Élus locaux au sein du service public de l'assainissement francilien

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à renforcer la voix des élus locaux au sein du service public de l'assainissement francilien, présentée par Mme Marta de Cidrac et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) La proposition de loi de Marta de Cidrac répond à un problème de fonctionnement réel du syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap), notamment dans ses relations avec les communes hébergeant une de ses installations ou se trouvant à proximité.

Cette lacune est apparue lors de différents incidents survenus au sein de l'usine Seine Aval ou lors de la fuite de quatre tonnes de biogaz en octobre 2022.

Des élus des Yvelines et du Val-d'Oise pointent à juste titre un manque d'information. En matière d'assainissement, la région parisienne est dotée d'une organisation spécifique, dont les membres statutaires sont le département de Paris et les départements de la petite couronne.

La conférence d'information annuelle de l'assainissement de l'agglomération parisienne n'est pas suffisante pour répondre aux attentes des élus locaux : elle ne se réunit qu'une fois par an et elle ne traite pas des sites sensibles tels que les stations d'épuration.

Faisons évoluer cette situation, car les élus locaux sont toujours en première ligne devant nos concitoyens en cas de problème. Certes, le président du Siaap a reconnu un manque d'information, mais ses actions ne sauraient suffire.

La proposition de loi a emporté la complète adhésion de la commission des lois, qui a toutefois amélioré son caractère opérationnel.

Son effectivité juridique a été renforcée en précisant son champ d'application : les communes de l'Essonne, de la Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines ne bénéficient pas des mêmes pouvoirs que les collectivités territoriales membres du Siaap. Liées au syndicat par des conventions, elles ne siègent pas aux organes de gouvernance.

La commission a choisi de préserver la gouvernance du Siaap, qui remplit correctement ses missions. Plutôt que d'octroyer une voix délibérative aux collectivités territoriales siégeant au conseil d'administration de l'organisme, tel que prévu par la proposition de loi initiale, elle a préféré leur attribuer une voix consultative, ce qui répondra aux attentes des élus tout en maintenant les équilibres existants.

Le texte améliore l'information de tous les conseillers municipaux des communes concernées grâce à deux mécanismes distincts : ils sont destinataires de la convocation, des documents annexes et de la liste des délibérations, et bénéficient d'un droit à l'information sur les affaires du Siaap ayant une incidence directe ou indirecte sur des installations de leur territoire.

J'ai mené mon travail en parfaite coopération avec Marta de Cidrac, que je remercie chaleureusement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Siaap, créé en 1970, est chargé du traitement des eaux usées de 287 communes rassemblant plus de 9 millions d'habitants. Le Siaap est un établissement public administratif et son conseil d'administration est constitué de 33 représentants : 12 pour Paris et 7 pour chacun des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Ce texte prévoit la présence des élus des communes accueillant un équipement géré par le Siaap au sein du conseil d'administration avec voix consultative.

À la suite d'une mission conduite par le préfet Gaudin, une conférence de l'assainissement a été créée en vue de renforcer l'information. Les commissions de suivi de site sont aussi des lieux d'échange et d'information.

Initialement, le texte comportait des fragilités, corrigées par un amendement de la rapporteure qui impose une double condition pour le droit à l'information : que la commune appartienne à un département non membre du Siaap et qu'elle accueille une station gérée par le Siaap. Cette évolution limitera les problèmes, même si une révision des statuts, plutôt qu'une modification de la loi, semblait préférable au Gouvernement. Toutefois, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Ce texte vise à renforcer la voix des élus locaux au sein du Siaap qui gère l'assainissement pour quatre départements de la petite couronne.

Depuis sa création en 1970, son champ d'action s'est étendu grâce à des conventions avec 187 communes. Toutefois, celles-ci ne participent pas à la gouvernance du Siaap. Cette situation est inacceptable pour les élus locaux concernés, car ils ne peuvent exercer leur mandat ni être un relais auprès des habitants, surtout lorsque des incidents majeurs se produisent, comme dans la station Seine Aval.

Je tiens à remercier les cosignataires de ce texte qui rassurera les élus et améliorera leurs relations avec le Siaap, ainsi que le président de la commission des lois et la rapporteure Catherine Belrhiti, dont je salue l'écoute. La rédaction adoptée par la commission est une première réponse aux demandes des élus locaux, en leur assurant une voix consultative au conseil d'administration. Rien de plus normal.

Un regret, toutefois : le sous-amendement de Jacqueline Eustache-Brinio n'a pas été adopté en commission, malgré l'avis favorable de la rapporteure. Il ouvrait aux communes sans station d'épuration les droits ouverts par le texte, en substituant le critère de risque au critère géographique.

La rédaction équilibrée qui a été trouvée, tenant compte des réserves exprimées au cours des débats en commission, me convient. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Menonville .  - Depuis 1970, le Siaap transporte et dépollue les eaux usées, pluviales et industrielles de plus de neuf millions d'usagers. Les risques liés aux stations d'épuration pour la santé des populations avoisinantes ne sont pas négligeables : en témoigne l'incendie de juillet 2019 dans la station d'Achères, qui a occasionné une grave pollution de la Seine. Les photos de poissons asphyxiés ont marqué l'opinion publique. D'autres incidents se sont produits récemment : ainsi, en octobre dernier, les élus ont dû attendre plusieurs jours pour apprendre la fuite de quatre tonnes de méthane dans les Yvelines.

Il convient donc de rétablir la confiance avec les élus et la population. Pour cela, ce texte facilite la transmission d'informations et implique davantage les élus, la conférence d'information annuelle de l'assainissement étant insuffisante.

Catherine Belrhiti a renforcé l'encadrement juridique du texte - je pense à la voix consultative pour les élus, qui préserve à la fois l'esprit initial du texte et l'équilibre institutionnel.

La rapporteure a aussi amélioré l'information des conseils municipaux, grâce à la transmission en amont des documents relatifs aux délibérations. Le groupe INDEP accueille favorablement cette proposition de loi qui, en associant davantage les élus à la gouvernance, est dans l'ADN du Sénat et de notre groupe. (Mme Marta de Cidrac applaudit.)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte résulte d'une série d'incidents sur le site de Seine Aval, le dernier en date étant la fuite de 4 millions de tonnes de biogaz, qui ont révélé un vrai dysfonctionnement dans la gouvernance du Siaap.

Bien que la réponse apportée soit discutable, la proposition de loi est légitime. Les clarifications proposées par la rapporteure étaient également nécessaires. Il est normal que les élus, qui sont en première ligne en cas d'incident, aient une voix délibérative. Mais s'en tenir à la gouvernance, c'est un peu court : on pouvait dire bien des choses en somme, comme dirait Cyrano...

Car le vrai sujet est la gestion des risques. L'usine d'Achères est classée Seveso seuil haut, ce qui implique des contrôles réguliers de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports.

Or la semaine dernière, une barge du Siaap a heurté la pile d'un pont, laissant s'échapper 70 à 80 mètres cubes de nitrate de calcium dans la Seine. La communication s'améliore : les élus ont été informés via la presse locale, le maire a assuré qu'il n'y avait pas à s'inquiéter, même si ce n'est pas bon pour les poissons...

Je le confirme : à Achères en 2019, trois tonnes de poissons morts sont remontées à la surface, occupant un bras entier de la Seine et dégageant une odeur pestilentielle.

De plus, l'installation fonctionne depuis en mode dégradé, avec des écoulements d'eaux non traitées en cas de forte pluie.

Mentionnons aussi les boues résiduaires de la station d'épuration d'Achères, épandues sur les terres agricoles du parc naturel du Vexin... La France n'a pas la culture du risque, a déclaré le sous-préfet au comité de suivi du 8 mai 2021. En effet, mais elle a la culture du silence... Santé publique France a relevé des taux en plomb des terres agricoles bien au-delà des seuils réglementaires. On ne peut pas exclure un effet sanitaire sur les enfants de moins de six ans.

Qui est responsable ? L'ARS, qui doit imposer un dépistage du saturnisme dans les plaines des Yvelines et du Val-d'Oise. L'État, qui collecte des informations auprès du Siaap, mais sans garantie de résultats. Le Siaap lui-même, qui doit mieux assumer les conséquences de ses activités et mieux informer.

Les élus concernés doivent avoir voix au chapitre. Malgré des interrogations profondes, le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un point d'histoire : au début du XXe siècle, seule la Ville de Paris avait les ressources et le savoir-faire pour créer un système d'assainissement, mais, jusqu'en 1975, son statut lui interdisait d'entrer dans un syndicat de communes. Elle s'est donc mise d'accord avec les petites communes qui l'environnaient pour se doter d'un outil commun, via le département de la Seine.

Si le premier projet de l'usine d'Achères remonte à 1929, l'agglomération n'a mis fin au rejet des eaux usées dans la Seine que dans les années 1990. Je rends hommage au Siaap, à ses ingénieurs et aux élus qui en avaient la responsabilité, qui ont su développer des technologies qui lui permettent de remplir sa mission - même si cela n'exclut pas des incidents et problèmes de voisinage.

Le texte précise à bon droit les informations que doivent recevoir les élus, mais présente deux défauts significatifs.

Autant une deuxième assemblée, consultative, aurait été logique, autant réunir au sein de la même assemblée délibérative des élus directement responsables et des élus n'appartenant pas à la structure est problématique.

De surcroît, la liste des bénéficiaires est trop réduite : trois communes des Yvelines, alors que beaucoup d'autres seraient intéressées.

Servons-nous plutôt de l'accord conclu il y a quelques années, avec un comité d'information dont le tour de table est plus cohérent, et n'a d'ailleurs pas été contesté. Cette liste devrait figurer dans la loi, et il conviendrait de prévoir une instance voisine du conseil d'administration - ne mélangeons pas membres consultatifs et responsables.

J'utiliserai donc le peu de sagesse qu'il me reste pour m'abstenir ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Merci aux collègues non franciliens de bien vouloir assister à ce débat...

M. Loïc Hervé.  - Paris, c'est la France !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La question est particulièrement importante pour nous, élus franciliens, car le Siaap représente neuf millions d'habitants et un budget de 1,3 milliard d'euros.

Ce texte est une mauvaise réponse, en tout cas pas entièrement satisfaisante, à une question pertinente.

Chacun le reconnaît : les élus sont insuffisamment informés en cas d'incident. L'installation d'épuration des Yvelines est à cheval sur trois communes. Classée Seveso, elle inquiète légitimement habitants et élus. 

Insuffisamment associés à la gouvernance du Siaap, les élus des Yvelines et du Val-d'Oise potentiellement concernés ont manifesté leur mauvaise humeur, demandant à entrer au conseil d'administration. Mais les faire entrer tous aurait trop élargi le conseil d'administration pour permettre un travail sérieux.

La commission des lois a donc restreint le champ des communes bénéficiaires - nous légiférons pour trois communes ! - et ne leur a donné qu'une voix consultative.

Alain Richard a bien souligné le caractère hybride de la nouvelle entité. De plus, il n'est pas certain que cela améliore l'information, car le conseil d'administration, s'il se réunit tous les mois, ne le fait pas forcément au lendemain d'un incident.

L'enjeu réside davantage dans l'amélioration de la gouvernance du Siaap. Le préfet Gaudin avait proposé une conférence annuelle d'information de l'assainissement réunissant toutes les communes concernées. C'est sans doute insuffisant, mais mon groupe politique avait proposé une conférence instituée par la loi, avec des réunions plus fréquentes. Cela nous semble toujours la solution la plus intéressante pour les élus.

Au nom de mon groupe, et comme Alain Richard, je ferai preuve de sagesse en m'abstenant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Cohen .  - Cette proposition de loi répond à une question légitime : nous nous souvenons tous de la fuite récente de plusieurs tonnes de biogaz, et du manque d'information qui avait suivi. L'information doit être transmise directement aux élus en cas d'incident, afin qu'ils puissent gérer la crise et communiquer si nécessaire.

Mais faut-il pour cela modifier la gouvernance ? Améliorer le circuit de l'information pourrait suffire. Par exemple, la conférence d'information pourrait se réunir une fois par trimestre et non plus annuellement.

Ce texte crée une rupture d'égalité entre élus. Alors que ce sont les conseillers départementaux de la petite couronne qui y siègent, on fait entrer au conseil d'administration des conseillers municipaux - mais triés sur le volet, puisqu'il s'agirait seulement de ceux de la grande couronne, l'Essonne, la Seine-et-Marne et le Val-d'Oise n'ayant pas de station d'épuration. Ce système déséquilibrerait la gouvernance du Siaap.

Il est plus cohérent et plus respectueux des équilibres de donner aux élus concernés une voix consultative et non pas délibérative. Mais cela ne suffit pas : il convient de les associer de manière responsable. Les élus municipaux, de grande ou de petite couronne, ont besoin de savoir et d'anticiper.

Il y a sans doute des améliorations à apporter à la gouvernance du Siaap, mais faire entrer quelques élus supplémentaires y suffira-t-il ? Je ne le crois pas. Cette proposition de loi servira les intérêts de quelques-uns, sans prendre en compte les intérêts de chaque commune.

Comme d'autres collègues, nous nous abstiendrons, tout en rappelant que la dépollution des eaux usées de neuf millions d'usagers, des eaux industrielles de plus de quatre cents entités est un enjeu politique qui méritait mieux... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Laurent Lafon .  - Le Siaap est une vieille machine, robuste, bien rodée, mais qui a besoin d'huile dans ses rouages pour éviter l'encrassement.

Nous avons tous en mémoire les incidents fâcheux récemment survenus à Seine Aval, première station d'épuration d'Europe. Le syndicat a tardé à plusieurs reprises à informer les communes. Ce défaut de communication répété est un raté incontestable.

Je remercie Mme de Cidrac d'avoir soulevé cette question importante, et je salue le travail de la rapporteure. Cependant, pour le groupe Union Centriste, la solution n'est pas de changer la machine ; or c'est ce que fait ce texte, en créant un objet juridique non identifié au risque d'établir un précédent hasardeux.

Intégrer des représentants des conseils municipaux au conseil d'administration du Siaap avec voix consultative ne résoudra pas le problème de communication face à l'urgence. Au vu de la situation problématique de Seine Aval, il faut que le département des Yvelines adhère au Siaap, mais nul besoin d'une loi pour cela : ne nous trompons pas de véhicule.

L'Essonne, la Seine-et-Marne et le Val-d'Oise n'ont pas vocation à rejoindre le Siaap à court terme.

Améliorer la communication de crise est nécessaire, de même qu'un élargissement ciblé aux Yvelines. Ce n'est pas ce que fait le texte : par conséquent, la majorité du groupe UC s'abstiendra.

Espérons néanmoins que cette proposition de loi sera un électrochoc salutaire pour les responsables du Siaap, qui doivent comprendre la nécessité de s'ouvrir davantage.

M. Jean-Yves Roux .  - Le RDSE a l'habitude de défendre la cause de la ruralité, menacée de décrochage à l'ère de la métropolisation. Avec ce texte, je constate, sans m'en réjouir, que même les territoires les plus urbains connaissent des difficultés en matière de concertation dans la prise de décision...

Les incidents de 2019 et 2022 à Achères ont provoqué inquiétude et colère dans la population et parmi les élus. Ils sont d'une importance majeure dans une des plus grandes usines d'Europe. En 2019, de nombreux poissons ont été retrouvés morts dans la Seine, ce qui ne contribue pas à rassurer nos concitoyens...

Il est inquiétant que les élus locaux n'aient pas été dûment informés, ou avec retard. Mme de Cidrac a raison de le déplorer, car cela alimente l'inquiétude.

Nous sommes favorables à une meilleure association des communes au syndicat. L'actuelle gouvernance n'a pas permis une information adaptée. Nous saluons donc l'initiative de notre collègue et le travail de la rapporteure, guidé par un souci d'opérationnalité.

Le texte permettra de résoudre le déséquilibre de gouvernance. La crainte a été exprimée que la voix délibérative des nouveaux membres, prévue dans le texte initial ne soit source d'imprévus, voire d'instabilité. Le travail de la commission des lois adoucit nettement le dispositif initial tout en atteignant le but visé.

Le RDSE votera ce texte qui apporte plus de transparence à la vie publique et administrative. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme le président.  - Voici le résultat du scrutin n°136 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 184
Pour l'adoption 184
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.