SÉANCE

du mardi 14 février 2023

56e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Transfert de la compétence eau et assainissement (I)

M. Stéphane Sautarel .  - La loi NOTRe prévoit le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes et d'agglomération le 1er janvier 2026. L'article 14 de la loi Engagement et proximité autorise les communautés de communes à déléguer par convention tout ou partie de leurs compétences à une commune ou à un syndicat infracommunautaire existant au 1er janvier 2019. La loi 3DS renverse ce principe : la compétence sera maintenue aux syndicats, sauf si les communautés de communes en décident autrement.

J'espère encore que nous pourrons garantir la liberté de nos communes dans le choix du mode de gestion. À tout le moins, évitons un mitage contraignant les EPCI à refuser toute délégation ou à les transformer en acteurs partiels ; aidons les acteurs qui le souhaitent à créer de nouveaux syndicats intercommunaux en vue d'exercer cette compétence. Selon quelles modalités pratiques et sous quel délai ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La loi Engagement et proximité autorise les communautés de communes et les communautés d'agglomération à déléguer tout ou partie de la compétence eau et assainissement à un syndicat.

Au 1er janvier 2026, en application de la loi 3DS, ces syndicats infracommunautaires seront maintenus par voie de délégation, sauf en cas de délibération contraire de l'intercommunalité, qui demeure responsable de la compétence, exercée à son nom et pour son compte, sur l'ensemble de son territoire, que celle-ci soit ou non déléguée.

Rien n'interdit la création, après le 1er janvier 2019, d'un syndicat exerçant cette compétence, à condition que celle-ci soit compatible avec le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) et que les limites du syndicat dépassent le seul périmètre de la communauté de communes - il ne peut s'agir d'un syndicat infracommunautaire.

Construction de logements sociaux en zone rurale

M. Guillaume Chevrollier .  - L'inflation et l'augmentation du coût des matières premières ralentissent, voire stoppent les projets de logements sociaux en zone rurale, pourtant essentiels. L'augmentation du taux du livret A, passé en un an de 0,5 % à 3 %, alourdit les charges des bailleurs sociaux à hauteur de 3,75 milliards d'euros. La réduction du loyer de solidarité (RLS) grève leur budget. Résultat : les bailleurs se désengagent. Dans mon département, la Mayenne, la commune d'Astillé souhaitait créer quatre logements sociaux. Or le coût du programme a bondi de 12 %, nécessitant une mobilisation de fonds propres trois fois plus importante qu'à l'accoutumée : le projet a été ajourné. Pourtant, les besoins sont là.

Les communes rurales n'ont pas les moyens de financer la construction de logements sociaux. Comment le Gouvernement compte-t-il les aider ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Quelque 16 203 logements locatifs sociaux ont été créés en zone rurale en 2022. Les montants moyens de subvention par logement locatif en offre nouvelle ont été revalorisés de 5,4 % à l'échelle nationale en 2023.

Le Gouvernement promeut aussi les opérations d'acquisition-amélioration, en particulier dans les zones détendues, qui concentrent 74 % du parc privé durablement vacant. C'est un levier important pour créer une offre cohérente avec les objectifs de diminution de l'artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Parvenir à l'équilibre financier est parfois complexe : une dotation de 23 millions d'euros a ainsi été créée en 2022. Elle sera portée à 45 millions d'euros en 2023 et élargie à toutes les opérations contribuant à la sobriété foncière de l'offre nouvelle de logements locatifs sociaux.

Le programme Action Coeur de ville vise, entre autres, à favoriser la réhabilitation des logements. La lutte contre la vacance des logements en milieu rural et l'amélioration du parc seront des éléments essentiels du second souffle de l'agenda rural en cours d'élaboration.

Compétence ZAE

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - La loi 3DS assouplit les modalités de certains transferts de compétence ; malheureusement, pas celle concernant les zones d'activité économique (ZAE), qui doit obligatoirement être transférée aux EPCI à fiscalité propre.

Pourtant, l'action des communes serait parfois plus pertinente. Dans mon département, la commune de Touët-sur-Var souhaite créer une zone artisanale, pour laquelle le maire a déjà obtenu des subventions de l'État et du conseil régional. Les opérations d'aménagement comportant des cessions de terrains sont assujetties de plein droit à la TVA. Mais la commune ne peut la récupérer, puisque la compétence relève de l'EPCI.

Le Gouvernement compte-t-il revenir sur la législation en vigueur ? À tout le moins, les EPCI devraient pouvoir subdéléguer cette compétence aux communes qui le souhaitent.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La loi NOTRe prévoit que les EPCI à fiscalité propre exercent la compétence obligatoire relative aux ZAE.

La loi 3DS autorise un EPCI à fiscalité propre à déléguer à un conseil départemental ou à un conseil régional tout ou partie d'une compétence facultative qui lui a été transférée. Le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur l'attribution de la compétence de développement économique au niveau intercommunal : cet acquis de la loi favorise le développement de projets ambitieux et rationalise la création des zones d'activité.

Toutefois, de nombreux outils existent pour mieux associer les maires aux décisions des EPCI, notamment le pacte de gouvernance, créé par la loi Engagement et proximité. En l'espèce, seul le dialogue entre la commune de Touët-sur-Var et son EPCI permettra de statuer sur le projet de création de ZAE.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - J'ai écouté vos arguments. Mais la communauté de commune est de taille modeste et n'a pas les moyens de mener à bien ce type de projet.

Fin des mesures restrictives avant l'épandage des boues

M. Pierre Louault .  - En avril 2020, en vue de limiter la transmission du covid-19, le Gouvernement imposait un traitement hygiénique supplémentaire avant l'épandage agricole des boues de stations d'épuration. Des collectivités ont alors massivement investi pour moderniser leurs stations, notamment grâce à l'aide d'une subvention exceptionnelle de l'État - qu'elles ne reçoivent plus aujourd'hui. Par ailleurs, elles subissent l'augmentation du prix de l'énergie et la hausse du point d'indice des fonctionnaires.

En octobre 2022, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) estimait inutile de maintenir les mesures restrictives d'épandage en vigueur. La signature des décrets abrogeant ces traitements serait imminente : monsieur le ministre, le confirmez-vous ? Cette application disproportionnée du principe de précaution aura coûté plusieurs millions d'euros aux collectivités locales.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Lors de l'épidémie de covid-19, les conditions d'épandage agricole des boues d'épuration urbaines et industrielles ont été modifiées en vue d'assurer un traitement hygiénique des boues avant leur épandage.

L'État a rapidement créé un dispositif de soutien financier exceptionnel par l'intermédiaire des agences de l'eau. En 2021 et en 2022, les investissements nécessaires ont ainsi été pris en charge par le plan de relance - ainsi, la capacité des agences à aider les collectivités n'a pas été amoindrie.

En juillet 2022, le Gouvernement a saisi le HCSP afin de savoir si ces mesures étaient toujours utiles. Dans son avis du 21 octobre 2022, celui-ci s'est montré favorable à la levée des restrictions en la matière. Le Gouvernement a alors préparé un arrêté abrogeant l'arrêté du 30 avril 2020, modifié le 20 avril 2021. Sa publication est imminente.

M. Pierre Louault.  - Je souhaite que le décret d'abrogation soit publié rapidement. Les hauts fonctionnaires sont prompts à imposer des contraintes, mais beaucoup plus lents à les lever. (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

Éligibilité de Sedan à la dotation politique de la ville

M. Marc Laménie .  - Depuis 2021, la ville de Sedan n'est plus éligible à la dotation politique de la ville (DPV), faute de convention avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

Toutefois, le centre ancien de la ville est reconnu comme quartier prioritaire de la ville (QPV). Sedan bénéficie également d'une convention avec l'Anru au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 2021-2024, mais aussi au titre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD).

L'intégration du quartier Le Lac-Centre Ancien permettrait à la ville de Sedan de figurer parmi les communes éligibles à la DPV. Monsieur le ministre, pouvez-vous reconsidérer l'éligibilité de Sedan à ce dispositif ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La commune de Sedan n'est effectivement plus éligible à la DPV depuis 2021, car elle ne remplit plus l'un des trois critères d'éligibilité prévu par la loi. Sa convention avec l'Anru a expiré en 2019.

La convention portant sur le centre ancien de Sedan relève du PNRQAD, dont l'objectif est de lutter contre l'habitat indigne uniquement dans les quartiers dégradés des centres-villes. C'est pourquoi la DPV ne peut plus être attribuée à Sedan.

Pour ses investissements, la ville peut toutefois recourir à d'autres financements, tels que la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore le nouveau fonds vert. Sa dotation globale de fonctionnement (DGF) a ainsi progressé de 158 415 euros entre 2017 et 2022, à 577 euros par habitant, contre 164 euros en moyenne pour l'ensemble des communes. Ces hausses devraient se poursuivre en 2023, car l'État abondera la dotation de solidarité rurale (DSR) de 200 millions d'euros et la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) de 90 millions d'euros.

M. Marc Laménie.  - Merci. Nous souhaitons que les choses aillent dans le bon sens pour la ville de Sedan.

Transfert des compétences eau et assainissement (II)

M. Jean-Michel Arnaud .  - La loi NOTRe a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération au 1er janvier 2020. Puis un report à 2026 a été rendu possible. Monsieur le ministre, allez-vous entendre les demandes des communes rurales et de montagne, et respecter leur liberté de choix et d'exercice de leurs compétences ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Un report a bien été rendu possible jusqu'en 2026, mais ce transfert se fera, c'est une volonté forte du Gouvernement. L'émiettement des services est un facteur d'inefficacité, comme le dit la Cour des comptes. Plus les services couvrent une population importante, meilleure est la connaissance du réseau, plus durable et plus performant est le service rendu. Les interconnexions sont nécessaires pour sécuriser les approvisionnements ; elles se feront à l'échelle des bassins de vie ou du département.

Des solutions ont été élaborées avec les collectivités, et le Sénat y a activement contribué. Les communes peuvent pratiquer des prix individualisés et conserver des syndicats de gestion.

Le Gouvernement ne soutiendra aucun retour en arrière. Le Comité national de l'eau (CNE) a rappelé que la stabilité de la législation est nécessaire pour éviter tout attentisme des collectivités récalcitrantes.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Toujours les mêmes arguments sur l'inefficacité des communes rurales ! Parler de collectivités récalcitrantes, quelle violence ! C'est déplacé, surtout de la part de ceux qui prônent le dialogue entre le préfet et le maire. Attendez-vous à de futures propositions de loi sénatoriales sur le sujet. Écoutez la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et les deux tiers des EPCI qui n'ont pas réalisé le transfert. Bougez les lignes, sinon ce seront les présidents des EPCI et les maires qui vous feront bouger.

Responsabilité élargie du producteur pour les articles de sport et de loisir

M. Daniel Salmon .  - La loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, a étendu le principe de responsabilité élargie du producteur (REP) aux articles de sport et loisir. Or le barème des contributions, calculé principalement sur le critère du poids des produits, ne prend pas en compte les coûts réels des entreprises.

En 2024, un jeu de palets bretons de 80 euros sera est taxé à 2,22 euros, contre 5,34 euros pour une table de billard de 1 000 euros. Une entreprise bretonne se voit ainsi taxée à 55 000 euros au titre de la REP pour un résultat de 150 000 euros, alors que ses produits sont faits de matériaux durables. Il est urgent de revoir les barèmes.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Chaque année, 200 000 tonnes d'articles neufs de sport et de loisir sont mises sur le marché. L'État a chargé un éco-organisme d'organiser la collecte des produits usagés, de financer les associations qui réparent ces produits et de développer le recyclage des matériaux. La REP instaure une contribution des entreprises pour financer cet éco-organisme.

La loi Agec a aussi prévu des bonus-malus d'écoconception, pour valoriser les critères de durabilité et de recyclabilité des produits. L'éco-organisme gestionnaire proposera des bonus-malus dès 2024, et je serai attentif à ce que ces critères soient bien valorisés, pour favoriser les produits durables et recyclables.

Ferme aquacole de Vallauris en baie de Golfe-Juan

M. Philippe Tabarot .  - Le projet de ferme aquacole sur la commune de Vallauris est démesuré. En rassemblant trois concessions, la surface prévue de 24 000 m2 ferait passer la production de 570 à 1 200 tonnes. Voilà qui questionne sur la préservation des habitats et des espèces. Pêcheurs, professionnels de la mer, riverains, tous sont opposés à ce projet pharaonique. Les conséquences des rejets seront désastreuses, alors que la baie de Golfe-Juan est en zone Natura 2000.

L'enquête publique est en cours. L'État se prononcera-t-il contre cette autorisation ? Le maire de Vallauris se sent spectateur, malgré lui, d'un projet d'implantation rejeté par la population. Il n'a même pas été associé !

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - L'enquête publique s'est achevée le 6 février et celle portant sur l'étude d'impact et l'autorisation environnementale s'achèvera le 22 février. Si la création du site est autorisée, les autorisations devront être assorties de prescriptions environnementales.

L'instruction par les services de l'État assure un développement en conformité avec les objectifs de conservation du site Natura 2000, avec le schéma régional de développement de l'aquaculture marine (SRDAM) et avec le document stratégique de façade Méditerranée. Le volume de 1 200 tonnes évoqué est la production totale espérée par l'entreprise sur l'ensemble de son parc aquacole du littoral des Alpes-Maritimes, et la pertinence du site a été confirmée par le document stratégique de façade. En compensation est prévue la fermeture de trois sites, représentant une surface de 6 000 m2 et une production de 400 tonnes.

L'État joue pleinement son rôle pour faire respecter les exigences environnementales. Des échanges ont lieu régulièrement entre le préfet, les collectivités et les acteurs concernés.

M. Philippe Tabarot.  - Votre réponse est inquiétante. Vous cautionnez un projet qui va détruire des années d'efforts pour préserver la faune et la flore marine méditerranéenne.

Projet de quartier Charenton-Bercy

M. Christian Cambon .  - Dix hectares de friches industrielles séparent Paris et sa banlieue est au niveau de Charenton. En 2016, un contrat d'intérêt national (CIN) a été signé entre la ville de Charenton-le-Pont, l'État, l'établissement public territorial Paris Est Marne&Bois (PEMB), Grand Paris Aménagement (GPA) et SNCF Réseau, afin de créer un nouveau quartier qui gommera cette fracture urbaine.

Bouygues, lauréate du concours « Inventons la métropole du Grand Paris », porte le programme immobilier. Déjà 1,6 million d'euros ont été dépensés en études ; 1 600 logements seront créés, dont 30 % de logements sociaux. En sus des équipements publics, bureaux, hôtels et commerces, 15 000 emplois sont attendus. Ce projet est essentiel pour redynamiser ce territoire en déclin.

Une grande partie du projet est assise sur des fonciers en sursol des voies de chemin de fer ; le dépôt du permis de construire nécessite donc l'accord formel de la SNCF. Or voilà que, malgré l'accord conclu avec le préfet de région en 2022, cette dernière fait volte-face : elle veut décaler le dépôt du permis de construire de deux à trois ans, pour mener des études complémentaires. Ramenez la SNCF à la raison !

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Cette opération de grande ampleur est essentielle pour le désenclavement et la requalification de la zone. L'État soutient pleinement le projet depuis plusieurs années, grâce aux initiatives de GPA. Le projet a été qualifié de « grande opération d'urbanisme » en 2021. Cependant, la SNCF s'inquiète à juste titre des conséquences du projet sur l'exploitation du réseau Paris sud-est. Par ailleurs, des voies de fret sont prévues pour le futur hôtel logistique parisien, ce qui crée de fortes contraintes.

Les ministères concernés et le préfet de la région Île-de-France suivent la situation avec attention. Un travail technique est en cours pour trouver un compromis, et les discussions se poursuivent avec M. Christophe Béchu.

M. Christian Cambon.  - Je vous remercie de votre action pour débloquer la situation.

Contrôle technique des deux roues

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Une directive européenne de 2014 instaure un contrôle technique obligatoire pour les véhicules motorisés cylindrés supérieurs à 125 cm3, afin de réduire le nombre de morts sur les routes.

Le Gouvernement avait décidé, à raison, de reporter cette obligation de 2022 à 2023. Or le 31 octobre 2022, le Conseil d'État a annulé pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 2022, tout en précisant que la transposition de la directive peut faire l'objet de mesures d'application différenciées. Le Gouvernement a donc encore une marge de manoeuvre.

En France, le pourcentage d'accidents des deux-roues liés à des défaillances techniques n'est que de 0,3 %. Le contrôle technique obligatoire n'est pas une solution pertinente. Que comptez-vous faire ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Ce contrôle est en effet obligatoire, sauf si les États membres peuvent démontrer qu'ils ont mis en place des mesures alternatives de sécurité routière, appuyées par des statistiques pertinentes sur cinq ans.

Le Gouvernement avait privilégié les mesures alternatives, mais à la suite de plusieurs procédures contentieuses initiées par des associations environnementales, le Conseil d'État a jugé qu'elles étaient manifestement insuffisantes.

Le Gouvernement a pris acte de cette décision. Toutefois, elle n'implique pas une entrée en vigueur immédiate du contrôle technique : il faut publier préalablement les textes d'application du décret du 9 août 2021 qui instaure le contrôle. Pour déterminer des modalités de mise en oeuvre acceptables par tous, une consultation a été lancée en novembre par le ministre chargé des transports avec les associations de motards, des associations environnementales et les représentants des professionnels du contrôle technique. La représentation nationale sera informée des résultats des échanges.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - D'autres solutions existent, les motards sont prêts à travailler avec vous.

Financement des LGV dans l'Aude

M. Sebastien Pla .  - Un arrêté du 31 décembre dernier instaure une taxe spéciale d'équipement destinée au financement du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). Les communes assujetties subissent une double peine, car les élus du département se sont déjà engagés à financer la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP). Ce chaînon manquant est prioritaire et d'intérêt européen.

Monsieur le ministre, venez donc à Perpignan avec moi : vous verrez qu'on est plus vite arrivé à Madrid qu'à Paris ! Le Gouvernement nous impose de participer au financement du GPSO, mais quand la liaison Toulouse-Narbonne verra-t-elle le jour ? Vous avez ignoré les alertes des élus locaux, or la facture risque d'être salée pour les communes situées à moins de 60 minutes d'une gare de future ligne à grande vitesse (LGV). Les communes de l'Ouest Audois vont devoir financer les deux LGV ! C'est injuste pour ces collectivités dont les moyens sont limités. Quels ajustements comptez-vous prendre pour éviter cette double imposition ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Afin d'alléger la contribution budgétaire des collectivités territoriales au GPSO, une taxe spéciale d'équipement a été instaurée par la loi de finances pour 2022. Elle concerne certaines communes de l'Ouest Audois. Par amendement du Sénat à la loi de finances pour 2023, une taxe additionnelle à la taxe de séjour a été affectée au GPSO et à la LNMP à partir de 2024. Chaque projet a son propre périmètre : ainsi les recettes perçues dans l'Aude bénéficient à la seule société de la LNMP ; mais certains contribuables de l'Ouest Audois, à moins de 60 minutes de Toulouse, seront assujettis à la taxe spéciale d'équipement au bénéfice du GPSO. Quant aux visiteurs, ils s'acquitteront de la taxe additionnelle à la taxe de séjour au titre de la LNMP. Les contribuables de l'Ouest Audois ne sont pas davantage imposés que ceux de l'est de la Haute-Garonne.

M. Sebastien Pla.  - On ne parle pas de la même chose : la taxe de séjour est payée par les touristes et la taxe spéciale d'équipement par les contribuables du territoire. Dans l'Ouest Audois, il y a double imposition.

Financement du GPSO

M. Daniel Laurent .  - Soixante-sept communes de mon département seront concernées par la taxe spéciale d'équipement du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), car elles se trouvent à moins de 60 minutes d'une gare desservie par la ligne à grande vitesse (LGV). Mais il faut voir les conditions de circulation dans la métropole bordelaise, les nuisances des LGV pour les riverains et l'absence de travaux de maintenance sur la ligne Nantes-Bordeaux ! Ce prélèvement supplémentaire pèsera sur les propriétaires et les entreprises : c'est inadmissible et inéquitable. Pourquoi leur imposer une telle taxe - estimée pour l'instant entre 4 à 8 euros - pendant 40 ans ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - À la demande des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, le Gouvernement a créé la société du GPSO pour faciliter le financement du projet via notamment des ressources fiscales dédiées. Afin d'alléger la contribution budgétaire des collectivités territoriales, une taxe spéciale d'équipement a été instaurée dans la loi de finances pour 2022, à hauteur de 24 millions d'euros dans les communes situées à moins de 60 minutes en voiture d'une gare desservie. Ce dispositif a été complété par un amendement sénatorial à la loi de finances pour 2023. L'arrêté du 31 décembre fixe la liste des communes concernées. Les contribuables de certaines communes de Charente-Maritime seront donc assujettis. Soulignons toutefois que l'effort financier demandé est limité - moins de 3,5 euros pour un bien d'une valeur locative de 1 000 euros.

M. Daniel Laurent.  - C'est injuste : nous devons tous bénéficier des mêmes équipements sur un même territoire. C'est aux collectivités territoriales d'en assumer le financement.

Ligne Paris-Nevers

Mme Nadia Sollogoub .  - Le train d'équilibre du territoire Nevers-Paris ne peut éviter le goulot d'étranglement de Moret-sur-Loing, en Seine-et-Marne. Les trains de banlieue ne peuvent y être dépassés qu'en gare et le passage d'un train en sens contraire nécessite une procédure manuelle peu performante. L'aménagement des voies à Moret-sur-Loing est indispensable.

En outre, compte tenu de la saturation de la gare de Lyon, les trains qui desservent la Nièvre partent et arrivent désormais de la gare de Paris-Bercy. Il faudrait toutefois y réaliser un saut-de-mouton.

De tels investissements, nécessaires pour limiter les retards en cascade, sont-ils prévus ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La modernisation de la ligne Paris-Clermont est une priorité pour l'État. Un groupe de travail a été lancé le 15 septembre dernier pour améliorer la qualité de service.

Le schéma directeur de la ligne prévoit d'importants investissements, avec un programme de régénération doté de 760 millions d'euros jusqu'en 2025 et la préparation d'un programme de modernisation de 130 millions d'euros, cofinancé par l'État et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, 250 millions d'euros de nouveaux matériels roulants sont également prévus.

L'actualisation de la programmation pluriannuelle des investissements dans le domaine des transports sera prochainement effective et permettra de relancer la discussion avec les cofinanceurs du projet, et en particulier la région Île-de-France.

Mme Nadia Sollogoub.  - Ma question ne concerne pas les matériels roulants, mais la saturation de la ligne. Pensez à ceux qui font l'aller-retour Nevers-Paris tous les jours, avec des dysfonctionnements quotidiens ! Ce ne sont plus des trains d'équilibre du territoire, mais des trains qui déséquilibrent nos territoires.

Éclairage public et responsabilité des maires

Mme Annick Jacquemet .  - Dans mon récent rapport pour l'Opecst, j'invite les maires à faire un effort de sobriété en matière d'éclairage public, pour des raisons de transition écologique, de santé publique et de préservation de la biodiversité. L'éclairage public représente 41 % de la consommation électrique de nos communes : sa modulation dégage des économies budgétaires. Quelque 12 000 communes ont déjà réduit voire supprimé l'éclairage la nuit, mais ces maires prennent des risques, car faute de cadre légal clair, leur responsabilité pourrait être engagée. Comment le Gouvernement envisage-t-il d'agir ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Amateur d'astronomie, je sais tout l'intérêt de lutter contre la pollution lumineuse.

Le juge administratif examine au cas par cas si l'absence ou l'insuffisance d'éclairage public est susceptible d'engager la responsabilité administrative de la collectivité. La carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police peut aussi conduire à engager sa responsabilité pénale. En cas de dommage directement causé par l'absence d'éclairage public, sa responsabilité pénale ne sera recherchée que s'il n'a pas accompli les diligences dites « normales ». En cas de dommage indirect, sa responsabilité ne sera engagée qu'en cas de faute caractérisée ou de violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité.

Cet état du droit semble équilibré : le Gouvernement n'estime pas nécessaire de faire évoluer le cadre législatif.

Rendez-vous médicaux non honorés

Mme Chantal Deseyne .  - Chaque année, près de 27 millions de rendez-vous médicaux ne sont pas honorés. Dans un contexte de difficulté d'accès aux soins, c'est insupportable pour les médecins comme pour les patients en attente d'un rendez-vous.

Le code de la santé publique n'autorise la perception d'honoraires que sur les actes réellement effectués. Mais le service de réservation ne pourrait-il faire l'objet d'une facturation ? Une régulation financière ne pourrait-elle être mise en place avec l'aide des plateformes de réservation afin de dédommager les professionnels de santé ? Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - J'ai pu constater ces difficultés sur le terrain. Je partage votre préoccupation, car le temps médical est précieux. Le Président de la République a annoncé un travail de l'Assurance maladie sur la responsabilisation des patients. Le ministère de la santé sensibilise la population à cet enjeu de responsabilité collective.

Avant d'envisager une pénalisation financière, nous avons besoin de données précises - il pourrait s'agir de 28 millions de rendez-vous non honorés... Une fois le constat établi, nous travaillerons à réduire ce phénomène, en lien avec toutes les parties prenantes.

Mme Chantal Deseyne.  - Merci de vous pencher sur ce problème crucial dans un climat de pénurie de médecins. Je compte sur le Gouvernement pour responsabiliser les patients.

Recrutement de généralistes étrangers dans les Alpes-Maritimes

Mme Patricia Demas .  - Pour lutter contre la désertification médicale, le maire de Puget-Théniers, dans les Alpes-Maritimes, a identifié une médecin marocaine disposée à s'installer. Diplômée en Espagne, elle a fait un stage en France et maîtrise parfaitement notre langue.

Or le parcours administratif pour valider sa venue se révèle très long. La vérification des compétences est indispensable, mais la procédure n'est pas assez connue et les délais de vérification des documents sont anormalement longs, tout particulièrement pour la certification par le centre national de gestion (CNG) ; on ne comprend pas ce qui les justifie.

Alors que les mesures du Gouvernement contre les déserts médicaux tardent à produire leurs effets, ces lenteurs pénalisent les médecins jusqu'à les dissuader. Le Gouvernement en a-t-il conscience ? Envisage-t-il une communication sur les procédures à respecter et une réduction des délais de traitement par le CNG ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Pour exercer en France, les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) doivent réussir l'épreuve de vérification des connaissances (EVC) organisée annuellement par le CNG. Ils doivent ensuite passer deux années en établissement avant d'obtenir l'autorisation de plein exercice, salarié ou libéral. Les agences régionales de santé (ARS) sont à la disposition des élus pour leur préciser les documents à réunir.

Le projet de loi relatif à l'immigration qui sera prochainement présenté prévoit une carte de séjour pluriannuelle pour les professions médicales et de la pharmacie, connue sous le nom de « passeport talents ». Elle permettra aux Padhue qui s'engagent à passer l'EVC d'exercer en France sans attendre, pour une durée limitée.

Création d'un CHU régional en Guyane

M. Georges Patient .  - J'ai déjà adressé un courrier, resté sans réponse, au ministre de la santé précédent sur le projet de centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Guyane. L'objectif initial d'ouverture fixé au 1er janvier 2025 semble en effet compromis. Les Guyanais attendent depuis trop longtemps. La santé est une priorité actée dans les accords de Guyane de 2017 ; depuis mars 2021 et la décision de création du CHRU, les choses n'avancent guère. Des dissensions et blocages freinent le projet, voire interpellent sur la volonté des acteurs.

La fusion prévue entre les trois centres hospitaliers existants reste inopérante faute de consensus. Les formations du personnel sont-elles mises en place ? Le financement des chantiers immobiliers et du matériel suscite également des inquiétudes : les besoins ont été évalués à 800 millions d'euros, or rien n'a été décidé. Il est pourtant nécessaire d'accorder ces financements, notamment au vu du dynamisme démographique et de l'effort massif de rattrapage à réaliser. Quand se matérialiseront-ils ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Ce projet ambitieux reposera sur quatre piliers : les trois hôpitaux du territoire et les dix-sept centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS).

La première étape est la création de trois hôpitaux de proximité, à Maripasoula, Grand-Santi et Saint-Georges-de-l'Oyapock. Les trois projets d'établissement ont été présentés en 2022. Les autorisations ont été délivrées et les hôpitaux ouvriront cette année, pour de courts séjours, avec une offre de radiologie et de biologie de proximité.

La deuxième étape est l'universitarisation et l'intégration du projet médical entre les établissements. Le chantier administratif n'interviendra qu'une fois ce projet finalisé. Il en va de même pour les investissements complémentaires à réaliser. Les premières orientations médicales et de recherche semblent partagées. Je suis confiante dans la possibilité d'aboutir à un projet de territoire, pour une universitarisation en 2025.

Abattements de cotisations pour les ESMS publics

M. Alain Milon .  - En 2019, un abattement de cotisations sociales a été attribué aux établissements publics de santé et établissements et services médico-sociaux (ESMS) du secteur privé, qui représente une réduction de 8 % du coût salarial. Les ESMS du secteur public n'en ont, eux, pas bénéficié. Au vu des errements de certains groupes privés bénéficiaires de ces abattements, il semble impensable de taxer plus lourdement les établissements publics. Que va mettre en oeuvre le Gouvernement et dans quel délai ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réduction de six points du taux de cotisation d'assurance maladie s'est substituée au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont les établissements publics ne bénéficiaient pas puisqu'ils ne sont pas redevables de l'impôt sur les sociétés. Cette mesure n'a donc eu aucun effet sur l'équilibre entre les secteurs public et privé. Élargir l'abattement aux ESMS publics reviendrait à faire financer une augmentation de leur financement par l'Assurance maladie. Le canal des exonérations n'est pas le plus approprié.

Par ailleurs, le Ségur a prévu d'engager 2,1 milliards d'euros entre 2021 et 2025 pour l'investissement dans le secteur social et médico-social ; le personnel des établissements publics de santé et des Ehpad recevra une revalorisation de 183 euros nets a minima, majorée pour les soignants. La mesure a été étendue aux autres ESMS lors de la conférence des métiers du 18 février 2022.

Enfin, une prime Grand Âge spécifique pour le secteur public a été créée en 2020, pour un montant de 161 millions d'euros.

M. Alain Milon.  - Souvent avancé comme excuse par le Gouvernement, le Ségur ne fait que rattraper un retard accumulé. La tarification du public progresse beaucoup moins vite que celle du privé. Il en résulte une fragilisation majeure de l'offre médico-sociale publique. Il est grand temps d'agir pour la renaissance du secteur public...

Infections invasives à méningocoques

Mme Catherine Deroche .  - Le 24 janvier, Santé publique France rapportait une recrudescence inquiétante des infections invasives à méningocoques liée à la levée des gestes barrières, avec une accélération fin 2022, en particulier chez les plus jeunes. Derrière les chiffres, il y a des vies humaines, comme celle de cet enfant de trois ans décédé à Angers, en octobre dernier, d'une méningite de sérogroupe Y. Cela doit conduire les ARS à revoir la recommandation en matière de vaccin, qui date de mars 2021, alors que l'épidémiologie des maladies infectieuses était ralentie par les mesures barrière.

La solution est simple : la substitution du vaccin C existant par un vaccin ACWY, qui maintiendrait un nombre de rendez-vous et d'injections constant, sans surcharge de travail pour le personnel.

Les trois vaccins ACWY ne sont ni recommandés ni remboursés. Il faut donc une prise en charge par la solidarité nationale. Où en sommes-nous ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La situation épidémiologique fait l'objet d'une surveillance en temps réel. La vaccination des nourrissons contre les infections à méningocoques de sérogroupe B est prise en charge par l'Assurance maladie depuis avril 2022.

En mars 2021, la Haute autorité de santé (HAS) n'avait, en effet, pas recommandé la vaccination des nourrissons par le vaccin tétravalent ACWY, au vu de l'importante variabilité épidémiologique de la maladie.

Or après deux années de faible incidence, les infections sont en hausse, en majorité dans le sérogroupe B, qui représente 53 % du total. La HAS est donc en train de réviser la stratégie 2021. Les recommandations actualisées seront mises en oeuvre dès leur publication.

Mme Catherine Deroche.  - J'ai participé, jeudi, à un colloque de l'association Audrey, devenue Méningites France. Nos voisins ont des vaccins quadrivalents : la France est isolée en la matière. Au vu des mouvements d'étudiants liés à Erasmus, il y a des risques importants. (Mmes Florence Lassarade et Brigitte Devésa applaudissent.)

Accueil des jeunes autistes dans le Nord

M. Éric Bocquet .  - La presse régionale des Hauts-de-France s'est récemment fait l'écho des difficultés des familles dont un enfant est atteint de troubles du spectre de l'autisme.

Dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme 2018-2022, 999 enfants ont été intégrés aux plateformes de coordination et d'orientation, et 1 184 ont bénéficié d'une prise en charge dans la région. C'est un progrès en matière de repérage et de diagnostic, mais en devenant adultes, ces enfants n'ont plus de structures pour les accueillir.

L'amendement Creton, entré en vigueur en 1999, permet le maintien des jeunes autistes en institut médico-éducatif (IME) entre 18 et 20 ans, en l'absence de structures alternatives pour les accueillir. Mais ces établissements ne sont pas adaptés à leurs besoins, et ils se retrouvent sans solution à 20 ans. Souvent, l'un des parents doit cesser de travailler pour s'occuper de son enfant. Dans le Nord, les délais d'attente atteignent plusieurs années. Depuis que l'ARS ne finance plus les placements en Belgique, les familles nordistes sont démunies. Des associations spécialisées sont prêtes à accueillir quarante jeunes adultes, pour peu qu'un appel à projets soit lancé par l'ARS.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'autisme est l'une de nos préoccupations majeures : en témoignent les 490 millions d'euros engagés dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme. Dans les Hauts-de-France, nous avons mis en place huit plateformes de coordination, vingt unités d'enseignement en maternelle. Trois unités de vie pour adultes autistes en situation complexe ouvriront bientôt leurs portes.

Au 1er janvier 2022, 1 508 adultes et 693 enfants du Nord voient leur accompagnement en Belgique financé par l'État français. En matière d'autisme, la France était en retard, et nous avons entrepris un rattrapage.

Toutes les personnes concernées ne trouvent pas de solution, mais le cap est clair. L'ouverture de la future Maison de l'autisme, voulue par le Président de la République, sera une ressource supplémentaire pour les familles désemparées et pour les associations ; elle fera également mieux connaître l'autisme auprès du public.

Débouchés pour la laine de brebis

M. Max Brisson .  - La production de laine de brebis des trois races laitières présentes dans les Pyrénées-Atlantiques s'élève à 1 000 tonnes par an, dont une grande partie n'est pas valorisée. Pourtant, quoiqu'inadaptée à certaines valorisations, notamment textiles, cette laine présente de nombreux atouts.

Sur l'initiative de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques et de la chambre de commerce et d'industrie Pau-Béarn, deux prototypes concluants ont été développés : le compostage, qui permet aux éleveurs de valoriser la laine directement dans leur exploitation, et la production de granulés fertilisants, un engrais durable, par les coopératives et entreprises locales.

Deux débouchés intéressants pour les acteurs du secteur, mais dont la mise en oeuvre bute sur la réglementation européenne, alors que le processus de compostage lève les risques microbiologiques et que les granulés fertilisants sont commercialisés dans d'autres pays européens, au mépris de la législation européenne. Il en résulte une distorsion de concurrence inacceptable.

Le Gouvernement est-il prêt à soutenir ces prototypes innovants en engageant une négociation pour faire évoluer la législation européenne ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministère de l'agriculture accompagne la filière ovine dans la structuration d'une filière laine à travers le plan d'action national Bioéconomie, le plan de relance, via le projet Tricolor, et la mise en place par FranceAgriMer d'un Observatoire du marché des cuirs, laines, peaux et plumes, ainsi que d'un groupe de travail chargé d'identifier des pistes de valorisation.

La laine a le statut de sous-produit animal de catégorie 3, ce qui ouvre de multiples possibilités de valorisation. Néanmoins, la réglementation européenne limite son usage direct dans le sol en tant que fertilisant, compte tenu des risques sanitaires de diffusion de maladies animales. L'expérimentation Lanaland mérite d'être analysée avec attention.

Le compostage de la laine sur l'exploitation est autorisé mais nécessite un agrément sanitaire. Afin de faciliter les démarches des exploitants, la direction générale de l'alimentation a travaillé avec la filière sur un dossier de demande d'agrément-type et un assouplissement des analyses d'autocontrôle.

En complément, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) élabore une feuille de route pour améliorer la valorisation et les débouchés de ces produits ; son rapport est attendu pour avril prochain.

M. Max Brisson.  - Les professionnels et les deux chambres consulaires, qui ont beaucoup investi dans ces deux prototypes, espèrent un agrément, car les éleveurs ont besoin de ces débouchés.

Crise de la filière arboricole

M. Jean-Yves Roux .  - Les pommes des Alpes-de-Haute-Provence, grâce à un climat qui favorise une bonne teneur en sucre et une acidité remarquable, sont une fierté pour notre département.

Depuis 2018, les 250 exploitations arboricoles, qui produisent surtout les variétés Golden et Gala, se sont diversifiées pour s'adapter aux embargos russe, chinois et algérien, ainsi qu'aux épisodes de grêle. Mais la flambée des coûts de production - électricité, eau, emballages - a conduit à une hausse de 8 % du prix de vente des fruits, alors que les pommes extra-hexagonales, qui ne respectent pas nos normes sanitaires, sont vendues 7 % moins cher.

Pris en étau, nos arboriculteurs en sont réduits à arracher leurs pommiers pour ne pas vendre à perte. Les plus petites exploitations n'arrivent plus à dégager un revenu décent. Une partie de notre patrimoine alimentaire est menacée, alors que nous importons des pommes à prix cassé et aux normes sanitaires dégradées.

Comment le Gouvernement entend-il nous aider à préserver la production de grande qualité des arboriculteurs de Haute-Provence ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre de l'agriculture a rencontré les professionnels de la filière à Angers, lors du Salon international des techniques de production végétale.

Premier sujet : le prix du kilo de pommes. La loi EGalim 2 ne couvre pas les fruits et légumes, à la demande des producteurs. Il faut sans doute y remédier, car des contrats conclus dans le cadre de cette loi protégeront la rémunération des agriculteurs. Le bon prix, c'est celui qui rémunère le producteur.

Deuxième sujet : le retrait des produits phytosanitaires. Il nous faut penser, en Européens, des transitions ambitieuses et soutenables, sur les néonicotinoïdes ou le phosmet pour la cerise, sans pénaliser les producteurs français. La France promeut une action européenne coordonnée et va déclencher une clause de sauvegarde afin d'éviter toute distorsion de concurrence. Nous défendons cette logique de réciprocité des normes et de clauses miroirs dans les accords commerciaux.

Enfin, il faut rechercher des alternatives, pour ne pas laisser la filière sans solution technique. D'où les renouvellements de vergers, actuellement de 4,2 %, avec des variétés plus résistantes, mieux adaptées au climat. C'est tout l'enjeu de la planification écologique.

Le plan de souveraineté Fruits et Légumes, qui sera présenté au Salon de l'agriculture, intégrera les enjeux d'innovation au coeur de la troisième révolution agricole. L'objectif est de retrouver, d'ici 2030, notre souveraineté sur ces filières, dans une logique de transition et de planification.

M. Jean-Yves Roux.  - L'enjeu est vital pour nos arboriculteurs, aujourd'hui contraints d'arracher leurs pommiers !

Difficultés de la filière porcine biologique

Mme Annie Le Houerou .  - Il est urgent de soutenir la filière porcine biologique en Bretagne. Depuis le second semestre 2021, la consommation de viande de porc bio chute. En situation de surproduction, les producteurs biologiques sont obligés d'aligner leurs prix sur ceux des porcs conventionnels et ne peuvent plus couvrir leurs coûts de production.

L'envol du prix des matières premières, de l'alimentation et de l'énergie se conjugue à l'amortissement des investissements qui ont été nécessaires à la conversion en bio. L'avenir de la filière est en danger, alors même que l'objectif fixé par le plan de développement de passer de 0,5 à 5 % de production bio est loin d'être atteint. En 2021, seuls 1,45 % des porcs abattus était bio.

La loi EGalim, complétée par la loi Climat et résilience, prévoit au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques, dans la restauration collective. Nous en sommes très loin. Le simple respect de cette loi garantirait la pérennité de la filière porcine bio en Bretagne et en France.

L'agriculture biologique a un impact positif sur la santé, le climat, la biodiversité ; elle répond aux enjeux agricoles et sociétaux actuels et à venir.

Que prévoit le Gouvernement pour venir en aide aux producteurs ? Sans soutien d'urgence, ces producteurs de Plouisy, de Plélo et d'ailleurs courent à la catastrophe.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'atteinte de l'objectif de 20 % de produits bio en restauration collective ne résoudrait pas le problème, car il n'y a pas d'obligation de servir du porc bio...

La difficulté de la filière est avant tout de mieux valoriser toute la carcasse de porc. À ce jour, seuls les jambons sont valorisés en bio, le reste intègre des circuits conventionnels.

Deuxième difficulté : produire du porc bio nécessite des bâtiments d'élevage et une organisation de production qui entraînent d'importants surcoûts. Impossible de déclasser transitoirement les viandes en conventionnel comme d'autres filières, car les pertes financières sont vite intenables.

Aux assises de la Bio, le 6 décembre 2022, le ministre a annoncé un projet de structuration de la filière porc bio et un travail engagé avec l'Agence Bio et les représentants de la filière ; un abondement du fonds Avenir Bio de 2 millions d'euros supplémentaires, à destination des filières les plus touchées ; une campagne de communication dotée de 750 000 euros, pour augmenter la demande ; une autre campagne, lancée en 2023 grâce au financement européen, axée sur la restauration commerciale.

Enfin, les régions pourront mobiliser les reliquats du Feader 2014-2022 pour financer en 2023 une aide au maintien de l'agriculture biologique. La région Bretagne l'a fait.

Par ailleurs, le programme Ambition Bio sera l'occasion de construire avec les acteurs une stratégie d'accompagnement et de structuration de ces filières de qualité, tenant compte des études prospectives en cours, et de mieux équilibrer l'offre et la demande.

Épidémies de norovirus dans les cultures conchylicoles

M. Jean-François Longeot .  - À la faveur des épidémies hivernales, certains virus, présents en grande quantité dans les eaux usées, résistent aux phases de traitement des eaux. Ainsi, dans les zones littorales, nous assistons régulièrement à une contamination des huîtres par des norovirus, responsables de la gastro-entérite.

Comment le Gouvernement compte-t-il garantir la sécurité sanitaire des consommateurs ? Les ostréiculteurs touchés par les restrictions de production, nullement responsables de la situation, en payent le prix fort. À quand un mécanisme pérenne pour les soutenir face à ces aléas ?

En réponse à une question d'actualité posée en 2020 durant un tel épisode de crise, le Gouvernement s'était engagé à améliorer le contrôle du traitement des eaux usées, en adressant des instructions aux préfets. Où en est cette stratégie, et quel impact a-t-elle eu sur la situation actuelle des épidémies de norovirus dans la conchyliculture ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Veuillez excuser l'absence d'Hervé Berville. En tant que Normande, je suis très attentive à cette question...

Les cultures conchylicoles ont été touchées de plein fouet cet hiver par les contaminations au norovirus, qui ont entraîné de lourdes pertes en pleine période de fêtes de fin d'année.

Le Gouvernement travaille à des solutions de court et moyen termes. La mise en conformité des systèmes d'assainissement avec l'augmentation des populations côtières et l'évolution de la réglementation environnementale est un chantier long et complexe.

Face à l'urgence, le Gouvernement travaille avec les préfets pour lancer rapidement les travaux de mise en conformité pour les zones à usages sensibles, comme celles destinées à la conchyliculture. Il faudra lister les chantiers prioritaires, valoriser les bonnes pratiques et identifier les blocages.

En complément, le Gouvernement va également travailler sur un plan d'action, avec les collectivités concernées.

Enfin, un accompagnement financier pourra être apporté aux conchyliculteurs, notamment via le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa), afin de financer des bassins de mise à l'abri ou de purification, des systèmes d'alerte, des projets portés par les régions ou encore la constitution d'un système d'assurances pour laquelle l'État est prêt à accompagner la profession.

M. Jean-François Longeot.  - C'est un sujet important pour l'avenir. Il est temps d'adapter les modes de traitement des eaux à nos modes de vie actuels !

Zone organisée d'accès aux soins transfrontaliers

Mme Véronique Guillotin .  - Je veux vous parler de ceux qui vivent l'Europe au quotidien, notamment les plus de 30 000 Français qui vivent à la frontière avec le Luxembourg. Pour eux, la frontière n'est qu'une réalité administrative, tant les échanges entre les deux pays sont fréquents. Mais l'administration complique leur quotidien. Alors que l'accès aux soins devient de plus en plus difficile côté français, de nombreux frontaliers se voient refuser le remboursement par l'Assurance maladie d'une consultation au Luxembourg.

Dans certaines zones frontalières françaises, belges et allemandes, afin de simplifier l'accès aux soins à l'étranger, il existe des zones organisées d'accès aux soins transfrontaliers (Zoast). Mais aucune n'a encore vu le jour entre la France et le Luxembourg. Alors que nous avons déjà de nombreux projets communs, une Zoast serait particulièrement pertinente.

Le Gouvernement entend-il se saisir de ce sujet ?

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La santé est, avec les transports, la première attente de nos concitoyens en matière de coopération frontalière. Le développement d'une offre mutualisée aux frontières améliore efficacement l'accès aux soins. C'est bien l'objectif des Zoast, dans l'Eurodistrict SaarMoselle par exemple.

Toutefois, ces mécanismes sont complexes à déployer et n'apportent qu'une réponse partielle aux difficultés. L'imbrication de deux systèmes de santé nationaux implique en effet une préparation et une mise en oeuvre importantes, qui mobilisent d'importants moyens.

Une réflexion a été entamée entre les ministères de la santé français et luxembourgeois sur la mise en place d'un tel dispositif.

Mme Véronique Guillotin.  - J'entends que la réflexion progresse. Si des Zoast existent ailleurs, c'est possible entre la France et le Luxembourg.

Crimes de guerre de l'armée azerbaïdjanaise

M. Pierre Ouzoulias .  - Pendant la guerre de quarante jours de l'Azerbaïdjan contre la petite République d'Artsakh, puis de nouveau en septembre 2022, l'armée azérie s'est livrée à des exactions contre des militaires mais aussi contre des civils. Que fera la France pour faire reconnaître ces crimes de guerre par les instances internationales ?

Depuis deux mois, en raison d'un blocus de la république d'Artsakh, 120 000 Arméniens sont privés de tout et n'ont le choix qu'entre fuir ou périr. La France et l'Europe ont des moyens de pression contre l'Azerbaïdjan. Pourquoi ne les utilisent-elles pas ?

En 1939, la France a abandonné à la Turquie le sandjak d'Alexandrette, condamnant à l'exil 550 000 Arméniens. Allons-nous abandonner la République d'Artsakh ?

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Lors de l'offensive azerbaïdjanaise de septembre 2022, la France a immédiatement dénoncé la violation de l'intégrité territoriale de l'Arménie. Elle a dit que les crimes de guerre devaient être jugés et leurs auteurs punis. La lutte contre l'impunité est essentielle à la paix.

La réunion organisée par le Président de la République à Prague le 6 octobre 2022, en présence de Nikol Pachinian, Ilham Aliyev et Charles Michel, a permis l'envoi d'une mission européenne de deux mois, qui a contribué à faire baisser la tension sur le terrain. Les 27 ont décidé, le 23 janvier, d'une nouvelle mission en territoire arménien, pour deux ans cette fois-ci, à laquelle la France contribuera.

La diplomatie française est mobilisée au plus haut niveau. La semaine dernière encore, le Président de la République échangeait avec ses homologues arménien et azerbaïdjanais.

La France n'importe pas de gaz azerbaïdjanais et soutient les efforts de la Commission européenne de réduction de notre dépendance au gaz russe. Notre position est constante : les efforts européens en faveur de la souveraineté énergétique ne doivent en aucun cas se faire au détriment de nos principes.

M. Pierre Ouzoulias.  - J'aurais aimé que la France reconnaisse la violation de l'intégrité territoriale de l'Arménie mais aussi de la République d'Artsakh, qu'il faut reconnaître, pour sauver ses 120 000 Arméniens. Or vous n'avez rien dit sur son blocage. Il faut agir maintenant. (Mme Brigitte Devesa applaudit.)

Modification des heures creuses d'électricité

M. Gilbert Roger .  - Avec la crise énergétique, le Gouvernement a demandé aux Français de faire preuve de sobriété. Les dirigeants d'EDF et d'Engie souhaitent que nos concitoyens étalent l'utilisation de leurs appareils électroménagers pour éviter une surcharge du réseau électrique et privilégient un déclenchement après 22 h. Or les heures creuses en tarif bleu diffèrent selon les abonnements et sont majoritairement comprises entre 23 h 36 et 7 h 36.

Ne pourrait-on uniformiser les abonnements et élargir les heures creuses de nuit entre 22 h 30 et 7 h 30 ? Avec le décret autorisant les fournisseurs d'électricité à suspendre la tranche des heures creuses de 12 h à 14 h via Linky, cette proposition s'insérerait dans une communication cohérente du Gouvernement.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Les heures creuses recouvrent les plages 12 h-17 h et 20 h-8 h. Or en hiver, la pointe du matin s'étend jusqu'à 13 h, alors que certains équipements étaient programmés pour démarrer à 12 h afin de profiter des heures creuses méridiennes. Cela a conduit le Gouvernement à demander aux gestionnaires de réseau de désactiver partiellement le démarrage des ballons d'eau chaude sur cette plage horaire. Ainsi, une consommation équivalente à la production de deux réacteurs nucléaires a pu être décalée à la nuit.

La ministre de la transition énergétique souhaite développer encore plus les signaux tarifaires, à l'instar des offres Tempo qui ont augmenté fortement en 2022 sous son impulsion.

Une évolution des heures creuses est également en cours d'expertise.

M. Gilbert Roger.  - J'espère que l'on pourra très rapidement établir les heures creuses de 22 h à 7 h 30.

Reversement des recettes induites par les obligations de service public

M. Philippe Mouiller .  - Les acheteurs obligés sont tenus de rembourser à l'État le différentiel entre leur valorisation des productions d'énergie renouvelable et le prix d'achat garanti auquel ils les ont acquises. Or aucun texte n'encadre les modalités d'évaluation de ces recettes et leur reversement au profit de l'État.

Le code de l'énergie prévoit bien le reversement des recettes induites par les obligations de service public, mais la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'intervient que lorsque ces obligations de service donnent lieu à une compensation par l'État des charges induites. Les opérations liées au reversement ne sont pas encadrées lorsque les obligations donnent lieu à des recettes pour les opérateurs concernés.

Le 3 novembre 2022, la CRE a réévalué les recettes induites par l'obligation d'achat pour 2023, mettant en grande difficulté les acheteurs obligés. En effet, les charges de trésorerie considérables qui en résultent pourraient pousser certaines entreprises locales de distribution (ELD) à la cessation de paiement d'ici l'été.

Est-il envisagé de modifier le cadre légal et réglementaire pour sécuriser les acheteurs obligés ?

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La situation actuelle conduit à une contribution positive des énergies renouvelables aux finances publiques. La réévaluation exceptionnelle des charges de service public, en novembre 2022, a en effet conduit à un ajustement des reversements, dans un contexte où les prix de marché ont depuis baissé.

La CRE s'est engagée à réviser ses évaluations de charges pour l'année 2023 en juillet prochain, ce qui permettra un recalibrage direct des reversements.

L'État proposera aux acteurs, et notamment aux ELD, des solutions transitoires, y compris conventionnelles, afin d'éviter des stress de trésorerie insupportables, au premier semestre 2023. Aucun reversement contraint ne sera initié si un doute persiste sur son montant.

Construction de la future cité judiciaire de Marseille

Mme Brigitte Devésa .  - Le 11 février 2022, l'État a annoncé la construction d'une nouvelle cité judiciaire à Marseille, à l'horizon 2028, ce qui mettra enfin terme à l'éclatement géographique des juridictions marseillaises. Cependant, la localisation de la future cité judiciaire n'est toujours pas connue. Trois sites sont envisagés : le centre-ville de Marseille, Euroméditerranée II et la Capelette.

L'absence de feuille de route pose question. Il sera nécessaire de consulter tous les acteurs du monde judiciaire marseillais. Selon un sondage, les avocats sont vivement inquiets, à plus de 99 %. Ils seront les premiers touchés par une nouvelle localisation. Or aucune consultation n'a, pour le moment, été annoncée. C'est pourtant ce qui est préconisé par le conseil consultatif conjoint.

Quel site a la préférence de l'État ? Où en est la concertation ?

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Le garde des sceaux a annoncé en février dernier le projet de construction de cité judiciaire à Marseille, afin de regrouper les juridictions marseillaises au sein d'un même bâtiment fonctionnel, adapté à la justice du XXIe siècle.

La réflexion sur le choix du site se poursuit, en concertation avec les élus locaux, le maire de Marseille et la présidente de la métropole.

Les contraintes fonctionnelles du site actuel excluent d'y créer une cité judiciaire unifiée et un outil de travail fonctionnel, sécurisé et conforme au développement durable. Une construction neuve regrouperait l'ensemble des juridictions dans un seul bâtiment moderne et performant, dans un calendrier beaucoup plus resserré.

La concertation se poursuit avec l'ensemble des parties concernées.

Levée du secret-défense sur l'assassinat de militantes kurdes en 2013

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Il y a dix ans, Sakine, Fidan et Leylan, militantes de la cause kurde, premières femmes à scander « Femme-Vie-Liberté ! », étaient assassinées en plein Paris.

Justice n'a pu être rendue, le principal suspect, qui a toujours nié les faits, étant mort en décembre 2016, quelques mois avant son procès. Depuis dix ans, les familles attendent la vérité, mais les autorités françaises refusent la déclassification des documents détenus par les services secrets français. L'instruction avait pourtant pointé les accointances d'Omer Güney avec les services secrets turcs ; mais la commission consultative sur le secret-défense n'a pas autorisé la divulgation du contenu des écoutes du suspect.

Les avocats des victimes ont saisi le parquet pour que soient identifiés les commanditaires. Nous ne pouvons accepter que des liquidations physiques soient perpétrées sur le sol français.

Le 23 décembre dernier, un nouvel évènement sanglant a rouvert les blessures des Kurdes de France, qui ont désormais peur de vivre dans le pays des droits de l'homme et des lumières.

Le Gouvernement compte-t-il lever le secret-défense ?

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Veuillez excuser Sébastien Lecornu.

Nous avons une pensée pour les victimes de cet assassinat et leurs familles. En 2015, le ministère des armées a déclassifié ces documents après avoir saisi la commission du secret de la défense nationale, autorité administrative indépendante composée de conseillers d'État, de magistrats de la Cour de cassation et de la Cour des comptes et de parlementaires. Le ministère indique qu'il ne détient plus de documents pouvant concourir à la manifestation de la vérité.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - À l'approche du Nouvel an kurde le 21 mars, j'espérais une réponse positive...

Fibre optique aux Sables-d'Olonne et à La Roche-sur-Yon

M. Didier Mandelli .  - Le raccordement en fibre optique des Sables-d'Olonne et de La Roche-sur-Yon, situées en zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), a pris beaucoup de retard : seuls 77,3 % des locaux sont raccordables dans l'agglomération des Sables, 70,7 % dans celle de La Roche-sur-Yon : on est loin des 100 % promis pour 2020.

L'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a mis en demeure Orange fin décembre 2022 pour ces retards et ouvert une procédure de sanction pour manquement. Sa présidente m'a semblé plutôt favorable à une reprise en main par les collectivités. Quelle est votre position sur une éventuelle annulation des contrats avec les opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - En juillet 2018, le Gouvernement a accepté les engagements proposés par Orange sur la zone dite Amii. Le Gouvernement est conscient des efforts de l'ensemble des acteurs.

Les chiffres révèlent cependant que certains engagements d'Orange n'étaient pas atteints. L'Arcep, sur demande du Gouvernement, a donc ouvert une procédure de mise en demeure, décision attaquée par l'opérateur et actuellement instruite par le Conseil d'État.

La France s'est fixé un objectif ambitieux : la généralisation de la fibre en 2025. Il faut éviter que le numérique ne crée des fractures dans notre pays. L'une des pistes peut être la reprise en main des engagements de l'opérateur par des acteurs économiques locaux.

M. Didier Mandelli.  - Nous devons permettre aux collectivités de reprendre à leur compte les opérations qui ne sont pas réalisées par l'opérateur historique.

Conséquence des prix de l'électricité pour le patrimoine religieux

M. François Calvet .  - Si le Gouvernement a déployé un bouclier tarifaire pour les particuliers et les petites entreprises et minoré la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) pour les autres entreprises, les diocèses, eux, ne sont pas aidés face à la hausse du prix de l'électricité.

Pour réduire la facture énergétique dans les églises, souvent astronomique, des prêtres n'hésitent plus à tout éteindre et appellent les fidèles à se vêtir chaudement pour les cérémonies.

Si la loi de 1905 interdit de subventionner les cultes, le législateur a néanmoins autorisé des exceptions à cette interdiction, puisque l'entretien des édifices religieux est confié aux communes depuis 1907. Le Gouvernement envisage-t-il d'étendre le dispositif d'aides aux bâtiments religieux et aux salles annexes servant à l'enseignement religieux ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Vous l'avez dit, le Gouvernement a mis en place de nombreuses aides pour accompagner les Français dans cette période difficile, et la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine a été limitée par le bouclier tarifaire. Les mesures spécifiques sur les TPE, les PME et les grandes entreprises, malgré leur coût, ne permettent malheureusement pas de couvrir tout le monde, notamment les gestionnaires d'édifices religieux.

Je profite de votre question pour appeler à nouveau les TPE et les PME à se signaler auprès de leur fournisseur d'électricité pour bénéficier de l'aide. Il y a encore trop de non-recours.

Le Gouvernement travaille à des mesures complémentaires pour appuyer les associations cultuelles et autres acteurs dans la transition énergétique, mais aussi pour les accompagner à court terme. Le ministre de l'intérieur m'a indiqué ce matin même qu'il réunirait l'instance de dialogue avec l'Église catholique en mars pour évoquer les différentes solutions possibles.

Encadrement des dark kitchens et des dark stores

Mme Christine Lavarde .  - On ne présente plus les dark stores et les dark kitchens, ni les nuisances qui les accompagnent.

Ces locaux doivent-ils être qualifiés juridiquement d'entrepôts, de commerces ou d'espaces de logistique urbaine, comme en a jugé le tribunal administratif de Paris en octobre dernier, au motif qu'ils diminueraient le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intramuros ?

Quid de la promesse de régulation du secteur faite cet été ? Les élus avaient découvert par voie de presse un projet de texte réglementaire qui avait provoqué des réactions vindicatives ; le Gouvernement avait lancé rapidement une concertation aboutissant à un communiqué de presse du 6 septembre annonçant une réglementation rapide. Mais nous attendons toujours, près de six mois plus tard.... Quelle est la cause de ce retard ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Le commerce rapide, c'est le commerce livré chez vous en quelques minutes ; les dark stores et les dark kitchens en sont la pierre angulaire. Il fait débat car son équilibre économique n'a pas été trouvé : sur les neuf acteurs présents à Paris il y a un an, il n'en reste plus que trois, et tous les plans de développement ont été gelés. Il fait débat surtout parce qu'il est source de nuisances et interroge notre modèle de société et de consommation.

Avec Olivier Klein et les associations d'élus locaux, nous nous sommes engagés à réguler cette activité via un arrêté à paraître dans les prochains jours : les dark stores seront intégrés dans la sous-destination d'urbanisme « entrepôts », qu'ils aient ou non un point de retrait ; une catégorie ad hoc serait créée pour les dark kitchens.

Les collectivités pourront donc réguler, voire interdire ces installations dans telle ou telle zone du plan local d'urbanisme. La transformation d'un commerce en dark store serait soumise à un accord préalable de la commune.

Les maires disposent déjà de pouvoirs de police concernant les externalités négatives des dark store : regroupement de personnes, stationnements ou même circulation des deux-roues servant à la livraison.

Mme Christine Lavarde.  - Dans quelques jours, dites-vous ? C'est déjà ce que le Gouvernement annonçait en septembre... J'aurais préféré entendre que l'arrêté était déjà dans Solon ! Je me réjouis de la qualification juridique retenue. Quant aux pouvoirs de police, ils ne sont guère efficaces au quotidien sans la coopération des plateformes.

Substances dangereuses dans les fournitures scolaires

M. Serge Babary .  - En mai 2022, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) alertait sur la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires et recommandait de leur appliquer la réglementation européenne relative aux jouets.

Au mois de septembre, une étude d'UFC-Que Choisir, qui l'avait déjà signalé en vain il y a six ans, le confirmait.

En décembre dernier, vous avez répondu à Pascal Allizard qu'il existait déjà une réglementation européenne suffisante sur les substances chimiques et annoncé une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Nous parlons de conservateurs allergisants, de perturbateurs endocriniens, de substances cancérigènes. Comment s'assurer que les fournitures scolaires de la rentrée prochaine ne contiendront plus de produits toxiques ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Les fournitures scolaires recouvrent une vaste gamme de produits, certains pouvant être considérées comme des jouets, les autres non, car non ludiques - ce qui interdit de leur étendre les dispositions réglementaires exigibles pour ceux-ci.

Pour autant, à défaut de texte spécifique, leur sécurité est assurée à travers l'obligation générale de sécurité (OGS) définie par la directive sur la sécurité générale des produits. Leurs matériaux sont encadrés par les règlements sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions de substances chimiques (Reach) et sur la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP).

Le Gouvernement, très attentif à la protection des consommateurs, notamment les plus vulnérables, a pris note avec la plus grande attention de l'avis de l'Anses. La DGCCRF renforcera le contrôle de ces produits via une enquête spécifique, dont une synthèse sera transmise à l'Anses.

M. Serge Babary.  - Le personnel de la DGCCRF m'a indiqué qu'elle manquait de moyens pour contrôler la masse des produits importés. J'espère que les familles ne découvriront pas un nouveau scandale à la rentrée prochaine, sans parler d'un accident touchant nos enfants.

Réduction d'assiette du FCTVA

Mme Elsa Schalck .  - Depuis le 1er janvier 2021, les dépenses d'acquisition, d'aménagement et d'agencement de terrain sont exclues de l'assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA).

Par deux fois, le Sénat a voté la réintégration de ces dépenses pour les communes et leurs groupements. Le ministre des comptes publics lui-même a reconnu la nécessité de revoir la situation. Malheureusement, l'amendement sénatorial au projet de loi de finances pour 2023 n'a pas été retenu dans le cadre du 49.3, alors qu'il reprenait les attentes des collectivités territoriales et les engagements gouvernementaux.

Cette exclusion porte préjudice à l'investissement local, qui pèse 70 % de l'investissement public. Les conséquences financières sont lourdes pour les communes, déjà fortement touchées par l'inflation, notamment de l'énergie.

Il est impératif de mettre fin aux discours contradictoires : on ne peut pas, d'un côté, encourager l'investissement local et, de l'autre, en modifier les règles de financement. Le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales doit retrouver une réalité. Quand le Gouvernement réintégrera-t-il ces dépenses dans le FCTVA ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Il n'y a pas de contradiction, mais une action publique visant à promouvoir l'investissement tout en préservant les équilibres budgétaires de la Nation.

L'automatisation de la gestion du FCTVA, décidée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, a conduit à revoir l'assiette des dépenses éligibles. Certains comptes n'ont pas été retenus, dont le compte 212 « Agencement et aménagement de terrains », qui retrace des dépenses hors taxes inéligibles. Toutefois, certaines dépenses réalisées dans le cadre du projet d'aménagement peuvent être éligibles : achats d'équipements sportifs et urbains ou d'outillages techniques, travaux d'éclairage, dépenses relatives à la voirie.

L'inclusion dans le FCTVA de dépenses relevant des comptes 211 et 212 a été écartée au moment du projet de loi de finances pour 2023 compte tenu de son coût budgétaire, plus de 500 millions d'euros, contraire au principe de neutralité budgétaire de la réforme. Celle-ci, considérée dans sa globalité, est favorable à l'investissement public local.

Une évaluation de la mise en oeuvre de l'automatisation est en cours par la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques ; elle sera présentée au printemps.

Imposition des travailleurs français du secteur public belge

M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Michelle Gréaume, auteure de la question .  - Je pose cette question au nom de ma collègue Michelle Gréaume.

Nos compatriotes salariés des services publics belges s'inquiètent d'une modification à venir de leur statut fiscal.

Un Français résidant en France et travaillant dans les services publics non concurrentiels belges, actuellement imposable en France, le sera en Belgique en vertu d'une nouvelle convention entre les deux pays, non encore ratifiée. Plusieurs milliers de personnes verront ainsi leur revenu baisser de 25 à 30 %, et des projets de vie à long terme seront remis en cause.

Une solution existe, déjà mise en oeuvre en 2012 lors de la suppression du statut fiscal frontalier : contraints de payer leurs impôts en Belgique, les travailleurs français du secteur privé belge déjà sous statut frontalier ont bénéficié d'un délai jusqu'en 2033 ; le nouveau régime ne s'est appliqué immédiatement qu'aux nouveaux frontaliers. Les employés français du secteur public belge souhaitent tout simplement bénéficier de la même disposition. La vague promesse d'une lointaine modification de la législation fiscale belge, non confirmée de l'autre côté de la frontière, n'est pas de nature à dissiper leurs craintes légitimes.

Le Gouvernement compte-t-il accéder à leur demande d'un délai équivalent à celui décidé en 2012 ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Je remercie Mme Gréaume de revenir sur cette question, déjà abordée il y a quelques semaines à l'initiative de M. Decool.

La convention fiscale du 9 novembre 2021, qui sera soumise au Parlement pour ratification, préserve le régime spécifique des frontaliers. S'agissant des rémunérations publiques, elle prévoit, sauf exception, leur imposition par l'État qui les verse : il s'agit d'éviter qu'un État ne subventionne indirectement l'autre, ce qui est de bon sens. Ainsi, les personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge seront taxées dans ce pays, même si elles habitent en France. L'inverse sera évidemment vrai, ce qui rendra l'emploi public plus attractif de notre côté de la frontière.

Les résidents français possédant la seule nationalité française, exerçant en Belgique et percevant des traitements publics de source belge se verront désormais imposés en Belgique. Afin d'atténuer les effets de ce changement, vous suggérez qu'il ne s'applique qu'aux nouveaux travailleurs. Mais la comparaison avec le statut de frontaliers a ses limites : il s'agit d'un régime historique, qui contraint la France à verser une compensation financière et qui disparaîtra en 2034.

Mixité sociale et égalité des chances à l'école

Mme Martine Filleul .  - En décembre dernier, dans une tribune, le ministre de l'éducation nationale a comparé l'école à un champ de ruines. La publication de l'indice de position sociale (IPS) documente désormais ce constat alarmant : le principe d'égalité est très largement défaillant.

Le déterminisme social frappe dès le plus jeune âge, brisant toute perspective d'égalité des chances. Au sommet d'une hiérarchie qui ne dit pas son nom trône l'enseignement privé, notamment catholique.

Dans le Nord, les voyants sont au rouge, avec un IPS de 97, six points en dessous de la médiane nationale. À Lille, ils sont même au rouge très vif, la moitié des établissements présentant un IPS inférieur ou égal à 93.

Ma question n'est pas simple -  contrairement à l'habitude : par quelles réformes structurelles le Gouvernement entend-il rétablir l'égalité républicaine et la mixité sociale en combattant effectivement la ségrégation ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Vous avez doublement raison : pour lutter contre les déterminismes sociaux, la mixité à l'école est la mère des batailles ; et l'exercice n'est pas aisé.

Assurer la transparence des IPS est une première étape. Maintenant que nous savons, il faut agir, à court, moyen et long termes. Je puis vous assurer que le ministre de l'éducation nationale en a fait un combat sincère.

Notre stratégie est construite à partir des territoires, en lien avec les élus locaux et les parlementaires, ou encore les associations de parents d'élèves.

Une politique visant à renforcer la mixité a été expérimentée, notamment, dans l'académie de Lille : révision progressive de la carte de sectorisation fondée sur des dispositifs comme les multi-établissements et le jumelage d'établissements, transformation des conditions d'affectation, accueil d'élèves boursiers dans tous les établissements, contrats de mixité incluant cordées de la réussite ou stages de réussite, enrichissement de l'offre pédagogique.

La réponse la plus fondamentale réside dans une coopération renforcée avec les collectivités territoriales en matière de transport scolaire, d'hébergement ou de restauration, afin de faciliter la mobilité des élèves.

Le 1er mars, lors du débat organisé à l'initiative de votre groupe, le ministre vous répondra plus en détail.

Mme Martine Filleul.  - Il faut une réforme structurelle et globale de notre système éducatif pour endiguer la ségrégation. En particulier, la carte scolaire doit être transformée en profondeur. Les suppressions de classes doivent cesser, la fermeté être de mise à l'égard de l'enseignement privé et les enseignants être mieux rémunérés.

Harcèlement scolaire

Mme Marie Mercier .  - Le harcèlement scolaire est un cauchemar pour un million d'enfants et de jeunes. Il les poursuit en dehors de l'école, à travers les réseaux sociaux. Leur calvaire les expose à des violences répétées et à l'isolement. Ils disent : « personne ne m'écoute, personne ne me croit ».

Un jeune de mon département, appelons-le Maël, après s'être battu pour faire admettre qu'il était victime de harcèlement, doit se battre à présent contre les institutions : il est prévu que le jeune harceleur, qui a probablement aussi besoin d'aide, reste dans l'école, et que Maël la quitte.

Madame la ministre, quel est votre ressenti à cet égard ? Ne me parlez pas de Phare, d'axes ou de piliers d'action : tout cela, nous le connaissons. Dites-nous ce que vous avez envie de faire pour aider et sauver nos enfants.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Phare, loi Balanant, programmes de lutte : ces outils sont nécessaires pour que Maël, tous les enfants harcelés et leurs parents soient accompagnés. Il faut former les encadrants et mobiliser l'ensemble des maillons de la chaîne éducative.

Le harcèlement est un fléau, un fléau ne s'arrête jamais ; il brise des familles et il tue.

Il est dur d'expliquer à un jeune adolescent que la honte doit s'inverser, qu'il n'y est pour rien. Vous m'avez demandé mon intime conviction : elle est que Maël n'a pas à partir de son établissement. La victime n'a pas à partir, au risque de se sentir deux fois pénalisée.

Face à ce fléau aggravé par les réseaux sociaux, qui brouillent les frontières entre la cour d'école et la chambre de nos enfants, il ne faut jamais avoir peur ni honte ; il faut parler chaque fois que nécessaire ; surtout, il faut une grande prise de conscience sociale.

Mme Marie Mercier.  - Oui, le harcèlement tue. Il faudra peut-être que je meure pour que cela s'arrête, a dit Maël. Je relaierai qu'il n'a pas à changer d'école.

Vous avez parlé de l'ensemble des maillons de la chaîne. Les maires, qui financent les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), la cantine et le transport scolaire, devraient être associés aux comités d'éducation. Je compte sur vous pour que les écoles s'ouvrent.

Financement de la pédagogie au collège

Mme Angèle Préville .  - Des élus du Lot m'ont alertée sur le financement de la pédagogie dans nos collèges.

Depuis plusieurs années, l'État semble s'en désengager, laissant les collectivités territoriales assumer toujours plus de dépenses. Or le financement des actions pédagogiques ne devrait pas leur incomber. En la matière, aucune logique nationale ne semble prévaloir : d'une année à l'autre, d'une académie à l'autre, les règles de financement sont devenues très variables.

La dotation des départements est destinée à la construction et à l'entretien des collèges. En outre, le conseil départemental du Lot subventionne des projets éducatifs et de prévention, voire la pédagogie elle-même, à travers l'achat de manuels scolaires. Ce choix politique engagé ne pourra peut-être pas s'inscrire dans la durée, compte tenu du contexte financier. Pourtant, les équipes éducatives devraient pouvoir compter sur des budgets pérennes.

N'est-ce pas à l'éducation nationale de donner aux établissements les moyens d'acheter des livres et d'organiser des sorties scolaires - bref, de financer la pédagogie ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - La question budgétaire est souvent soulevée à propos de l'école. De fait, l'éducation nationale est le premier budget de l'État, en augmentation de plus de 6 % cette année.

La répartition des compétences est claire : le bloc communal est responsable des locaux ; l'État rémunère les enseignants et finance les actions pédagogiques.

Un certain nombre de collectivités territoriales, que je salue, soutiennent des projets pédagogiques complémentaires : classes découvertes, école hors les murs, forums associatifs. En soutenant ainsi des projets d'établissement, les élus locaux dessinent un parcours de citoyenneté ; ils sont les premiers bâtisseurs de la citoyenneté.

L'école peut être considérée comme un lieu d'instruction exclusivement ou d'éducation, y compris à la citoyenneté et à l'engagement. Dans ce dernier cadre, les projets soutenus par les élus locaux sont des bienfaits.

L'enjeu est qu'il n'y ait pas d'inégalités selon les territoires et les sensibilités politiques. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité que les projets d'établissement soient plus nourris et qu'un fonds d'investissement soit mis en place, doté de 500 millions d'euros sur le quinquennat.

Mme Angèle Préville.  - J'espère que ce fonds servira à l'achat de manuels et autres matériels pédagogiques. Les départements ne devraient pas avoir à financer ce qui relève de la pédagogie.

Iniquité de traitement des élèves en situation de handicap en milieu urbain ou rural

M. Daniel Gueret .  - Les services départementaux de l'éducation nationale étudient actuellement la carte scolaire pour 2023-2024. Certains élus ont reçu un courrier annonçant des baisses de moyens en raison de l'évolution des effectifs. Cette approche comptable suscite l'inquiétude, et les parents d'élèves multiplient les actions, notamment dans l'Eure-et-Loir.

Élèves et enseignants des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) subiront une iniquité de traitement, car les moyens diffèrent totalement en ville ou en milieu rural, ce qui est choquant. La fermeture d'une classe a pour conséquence l'augmentation du nombre d'élèves Ulis dans les classes restantes, compliquant la tâche d'enseignants très investis, mais sans moyens. Le Gouvernement promeut l'inclusion en milieu scolaire ; quelles mesures concrètes envisagez-vous, en particulier en milieu rural, pour donner à tous ces enfants en difficulté les mêmes chances d'apprentissage, et à tous nos enseignants l'appui nécessaire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - À chaque fermeture de classe, les parents et les enseignants sont souvent mobilisés, et l'émotion est légitime. Il ne faut pas d'analyse comptable pour l'école : le rêve français, c'est celui du mérite, et de l'égalité devant la formation.

Malgré la baisse démographique et la singularité des territoires, il faut accompagner chaque élève. Aucune classe Ulis ne sera fermée l'année prochaine. En Eure-et-Loir, quatre classes Ulis seront ouvertes, alors que sur ces quatre dernières années, on compte 2 690 élèves en moins, pour onze postes d'enseignants en moins. Le taux d'encadrement moyen y est meilleur qu'au niveau national.

Les classes Ulis demandent une attention particulière. Il faut considérer la population concernée, la mobilisation essentielle des élus locaux, ainsi que les questions de distance, de mobilité, d'enclavement, de formation professionnelle. S'il y a un seul investissement à faire, c'est celui de l'école.

Rentrée scolaire 2023 en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin .  - La soustraction est-elle l'opération préférée du Gouvernement ? Le quart des suppressions de postes en lycée auraient lieu en Normandie, notamment en Seine-Maritime.

Au lycée Maupassant de Fécamp, 98 heures de dotation horaire globale (DHG) supprimées, aucun poste créé malgré le retour des mathématiques. Dans les collèges, comme à Harfleur ou Gruchet-le-Valasse, fermetures de classes, effectifs surchargés. Et les enseignants de technologie ont appris dans les médias la suppression de leur matière en 6e... Au primaire, 111 fermetures sont prévues en Seine-Maritime, notamment en milieu rural ; or nos villages sont aussi des zones prioritaires.

L'argument démographique a bon dos ! Le manque de remplaçants accroît encore les effectifs ; depuis septembre, 46 jours non remplacés à l'école Thomas Pesquet du Fontenay ! Le Gouvernement compte sur le logiciel Andjaro, « solution parfaite face au sous-effectif », mais nos enfants ont besoin d'enseignants !

Comment faire de l'école inclusive une priorité en supprimant quatre postes dans les centres médico-psychopédagogiques (CMPP) du Havre, de Rouen ou de Dieppe ? Des élèves d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) ne peuvent plus être accueillis dans certains collèges...

L'insuffisance des crédits conduit à la mise en concurrence des besoins dans une gouvernance de la pénurie. Le seul objectif devrait être la réussite des élèves.

Mme le président.  - Je suis également très attachée au lycée de Fécamp, madame la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Le message est reçu ! Il y a bien une soustraction démographique : d'ici la fin du quinquennat, on comptera 500 000 élèves en moins.

Il faut prendre en compte les besoins spécifiques des territoires, ruraux ou urbains ; dans l'académie de Normandie, il y aura 5 296 élèves en moins en 2023 ; en Seine-Maritime, les effectifs du premier degré ont baissé de 6 747 élèves depuis 2016 ; et pourtant, 270 postes ont été gagnés. Le taux d'encadrement s'améliore, même s'il n'est pas parfait.

Dans le regroupement pédagogique intercommunal de la Forêt d'Eu, 88 élèves sont attendus en 2023. La situation de l'école Thomas Pesquet s'améliore depuis l'arrivée d'une remplaçante il y a trois semaines.

Aucun outil numérique ou pédagogique ne remplacera les enseignants. Le ministre se bat pour l'attractivité de ce métier.

Mme le président.  - Comme ces sujets sont importants et que vous êtes la dernière ministre, je vous laisse dépasser un peu votre temps de parole...

Rentrée scolaire 2023 au lycée Darchicourt d'Hénin-Beaumont

Mme Sabine Van Heghe .  - Au lycée Darchicourt d'Hénin-Beaumont, la situation pour la rentrée 2023 est préoccupante. Les professeurs ont à coeur d'appliquer leur projet d'établissement, et proposent une riche offre de spécialités et d'options ainsi que de nombreux projets.

Le trop maigre abondement de la dotation horaire globale (DHG) conduira à supprimer les demi-groupes en français et en philosophie dans la voie générale, ainsi qu'en français et en mathématique pour la classe de seconde, compromettant la réussite des plus fragiles. Après une forte mobilisation de la communauté éducative, les options sont maintenues, mais certaines sont vouées à disparaître d'ici 2025.

Comment lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations en réduisant autant les moyens dans un bassin fortement marqué par la désespérance sociale ? L'an dernier, les personnels mobilisés avaient récupéré des heures d'enseignement indûment supprimées. Les moyens du second degré dans l'académie de Lille, qui baissent pour la cinquième année consécutive, doivent augmenter. Reviendrez-vous sur leur diminution, en particulier au lycée Darchicourt d'Hénin-Beaumont ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Dans ce lycée, on est passé de 1 751 à 1 659 élèves en deux ans, alors qu'au niveau national le nombre de lycéens a augmenté de 0,8 %. Les ajustements de la DHG s'inscrivent dans ce contexte.

L'équipe pédagogique y offre une large palette de formations. Le nombre d'heures par élève est de 1,26 - bien supérieur au taux national.

Les services académiques, qui suivent la situation avec attention, opéreront les ajustements nécessaires fin 2023. Le taux d'encadrement dans l'académie de Lille est l'un des plus favorables au niveau national. Au lieu de comparer, accompagnons intelligemment les plus beaux projets.

Dotation de l'association « transitions pro » de Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, dénommées associations « transitions pro » (ATpro), qui se sont substituées aux fonds de gestion des congés individuels de formation (Fongecif) en 2020.

La quote-part de la dotation allouée aux ATpro est calculée à partir de la masse salariale de chaque territoire. Or à Mayotte, où ces données ne sont ni stabilisées ni fiables, la dotation actuelle ne permet pas de répondre aux besoins. L'ATpro est contrainte à sous-traiter une partie de ses dossiers à La Réunion. Cette sous-dotation met en péril l'existence même de l'association, qui devra cesser toute activité en mars 2023.

Les retards de développement en matière d'emploi et de formation de la population active sont structurels à Mayotte. Comment comptez-vous sauvegarder l'existence de l'ATpro ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Le Gouvernement garantira l'accès au dispositif de transition professionnelle sur l'ensemble du territoire mahorais.

Actuellement, la dotation de France compétences est versée aux ATpro au prorata de la masse salariale par région ; des frais de gestion, fonction de la dotation reçue, sont ensuite négociés entre les ATpro et les services déconcentrés.

Avec ce mode de calcul, ATpro Mayotte ne peut pas bénéficier de frais de gestion suffisants. Le partenariat conclu avec ATpro Réunion pour instruire les derniers dossiers a pris fin le 31 décembre 2022 ; son renouvellement a été demandé par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Une solution sera trouvée pour remédier aux difficultés financières immédiates, mais Mme Carole Grandjean prendra contact avec les services départementaux pour trouver une solution à long terme.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Notre île rencontre des difficultés, mais nous nous battons. Je ferai part de cette bonne nouvelle aux administrateurs d'ATpro.

Travailleurs saisonniers

M. Cyril Pellevat .  - J'adresse mon soutien au ministre du travail, victime de propos qui n'honorent pas les politiques.

Essentiels au tourisme, les travailleurs saisonniers disposent souvent de deux contrats d'une durée moyenne de quatre mois, séparés par une période d'inactivité d'environ deux mois durant l'intersaison. Les contrats à durée indéterminée restent rares, malgré les efforts des entreprises.

Les effets de bord sont nombreux en matière de logement, ou encore avec la réforme de l'assurance chômage, qui requiert désormais de cotiser durant six mois. Alors qu'auparavant seules les périodes travaillées durant les six derniers mois étaient comptabilisées, les périodes d'inactivité sont maintenant prises en compte pour établir une moyenne sur dix mois, et les droits sont ouverts sur dix mois, contre six avant la réforme. L'objectif était de lutter contre ceux qui profitent du système, mais de nombreux saisonniers n'ont plus accès à l'assurance chômage, ou reçoivent une allocation diminuée.

La réforme des retraites pourrait elle aussi les pénaliser : la pension minimale de 1 200 euros ne vaut que pour les carrières complètes. Du fait de leurs périodes d'inactivité, les saisonniers devront donc travailler jusqu'à plus de 67 ans, alors même qu'ils exercent souvent des métiers physiques. De plus, on pouvait attendre un départ anticipé en raison de la pénibilité, mais les seuils définis par la loi ne seront pas atteints.

Le Gouvernement envisage-t-il d'adapter ces deux réformes pour prendre en compte les spécificités des saisonniers ? Nous craignons qu'une désertification de ces métiers ne dégrade le tourisme français. Ne faudrait-il pas créer un statut spécifique aux métiers saisonniers, inspiré de celui des intermittents du spectacle ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - La réforme de l'allocation chômage n'a commencé à s'appliquer qu'à partir du 1er octobre 2021 et n'a joué qu'à la marge sur les emplois saisonniers. Les saisonniers de carrière peuvent être touchés, mais le dispositif bonus-malus a de premiers effets positifs sur le secteur : la durée des contrats d'intérim a augmenté significativement.

Plusieurs mesures de soutien au tourisme existent, en particulier dans le plan Destination France. De nouveaux guichets d'accueil et d'orientation des saisonniers ont été installés dans les zones touristiques. Depuis octobre 2022, Pôle emploi a également mis en place des viviers de demandeurs motivés pour les métiers de l'hôtellerie, du commerce et de la restauration. Le service public de l'emploi et les opérateurs de compétences (Opco) ont également noué des partenariats.

Je ne sais pas s'il faut un régime spécifique, mais il est certain que les métiers saisonniers, agricoles ou touristiques, demandent un accompagnement particulier, notamment pour le logement. Il faut traiter cette question de manière systémique.

La séance est suspendue à 12 h 40.

Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.