Politique du logement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, à la demande du GEST, présentée par M. Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi .  - Voici ma conviction : les difficultés d'accès au logement sont l'un des principaux, sinon le principal facteur de déstabilisation de la société française. Je crois que ce constat des sénateurs du GEST est partagé sur toutes les travées.

Ce sentiment d'injustice, ces difficultés quotidiennes nourrissent l'aigreur collective et le vote pour une offre extrémiste de recroquevillement. Néanmoins, toute la France ne se résigne pas, comme l'ont montré les manifestations de mardi.

Le coût du logement augmente sans cesse depuis les années 1990, d'abord à Paris et en petite couronne, puis à Nantes ou Rennes dans les années 2000, ou Bordeaux dix ans plus tard.

Des biens se vendent aujourd'hui en euros au même prix qu'il y a trente ans, à ceci près qu'il était alors libellé en francs : il a été multiplié par six !

La mixité résidentielle et scolaire en pâtit, sans compter les mobilités subies, l'étalement urbain et la consommation de terrains, d'où la nécessité du zéro artificialisation nette (ZAN).

Ces trente dernières années, la ruée vers les littoraux du sud et du sud-ouest a entraîné des fractures. D'origine finistérienne, je ne pouvais imaginer qu'un jour, les habitants de certaines communes, auxquelles ils sont particulièrement attachés, seraient dans l'incapacité d'y acheter une maison, même petite. En Loire-Atlantique, département marqué à la fois par la métropolisation et le tourisme, où je suis élu, c'est dans les départements limitrophes que les ménages modestes doivent s'installer.

Je ne parle même pas de ceux qui ne parviennent pas à se loger : les chiffres de la fondation Abbé Pierre sont éloquents, en particulier sur le mal-logement en zone littorale.

La situation est grave. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avions poussé plusieurs cris d'alerte. Cette proposition de loi n'a pas la prétention de tout résoudre, mais elle devrait faciliter le financement de l'action des collectivités territoriales dans ce domaine.

Depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), les régions ont acquis une compétence pour faciliter l'accès au logement. Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) devient le document de référence, où se construit la cartographie du ZAN.

Nous savons que certaines régions sont réticentes à se positionner plus fortement sur cette compétence. Cette proposition de loi les y incite en leur donnant davantage de moyens.

Le renforcement du rôle des établissements publics fonciers locaux (EPFL) est plus consensuel : tous les élus le demandent. Je n'ai pas abordé la question de l'articulation des EPFL et des établissements publics fonciers de l'État (EPFE) : le débat eût été trop large. Nous avons simplement cherché à répondre à l'urgence.

En Loire-Atlantique, l'EPFL est incapable de répondre à toutes les demandes des communes. L'article 2 du texte devrait être consensuel ; ne perdons pas de temps !

Mais qui dit dépenses pour les régions et les EPFL, dit recettes - c'est là que le consensus finit. Nous proposons d'asseoir le financement sur l'explosion constatée du nombre de résidences secondaires - près de 300 000 en Bretagne, et Max Brisson connaît le même phénomène au Pays basque - qui participe à la déstabilisation du marché. En instaurant une surtaxe entre 0 et 25 %, nous n'espérons pas les remettre sur le marché, mais améliorer la capacité de financement des EPFL. Je précise qu'il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation : les élus décideront. Nous avons repris une proposition consensuelle de Philippe Bas -  mais cela reste-t-il toujours une référence après hier soir ? (Sourires)

Le Sénat regrette régulièrement la perte d'autonomie fiscale des collectivités territoriales : ce texte la renforce. Avec ces mesures consensuelles, nous espérons que notre texte recueillera une large majorité ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances .  - Nous avons longuement débattu du développement des résidences secondaires lors du dernier projet de loi de finances. Depuis 2010, leur nombre a augmenté de 16,5 % contre moins de 10 % pour les résidences principales. Cela accentue les tensions sur le marché du logement, en particulier sur le littoral atlantique et en Corse.

Évitons toutefois d'adopter une vision uniforme : les résidences secondaires constituent aussi une source d'attractivité et d'enrichissement. La fiscalité locale a évolué significativement : la taxe d'habitation a été progressivement supprimée, mais reste applicable à compter de 2023 pour les résidences secondaires, sous le nom de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale (THRS).

La loi de finances pour 2023 a par ailleurs étendu le périmètre - autrefois limité aux zones tendues de plus de 50 000 habitants - où s'applique de la taxe sur les logements vacants (TLV) et où les communes peuvent majorer la THRS de 5 à 60 %. Certes, la liste des communes concernées n'est pas encore connue, faute de parution du décret d'application ; monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quand il le sera ? Lorsque le zonage sera connu, je pense que des milliers de communes se saisiront de cette possibilité.

Je salue le travail de Ronan Dantec, et la qualité de nos échanges. Les deux articles du texte visent à créer deux taxes additionnelles, la première au profit de la région, la seconde au profit des EPFL et de l'office foncier de Corse - le territoire couvert par ces derniers étant assez restreint. Avec un taux de 0 à 25 % selon les délibérations, il s'agirait de taxes de rendement, visant d'abord à apporter des ressources.

Les effets sur les propriétaires de résidences secondaires sont difficiles à déterminer. Certains pourraient chercher des biens dans des zones sans taxe. Je m'interroge sur la cohérence de la politique du logement, sur laquelle l'État garde la main, mais dont la mise en oeuvre relève au niveau local des communes et des intercommunalités. N'y aura-t-il pas des interférences entre les régions et le bloc communal ? De plus, rien ne garantit que le produit de cette ressource soit affecté au logement. Enfin, les augmentations seraient importantes pour les contribuables : un logement pourrait être taxé jusqu'à 90 %. Le risque d'inconstitutionnalité est élevé.

En outre, comment justifier que la taxe prévue par l'article 2 puisse frapper les territoires concernés par un EPFL et non par un EPFE ?

La commission des finances a rejeté la proposition de loi. L'application du ZAN entraînera une baisse de la ressource foncière. Les établissements publics fonciers doivent donc être aidés. La dotation qu'ils perçoivent en compensation de la suppression de la taxe d'habitation doit-elle être renforcée, ou doit-on envisager une nouvelle ressource moins soumise aux décisions annuelles de l'État ? La question doit être abordée dans une perspective plus large. Il faut aussi laisser le temps aux communes de se saisir des possibilités offertes par la loi de finances pour 2023.

Les conditions d'application du ZAN doivent évoluer avec la révision des décrets d'application et, nous l'espérons, une évolution légale grâce à la proposition de loi pour laquelle le Sénat a constitué hier une commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Ce texte met en lumière un phénomène prégnant. Monsieur Dantec, votre constat est très clair et très juste. Les habitants de certaines communes, qui y résident parfois depuis des générations, n'arrivent plus à s'y loger, notamment à cause de la multiplication des résidences secondaires.

Ce phénomène touche non seulement le Sud, mais aussi le littoral atlantique et des métropoles comme Lyon, Toulouse ou Bordeaux. Certaines personnes doivent déménager loin de leur lieu de travail et de communes auxquelles ils sont attachés, lesquelles se dévitalisent.

Vous proposez une réponse fiscale. L'incitation financière a son rôle à jouer, mais elle ne peut à elle seule tout résoudre. (M. Ronan Dantec le concède.) Les problèmes de notre pays ne peuvent être réglés par une multiplication des prélèvements...

Une voix à gauche. - Surtout sur les plus riches !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - ... d'autant que 34 % seulement des propriétaires de résidence secondaire appartiennent au décile des plus hauts revenus.

Les communes ont déjà la possibilité de majorer la THRS. Le Gouvernement est attentif à la maîtrise de la pression fiscale. De plus, le Conseil constitutionnel pourrait estimer qu'il s'agit de prélèvements confiscatoires : le taux d'impôt sur les résidences secondaires situées à Grenoble, par exemple, pourrait atteindre 84 %. En outre, les EPF perçoivent déjà des taxes spéciales d'équipement (TSE) dans une limite de 20 euros par habitant. Le montant moyen perçu étant de 11 euros, des marges existent.

Nous avons beaucoup avancé sur ces sujets lors de l'examen de la loi de finances. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales crée déjà un différentiel avec les résidences secondaires, qui y restent assujetties.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, grâce à un amendement du député Xavier Roseren, la définition des zones tendues a été complétée pour intégrer pleinement les communes touristiques. C'est un levier très puissant.

Dans les zones en tension, la TLV s'applique automatiquement après un an de vacance. Le conseil municipal peut décider d'une surtaxe de 5 à 60 %. La dernière loi de finances a augmenté d'un tiers les taux de la TLV, portés de 12,5 à 17 % la première année et de 25 à 34 % la deuxième.

M. Max Brisson.  - Cela n'impressionne personne.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Je crois que cette réforme répond à la demande des élus dans les Alpes, en Corse, sur le littoral atlantique et en Bretagne. Le Gouvernement travaille avec les associations d'élus sur le décret d'application qui précisera le zonage. Certaines communes étaient déçues de ne pouvoir appliquer la majoration dès cette année. Je tiens à vous rassurer : le décret sera pris rapidement, pour qu'il soit appliqué avant le 1er octobre prochain.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Ces mesures offrent de nouvelles ressources aux communes au service de l'aménagement du territoire, de l'offre de services publics et du financement de projets immobiliers.

Ce produit supplémentaire pourra être utilisé pour abonder les budgets des EPF.

Le Gouvernement ne fait pas de la fiscalité l'alpha et l'oméga de la politique du logement. Je n'ignore pas que les plateformes de location de logements ont eu un impact important, en réduisant l'offre locative de longue durée ; de plus ces locations brèves tendent à se professionnaliser, se concentrant sur des biens qui constituent la première étape d'un parcours résidentiel en habitation principale pour les plus modestes.

Depuis la loi Elan, les communes peuvent prétendre à un droit de compensation sur le changement d'usage d'un logement. Mais elles ne se sont pas suffisamment saisies de cet outil. Les ministres Dominique Faure et Olivia Grégoire réfléchissent à la question.

Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cette proposition de loi, même si nous souscrivons à ses objectifs.

M. Jean-Claude Requier .  - On ne peut que louer l'intention de ce texte, car l'accès au logement dans le lieu de naissance est un enjeu important.

Des zones entières sont touchées par la hausse des prix. L'afflux de populations à fort pouvoir d'achat dans un territoire fait fuir les habitants historiques et les jeunes. Or l'attachement au territoire demeure important et, paradoxalement, d'autant plus fort que la perte des repères est marquée. (M. Mickaël Vallet acquiesce.)

Le phénomène n'est pas confiné au littoral : dans le Sud-Ouest, nous sommes habitués à la présence de résidents britanniques à fort pouvoir d'achat, même si le Brexit a rendu leur situation plus compliquée.

Le marché immobilier souffre de défaillances. La spéculation immobilière pèse sur nos concitoyens dans les zones tendues alors que dans des territoires moins attractifs, la revente d'un bien est plus difficile.

Cette proposition de loi apporte-t-elle une réponse adéquate en créant deux taxes ? On peut en douter. La première serait perçue par la région sur les résidences secondaires, renforçant ses capacités d'animation territoriale. La seconde est une taxe additionnelle à la THRS au profit des établissements publics fonciers, leur permettant de préempter des biens immobiliers dans une dynamique de rééquilibrage territorial.

La pression fiscale étant déjà très forte, je partage les réserves du rapporteur. De plus, peut-on être sûr que ces ressources nouvelles seront affectées à la politique du logement ?

Ne nous attaquons pas trop aux résidences secondaires, avec une imposition pouvant dépasser 50 %, car elles jouent un rôle majeur dans l'économie du territoire.

Le RDSE votera contre ce texte.

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Les difficultés des ménages à se loger sont connues et régulièrement abordées dans l'actualité et les travaux parlementaires. Lors d'un débat sur la politique du logement en janvier 2022, nous avions fait le bilan d'un quinquennat marqué par une hausse de l'immobilier et du foncier et une baisse du nombre de nouveaux logements.

L'objectif est louable, mais le titre quelque peu exagéré, car ce texte ne concerne en réalité que les régions et les EPF.

La création d'une nouvelle taxe régionale sur les résidences secondaires n'est pas utile, alors que le maire a vu ses possibilités d'agir renforcées voici un mois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, avec la faculté de majoration de la THRS. Notre rapporteur général y voyait la suite bâclée de la suppression de la taxe d'habitation...

Le groupe Les Républicains a choisi de donner aux communes la possibilité d'augmenter jusqu'à 25 % la THRS sans augmenter la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

De plus, l'augmentation de la fiscalité sur les actifs immobiliers ne produit pas les effets escomptés, comme l'a montré la délégation des collectivités territoriales du Sénat dans un rapport de mai 2020 intitulé « Les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier ». Plusieurs dispositifs juridiques récents visant à limiter la hausse des prix n'ont eu que des conséquences marginales, et la hausse de la pression fiscale a suivi celle des prix. Ce n'est pas une solution.

Le logement est un problème communal, plus que régional. Les communes agissent via les plans locaux d'urbanisme (PLU). La décentralisation a complexifié la répartition des compétences : nul besoin d'en rajouter.

Les maires ne doivent pas être limités dans leur action par d'autres collectivités territoriales. Les communes rurales, qui représentent 88 % des communes et 33 % de la population, voient leurs atouts mieux reconnus depuis la crise du covid : comme un rapport de l'Insee de décembre 2022 en atteste, une part croissante de la population souhaite s'y installer.

Comment, enfin, ne pas évoquer le ZAN, qui est aussi une occasion de densifier les zones construites et de réhabiliter le bâti ancien ? Pour cela, le fonds vert, déconcentré et à la main des préfets, doit être prolongé, car il contribue à un développement équilibré à l'échelle de la commune.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis réservé du rapporteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot .  - L'accès à l'immobilier est une préoccupation importante des Français, le logement étant le premier poste de leur budget.

Depuis le début des années 2000, l'indice des prix des logements neufs et anciens a augmenté de plus de 180 %. La loi Climat et résilience de 2021 risque d'aggraver le phénomène, avec l'interdiction des passoires thermiques à la location et à la vente. Certes, nous en partageons les objectifs environnementaux, mais on ne peut ignorer la situation.

Le ZAN oblige les collectivités territoriales à renoncer à l'étalement urbain. Là encore, les conséquences sur le marché immobilier seront significatives.

Certaines situations locales sont encore plus complexes, notamment dans les zones tendues où le développement des résidences secondaires contraint encore plus l'offre disponible. Cela crée des tensions entre les populations locales et saisonnières.

Nous partageons le constat, mais divergeons sur l'analyse. L'étude de l'Insee citée dans l'exposé des motifs révèle aussi deux réalités qui ne sont pas mentionnées. D'abord, la modification des structures familiales : le nombre de résidences principales a augmenté de 50 % depuis 1982, alors que la population n'augmentait que de 20 %.

Ensuite, les résidences secondaires ne représentent que 10 % du parc de logements. Leur nombre a augmenté de 35 % en vingt ans, alors que les prix de l'immobilier augmentaient de 180 % : le premier phénomène ne suffit pas à expliquer le second.

Par conséquent, le groupe INDEP ne votera pas ce texte. Certes, il convient de soutenir l'action des collectivités territoriales en matière de logement, mais cette proposition de loi se limite à créer des taxes sur les résidences secondaires. S'il suffisait de taxer les Français pour résoudre le problème du logement, il aurait été résolu depuis longtemps...

M. Ronan Dantec. - Absolument !

Mme Colette Mélot.  - En matière de prélèvements obligatoires, la France est déjà au deuxième rang des pays de l'OCDE.

De plus, en matière de logement, les communes et intercommunalités sont l'échelon de proximité : pourquoi créer une taxe au bénéfice des régions ?

Ce texte apporte une mauvaise solution à un vrai problème. (M. Bruno Belin applaudit.)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Personne ne peut plus simplement vivre ici » : ainsi chantait Jean Ferrat, parlant de la société moderne qui contraint les jeunes à quitter « un à un le pays pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés »...

Désormais, c'est l'inverse : nombre de jeunes veulent revenir vivre au pays, mais ils ne le peuvent plus. Airbnb oblige, l'augmentation des prix les force à se loger toujours plus loin. Cette ségrégation sociale et spatiale se développe à grande vitesse.

La proposition de loi de Ronan Dantec montre que nous pourrions agir, modestement, à deux niveaux : l'effet de la multiplication des résidences secondaires sur les prix de l'immobilier et la maîtrise foncière des villes.

Ce texte répond à de nombreuses sollicitations d'élus, dont le collectif des maires du Val de Saire qui dénonce les conséquences du phénomène : baisse de la population permanente, accélération du vieillissement, fermeture de services publics.

Nous entendons les inquiétudes des élus communaux sur la place que l'article 1er réserve aux régions ; mais l'amendement d'Isabelle Briquet qui le réécrit pour décorréler taxe foncière et THRS me semble y répondre. Il reprend un amendement voté par le Sénat dans le projet de loi de finances et supprimé par le 49.3. Le rétablir serait un signal fort aux collectivités territoriales.

L'article 2, qui renforce les EPFL, devrait recueillir un large assentiment. Certes, monsieur le ministre, vous pourriez tout aussi bien augmenter leur dotation, mais il n'est pas sûr que vous choisissiez cette voie...

Donnons à nos collègues élus locaux la possibilité d'agir en toute autonomie fiscale. Ce serait une décision magnifique de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Isabelle Briquet et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - La hausse vertigineuse des prix de l'immobilier depuis l'an 2000 contraint les populations à se loger toujours plus loin de leur région d'origine ou de leur travail.

Mais un logement sur dix étant une résidence secondaire, leur augmentation n'est pas le seul facteur de la hausse des prix.

De plus, tous les jeunes ne souhaitent pas rester dans leur commune d'origine. Il peut être sain, pour un jeune, de vouloir quitter sa commune à la recherche d'autres horizons.

M. Daniel Breuiller.  - On ne veut pas l'interdire !

Mme Nicole Duranton.  - Beaucoup de résidences secondaires n'ont de secondaire que le nom, car elles contribuent au dynamisme des territoires et à leur attractivité économique.

Dans les années 1960, mon père, adjoint au maire dans une commune de Normandie, se réjouissait de l'engouement des Parisiens pour les longères. Cela permettait d'entretenir le patrimoine bâti et les propriétaires devenaient souvent des résidents permanents à la retraite.

Avec ce texte, vous proposez une réorganisation du marché locatif pour dissuader les propriétaires de conserver leur résidence secondaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a voté un amendement élargissant le dispositif de la surtaxe à la THRS. Conservons cet équilibre ; sinon, les seuls qui seront amenés à céder leurs biens seront les propriétaires en difficulté financière. Ce n'est pas juste.

Les régions ne sont pas l'échelon pertinent pour une nouvelle surtaxe, d'autant qu'elles ne sont pas demandeuses de cette ressource.

M. Ronan Dantec.  - Cela dépend desquelles !

Mme Nicole Duranton.  - Avec la double augmentation de la THRS, vous créerez un prélèvement confiscatoire pour des propriétaires qui, parfois, ont seulement hérité d'un bien et considèrent avoir une obligation morale de le conserver. Évitons les caricatures.

La commission des finances n'a pas adopté cette proposition de loi, c'est un signal fort.

Le groupe SER propose d'amender l'article 1er pour décorréler TFPB et THRS. C'est sans doute plus consensuel, mais cela n'améliorerait pas l'état du droit. La corrélation des taux était une mesure d'équité, et non un principe jacobin.

Moins représentés aux conseils municipaux, les propriétaires de résidences secondaires paient la taxe foncière, comme les résidents permanents, alors qu'ils ont moins recours aux services publics locaux. De plus, ils ne sont pas concernés par la suppression de la taxe d'habitation. N'allons pas plus loin : justice fiscale, oui, racket fiscal, non !

Cette proposition de loi ne répond pas au problème : le RDPI votera contre.

Mme Isabelle Briquet .  - Cette proposition de loi répond à un réel besoin, celui de lutter contre la hausse des prix de l'immobilier pour que chacun puisse se loger. Elle appelle une réponse politique pour lutter contre la fracture territoriale.

L'inégalité face au logement accentue les autres inégalités sociales, comme l'accès au travail, à l'éducation, aux soins ou aux loisirs.

Donnons la possibilité aux ménages d'habiter dans leur bassin de vie, près de leur travail ou des services publics. Pour cela, il faut doter les communes des outils nécessaires.

Ce sujet entre en résonance avec l'application du ZAN qui nécessite un accompagnement des élus locaux.

Le groupe SER partage les objectifs de cette proposition de loi, qui est de permettre à nos concitoyens de rester vivre au pays. C'est pourquoi nous avons déposé trois amendements pour renforcer l'efficacité du dispositif.

Nous proposons d'abord de réécrire l'article 1er afin de décorréler TFPB et THRS : la corrélation a des conséquences lourdes pour les communes touristiques, où la transformation des résidences principales en résidences secondaires entraîne un étiolement des activités sociales et économiques. Les communes pourront agir plus librement sur la THRS tout en prenant en compte les besoins locaux.

Notre amendement reprend la version présentée par Philippe Bas dans le projet de loi de finances pour 2023, et adoptée très largement par le Sénat. Puisque nous partageons l'objectif, nous pouvons nous entendre. Je ne comprendrais pas un revirement de notre assemblée sur cet amendement, au seul motif qu'il serait porté par d'autres.

L'éloignement des populations dû à la hausse de l'immobilier touche les jeunes ménages, avec des conséquences sur la vie des communes. Ce phénomène concerne aussi les zones moins denses. Nous proposons donc un article additionnel après l'article 1er pour que toutes les communes qui le souhaitent puissent majorer le plafond de la THRS, la majoration étant portée de 60 à 100 %.

L'article 2 crée une taxe au bénéfice des EPF, outils importants pour l'aménagement du territoire.

Cette proposition de loi a le mérite de traiter un sujet primordial. C'est une première avancée à compléter. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Cela va sans dire : il est du devoir de l'État de garantir le droit au logement. Or les gouvernements successifs ont relégué la politique du logement. La loi Elan a mis en difficulté les bailleurs sociaux, avec des conséquences sur le logement social - le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.

Le droit au logement n'est donc pas devenu une norme, un droit, une réalité. La fondation Abbé Pierre dénonce une situation alarmante. Dans mon département du Val-de-Marne, les demandeurs de logement se comptent en dizaines de milliers.

Fin mars, nous disposerons du bilan triennal de l'application de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Dans mon département, près d'un quart des villes n'en respectent pas les obligations.

Nos collègues du GEST ont évoqué la loi NOTRe, contre laquelle le groupe CRCE avait voté, déposant un amendement pour que le droit à un logement décent reste de la compétence de l'État. C'était en janvier 2015 ; c'est toujours d'actualité.

Au départ, nous comptions nous abstenir sur ce texte à cause de l'article 1er : la région n'a pas la compétence du logement et elle n'aurait pas été obligée d'y affecter le produit de la taxe. Mais l'amendement du groupe SER le réécrit dans un sens plus conforme à nos positions.

Je me réjouis que le débat parlementaire porte ses fruits et que nous obtenions un consensus transpartisan. C'est pourquoi nous voterons l'amendement d'Isabelle Briquet et la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Se loger de manière décente est une nécessité. Nous constatons dans les territoires un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande.

Dans mon département des Hautes-Alpes, la déconnexion entre les biens et les prix suscite des difficultés, notamment pour les jeunes. Le maire d'une commune du domaine de Serre Chevalier, par exemple, est locataire, n'ayant pas les moyens d'acheter dans la municipalité qu'il administre...

Le recours au levier fiscal fait l'objet d'un débat récurrent. Le 1er janvier 2023 la suppression, regrettable, de la taxe d'habitation est entrée en vigueur, mais il reste la THRS pour les locaux meublés et propres à l'habitation.

Notre assemblée devrait se pencher sur les dispositions fiscales applicables aux résidences meublées. Élu d'une commune de montagne, je propose que les multipropriétaires soient obligés de louer une partie de leur patrimoine immobilier en résidences permanentes. Cela ne pénalisera pas l'attractivité.

Ce texte procède d'une belle ambition et de volontés louables, mais les réponses proposées ne sont pas adéquates. L'article 1er accroît la capacité d'action des régions, alors que l'échelon régional n'est pas le plus pertinent en matière de logement. Les conseils régionaux ont peu investi ce champ, qui relève historiquement du bloc communal, et ne sont pas demandeurs d'une telle évolution.

Le caractère facultatif du dispositif pose aussi problème : il pourrait entraîner une concurrence fiscale entre les territoires. La THRS demeure une source de revenus pour le bloc communal, surtout depuis que les communes peuvent en majorer le taux. J'apprécie les propos rassurants du ministre sur la possibilité de mobiliser cette taxe à partir de 2024.

Enfin, le rapporteur a raison de souligner le risque d'inconstitutionnalité, le cumul de taxes pouvant conduire à un taux d'imposition de 86 % de la valeur locative, un niveau probablement confiscatoire.

Le groupe UC votera contre ce texte, mais il appelle de ses voeux un traitement global des enjeux d'accès du logement. En la matière, les sujets ne manquent pas. La mise en oeuvre du ZAN sera l'occasion d'aborder ces questions. En particulier, il est indispensable de reterritorialiser les objectifs du ZAN pour préserver une constructibilité minimale dans les petites communes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je partage le constat de M. Dantec. Il est primordial d'agir pour contenir les excès constatés dans certaines zones tendues, qui conduisent à une transformation accélérée de l'habitat.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, la part des résidences secondaires est de 15 % et dépasse 50 % dans certaines communes du littoral. Plus de 900 résidences secondaires apparaissent chaque année, dont 600 étaient auparavant habitées de façon permanente.

Ce phénomène entraîne une raréfaction des locations durables. Les conséquences sont alarmantes : flambée des prix, multiplication des locations précaires sur dix mois. Cette spirale infernale touche d'abord les jeunes et les personnes fragiles, obligés de s'éloigner toujours plus loin des centres. (M. Ronan Dantec acquiesce.)

Vingt et une communes basques ont été placées en zone tendue. Toutes ont mis en place la majoration maximale de la taxe d'habitation, indépendamment des sensibilités politiques, mais cela ne suffit pas. Dès le 1er mars, la communauté d'agglomération du Pays basque expérimentera un système de compensation : pour tout bien placé en résidence secondaire, il faudra proposer un bien en location à l'année.

Face à une crise globale du logement, les élus de tous bords cherchent des solutions. Créer de nouvelles taxes au bénéfice des collectivités territoriales est toujours alléchant, et je ne doute pas qu'elles en feraient bon usage. Mais soyons réalistes : une taxe supplémentaire ne suffira pas - même si, monsieur le rapporteur, le besoin de recettes est réel.

La réponse passe d'abord par la production de logements sociaux et l'accession à la propriété. Or la construction devient insoutenable pour les bailleurs sociaux. Les coûts explosent, et, à force de leur avoir fait les poches, ils n'ont plus de fonds propres suffisants.

Nous avons besoin d'un nouveau modèle de financement du logement social. Pour éviter l'éviction des classes moyennes, réformons le bail réel solidaire (BRS) et le bail réel immobilier (BRI). Supprimons aussi les avantages fiscaux dont bénéficient les locations saisonnières, que le Gouvernement a reconduits en loi de finances contre l'avis du Sénat. Le nombre maximal de jours de location saisonnière est une autre piste à explorer.

Par ailleurs, la procédure de changement d'usage ne devrait plus être une simple formalité, mais s'appuyer sur un véritable agrément pour donner la main aux maires en leur permettant d'exercer un réel contrôle.

Cela renvoie à la responsabilité de l'État, qui devrait être animateur et stratège et non prescripteur de normes et censeur impitoyable. C'est ainsi que nous relancerons des parcours résidentiels actuellement figés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le 1° du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « peut » et le mot : « augmentés » est remplacé par le mot : « augmenté » ;

3° Au dernier alinéa, le mot : « doivent » est remplacé par le mot : « doit » et le mot « diminués » est remplacé par le mot : « diminué » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale ne peut être augmenté dans une proportion supérieure à 25 % de la moyenne des taux constatés dans la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours des six années précédentes. »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Isabelle Briquet.  - Dans un souci de consensus, nous reprenons l'amendement de M. Bas adopté par notre assemblée dans le cadre de la loi de finances pour 2023.

Il s'agit de décorréler la THRS de la TFPB afin de lutter contre l'éviction des populations dans les zones à fort potentiel touristique. Les communes pourraient agir plus librement, au plus près des besoins locaux - l'échelon régional, en effet, n'est pas pertinent.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement n'a que peu de rapport avec l'article 1er.

Certes, la question soulevée est légitime, mais l'amendement est prématuré : une proposition de loi est en cours d'élaboration sur le ZAN, et notre commission des finances mènera une mission de contrôle sur les EPFL.

La solution ne passe pas forcément par la hausse de la fiscalité locale. Laissons le temps aux articles 73 et 74 de la loi de finances pour 2023 de faire effet. En l'état, retrait, sinon avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

M. Ronan Dantec.  - Ma proposition de loi vise à renforcer les moyens des collectivités territoriales en faveur du logement. L'amendement de Mme Briquet s'inscrit parfaitement dans cet objet.

La loi NOTRe a donné aux régions une compétence en matière de logement. Certes, toutes ne s'en sont pas encore saisies, et les mégarégions compliquent les choses - nous n'avons pas fini de payer les errements de Manuel Valls... Reste que les régions devraient investir ce champ, compte tenu de leur puissance économique. Il est faux de dire qu'elles ne veulent pas de ce dispositif, au demeurant optionnel.

Nous restons régionalistes - contrairement à nos collègues communistes - mais voterons ce dispositif que le Sénat a déjà très largement adopté. Le 49.3, non démocratique, a empêché cette mesure de prospérer. Retrouvons le même consensus qu'en loi de finances !

Mme Frédérique Espagnac.  - Cet amendement apporte une réponse consensuelle et efficace aux difficultés structurelles qui touchent de nombreux territoires : les Pyrénées-Atlantiques, mais aussi la Corse, la Bretagne... Lors de l'examen de la loi de finances, nous avons déjà voté la déliaison, sur l'initiative de Philippe Bas.

Monsieur le rapporteur, il y a urgence : les communes attendent des décisions rapides pour endiguer l'exode des populations locales. Le Gouvernement a commis l'erreur de ne pas retenir cet apport du Sénat dans le cadre du 49.3. Soyons efficaces et pragmatiques pour venir en aide aux jeunes et aux plus fragiles. Des mesures sont prévues pour éviter les effets d'aubaine.

M. Max Brisson.  - Mon intervention sera complémentaire de celle de Mme Espagnac.

Monsieur le rapporteur, je comprends une partie seulement de vos réserves. Lorsque vous dites que la disposition est prématurée, vous parlez comme Gabriel Attal. Il y a urgence ! Nous ne pouvons retourner dans nos territoires sans solution. Les répercussions sociales et politiques de cette crise risquent d'être très graves.

J'étais en colère lorsque le Gouvernement n'a pas retenu l'amendement de Philippe Bas. Je serai cohérent avec moi-même : je voterai de nouveau ce dispositif, devenu l'amendement Bas-Briquet. Donnons aux communes les moyens d'agir ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER et du GEST)

Mme Isabelle Briquet.  - Il n'y a rien de prématuré. L'attente est forte, et adopter cette mesure n'obérerait aucune évolution future.

M. Michel Canévet.  - En Bretagne aussi, nous rencontrons des problèmes croissants, et pas seulement sur le littoral. Il est temps d'agir.

On nous parle de dispositions qui ne s'appliqueront qu'en 2024, et pour 4 000 communes seulement - choisies selon quels critères ? En Bretagne, il y a des zones tendues partout.

Décorréler les taux des taxes est absolument nécessaire : laissons aux élus locaux la liberté de définir leur stratégie fiscale et donnons-leur les moyens d'agir sur le logement. Je voterai cet amendement.

M. Daniel Breuiller.  - Dans la discussion générale, j'ai fait un lapsus signifiant en parlant de « décolération »... (Sourires) Oui, je suis en colère que le Gouvernement ait exclu du 49.3 la mesure votée par le Sénat, devenu l'amendement Bas-Briquet-Breuiller - car j'avais déposé en loi de finances un amendement identique...

Il n'est pas prématuré de faire un premier pas. Cette mesure ne réglera pas tout, mais mieux vaut faire ce pas que de rester en stand-by.

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas ce texte qui résoudra le problème des 93 000 logements manquants dans mon département... Faisons donc preuve d'humilité.

Cet amendement n'est pas un cavalier, il affecte des moyens à un autre niveau de collectivités territoriales. J'y suis favorable.

Monsieur le rapporteur, il n'y a pas de travail prématuré lorsque nous débattons dans l'hémicycle.

Si l'amendement est adopté, nous voterons la proposition de loi ; dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.

M. Rémi Féraud.  - Depuis mon élection, en 2017, j'ai été lanceur d'alerte sur la crise du logement liée aux résidences secondaires et meublés touristiques. Ce problème parisien s'est désormais étendu à de nombreux territoires, et cela va continuer.

Il ne s'agit pas d'empêcher les résidences secondaires, mais de maîtriser leur développement pour qu'elles n'empêchent pas les locaux de se loger. Max Brisson et Frédérique Espagnac avaient fait adopter un amendement au projet de loi de finances sur les meublés touristiques, malheureusement non retenu dans le 49.3. Montrons notre détermination à répondre à ce problème croissant qui menace de nombreux territoires, bien au-delà des coeurs métropolitains.

M. Daniel Salmon.  - La France est championne du monde des résidences secondaires. Ce n'est pas un problème en soi, mais il est profondément injuste que de jeunes actifs soient contraints à de longues migrations pour se rendre à leur travail. C'est économiquement néfaste et écologiquement non soutenable, avec un gâchis d'énergie et des pollutions multiples.

Le Sénat peut se grandir encore une fois en adoptant une position transpartisane. Il s'agit aussi de défendre l'autonomie fiscale. De plus en plus de territoires sont soumis à cette pression, y compris loin du littoral - en Bretagne, je pense à Paimpont.

Mme Christine Lavarde.  - Nous voyons bien le tour de passe-passe du groupe SER pour tenter de nous mettre en porte à faux. Les mesures fiscales relèvent de la loi de finances. Vous prétendez résoudre avec cet amendement de multiples problèmes : crise du logement, autonomie fiscale...

En loi de finances, le Gouvernement nous avait promis moult groupes de travail ; jusqu'ici, nous n'avons reçu aucune invitation. (M. Ronan Dantec le confirme.) Le Gouvernement a reporté de deux ans la réforme des valeurs locatives, pourtant totalement déconnectées de la valeur d'usage et de la valeur vénale. Il y a aussi des injustices en matière de résidence principale. (M. Jean-Raymond Hugonet renchérit.)

Nous voterons contre cet amendement, qui ne traite qu'une petite partie du problème. Il y a urgence à s'attaquer à la réforme de la fiscalité locale de manière globale. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud.  - L'amendement de Mme Briquet fait consensus auprès des élus locaux, qui veulent asseoir la fiscalité des résidences secondaires sur une base différente de celle des locaux. Dans sa majorité, le groupe centriste le votera. Les multipropriétaires doivent être contraints de mettre sur le marché une partie de leurs biens en location permanente.

Mme Sylvie Vermeillet.  - J'associe Denise Saint-Pé à ma prise de parole. Je voterai cet amendement, en cohérence avec la position prise en loi de finances.

Il faut privilégier les résidences principales. En 2023, la hausse des valeurs locatives fera exploser la taxe foncière. Il y a urgence à décorréler pour protéger les habitants de nos territoires !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Au travers de cet amendement, vous réécrivez la fiscalité locale. Nous allons nous y atteler dans les prochaines semaines. La corrélation est un principe général de la fiscalité locale. Devons-nous la repenser via un amendement ?

M. Ronan Dantec et Mme Frédérique Espagnac.  - L'amendement a déjà été voté !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Les régions demandent-elles cette taxe ? Non, selon l'Association des régions de France (ARF). Il s'agit aussi de savoir quelle force nous voulons donner aux Sraddet, qui tendent à devenir le principal document de planification.

Les EPFL du littoral sont très demandeurs, mais pas les autres, qui préfèrent être associés à la mission de contrôle. Le bloc communal est-il demandeur d'une telle décorrélation ? Je ne sais pas. Prenons quelques semaines de plus pour travailler sérieusement et inventer une fiscalité locale verte.

M. Guillaume Gontard.  - Cette proposition de loi ne porte pas sur la fiscalité régionale. L'amendement de Mme Briquet réécrit en partie le texte pour le concentrer sur une urgence absolue. Nous représentons les territoires : tous formulent cette demande...

En Isère, ce sujet dépasse le cas des seules stations. Il faut que les jeunes puissent accéder à un logement à un prix correct.

Nous avons aussi enlevé l'autonomie financière des communes, ce qui pose problème.

Je ne comprendrais pas que notre assemblée ne vote pas cette mesure !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Le Gouvernement est à l'écoute du Sénat sur le sujet. Supprimer la taxe d'habitation sur les résidences principales augmente de fait la différence de fiscalité entre les résidences principales et secondaires. Nous allons revoir la cartographie, en lien avec les associations d'élus. Le décret sera publié rapidement, pour que les communes augmentent leurs taxes en 2024.

M. Jean-Claude Requier.  - Je suis un peu à contre-courant : je suis réservé sur la décorrélation. Je n'ai donc pas voté l'amendement de Philippe Bas - je ne parle pas de celui d'hier... (Sourires) Souvent, les propriétaires de résidence secondaire ne sont pas élus au conseil municipal. Celui-ci peut donc être tenté de taxer fortement les résidences secondaires. Il faut éviter cette dérive.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement 1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°120 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 153
Contre 165

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

APRÈS L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l'article 1407 ter du code général des impôts, les mots : « Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l'article 232, » sont supprimés et le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».

Mme Viviane Artigalas.  - La part des ménages propriétaires de leur résidence principale ne progresse plus depuis 2010, tandis que la part de résidences secondaires et de logements occasionnels ne cesse d'augmenter. D'où un sentiment d'abandon et d'injustice chez les jeunes.

Nous voulons étendre la possibilité de majorer le plafond de la THRS à toutes les communes qui le souhaitent, y compris en zones non tendues, notamment rurales, en application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Faisons confiance aux maires ! La majoration pourrait également atteindre 100 %, comme le propose le Conseil des prélèvements obligatoires.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement, récurrent à chaque loi de finances, vise à contourner la règle de liaison des taux afin de peser davantage sur une catégorie de contribuables, d'une manière peu justifiée au regard des nécessités de l'action publique.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires propose d'élargir le périmètre de la taxe, mais en s'en tenant aux seules zones tendues.

Attendons de voir comment s'applique l'extension du zonage votée en loi de finances : retrait ou avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l'article 232

Mme Viviane Artigalas.  - Nous élargissons le dispositif optionnel à l'ensemble des territoires. La liste des communes actuellement concernées n'est toujours pas connue, faute de décret d'application.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement ne corrige pas l'une des difficultés de l'article 2, à savoir l'inégalité de traitement selon que le logement est situé dans le périmètre d'un EPFL ou d'un EPFE. Il crée en outre une taxe dans les zones non denses, où les résidences secondaires sont plutôt source d'attractivité. Cela pourrait aller à l'encontre des choix des élus locaux. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

M. Ronan Dantec.  - Nous nous sommes limités aux seules zones tendues pour éviter tout risque constitutionnel, sachant que le taux n'a rien de confiscatoire et que l'État lui-même reconnaît les difficultés en zones tendues.

Vous avez tous reçu un courrier du réseau des EPFL soutenant notre proposition. Ceux-ci ne peuvent répondre à la demande croissante, qui augmentera encore avec le ZAN. C'est le bloc communal qui décide ; l'autonomie fiscale des communes est préservée.

Oui, il faut des recettes. Soit les EPFL augmentent le taux pour la totalité des taxes, y compris la fiscalité économique, soit ils limitent l'augmentation aux résidences secondaires, qui déstabilisent le marché dans les zones tendues.

Je ne vois aucune raison de ne pas voter cet article.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Encore une fois, l'urgence absolue concerne les EPFL du littoral.

M. Ronan Dantec.  - Vous avez pourtant reçu le courrier !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Les autres EPF peuvent avoir une approche différente.

Les EPF fonctionnent à partir de dotations budgétaires de l'État. Nous n'avons pas encore connaissance d'une éventuelle baisse de celles-ci. À ce stade, une telle proposition paraît prématurée.

M. Daniel Breuiller.  - Notre position est constante : nous soutenons l'intelligence territoriale et souhaitons donner plus d'autonomie aux maires et aux présidents d'intercommunalités.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos avis détaillés ! Le rapporteur partage notre volonté de donner plus de moyens, même s'il juge notre texte prématuré. Les EPFL ont besoin de moyens dont ils ne disposent pas pour répondre aux besoins. Nous n'augmentons pas la fiscalité, nous donnons aux élus locaux la possibilité de choisir les politiques qu'ils entendent mener sur leur territoire.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

M. Paul Toussaint Parigi.  - Chacun l'a dit : la situation est grave, mais peut-être pas désespérée. Ce texte a le mérite de soulever les problèmes. J'entends les réticences, mais ayons conscience que le débat ne pourra pas toujours être reporté !

Les habitants de nos régions sont menacés. Défendre le droit de vivre au pays, c'est éviter le déracinement de populations attachées à leur terre, leur culture et leurs traditions. Cet exode serait préjudiciable à la richesse même de nos régions. La Corse conjugue un taux très élevé de résidences secondaires - 40 %, et 60 % dans les zones touristiques - avec un afflux démographique important. Cela entraîne une spéculation effrénée, et les infrastructures sont inadaptées pour traiter l'eau ou les déchets.

Nous devons résoudre ces problèmes de manière consensuelle et vertueuse. (Applaudissements sur les travées du GEST)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°121 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption  77
Contre 249

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.