux Olympiques, de l'accueil des gens du voyage. Monsieur le ministre, à vous de présenter les textes qui aborderont ces questions.

Ce texte donne des moyens significatifs aux missions régaliennes de votre ministère. Très attendu sur le terrain, il devrait recueillir un consensus très large auquel le groupe UC apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte est excellent. Nous devons nous réjouir d'avoir à examiner des mesures de retour à l'ordre public et de lutte contre la délinquance.

À titre personnel, j'avais initialement envisagé de voter en faveur de ce texte...

M. Loïc Hervé.  - C'était bien, jusque-là !

M. Jean Louis Masson.  - Cependant, il y a des mesures dans ce texte qui m'inquiètent profondément, en particulier la mise sous tutelle de la police judiciaire, qui se retrouvera aux ordres des préfets. On ne peut donner plus de pouvoir à la police si on ne respecte pas l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans les grandes villes, il y a toujours des microcosmes, où les préfets et les structures économiques et politiques peuvent entretenir des rapports particuliers.

Ce qui fait la force de la police judiciaire, c'est qu'elle n'est pas impliquée dans ce type de rapports locaux, avec les risques de dérives qu'ils peuvent comporter.

Les points positifs de ce texte sont gâchés par cette proposition de réforme et je profite de cette séance pour vous faire part de ma profonde désapprobation.

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) - Ce texte, dans ses propositions initiales et avec les apports du Sénat, va dans la bonne direction. Saluons le travail des rapporteurs et l'investissement du ministre.

Le rapport annexé apporte des réponses sur le soutien matériel, technique, numérique et juridique attendu par nos forces de l'ordre. Notre groupe a porté le sujet de l'accessibilité des personnes en situation de handicap et des amendements de Mme Maryse Carrère ont été adoptés. Les moyens budgétaires sont à la hauteur des enjeux, encore faut-il qu'ils soient déployés à bon escient. Je pense notamment à la formation continue, alors que les trois années de pratique pour devenir OPJ sont supprimées. Espérons que l'effort sera suivi d'effets.

Nous serons particulièrement attentifs à l'implantation de nouvelles casernes de gendarmerie, notamment à la lumière des poussées démographiques dans certains territoires comme la Gironde.

Nous avons relayé les inquiétudes des acteurs de terrain et des magistrats sur la réforme de la police judiciaire. Le Sénat a voté que « la réforme devra tenir compte des spécificités de la police judiciaire ». Oui, son évolution est nécessaire, mais dans la sérénité. Vous avez tenu des propos rassurants à cet égard.

Encadrer l'usage de l'amende forfaitaire délictuelle était bienvenu. Les rapporteurs ont strictement limité le champ d'application du dispositif, complété en séance par le Gouvernement. C'est plus sage.

La création des assistants d'enquête a également suscité des débats. L'analogie avec les greffiers est séduisante, mais comment seront-ils formés, encadrés, rémunérés, répartis et contrôlés ?

Monsieur le ministre, quelques interrogations demeurent. Roger Karoutchi les a évoquées : la politique et la justice se plaignent souvent l'une de l'autre, alors qu'il faudrait les penser ensemble.

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

Mme Nathalie Delattre.  - De ce point de vue, le texte est une occasion manquée. Je pense notamment aux irrecevabilités, qui ont frappé entre autres la possibilité pour des associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir les élus victimes d'agression. Je comprends l'argument sur le périmètre de la loi puisque cela touche au procès, mais cela montre les limites de cette loi de programmation et un certain cloisonnement administratif. Une partie conséquente des articles du projet de loi initial du mois de mars, à commencer par le volet justice, ne figure pas dans ce texte. Il faudra les examiner. Dans cette attente, la grande majorité du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réponse est oui, mais quelle était la question ? Si c'était de savoir si nous nous réjouissons du renforcement des moyens du ministère de l'intérieur, nul doute que nous le voterons avec ferveur.

Mais s'il s'agit de répondre à la question que se posent beaucoup de nos compatriotes - comment va-t-on réarmer l'État sur le plan migratoire et sécuritaire, ou dans nos campagnes ? C'est beaucoup plus difficile.

Ce texte fait suite au Livre blanc de la sécurité intérieure et au Beauvau de la sécurité, auquel a participé notre collègue Henri Leroy. Mais ce texte a un champ plus resserré que sa première version. Nous sommes heureux qu'il ait été déposé en premier sur le Bureau du Sénat.

Acceptez donc nos modifications, et nous vous sommes reconnaissants de l'avoir fait sur plusieurs d'entre elles.

J'ai cependant quelques regrets. L'immigration est enfin reconnue comme une des causes de délinquance dans notre pays, et il faudra mettre en oeuvre rapidement la reconnaissance faciale, notamment en vue des grands événements. (Protestations à gauche)

Autre regret, les manques sur l'amélioration de la réponse pénale. Comme l'a dit notre excellent collègue Roger Karoutchi, la sûreté n'est pas actuellement un droit fondamental pour nos concitoyens. Il faudrait une loi de programmation pour la justice que, tels soeur Anne, nous ne voyons pas venir...

Avec 15 milliards d'euros supplémentaires, dont 7 milliards pour les nouvelles technologies, deux fois plus de présence des forces de sécurité intérieure sur le terrain, 8 500 postes répartis entre police et gendarmerie, une meilleure appréhension des nouvelles frontières digitales et des menaces du futur : l'essentiel est là et nous y sommes favorables.

Vous avez inséré dans votre texte un rapport d'orientation très intéressant, qui dresse un réquisitoire implacable de l'augmentation de la violence dans notre pays depuis cinq ans...

Mais il aborde aussi quelques sujets qui fâchent, et d'abord la départementalisation de la police judiciaire. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé sur son maintien sous l'autorité du Procureur de la République, sur son ressort exclusif dans certaines enquêtes comme les manquements à la probité. Sortons du carcan de la réflexion strictement départementale. Cela ira mieux en l'écrivant, et nous déposerons un amendement en ce sens lors de la commission mixte paritaire.

Nous avons amélioré votre dispositif sur la cybersécurité et le dépôt de plainte en ligne, facultatif.

Enfin, les auditions ont montré l'urgence de répondre aux violences sur la voie publique, sur trois sujets essentiels : violence contre les élus, refus d'obtempérer et rodéos urbains. Mes propositions ont été reprises par le Sénat à la quasi-unanimité à l'article 7 bis. Les violences faites aux élus augmentent de 47 %... Il faut qu'ils soient protégés comme le sont les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On constate un refus d'obtempérer toutes les vingt minutes, alors même que les tirs de policiers face à ces violences sont en recul, contrairement aux affirmations de certains. Il faut plus de répression. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre vote est lucide et vigilant. Tel Candide, vous avez bien cultivé le jardin de la police, mais il reste à défricher ceux de la justice et de la procédure pénale, pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous avons débattu d'un texte très attendu par nos concitoyens, qui constatent tous l'augmentation de l'insécurité. Certaines zones se soustraient à l'autorité publique, faisant vivre un calvaire aux habitants. Ils ont besoin, comme nos entreprises, d'ordre et de tranquillité publique.

Ce texte est une première réponse à la montée de l'insécurité. Le renforcement des moyens est bienvenu, face à la criminalité organisée, au terrorisme, mais aussi dans la perspective des jeux Olympiques. Ces moyens financeront aussi 200 nouvelles brigades de gendarmerie et 8 500 recrutements d'agents des forces de sécurité intérieure. Ceux-ci doivent être plus nombreux, mais aussi se consacrer plus pleinement aux enquêtes.

C'est l'objet de la nouvelle fonction d'assistant d'enquête, dédiée à une myriade de tâches administratives.

Nous avons aussi agi face aux complexifications de la procédure pénale, impraticable à force de réformes, et qui selon les États généraux de la justice est l'une des raisons majeures de l'allongement des délais : même les juges ne s'y retrouvent plus. C'est délétère pour les victimes comme pour les mis en cause. La justice doit être rendue avec efficacité, clarté et célérité.

Il faudra simplifier et sans doute fusionner les régimes de l'enquête préliminaire et de l'enquête de flagrance.

Ce texte a été enrichi sur deux sujets majeurs. Le piètre divertissement des rodéos urbains est désormais puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende. Ensuite, les violences contre les élus scandalisent les Français. Les élus représentent le peuple, mais aussi la République dans son ensemble. Leur porter atteinte, c'est lui porter atteinte. Ces violences seront désormais punies comme le sont celles dirigées contre les forces de l'ordre.

L'amende forfaitaire délictuelle n'est pas généralisée mais étendue ; elle n'a pas vocation à devenir la norme. Quatorze nouvelles infractions, dont l'atteinte à la circulation des trains ou la filouterie de carburant, pourront faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle, gage d'une réponse pénale plus rapide et plus certaine, et qui évitera des procédures trop longues contre la délinquance du quotidien.

Le texte supprime aussi la condition d'ancienneté nécessaire pour se présenter à l'examen d'OPJ. Les compétences ne sont pas abaissées, mais il faudra un encadrement suffisant pour ces jeunes recrues, en particulier dans les zones difficiles.

Je salue le travail de nos forces de l'ordre, en ville comme à la campagne. Elles sont une composante essentielle de notre République. Espérons que la dynamique engagée par ce texte sera durable. Notre groupe dans son ensemble votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur le banc des commissions ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte nous présente, dans son rapport annexé, la vision de la sécurité du Gouvernement pour les prochaines années. Il reste lacunaire, parfois trop développé, parfois trop peu. Les prises de parole du GEST reflètent une volonté profonde de défendre notre projet pour la sécurité dans ce pays - un projet cohérent face à une vision qui obère les rapports entre police et population, et n'apporte pas de réponse à la souffrance de nos forces de l'ordre.

Nous partageons tous l'objectif d'une police avec plus de moyens et mieux formée. La police doit exercer ses missions auprès de la population, avec elle et pour elle - pour toute la population. Que dire de la doctrine du maintien de l'ordre ? Nous ne voulons pas des lanceurs de balles de défense, des drones, des bombes lacrymogènes, de la technique de la nasse. Nous avons voulu engager un dialogue sur ce sujet, mais aucune de nos propositions n'a été retenue ni étudiée, notamment celle d'une réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

La réforme de la police judiciaire a été imposée à marche forcée. Il faut une meilleure gestion des dérives et une transparence des données utilisées. Le GEST s'est étonné des changements de position de la majorité sénatoriale, qui a rejeté des propositions au motif qu'une mission est en cours sur le sujet, ou alors qu'elles ont fait l'objet de travaux passés...

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Ce n'est pourtant pas faux !

M. Guy Benarroche.  - Nous regrettons aussi que notre vision des moyens n'ait pas été entendue, notamment pour l'amélioration des conditions de travail. Nous souhaitions une plus grande pluralité d'intervenants lors des formations initiale et continue.

Nos propositions d'interdire la reconnaissance faciale, soutenues par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), n'ont pas plus été considérées. Les caméras-piétons ne sont utiles ni aux policiers ni à nos concitoyens. Nos inquiétudes sur les droits des justiciables ne sont pas apaisées par l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle - outil dont l'efficacité sur la réponse pénale est peu étudiée. Son utilisation semble très variable en fonction des territoires.

Je me réjouis de l'adoption de l'amendement de Thomas Dossus sur le nécessaire dialogue avec les maires avant une fermeture de commissariat. Le continuum de la sécurité, tant vanté par le Gouvernement, ne pourra faire l'économie d'un dialogue avec les élus locaux.

Aucune de nos demandes sur un suivi des relations avec l'enseignement supérieur et la recherche n'a été retenue ; pas plus d'écho pour notre proposition de création d'agents de liaison pour les collègues LGBT+ ou pour celle de mieux exploiter les formations au cyberharcèlement.

Il aurait aussi fallu discuter de la gestion des frontières, du maintien de la possibilité de porter une arme, hors service, dans les établissements recevant du public. Toutefois, nous saluons l'adoption d'un amendement de Mme de Marco tendant à renforcer les moyens des pompiers face aux nouvelles menaces.

J'ai, à maintes reprises, rappelé combien nos forces de l'ordre sont au coeur du pacte républicain. Donnons-leur les moyens de travailler dignement, et donnons confiance à nos concitoyens dans leur organisation et leur fonctionnement.

L'examen du texte a confirmé nos craintes. L'orientation n'est ni convaincante ni justifiée. Nous voterons contre ce texte.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - C'est dommage !

(Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'adoption du projet de loi est naturelle. Le soutien du RDPI va d'abord à la partie programmatique du texte, détaillée dans l'article 2 qui encadre l'attribution des moyens aux composantes du ministère. L'augmentation des moyens est dans la continuité de la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes depuis 2017, du renforcement de la formation, d'une remontée des crédits d'équipement dont nous voyons la traduction dans l'accueil de nombreux commissariats.

Ce texte agit sur tous les éléments du tableau de bord. Les effectifs d'abord, avec 8 500 postes de policiers et gendarmes créés dans les cinq ans. Il conviendra de les répartir efficacement sur le territoire, en tenant compte des besoins du périurbain et du rural. L'annonce des 200 nouvelles brigades doit être saluée, comme le développement de la réserve. Je n'insiste pas sur l'augmentation des moyens de fonctionnement.

La transformation numérique n'est pas une déshumanisation, mais la démultiplication des capacités d'action, qu'il s'agisse des outils de travail ou des moyens de la police technique et scientifique. Ainsi, le ministère sera outillé pour répondre à de nouvelles formes de délinquance.

Cette programmation apporte une réponse adéquate aux défis qu'affrontent nos forces de sécurité civile. Le programme de renouvellement des flottes d'hélicoptères et d'aéronefs anti-feux de forêt est une pierre angulaire de ce plan, qui apportera satisfaction à tous les fonctionnaires des services mobilisés.

Je salue enfin les progrès dans l'accueil des victimes de violences intrafamiliales.

Deuxièmement, ce projet offre un cadre de cohérence et de méthode de travail pour l'ensemble des services. Il prévoit de mieux organiser les services de l'État face aux crises de toutes natures. Nous devrons aussi intensifier les actions de coopération internationale, notamment européenne.

La démarche affirmée par le rapport annexé contribue à la modernisation des méthodes de gestion des ressources humaines. Veillons au bien-être au travail et aux perspectives de carrière des 250 000 professionnels. L'accompagnement des jeunes recrues sera renforcé.

Une réflexion intense a présidé à l'ensemble de ces réformes, à la suite du Livre blanc de la sécurité intérieure et du Beauvau de la sécurité. Toutes les propositions constructives ont été entendues et intégrées à ce projet. C'est donc une programmation complète et cohérente.

Cette qualité de méthode a conduit à un excellent travail collaboratif avec les sénateurs et vous-même, monsieur le ministre, et débouché sur un consensus large, parfois presque unanime.

Troisièmement, plusieurs mesures renforcent la lutte contre la délinquance. Je pense à la disposition pénale en cas d'agression contre un élu et à la création du délit d'outrage sexiste.

Nous étions nombreux à approuver le développement des amendes forfaitaires délictuelles. La proposition du Gouvernement était très large. Nous sommes parvenus à un bon accord : 24 cas de figure auxquels ces amendes seront applicables. L'évaluation de ce dispositif nous aidera à le faire progresser.

Nous approuvons les modifications apportées à la procédure pénale afin d'alléger la charge quotidienne des enquêteurs. Nous sommes en désaccord avec l'idée selon laquelle le code de procédure pénale ne doit pas être rationnalisé. (Marques d'impatience à droite)

Nous soutenons ce texte, qui me donne l'occasion de rendre hommage aux femmes et aux hommes qui veillent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public solennel.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 307
Contre   27

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je remercie le Sénat pour sa contribution et l'esprit constructif dans lequel nous avons travaillé. Des amendements de tous les groupes ont été adoptés.

J'ai pris certains engagements auprès du président de la commission, notamment sur la réforme de la police nationale. Je soumettrai également décrets et règlements à sa sagacité et à celle de tout le Sénat.

Je remercie le groupe socialiste de ses encouragements à faire mieux, pour ce texte qui apportera 15 milliards d'euros de plus à la police et à la gendarmerie.

Nous n'oublions pas qu'une bonne justice est nécessaire à une bonne police. Le Gouvernement n'esquive pas le débat sur l'immigration, sur lequel nous pourrons échanger prochainement.

J'espère que le même esprit de compromis présidera à l'examen en commission mixte paritaire. Merci à tous, pour le bien-être apporté aux policiers, gendarmes, pompiers et agents préfectoraux. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, et des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Mise au point au sujet d'un vote

M. Laurent Somon.  - Lors du scrutin n°3, je souhaitais voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Formation des internes en médecine générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la présidente de la commission des affaires sociales et la rapporteure, qui a réalisé un excellent travail.

La France est le pays des pénuries et des rationnements, et pas seulement pour le carburant ou l'électricité : c'est aussi le cas pour l'accès aux soins et aux médicaments. Ainsi, 6 300 000 Français n'ont pas de médecin traitant. C'est une injustice, et même un scandale, surtout au regard de nos dépenses de santé, très élevées.

Cette situation n'est pas le fait des médecins, mais de choix technocratiques et idéologiques. (Mme Laurence Cohen s'étonne.) On a abandonné la médecine aux comptables. On a pensé qu'il suffirait de rationner l'accès aux médecins pour diminuer les dépenses de santé. L'organisation est centrée sur l'hôpital : la formation de nos jeunes médecins a été orientée dans les facultés sur d'autres pistes que la médecine générale.

Le moment est venu de remédier à cette situation dont pâtissent les Français et les élus locaux. Beaucoup de maires n'en peuvent plus. Leur population les rend responsables alors qu'ils ont multiplié les actions, telles que l'ouverture de maisons de santé et le salariat de médecins.

De deux choses l'une : soit nous agissons, soit nous n'agissons pas. Il n'existe pas de panacée ; il faut privilégier un bouquet de solutions. Mais celles qui sont actuellement en place sont insuffisantes, comme le déblocage du numerus clausus : beaucoup de doyens nous le disent, ils n'ont pas les moyens d'accueillir plus d'étudiants. Ailleurs, cela ne donnera des effets que dans dix ans. On ne peut pas attendre !

Les aides de l'État, trop tardives, sont des rustines et non des réponses fondamentalement satisfaisantes. Certains plaident pour des solutions coercitives - or celles-ci sont vouées à l'échec, comme le montre un rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe sur le conventionnement sélectif en Allemagne, qui s'est révélé sans effet dans les zones sous-denses. Échec et mat !

Les aides ne sont qu'un palliatif aux résultats insuffisants. Nous devons traiter le problème, de façon curative.

La solution exposée dans cette proposition de loi nous a été inspirée par notre vote, jamais suivi d'effet, en faveur de six mois de stage de terrain pour les étudiants en troisième année de médecine générale, dans la loi Buzyn de 2019. Le décret n'a jamais été pris. Pourquoi ? Parce qu'il ne fallait pas déshabiller l'hôpital pour habiller la ville !

Nous voulons créer une quatrième année de consolidation qui entraînerait l'installation de 3 500 à 4 000 médecins généralistes sur l'ensemble du territoire, rémunérés de manière attractive. De nombreuses collectivités pourraient s'engager, par exemple en mettant un logement à leur disposition. Ainsi, on faciliterait l'installation de jeunes médecins dans nos territoires, quand la formation actuelle ne les y incite pas.

Le rapport fait état, sinon d'une unanimité, du moins d'un consensus. Je n'ai pas ressenti de franche opposition à cette mesure lorsque j'ai moi-même rencontré plusieurs représentants de médecins.

Je veux souligner que les médecins généralistes sont les seuls à ne pas bénéficier d'une année de consolidation.

Notre proposition, importante, a été reprise de manière précipitée par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sans beaucoup de concertation, ce qui a pu raidir les internes. La rédaction des dispositions sur ce sujet dans le PLFSS est à coup sûr inconstitutionnelle. Cette proposition de loi offre donc une séance de rattrapage.

Quand on choisit de devenir médecin, on fait plus que choisir un métier : on choisit une vocation et une mission de service public - vous le savez bien, monsieur le ministre. C'est à cette aune que nous devons examiner cette proposition de loi. Nous, parlementaires, devons faire des propositions. Vous, exécutif, devez consolider les vôtres. Quant aux jeunes médecins, ils sont incités à considérer qu'il est impossible de laisser des millions de Français sans médecin traitant.

Soyez courageux, monsieur le ministre, et prenez vos responsabilités. Cette réforme est nécessaire et urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Laugier et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Déposée par le président Retailleau, cette proposition de loi poursuit deux objectifs auxquels la commission des affaires sociales a pleinement souscrit : améliorer la formation des médecins généralistes en créant une année professionnalisante supplémentaire et trouver un remède aux difficultés d'accès au soin.

La quatrième année ainsi créée serait consacrée à un stage en ambulatoire ; cela est envisagé depuis un certain temps. La médecine générale est actuellement isolée des 43 autres spécialités, puisqu'elle est la seule à ne pas bénéficier de la dernière phase de consolidation. Les étudiants ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior. Enfin, alors que la soutenance de la thèse d'exercice est souvent réalisée dans les délais pour les autres spécialités, car c'est une des conditions d'accès à la phase de consolidation, elle ne l'est pas pour les généralistes, qui ne jouissent pas de cette incitation.

Les généralistes suivent un troisième cycle de cinq ans au Danemark, en Suède et en Norvège. Les enseignants et médecins que nous avons auditionnés y sont favorables et certains y travaillent depuis plusieurs années. Ils ont insisté sur la nécessité d'enrichir le référentiel de formation, le cursus actuel comportant trop peu de stages en ambulatoire, alors que c'est un débouché naturel. Ainsi, seuls deux des six stages prévus sont obligatoirement réalisés en ville.

En améliorant la professionnalisation des internes en médecine générale, ce texte incitera les étudiants à s'installer rapidement, mais également à soutenir leur thèse dans les délais, puisqu'ils ne pourront plus la reporter comme auparavant.

L'extension du troisième cycle devrait améliorer l'offre de soins. Le texte prévoit en effet que ces stages seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses.

Rassurons les représentants des étudiants, qui ont pu craindre une instrumentalisation : ce texte ne sacrifiera pas la qualité de la formation, au contraire. Les maîtres de stage formés et accrédités par les universités accompagneront les étudiants dans leur professionnalisation.

L'expression « désert médical » ne décrivant pas fidèlement la réalité contrastée des zones sous-denses, la commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi afin de mettre en valeur son objectif premier : l'amélioration de la formation des internes en médecine générale. Mais il ne faut pas oublier les besoins de santé de nos territoires. La démographie médicale est sinistrée ; la France a perdu cinq mille généralistes en dix ans. La fin du numerus clausus n'y changera rien avant plusieurs années.

Il faudra s'assurer du nombre suffisant de maîtres de stage. Les collectivités locales se mobilisent en ce sens en s'organisant avec les facultés de médecine.

Ce texte est un pas indispensable vers une meilleure réponse à la demande de soins. Il démystifie l'installation et la notion de zone sous-dense.

Le logement des étudiants affectés loin de leur domicile peut constituer un motif d'inquiétude. Les collectivités locales y consacrent de nombreux efforts. Par ailleurs, les docteurs juniors sont rémunérés forfaitairement et - il faut le dire - trop faiblement. Je souhaite qu'ils puissent effectuer leur stage sans difficultés matérielles.

L'ajout d'une quatrième année ne concernera pas les étudiants actuels de troisième cycle pour ne pas affecter la cohérence de leur formation, mais seulement les futurs étudiants.

Le Gouvernement a repris l'essentiel du dispositif dans le PLFSS alors même que cette proposition de loi était inscrite à l'ordre du jour.

Nous avions déjà adopté, dès 2019, une mesure prévoyant un stage en zone sous-dense, mais le décret d'application n'est jamais paru.

Cette proposition de loi est un support législatif plus sûr que l'article 23 du PLFSS, qui, n'ayant pas d'incidence financière, n'est pas conforme à la loi organique. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Ce texte porte sur des sujets qui me tiennent à coeur : la qualité de la formation des médecins et la lutte pour l'accès à la santé dans nos territoires. Faisant écho à l'article 23 du PLFSS, il ne vise en aucun cas à « boucher les trous » avec des étudiants non encadrés, mais au contraire, par l'accession au statut de docteur junior, à rendre les futurs généralistes plus autonomes et plus à même de gérer un cabinet médical dès leur diplôme.

Cette séance est une occasion, quelques jours avant l'examen du PLFSS, de faire le point sur ces enjeux cruciaux.

Sans cette phase de consolidation, qui correspond à l'esprit du docteur junior, l'installation immédiate est difficile ; elle devient même rarissime. Améliorer la formation des jeunes médecins et faciliter leur installation est donc légitime.

J'y tiens particulièrement : cette quatrième année s'inscrira dans un projet pédagogique engageant des maîtres de stage expérimentés. Je souhaite que cette réforme soit mise en oeuvre de la meilleure façon possible. Avec Sylvie Retailleau, nous avons lancé une étude pour préfigurer les modalités d'hébergement et de rémunération. Nous souhaitons que ces stages soient effectués en priorité - sans en faire une obligation - dans les zones sous-denses. Les inégalités d'accès à la santé sont intolérables ; six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, dont 600 000 personnes souffrant d'une affection de longue durée.

J'étais dans la Sarthe pour le lancement du Conseil national de la refondation en santé. Le nombre de généralistes y est de 59 pour 100 000 habitants, quand la moyenne nationale est de 85.

Face à la pénurie de généralistes qui jouaient un rôle d'aiguilleur du système de soins, les urgences, devenues un premier recours, ont vu leur fréquentation croitre de 50 % en vingt ans. Grâce aux mesures prises cet été, elle chute enfin pour la première fois de 5 %.

Nous devons prendre des mesures fortes. La création d'une quatrième année de médecine générale s'insère dans un ensemble de mesures, telles que la simplification des aides à l'installation dans les zones sous-denses ou la suppression du numerus clausus.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et encore !

M. François Braun, ministre.  - Cette quatrième année est une chance non seulement pour les territoires sous-dotés, mais aussi pour les jeunes médecins et leurs patients. C'est la clé d'une mise en responsabilité supervisée pour accompagner les jeunes généralistes vers l'installation.

Je partage l'intention des auteurs de la proposition de loi mais le Gouvernement a choisi le PLFSS comme support de ces mesures. C'est pourquoi il donne un avis de sagesse bienveillante. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen .  - Je remercie la rapporteure Corinne Imbert pour son travail. L'examen de cette proposition de loi nous donne l'occasion de débattre de la réponse publique aux difficultés d'accès aux soins. Comment accepter que 30 % de la population vive dans un désert médical, qui concerne désormais des territoires périurbains et urbains ? Ainsi la région Île-de-France est-elle le premier désert médical de France : 62,4 % de la population francilienne, soit 7,6 millions de personnes, ont du mal à accéder à un médecin.

Depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont refusé d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine. Dans LMonde, Agnès Buzyn avouait qu'on avait perdu plus de quinze ans. Mais la suppression du numerus clausus et son remplacement par le numerus apertus n'ont pas significativement augmenté le nombre d'étudiants. Faute de moyens supplémentaires, on est passé de 9 300 en 2020 à 11 180 en 2021 alors que les besoins sont plus importants.

Dans ce contexte, cette proposition de loi ne résoudra rien, au contraire. Elle précarisera les internes.

L'absence de négociation avec ces derniers revient à mettre la charrue avant les boeufs. Il faut d'abord réfléchir au contenu pédagogique et au rythme des études, revaloriser le statut des internes, prendre en compte l'épuisement professionnel qui touche deux tiers d'entre eux et lutter contre les comportements sexistes qu'ils subissent. Je veux rappeler qu'un interne a trois fois plus de risques de se suicider qu'un autre jeune du même âge.

Cette proposition de loi est en décalage. Elle ne réglera pas la pénurie de médecins et ne répondra pas au souhait de concilier vie professionnelle et vie personnelle. Aujourd'hui, la majorité des nouveaux médecins veulent exercer de manière salariée, en équipe et non en libéral, comme le privilégie cette proposition de loi. Il faut donc favoriser les stages et installations en centre de santé.

Les stages en zone sous-dotée ne vont pas entraîner mécaniquement l'arrivée de 3 900 internes dans les déserts médicaux. Les incitations ont montré leurs limites puisque seulement 400 médecins par an sollicitent l'aide de 50 000 euros à l'installation en territoire sous-doté.

Les internes devront être encadrés par des médecins seniors, alors que les déserts médicaux manquent de médecins, par définition.

L'année blanche entraînera aussi une pénurie.

Enfin, l'attractivité fait défaut, puisque l'austérité des vingt dernières années a entraîné la fermeture de lits dans des hôpitaux et maternités de proximité.

Bien des réformes seraient préférables. Voici quatre propositions majeures : augmentation des moyens des universités ; développement des centres de santé ; abrogation du décret Mattei sur les gardes ; conventionnement sélectif dans les zones surdotées.

Cette proposition de loi est loin du compte. Nous voterons contre. Nous nous opposerons aussi à l'article 23 du PLFSS qui reprend la même idée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques semaines, nous a été soumise la proposition de loi visant « à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre les déserts médicaux ». Les internes n'étant pas une variable d'ajustement, une modification de leur formation uniquement pour faire reculer les déserts médicaux ne serait pas acceptable.

Les mots ont un poids ; il est grand temps d'en changer.

J'habite dans une région où l'accès aux soins est difficile. Mais ce n'est pas un désert : des initiatives fleurissent et des soignants viennent s'installer volontairement. Les jeunes médecins ne construisent pas leur vie selon des primes, mais pour s'épanouir.

Ni désert ni punition : notre commission l'a bien compris et a changé l'intitulé du texte. Si son but est d'orienter la formation vers plus d'ambulatoire, il doit être soutenu. Il est logique d'aligner la médecine générale sur les autres spécialités, grâce à une année de docteur junior qui devra être assortie d'une rémunération suffisante.

Un regroupement de généralistes réclame une formation de qualité et une phase de consolidation qui accompagne réellement les projets. Oui, il est indispensable que cette quatrième année soit une plus-value pour les internes.

Le groupe UC est majoritairement favorable à ce texte. Mais certains collègues émettent des réserves sur le nombre de maîtres de stage, la nécessité d'une plus grande concertation et le risque de coercition déguisée.

En tant que conjoint collaborateur d'un médecin généraliste, j'ai accueilli chez moi des internes et je sais combien le séjour à la fin des études peut être déterminant. Trois de ces stagiaires se sont installés près de chez nous.

Quid des maîtres de stage ? Dans la Nièvre, les sessions de formation à Dijon, à deux heures et demie de route, sont très dissuasives. Les sessions en présentiel doivent être organisées au plus près, dans les départements.

L'ambulatoire est déjà au programme du DES de médecine générale, mais les internes restent dans les CHU pour pallier les manques de personnel, ce qui est inadmissible.

Reste l'épineux problème du lieu de ces stages, puisque presque toute la France est sous-dotée.

En fin de cursus, les internes peuvent avoir un ancrage, une vie de famille et des contraintes. La quatrième année ne doit pas signifier l'installation dans un territoire inconnu. Il faut conserver de la souplesse dans les affectations.

Si tous ceux qui réussissent le concours de médecine à Dijon sont des Dijonnais, il est compliqué de les contraindre à emménager en milieu rural. C'est pourquoi il faut absolument délocaliser la formation et ne pas la cantonner aux grandes villes. Nous payons les années où nous n'avons formé que des urbains.

Le parcours accès santé spécifique (Pass) de Nevers, obtenu de haute lutte, a permis à 50 % des étudiants de réussir le concours. Les déserts médicaux sont des déserts de formation. Il faut passer d'un numerus apertus à un numerus proximus ! (On s'amuse sur le banc des commissions.)

L'article 23 du PLFSS, qui partage l'objectif de cette proposition de loi, n'a aucun impact financier ; le Conseil constitutionnel devrait le sanctionner. Monsieur le ministre, privilégiez le texte du Sénat !

Souhaitons que la loi de 2022 mette en place en mieux ce que la loi de 2019 n'avait pas pu réaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Bienvenue en France, le pays qui prétend avoir le meilleur système de santé au monde, mais abandonne plus de 10 % de sa population, soit huit millions de personnes, dans des déserts médicaux...

Des déserts qui ne sont plus seulement ruraux : du fait de l'insécurité, les médecins manquent dans les quartiers nord de Marseille, malgré l'importance d'une population venue des quatre coins du monde - et surtout du tiers-monde.

Dans la ruralité, les déserts sont globaux : comment voulez-vous qu'un médecin s'installe dans un quartier où les services publics sont absents et qui cumule des problématiques de mobilité, de logement et d'emploi ? Et les choses vont s'aggraver, avec le prochain départ en retraite d'un généraliste sur deux... L'inflation aussi amplifie le phénomène, car l'assurance maladie ne rembourse pas le trajet jusqu'à la consultation.

Dans les Bouches-du-Rhône, la disparition de SOS médecin dans les communes rurales se traduit par moins de visites à domicile et une surcharge ambulancière supportée par le Samu et les Sdis, déjà en tension.

Les maisons de santé se retrouvent souvent sans médecin, malgré les incitations mises en place par les maires, derniers influx nerveux d'une ruralité exsangue.

Il faut repenser tout le soutien à la ruralité. Et, avant tout, réintégrer les soignants non vaccinés : leur suspension, qui était déjà scandaleuse, est aujourd'hui une aberration.

Les internes en médecine, qui font déjà tourner l'hôpital, ne sauraient être traités comme une variable d'ajustement. Certains ont déjà fondé une famille. On ne peut pas leur imposer une année supplémentaire après dix ans d'études, surtout payée huit euros de l'heure !

En outre, cette mesure coercitive pose un problème de suivi des patients.

Où est la mission de service public dont a parlé notre excellent collègue Retailleau - selon la formule consacrée ? En réalité, sa proposition relève plutôt de la philosophie macroniste...

Je voterai contre ce palliatif administré. Il faut une réforme profonde en faveur de la ruralité ! Nous devons aussi faire mieux connaître le contrat d'engagement de service public.

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées du groupe UC) Cette proposition de loi nous invite à nous saisir de la question, essentielle, de la formation des médecins. Celle-ci doit permettre l'acquisition de connaissances et de savoir-être et préparer à l'exercice professionnel, majoritairement libéral.

La question n'est pas d'aligner la durée du cursus des généralistes sur celui des autres spécialités, mais d'allonger d'une année le troisième cycle des études médicales. S'il s'agit de déployer un bataillon de docteurs juniors dans les territoires sous-dotés, je n'y suis pas favorable.

De fait, le doute persiste sur la finalité de cette proposition de loi. Alors que la discussion est engagée depuis plusieurs années, l'objectif à peine masque de ce texte suscite une vive inquiétude. Pour ma part, je ne crois pas à la coercition, même drapée de bonnes intentions.

En dix ans, nous avons perdu 5 000 médecins généralistes. Leur densité a baissé deux fois plus que celle des autres médecins. Rien ne réglera le problème de l'accès aux soins tant que le nombre de médecins n'augmentera pas significativement. Il faut donc augmenter nettement le numerus apertus, ainsi que le quota de généralistes.

Une quatrième année professionnalisante, concertée, devrait mieux préparer les jeunes à l'exercice en libéral. Si elle est bien menée, elle favorisera l'installation dans les territoires ruraux. Par ailleurs, les étudiants ne pourront plus repousser leur thèse, ce qui retarde leur installation.

Toutefois, des conditions doivent être réunies pour que ce texte ne soit pas le prétexte d'une réponse imparfaite au problème des déserts médicaux : adhésion des étudiants, encadrement par un maître de stage, rémunération suffisante - à cet égard, la proposition de rémunération à l'acte paraît peu aboutie.

De manière générale, de bonnes conditions de travail, un environnement stimulant et des territoires accueillants sont les critères d'installation privilégiés par les jeunes professionnels. Il faut leur donner envie de poursuivre l'aventure.

Avec toutes ces réserves, nous ne sommes pas défavorables au texte, mais nous déterminerons en fonction de la discussion et du sort des amendements, notamment les plus coercitifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Sylvie Vermeillet et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi n'est pas sortie du chapeau de M. Retailleau ; nous en parlons depuis des années avec l'Ordre des médecins et les doyens, dont la conférence s'y est déclarée favorable.

Notre rapporteure a procédé à deux clarifications indispensables. D'abord, l'allongement des études ne doit pas s'appliquer aux étudiants ayant entamé leur troisième cycle, qui ne doivent pas être pris au dépourvu. Ensuite, il ne s'agit pas uniquement de remédier au problème de l'accès aux soins dans les territoires sous-denses, mais de consolider la formation des jeunes médecins.

La crainte exprimée par les étudiants en 2019, lorsque la commission des affaires sociales a proposé une réforme de la troisième année du troisième cycle, venait de ce qu'ils ne se sentaient pas prêts à un exercice autonome ; ils redoutaient également une affectation dans un lieu non choisi.

Rien de tel dans ce texte, puisque la quatrième année sera faite en autonomie supervisée, sous l'autorité d'un maître de stage, et permettra un exercice coordonné, auquel nombre de jeunes médecins aspirent. Elle comportera de vrais apports pédagogiques pour les futurs médecins.

Il ne s'agit pas de transformer les internes en médecins de famille à l'ancienne, ni de mettre un médecin sous chaque clocher - ce modèle n'est plus d'actualité. Il convient, en revanche, de réfléchir à des zones d'activité médicale. La concurrence entre territoires est délétère, et il faut plus de coopération.

L'affectation forcée ne nous paraît pas souhaitable. Il n'y a pas véritablement de zone surdotée, en tout cas en secteur 1. Il faut associer les ARS, les unions régionales des professionnels de santé et les élus à la réflexion sur les zones d'affectation.

La nouvelle maquette incitera aussi les internes à ne pas repousser leur thèse. Il y a déjà 12 000 maîtres de stage pour les docteurs juniors, mais il faudra en augmenter le nombre.

Ce texte, bien sûr, ne constitue pas une réponse unique au creux dans la démocratie médicale : nous avons besoin de réponses multiples, de la télémédecine à la délégation de tâches. Mais il prépare les étudiants à la médecine de ville, afin qu'ils puissent s'installer en toute connaissance de cause. Je le voterai donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre objectif est de faire venir des médecins dans nos villages et nos bourgs. Élu de Corrèze et médecin rural, je ne puis que constater dans nos territoires un manque dramatique de médecins. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à favoriser l'accès aux soins dans les déserts médicaux. Faute de décisions rapides, nous courons à la catastrophe.

Je me réjouis de ce débat et remercie la rapporteure pour son travail.

Les étudiants en médecine que j'ai rencontrés ont le sentiment d'être exploités, payés 2 000 euros par mois après dix ans d'études : je le conçois totalement. Ils se plaignent également de ne pas être suffisamment secondés.

À la suite de ces rencontres, j'ai déposé trois amendements, dont deux ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. L'un s'inscrivait dans la lignée d'une mesure négociée par Alain Milon avec les étudiants en 2019, selon laquelle les six derniers mois d'internat se feraient en territoire sous-dense : il s'agissait de créer un second stage dans le cadre du Saspas, en renforçant la rémunération des étudiants. L'autre visait à fixer la rémunération des docteurs juniors au niveau de dix consultations par jour payées à l'acte.

Rappelons que les internes ont déjà derrière eux neuf ans d'études. Ils peuvent consulter seuls, avec l'aide d'un médecin référent. La réalité de terrain, c'est aussi que les médecins, débordés, n'ont pas le temps d'être maîtres de stage.

Mon troisième amendement prévoyait que la troisième année d'internat s'effectue dans le territoire du CHU où l'étudiant a étudié.

L'État a l'impérieux devoir d'assurer l'accès aux soins sur tous les territoires, en écoutant davantage les étudiants. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Signe d'impuissance des politiques publiques depuis longtemps, les zones sous-denses s'étendent. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les zones sous-denses ont augmenté de 15 %, et 60 % des territoires ruraux connaissent des difficultés d'accès à des médecins généralistes.

La Cour des comptes a constaté des effets d'aubaine induits par les mesures précédentes. Des études pointent des pistes intéressantes et durables. À cet égard, selon la méta-analyse de la Drees, le choix de s'installer dans une zone mal desservie est lié à des critères d'ordre personnel. L'origine rurale du médecin est un facteur essentiel d'installation en zone rurale. Être né en milieu rural, y avoir grandi, fait sa scolarité ressortent dans tous les pays comme le critère décisif pour l'installation en zone rurale.

Or les élèves issus de ces zones se heurtent à la barrière de la sélection à l'université, amplifiée par Parcoursup, véritable machine de reproduction sociale.

Les chances de réussite d'un enfant de cadre à l'université sont 2,5 fois supérieures à celles d'un enfant d'ouvrier. Les fusions d'université vont à l'encontre des recommandations de l'OMS. De nombreux pays ont entamé une décentralisation des lieux de formation, voire ouvert de nouvelles écoles de médecine.

Des réformes structurelles sont nécessaires. Les territoires ruraux subissent la dévitalisation économique. Le démographe Hervé le Bras a ainsi pu dire que la France des déserts médicaux était celle des Gilets jaunes.

Cette proposition de loi propose une régulation très partielle et contestée, faisant l'économie d'autres types de régulation plus efficaces. Le groupe écologiste votera contre.

M. Abdallah Hassani .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi vise à préserver et améliorer notre système de soins sur nos territoires. La médecine générale est la seule spécialité qui ne compte que trois ans d'études et ne donne pas accès, dans sa dernière année, au statut de docteur junior.

Cette quatrième année permettrait l'arrivée chaque année de plusieurs milliers de jeunes professionnels dans des zones où l'offre médicale est faible. Plusieurs véhicules législatifs, dont le PLFSS, nous permettront de débattre encore de ces mesures.

Le texte vise à améliorer plus globalement la santé pour tous. Le nombre de maîtres de stages a augmenté de 9,6 % entre 2019 et 2021.

Les souhaits des jeunes professionnels doivent être pris en compte, notamment l'organisation avec le conjoint.

Je viens d'un territoire non pas sous-doté mais sous-sous-doté. Je salue, à cet égard, le travail de mon collègue de la commission des affaires sociales sur le système de soins à Mayotte : 27 généralistes libéraux, dont 7 maîtres de stage, pour 300 000 habitants !

À La Réunion, il y a 1 200 généralistes et 160 maîtres de stage pour trois fois plus d'habitants. Mayotte n'a pas de CHU, ce qui multiplie les évacuations sanitaires vers La Réunion, voire en métropole. Ceux qui n'ont pas les moyens renoncent aux soins.

La sécurité sociale à Mayotte est toujours régie par des dispositions spécifiques, mais la convergence progresse : l'année prochaine, nous bénéficierons de la complémentaire santé solidaire. L'absence de convention signée par les médecins libéraux avec la sécurité sociale pose de nombreux problèmes.

Une quatrième année de troisième cycle apporterait beaucoup aux internes qui la feraient à Mayotte. Je salue aussi la création, sur l'initiative du centre hospitalier, d'une agence territoriale de regroupement, qui assurera le recrutement des agents hospitaliers.

Cette proposition de loi contribue à lever les blocages. Le RDPI la votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre monde vit assez de malheurs pour qu'on lui épargne celui de mal nommer les choses. Or cette proposition de loi installe une confusion : son titre a été amputé de la partie relative aux déserts médicaux, mais cette question est omniprésente dans les propos que nous venons d'entendre, à commencer par ceux de l'auteur du texte.

Ce n'est pas parce que son titre a été expurgé que la proposition de loi porte bien sur la formation des internes en médecine générale. Masquer les objectifs est malheureusement récurrent dans le débat public. Nous préférons, nous, les intentions clairement affirmées. À cette aune, le texte est maladroit. Notre vie publique est encombrée d'euphémismes : concertation veut dire « cause toujours » et coconstruction, « on fait comme j'ai prévu »...

Nous connaissons bien les aptitudes de M. Retailleau à la clarté et à la synthèse ; je ne puis pas croire qu'il vienne juste de les perdre... (Sourires) Clarifions, donc.

Peut-on conjuguer meilleure professionnalisation des études de médecine générale et apport de temps médical supplémentaire ? Doit-on proposer aux jeunes médecins de participer à une meilleure offre de soins dans les 85 ou 90 % du territoire qui en ont bien besoin ?

Si l'on répond non, s'il n'est question que de formation, alors quatrième année et lieux de stage n'ont rien à faire dans le texte.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Bernard Jomier.  - Ce n'est pas au Parlement de décider de la durée des études de médecine, ni des lieux où les étudiants ont à effectuer leurs stages.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il y a l'autonomie universitaire !

M. Bernard Jomier.  - On abaisse le niveau de la loi dans ce débat réglementaire. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

M. Bruno Retailleau.  - Alors on ne fait rien ? Impossibilisme français...

M. Bernard Jomier.  - Il faut tenir le langage de la vérité aux premiers concernés. En leur disant, d'abord, qu'ils ne sont pas responsables de la grave pénurie de médecins que connaît notre pays. Au mi-temps des années soixante-dix, nous formions 10 000 médecins par an... Nous sommes tombés à 3 500, nous sommes aujourd'hui à 8 500. Comment ne ferions-nous pas face à une pénurie profonde ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Les responsables, ce sont les gouvernements successifs, obsédés par la réduction des coûts par la réduction de l'offre. Cette politique a été soutenue par les syndicats professionnels médicaux et l'Ordre des médecins.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Eh oui !

Mme Émilienne Poumirol.  - Très bien !

M. Bernard Jomier.  - Les jeunes médecins refusent à raison ce dispositif précipité et le statut sous-rémunéré qui leur est proposé. Il faut négocier avec eux. (Mme Émilienne Poumirol et M. Daniel Breuiller applaudissent.)

Les approches se sont complexifiées : la rareté de l'offre, les nouveaux parcours de soins et les enjeux sociaux rendent inopérante une approche strictement sanitaire.

Concilier professionnalisation et temps médical accru ne passe pas par la création d'une quatrième année. Privilégions plutôt une année de professionnalisation qui respecte les jeunes médecins, les rémunère à leur juste valeur et prenne en compte leurs problématiques de vie.

Ce texte est précipité. Nous avons d'ailleurs bien perçu la course engagée avec le Gouvernement, qui a inscrit ce dispositif dans le PLFSS. Nous allons revoir l'alliance de juillet autour de certains textes... (Marques d'agacement à droite)

Il faut négocier avec les jeunes médecins les moyens de dégager du temps médical supplémentaire. On négocie d'abord, on légifère ensuite ! Nous voterons contre ce texte contreproductif et en appelons à la responsabilité partagée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 1947, Jean-François Gravier publiait « Paris et le désert français », démontrant le fort déséquilibre entre Paris et la province et ses conséquences.

Trois quarts de siècle plus tard, cette problématique est particulièrement sensible en matière médicale. Depuis quelques décennies, peut-être quarante ans, monsieur Jomier, les déserts médicaux s'étendent. Le phénomène n'est plus seulement rural.

Est-il spécifique ou résulte-t-il de la disparition des services publics dans certains territoires ? Peut-on espérer l'installation de médecins dans des territoires sous-équipés en services publics de qualité ? La vie d'un médecin de campagne des années soixante-dix ou quatre-vingt correspond-elle aux attentes des jeunes médecins d'aujourd'hui ? L'évolution des mentalités et la judiciarisation de la société affectent nécessairement les installations.

Nous devons concilier les attentes des jeunes médecins avec celles d'une patientèle inquiète du manque d'accès aux soins.

Cette proposition de loi rassure les élus locaux et améliore le cursus de formation des étudiants en médecine générale.

Dès 2019, nous avions adopté un dispositif similaire, mais resté lettre morte, faute de décret d'application. Or voici que le Gouvernement ajoute à la hâte un dispositif quasi identique dans son projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'appropriant ainsi en catimini le travail du Sénat. Ce procédé traduit une forme de mépris.

Les débats en commission ont été passionnants, tant le sujet est multidimensionnel. Je sais que les internes contestent l'allongement d'un an du troisième cycle et sont inquiets du stage en ambulatoire.

Mais, grâce à cette année supplémentaire, ils acquerront le statut de docteur junior et bénéficieront de l'accompagnement d'un médecin superviseur. La quatrième année représente donc une réelle avancée.

Toutefois, les conditions de rémunération et d'accueil des étudiants restent en suspens. Les frais seront-ils à la charge des seules collectivités territoriales ?

Par ailleurs, les maîtres de stage seront-ils en nombre suffisant et équitablement réparti ? Leur rémunération doit cesser d'être versée avec des mois de retard, facteurs de démotivation.

Enfin, il convient de réfléchir au lien entre création de postes d'internes et démographie des territoires à l'échelle des bassins de vie, afin d'éviter les distorsions. Dans les Alpes-Maritimes, il y a vingt  postes d'interne pour 1,2 million d'habitants...

Cette proposition pose les jalons d'un meilleur accès aux soins, en respectant le principe cardinal de libre installation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment la France, Nation à la médecine réputée et au système de soins envié, a-t-elle pu en arriver à une telle pénurie ? Songeons que 11 % de la population n'a pas de médecin traitant - dans un territoire comme l'Ardèche, c'est le double.

La responsabilité est partagée : au début des années quatre-vingt-dix, aux élus inquiets de la démographie médicale, les gouvernements répondaient par des projections lénifiantes...

De notre inertie ou de notre action dépendra l'accès aux soins des prochaines décennies, marquées par un vieillissement prononcé. Le problème doit être abordé sans tabou. Le salut viendra d'une conjugaison de solutions complémentaires et volontaristes.

Il est de notre devoir de proposer des solutions concrètes et viables. À cet égard, je salue l'initiative de Bruno Retailleau.

Les élus des territoires créent des maisons de santé pluridisciplinaires, mettent en place le salariat des médecins ou, comme le conseil départemental d'Ardèche, proposent des solutions de logement aux internes.

Les internes ne sauraient être montrés du doigt : ils sont, au contraire, une partie de la solution. La solution proposée n'est pas unique, mais constitue un des leviers à actionner pour restaurer le droit de chacun à la santé.

Cette quatrième année alignera la formation des généralistes sur le cursus des autres spécialités. Les futurs médecins bénéficieront de la supervision d'un médecin expérimenté et d'une rémunération plus élevée que pendant leurs années d'internat. Dans les territoires sous-dotés, ils prendront, à l'aube de leur carrière, la mesure du délaissement, voire de la détresse, qui existe en matière médicale, ce qui mobilisera leur conscience civique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Fabien Genet .  - Je salue cette initiative de consolidation et de professionnalisation de la formation des internes. C'est un espoir pour nombre de territoires.

Certains parlent de précipitation, nous accusent de mettre la charrue avant les boeufs... Comme élu charolais, j'estime plutôt qu'on a trop tardé ! (Sourires)

Nos aides-soignants sont confrontés à l'irresponsabilité totale de notre système de santé. Chez moi, l'ARS a renvoyé des patients vers le maire que j'étais... Toutefois, la situation s'améliore parfois : nous avons créé une maison de santé pluridisciplinaire. Je pourrais parler d'autres communes, comme Cuiseaux.

Nos concitoyens ruraux s'adaptent aux cabines de télémédecine ou, demain, aux médecins stagiaires. Mais le principe d'une médecine à deux vitesses ne doit pas être entériné. Il faut une mobilisation générale au service du grand oublié : le patient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Il y a quelques années, les études de médecine duraient sept ans. Les médecins étaient-ils moins compétents ? Aujourd'hui, nous nous en sortons moins bien : il n'y a plus de médecins dans notre bassin minier.

Allonger la durée des études résorbera-t-il les déserts médicaux ? Qui encadrera les jeunes médecins volontaires ? On les paiera 2 000 à 2 500 euros par mois, après dix ans d'études...

Nous ne pouvons continuer à laisser s'installer des médecins dans des zones fortement excédentaires. Il faut réduire les premier et deuxième cycles. Nous plaidons pour une refonte d'ensemble des études de médecine, avec l'ensemble des partenaires concernés.

Certes, il n'y a plus de numerus clausus, mais les effets ne seront là que dans dix ans. Il faut augmenter le nombre de places dans les facultés ! (Applaudissement sur les travées du CRCE ; Mme Michèle Meunier applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - L'hôpital public ne peut fonctionner sans les internes. La formation d'un généraliste coûte à l'université 104 000 euros par an, pour un travail d'une valeur estimée à 121 000 euros. Les internes gagnent six euros de l'heure, alors que 70 % d'entre eux dépassent le plafond légal de 48 heures travaillées par semaine... Les internes sont les seuls étudiants qui rapportent de l'argent à l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées des groupes SER et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Sonia de La Provôté.  - Exactement !

M. Pierre Ouzoulias.  - Ils le vivent comme une injustice profonde.

Manuel Tunon de Lara, président de France Universités, ancien président de l'université de Bordeaux et praticien hospitalier, a déclaré devant la commission de la culture du Sénat : « Les CHU vont dans le mur ». Entre cinquante et soixante professeurs de médecine ont démissionné depuis 2018. Croyez-vous vraiment que cette réforme est celle dont le monde médical a besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées des groupes SER et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Rojouan .  - En commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet de l'accès aux soins dans les territoires en souffrance ; notre approche est un peu différente de celle de la commission des affaires sociales.

Enfin une proposition de loi qui envoie un message fort vers ces populations délaissées et vers les élus locaux ! À chaque réunion, les maires évoquent ce problème de la présence médicale.

Vu la situation désastreuse, on ne pourra s'arrêter là, et le vote sur ce texte ne sera qu'une première étape. J'ai déposé une proposition de loi comprenant un ensemble de mesures qui devront être prises simultanément afin que tous les Français voient leur situation s'améliorer.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Bruno Rojouan.  - Ce texte n'est qu'un point de départ. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Luc Fichet .  - J'aimerais tellement que ça marche ! (Sourires) Cela fait dix ans que le Sénat débat de ces sujets. Avec Hervé Maurey, nous avions produit un premier rapport en 2011-2012. Nos propositions étaient sans doute coercitives, mais elles me semblent toujours indispensables.

La quatrième année vise à répondre de manière masquée au problème des déserts médicaux. À condition d'avoir un maître de stage, un logement, une voiture, un cabinet médical mis à disposition par le maire, l'interne pourra effectuer son stage dans une zone sous-dense ; on évalue le potentiel à 3 600 médecins. Je n'y crois pas. Les internes ont une autre approche. Reconsidérons la manière dont ils sont traités à l'hôpital -  à la limite de l'esclavage ! (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

Comment l'État répartit-il aujourd'hui les médecins sur l'ensemble du territoire ? Voilà la vraie question. Ce texte n'y répond pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Stéphane Sautarel .  - Je remercie Bruno Retailleau pour cette initiative indispensable - même si elle n'est pas suffisante. La question de l'accès aux services publics essentiels que sont la santé, la sécurité et l'éducation est cruciale. Soyons à la hauteur de la confiance placée en nous par nos concitoyens.

Certes, les internes ne résoudront pas tous les problèmes. Toutefois, c'est un premier signe envoyé à des territoires en désespérance. Nous pouvons débattre, mais nous devons agir ! Ce sera un premier pas en direction des élus et des territoires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Notre collègue Joly avait déposé deux amendements portant sur le rapport entre la formation et la présence médicale.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ils sont irrecevables.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je tiens à exprimer mon profond désaccord sur l'interprétation qui est faite de l'article 45 de la Constitution, selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Que l'on m'explique pourquoi ces deux amendements ont été jugés irrecevables ! Faute de quoi, nous sommes dans l'arbitraire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue cette initiative et remercie le ministre de l'avoir reprise dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Malgré le changement d'intitulé, nous avons parlé davantage de démographie médicale que de formation des médecins. Je le regrette, car aucune réforme n'aboutira sans l'adhésion des premiers concernés. Or les étudiants en médecine ont exprimé leur mécontentement dans la rue la semaine dernière, nous devons les entendre. Ils ne veulent pas être les variables d'ajustement d'une situation née de notre manque d'anticipation.

Comment imaginer recruter plus de maîtres de stage, alors que les généralistes actuels approchent de la retraite ? Nous ne disposons même pas des 12 000 maîtres de stage nécessaires. Je m'abstiendrai sur ce texte.

M. Emmanuel Capus .  - Je soutiens sans réserve la proposition de loi. Elle va dans le même sens que celle de Daniel Chasseing que j'ai co-signée - retirée depuis. Il faut dépasser nos clivages, car ce problème concerne tous nos territoires. Dans le Maine-et-Loire, les généralistes ne prennent plus de nouveaux patients - même à Angers ! De nombreuses personnes ne sont pas suivies.

Les maires s'ingénient à faire face en construisant des maisons de santé, à leurs frais, en faisant venir des médecins roumains... Partout, c'est la débrouille.

La solution passe par l'adhésion des étudiants en médecine, et par une juste rémunération de leur effort. (M. Daniel Chasseing et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)

Mme Sonia de La Provôté .  - Être médecin de famille, c'est un choix. Les jeunes qui choisissent cette voie sont les piliers de la médecine de demain. Pourquoi ne s'installent-ils pas ? Pourquoi leur rémunération est-elle inférieure à la moyenne européenne ? Pourquoi choisissent-ils de faire autre chose au cours de leur carrière ? Pourquoi décident-ils de se salarier ? Seuls un cinquième des étudiants reçus à l'internat deviendront médecins de premier recours.

Je ne voterai pas cette proposition de loi qui ne règle ni la question de la rémunération, ni celle des conditions d'exercices. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

M. Bruno Belin .  - Il y a trente ans, nous avons diminué le numerus clausus pour faire des économies de sécurité sociale, en sacrifiant des générations d'étudiants qui nous auraient été bien utiles aujourd'hui.

Prenons date, monsieur le ministre. On nous a raconté que la fin du numerus clausus règlerait tout - et on l'a remplacé par le numerus apertus bientôt le numerus proximus ? (Murmures à gauche) Le numerus apertus, c'est le nombre d'étudiants que les universités estiment être en capacité de former. Les riches forment donc des riches, et les pauvres, des pauvres - car il y aura toujours plus d'étudiants formés à Paris Ouest qu'en province.

Le numerus apertus a-t-il changé quelque chose concrètement ? Combien de places ont-elles été créées ? Êtes-vous prêt à le réévaluer, à faire de la transparence ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Patrice Joly .  - Je suis surpris que l'intitulé de cette proposition de loi ait été amputé. L'accès à la santé dans les territoires est un problème majeur. L'égalité est bafouée, ce qui a des conséquences sur l'espérance de vie de nos citoyens : dans la Nièvre, elle est nettement inférieure à la moyenne. Il y a urgence. Nos concitoyens attendent de la puissance publique qu'elle organise la présence sanitaire.

Nous devons redéfinir les zones sous-dotées et sur-dotées : les zones sous-denses sont celles où le nombre de médecins est inférieur à la moyenne nationale -  c'est aussi simple que cela.

J'avais déposé une proposition de loi en août dernier visant à réguler le conventionnement, à limiter l'intérim et à apporter des aides à l'installation. Les Français souffrent, monsieur le ministre. Au secours ! Agissez concrètement, agissez vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Victoire Jasmin .  - Je suis gênée de ne parler que de la formation des internes en médecine générale, alors que l'intitulé initial traitait aussi des déserts médicaux.

On rencontre les mêmes problèmes de qualité de soins, d'aménagement du territoire en outre-mer que dans le reste du pays. Ce texte ne peut pas tout résoudre.

Les internes travaillent, suppléent, prennent des responsabilités. Or ils sont exploités et pas suffisamment payés. Personne ne parle de ceux qui se sont suicidés durant le confinement. Pensons à leur qualité de vie et à la qualité de vie de nos populations. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du II de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. - Le troisième cycle de médecine générale est suivi d'une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d'un maître de stage universitaire, dans l'un des territoires mentionnés au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.

«  Leurs conditions matérielles d'exercice sont fixées par arrêté, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale. »

M. Bernard Jomier.  - Cet amendement affirme la nécessité d'une année de professionnalisation, tout en renvoyant les modalités à une négociation avec les organisations professionnelles. En créant brutalement une quatrième année, alors que la question de la rémunération, du lieu d'affectation, des moyens matériels n'a pas été réglée, vous avez mis tous les internes en grève. Renvoyons à la négociation avant d'adopter un dispositif définitif.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le sujet de la démographie médicale n'a pas disparu, seuls les termes de « déserts médicaux » ont été retirés, car ils ne correspondent pas à la réalité et font insulte aux élus locaux qui oeuvrent à l'attractivité de leur territoire. La France n'est pas un désert ; ce terme péjoratif risque de décourager des médecins de s'installer. (On le conteste sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Nous respectons les internes en médecine. Si cette proposition de loi est adoptée, ils seront docteurs juniors en quatrième année et seront rémunérés en fonction de leur travail. L'effort qui leur est demandé impose en effet une reconnaissance. C'est l'objet de l'amendement présenté par le docteur Savary.

Cet amendement ne permet pas de compléter le troisième cycle de médecine générale. Or l'ajout d'une phase de consolidation est essentiel. Au Gouvernement de définir les modalités de rémunération adaptées. Avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - L'ajout d'une quatrième année vise à doter la spécialité de médecine générale d'une phase de professionnalisation, à l'instar des autres spécialités médicales. Je ne suis pas favorable à la concertation, qui est toujours contre-productive... (On s'amuse du lapsus du ministre.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Vous voulez sans doute parler de la coercition.

M. François Braun, ministre.  - Je vous remercie de vous intéresser à la rémunération des internes. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous sommes tous très attachés à l'autonomie des universités -  Mme Pécresse tout particulièrement. Or le législateur intervient pour la première fois dans un cursus universitaire. (Mme Catherine Deroche, présidente de la commission, le conteste.) C'est un changement radical ! Si vous touchez aux études, vous remettez en question le processus de Bologne. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Bernard Jomier.  - Que la commission ait supprimé les termes « déserts médicaux », personne n'en sera chafouin. Toutefois, vous auriez dû évoquer le dispositif visant à améliorer l'offre de soins dans les territoires. En l'effaçant, on crée la confusion. Ne cherchez pas ailleurs les causes de la grève des internes.

Rémunération à l'acte, salaire, mélange des deux : la question doit être tranchée par la négociation. Vous mettez la charrue avant les boeufs. Nous maintenons cet amendement.

Mme Nathalie Goulet.  - Monsieur le ministre, vous avez dit ne pas être favorable à la concertation. J'imagine que vous vouliez parler de la coercition... (M. le ministre le confirme.)

Mme Laurence Cohen.  - Vos propos n'auraient pas eu de sens sans cette précision, monsieur le ministre. À quoi, sinon, aurait donc servi le CNR ? (Sourires)

Notre groupe ne rentrera pas dans le jeu des amendements, car nous sommes en désaccord avec ce texte, qui ne résout aucun des problèmes. Desserrons l'étau du numerus apertus.

La majorité des jeunes médecins sont attirés par un exercice salarié, en équipe, or cette proposition de loi encourage la pratique libérale. Fâcheux hiatus. Laissons-les décider librement.

Mme Sonia de La Provôté.  - Je m'abstiendrai sur tous ces amendements. En fin de cursus, à 27 ans, on a parfois des enfants en bas âge, le conjoint est engagé dans la vie professionnelle. Il me semble difficile d'envoyer ces internes, qui s'engagent dans le service public, loin de chez eux pour pallier les carences des politiques publiques.

M. René-Paul Savary.  - La quatrième année ne tombe pas du ciel. On en parle depuis des années, pour mettre le troisième cycle de médecine générale à égalité avec les autres spécialités. Cette revendication est ancienne, mais elle a été mise sous le tapis par manque de courage, sans doute.

Les internes savent bien qu'une formation à l'installation est intéressante. Ils iront dans des territoires plus ou moins attractifs, mais avec un médecin qui les prendra en main. Un territoire sans maître de stage n'aura pas d'interne. Soyons-y attentifs. Ils ne seront pas maltraités - en tout cas pas plus qu'à l'hôpital. Ils découvriront des territoires merveilleux, et je suis convaincu que beaucoup s'y installeront, et pas forcément en libéral.

Monsieur le ministre, on pourrait se pencher sur la durée des deux premiers cycles, de manière à réduire ces six ans à cinq. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing.  - Je suis favorable à ce que l'on rémunère davantage les étudiants en quatrième année. Il est évident qu'après dix ans, on ne peut pas les payer 2 000 euros par mois.

J'ai proposé dix consultations par jour : un médecin débordé qui fera appel à un jeune médecin pourra lui confier cela et être là pour le conseiller en cas de problème.

Ne parlons plus de déserts médicaux. Les médecins sont là pour soigner, là où on a besoin d'eux. C'est leur vocation. Je ne vois pas où est le problème à le leur demander. La plupart sont d'accord. C'est un problème de rémunération. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Monsieur Ouzoulias, nous avons déjà légiféré en 2019 sur la troisième année ; demain, nous examinerons une proposition de loi sur les sages-femmes sur laquelle votre groupe est moteur, qui touche elle aussi à la formation.

Il n'y a pas d'opposition entre la commission des affaires sociales et les autres commissions : ses membres sont aussi des élus locaux. Je ne suis pas favorable à la coercition : partout où elle a été instaurée, elle n'a jamais fonctionné. Lisez le rapport de Mme Polton sur les pénuries de médecins dans différentes zones géographiques ! Nous revenons de Suède, où les problèmes sont les mêmes. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié quinquies, présenté par Mmes F. Gerbaud et Gruny, MM. Milon et Belin, Mme Bellurot, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Burgoa, Calvet, Charon, Courtial et Decool, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Devésa et Drexler, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, MM. Grosperrin et Guerriau, Mme Herzog, MM. Klinger, Longuet, Menonville, Moga, Pellevat, Pointereau et Rapin, Mmes Richer et M. Vogel, MM. Wattebled et Babary et Mmes Borchio Fontimp, N. Delattre et Perrot.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

de la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de l'étudiant

Mme Frédérique Gerbaud.  - Il s'agit d'affecter les étudiants en priorité dans leur subdivision territoriale de rattachement. Un tel fléchage éviterait que des territoires de rattachement naturel des stagiaires se trouvent spoliés en faveur de territoires objectivement moins défavorisés.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Grand, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret et Laménie, Mme Noël, M. Le Rudulier, Mmes N. Goulet, Micouleau et Vermeillet et M. Cigolotti.

M. Daniel Chasseing.  - Il est normal que le territoire qui forme des médecins bénéficie des forces vives. Cela permettra aussi une meilleure répartition et répond à l'objectif de lutte contre les zones sous-denses.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Je comprends l'intention des auteurs. Le nombre de maîtres de stage n'est pas forcément proportionnel à la population des internes- mais les deux amendements ont été rectifiés pour n'exclure aucun territoire. Dès lors, avis favorable.

M. François Braun, ministre.  - Madame Goulet, je vous remercie d'avoir corrigé mon lapsus - non révélateur ! (Sourires). Je suis un inconditionnel de la concertation et fermement opposé à la coercition.

L'affectation des internes se fait déjà dans la subdivision territoriale de leur faculté. Il faut conserver de la souplesse, notamment pour les territoires limitrophes. La répartition des postes d'internes est décidée conjointement avec le ministère de la santé en tenant compte des besoins de santé des territoires.

Avis défavorable à cet amendement, satisfait par les textes existants.

Les amendements identiques nos3 rectifié quinquies et 8 rectifié quater sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Savary, Babary et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bouloux, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. Lefèvre et Longuet, Mmes Malet et Micouleau, MM. Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Puissat, M. Reichardt, Mme Richer et MM. Rietmann, Sol, Tabarot, C. Vial et J.P. Vogel.

Après l'alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Par dérogation à l'article L. 632-5, les modalités de rémunération propres aux étudiants de la quatrième année de troisième cycle de médecine générale. »

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement aborde la question de la rémunération de cette quatrième année, via une dérogation au décret existant. Il faut une rémunération digne, sans mettre à mal celle des spécialistes. Nous avons donc finalement abandonné l'idée d'une rémunération à l'acte.

Je suis stupéfait de pouvoir proposer cet amendement sans me faire opposer l'article 40, alors que c'est une dépense supplémentaire... (On s'amuse sur les travées de gauche.) Pourtant, un amendement qui réduisait d'un an la durée des deux premiers cycles - pour rester à neuf ans en tout - a, lui, été déclaré irrecevable !

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - C'est la commission des finances qui manie l'article 40, pas la commission des affaires sociales.

M. André Reichardt.  - Ça ne change rien.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le gouvernement doit avancer sur la question des rémunérations, en concertation avec les parties prenantes. Avis favorable.

M. François Braun, ministre.  - C'est l'objet de la mission mise en place avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui devrait rendre ses conclusions au premier trimestre 2023. Le sujet est à travailler en concertation avec les parties concernées. Retrait ?

M. René-Paul Savary.  - Il ne m'a pas échappé que vous aviez lancé une concertation. Mais quel qu'en soit le résultat, vous devrez prendre une dérogation par rapport au décret. Alors autant montrer votre ouverture dès aujourd'hui !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. André Reichardt.  - Je voterai cet amendement que j'ai cosigné. Il est apparu tout au long du débat que la rémunération était un élément essentiel.

Que ce soit la commission des finances ou non, nous sommes confrontés aux limites de l'application de l'article 40 -  comme de l'article 45, au demeurant. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) J'ai déjà demandé comment était évaluée l'irrecevabilité. On m'a envoyé un fascicule très complexe, auquel on ne comprend rien. Cet exemple est typique. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les questions posées sur la rémunération montrent les limites de cette proposition de loi, faute de concertation avec les internes.

On parle d'une rémunération à l'acte, mais cela créerait des inégalités entre les zones sous denses ! (On le conteste à droite.) Pour un même travail, la rémunération ne serait pas la même : c'est scandaleux !

M. Philippe Mouiller.  - L'amendement prévoit une dérogation pour laisser le temps au Gouvernement de négocier avec les étudiants afin d'obtenir un dispositif cohérent sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Bien sûr !

M. Daniel Chasseing.  - J'avais proposé dix consultations minimum en libéral. Mais en libéral, il y a des jours avec plus ou moins de consultations. C'est ainsi et ce n'est en aucun cas une discrimination.

Les médecins qui prendront un junior le feront parce qu'ils sont débordés. Dix consultations par jour, cinq jours par semaine, cela fait 5 000 euros par mois.

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié sexies, présenté par Mmes Bellurot et F. Gerbaud, MM. Perrin et Rietmann, Mme Thomas, MM. Brisson, Calvet et Reichardt, Mmes Demas, Puissat et Ventalon, MM. Cambon, Lefèvre et Bazin, Mmes Eustache-Brinio et Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Procaccia et Micouleau, MM. Bonne, Belin, E. Blanc, Bouchet, Babary et Meignen, Mmes Estrosi Sassone et Lassarade, M. Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Deseyne et Dumont, MM. Bouloux et J.B. Blanc, Mme Gosselin et MM. C. Vial, Genet, B. Fournier et Pointereau.

Après l'alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après le 3° du III de l'article article L. 632-2 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«...° Les conditions d'agrément des médecins retraités comme maîtres de stage des universités. »

Mme Nadine Bellurot.  - Cet amendement pragmatique devrait vous combler, monsieur le ministre : il prévoit qu'un médecin retraité puisse être référent.

En 2014, ma commune de Reuilly, dans l'Indre, de moins de 2 000 habitants, comptait deux généralistes et un dentiste ; aujourd'hui, il n'y en a plus du tout. Nous devons profiter de l'expérience et de la bonne volonté de ces médecins retraités, qui sont prêts à accompagner de jeunes médecins.

C'est un amendement d'appel car la mesure est d'ordre réglementaire, mais si l'on ne s'appuie pas sur les médecins retraités, cela ne fonctionnera pas.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - La réforme ne pourra réussir que si elle garantit un accompagnement aux internes. L'ouverture à des médecins retraités enverrait un mauvais signal aux étudiants. L'accompagnement est déjà ouvert aux médecins qui cumulent l'emploi et la retraite.

Nombre de collectivités s'engagent pour former des maîtres de stage ; je pense en particulier au conseil départemental de Charente-Maritime. C'est important pour les départements dépourvus de faculté. Retrait ou avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - Même avis.

Mme Nadine Bellurot.  - Je vais retirer mon amendement. (On le déplore sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

La rédaction du décret tiendra-t-elle bien compte du cumul emploi-retraite ? Il faut que les médecins retraités puissent être agréés pour accueillir des docteurs juniors. Je le vois bien dans ma commune : les médecins récemment retraités sont compétents, connaissent la patientèle, ils seraient de bons maîtres de stage.

L'amendement n°14 rectifié sexies est retiré.

À la demande des groupes Les Républicains et CRCE, l'article unique, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 233
Contre   95

Le Sénat a adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Sol, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houpert, Genet, C. Vial, H. Leroy et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Micouleau et Belrhiti et MM. Burgoa, Cambon et Calvet.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé

I.  -  Le 7° du III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par les mots : « sans que le nombre de postes ouverts en médecine générale ne puisse représenter moins de 70 % du nombre de postes ouverts ».

II.  -  Le I entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et, au plus tard, le 1er janvier 2025.

M. Jean Sol.  - Par cet amendement, je propose un pourcentage d'étudiants se destinant à la médecine générale en troisième cycle de 70 %, contre 30 % pour les autres spécialités.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Quelque 40 % des étudiants accédant au troisième cycle se destinent à la médecine générale et cela augmente chaque année. Votre amendement risque de mettre en difficulté des spécialités comme la gynécologie, la pédiatrie, la réanimation, tout aussi essentielles. Avis défavorable.

M. François Braun, ministre.  - Même avis.

M. Jean Sol.  - J'y crois, donc je le maintiens !

Mme Sonia de La Provôté.  - En gynécologie, ophtalmologie, anesthésie-réanimation, on manque aussi de médecins ! On a besoin de tous les médecins et de promotions plus importantes. Il y a une complicité collective à ne pas avoir formé assez de médecins pendant des années.

Les médecins généralistes sont de facto polyvalents : ils sont tour à tour gynécologues, cardiologues de ville, etc.

Sur la portion congrue des effectifs de l'internat, ne mangeons pas la part des autres !

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Houpert .  - Cette proposition de loi pose une bonne question sur la démographie médicale, mais apporte-t-elle une bonne réponse ? (Quelques exclamations « non ! » à gauche) Je ne le pense pas. En médecine, on traite toujours la cause et ici, la cause, c'est l'aménagement du territoire, éternel voeu pieux.

Il n'y aurait pas de déserts médicaux si les territoires étaient véritablement attractifs. Déplacer un étudiant de quatrième année dans un territoire, c'est déplacer toute une famille, trouver un logement, des écoles... (M. Patrice Joly ironise.)

On explique souvent que les étudiants en médecine sont favorisés, car l'État leur paye leurs études, mais Pierre Ouzoulias a bien expliqué qu'ils remboursaient largement leur dette en renforçant l'hôpital.

Et trouver un maître de stage est très difficile en médecine générale.

N'instaurons pas un service médical semblable au service militaire et cessons d'embêter les étudiants en médecine.

M. Hervé Maurey .  - Le groupe UC votera cette proposition de loi.

Il y a dix ans, j'ai présenté un rapport d'information intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment ». La ministre de la santé de l'époque, Mme Bachelot, m'avait expliqué qu'après un mauvais moment à passer, les choses iraient beaucoup mieux dans dix ans ! Malheureusement elles n'ont fait que s'aggraver...

Cette proposition de loi sera-t-elle seulement appliquée ?

Ce seul dispositif ne réglera pas le problème. Nous avons besoin d'une véritable régulation. Cela a été réussi avec les kinés et cela se fait déjà dans de nombreux pays. Face à l'échec des dispositifs incitatifs, il nous faut un gouvernement courageux qui ose déplaire aux médecins.

L'accès des patients à une médecine de qualité est plus important que le confort des médecins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet .  - La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) prévoyait une mesure coercitive, malheureusement retirée par une proposition de loi de notre ancien collègue Alain Vasselle, après une bronca des médecins.

Je voterai cette proposition de loi en regrettant que notre débat se limite à la quatrième année. Car c'est aussi l'échec de Parcoursup. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Notre débat du 15 novembre prochain nous permettra de le constater et de trouver des solutions pour débloquer l'accès à la filière.

Des collectivités ont commencé à prendre des initiatives - le département de l'Orne salarie des médecins. Mais réglons d'abord le problème de l'entrée dans les études de médecine.

M. Alain Milon .  - La loi Ma Santé 2022 prévoyait une formation dans les cabinets médicaux au cours de la troisième année de spécialisation. Mais les étudiants s'estimant insuffisamment formés, la CMP a décidé de réduire cette formation à six mois.

Le texte de M. Retailleau place les étudiants au contact des patients, alors qu'à l'hôpital ils sont en contact avec la maladie. C'est très essentiel.

De plus, seuls 30 % de nos étudiants en médecine générale s'installent immédiatement à l'issue de leur troisième année de spécialisation ; avec cette proposition de loi, tous passeront leur quatrième année au contact des patients.

Je vous invite à voter cette proposition de loi.

M. Daniel Chasseing .  - Le RDSE votera cette proposition de loi. N'oublions pas qu'en ruralité, il y a aussi de la culture, des écoles, des collèges, des lycées... Certes, il n'y a pas d'université et souvent pas d'emploi pour le conjoint.

Personne ne souhaite travailler 24 heures sur 24. De nos jours, la vie en ruralité est tout à fait compatible avec la vie que souhaitent les jeunes.

En 2019, nous avions voté un dispositif, inappliqué faute de décret. Or, depuis, la situation s'est aggravée.

Les maires attendent de l'efficacité. Il ne s'agit pas de punir les internes, qui doivent percevoir un salaire décent. Nous leur demandons simplement, pendant cette quatrième année, d'apporter la médecine dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Daniel Breuiller .  - Cette proposition de loi oublie la question de la formation des jeunes médecins et passe à côté de celle de la couverture médicale. La concertation doit précéder la loi : le GEST votera contre cette proposition de loi.

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 232
Contre   96

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Abdallah Hassani applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission.  - Merci monsieur le ministre pour votre avis de sagesse et à vous tous pour la qualité de nos échanges. Cette proposition de loi n'a pas la prétention de tout régler. Il était néanmoins important qu'elle soit votée aujourd'hui, car la situation est insupportable pour les patients comme les élus. Elle n'enlève rien à l'hôpital : puisse l'arrivée de docteurs juniors dans les territoires soulager les urgences.

C'est un pas demandé à chacun : à l'État, aux internes, aux maîtres de stage, à l'université. Merci pour ce vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Jean-Michel Arnaud.  - Au scrutin solennel n°3 sur la Lopmi, Mmes Amel Gacquerre et Anne-Catherine Loisier souhaitaient voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Mme Frédérique Puissat.  - Lors du même scrutin, mes collègues Charles Guené, Gérard Longuet, Albéric de Montgolfier et Damien Regnard souhaitaient voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Finances locales

M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La loi organique relative à la gestion des finances publiques nous permet d'organiser ce débat bienvenu sur les finances locales.

Madame la ministre, vous souhaitez supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans. Or cette mesure ne profitera qu'à 40 % à des entreprises industrielles, et beaucoup plus de sociétés du tertiaire. Aidons plutôt notre industrie à faire face à la crise énergétique.

Le calcul de la compensation de la suppression de la CVAE inclut deux années de crise sanitaire -  où son produit s'est contracté  - , alors que l'État a déjà perçu le produit pour 2023, qui, lui, est dynamique. La ficelle est un peu grosse...

La Première ministre s'est certes engagée à abonder le fonds vert du montant de ce surplus, mais le socle de la compensation est inchangé. Les conséquences de cette suppression à partir de 2024 n'ont pas été suffisamment évaluées et le projet de loi de finances pour 2023 fait un trop large renvoi au pouvoir réglementaire. Voilà qui rappelle la suppression de la taxe d'habitation...

Après les contrats de Cahors, les pactes de confiance traduisent une nouvelle recentralisation du fonctionnement des collectivités territoriales. Vous prévoyiez de plafonner la hausse de leurs dépenses de fonctionnement un demi-point en dessous de l'inflation, avec des sanctions en cas de dépassement : c'était inacceptable et cet article a été heureusement supprimé à l'Assemblée nationale. Madame la ministre, revoyez votre copie.

Sortons enfin de l'ère du soupçon, d'autant que les règles budgétaires des collectivités territoriales sont autrement plus exigeantes que celles qui s'appliquent à l'État. Pour respecter vos engagements européens, vous faites des économies sur le dos des collectivités, pourtant plus vertueuses que vous.

Votre seul souci devrait être de leur permettre de conserver des capacités financières, pour réaliser des travaux en faveur de la transition énergétique. Car leur facture énergétique est estimée à 11 milliards d'euros par notre collègue Françoise Gatel. Le bouclier tarifaire ainsi que le plafonnement des prix de l'électricité sont bienvenus, mais insuffisants.

Oui, les collectivités territoriales peuvent participer à l'effort de redressement des comptes publics, mais il faut d'abord des échanges constructifs avec les associations d'élus. Car les finances locales connaissent un effet de ciseaux et, par mitage fiscal, leurs impôts directs sont remplacés par des dotations sur lesquelles les élus n'ont plus ni pouvoir de taux ni pouvoir d'assiette.

Il faut une meilleure coordination des finances locales, sociales et étatiques, plutôt que de revenir à un État central qui ne doit plus l'être. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

18

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Que fait-on alors des établissements publics ?

Monsieur Reichardt, la rédaction que le Gouvernement propose ici est celle que votre assemblée a adoptée dans la loi de transparence sur la vie publique en 2013.

Monsieur Bazin, votre argument est circulaire : vous estimez que nous n'avons pas connaissance du recours au conseil par les collectivités, mais justement la proposition de loi permet de faire la transparence là-dessus.

Enfin, les enjeux déontologiques sont tout aussi réels dans les collectivités territoriales, sur les transports ou le logement social, entre autres.

M. Jean-Claude Requier.  - Je retire les amendements nos 1 rectifié et 45 rectifié au profit de l'amendement n°44.

L'amendement n°1 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°45 rectifié.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°44.

L'amendement n°2 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°3 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

et en gestion des ressources humaines

Mme Nicole Duranton.  - Cet amendement exclut du champ du texte les prestations de conseil en ressources humaines, qui ne relèvent pas du conseil stratégique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Bien au contraire, les projets de restructuration et de transformation comprennent souvent un volet RH. Ne restreignons pas la portée de la loi. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement déplume considérablement la loi (Mme Éliane Assassi approuve) : les recours aux cabinets en matière de recrutement et d'évaluation sont nombreux. Il est essentiel que cela reste dans la loi.

M. Arnaud Bazin.  - Page 244, le rapport décrit une prestation en accompagnement RH, pour un recrutement effectué par Santé Publique France. Nous sommes dans le régalien. Ce n'est pas neutre.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

L'amendement n°29 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°30 rectifié.

L'amendement n°4 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos5 rectifié et 6 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 13

Remplacer les mots :

à titre individuel

par les mots :

en qualité d'indépendant

Mme Nicole Duranton.  - C'est un amendement de précision : l'expression « à titre individuel » pour désigner les consultants pourrait inclure les agents contractuels ou les vacataires. Il convient d'exclure les ressources humaines internes du champ du texte. D'où notre proposition de remplacer cette expression par « en qualité d'indépendant ».

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Ici, « à titre individuel » est retenu par contraste avec les personnes morales. Restons-en à la rédaction de la commission.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il serait dommageable que les agents contractuels entrent dans le champ du texte. Avis favorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Bonfanti-Dossat, MM. Bonneau, Belin, Bouchet, Charon et Chauvet, Mme Dumont, M. Guerriau, Mme Goy-Chavent, MM. Houpert, Joyandet, H. Leroy et Meurant, Mme Noël et M. Chasseing.

Alinéa 15

Remplacer les mots :

aux administrations bénéficiaires, s'appuyant sur des informations factuelles et non orientées

par les mots :

et projections fondés sur des données chiffrées et sourcées ainsi que sur des estimations factuelles

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Cet amendement garantit que l'expertise sous-traitée par l'État aux cabinets de conseil repose sur de réelles compétences. La commission d'enquête a révélé le manque de rigueur de certains livrables. Ainsi McKinsey n'a retenu qu'un scénario de 100 % d'adhésion à la vaccination, dans le cadre d'un rapport sur la 4e campagne de vaccination. Même chose pour le port des masques grand public, décision publicitaire et non sanitaire proposée par un cabinet de conseil.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Le degré de précision de cet amendement est excessif et le rend peu effectif.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Toutes les prestations de conseil ne reposent pas sur des données chiffrées. Il y a un problème d'application.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les cabinets de conseil indiquent aux administrations les différents scénarios de projet qu'ils ont décidé d'exclure et expliquent les raisons pour lesquelles ces scénarios de projet n'ont pas été retenus.

M. Guy Benarroche.  - Il convient que les cabinets indiquent aux administrations toutes les pistes envisagées lors de la construction d'un projet, afin de limiter la marge de manoeuvre des consultants. Les décisions d'abandon de l'un ou l'autre des scénarios doivent toujours être motivées.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable à cet amendement qui rendrait inopérant l'article premier : la liste des scénarios non retenus pourrait être illimitée. Il faut plus de transparence, mais ici nous allons contre l'objectif.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ils n'effectuent pas d'action de représentation d'intérêts, au sens de l'article 18-2 de la loi n° 2013?907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, au nom de tiers, au sens de l'article 18-3 de la même loi.

Mme Mélanie Vogel.  - Il s'agit de créer une incompatibilité formelle entre les cabinets qui contractualisent avec l'État et ceux qui contractualisent avec des acteurs privés pour faire de la représentation d'intérêts auprès des décideurs publics. Les cabinets intervenant auprès de l'État ne sont pas inscrits en tant que représentants d'intérêts au répertoire de la HATVP. Or ils pourraient vendre à leurs clients privés une influence supposée ou réelle sur le décideur public.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Un prestataire qui utiliserait sa mission pour faire de la représentation auprès d'un autre client serait de fait en conflit d'intérêts et serait punissable par la HATVP.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux prestations de conseil réalisées à son bénéfice par les prestataires et consultants mentionnés à l'article 1er de la présente loi. Ces règles sont rendues publiques.

L'organe chargé, au sein de chaque assemblée, de la déontologie parlementaire s'assure du respect de ces règles par les prestataires et les consultants. Il peut se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l'exercice de sa mission.

Lorsqu'il est constaté un manquement aux règles déterminées par le bureau, l'organe chargé de la déontologie parlementaire saisit le président de l'assemblée concernée. Celui-ci peut adresser au prestataire ou consultant concerné une mise en demeure, qui peut être rendue publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l'avoir mis en état de présenter ses observations.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dès lors que les mesures proposées par ce texte sont bénéfiques pour tous les services de l'État, il est logique de les appliquer aux assemblées parlementaires. Pourquoi en serait-il autrement ? Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause l'indépendance des assemblées. De même que la loi ayant créé les représentants d'intérêts s'applique au Sénat, nous proposons que les dispositions de la proposition de loi s'appliquent au Sénat et à l'Assemblée nationale selon les modalités définies par les bureaux de ces assemblées afin de garantir leur indépendance.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Rien n'empêche les assemblées de mettre en oeuvre ces dispositions. En outre, cela me semble quelque peu rapide et prématuré. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Au nom de la séparation des pouvoirs, sagesse !

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

Mme Éliane Assassi .  - L'amendement n°32 acte le recul du Gouvernement sur la transparence des prestations de conseil. Le journal Le Monde est aujourd'hui contraint d'aller devant le tribunal administratif pour obtenir des informations auprès de l'administration et le Gouvernement refuse toujours de publier le rapport McKinsey sur l'avenir du métier d'enseignant... C'est le retour de l'opacité.

Cet amendement supprime quatre garanties de transparence : la publication des bons de commande, la cartographie RH des ministères, l'inclusion des prestations de conseil dans le rapport social unique des administrations et la consolidation des données sur cinq ans.

Le Gouvernement propose d'instaurer des exceptions à la transparence, alors que nous demandons des informations basiques.

En conclusion, le Gouvernement ne peut se cacher derrière le secret des affaires pour refuser de publier des informations. Cela serait juridiquement infondé et politiquement contestable.

M. Marc Laménie .  - Je rends hommage au travail réalisé par nos collègues. L'article 3 préconise la création d'un document budgétaire recensant les prestations de conseil par les administrations publiques. Les travaux de la commission d'enquête ont en effet mis en évidence les difficultés à chiffrer l'étendue du recours aux prestations de conseil. Le chiffre de 900 millions d'euros a été évoqué.

Sur cet article, je me rallierai à l'avis de la rapporteure.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement, le premier mardi d'octobre de chaque année, un rapport relatif au recours aux prestations de conseil au sens de l'article 1er.

Il comprend pour chaque ministère :

- une description de la stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur ;

- les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l'administration ainsi que les mesures mises en oeuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne ;

- la liste des prestations de conseil réalisées au cours des deux exercices précédents, à titre onéreux ou relevant du champ d'application de l'article 238 bis du code général des impôts.

Pour chacune de ces prestations, la liste indique :

- le montant par ministère, mission et programme des autorisations d'engagement et crédits de paiement consacré aux dépenses de conseil extérieur et la part de ces dépenses sur le total des crédits alloués au ministère, à la mission et au programme ;

- l'objet résumé de la prestation, son montant, sa date de notification, sa période d'exécution, l'organisme bénéficiaire au sein du ministère et le prestataire.

Ces informations sont publiées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé sous réserve du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de la sécurité des systèmes d'information, du secret des affaires et à l'exclusion des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique et de ceux que le ministre concerné estime nécessaire de ne pas diffuser dans le cadre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation.

Les administrations, autres que l'État, mentionnées à l'article 1er de la présente loi publient annuellement les mêmes éléments que ceux définis aux alinéas précédents.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je présenterai en même temps que cet amendement les amendements nos33 et 34, pour des raisons de cohérence.

Mon objectif n'est pas d'affaiblir le texte, mais au contraire de le rendre plus opérant. Il me semble que la dispersion des informations est inefficace : les informations seront dans le « jaune » budgétaire, dans le document social unique, dans le rapport au Parlement sur les compétences et aussi publiées au fil de l'eau...

Le rapport social unique n'a pas pour objet de présenter des informations comme la liste des prestations de conseil. Les dix rubriques qui le composent sont précisément énumérées par la loi et le décret. Ne le dévoyons pas.

J'attire par ailleurs votre attention sur les temporalités diverses avec lesquelles ces informations seraient communiquées : annuelle, tous les cinq ans, au fil de l'eau...

S'agissant enfin des bons de commande, il y en a eu 4 854 en 2021. En publier l'intégralité représenterait pas moins de 25 000 heures de travail ! Et la responsabilité des agents pourrait être mise en cause en cas d'erreur dans ce travail monumental.

C'est pourquoi nous proposons une annexe permanente au texte budgétaire, qui présenterait l'intégralité des commandes, les stratégies ministère par ministère, ainsi que les éventuels transferts de compétences.

Quels moyens l'État se donne-t-il pour réinternaliser ces compétences ? La création de 15 postes au sein de la DITP, la mobilisation de fonctionnaires tout à fait capables et qui seront formés et la mobilisation de nos corps d'inspection.

Oui, madame Assassi, j'assume qu'il puisse y avoir des exceptions à la publication des bons de commande. Par exemple, quand le fisc travaille sur une stratégie de lutte contre l'optimisation fiscale grâce aux solutions apportées par un cabinet de conseil. (On se gausse sur les travées du groupe CRCE ; Mme Nathalie Goulet également.)

Des cabinets nous aident à travailler sur la stratégie hydrogène de la France. J'assume ne pas souhaiter livrer des informations dans ce domaine à des puissances étrangères.

Dans le « jaune » budgétaire unifié, nous justifierons naturellement ces éventuelles exceptions.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Nous nous retrouvons sur l'idée d'un document unique pérenne. Mais l'amendement de réécriture de l'article 3 appauvrit le travail validé par la commission.

La suppression de l'article 8 ferait que le document ne comporterait plus d'informations en matière de cartographie des ressources humaines dont les ministères disposent, or il y en a plus que jamais besoin.

D'autres données participant à l'objectif de traçabilité disparaîtraient du document.

Notre avis est évidemment défavorable sur la suppression de l'article 4. La publication en données ouvertes du bon de commande constitue pour nous l'aboutissement du mouvement de transparence. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique prévoit d'ailleurs que l'ouverture des données publiques est la règle.

Avis défavorable à l'amendement n°32, ainsi qu'aux amendements nos33 et 34 qui seront examinés ultérieurement.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne suivrai pas le Gouvernement. En matière de fraude fiscale, nous avons eu les pires difficultés à obtenir le moindre conseil extérieur, dans le cadre de notre recherche d'informations sur la fraude à la TVA. On nous expliquait que toutes les compétences étaient disponibles en interne...

Mme Parly s'était, elle, engagée à nous donner le résultat des consultations privées au sujet du logiciel Louvois dont nous connaissons le succès foudroyant.

M. Fabien Gay.  - Des questions se posent en matière de stratégie industrielle -  énergie, spatial...

Sur l'évasion fiscale, on aimerait savoir quel cabinet vous aide.

Mme Nathalie Goulet.  - Et dans quel sens ! (Sourires)

M. Fabien Gay.  - S'agit-il de McKinsey ? Dans ce cas, ce cabinet pourrait se placer en premier sur la liste, puisqu'il pratique l'optimisation fiscale.

C'est une question régalienne : il faut un certain nombre de fonctionnaires pour effectuer le travail nécessaire contre la fraude fiscale, qui pèse lourdement dans le déficit public.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Très respectueux de la proposition de loi, je présente des exemples concrets. J'ai pris à dessein l'exemple qui vous ferait réagir !

M. Fabien Gay.  - C'est réussi !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'une des conclusions portait sur la traque des propriétaires de piscines non déclarées, mais McKinsey n'est pas impliqué.

Dès lors que la non-publication est justifiée dans le « jaune » budgétaire, il n'y a pas de recul.

M. Éric Bocquet.  - Monsieur le ministre, votre exemple est savoureux. Google devait 7 milliards d'euros à la France ; on a transigé à 1,7 milliard d'euros. En guise de remerciement, Google va aider le Gouvernement à traquer les piscines non déclarées. C'est cocasse ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

Rendrez-vous public le rapport réalisé par McKinsey sur le métier d'enseignant ?

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le travail, coordonné par le secrétariat général du Gouvernement, est en cours. L'intégralité des documents seront communiqués à la Cada. La publication de la totalité des missions de conseil est un travail très long, mais les informations seront transmises aux journalistes qui les ont demandées. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE)

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Il est interdit aux personnes mentionnées aux III et IV de l'article 1er de la présente loi de proposer, de réaliser ou d'accepter des prestations de conseil à titre gracieux, à l'exclusion de celles qui relèvent du champ d'application de l'article 238 bis du code général des impôts ou en cas de circonstances exceptionnelles compromettant la vie ou la santé de la population.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je partage l'objectif de l'article 5, qui est de mettre fin aux missions pro bono. Je propose simplement une modification rédactionnelle afin d'autoriser la réalisation de prestations à titre gracieux entre administrations.

Je propose également une exception : des circonstances exceptionnelles pouvant affecter la vie ou la santé de la population, comme une guerre ou une pandémie.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Le champ d'application de la proposition de loi, tel que défini à l'article premier, vise bien les prestataires et consultants et non les administrations.

Concernant l'exception que vous proposez, il est déjà possible de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence en cas de circonstances exceptionnelles. De plus, d'éventuelles lois d'urgence pourront revenir, le cas échéant, sur le principe général d'interdiction. Avis défavorable.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Durant les cinq années qui précèdent une action de mécénat, il est interdit aux prestataires et consultants de réaliser, proposer ou d'accepter une prestation de conseil à destination de leurs bénéficiaires d'actions de mécénat mentionnés à l'article 238 bis du code général des impôts.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement, rédigé en collaboration avec l'association Sherpa, complète l'article 5 sur un point très particulier. Il interdit aux prestataires et consultants de fournir des prestations de conseil à un client qui a bénéficié d'un mécénat de leur part dans les cinq années précédentes, afin de prévenir l'instrumentalisation du mécénat à des fins commerciales.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - L'article 5 est déjà solide et équilibré. Nous ne voyons pas de raison d'encadrer davantage les prestations au titre du mécénat. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration ne peut recourir aux prestataires et consultants privés pour la rédaction des études d'impact et pour la rédaction de l'exposé des motifs des projets de loi.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement interdit la rédaction de l'étude d'impact ou de l'exposé des motifs d'un projet de loi par des cabinets de conseil. En 2018, le gouvernement d'Édouard Philippe a sous-traité la rédaction de l'étude d'impact et de l'exposé des motifs de sa future loi sur les transports, pour 30 000 euros hors taxes.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - En effet, il est anormal que l'État ne rédige pas lui-même l'exposé des motifs et l'étude d'impact. Toutefois, l'article 2 crée déjà une obligation de transparence en matière de rédaction de documents pour le compte de l'administration, ce qui inclut études d'impact et exposés des motifs. C'est de nature à freiner la pratique que vous dénoncez. L'amendement est superfétatoire.

Cette proposition de loi incitera toutes les parties prenantes à avancer. M. Benarroche a cité l'association Sherpa. Il y a quelques années encore, nous précisions très rarement avec quel organisme ou association nous avions préparé certains amendements. C'est de plus en plus fréquent. Voilà le signe que nous sommes capables de faire évoluer nos pratiques.

Avis défavorable à l'amendement.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le Gouvernement est pleinement favorable à la fin des « marques blanches », ces situations où l'on ne sait pas qui, du cabinet de conseil ou du ministre, tient le stylo. Avis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez mille fois raison sur l'exposé des motifs. Quant à l'étude d'impact, j'ai déposé une proposition de loi sur le sujet avec M. Montaugé.

L'étude d'impact est un document très ennuyeux, rédigé par les services du ministre qui présente la loi. Aucun ministre ne publiera une étude d'impact qui critique son texte ! C'est une littérature compassée et inintéressante. Plutôt qu'à des cabinets, confions-les à des organismes scientifiques comme le CNRS ou l'Inserm, qui ne diront pas nécessairement du bien de ce que font les fonctionnaires du ministère. Mais les études d'impact, telles qu'on les rédige actuellement, sont une fausse bonne idée. (Mme la rapporteure approuve.)

M. le président.  - C'est tout de même une obligation constitutionnelle...

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

ARTICLE 6

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Cet article est un pilier essentiel de cette proposition de loi pour lutter contre l'opacité. Le document obtenu début octobre sur le détail des missions et leur prix laisse perplexe. Il y a plus de 230 millions d'euros de prestations, hors crise sanitaire, ce qui nous interpelle sur le maintien de missions inutiles. De plus, le contenu du document reste trop évasif. On apprend ainsi que l'entreprise italienne Tecnoambiente a réalisé six études géophysiques sur l'implantation d'un parc éolien en mer, avec tests de forage, « etc. » C'est un peu léger pour justifier une dépense de 25,3 millions d'euros... C'est pourquoi il faut inclure dans la loi le contenu et les conséquences concrètes des prestations fournies.

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

Sous réserve des secrets protégés par la loi et à la condition qu'elles ne portent pas sur des prestations de conseil préparatoires à une décision administrative en cours d'élaboration ou sur des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, les évaluations sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je partage pleinement la finalité de l'article 6, qui figurait aussi dans la circulaire du 19 janvier 2022 et a été intégré dans l'accord-cadre de la DITP.

Sur les secrets protégés par la loi, ma position est en cohérence avec celle que j'ai exprimée précédemment dans la discussion. D'où cet amendement qui soustrait de la publication des évaluations des prestations de conseil les informations couvertes par un secret protégé par la loi. C'est une disposition qui date de 1978. Les évaluations portant sur des décisions non encore prises sont ainsi écartées.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - La rédaction de cet amendement est trop large : elle englobe le secret des affaires et prive l'article 6 de sa portée. Avis défavorable en l'état, mais nous sommes prêts à trouver une rédaction plus appropriée.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Ce serait affaiblir la loi que de ne pas intégrer une telle exception. C'est dommage.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En introduisant subrepticement le secret des affaires dans ce texte, vous risquez de le faire exploser. Les cabinets de conseil pourront en exciper à tout moment ! Je crains l'effet déflagrateur de votre proposition.

Mme Éliane Assassi.  - Exactement !

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. Mickaël Vallet .  - En France, il n'y a pas de police de la langue. Dans le privé, sur les réseaux sociaux, on parle comme on veut et c'est heureux.

Nous parlons dans cet article des pouvoirs publics. Ils appliquent un droit dans leurs textes, comme la féminisation des termes. Le Premier ministre a le droit de demander à son administration de s'exprimer d'une certaine matière, comme Édouard Philippe à propos du point médian.

Cet article précise la loi Toubon, pour que l'administration exige de ceux qui lui produisent des documents qu'ils s'expriment en français. Quant à l'expression de l'administration elle-même, elle relève de ceux qui la dirigent.

Ces dispositions ne s'étendent pas aux grandes entreprises, y compris lorsqu'elles sont issues de monopoles d'État et pondent des noms aussi idiots que « Ma French Bank ».

Quelle est la position du ministre sur cet article ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Stanislas Guerini, ministre .  - Je suis tout à fait favorable à cet article. La référence à la loi Toubon lui donne une base solide.

M. Emmanuel Capus .  - Je partage l'objectif de cet article, mais, comme l'a dit la présidente Assassi, l'article 2 de la Constitution définit déjà le français comme langue de la République. L'édit de Villers-Cotterêts de 1539 est toujours en vigueur : la langue de l'administration française est le français. Il me semble que cet article est satisfait.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

I.  - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cartographie précise le libellé des postes occupés, les compétences attachées aux fiches de poste, ainsi que les compétences hors fiches de poste dont les employés disposent ;

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Pour chaque recours à un prestataire ou consultant, les raisons pour lesquelles il a été choisi de recourir à un prestataire ou consultant externe.

M. Guy Benarroche.  - Dans le rapport présenté par le Gouvernement au Conseil supérieur de la fonction publique, le libellé des postes occupés et les compétences attachées doivent être précisés. Cela permet de faire un inventaire précis des compétences disponibles au sein de l'administration.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté, ainsi que l'article 9.

ARTICLE 10

M. Arnaud Bazin .  - Nous abordons le chapitre relatif aux obligations déontologiques, qui est essentiel. Nous assistons à un renforcement bienvenu des règles dans toutes les sphères. Le président de la HATVP, lors de son audition, a souligné la préoccupation du public. Ce matin même, Le Monde identifiait des risques de conflit d'intérêts dans la gestion du plan de relance européen. L'État doit connaître les noms des autres clients du cabinet, car un même cabinet ne doit pas servir des intérêts divergents.

Or avec les propositions du Gouvernement, nous constatons plusieurs reculs, notamment sur la saisine de la HATVP, le remplacement des amendes pénales par des amendes administratives, le pantouflage, et les effets rétroactifs : ainsi le texte ne s'appliquerait plus à l'accord-cadre de l'UGAP ni à celui de la DITP récemment conclus.

Nous ne saurions cautionner de telles dispositions.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

Avant chaque prestation de conseil

par les mots :

Avant la première prestation de conseil réalisée au profit d'une administration bénéficiaire dans un des secteurs mentionnés au II de l'article 1er de la présente loi

2° Remplacer les mots :

les consultants 

par les mots :

ses dirigeants

3° Remplacer les mots :

à l'administration

par les mots :

au référent déontologue de l'administration

4° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Cette déclaration est valable pour une durée d'un an à compter de sa remise au référent déontologue de l'administration bénéficiaire. Toutefois, si le même prestataire de conseil réalise une prestation dans un autre secteur mentionné au II de l'article 1 au profit de la même administration, il est tenu de lui adresser une nouvelle déclaration selon les mêmes modalités.

II.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

les consultants

par les mots :

ses dirigeants

III.  -  Alinéa 7

Remplacer les mots :

les consultants

par les mots :

les dirigeants du prestataire

IV.  -  Alinéas 12 et 13

Supprimer ces alinéas.

V.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

VI.  -  Chaque consultant exécutant une prestation de conseil remplit une attestation sur l'honneur, répondant à un modèle fixé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, par laquelle il justifie ne pas être dans une situation de conflits d'intérêts. Lors de la remise du dernier document de la prestation, celui-ci est accompagné par l'ensemble des attestations sur l'honneur.

En cas de doute sur la sincérité d'une attestation sur l'honneur, l'administration bénéficiaire saisit la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui en assure le contrôle.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le Gouvernement partage pleinement l'objectif de renforcement de la déontologie. Dans la circulaire du Premier ministre du 19 janvier comme dans l'accord-cadre de la DITP, nous avons intégré des mesures renforçant le contrôle déontologique.

Mais il y a un objectif de proportionnalité et d'effectivité. Vous imposez une obligation à l'ensemble des consultants - 120 000 salariés dans les cabinets de conseil, dont 15 % travaillent auprès de l'État -, qui se verraient demander les mêmes déclarations exhaustives que les parlementaires ou les ministres, tout comme leurs conjoints.

La commission y a même ajouté une possibilité de contrôle sur place pour la HATVP, qui ne s'applique pas aux responsables publics. Il y a un problème de proportionnalité.

En l'état, l'article présente un risque constitutionnel. Une question analogue a été posée pour la loi pour la transparence de la vie publique ; le Conseil constitutionnel avait alors pointé une atteinte disproportionnée à la vie privée.

J'insiste aussi sur l'effectivité. Des dizaines de milliers de déclarations exhaustives d'intérêts seraient transmises aux acheteurs publics : qu'en feraient-ils ? Leur responsabilité pourrait être mise en cause en cas de problème. Et s'il y a transmission à la HATVP, elle sera embolisée...

La rédaction proposée par le Gouvernement permet de connaître les autres clients des cabinets, comme vous le souhaitez. Nous proposons de centrer les déclarations exhaustives d'intérêts sur les dirigeants et de demander aux consultants une déclaration sur l'honneur, document opposable en cas de conflit d'intérêts avéré.

Ce dispositif n'affaiblit pas la loi, il vise au contraire à la rendre plus effective.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

Le Conseil constitutionnel a censuré l'élargissement des obligations aux parents et enfants, pas aux conjoints.

À la différence des déclarations des élus, publiques, celles des consultants seront remises à l'administration et, éventuellement, contrôlées par la HATVP. Il n'y a donc pas de risque pour la vie privée.

Lors des débats sur la loi pour la transparence de la vie publique, nous avions craint, les uns et les autres, un grand déballage de notre vie privée... Ce n'est pas ce qui se passe. C'est en généralisant la transparence que nous la désacraliserons et rassurerons les personnes concernées.

M. Arnaud Bazin.  - S'agissant du conjoint, nous demandons simplement que sa profession soit précisée.

L'acheteur qui ne se sent pas suffisamment armé pourra toujours se tourner vers la HATVP.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéas 4 à 6

Rédiger ainsi ces alinéas :

II.  -  Un décret en Conseil d'État, pris après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise :

1° Le rythme et les modalités des communications prévues au I du présent article, ainsi que les conditions de publication des informations correspondantes ;

2° Les modalités de présentation des actions du prestataire de conseil.

Mme Nicole Duranton.  - Il s'agit de renvoyer à un décret en Conseil d'État, après avis public de la HATVP, la définition des modalités de publication des informations relatives aux actions de démarchage, de prospection et de mécénat.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable.

M. Arnaud Bazin.  - Nous avons confiance dans le Gouvernement, mais la prise d'un décret comporte toujours un risque. La loi Sapin II, nous a dit le président de la HATVP, est bien écrite, mais le décret pris pour son application l'a complètement dévitalisée. Il serait bon qu'on ne reproduise pas la même erreur.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Le prestataire de conseil ;

II.  -  Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - En l'état du droit, aucune organisation syndicale ne peut saisir une autorité administrative indépendante. Je ne crois pas que tel soit leur rôle. Par ailleurs, il est excessif de donner à la HATVP un pouvoir de contrôle sur place qui n'existe ni pour les ministres ni pour les parlementaires.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas d'opposition et après mise en demeure préalable, le président de la Haute autorité peut saisir la commission des sanctions qui statue sur le bien-fondé du motif invoqué. Lorsque le secret de la défense nationale est invoqué, celle-ci saisit pour avis la commission du secret de la défense nationale dans le cadre de l'article L. 2312-1 du code de la défense.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En cas de refus opposé à une demande de communication de documents de la HATVP, il est proposé que celle-ci puisse saisir la commission des sanctions.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis défavorable, par cohérence.

L'amendement n°25 rectifié est adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende, le fait :

1° De ne pas respecter les exigences des dispositions des articles 10 et 11 ;

2° D'entraver l'action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission, quel qu'en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets au sens du II de l'article 12.

Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, dans les conditions prévues à l'article 131-34 du code pénal.

Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal de l'une des infractions prévues au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal, la peine prévue au 5° de l'article 131-39 du même code.

M. Stanislas Guerini, ministre .  - En adoptant les articles 13, 14 et 15, nous remettrions fondamentalement en cause la façon dont a été pensée la HATVP : elle sanctionnerait spécifiquement les cabinets de conseil.

Les sanctions pénales sont les plus dissuasives. La HATVP a déjà fait usage de son pouvoir en la matière : vingt-huit condamnations définitives ont été prononcées à l'encontre de ministres et parlementaires. Preuve que ce dispositif est opérant.

Cette explication vaut aussi pour les amendements du Gouvernement aux articles 14 et 15.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable, car la sanction administrative est plus rapide, donc plus efficace. Nous sommes favorables à la création d'une commission des sanctions. Oui, monsieur le ministre, le cas des cabinets de conseil est spécifique. Il peut être nécessaire de créer une nouvelle commission.

Avis défavorable également aux amendements du Gouvernement aux articles 14 et 15.

Mme Éliane Assassi.  - Tels qu'ils sont rédigés, les amendements du Gouvernement suppriment les sanctions prévues quand les cabinets de conseil réalisent des prestations pro bono ou utilisent le logo de l'administration. C'est inacceptable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 7, première phrase

Remplacer le mot :

total

par le mot :

consolidé

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement rédactionnel.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Demande de retrait : cette rédaction figure à l'article 20 de la loi de 1978 ; elle est aussi utilisée pour définir le montant des sanctions pécuniaires prononcées par l'Autorité des marchés financiers.

L'amendement n°31 est retiré.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme N. Goulet.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article L. 2141-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : «, 434-13 » ;

II. - Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Au premier alinéa de l'article L. 2341-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

III. - Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article L. 3123-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit d'ajouter à la liste des infractions valant exclusion de la commande publique les infractions de faux témoignages. L'expérience de la commission d'enquête a été éloquente !

M. le président.  - Amendement identique n°46 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet.  - On se souvient de cette affirmation de M. Tadjeddine, sous serment, devant la commission d'enquête : « Nous payons l'impôt sur les sociétés en France ». La commission s'est ensuite rendu compte, en enquêtant à Bercy, que McKinsey n'avait pas payé cet impôt depuis au moins dix ans... C'est un parjure évident, qui a conduit le Bureau du Sénat à invoquer l'article 40 du code de procédure pénale pour suspicion de faux témoignage.

Pas question de donner le moindre euro d'argent public à un cabinet coupable de parjure.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il pourrait y avoir des difficultés d'écriture au regard des textes européens, mais nous pourrons y travailler dans la navette. Sagesse.

Les amendements identiques nos9 rectifié et 46 rectifié bis sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 3 et 12

Remplacer les mots :

exclusion prononcée par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et devenue définitive, en application

par les mots :

peine d'exclusion de l'accès à la commande publique en application du 1° 

II.  -  Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette exclusion n'est pas applicable à la personne qui établit qu'elle n'a pas fait l'objet d'une peine d'exclusion des marchés publics inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, qu'elle a réglé l'ensemble des amendes et indemnités dues, qu'elle a régularisé sa situation en prenant des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d'une nouvelle infraction pénale.

« Cette exclusion n'est pas non plus applicable en cas d'obtention d'un sursis en application des articles 132-31 ou 132-32 du code pénal, d'un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132-58 à 132-62 du code pénal ou d'un relèvement de peine en application de l'article 132-21 du code pénal ou des articles 702-1 ou 703 du code de procédure pénale. » ;

III.  -  Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette exclusion n'est pas applicable à la personne qui établit qu'elle n'a pas fait l'objet d'une peine d'exclusion des contrats de concession inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, qu'elle a réglé l'ensemble des amendes et indemnités dues, qu'elle a régularisé sa situation en prenant des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d'une nouvelle infraction pénale.

« Cette exclusion n'est pas non plus applicable en cas d'obtention d'un sursis en application des articles 132-31 ou 132-32 du code pénal, d'un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132-58 à 132-62 du code pénal ou d'un relèvement de peine en application de l'article 132-21 du code pénal ou des articles 702-1 ou 703 du code de procédure pénale. » ;

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre IV du titre II du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l'article L. 124-4 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « précédant le début de cette activité, », sont insérés les mots : « s'agissant en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue des demandes émanant d'un agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, et souhaitant fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif. »

2° L'article L. 124-7 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « une activité privée lucrative », sont insérés les mots : « , en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue de la compatibilité des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif fournies au cours des trois dernières années par la personne qu'il est envisagé de nommer avec les fonctions auxquelles elle candidate. »

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Sur la question des allers-retours entre public et privé, la rédaction de l'article s'écarte de la loi de 2019 de transformation de la fonction publique et des principes introduits à l'époque par le Parlement sur l'architecture de contrôle déontologique, saluée par la HATVP.

Cet article crée deux distorsions : premièrement, il vise tous les agents publics, sans souci de hiérarchie, alors que la loi de 2019 cible les postes à responsabilité.

Deuxièmement, vous créez un régime ad hoc pour les cabinets de conseil -  ce qui revient à considérer qu'il est moins problématique pour un haut fonctionnaire du ministère des Armées de rejoindre l'industrie de l'armement que pour un fonctionnaire lambda d'intégrer un cabinet de conseil...

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Vous proposez un compromis bancal entre droit commun et dérogation. Soit le secteur du conseil entre déjà dans le cadre des articles cités du code général de la fonction publique, et il faut supprimer l'article 16, soit il est nécessaire de faire un cas spécifique pour les cabinets de conseil. J'opte pour la seconde option. Nous y gagnerons en clarté et lisibilité.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le mécanisme de contrôle que je propose me semble au contraire adapté. Il s'agit d'améliorer l'architecture de la loi de 2019 en s'appuyant sur la HATVP.

M. Arnaud Bazin.  - Si le terme d'agent public pose problème, il pourra être modifié dans la navette. Nous visons bien les responsables publics : une centaine de personnes environ par an, ce qui ne devrait pas poser de difficultés à la HATVP.

Nous avons identifié de vraies zones de risques -  je pense au responsable d'un cabinet de conseil embauché à l'Élysée, qui sollicite ce même cabinet pour réorganiser le service dont il a la responsabilité...

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le rapport de la commission des lois mentionne aussi la notion d'agents publics. Il faudra revoir la rédaction.

Quant au cas particulier que vous évoquez, il n'aurait pas été remis en cause par la HATVP, car il n'y avait aucun conflit d'intérêt.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

L'article 17 est adopté.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 2

Après le mot :

publique

insérer les mots :

qui nécessite un haut niveau de sécurité des systèmes d'information

Mme Nicole Duranton.  - Il s'agit de limiter l'obligation, pour les cabinets de conseil, de réaliser un audit conforme au référentiel de l'Anssi en n'en faisant plus un prérequis durant la phase de sélection mais simplement une condition d'exécution d'un marché public si l'objet de ce dernier l'implique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable à cet amendement qui favoriserait les cabinets de petite taille.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

ARTICLE 19

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'article 19 n'est pas conforme au droit régissant la relation contractuelle et à l'article 2 du code civil, qui dispose que la loi n'a pas d'effet rétroactif. Le Sénat avait réaffirmé ce principe en 2017 dans le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant réforme du droit des contrats.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous souhaitons que la proposition de loi s'applique aux accords-cadres de l'UGAP et de la DITP, qui engagent des montants significatifs : 150 millions d'euros hors taxes pour la période 2023-2027 pour l'accord-cadre DITP. Nous ne pouvons pas attendre 2027.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Nicole Duranton .  - Je salue la qualité de nos débats. L'objectif de la proposition de loi est largement partagé, et les modifications apportées au texte initial vont dans le bon sens. Nous regrettons cependant le rejet de nos amendements et de ceux du Gouvernement. Le texte doit maintenant cheminer pour arriver à un point d'équilibre ; la navette devra trancher la question des modalités d'inclusion des collectivités territoriales. Le débat de ce soir est un point d'étape et non un aboutissement. Le RDPI votera ce texte.

Mme Nathalie Goulet .  - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir mentionné la navette : cela nous laisse espérer ! Elle sera nécessaire pour rendre le texte plus précis.

Je regrette que l'amendement n°11 de M. Benarroche n'ait pas été adopté. L'étude d'impact et l'exposé des motifs, c'est ce qu'il y a de plus régalien - surtout l'exposé des motifs. C'est un sujet à creuser au cours de la navette.

Nous aborderons aussi ces sujets dans le PLF avec l'espoir, un jour, d'un orange budgétaire sur les prestations de conseil. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. Arnaud Bazin .  - Le groupe Les Républicains votera le texte issu de nos travaux. Madame Goulet, il semble que la disposition proposée par M. Benarroche dans son amendement n°11 relève d'une loi organique.

Le principal est que l'architecture de la proposition de loi ait été conservée. Une fois que ces dispositions auront été adoptées, les administrations s'en porteront mieux, car elles seront sécurisées dans leurs rapports avec les cabinets. Et les ministres pourront être plus sereins ! (M. Marc Laménie applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°6 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 331
Contre    0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 19 octobre 2022, à 15 heures.

La séance est levée à 2 h 10.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 19 octobre 2022

Séance publique

À 15 h et de 16 h 30 à 20 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, présentée par Mme Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues (n°872, 2021-2022)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire évoluer la formation de sage-femme (texte de la commission, n°16, 2022-2023)