SÉANCE

du jeudi 16 mars 2023

72e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP et du RDSE) La CMP réunie hier sur ce PLFRSS a réussi à établir un texte commun. M. Savary et moi-même avons veillé à rester fidèles à l'esprit de la majorité sénatoriale.

Cette réforme demandera des efforts aux Français, nous le savons. Elle doit atteindre pleinement son but : ramener notre système de retraites à l'équilibre à l'horizon 2030, afin d'en garantir la soutenabilité pour les générations futures. C'est avec cet objectif à l'esprit que le Sénat, tout en inscrivant ses marqueurs dans le texte, a été soucieux de rester proche de l'équilibre.

Certains choix de la CMP se traduiront par des coûts supplémentaires par rapport au dispositif voté par le Sénat ; j'espère, toutefois, que les ministres seront en mesure de nous confirmer que le texte issu de la CMP permet le retour à l'équilibre des comptes en 2030, moyennant peut-être un ajustement de cotisations patronales entre les branches vieillesse et AT-MP.

Vous retrouverez dans ce texte les principales mesures que nous avons adoptées - et défendues, pour certaines, depuis plusieurs années : décalage progressif de l'âge d'ouverture des droits de 62 à 64 ans, accélération de la réforme Touraine, extinction des principaux régimes spéciaux avec clause du grand-père, abandon du transfert aux Urssaf du recouvrement de l'Agirc-Arrco et de la Caisse des dépôts.

La CMP a également confirmé la compensation intégrale par l'État, dès cette année, du surcoût résultant pour les employeurs publics de la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure.  - Je vous invite donc à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC) L'Assemblée nationale a été empêchée de débattre et de voter : il fallait donc recréer le débat en CMP. Après neuf heures de débats et d'avancées, un compromis a été trouvé.

Nous avons fait prévaloir nos exigences, s'agissant notamment des mères de famille et de l'usure professionnelle. Je remercie le ministre d'avoir donné son accord à un accord national interprofessionnel sur l'emploi des seniors chômeurs de longue durée.

Il convenait de prendre en compte des propositions de l'Assemblée nationale, dont certaines n'avaient pu être débattues. Une avancée importante est ainsi prévue pour les carrières longues.

Au terme de ces réflexions, nous pouvons voter sans états d'âme cette réforme, ...

M. Mickaël Vallet.  - « Sans états d'âme », comme vous dites !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - ... nettement adoucie par rapport aux propositions du Gouvernement. L'usure professionnelle est prise en compte, nous y tenions. Votons donc ce texte, qui reprend une large part des apports du Sénat. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Les deux assemblées ont donc trouvé un accord sur l'essentiel : réaffirmer notre attachement à notre système de retraite par répartition, hérité de l'après-guerre.

Le texte qui vous est soumis conjugue l'engagement du Président de la République avec de nombreuses améliorations issues des débats parlementaires. Les engagements pris devant les Français sont tenus : travailler progressivement plus pour équilibrer note système de retraite, fermer les principaux régimes spéciaux dans le respect de la clause du grand-père, augmenter la retraite minimale pour une carrière complète. Grâce au débat parlementaire, nous avons concrétisé des demandes anciennes, notamment des sapeurs-pompiers volontaires, des apprentis, des sportifs et des enseignants du primaire ; ces mesures renforceront la justice de notre système.

Chaque avancée compte, vous me pardonnerez donc d'en faire un inventaire : surcote avant l'âge légal pour les mères, CDI seniors défendu avec conviction par M. Savary avec renvoi à l'article L. 1 du code du travail cher au président du Sénat, création d'une pension de réversion pour les orphelins sur l'initiative de M. Retailleau, prise en compte des parents ayant perdu un enfant, sur proposition du groupe CRCE, du RDPI et du GEST, perte des droits familiaux pour les parents violents demandée par Mme  Billon, renforcement des droits à la retraite des élus locaux défendu par Mme  Vermeillet, revalorisation des pensions à Mayotte proposée par MM. Mohamed Soilihi et Marseille.

Ce texte est le fruit d'un équilibre politique et assure l'équilibre financier  de notre système de retraites à l'horizon 2030. Dans ces conditions, le Gouvernement lève les gages restants aux articles 2 bis A et 8. Il prévoit un transfert supplémentaire de cotisations de la branche AT-MP, qui restera largement excédentaire, à la branche vieillesse.

Je ne nie pas les désaccords persistants, non plus que l'opposition à la réforme. Mais nul, j'en suis sûr, ne contestera que le débat a bien eu lieu (murmures à gauche) : avec les partenaires sociaux, quatre mois durant, sur la prévention de la pénibilité et l'emploi des seniors, puis au Parlement, avec 74 heures de discussion à l'Assemblée nationale et 102 au Sénat. Cette réforme des retraites a été davantage discutée que les deux précédentes cumulées...

Certains prétendent la remettre en cause lorsqu'ils arriveront au pouvoir : jamais cela ne s'est produit.

Notre fil rouge était le débat contradictoire et républicain. L'opposition, mois ici qu'ailleurs peut-être, en a choisi un autre : l'obstruction méthodique, assumée dans une confusion inouïe entre la légitimité du Parlement et l'expression de la rue. (Protestations à gauche) De manoeuvres en blocages, d'attaques personnelles en comportements violents, nous avons assisté, moins ici qu'ailleurs, à une dérive dangereuse. (Mêmes mouvements)

M. Guy Benarroche.  - Merci pour vos encouragements !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - La République ne doit pas céder un pouce de terrain. Nombre d'opposants ont cité Victor Hugo, tout en foulant aux pieds son sens aigu du républicanisme. (Nombreuses marques d'indignation à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Dire cela ici !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Le Gouvernement assume d'avoir surmonté cette obstruction pour assurer la clarté et la sincérité des débats. C'est dans cet esprit que nous avons fait application des articles 44.2 et, après neuf jours de blocage des débats, 44.3 de la Constitution. Rien d'inédit : les trois précédentes réformes des retraites ont donné lieu à des votes uniques, sans parler des nombreux votes uniques sur des PLF, PLFR et PLFSS ou des textes ordinaires, comme le projet de loi de sécurisation de l'emploi en 2013.

Au moment où la navette parlementaire va s'achever, je tiens à rappeler que cette réforme s'inscrit dans l'objectif plus large du plein emploi. Le projet de loi pour le travail et le plein emploi, qui vous sera soumis dans quelques semaines, comprendra des mesures essentielles : création de France Travail, partage de la valeur, conditions de travail et qualité de celui-ci.

Merci pour votre travail et, je l'espère, à bientôt pour de nouveaux débats. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP, du RDSE, des groupes UC et Les Républicains)

M. David Assouline.  - Au revoir !

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Votre vote conditionnera les quinze prochaines années de la vie de nos concitoyens : un vote pour une génération. De ce vote dépend l'avenir d'une génération qui travaille et souhaite conserver son mode de vie au bout d'une vie de labeur. Ce vote met en jeu notre modèle social, notre vie politique et parlementaire, la capacité de notre pays à aller de l'avant. Il relève aussi d'un choix profond entre le travail et l'impôt.

Ce n'est pas seulement le point final d'une séquence difficile, qui a pu angoisser, parfois diviser, notre pays. C'est surtout la réponse à trois questions fondamentales. Voulons-nous garantir à bientôt vingt millions de retraités une retraite financée ? Est-ce le travail ou l'impôt qui fait la prospérité d'une Nation ? Les parlementaires doivent-ils défendre les valeurs et le projet pour lesquels ils ont été élus ?

Nous faisons cette réforme pour préserver le patrimoine de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre. (Exclamations à gauche) Les yeux dans les yeux, nous pourrons leur dire : vos pensions ne diminueront pas,...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Elles n'augmenteront pas non plus !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - ... vos impôts n'augmenteront pas.

Pour le Gouvernement, c'est le travail qui crée la richesse, pas l'impôt. Nous faisons le choix de l'effort et de la prospérité.

Le respect des engagements pris est au coeur du pacte entre le peuple et ses représentants ; le Sénat le sait, qui a toujours respecté ses engagements.

Votre vote, c'est la démocratie, encadrée et garantie par la Constitution sans laquelle rien n'est légitime. C'est le pacte entre les Français et leurs élus qui a permis des avancées majeures et conforté la démocratie lorsqu'elle vacillait.

C'est par le travail que nous devons financer les évolutions de notre modèle social. L'évolution démographique est implacable : notre pays vieillit et comptera vingt millions de retraités en 2030, soit un quasi-doublement en une génération. Aucun pays ne pourrait supporter un tel choc sans rien faire. D'ailleurs, presque tous les pays qui nous entourent ont réformé leur système de retraites.

Oui, nous demandons un effort, mais il ne sera pas porté par tous de la même manière. (On ironise à gauche.)

Mme Michelle Meunier.  - Ça, c'est sûr !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Quatre Français sur dix partiront bien avant l'âge légal, mais dix Français sur dix auront toujours une retraite sans hausse d'impôt ni baisse de pensions.

Taxer, taxer, taxer : c'est l'autre projet qui a émergé au cours des débats. (Protestations à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'autre projet, ce fut le vôtre !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je remercie la majorité sénatoriale d'avoir contribué à le repousser, non par idéologie mais par bon sens. (M. Thomas Dossus s'esclaffe.) Les premières victimes des hausses d'impôts seraient les Français qui travaillent dur pour faire vivre leur famille et faire tourner le pays. (Les protestations redoublent à gauche.) Taxer les plus riches et les grands groupes peut séduire, mais l'impôt de trop commence par en haut et finit par frapper en bas. (Protestations indignées à gauche)

Ce texte se fonde sur la conviction que le travail est la condition de la prospérité. Il est aussi le vôtre. (Dénégations à gauche)

Mme Laurence Cohen.  - Certainement pas !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Il prend ses racines dans des valeurs communes : travail, préservation de notre modèle social, refus de tout impôt supplémentaire. Il est le fruit d'un compromis politique patiemment construit. Les avancées qu'il comporte, les Français les devront aussi à la majorité sénatoriale.

Mme Laurence Cohen.  - Les Français n'apprécient pas vraiment...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je pense à l'expérimentation d'un CDI senior recentré sur les demandeurs d'emploi de longue durée, auquel la majorité sénatoriale tenait particulièrement, au compromis sur les carrières longues, reprenant le dispositif du groupe LR de l'Assemblée nationale sous une forme affinée, à la surcote pour les mères de famille, grâce auquel les femmes bénéficieront d'une pension revalorisée jusqu'à 5 % au titre de la naissance ou de l'éducation d'un enfant.

M. Loïc Hervé.  - C'est la moindre des choses !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Le Gouvernement a déposé un amendement à l'article 6 pour tirer les conséquences des décisions de la CMP sur la trajectoire financière des régimes. Madame la rapporteure générale, je vous confirme que l'équilibre de notre système de retraites est garanti jusqu'en 2030.

Nous sommes à un triple rendez-vous : de nos institutions, de notre modèle social et de notre prospérité.

Nos institutions garantissent la capacité de notre pays à avancer. Tout le Parlement, rien que le Parlement ; toute la Constitution, rien que la Constitution.

Nous sommes tous les héritiers des hommes et des femmes politiques qui ont eu le génie et la générosité d'inventer notre modèle social. (Nombreuses marques d'indignation à gauche ; M. Thierry Cozic proteste avec énergie.) Nous devons tout faire pour le perpétuer.

Mme Éliane Assassi.  - Pas comme ça !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Enfin, notre prospérité suppose de créer de la richesse par l'activité. C'est par le travail que nous irons de l'avant.

Soyons au rendez-vous de nos compatriotes, qui travaillent sans outrances ni blocages et veulent continuer à en récolter les fruits mérités. Soyons au rendez-vous des promesses que nous leur avons faites ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; MM. Pierre Louault, Olivier Cadic et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

J'appelle donc en discussion l'amendement déposé par le Gouvernement. Après son examen et son vote, le vote sur l'article sera réservé et nous passerons aux explications de vote sur l'ensemble.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

L'annexe est ainsi rédigée :

ANNEXE

RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE, LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DE CES RÉGIMES AINSI QUE L'OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE POUR LES QUATRE ANNÉES À VENIR

La présente annexe décrit l'évolution des agrégats de dépenses, de recettes et de soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour la période 2023-2026.

Le solde des régimes obligatoires de base a connu en 2020 sous l'effet des dépenses de crise sanitaire et de la récession qui a suivi, une dégradation sans précédent et a atteint le niveau de - 39,7 milliards d'euros. Il s'est redressé en 2021 à - 24,3 milliards d'euros, sous l'effet de la reprise progressive de l'activité et de l'atténuation graduelle des contraintes sanitaires, et est prévu en 2022 à -18,9 milliards d'euros dans la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

La reprise de l'activité économique se poursuivrait en 2023, bien qu'en ralentissement après les forts rebonds enregistrés en 2021 et en 2022. Les dépenses liées à la crise sanitaire diminueraient sensiblement cette année, tandis que le contexte de forte inflation conduirait à l'inverse à une hausse des prestations. Au total, ces mouvements conduiraient à une nette diminution du déficit cette année, qui verrait également les premiers effets de la réforme des retraites portée par le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (I). Les comptes de la sécurité sociale demeureraient toutefois fortement dégradés à moyen terme, sous l'effet de recettes durablement affectées par la crise, d'une hausse des dépenses de la branche Maladie et de la situation des comptes de la branche Vieillesse, les effets de la réforme des retraites se matérialisant seulement progressivement au gré de l'élévation progressive de l'âge de départ à la retraite et l'équilibre global du système de retraite étant en partie assuré par les régimes complémentaires de retraite, hors du champ de la présente annexe. La trajectoire présentée traduirait enfin la mise en oeuvre des mesures votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (II). La branche Vieillesse serait dans une situation de déficits élevés durant les années à venir, atténués par la montée en charge progressive de la réforme. La branche Maladie présenterait également des déficits élevés, bien que plus réduits, notamment du fait d'un transfert entre la branche Famille et la branche Maladie dès 2023. La branche Famille et la branche Accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) dégageraient des excédents. Enfin, la nouvelle branche Autonomie présenterait une trajectoire excédentaire à moyen terme, reflétant le surcroît de recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) apporté en 2024, lui permettant de financer dans la durée les dépenses prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 (III).

I.  -  Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 s'inscrit dans un contexte macroéconomique, inchangé par rapport à celui prévu en LFSS 2023, de forte poussée de l'inflation, en lien avec la situation géopolitique et sur les marchés de l'énergie, et de ralentissement marqué de la croissance attendu pour cette année.

L'hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) retenue est de 1,0 % en 2023, après 2,7 % en 2022. Le rythme d'inflation resterait toujours élevé, à 4,3 % en 2023 au sens de l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT), après 5,4 % en 2022. À moyen terme, la croissance effective du PIB serait supérieure à son rythme potentiel de 1,35 % par an et atteindrait 1,6 % en 2024, puis 1,7 % en 2025 et 2026, tandis que l'inflation refluerait pour s'établir à 1,75 % par an à cet horizon. La masse salariale du secteur privé, principal déterminant de la progression des recettes de la sécurité sociale, progresserait de 5,0 % en 2023 avant de revenir progressivement à son rythme tendanciel.

Le tableau ci-dessous détaille les principaux éléments retenus pour l'élaboration des prévisions de recettes et objectifs de dépenses décrits dans la présente annexe :

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

PIB en volume 

1,8 %

-7,8 %

6,8 %

2,7 %

1,0 %

1,6 %

1,7 %

1,7 %

Masse salariale secteur privé * 

3,1 %

-5,7 %

8,9 %

8,6 %

5,0 %

3,9 %

3,6 %

3,4 %

Inflation hors tabac 

0,9 %

0,2 %

1,6 %

5,4 %

4,3 %

3,0 %

2,1 %

1,75 %

Revalorisations au 1er janvier ** 

0,3 %

1,0 %

0,4 %

3,1 %

2,8 %

4,9 %

3,2 %

2,2 %

Revalorisations au 1er avril ** 

0,5 %

0,3 %

0,2 %

3,4 %

3,7 %

3,6 %

3,2 %

2,2 %

ONDAM 

2,7 %

9,4 %

8,7 %

2,6 %

-0,9 %

2,4 %

2,7 %

2,6 %

ONDAM hors covid 

2,7 %

3,3 %

6,3 %

5,6 %

3,8 %

2,8 %

2,7 %

2,6 %

* Masse salariale du secteur privé. Hors prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et prime de partage de la valeur ajoutée, la progression serait de 4,8 % en 2023.

** En moyenne annuelle, incluant les effets en moyenne annuelle de la revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 de 4,0 %.

La trajectoire présentée dans cette annexe repose sur les mesures votées dans la LFSS pour 2023 ainsi que la réforme des retraites présentée dans le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Le solde atteindrait ainsi -8,2 milliards d'euros en 2023.

La trajectoire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) intègre en 2023 une provision de 1 milliard d'euros au titre des dépenses liées à la crise sanitaire. La progression de l'ONDAM hors crise est par ailleurs marquée à partir de 2020 par le « Ségur de la santé ». La progression hors dépenses de crise restera soutenue, à + 3,8 % en 2023, en lien notamment avec la poursuite de la montée en charge du « Ségur » mais également avec la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022 et la compensation des effets de l'inflation sur les charges des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux (2,2 milliards d'euros d'effet cumulé). Cette progression sera également rehaussée par rapport à celle de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, alors à 3,5 %, en conséquence des annonces faites par le Président de la République lors de ses voeux aux acteurs de la santé le 6 janvier 2023.La progression tendancielle de l'ONDAM, c'est-à-dire avant mesures d'économies, atteindrait 4,4 % cette année, tenant compte, au-delà des effets liés au contexte d'inflation, de la montée en charge des mesures nouvelles dans ce champ, en ville, à l'hôpital et dans le secteur médico-social, et des économies permises par la maîtrise médicalisée et la lutte contre la fraude. L'atteinte du taux de progression de 3,8 % hors crise sera permise par les mesures de régulation et d'économies, s'élevant à un total de 1,7 milliard d'euros. Dans une perspective pluriannuelle, le taux de progression de l'ONDAM hors crise serait ramené à 2,8 % en 2024, puis à 2,7 % en 2025 et à 2,6 % en 2026.

Dans le champ des régimes de base de retraite, la trajectoire intègre les dispositions présentées dans la présente loi, portant une hausse progressive de l'âge d'ouverture des droits (AOD) de soixante-deux à soixante-quatre ans, au rythme d'un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération de la durée d'assurance requise (DAR), au rythme d'un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations jusqu'à présent. La trajectoire intègre également des mesures d'accompagnement et de hausse des minima de pensions. Ces mesures viseront en premier lieu à dispenser de la hausse de l'AOD les personnes inaptes au travail ou reconnues invalides. Elles permettront également aux assurés ayant commencé à travailler précocement de partir plus tôt que l'âge de droit commun avec notamment un renforcement du dispositif « carrières longues », développeront les transitions entre l'activité et la retraite et amélioreront les dispositifs de prévention et de réparation de l'usure professionnelle. Enfin, les minima de pension seront revalorisés pour les nouveaux retraités à partir de 2023 mais également pour ceux déjà partis à la retraite et bénéficiant du minimum contributif. La réforme emporte également des mesures en recettes, avec des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs publics (CNRACL) et par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations AT-MP. Pour les employeurs publics de la CNRACL, l'État compensera intégralement le surcoût qui en résulte dès 2023, selon des modalités définies en loi de finances. La présente annexe porte sur le champ des régimes obligatoires de base et du FSV à l'horizon 2026, mais la réforme des retraites présentée dans la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale aura des impacts financiers qui monteront en charge au-delà de 2026, ainsi que sur les régimes complémentaires. Il est également tenu compte des propositions parlementaires tendant à une harmonisation des prélèvements applicables aux indemnités de rupture. Le système de retraite pris dans son ensemble retournera ainsi à l'équilibre à l'horizon 2030. Une étude d'impact financière spécifique a été jointe au projet de loi.

Dans le champ de la famille, la trajectoire intègre, sur un horizon pluriannuel, la réforme du service public de la petite enfance ainsi que celle du complément de mode de garde et l'augmentation de l'allocation de soutien familial intervenue en novembre 2022.

Dans le champ de l'autonomie, elle intègre un plan de recrutements d'aides-soignants et d'infirmiers en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l'accroissement des moyens consacrés au maintien à domicile avec le développement des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et la mise en place de temps dédiés au lien social auprès de nos aînés bénéficiant d'un plan d'aide à domicile.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis n° 2023-1 du 18 janvier 2023 relatif au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, « considère que la prévision de croissance [pour 2023] associée au PLFRSS reste élevée » et que les prévisions d'inflation et de masse salariale sont « un peu basses ». S'agissant de la trajectoire des comptes publics et de l'impact de la réforme des retraites sur l'équilibre 2023, il considère que le « coût net estimé à 0,4 Md€ [...] est réaliste ».

II.  -  Au-delà du contexte macroéconomique, la trajectoire financière traduit la normalisation progressive de la situation sanitaire et la mise en oeuvre des mesures votées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, ainsi que la réforme du système de retraite présentée dans la présente loi.

Comme lors de la crise économique et financière de 2008-2009, la sécurité sociale a joué un rôle majeur d'amortisseur économique et social, tant en matière de prélèvements que de dépenses. Majoritairement proportionnelles au niveau d'activité, les recettes se sont fortement contractées alors que les dépenses se sont maintenues s'agissant des prestations retraites et famille, dont les déterminants ne sont pas affectés par la crise, et ont fortement progressé pour ce qui concerne la branche Maladie.

Après un net rebond en 2021, à + 8,0 % sur l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du FSV pris à périmètre constant, les recettes auraient continué de progresser de + 5,3 % en 2022 selon les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, portées par la progression de l'emploi et des salaires, dans un contexte de forte inflation produisant ses effets au-delà des règles d'indexation automatique du salaire minimum (+ 8,6 % de progression de la masse salariale privée). Dans le même temps, les dépenses ont également été dynamiques mais dans une moindre proportion. Elles progresseraient de 4,1 % en valeur en 2022. En résultante, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV diminuerait à nouveau en 2022, de 5,4 milliards d'euros, et s'établirait à 18,9 milliards d'euros.

En 2023, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV atteindrait 8,2 milliards d'euros, en très nette amélioration par rapport à 2022 (10,7 milliards d'euros). Les dépenses ne progresseraient que de 2,1 %, à la faveur d'une diminution des dépenses sous ONDAM du fait de dépenses liées à la crise attendues en net repli, provisionnées à hauteur de 1 milliard d'euros, mais avec une poursuite des effets de l'inflation sur les prestations : à la revalorisation anticipée de 4,1 % de juillet 2022 s'est ainsi ajoutée une revalorisation de 0,8 % au 1er janvier 2023 pour les retraites, et s'ajouterait au 1er avril 2023 pour les autres prestations sociales une revalorisation de 1,7 %. Les recettes croîtraient de 4,0 %, soutenues par la masse salariale du secteur privé.

À partir de 2024, les prestations continueraient d'être portées par le contexte d'inflation persistant, mais avec un effet retard moyen d'une année pour les pensions et les autres prestations, alors que les recettes réagiraient davantage au contexte contemporain de l'année. Le ralentissement progressif de l'inflation, au rythme d'un point par an environ (de 4,3 % en 2023 à 2,1 % en 2025), participerait ainsi à une dégradation du solde en 2024 et à nouveau en 2025, malgré une progression maîtrisée de l'ONDAM et la montée en charge progressive de la réforme des retraites. En 2024, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV se creuserait ainsi à 9,6  milliards d'euros, les recettes évoluant de + 4,2 %, légèrement en deçà de la dépense (+ 4,3 %). En 2025, il atteindrait 13,5  milliards d'euros, avec une progression des recettes de + 3,1 %, moindre que celle des dépenses (+ 3,7 %). Le déficit se réduirait à partir de 2026, l'effet du différentiel d'inflation d'une année sur l'autre disparaissant quasiment alors que les effets de la réforme des retraites continueraient de monter en charge. Il atteindrait ainsi 13,1  milliards d'euros à cet horizon.

III.  -  D'ici 2026, les branches des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale connaîtraient des évolutions différenciées.

La branche Maladie, qui connaitrait une nouvelle résorption de son déficit en 2022 avec un solde atteignant -21,9 milliards d'euros, verrait son solde se redresser plus nettement, à -7,9 milliards d'euros en 2023, sous l'effet de dépenses de crise attendues en très nette baisse (1 milliard d'euros provisionnés). L'amélioration du solde serait par ailleurs soutenue par le transfert pérenne du coût des indemnités journalières liées au congé maternité post-natal, de 2 milliards d'euros en 2023.

Le projet de loi prévoit un financement du fonds de prévention à l'usure professionnelle en soutien aux employeurs des établissements publics de santé et médico-sociaux. Les effets et le financement de la hausse du taux des cotisations vieillesse CNRACL sont intégrés dans la trajectoire. La branche Maladie verrait son solde s'améliorer continuellement à l'horizon 2026, en raison à la fois de recettes dynamiques et de dépenses évoluant de manière contenue. En 2026, son déficit s'établirait à 4,0 milliards d'euros.

La branche Autonomie verrait son solde passer en déficit en 2022, à - 0,4 milliard d'euros, et se creuser à nouveau en 2023, sous l'effet d'un objectif global de dépenses porté respectivement à 5,1 % et à 5,2 % dans les champs des personnes âgées et des personnes handicapées. Il atteindrait - 1,3 milliard d'euros en 2023.

À partir de 2024, la branche Autonomie bénéficiera d'une fraction de CSG augmentée de 0,15 point supplémentaire de la part de la CADES, en application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) afficherait alors un excédent de 0,7 milliard d'euros, qui diminuerait par la suite, du fait notamment de 50 000 créations à terme de postes en EHPAD et du financement de temps dédiés au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient d'un plan d'aide à domicile. La branche financera par ailleurs la meilleure prise en compte des trimestres cotisés au titre du congé proche aidant dans le cadre de la présente réforme.

S'agissant de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), son excédent passerait à 2,0 milliards d'euros en 2022, puis s'élèverait à 2,2 milliards d'euros en 2023. A partir de 2024, la branche verrait le niveau de ses cotisations baisser au bénéfice de la branche vieillesse, puis de nouveau en 2026. De plus, elle prendrait en charge de nouvelles dépenses liées à la meilleure prise en compte de la pénibilité et de l'usure professionnelle dans le cadre de la réforme. Au total, son excédent atteindrait toutefois encore 1,4 milliards d'euros en 2026.

Le solde de la branche Vieillesse des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV poursuivrait en 2022 son amélioration engagée en 2021, après le creux enregistré en 2020, à - 1,2 milliard d'euros.

À partir de 2023, le solde de la branche serait directement affecté par les effets démographiques du vieillissement (augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite) et par la dégradation marquée du solde de la CNRACL mais bénéficierait de la hausse progressive de l'âge effectif de départ portée par la présente loi. Le solde de la branche serait également particulièrement sensible au contexte d'inflation, notamment au ralentissement projeté des prix, avec comme conséquence une progression des recettes en phase avec le contexte de prix de l'année, moindre cependant que l'inflation de l'année précédente dont s'approche le taux de revalorisation appliqué au 1er janvier de l'année. Ainsi, en 2023, les revalorisations des pensions liées à la prise en compte de l'inflation porteraient la progression des charges de la branche vieillesse et du FSV à 4,5 %, contre 4,0 % pour les recettes. Le déficit de la branche, y compris fonds de solidarité vieillesse, atteindrait ainsi 2,5  milliards d'euros en 2023 et jusqu'à 11,3  milliards d'euros à l'horizon 2026. Les éléments relatifs à l'ensemble des régimes, qui permettent d'atteindre l'équilibre à l'horizon 2030, sont présentés dans l'étude d'impact du projet de loi.

La branche Famille verrait son excédent se réduire légèrement en 2022, à 2,6 milliards d'euros, reflétant le transfert d'une fraction de taxe sur les salaires à la branche Maladie décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour compenser le coût lié aux indemnités journalières dérogatoires pour garde d'enfants (1,0 milliard d'euros) supporté par cette branche.

L'excédent serait moindre en 2023 en raison du transfert de la part du congé maternité post-natal, pour 2,0 milliards d'euros, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. De plus, conformément aux engagements du Président de la République, l'allocation de soutien familial a été revalorisée de 50 % en novembre 2022. L'excédent de la branche Famille diminuerait ainsi de moitié, pour s'établir à 1,3 milliard d'euros en 2023.

À l'horizon 2026, l'excédent de la branche diminuerait et s'élèverait à 0,8 milliard d'euros, du fait de dépenses portées par l'indexation des prestations légales et de la montée en charge des mesures du quinquennat concernant la branche Famille s'agissant du complément de mode de garde et du service public de la petite enfance.

Prévisions des recettes, dépenses et soldes des régimes de base et du FSV

Recettes, dépenses et soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base

(En milliards d'euros)

 

 

2019

2020

2021

2022 (p)

2023 (p)

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

Maladie

Recettes

216,6

209,8

209,4

221,0

231,2

238,4

244,7

251,7

Dépenses

218,1

240,3

235,4

242,9

239,1

244,6

250,5

255,8

Solde

-1,5

-30,5

-26,1

-21,9

-7,9

-6,2

-5,8

-4,0

Accidents du travail et maladies professionnelles

Recettes

14,7

13,5

15,1

16,2

17,0

16,9

17,5

17,5

Dépenses

13,6

13,6

13,9

14,2

14,8

15,3

15,7

16,1

Solde

1,1

-0,1

1,3

2,0

2,2

1,6

1,8

1,4

Famille

Recettes

51,4

48,2

51,8

53,5

56,7

58,5

60,3

62,2

Dépenses

49,9

50,0

48,9

50,9

55,3

57,7

59,8

61,4

Solde

1,5

-1,8

2,9

2,6

1,3

0,8

0,5

0,8

Vieillesse

Recettes

240,0

241,2

249,4

258,9

269,8

282,0

291,2

300,2

Dépenses

241,3

246,1

250,5

261,9

273,7

290,3

303,7

314,3

Solde

-1,3

-4,9

-1,1

-3,0

-3,8

-8,2

-12,5

-14,2

Autonomie

Recettes

 

 

32,8

35,0

36,3

40,3

41,3

42,5

Dépenses

 

 

32,6

35,4

37,5

39,6

41,1

42,4

Solde

 

 

0,3

-0,4

-1,3

0,7

0,2

0,2

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale consolidés

Recettes

509,1

499,3

544,2

569,6

593,3

617,7

636,5

655,2

Dépenses

509,2

536,5

567,0

590,3

602,8

629,0

652,2

671,1

Solde

-0,2

-37,3

-22,7

-20,7

-9,5

-11,4

-15,8

-15,9

 

Recettes, dépenses et soldes du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards d'euros)

 

2019

2020

2021

2022 (p)

2023 (p)

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

Recettes

17,2

16,7

17,7

19,8

20,6

21,5

22,2

23,1

Dépenses

18,8

19,1

19,3

18,0

19,3

19,7

19,9

20,3

Solde

-1,6

-2,5

-1,5

1,8

1,3

1,8

2,3

2,8

 

Recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de baseet du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards d'euros)

 

2019

2020

2021

2022 (p)

2023 (p)

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

Recettes

508,0

497,2

543,0

571,8

595,0

619,8

639,1

658,3

Dépenses

509,7

536,9

567,3

590,7

603,2

629,4

652,6

671,4

Solde

-1,7

-39,7

-24,3

-18,9

-8,2

-9,6

-13,5

-13,1

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Cet amendement modifie l'annexe obligatoire présentant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des différents régimes. Il assure la sincérité du texte en tirant les conséquences des amendements adoptés par le Sénat et des modifications décidées en CMP.

M. Guy Benarroche.  - La commission s'est-elle réunie ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure.  - La commission ne s'est pas réunie. (Exclamations à gauche) À titre personnel, j'émets un avis favorable, car l'amendement traduit les accords intervenus en CMP et nos propres votes. (On proteste à gauche, l'amendement n'ayant pas été distribué.)

M. le président.  - L'amendement va être distribué. (Exclamations à gauche)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Tout de même !

Mme Laurence Cohen.  - Bravo ! C'est ça, la démocratie ?

M. le président.  - L'amendement est aussi consultable en ligne. (Murmures à gauche ; la distribution de l'amendement se poursuit.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous découvrons ce matin la correction du tableau proposée par le Gouvernement à la suite de la CMP. Je demande une suspension de séance de quelques minutes pour permettre à la commission d'examiner l'amendement. (Exclamations à gauche)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Cet amendement est long parce qu'il reprend la totalité de l'annexe, mais il opère une seule modification : un nouveau transfert de la branche AT-MP vers la branche vieillesse, à hauteur de 700 millions d'euros, pour garantir l'équilibre du système.

Rappel au Règlement

Mme Laurence Cohen.  - Je me fonde sur l'article 44. Je remercie la présidente de la commission des affaires sociales de réunir enfin la commission... Pendant tout l'examen du texte, ce privilège nous a été refusé, malgré tous nos rappels au Règlement, au mépris de la démocratie ! (On le conteste sur de nombreuses travées à droite.)

Un amendement de sept pages dont nous devrions prendre connaissance en quelques instants, si ce n'est pas bafouer les droits des parlementaires...

Quelques minutes grappillées grâce à la générosité de la présidente, nous prenons ; mais nous dénonçons la façon dont les parlementaires, notamment d'opposition, sont traités, car c'est une remise en cause du parlementarisme. (Applaudissements à gauche)

La séance, suspendue à 9 h 35, reprend à 9 h 50.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure.  - La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement.

Toutefois, je pense qu'il y a eu un défaut de méthode. (Marques d'ironie à gauche)

Mme Michelle Meunier.  - Merci de le reconnaître !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure.  - J'assume ma part de responsabilité, mais, messieurs les ministres, nous aurions dû disposer d'un premier tableau après les votes intervenus au Sénat, pour informer nos collègues. Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement, déposé quelques minutes avant le vote final, est peu lisible, alors qu'une seule ligne budgétaire change : je trouve la méthode très contestable.

M. Victorin Lurel.  - Ne votez pas, dans ce cas !

L'amendement n°1 est adopté.

Explications de vote

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Annick Billon et Évelyne Perrot applaudissent également.) La CMP a marqué une étape importante, après un examen tronqué à l'Assemblée nationale. Au terme de la procédure parlementaire, le texte a plus que doublé de volume.

Nos collègues députés, empêchés de débattre du report de l'âge légal, des carrières longues et des équilibres financiers, ont pu, cette fois, examiner les articles correspondants ; les différentes sensibilités se sont exprimées.

Soucieux de la pérennité de notre modèle social, le Sénat défend de longue date cette réforme, rendue nécessaire par les évolutions démographiques et sociales. Le vieillissement fait émerger des besoins sociaux accrus.

Notre choix implicite de consacrer une part importante de la richesse nationale aux retraites devait être clarifié et discuté. Une part des gains d'espérance de vie doit être mobilisée pour la consolidation du financement des retraites. D'autant que les sexagénaires d'aujourd'hui ne sont pas ceux des années cinquante et que notre système de retraite s'est enrichi de dispositifs de solidarité au bénéfice des publics les plus vulnérables, sur lesquels cette réforme pèsera donc moins que les précédentes. (On le conteste à gauche.)

Le Sénat a tenu à prendre en considération ceux qui ne peuvent travailler plus longtemps. Ce texte comporte aussi des avancées pour les étudiants, les apprentis et les élus locaux. Il s'inscrit dans la tendance d'élargissement et d'enrichissement de notre système social.

Le texte issu de la CMP garantit l'avenir de notre système de retraite, sans faire peser l'effort sur ceux qui ne pourraient le supporter. Le groupe Les Républicains invite le Sénat à prendre, en le votant, ses responsabilités avec courage, comme il l'a fait de manière constante.

Nous sommes conscients qu'il doit s'accompagner de changements profonds dans la prise en compte des salariés les plus âgés ; ils ont toute leur place dans notre économie en pénurie de main-d'oeuvre. Ce chantier relève avant tout des entreprises et des partenaires sociaux, mais le Sénat répondra présent si des changements législatifs s'avèrent nécessaires, comme il l'a fait sur toutes les réformes du marché du travail.

La retraite ne saurait être le seul horizon des jeunes, qui ont toute leur vie à construire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cadic et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Après plus de 100 heures de débats au Sénat, nous y sommes enfin ! Le groupe INDEP votera la réforme des retraites. Il ne s'agit pas pour nous de vendre du rêve aux Français, mais de fonder notre politique sur la réalité : 4 cotisants pour 1 retraité en 1950, 1,7 aujourd'hui.

Il n'était pas concevable d'augmenter les cotisations, au détriment du pouvoir d'achat des Français. Décaler l'âge de départ est la seule solution réaliste alors que l'espérance de vie continue à progresser. Nous regrettons toutefois que l'ajout d'une dose de capitalisation n'ait pas été retenu.

Si bien des Français sont inquiets sur les carrières longues, la CMP a trouvé une solution, issue d'une proposition du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale. Le groupe INDEP avait proposé un amendement à ce sujet. Nous nous réjouissons de la possibilité d'un départ avant 43 annuités pour les travailleurs ayant commencé tôt, malgré un coût de 700 millions : le consensus est possible.

En outre, le texte contient des mesures de justice sociale. Les régimes spéciaux ont été conçus à une époque où les conditions de travail l'imposaient. Les progrès effectués depuis justifient leur suppression.

Nous saluons la surcote de 5 % pour les mères de famille ayant effectué une carrière complète, qui prend en compte l'éducation qu'elles dispensent aux enfants. Il est juste d'intégrer les indemnités journalières de maternité dans le calcul de la pension.

La prise en compte de l'assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) pour les aidants est bienvenue ; elle bénéficiera à 40 000 personnes.

Sceptiques sur le CDI senior, nous sommes rassurés par son caractère expérimental.

Les échanges entre générations sont une richesse : à la future loi sur le travail de les encourager.

Nous soutenons cette réforme qui pérennise notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements à gauche) Ce texte est le fruit d'une CMP sans suspense, avec un réaménagement à la marge, négocié en amont avec le Gouvernement pour assurer le vote de la droite.

Le compromis final préserve la philosophie de la réforme : travailler plus par le report de l'âge de départ à la retraite. Le CDI senior du Sénat est cantonné à une expérimentation pour libérer quelques centaines de millions d'euros au bénéfice des carrières longues, conditionnant quelques votes à l'Assemblée nationale. Ainsi, la droite sénatoriale abandonne ses amendements pour éviter un 49.3 à l'Assemblée nationale après avoir consenti au 44.3 au Sénat. Cette réforme qu'elle défend depuis des années valait bien qu'on sacrifie le rôle du Parlement !

L'injustice, la brutalité et la dimension productiviste de la réforme sont inchangées. Elle ferait gagner un point de PIB, au prix d'un allongement du sas de précarité, de l'explosion des arrêts maladie et du chômage - un coût social inédit, une aggravation de la fracture sociale.

Un point de PIB, vanté à coups de mensonges sur les 1 200 euros et de marchandages entre les droites, avec pour but de financer les baisses d'impôt des plus fortunés.

Un point de PIB, en imposant la concurrence entre travailleurs après avoir dégradé les conditions de travail et restreint les droits au chômage.

Un point de PIB, à contre-courant des transformations sociétales : crise de l'attractivité, vagues de démission, ras-le-bol contre la subordination salariale, manque d'autonomie et de sens au travail.

Un point de PIB, que vous grappillez sur le travail en aggravant l'inégal partage des richesses, alors que les dividendes explosent.

Un point de PIB, qui ignore l'utilité des services non marchands et les défis sociaux et climatiques du siècle.

Un point de PIB, contre les préconisations du Giec, arraché à la Terre alors que la France dépasse déjà six des neuf limites planétaires.

Un point de PIB, parce que vous êtes incapables d'imaginer une prospérité sans croissance, alors qu'il faudrait réduire le temps de travail.

Un point de PIB, enfin, en bafouant les corps intermédiaires, en brutalisant le Parlement, en ignorant le refus du peuple. Vous vous trompez ! Votre refus du référendum est un aveu de faiblesse.

Retirez votre projet ou soumettez-le au référendum, car vous n'avez pas de mandat du peuple français pour cette réforme. Le GEST ne la votera pas, et vous appelle à la responsabilité. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) Après 74 heures de débat à l'Assemblée nationale, 109 heures au Sénat et 9 heures en CMP, reconnaissons que nous aurons eu le temps de débattre sur le fond. L'obstruction d'une minorité n'aura pas empêché la majorité d'entre nous de jouer notre rôle : améliorer le texte et voter la loi.

Mme Éliane Assassi.  - Contre le peuple !

M. Xavier Iacovelli.  - Ce texte est le fruit de toutes nos sensibilités. Le compromis trouvé vise à équilibrer notre système de retraite tout en assurant des droits et progrès nouveaux.

Le travail est au coeur de la réforme : plus qu'une contrainte, il est une source d'épanouissement et de dignité pour beaucoup.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Xavier Iacovelli.  - Oui, certains métiers sont usants, pénibles. Il faut donc adapter notre système aux plus fragiles. Parmi les avancées de ce texte figurent le renforcement des droits familiaux, avec la surcote pour les mères ayant la durée de cotisation requise à 63 ans, l'extension aux professions libérales de la majoration au troisième enfant ou encore la prise en compte des congés maternité.

La CMP a conservé la proposition d'Annick Billon privant de l'attribution de trimestres les parents condamnés pour violences et maltraitance...

M. Loïc Hervé.  - Beau travail !

M. Xavier Iacovelli.  - ... et celle de Laurence Rossignol attribuant à la mère un minimum de deux trimestres de majoration au titre de l'éducation des enfants, ce qui protège les femmes.

Citons encore la réversion de la pension pour les orphelins, la revalorisation des retraites et de l'Aspa à Mayotte, la prise en compte des carrières hachées des aidants, l'intégration des stages dans le calcul des droits à la retraite, les majorations pour les sapeurs-pompiers.

Enfin, le texte assouplit le dispositif carrières longues en ajoutant des seuils à 18 et 21 ans. Nous garantissons ainsi qu'aucune personne ayant commencé avant 21 ans n'aura à travailler plus que 43 annuités. (« C'est faux ! » à gauche.)

Le compte professionnel de prévention est élargi, et un fonds d'investissement de 1 milliard d'euros consacré à la prévention de l'usure professionnelle est créé.

Ce texte a été considérablement enrichi par le Sénat, renforçant le rôle de notre chambre dans la fabrique de la loi. Nous votons pour une société plus solidaire, prospère et pérenne, faisant le choix de la responsabilité, du travail, de l'équité. Le RDPI votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements à gauche) J'avais préparé un texte pour cette séance, mais après avoir entendu les propos des ministres et d'autres, je vous parlerai plutôt avec mes tripes. (Murmures à droite, qui suscitent l'agacement à gauche)

M. le ministre Dussopt a expliqué à quel point le débat parlementaire s'était mal passé dans les deux chambres - certes, moins mal au Sénat - et a critiqué notre manière de travailler. Mais nous avons travaillé très sérieusement ! (Applaudissements à gauche) Oui, nous avons utilisé notre droit d'amendement - sinon, comment aurions-nous pu débattre puisque tout était fait, à commencer par le choix du véhicule législatif, pour nous en empêcher ? Nous voulions vous pousser dans vos retranchements, car nous accompagnons le mouvement social, ces millions de salariés qui ne veulent pas du report de l'âge de départ à la retraite. (Applaudissements à gauche)

Monsieur Attal, comme d'habitude, vous nous promettez la faillite, l'enfer. Ce n'est pas sérieux.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Merci, madame la sénatrice.

Mme Monique Lubin.  - Nous avons proposé d'autres solutions pour combler le déficit qui se profile. Vous souriez, monsieur le ministre, mais les salariés, eux, n'ont pas envie de rire !

Chacun sait comment fonctionne une CMP. (M. Jérôme Bascher ironise.) Elle a duré car nous vous avons contraints à aborder tous les articles, mais tout était bouclé dès hier matin, dans l'intérêt non des salariés mais du Gouvernement et du Président de la République. (Applaudissements à gauche) Il vous fallait sauver la face, tant la réforme est contestée.

Nous ne voulons pas des 64 ans qui pénaliseront ceux qui travaillent depuis longtemps, à des métiers pénibles, pour de faibles salaires. Vos mesures d'atténuation ? Le contrat senior, payé par la branche AT-MP, est un énième cadeau aux entreprises. À croire qu'elles ne recrutent qu'en fonction des cadeaux fiscaux et sociaux ! (Applaudissements à gauche)

La surcote pour les femmes ? Une femme de 62 ans pouvait choisir d'aller jusqu'à 64 ans avec 10 % de surcote ; désormais, elle y sera obligée, avec - royalement - une surcote de 5 %. (Applaudissements à gauche)

Les petites pensions ? Quel fiasco ! Deux millions de personnes devaient voir leur retraite améliorée, il n'en sera rien.

Les carrières longues ? Personne n'y comprend rien. Espérons que les bénéficiaires seront nombreux, puisque ce texte frappe ceux qui travaillent déjà depuis longtemps. Comment allez-vous réparer ce pays que vous êtes en train de fracturer durablement ? (Applaudissements nourris et prolongés à gauche)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements à gauche) Sans surprise, la CMP a abouti. À dix sur quatorze, vous avez voté les 64 ans. Quelle légitimité ?

M. Xavier Iacovelli.  - C'est la majorité !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les parlementaires LR, centristes et Renaissance sont favorables à la mesure. Nous allons adopter les conclusions sans mise en ligne du rapport, mais à droite, plus rien ne vous gêne : vous voterez !

Plusieurs voix à droite.  - Oui !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La CMP n'était pas encore achevée que vous l'annonciez conclusive dans un communiqué.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ça, c'était les députés !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous n'oublions pas que l'amendement réécrivant l'article 7 a fait tomber plus d'un millier d'amendements.

Alors que l'immense majorité des Français est opposée à la réforme, dix personnes, en CMP, décident notre avenir ! À la crise sociale et environnementale, le Gouvernement et la droite ajoutent une crise parlementaire et démocratique, en usant des artifices de la Constitution et du Règlement. Le peuple était dans la rue hier pour la huitième fois, pour dire non.

Votre obsession s'est transformée en aveuglement. Le texte de la CMP acte une réforme profondément injuste. Dès septembre, des milliers de personnes devront retarder de deux ans leur pot de départ à la retraite. Le Gouvernement a accepté le contrat de fin de carrière des Républicains ; en 2006, une mesure analogue n'avait eu aucun effet. Pour résorber le déficit, luttez plutôt contre la fraude patronale aux cotisations sociales et l'évasion fiscale !

L'équilibre n'est pas assuré par votre réforme mais bien par la baisse de la subvention d'équilibre de l'État au régime, notamment le gel du point d'indice et la diminution du nombre de fonctionnaires. Ce sont vos politiques d'austérité et de réduction de la masse salariale publique qui ont déséquilibré le système, comme l'a noté le COR lui-même. Les choix de la droite sous Nicolas Sarkozy permettent aujourd'hui aux Républicains d'exiger la généralisation de la capitalisation.

Le refus de taxer les plus riches ou les dividendes ou d'élargir l'assiette de cotisation montre bien qui vous protégez. Vous faites passer les intérêts financiers avant la prise en compte de la pénibilité - pour preuve, la suppression des régimes spéciaux.

Nous avons assisté à un marché de dupes entre le Gouvernement et les Républicains qui ont renoncé à leurs amendements sur les carrières longues et les risques chimiques. Vous portez un projet de classe contre les travailleurs et les travailleuses.

La fébrilité du pouvoir monte, avec la menace du 49.3. Vous pouvez utiliser tous les coups de force antidémocratiques, vous ne convaincrez pas les Français. Notre groupe s'opposera jusqu'au bout à cette réforme et soutiendra le mouvement social. (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Nous abordons la dernière ligne droite de ce texte, que le groupe UC votera majoritairement. (« Ah ? » à gauche)

Le Sénat et sa majorité ont été à la hauteur de l'enjeu, sourds à la démagogie (on ironise à gauche) dont le triomphe est passager mais les ruines éternelles, disait Péguy. (Applaudissements à droite et au centre) La majorité sénatoriale a donné le la, et je rends hommage au travail des rapporteurs.

Quant au texte, il ne mérite ni excès d'indignation ni enthousiasme démesuré : il n'est ni le diable ni la mère des réformes.

Mme Laurence Rossignol.  - Un vrai centriste !

M. Olivier Henno.  - Il assure la survie de notre régime par répartition, et évite à notre pays de s'endetter pour payer ses retraites. Il y a une bonne dette - pour la recherche, les infrastructures, pour l'avenir - et une mauvaise dette - celle qui finance le fonctionnement, au demeurant interdite aux collectivités. S'endetter pour payer les retraites est le comble de l'irresponsabilité. Chers collègues, pour citer Shakespeare, les mots ne paient pas les dettes ! (Applaudissements à droite et au centre)

Ce texte conforte notre système par répartition pour plusieurs années. Parmi les avancées : l'égalité entre les femmes et les hommes, l'emploi des seniors, les dispositifs en faveur des TUC, des aidants, des élus qui gagnent moins de 1 830 euros par mois, la prise en compte de la pénibilité, des carrières longues. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Pourquoi une telle hostilité ? Notre système est injuste, c'est vrai - mais cela ne date pas d'aujourd'hui. On vous avait moins entendu lors de la réforme Touraine. Il sera moins injuste désormais. Nous attendons peut-être trop d'une réforme des retraites, qui n'a pas vocation à corriger toutes les injustices de notre modèle social.

La tension tient aussi au manque de dialogue social. La faute originelle de l'exécutif est d'avoir enjambé les corps intermédiaires. C'est pourquoi nous réclamons la tenue d'une grande conférence sociale. Travail, salaires, assurance chômage, emploi des seniors, santé, logement : sur tous ces sujets, la société française a besoin d'apaisement. Cela passe par un paritarisme refondé.

Pour ma part, j'ai le sentiment d'avoir vécu un beau moment parlementaire. (« Merci ! » à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Grâce à nous ! (Sourires)

M. Olivier Henno.  - Le Sénat représente les territoires et c'est son honneur. Nous avons apporté la réponse la plus forte à ceux qui nous ont parfois caricaturés en Bundesrat. Le Sénat est bien un parlement de plein droit, un pilier de la République. Vive le Sénat, vive la République ! (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains ; Mme Colette Mélot et M. Bernard Fialaire applaudissement également.)

M. Loïc Hervé.  - Et vive Olivier Henno !

M. Stéphane Ravier .  - Aujourd'hui, nous avons un vote crucial... (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'avez jamais été là pendant le débat !

Mme Laurence Rossignol.  - Vous avez été absent quinze jours !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous avez retrouvé la porte du Sénat ?

M. Stéphane Ravier.  - Crucial pour éviter d'infliger de nouveaux sacrifices à nos compatriotes ; pour réconcilier les Français avec la démocratie parlementaire ; pour signifier que la droite ne sert pas la soupe à Macron ; pour que la gauche expie tant l'appel à voter Macron en 2022 qu'une tenue parlementaire d'aussi mauvais goût que sa tenue vestimentaire. (Exclamations indignées à gauche)

Nous sommes des parlementaires libres. En tout cas, moi je le suis.

M. David Assouline.  - C'était bien, les vacances ?

M. Stéphane Ravier.  - L'exécutif est piégé : il avait promis la réforme à Bruxelles en contrepartie du plan de relance. C'est une réforme économique, idéologique et non sociale. Ce sera sans nous, sans moi ! Nous sommes pieds et poings liés à l'Union européenne, à laquelle nous contribuons à hauteur de 10 milliards d'euros par an : en voilà, des économies !

Je ne nie pas les difficultés du système par répartition - la faute aux gouvernements qui ont abandonné notre tissu agricole et industriel à une concurrence étrangère déloyale, nous privant de cotisants. On s'évite aussi de tailler dans des gisements d'économie tabous : la fraude sociale, 20 à 30 milliards d'euros, la fraude fiscale, 40 milliards, les cabinets de conseil, 2,5 milliards, la fraude à l'immigration (« Ah ! » à gauche) des dizaines de milliards d'euros !

Malgré un taux record de prélèvements obligatoires, l'État, par couardise, n'envisage pas de baisser les cotisations qui pèsent sur la croissance. Il préfère sacrifier les travailleurs et les mères de famille à son allégeance européiste, alors qu'il faudrait revenir à un État stratège, soutenir l'industrie et le monde paysan et encourager la natalité française - exclusivement française. (Exclamations ironiques et marques de consternation à gauche)

Quand le président Macron prend une cuite à Kinshasa, ce n'est pas aux Français d'avoir la gueule de bois. Refusons ce grand déplacement en faisant un bras d'honneur à ce projet de loi injuste !

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Le Sénat a débattu plus de 100 heures sur ce texte, mais la forme l'a trop souvent emporté sur le fond : amendements et sous-amendements déclinés à l'infini, petit livre vert brandi à tout moment : tous les outils de l'obstruction ont été utilisés. (Exclamations à gauche)

Le Parlement n'en sort pas grandi. Il a fallu utiliser le 44.3 pour pouvoir se pencher sur tous les articles.

À l'évidence, les tendances démographiques menacent l'équilibre de notre régime, qui supporte mal l'allongement de l'espérance de vie. Tous les métiers ne se valent pas, et il faut tenir compte de certaines situations : exposition au risque, accidents de la vie, manque d'emploi pour les seniors, carrières précoces pour qui « une retraite bien méritée » n'est pas une vaine expression !

La CMP a-t-elle trouvé un équilibre ? Ses travaux portent la marque du Sénat. L'index seniors a été maintenu. Je ne reviendrai pas sur les apports du Sénat, sinon pour saluer les mesures sur les carrières longues et regretter le recul sur l'usure professionnelle. La balle est désormais dans le camp de l'Assemblée nationale.

Différentes sensibilités existent au sein de mon groupe, et chacun votera selon ses convictions.

M. François Bonhomme.  - Une surprise !

M. Jean-Claude Requier.  - Pénibilité, carrières longues, engagement bénévole, possibilité de rachat de trimestres : une dizaine de nos amendements ont été adoptés, dont certains ont prospéré en CMP, notamment pour les apprentis, les étudiants, les travailleurs handicapés, les sapeurs-pompiers volontaires ou les femmes.

La solidarité continue de présider au régime de répartition créé en 1945, auquel nos concitoyens sont très attachés. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Le PLFRSS, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la CMP, modifié par l'amendement du Gouvernement, est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°251 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 193
Contre 114

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président