Limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée (Deuxième lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

La Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Ce jour marque une étape importante pour notre biodiversité : par votre vote, vous mettez fin à des années de dégradation de notre belle nature.

Le Gouvernement fait déjà beaucoup pour la biodiversité, avec le fonds vert de 2 milliards d'euros...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Le fameux !

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État.  - ... et 150 millions d'euros au titre de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) : c'est inédit.

L'objectif de protection de 30 % du territoire terrestre et marin est atteint, et 10 % du territoire sera même bientôt en protection forte. Nous défendons ces objectifs à l'international, avec détermination.

Le retrait des grillages, qui ruinent nos paysages naturels, y participe. En 2019, plus de 3 000 kilomètres de grillages avaient été recensés sur le Loiret, le Cher et le Loir-et-Cher.

Cette proposition de loi est un bel exemple de coconstruction : que la politique est belle quand elle nous réunit ainsi pour l'intérêt général... (Sourires à droite)

M. François Bonhomme.  - Quel lyrisme ! (Sourires)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État.  - La proposition de loi émane du Sénat : monsieur Cardoux, vous en êtes à l'initiative, et je salue votre engagement sur ce sujet important pour votre belle Sologne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Je salue le travail des rapporteurs des deux chambres, MM. Somon et Ramos. Le dialogue a été apaisé et constructif, le choix de la législation en commission (LEC) en témoigne.

Ce texte met fin à l'engrillagement, qui rompt les continuités écologiques. Avec la trame verte et bleue, nous favorisons la libre circulation et le cycle de vie des espèces.

Il met fin à la défiguration de notre paysage. Nos concitoyens attendent que nous restaurions la beauté de nos campagnes, sans laisser quelques-uns s'accaparer nos bois, nos forêts, nos prairies.

Il supprime des obstacles qui entravaient l'action des pompiers - sachant que le risque incendie gagne désormais des régions que nous pensions épargnées.

Certaines clôtures protègent nos routes et nos voies ferrées, d'autres participent de la régénération forestière et protègent les cultures : elles ne sont pas concernées. Ce sont celles développées pour des pratiques purement cynégétiques ou relevant de la protection privée.

L'article 1er prévoit une mise en conformité des clôtures hermétiques, avec une durée de prescription qui passe à trente ans, à l'issue d'une étude de constitutionnalité, pour sécuriser le dispositif juridiquement. J'ai confirmé que les troupeaux et l'agropastoralisme étaient compris dans les exceptions ; une circulaire le précisera pour lever toute ambiguïté.

L'article 5, fruit d'une coconstruction avec l'Assemblée nationale, prévoyait l'interdiction d'agrainage et d'affouragement dans les espaces clos. Le Sénat l'a précisé juridiquement. J'y étais également favorable, pour rétablir la cohérence entre espaces ouverts et espaces clos permettant le passage des animaux.

Le Gouvernement souhaite que le texte soit rapidement soumis à l'Assemblée nationale, pour pouvoir engager rapidement le dialogue avec les acteurs de terrain, propriétaires, élus, fédérations de chasseurs et associations écologiques.

Cette proposition de loi sera un apport significatif en faveur de la biodiversité.

Je porterai au nom du Gouvernement cet enjeu majeur lors de la COP15 biodiversité à Montréal, pour aboutir à des objectifs clairs, ambitieux et surtout quantifiés, associés à des moyens adaptés. C'est en agissant à la fois en France et à l'international que nous sauverons notre biodiversité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Henri Cabanel et Daniel Salmon applaudissent également.)

M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Cette proposition de loi a été votée en deuxième lecture par notre commission des affaires économiques dans le cadre de la LEC. En première lecture, elle a reçu l'approbation unanime des deux chambres. Ce consensus est le fruit d'une patiente coconstruction. Contre l'emprisonnement de la nature, ce texte a réuni sénateurs et députés, citoyens, associations, chasseurs et non-chasseurs. Il y avait urgence, tant l'engrillagement pose problème pour la sécurité incendie, la libre circulation de la faune et l'attractivité de nos territoires ruraux. Cette réussite est celle de son auteur, Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ce texte est le fruit de sa grande connaissance de la chasse. Il a su faire des propositions hors de tout esprit partisan, dénonçant l'artificialisation des pratiques de chasse et de sylviculture ainsi que l'enfermement de la nature derrière les grillages.

Son texte adopte une approche globale et équilibrée. Je salue également le rapporteur Richard Ramos à l'Assemblée nationale, qui a su approfondir les dispositions votées par le Sénat et trouver le consensus.

Je veux enfin vous remercier, madame la ministre, de votre disponibilité. J'y associe les services de votre ministère et l'Office français de la biodiversité (OFB) dont l'expertise a été précieuse.

La commission des affaires économiques a visé l'équilibre entre le désengrillagement et le respect du droit de propriété. En première lecture, la commission avait étendu le pouvoir de contrôle des agents de l'OFB afin de faire appliquer le droit de la chasse dans les enclos où elle se pratique ; elle avait aussi étendu celui des agents assermentés des fédérations départementales de chasseurs. Elle a également introduit une sanction pour non-respect des nouvelles règles applicables aux clôtures.

En deuxième lecture, la quasi-totalité du texte de l'Assemblée nationale a été votée conforme ; l'unique amendement adopté par la commission, à l'article 5, porte sur la réglementation de l'affouragement et de l'agrainage, dans un souci de mise en cohérence.

Je forme le voeu que ce texte soit adopté dès début 2023 par l'Assemblée nationale, pour une entrée en application rapide.

Ce texte est le fruit d'un travail commun au service de l'intérêt général. Pour que nos forêts restent des havres de paix, protégeons-les des grillages -  « préférons au fil de fer l'oeuvre de la nature » pour citer Victor Hugo.

« Je ne demande pas autre chose aux forêts / Que de faire silence autour des antres frais / Et de ne pas troubler la chanson des fauvettes. / Je veux entendre aller et venir les navettes / De Pan, noir tisserand que nous entrevoyons / Et qui file, en tordant l'eau, le vent, les rayons / Ce grand réseau, la vie, immense et sombre toile / Où brille et tremble en bas la fleur, en haut l'étoile ». (Sourires, applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Patricia Schillinger et Viviane Artigalas applaudissent également.)

Je terminerai par une note moins célèbre mais plus personnelle : « Voilà cette nature que j'observe/ Vue des chemins autorisés / Chasseur d'images ou de gibier / Tous s'engagent à la protéger / Respect du gibier et de la propriété privée / Il était urgent d'y contribuer / À nous de légiférer. » (Sourires, applaudissements et bravos)

Mme Cécile Cukierman .  - Rassurez-vous, je ne m'exprimerai pas en vers, mais en prose. (Sourires)

Ce texte visant à garantir la libre circulation des animaux sauvages est bienvenu. Le phénomène d'engrillagement n'est plus circonscrit à la Sologne et concerne de plus en plus de territoires ; le président de la Fédération nationale des chasseurs redoute que l'on finisse par avoir des cages partout en France. Outre les continuités écologiques, la sécurité incendie et sanitaire est compromise ; la promenade, interdite ; le tourisme rural, freiné.

Cette logique de privatisation de nos espaces forestiers exacerbe les conflits d'usage. Le rapport d'information évoque une déviance du droit des enclos qui crée des zones de non-droit où la gestion cynégétique est aberrante : des miradors et des postes de tir mettraient même en danger les usagers des voies publiques.

Ce texte met fin à une pratique réservée à une élite, qui pouvait s'apparenter au carnage. Tel n'est pas le sens de la chasse, n'en déplaise à certains.

Outre les risques sanitaires, ces barrières interrogent sur l'égalité d'application du droit de la chasse, sur l'éthique et sur certaines pratiques. La chasse en enclos contrevient au principe même d'une chasse populaire, acquis de la Révolution française.

En étendant le droit commun de la chasse à l'ensemble des territoires sur lesquels elle est pratiquée et en renforçant l'accès aux enclos cynégétiques à des fins de contrôle, ce texte constitue une avancée significative, même si nous pouvons regretter qu'il n'interdise pas la chasse en enclos à caractère commercial. Au moins les gardes de l'OFB pourront-ils aller voir ce qu'il s'y passe sans devoir en passer par le juge des libertés et de la détention (JLD).

La violation de propriété ne sera sanctionnée que lorsque le caractère privé du lieu sera clairement identifié par la signalétique.

Ce texte est l'un des moyens d'apaiser le débat autour de la chasse, de faciliter cette pratique sans en accompagner les excès. Il va dans le bon sens et le groupe CRCE le votera. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Jean-Paul Prince .  - Je remercie notre collègue Cardoux, qui a inscrit ce sujet clé à l'ordre du jour de notre chambre. Le Sénat reste la caisse de résonance des enjeux territoriaux.

Ce texte témoigne aussi du travail minutieux de notre rapporteur, Laurent Somon, qui l'a rendu plus complet juridiquement et a su convaincre les députés. Je salue également l'implication de Richard Ramos, qui a corrigé certaines malfaçons.

L'engrillagement des espaces naturels est un phénomène ancien, mais qui s'accentue et contamine une part croissante de notre territoire. La Sologne en est l'exemple le plus caractéristique : on y compte près de 4 000 km de grillages - plus que de routes départementales dans mon département du Loir-et-Cher !

C'est un symbole de l'évolution de la ruralité, mais aussi du développement d'une forme d'égoïsme dans notre société, qui se traduit par une défense excessive du droit de propriété, une perte de la culture rurale et cynégétique, ainsi qu'une atteinte à la biodiversité.

Cette proposition de loi pose des règles afin d'améliorer la sécurité incendie, protéger la sécurité sanitaire, soutenir le tourisme rural et préserver la faune et la flore.

L'interdiction des clôtures qui empêchent le passage de la faune est au coeur du texte, qui redonne de l'air à nos ruralités. Le renforcement du volet pénal contre les intrusions est essentiel à l'équilibre du texte.

Enfin, l'obligation de mise en conformité des clôtures de moins de trente ans permettra de contourner l'engrillagement rapide précédant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

La prise en compte du caractère historique et patrimonial des clôtures est aussi à relever.

En revanche, l'interdiction de l'agrainage et de l'affouragement en enclos, décidée par l'Assemblée nationale, est aussi rigide que dogmatique. Les récents apports de la commission des affaires économiques me semblent cependant aller dans le bon sens.

Bien que je sois réservé sur cette dernière disposition, je voterai, avec la majorité du groupe UC, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Jean-Noël Cardoux applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Cette proposition de loi est un excellent texte : nous ne pouvions pas laisser perdurer l'engrillagement et la privatisation de la France. Nous assistons à un accaparement de l'espace public et des forêts. La navette parlementaire a apporté de substantielles améliorations. Je me réjouis du maintien des enclos anciens, dont certains ont une dimension historique.

Ce travail en commun entre les deux assemblées a été fructueux. Les chiffres en Sologne sont effarants. Il fallait réagir. Nous le faisons de manière mesurée, en laissant des délais de mise en conformité et en préservant les enclos à caractère historique. Ces dérogations sont d'autant plus admissibles que les enclos en question ne sont pas si nombreux.

Je voterai cette proposition de loi.

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte revient devant notre assemblée, modifié par les députés dans le sens de l'élargissement.

Il a pour objectif de mettre fin à l'extension de l'engrillagement - 3 à 4 000 kilomètres linéaires de clôture actuellement - qui empêche la circulation et le brassage génétique de la faune sauvage, et ce faisant une gestion équilibrée de la biodiversité.

Il donne une image déplorable de la chasse, avec des animaux engraissés toute l'année et tués sur des propriétés privées.

L'article L. 424-3 du code de l'environnement distingue deux situations de chasse en propriété privée : l'enclos cynégétique à caractère de propriété privée, avec droit d'agrainage et d'affouragement et droit de chasse dérogatoire, sorte de privilège de chasse, et les enclos de chasse à caractère professionnel ou commercial.

Ce texte interdit ce privilège de chasse. Les clôtures devront permettre la libre circulation des animaux sauvages, être constituées de matériaux naturels ou traditionnels, selon la définition prévue par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), ne pas être enterrées et ne pas mesurer plus de 1,20 mètre de hauteur.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait étendu l'application territoriale de cette règle. Les clôtures autorisées sont celles autour de parcelles agricoles pour préserver les récoltes, celles pour protéger la régénération forestière ou les clôtures d'intérêt public.

La mise en conformité des clôtures existantes devra se faire avant le 1er janvier 2027, à l'initiative de l'Assemblée nationale ; je m'en réjouis. Des exceptions ont été également ajoutées par les députés, comme les clôtures érigées dans un cadre scientifique, les domaines nationaux ou les clôtures réalisées avant la publication de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux.

Autre avancée, l'extension de l'obligation de mise en conformité aux normes environnementales pour les clôtures datant de moins de 30 ans. Ne pas mettre en conformité la clôture sera désormais puni de trois ans de prison et 150 000 euros d'amende. L'article 1er sexies prévoit un contrôle par les agents des fédérations de chasse.

À l'article 2, les députés ont réduit à la 4e classe la contravention de 5e classe prévue par le Sénat pour les intrusions dans les propriétés protégées par des enclos.

Le RDSE votera ce texte qui répond en grande partie aux attentes que j'avais exprimées à cette tribune lors de l'examen en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Alain Marc applaudissent également.)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Nous sommes presque à la fin du chemin. Le premier axe qui a guidé ma réflexion est le respect de la biodiversité en permettant la libre circulation de la faune sauvage. Le deuxième est le respect du droit de propriété. Le troisième est le retour à une chasse naturelle où l'éthique passe avant la performance. La chasse ne se résume pas au tir.

Ce n'est pas un hasard si on m'a traité à la fois de bolchevique et de défenseur du grand capital : c'est signe que ma position est équilibrée... (Sourires)

Tout le monde gesticulait, communiquait, affichait. Le Sénat a réfléchi, étudié et travaillé.

Grâce à un travail commun avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous touchons au but. Madame la ministre, nous nous sommes découverts ; vous avez pris la suite de Mme Abba dans un esprit constructif. Je vous en remercie.

Les textes adoptés à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale ne sont pas si fréquents. Une quatrième unanimité aujourd'hui montrerait le chemin à l'Assemblée nationale pour l'article 5...

Les améliorations mentionnées par certains orateurs ont toutes été négociées avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Richard Ramos, qui a accepté de demander l'inscription de ce texte dans la niche de son groupe. Lui et moi pouvons en être fiers.

L'article 5 introduisait des discriminations entre certains territoires. Il reste du travail en aval, beaucoup de décrets d'application à prendre, notamment sur l'affouragement et l'agrainage. Espérons que cet article sera voté très vite par l'Assemblée nationale.

Je réitère mes remerciements à Richard Ramos, à Laurent Somon, notre rapporteur poète, qui représente un département où la chasse se pratique assidûment, et tous ceux qui ont contribué à la rédaction de ce texte. Ce fut un travail d'équipe intense, qui fait un seul vainqueur : la biodiversité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, sur quelques travées du RDSE et au banc des commissions)

M. Franck Menonville .  - Je salue une nouvelle fois l'initiative de notre collègue Jean-Noël Cardoux, à qui nous devons ce travail intense et consensuel.

Ce texte est largement soutenu par les associations, dont la fédération nationale des chasseurs. C'est un texte important et courageux, fruit d'un travail constructif et transpartisan. Nos efforts ont été couronnés de succès avec l'unanimité.

Nous nous sommes mis d'accord sur des mesures justes et équilibrées pour lutter contre l'engrillagement, pratique néfaste en extension en Sologne.

Maurice Genevoix, dont la voix résonne aussi dans mon département, a décrit la Sologne, ses toits de chaume et la fulgurance des odeurs dans Raboliot.

En votant ce texte, nous nous inscrivons dans une démarche éthique et respectueuse de nos traditions ancestrales.

L'Assemblée nationale a introduit des modifications notables. La rétroactivité pour mettre en conformité les clôtures, à l'année 1992 : la date butoir est fixée au 1er janvier 2027, ce qui sécurise le texte. Elle a aussi interdit l'agrainage et l'affouragement des enclos. Cet article 5 est source d'iniquité entre les territoires ouverts et ceux qui le seront avec la nouvelle loi : cela a été corrigé par un amendement du rapporteur, qui aménage des exceptions. Ces évolutions vont dans le bon sens et témoignent d'un débat serein, qui fait honneur au Parlement.

La liberté de circuler est garantie, de même que la préservation de la biodiversité et le respect de la propriété privée. C'est une proposition de loi équilibrée. Le texte sanctuarise le respect de la propriété privée en cas d'intrusion illégale, même si l'Assemblée nationale a réduit la contravention de la 5e à la 4e classe.

La forêt et le foncier agricole ne sont pas des biens communs, mais détenus par des propriétaires. Ils sont le fruit de l'engagement et du travail des hommes. La proposition de loi répond aussi aux pratiques abusives de l'engrillagement : l'absence de brassage entre les espèces engendre de la consanguinité et plus de maladies.

La prolifération des clôtures crée enfin des risques au regard de la sécurité incendie, puisque les pompiers ne peuvent plus accéder à certaines parcelles.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Salmon .  - Nous avons toutes et tous unanimement souligné que l'engrillagement est un fléau pour nos territoires ruraux et pour la faune, tant il entraîne des difficultés pour le déplacement des animaux et crée une surpopulation artificielle de gibier, avec son cortège de problèmes.

Je me réjouis du travail constructif entourant cette proposition de loi, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. En première lecture, j'avais proposé, sans succès, de réduire le délai de sept à cinq ans pour la mise en conformité. Finalement, un délai de quatre ans a été retenu : il garantira une application rapide.

Toutefois, je regrette que les enclos antérieurs à 1992 ne soient pas concernés.

Je salue l'interdiction de l'affouragement et de l'agrainage dans certains enclos ; j'aurais préféré une interdiction générale. Madame la ministre, les décrets devront l'encadrer strictement, car le nourrissage participe de la prolifération de grand gibier, justifiant leur chasse. Comment les contrôles seront-ils menés ?

L'article 2 crée une contravention de 4e classe, mais les chasseurs pourront toujours passer par les propriétés privées pour récupérer leurs chiens de chasse. C'est source de conflits. Il faut éviter le deux poids deux mesures, un éclaircissement est nécessaire.

N'esquivons pas le débat de la chasse commerciale : 1 300 parcs et enclos détiennent de 50 000 à 100 000 enclos. La question éthique se pose : 500 euros pour tirer sur un mouflon, 300 euros pour un sanglier. Ces safaris non régulés ne sont plus d'actualité.

Toutefois, les progrès du texte sont indéniables : le GEST le votera.

Lorsque des jours sans chasse auront été dictés nationalement, nous aurons beaucoup progressé !

Mme Sophie Primas.  - Nous avons le droit de ne pas être d'accord...

Mme Patricia Schillinger .  - Dès le début de l'examen du texte, nous avions été nombreux à souligner le danger de l'engrillagement pour ses problèmes environnementaux. Cette pratique nuit à la reproduction des espèces ou, à l'inverse, conduit à une surconcentration d'espèces, avec les risques sanitaires associés.

La France a connu une vague de chaleur, qui s'est traduite par des incendies de forêt de grande ampleur. Cela légitime encore l'interdiction de l'engrillagement, car les clôtures ralentissent la progression des forces de secours.

Le groupe RDPI salue l'esprit de coconstruction qui concilie les différents intérêts, auparavant inconciliables. Je salue le travail du Gouvernement, en coordination avec Jean-Noël Cardoux et les rapporteurs Laurent Somon, François Cormier-Bouligeon, et Richard Ramos.

Deux débats ont prévalu. Nous avons obtenu un consensus pour que les clôtures construites après 1992 soient visées par la mise en conformité. Cela permet de ne pas remettre fondamentalement en cause le droit de propriété. Le rapporteur Laurent Somon a confirmé l'interdiction de l'affouragement et de l'agrainage, tout en autorisant des exceptions qui seront précisées par décret. Hormis ce point, le Sénat a approuvé les modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Les sénateurs RDPI voteront ce texte, favorable à la protection de la biodiversité. L'auteur et le rapporteur voulaient redonner du sens à la forêt et permettre de traverser sans problème ces espaces sauvages. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous examinons ce texte selon la procédure de la législation en commission. Ce texte, devenu transpartisan, a été adopté à l'unanimité en commission puis en première lecture. L'Assemblée nationale a fait de même, en y apportant quelques modifications qui ne remettent pas en cause l'esprit général du texte.

Cette proposition de loi a émergé en raison de la prolifération de l'engrillagement, singulièrement en Sologne. Or la faune sauvage doit pouvoir circuler librement. De plus en plus de propriétaires installent des enclos, qui nuisent à la continuité écologique, dégradent le couvert végétal et ne respectent pas les usages locaux. Dans un rapport d'août 2019, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) estiment que ces enclos sont un non-sens cynégétique et échappent au contrôle de l'État. Il s'agit bien d'un accaparement heurtant les usagers et les élus, sans contrôle des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) ni plan de chasse. Ces zones de non-droit privatisent notre patrimoine commun. Les seuls plans locaux d'urbanisme (PLU et PLUi) ne permettaient pas aux maires de lutter contre ce phénomène.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a précisé l'article 1er : son champ d'application est désormais élargi à toutes les zones naturelles et forestières. Le délai de mise en conformité passera à cinq ans, pour les clôtures installées moins de trente ans avant l'application de la loi.

Mais qui appréciera la portée de la clôture ? Les élus ? L'administration ? Il reste un flou juridique.

L'article 5 modifie le code de l'environnement en interdisant l'affouragement et l'agrainage dans tous les espaces clos. Seule l'exception à visée scientifique a été retenue par les députés. Le rapporteur l'a redéfinie.

L'Assemblée nationale a ajouté d'autres exceptions - neuf au total : les clôtures de parc d'entraînement des chiens de chasse et celles nécessaires à la régénération forestière sont source d'interrogations sur le contrôle. Comment éviter les abus ? Combien de temps ces exceptions sont-elles autorisées ?

Hormis ces quelques réserves, le groupe SER votera ce texte. Mais il reste quelques dispositions qui doivent être éclaircies. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.