Projet de loi de finances rectificative pour 2022 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Dès la première lecture, le Sénat a adopté le collectif budgétaire de fin de gestion, en acceptant l'essentiel des ajustements proposés. Mais le déficit, considérable, s'établit sur un plateau haut.

Le Sénat a pris acte des mesures fiscales pérennes que l'Assemblée nationale a adoptées, revenant sur une pratique établie depuis 2018.

Le Sénat a accepté le chèque énergie exceptionnel, les crédits compensant le surcoût de l'énergie pour les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, les 40 millions d'euros supplémentaires pour l'aide alimentaire et le soutien renforcé à l'Ukraine.

Les députés ont doublé le seuil d'imputation du déficit foncier sur le revenu global pour les dépenses de rénovation énergétique, soutenu l'achat de pellets et de bûches de bois et prorogé MaPrimeRenov' en 2023 sans condition de ressources pour les travaux de rénovation globale.

La CMP est parvenue à un texte commun et a conservé plusieurs ouvertures de crédits adoptées par le Sénat : deux enveloppes de 50 millions d'euros chacune pour rénover les ponts ou les routes ; 50 millions d'euros pour les agences de l'eau, afin de réduire le taux de fuite sur les réseaux d'eau et accélérer leur rénovation ; 20 millions d'euros pour des travaux près des aéroports ; 12,5 millions d'euros pour les maisons France Services dont la charge pèse lourdement sur les petites communes.

Je me réjouis que la CMP ait abrogé dès 2022 la réforme de la répartition du produit de la taxe d'aménagement au sein du bloc communal, instaurée par loi de finances pour 2022.

La CMP a rétabli la réforme, souhaitée par l'Assemblée nationale, de la répartition du produit de la composante de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (Ifer) relative aux centrales photovoltaïques.

Enfin, la CMP a réduit de 2 milliards d'euros les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour plus de sincérité budgétaire.

Je remercie le rapporteur général de l'Assemblée nationale et vous invite à adopter ces conclusions, ainsi que les deux amendements du Gouvernement qui tirent les conséquences de notre accord en CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Ce compromis est une bonne nouvelle pour les Français, face à la hausse des prix. Je remercie les rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat qui nous donnent des moyens supplémentaires pour tenir le choc.

C'est une rallonge dans un contexte difficile. Depuis le début de l'année, la vie chère met la société française à rude épreuve. Nous voulons tout faire pour que la crise énergétique ne se transforme pas en crise économique majeure et protéger les Français sans grever nos comptes.

Nous continuerons à mener ce combat l'année prochaine, mais différemment, avec une approche plus ciblée, comme sur les carburants par exemple.

Les nuages s'amoncellent : guerre en Ukraine, crise immobilière chinoise, Inflation Reduction Act américain, situation politique italienne... Malgré tout, notre économie résiste. Les prévisions de croissance du FMI sont encourageantes : 0,75 % pour la France en 2023, ce qui marque notre capacité de résistance et conforte notre projet de loi de finances.

Nous voulons soutenir et protéger. Ce PLFR accorde une rallonge de 2,5 milliards d'euros, notamment pour aider douze millions de ménages à payer leurs factures : le chèque énergie exceptionnel de 100 ou de 200 euros sera versé d'ici la fin de l'année, pour un total de 1,8 milliard d'euros.

Nous prévoyons aussi 230 millions d'euros pour les ménages se chauffant au fioul. Cette aide doit être réclamée sur une plate-forme numérique : relayons tous cette information, via les centres communaux d'action sociale (CCAS) et dans nos circonscriptions.

Les ménages se chauffant au bois seront également aidés, grâce à une aide exceptionnelle de 230 millions d'euros votée par l'Assemblée nationale et confirmée par la CMP. C'était un angle mort. Pour lutter contre l'opacité du marché du bois de chauffage et les comportements spéculatifs, nous avons saisi la DGCCRF et des parlementaires vont y travailler.

Ce texte soutient aussi les automobilistes. La Première ministre a prolongé jusqu'à mi-novembre la ristourne de 30 centimes par litre, qui a coûté 440 millions d'euros en deux semaines. Ce PLFR en assure le financement. Depuis la semaine dernière, la ristourne est réduite à 10 centimes. En 2023, nous continuerons à soutenir les travailleurs qui ont besoin de leur voiture, de façon plus ciblée.

Ce texte soutient les opérateurs de l'État, comme les universités, les établissements de recherche et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) : un fonds de 275 millions d'euros immédiatement déblocable leur est dédié. Des crédits de 200 millions d'euros sont prévus pour les frais de carburant des armées.

L'Assemblée nationale a souhaité abonder les crédits versés aux associations pour l'aide alimentaire de 40 millions d'euros, en sus des aides votées par le Sénat cet été.

Il s'agit non seulement de parer à l'urgence, mais aussi de procéder à un certain nombre d'ajustements de fin de gestion, avec le souci permanent de tenir les comptes publics.

Les ouvertures de crédits, 5 milliards d'euros, sont compensées par des annulations de crédits d'un montant identique. Il s'agit donc d'un texte d'équilibre budgétaire, hors mesures exceptionnelles.

Afin de développer la formation professionnelle et l'apprentissage, 2 milliards d'euros sont prévus pour France Compétences. Mais l'opérateur devra aussi réaliser des économies structurelles. Un amendement sur la mission « Travail » propose un ticket modérateur pour l'accès aux formations ; j'y suis très favorable.

La mission « Défense » bénéficiera de 1,1 milliard d'euros supplémentaires au titre de notre soutien militaire à l'Ukraine. Je souligne la rallonge de 100 millions d'euros proposée par les députés Charles de Courson et Benjamin Haddad.

Le Sénat a proposé d'autres modifications, comme la suppression de la réforme de la répartition de la taxe d'aménagement entre les communes et leurs groupements.

Des crédits supplémentaires ont été intégrés : 20 millions d'euros pour protéger les riverains des nuisances sonores aéroportuaires, sur une proposition de M. Capo-Canellas ; 12,5 millions d'euros pour les deux mille maisons France Services, sur une proposition de M. Delcros ; 50 millions d'euros pour l'entretien des ponts, 50 millions d'euros pour celui des routes, et 50 millions d'euros pour les agences de l'eau, sur une proposition de votre rapporteur général.

Cela sera financé sans laisser-aller budgétaire. L'année 2022 a été marquée par notre combat contre la vie chère, mais aussi pour des comptes bien tenus : le déficit est stabilisé à 5 %. Engagement tenu malgré des dépenses supplémentaires et grâce à la résistance de notre économie. (Mme Nadine Bellurot ironise.)

Nous aidons les Français à se chauffer et à se déplacer, nous aidons nos enseignants et nos chercheurs à travailler dans de bonnes conditions, nous soutenons les banques alimentaires, nous finançons le plein emploi, et nous nous tenons aux côtés du peuple ukrainien.

Une majorité des Français soutient ces mesures et la méthode qui est la nôtre : c'est le premier texte budgétaire adopté sans 49.3, grâce à l'abstention constructive des groupes Les Républicains, Socialistes, et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot). Ce n'était pas gagné d'avance.

M. Antoine Lefèvre.  - C'est une petite victoire !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Il n'y a pas de petite victoire !

Le Sénat n'a pas attendu pour appliquer cette méthode qui permet de trouver un compromis au service de nos concitoyens, qui ne peuvent attendre. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Vincent Capo-Canellas et Christian Bilhac applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

I. - Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 2 :

 

(En millions d'euros*)

RESSOURCES

CHARGES

SOLDE

 

Budget général

 

 

 

 

 

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

6 769

6 980

 

A déduire : Remboursements et dégrèvements

2 579

2 579

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

4 189

4 401

 

Recettes non fiscales

990

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes

5 179

4 401

 

 

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne

-2 253

 

Montants nets pour le budget général

7 432

4 401

+3 031

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

0

0

 

 

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

7 432

4 401

 

 

 

Budgets annexes

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

281

-13

+294

 

Publications officielles et information administrative

10

-2

+12

 

Totaux pour les budgets annexes

291

-15

+306

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

Contrôle et exploitation aériens

0

0

 

Publications officielles et information administrative

0

0

 

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

291

-15

 

 

 

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

101

-1 839

+1 940

 

Comptes de concours financiers

1 129

442

+687

 

Comptes de commerce (solde)

-

 

Comptes d'opérations monétaires (solde)

-

 

Solde pour les comptes spéciaux

 

 

+2 627

 

 

Solde général

 

 

+ 5 965

 

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d'euros le plus proche ; il résulte de l'application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.

 

II. - Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 5 :

 

Besoin de financement

 

Amortissement de la dette à moyen et long termes

145,8

          Dont remboursement du nominal à valeur faciale

140,8

          Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

5,0

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

3,0

Amortissement des autres dettes reprises

0,0

Déficit budgétaire

171,0

Autres besoins de trésorerie

-15,4

       Total

304,4

Ressources de financement

 

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique consacrées au désendettement

1,9

Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme

0,0

Variation des dépôts des correspondants

3,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

50,5

Autres ressources de trésorerie

-11,0

       Total

304,4

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous ajustons l'article d'équilibre pour tenir compte de l'accord en CMP et lever les gages.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

ARTICLE 4 - État B

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Mission Écologie, développement et mobilité durables

Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+(majorer l'ouverture de)

-(minorer l'ouverture de)

+(majorer l'ouverture de)

-(minorer l'ouverture de)

Infrastructures et services de transports

 

 

 

 

Affaires maritimes

 

 

 

 

Paysages, eau et biodiversité

 

 

 

 

Expertise, information géographique et météorologie

 

 

 

 

Prévention des risques

dont titre 2

 

 

 

 

Énergie, climat et après-mines

 

 

 

 

Service public de l'énergie

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

dont titre 2

170 000 000

 

133 998 902

 

Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

TOTAL

170 000 000

 

133 998 902

 

SOLDE

+ 170 000 000

+ 133 998 902

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous levons les gages sur la mission « Écologie, développement et mobilités durables » pour la rénovation des ponts, routes et des réseaux d'eau et les travaux d'insonorisation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable. Cela répond aux demandes du Sénat.

Interventions sur l'ensemble

M. Didier Rambaud .  - En première lecture, j'espérais un dialogue constructif : ce fut le cas. Nous pouvons nous réjouir de cet accord en CMP.

Je salue le vote par le Sénat de 60 millions d'euros pour la rénovation de ponts, inspiré du travail de Michel Dagbert et Patrick Chaize, et de 100 millions d'euros pour les réseaux d'eau.

Je salue aussi l'abrogation de la réforme de la répartition de la taxe d'aménagement, qui rendra du pouvoir aux communes, l'ouverture de 20 millions d'euros pour les travaux d'insonorisation aux abords des aéroports et l'augmentation des crédits accordés aux maisons France Services : 50 000 euros chacune en 2023, suivant les préconisations de Bernard Delcros. Ces maisons, vecteurs de cohésion sociale,  sont une réussite. Elles répondent à une véritable attente de nos concitoyens, comme la réouverture de six sous-préfectures.

Lorsqu'un dialogue serein et apaisé s'installe...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Comme toujours au Sénat !

M. Didier Rambaud.  - ... le Parlement peut travailler sereinement sur un texte budgétaire et l'adopter, même sans majorité absolue à l'Assemblée nationale. Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale l'a également souligné : les aides pour les chaudières à bois, l'aide alimentaire et le personnel soignant, proposées par son groupe, ont été conservées.

Le chèque énergie exceptionnel est une mesure historique qui concernera douze millions de foyers. La remise carburant représente 8 milliards d'euros en 2022, soit 30 millions d'euros par jour.

Nous nous félicitons des aides pour les universités, les centres de recherche et les Crous, 275 millions d'euros, et pour le carburant des armées, 200 millions d'euros.

Au total, ce sont 2,5 milliards d'euros d'aides exceptionnelles pour faire face à la hausse des prix de l'énergie. Le RDPI votera ce texte sans hésiter.

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je me félicite de cet accord entre les deux chambres : alors que les 49.3 s'enchaînent, la représentation parlementaire en ressort grandie.

Les aides aux associations d'aide alimentaire et aux ménages se chauffant au bois, les subventions pour les universités, l'aide pour le carburant pour les armées, pour les agriculteurs et pour l'Ukraine ont été maintenues, et je m'en réjouis.

Le Sénat a fait un important travail sur l'article 9 DA, en supprimant le versement obligatoire de la taxe d'aménagement des communes aux EPCI. C'est à la commune d'évaluer la pertinence du partage éventuel de cette taxe. N'infantilisons pas les maires, qui méritent plutôt notre considération.

Ils doivent avoir les moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions. La stabilisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la suppression de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) vont faire perdre 3 milliards d'euros par an aux collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, vous leur demandez de contribuer à 25 % des économies sur 2023-2027 : lourd fardeau, alors qu'elles ne représentent que 19 % des dépenses publiques, 8 % de la dette publique et qu'elles n'ont pas de déficit ! Attention au tissu économique local : leurs investissements, qui représentent 60 % de l'investissement public, devraient se contracter de 12 % hors inflation en 2024 par rapport au pic de 2019.

Vous martelez votre dogme de la baisse des impôts de production, mais le mythe d'une spirale des petits entrepreneurs écrasés par la fiscalité locale n'existe pas. Non, vous sacrifiez l'investissement public sur l'autel de la compétitivité. Aucun lien entre niveau de la fiscalité et dynamisme des entreprises n'a jamais été démontré scientifiquement. La création de l'emploi dépend aussi des services publics disponibles. Or la baisse des impôts de production affecte le financement des collectivités : l'État devient décideur et l'autonomie financière des collectivités se réduit.

Ce PLFR va dans le bon sens, mais traduit votre idéologie de mise sous tutelle des collectivités territoriales et de baisse des impôts de production. Le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Éric Bocquet .  - Monsieur le ministre, vous avez bien conservé vos qualités d'ancien porte-parole du Gouvernement et de sémillant VRP de la politique gouvernementale !

La portée de ce texte est toute relative. Ses mesures sont tardives, les choix inadaptés. Ménages qui renoncent à rénover leurs maisons, universités qui renoncent à accueillir des étudiants, nous sommes loin du compte. Ces angles morts doivent être réglés en loi de finances initiale. Tant d'oubliés, de délaissés... Les endiviers du Nord sont très inquiets.

Certains ont bénéficié du paquet pouvoir d'achat - disons plutôt pouvoir de survie -, dont les avancées étaient insuffisantes. La Première ministre se félicitait pourtant de cette première étape. Mais l'inflation perdure et le Gouvernement s'arrête en chemin. Quelle nouvelle hausse après la revalorisation du point d'indice ? Aucune. Quelle nouvelle revalorisation des minima sociaux ? Aucune.

Pour ceux qui voient leur capacité de survie diminuer en 2022, il n'y a rien non plus dans le budget 2023. Nous prenons acte de la fin des aides aux carburants. Ce PLFR se borne à un chèque énergie exceptionnel : nous le prenons faute de mieux, mais c'est du saupoudrage.

Le texte rétablit la ponction des recettes d'Ifer votée à l'Assemblée nationale, mais on ne peut se satisfaire d'une logique de vases communicants, à périmètre constant.

L'équilibre des budgets des collectivités territoriales est menacé et les différents échelons sont mis en concurrence sur la répartition du produit des taxes. Il faut une fiscalité adaptée aux compétences, sinon c'est un combat sans fin au détriment de l'action publique.

Nous voterons résolument contre : la clause de revoyure sur le pouvoir d'achat n'a pas été honorée par le Gouvernement, qui n'a pas pris la mesure de l'inquiétude de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MM. Thierry Cozic et Daniel Breuiller applaudissent également.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La CMP a abouti à un accord, nous nous en réjouissons. Députés et sénateurs ont travaillé en bonne intelligence pour permettre aux Français de passer la barrière hivernale plus sereinement dans ce contexte d'inflation : chèque énergie pour les plus précaires, fonds pour les études des jeunes, qui ont subi la crise sanitaire de plein fouet.

Les motifs de satisfaction du groupe UC sont nombreux, plusieurs de ses amendements ayant été conservés. À la demande de Bernard Delcros, les crédits des maisons France Services augmentent de 12,5 millions d'euros, ce qui porte le financement forfaitisé à 30 000 euros par maison, pour un coût moyen d'environ 110 000 euros. Nous avons supprimé la réforme de la répartition du produit de la taxe d'aménagement entre les communes et leurs groupements, contraire à la dynamique de coopération intercommunale.

Nous ouvrons 20 millions d'euros pour les projets d'insonorisation des riverains d'aéroports, car le rendement de la taxe sur les nuisances aériennes, assise sur le trafic, s'était réduit de 80 millions d'euros.

L'ouverture de 50 millions d'euros pour la rénovation des ponts est bienvenue, merci au rapporteur général. Hervé Maurey, président de la mission d'information sur la sécurité des ponts de 2019, avait appelé à un plan Marshall en faveur des ponts du bloc communal : voilà une réponse concrète.

À la quasi-unanimité, le groupe UC votera ce texte enrichi, par le Sénat et les sénateurs centristes. Nous devons soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens tout en gardant le cap d'une bonne gestion des finances publiques. Il faut un redressement rapide : notre déficit de 5 % reste très inquiétant. Le message du FMI renforce notre préoccupation et devra inspirer nos choix futurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. le rapporteur général et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Michel Canévet applaudit également.) L'équilibre de ce PLFR est obtenu sans recours à l'emprunt, c'est à souligner.

Bouclier énergétique, ristourne carburant, chèque énergie, MaPrimeRénov', achat de bûches, aides aux agriculteurs : les mesures sur l'énergie sont nombreuses.

Il y a aussi des avancées pour les collectivités territoriales. La suppression du caractère obligatoire du transfert du produit de la taxe d'aménagement correspond à une demande unanime des élus. La CMP a rétabli l'acquisition et l'entretien des terrains dans le périmètre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), ce qui était également demandé. La répartition de l'Ifer a été revue - 50 % pour les EPCI, 30 % pour les départements et 20 % pour les communes -, c'est une mesure de cohérence et de clarification, même si j'aurais souhaité plus pour les communes.

Pour les ponts, 50 millions d'euros sont prévus, le Sénat avait souhaité 60 ; pour les routes, idem ; pour les agences de l'eau, 50 millions sont prévus, quand le Sénat avait voté 100 millions.

Les 20 millions d'euros pour l'insonorisation des habitations des riverains des aéroports étaient nécessaires pour compenser le manque à gagner après la crise covid.

La CMP s'est également accordée pour verser 12 millions d'euros aux maisons France Services, soit 7 000 euros par structure, mais nous devons veiller à la parité de financement entre État et collectivités.

Au final, en comparaison des 250 millions d'euros votés par le Sénat, la CMP a retenu 182 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Regardons le verre à moitié plein...

En responsabilité, le Sénat s'est préoccupé du redressement des comptes publics tout en donnant au bloc communal les moyens d'assurer ses missions. Je remercie le ministre pour son écoute et son sens de la pédagogie. Le groupe RDSE votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La CMP est parvenue à un accord sur ce budget rectificatif, amendé avec sérieux par les deux chambres du Parlement. Les avancées, pour les Français et les collectivités territoriales, sont nombreuses. Le texte comporte 2,5 milliards d'euros supplémentaires pour faire face à l'inflation et à la crise énergétique. Mais la réponse budgétaire ne saurait être durable. Nous avons besoin d'une réponse européenne sur les prix.

La sagesse de la Haute Assemblée l'a conduite à formuler de nouvelles propositions pour les territoires : 50 millions d'euros pour l'entretien des ponts et des réseaux routiers, suivant des recommandations du rapport d'information de juin 2022 de Bruno Belin, à la suite du rapport d'Hervé Maurey.

Nous avons également voté l'accélération de la rénovation des réseaux d'eau, avec 50 millions d'euros pour les agences de l'eau, car 20 % de l'eau potable, 1 milliard de mètres cubes, sont perdus chaque année...

L'appui aux maisons France Services, par l'ouverture de 12,5 millions d'euros supplémentaires, est bienvenu, car il s'agit de lieux d'accompagnement des Français dans les territoires.

Enfin, 20 millions d'euros ont été accordés pour les travaux d'insonorisation en faveur des voisins d'aéroports.

Je me réjouis que mon amendement supprimant l'affectation obligatoire du produit de la taxe d'aménagement au seul bénéfice de l'intercommunalité ait été retenu : cette demande des territoires correspond à la sauvegarde de l'autonomie financière des communes, notamment rurales. Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les aspects techniques de cette abrogation, et nous confirmer que les délibérations déjà intervenues seront abrogées ?

Le soutien à l'achat de pellets et de bûches et l'augmentation des crédits de MaPrimeRénov', adoptés à l'initiative du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, sont des aides concrètes et bienvenues. Protéger de manière ciblée, tout en maîtrisant les finances publiques, correspond à notre volonté.

Cette CMP souligne la capacité du Parlement à travailler en bonne intelligence pour faire avancer notre pays, pour peu que le Gouvernement entende et accepte nos propositions.

Je salue le travail du rapporteur général lors de ce marathon budgétaire et remercie le ministre pour son écoute. Le groupe votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)

M. Claude Malhuret .  - Je me réjouis que la CMP soit parvenue à un accord. C'est un coup double pour 2022 après l'adoption du paquet pouvoir d'achat cet été.

Néanmoins, une brève critique : la commission des finances a regretté que le véhicule du PLFR intègre des mesures fiscales nouvelles pour 2023. Le Gouvernement avait fait preuve d'une rigueur appréciable, avant la crise sanitaire, en vidant les collectifs budgétaires de fin d'exercice des mesures fiscales, pour se concentrer sur des ajustements de cours d'année. Cela permettait de concentrer les débats. J'espère que nous pourrons y revenir.

Les grands équilibres ont été maintenus, notamment le déficit à 5 % du PIB grâce à des recettes plus dynamiques que prévu, qui confirment la reprise de notre économie. Le chèque énergie exceptionnel a des défauts et des limites, mais il est ciblé -  40 % des ménages le toucheront toutefois... Nous passons du quoi qu'il en coûte au combien ça coûte.

Conformément à l'engagement du Président de la République, l'ouverture de 1,1 milliard d'euros de crédits pour le renforcement de l'aide militaire à l'Ukraine bénéficiera aux héros de la liberté qui y combattent. Un soutien moral sans soutien matériel, c'est un chèque en bois : on perd en crédit ce qu'on voulait gagner. Ce qui se joue, c'est plus que la paix en Europe, c'est la survie de la démocratie face aux dictatures : ne faiblissons pas. Je me réjouis qu'il n'y ait eu de lecture comptable, ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale.

Nous ne devrions pas voter la plupart de ces dépenses sans le boucher du Kremlin, ne l'oublions pas. Nous voterons pour ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur celles du RDSE ; M. le rapporteur général applaudit également.)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le PLFR est assez exceptionnel : il sera promulgué sans 49.3, grâce à l'accord de la CMP.

Il contient des mesures bienvenues : aide de 275 millions d'euros pour les universités, les opérateurs de recherche et les Crous ; chèque énergie exceptionnel ; aide aux ménages se chauffant aux pellets ou à la bûche. Ce sont de bonnes mesures, ciblées sur les ménages modestes.

Augmentation du budget de l'aide alimentaire, possibilité pour les communes de revaloriser leur personnel soignant, crédits pour la rénovation des ponts, subvention aux agences de l'eau : ces mesures nécessaires montrent que lorsque le Gouvernement écoute, quand nous prenons le temps du dialogue, nous arrivons à des compromis. Écoutez plus votre oreille gauche, monsieur le ministre ! (Sourires)

Nous déplorons cependant que l'écologie ne soit pas au coeur des projets. Les premiers mètres cubes d'eau pourraient être exonérés de TVA, car l'accès à l'eau est un besoin fondamental, à la différence du remplissage des piscines. Le bouclier tarifaire est faiblement efficace en matière de justice sociale et environnementale : une tarification duale aurait été préférable. Les collectivités territoriales auraient pu être autorisées à amortir la revalorisation du point d'indice sur trois ans. À Grenoble, la hausse de la masse salariale, c'est 5 millions d'euros en année pleine. Les collectivités savent gérer de nouvelles charges, mais l'exercice est impossible avec une telle trajectoire sur cinq ans : l'indexation de la DGF sur l'inflation aurait permis de corriger cela.

Il est nécessaire de penser chaque mesure en termes de résilience. Les mesures de court terme ne suffisent pas : notre planète est malade de notre suractivité, de notre surconsommation, de notre surcompétitivité, il est urgent de changer de modèle. (Applaudissements sur les travées du GEST)

L'ensemble du PLFR pour 2022 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°69 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 268
Pour l'adoption 252
Contre   16

Le projet de loi de finances rectificative pour 2022 est adopté.