Gestion différenciée de la compétence « eau et assainissement »

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence eau et assainissement, présentée par M. Jean-Yves Roux et plusieurs de ses collègues.

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et UC) J'ai le plaisir de vous présenter une proposition de loi pour une gestion différenciée de la compétence eau et assainissement.

Questions orales et questions écrites à l'Assemblée nationale comme au Sénat, propositions de loi de nos collègues Arnaud et Darnaud et travaux de la délégation aux collectivités territoriales : la thématique revient souvent dans le débat. De l'Association des maires de France (AMF) à l'Association des maires ruraux de France (AMRF), les associations d'élus manifestent régulièrement leurs réserves croissantes sur le transfert obligatoire de ces compétences aux intercommunalités.

S'il s'est fait, bon an mal an, pour les communautés d'agglomérations, les obstacles s'accumulent dans les communautés de communes.

Il peut paraître agaçant de remettre sur la table ce que certains, avec morgue, dénoncent comme une lubie sénatoriale, un problème de fuites d'eau ou une agitation rurale. Mais si le problème est remis sur la table, c'est qu'aucune solution n'a été trouvée. Or les territoires ruraux contiennent la grande majorité des linéaires de cours d'eau à entretenir.

La loi Engagement et proximité autorise les communautés d'agglomération et de communes à déléguer les compétences eau, assainissement ou traitement des eaux pluviales aux communes ; la loi Ferrand du 3 août 2018 a ouvert la possibilité de reporter le transfert au 1er janvier 2026 pour les communautés de communes. De fait, six ans après la loi NOTRe, un tiers seulement de celles-ci exercent cette compétence.

Est-ce étonnant ? Le questeur Sueur, pourtant favorable à ce transfert, mais démontrant par là sa connaissance fine du territoire (M. Jean-Pierre Sueur remercie l'orateur), soulignait dès l'examen de cette loi que la situation était si complexe que le transfert demanderait du temps. Le Président Gontard aurait préféré laisser le choix et garantir de la visibilité aux communes.

Aurions-nous dit mieux ? Faut-il attendre un mouvement spontané de transferts avant 2026 ? Je crois peu au ruissellement, comme aux stratégies d'assèchement financier.

Les communes qui n'ont pas encore transféré cette compétence respectent la loi : elles peuvent prétendre à des financements de l'Agence de l'eau ; les écarter des subventions pour des motifs tatillons ne les incitera pas à transférer.

Peut-on prendre le risque du sous-investissement, ou le risque démocratique de la démission des maires ? Les plus petites communautés de communes n'ont pas la surface financière nécessaire pour assurer la compétence ; elles ne souhaitent pas non plus opter pour des délégations complexes.

Optons pour un cadre conceptuel plus souple. Ce cadre, c'est celui de la loi NOTRe, qui reconnaît l'existence des communautés de communes de plus de 5 000 habitants, c'est celui de la loi Montagne, qui reconnaît la différenciation territoriale - que la ministre Jacqueline Gourault définissait comme « un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités. »

Les élus concernés, maires et conseillers intercommunaux, échaudés par l'âpreté de leurs missions, ne consentiront au transfert que s'il s'effectue dans de bonnes conditions et n'engendre pas une augmentation inconsidérée du coût de l'eau.

Les élus sont conscients de leur responsabilité. M. Béchu le rappelait : la nature ne nous laisse pas le choix. La réponse sera collective. L'AMF a évoqué des pistes de différenciation sur lesquelles il sera utile de s'appuyer. Elle recommande un exercice de proximité de la compétence - il est plus difficile de réparer une fuite à 80 km du siège... - et souligne un risque de doublon et une forte augmentation du personnel consacré à cette charge, alors qu'il s'agit de métiers en tension.

L'AMF s'inquiète surtout des conséquences sur l'augmentation du prix de l'eau. Les élus de montagne, pragmatiques, mettent en avant des traditions de mutualisation, notamment au sein des syndicats intercommunaux.

Le rapport de la délégation à la prospective Comment éviter la panne sèche nous invite à ne pas laisser cette question aux techniciens, d'autant que la gestion de l'eau se repolitise. La gestion différenciée replace les élus au coeur de la bataille contre la sécheresse. Je vous propose, madame la ministre, de lever le verrou du transfert au 1er janvier 2026 et de mettre en oeuvre des conventions décentralisées. Écoutons les élus, écoutons le Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes CRCE, UC et Les Républicains)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois .  - Ce texte a une ambition simple : supprimer le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes au 1er janvier 2026. Il reprend une position constamment défendue par le Sénat depuis la loi NOTRe. Le Gouvernement a remis en cause la liberté des communes par des amendements déposés à l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Qui a voté la loi NOTRe ?

Mme Cécile Cukierman.  - Pas nous !

M. Alain Marc, rapporteur.  - En CMP, le transfert a été repoussé à 2020. Par la suite, le Sénat a tenté d'obtenir le caractère facultatif du transfert par différents véhicules, notamment grâce à la proposition de loi Retailleau en octobre 2017, votée à l'unanimité par le Sénat mais renvoyée en commission par l'Assemblée nationale. La loi Ferrand-Fesneau du 3 août 2018 a repoussé l'échéance au 1er janvier 2026...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'était une bonne chose !

M. Alain Marc, rapporteur.  - La loi Engagement et proximité de 2019 a permis la délégation de la compétence à l'échelon inférieur, et la loi 3DS de 2022 a rendu possible la conservation des syndicats intercommunaux déjà créés après 2026.

Mais ces mesures sont d'ampleur limitée. L'échéance du 1er janvier 2026 est proche. Les arguments justifiant la suppression de l'obligation sont toujours d'actualité : risque d'augmentation des prix, manque de connaissance des réseaux, inadaptation à la réalité géographique et hydrique -  qui, souvent, n'est pas la même que la réalité administrative.

De nombreuses communautés de communes ne souhaitent pas exercer la compétence, particulièrement celles de 5 000 habitants - M. Darnaud en est témoin. (M. Mathieu Darnaud le confirme.)

Moins de 39 % des communautés de communes exercent la compétence eau, moins de 50 % l'assainissement. Lorsqu'elles étaient pertinentes, les mutualisations ont eu lieu depuis longtemps. L'idée que la mutualisation fera baisser le taux de fuite des réseaux n'est pas sérieuse : il n'y a pas de fonds de concours supplémentaires à attendre (M. Jean-Michel Arnaud applaudit) et plus on est près, plus on est efficace.

Ce texte a donc emporté la complète adhésion de la commission, qui en a renforcé le caractère opérationnel. La rédaction de la commission entend donner son plein effet au principe de différenciation consacré par la loi 3DS. Ainsi les compétences déjà transférées pourront revenir à tout moment aux communes sur la demande de ces dernières, si une majorité des conseils municipaux la demandent. Pour éviter des transferts retours à des petites communes qui n'en voudraient pas, un mécanisme de transfert à la carte est prévu. Enfin, en cas d'accord entre la commune et la communauté de communes, la restitution pourra avoir lieu.

La commune pourra mettre fin à la convention de délégation avant son terme, afin de la renégocier. La commission a aussi créé un mécanisme de délégation de compétences à un syndicat plus souple que le droit commun.

J'ai travaillé en parfaite entente avec Jean-Yves Roux, mais aussi avec Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et tous les collègues des territoires ruraux qui m'ont fait part de leurs préoccupations. Nous avons su formuler des pistes de solutions équilibrées et consensuelles, dans l'intérêt des communes. (Applaudissements sur les travées dRDSE et des groupes UC, Les Républicains et CRCE ; Mme Viviane Artigalas et M. Sébastien Pla applaudissent également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Ce sujet fait l'objet d'un fort intérêt de la part des élus locaux. Le débat est aussi passionnant que passionné. Le Gouvernement est attaché à ce qu'il soit traité à la hauteur des enjeux. Je ne parle pas seulement au nom du Gouvernement, mais aussi en mon nom personnel : en tant que maire, je suis persuadée que la mutualisation est une ardente nécessité.

Quelle est la situation, après dix ans d'efforts collectifs ? Seulement 14 % des communes appartenant à une communauté de communes exercent encore la compétence eau. Elles se sont saisies du report du transfert au 1er janvier 2026 - soit qu'elles aient été durement frappées par la sécheresse, soit qu'elles ne souhaitent pas s'en dessaisir.

Le Gouvernement a prévu des assouplissements...

M. Jean-Michel Arnaud.  - Parlons-en !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Mais vous estimez qu'ils ne suffisent pas, et qu'il faut revenir sur une loi votée voici plus de dix ans.

Je ne peux qu'adhérer à la différenciation, mais je ne peux pas non plus passer sous silence tout ce que la mutualisation apporte pour la protection de la ressource, la sobriété dans son utilisation, la qualité de l'eau et une meilleure allocation de l'eau pour nos infrastructures.

Nos ressources en eau sont mises sous tension, voire menacées. L'équilibre entre les 5,5 milliards de mètres cubes que nous prélevons et ce que nous restituons au milieu naturel à travers le petit et le grand cycle de l'eau se dégrade continuellement ; 2 000 collectivités ont été en tension ou en rupture d'alimentation ; 110 bassins-versants sont déjà en déséquilibre structurel au mois de février, entraînant des restrictions d'utilisation. C'est le champ qu'on ne peut plus irriguer, le puits à sec, la citerne qu'on doit monter au village...

S'il y a moins d'eau, il faudra la gérer mieux.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Elle est bien gérée !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La performance globale n'est pas bonne. Nous perdons chaque année 30 % de ce que nous prélevons ; 170 collectivités ont un réseau dont le rendement est inférieur à 50 %. Si les maires ont fait tous les efforts pour les entretenir, ils nécessitent encore de lourds investissements : 40 % doivent être renouvelés dans les 40 prochaines années. Si nous voulons accélérer, il faut le faire ensemble. La sobriété passe par un travail sur les usages, et je sais les maires très investis dans ce domaine.

Il faut aussi garantir la qualité de l'eau : en 2021, 11 millions de Français ont été alimentés par une eau non conforme. Ce n'est pas dû à l'absence de mutualisation, mais nous contrôlerons mieux la qualité de l'eau en professionnalisant les structures de gestion. Le taux de conformité microbiologique est excellent dans les structures mutualisées.

Il y a des enjeux de gestion des infrastructures : un actif se déprécie faute d'entretien. Les maires ont su assurer l'entretien des leurs, mais nous faisons face à un mur d'investissements de 10 milliards d'euros par an dans les trente ans qui viennent. Il faut investir vite.

Les maires des 3 600 communes qui n'ont pas mutualisé sont seuls. Ils peuvent évidemment demander le soutien de la banque des territoires ou des agences de l'État. Mais quelle ingénierie technique et financière ne faut-il pas développer, quelle expertise ne faut-il pas déployer !

M. Mathieu Darnaud.  - C'est faux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Ils seront plus forts en s'associant au sein d'un EPCI.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Pourquoi ?

M. François Bonhomme.  - Et les syndicats ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'ai l'intime conviction qu'il faut poursuivre dans la mutualisation.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Ce n'est pas possible !

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas à la loi de le dire !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Mutualisation des moyens humains, performance accrue, maîtrise des équipements, qualité du service rendu : voilà les bénéfices de la mutualisation. L'EPCI est l'échelon pertinent - celui des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et des plans de gestion de la ressource en eau (PGRE). Cela n'interdit pas une gestion différenciée, ou la délégation à un syndicat infracommunautaire, comme le permet la loi.

De ce point de vue, les territoires de montagne peuvent déjà utiliser des souplesses de la loi...

M. Jean-Michel Arnaud.  - Ah bon ?

M. Mathieu Darnaud.  - C'est faux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il nous faut de la stabilité et favoriser l'anticipation. Il nous faut nous concentrer pour répondre à la raréfaction de la ressource, collectivement. J'espère que nous pourrons en débattre. Le collectif est nécessaire.

M. Jean-Michel Arnaud.  - La liberté aussi !

M. Mathieu Darnaud.  - Nous mutualisons déjà !

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Arrêtez, ce n'est pas possible !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je ne m'arrêterai pas, respectez mon temps de parole ! La gestion de la ressource ne peut revenir en arrière. Dans quelques semaines, le Gouvernement vous présentera un plan eau...

M. Mathieu Darnaud.  - Il devait le faire en janvier...

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je vous invite à ne pas voter ce texte. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit ; on ironise à droite et au centre sur cet applaudissement solitaire.)

M. Mathieu Darnaud.  - Encore une fois, le Gouvernement fait cavalier seul !

M. Dominique Théophile .  - Ce texte propose de rétablir les compétences eau et assainissement dans la liste des compétences facultatives des communautés de communes, revenant sur la loi NOTRe, dont l'ambition était d'offrir une meilleure gestion de la ressource. Mais des inquiétudes se sont manifestées, légitimement.

M. François Bonhomme.  - Ah !

M. Dominique Théophile.  - Des évolutions législatives sont venues assouplir la loi NOTRe.

M. Mathieu Darnaud.  - Grâce au Sénat !

M. François Bonhomme.  - Elles ne sont pas arrivées toutes seules !

M. Dominique Théophile.  - Ce n'est pas le premier texte - et ce ne sera certainement pas le dernier - que le Sénat examine en ce sens. Disons-le d'emblée, nous n'approuvons pas ce retour en arrière. La gestion eau et assainissement par les communautés de communes fonctionne bien.

M. Mathieu Darnaud.  - En Guadeloupe ?

M. Dominique Théophile.  - Les chiffres montrent le caractère atteignable de cette réforme, qui, à terme, permettra des économies d'échelle, de moyens, une amélioration du service et des factures allégées.

M. François Bonhomme.  - Ça reste à démontrer...

M. Dominique Théophile.  - Les réalités hydriques sont certes à prendre en compte, mais l'éparpillement n'est pas la solution. Une communauté de communes peut se trouver à cheval sur deux bassins versants, mais une commune aussi. Un vrai changement d'échelle est nécessaire. En Guadeloupe,...

M. Jean-Michel Arnaud.  - Parlons-en ! (MM. François Bonhomme et Mathieu Darnaud renchérissent.)

M. Dominique Théophile.  - ... l'eau devient de plus en plus rare, en raison du réchauffement climatique et des pollutions diffuses. Le niveau des nappes phréatiques est inquiétant, la sécheresse à venir s'annonce pire que la précédente.

MM. François Bonhomme et Mathieu Darnaud.  - Quel rapport ?

M. Dominique Théophile.  - Dans un objectif de lisibilité, il ne faut pas revenir sur les équilibres de 2015.

M. Mathieu Darnaud.  - La faute originelle de 2015 !

M. Dominique Théophile.  - Nous ne voterons pas ce texte. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Vive la loi NOTRe !

M. Jean-Pierre Sueur .  - La question de l'eau est cruciale : elle sera l'un des problèmes politiques les plus importants des prochaines décennies. La question est grave, les réponses se doivent d'être solides.

Je partage les arguments de la ministre et de M. Théophile, qui sont solides. (On ironise à droite.) Je suis de ceux qui ont voté la loi NOTRe en 2015. (Quelques protestations à droite) Je précise qu'elle a été votée par la majorité de l'époque, comme par la majorité de l'opposition de l'époque - j'ai entendu à l'instant des discours singuliers de la part de parlementaires qui l'avaient votée... (M. François Bonhomme proteste.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Et de la part de ceux qui ne l'avaient pas votée ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - En CMP de la loi NOTRe, lorsque nos collègues députés ont demandé une application dès 2018, j'ai affirmé que cela n'était pas possible ; j'ai demandé un délai en 2020, tout en précisant - le compte rendu en fait foi - qu'il ne serait pas tenu. J'ai voté la proposition de loi Retailleau, tout comme la loi Ferrand-Fesneau.

Certaines communes n'ont rien investi et peuvent pratiquer un prix bas. D'autres ont investi et doivent augmenter leurs prix : il faut prendre en compte ces situations, mais la mutualisation reste une absolue nécessité. C'est la position défendue par la majorité du groupe socialiste.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Absolument ! (Mme Cécile Cukierman s'amuse.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les assouplissements et les délégations aux syndicats de la loi 3DS sont des avancées. Monsieur Darnaud, vous aviez dit à cette même tribune : « Le texte répond à des préoccupations du quotidien. Il permettra de trouver l'échelon adéquat pour offrir le meilleur service au moindre coût à nos concitoyens. »

M. Mathieu Darnaud.  - Et je le redis : vive la liberté !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme Gatel était aussi dithyrambique à l'égard de la loi 3DS, qui a permis des assouplissements sur la concertation, sur la possibilité d'investir avec le budget municipal et de déroger sur la dissolution des syndicats.

La position majoritaire du groupe SER est bien de continuer à aller de l'avant et non de retourner en arrière. Je ne sais s'il y aura un scrutin public.

M. Jean-Claude Requier.  - Oui !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre groupe a fait un travail approfondi, et 49 de nos collègues voteront contre le texte, 12 pour...

M. Jean-Claude Requier.  - Les renouvelables ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et 3 s'abstiendront. Je prends parfois des leçons du RDSE. (Sourires)

M. Jean-Claude Requier.  - La liberté !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Continuons à aller de l'avant !

M. François Bonhomme.  - ... dans le mur ! (Sourires)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Ce n'est pas la première fois que nous évoquons au Sénat les compétences eau et assainissement et le niveau de collectivité pertinent pour les gérer. Le bilan du transfert à l'intercommunalité reste mitigé. Tout ce que nous avons inventé pour subdéléguer reste insatisfaisant.

Reste donc le niveau des communautés de communes. Le Sénat a toujours eu une attention particulière à la gestion des compétences eau et assainissement à l'échelle communale. Cela suppose-t-il de créer autour de chaque périmètre communal des miradors qui empêcheraient toute mutualisation, toute gestion commune, toute sécurisation en apport pour les incendies ou autres ? Soyons sérieux ! (Mme Maryse Carrère renchérit.) Respectons les arguments des uns et des autres.

L'eau est essentielle à nos sociétés. L'homme s'est installé là où il y avait de l'eau et il a créé des institutions pour la capter, la transporter, la traiter. Si la simple remontée de compétences pouvait régler la question de la pluviométrie, celle des finances publiques et de la capacité à résorber les fuites, nous pourrions revoir notre position. Mais la démonstration n'est pas faite : comme Saint François, je ne crois que ce que je vois !

Une voix à droite. - C'est Saint Thomas ! (Sourires)

Mme Cécile Cukierman.  - Ainsi, il y a un autre enjeu derrière ce texte : celui de la liberté locale, fondamentale. Notre capacité à protéger la commune devient un enjeu impératif pour la démocratie. La liberté locale dérange parfois, mais elle est essentielle. Notre groupe s'était opposé à la loi NOTRe en 2015 ; il votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER, UC et Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi, dans la droite ligne de celle de Mathieu Darnaud et de la mienne, rend facultatif le transfert de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes. Celui-ci a en effet été rendu obligatoire sans aucune étude d'impact ni concertation, par deux simples amendements à la loi NOTRe adoptés à l'Assemblée nationale.

Le Sénat a pu apporter des assouplissements : activation en 2018 d'une minorité de blocage, possibilité en 2021 de maintenir les syndicats existants après 2026. Mais l'horizon de transfert à 2026 reste de mise.

Je vais m'atteler, avec ténacité mais probablement en vain, à vous convaincre du bien-fondé de la position du Sénat.

Le territoire des intercommunalités est lié à l'histoire politique,...

M. Loïc Hervé et Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je l'ai dit aussi !

M. Jean-Michel Arnaud.  - ... non aux bassins de vie ou aux bassins hydriques.

M. Loïc Hervé.  - Surtout pas en montagne !

M. Jean-Michel Arnaud.  - J'ai entendu des arguments étonnants : la mutualisation permettrait de mieux gérer les fuites... C'est faux. S'il y a moins de fuites dans les agglomérations et les métropoles, c'est que les réseaux sont moins longs. (MM. Jean-Yves Roux, Loïc Hervé et François Bonhomme le confirment.) Comparons ce qui est comparable ! Dans les communes rurales, les agents techniques et les maires gèrent directement la situation avec des artisans locaux qui connaissent bien le réseau : les transferts de service ne sont pas la solution.

Il faut préserver les ressources... Bien sûr, mais le problème viendrait-il d'une mauvaise gestion des communes rurales ? (Mme la ministre se récrie.) Il vient plutôt du manque de moyens financiers ! (Mme Cécile Cukierman renchérit.)

La mutualisation n'aidera en rien. Les communes doivent être traitées comme les intercommunalités en matière de financement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, et sur des travées du groupe SER ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Absolument !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Madame la ministre, il y a un biais dans votre argumentation.

Il faut garantir la qualité de l'eau ? Bien sûr, mais si elle n'est pas optimale dans certaines communes, c'est dû à la sécheresse récente. Les communes font face, en faisant des analyses et en informant la population. Dans les Hautes-Alpes, nous avons rencontré des difficultés non pas dans les communes rurales, mais dans un quartier de la ville de Gap.

Il faut effectivement investir, pour réduire les fuites et interconnecter les réseaux ; mais je connais des dizaines de communes qui, grâce à des conventions, ont déjà fait ce travail. (MMLoïc Hervé et Jean-Yves Roux le confirment.) Ce qui manque, ce sont les financements de l'État.

Le Président de la République a demandé que l'on traite les problèmes au plus près des territoires. Voilà une excellente occasion de le faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, CRCE, INDEP et Les Républicains et sur des travées du groupe SER ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et UC) En juillet 2021, lors de l'examen de la loi 3DS, nous avions longuement débattu de la différenciation. Alors ministre de la cohésion des territoires, Mme Jacqueline Gourault nous avait dit : « une République différenciée est une République davantage décentralisée, où les compétences des collectivités sont confortées. C'est un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui accompagne main dans la main les initiatives des collectivités ». Cette proposition de loi répond à cet esprit, en proposant une administration plus agile et plus proche des collectivités.

Le RDSE défend les spécificités des territoires, notamment ruraux. Il n'est pas favorable au transfert obligatoire, car le niveau intercommunal n'est pas toujours le plus pertinent.

Notre groupe est attaché au tandem commune-département. Mais nous restons ouverts à d'autres organisations - pas dans le cas présent. Notre chambre des territoires doit donc agir en responsabilité.

Je salue l'initiative de Jean-Yves Roux, qui répond à celle de Mathieu Darnaud et Jean-Michel Arnaud. Notre rapporteur Alain Marc a travaillé pour améliorer le texte. Nous voulons mettre un terme au transfert obligatoire, grâce à un dispositif assoupli, laissant une marge de liberté aux communes. Pour 3 600 communes seules,...

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Seules, c'est le mot !

Mme Maryse Carrère.  - ... on viendrait déstabiliser des centaines de syndicats qui font un travail exemplaire ? (M. Loïc Hervé renchérit.) Les communautés d'agglomération ont récupéré cette compétence depuis deux ans : elles sont embourbées dans des problèmes techniques, financiers et de ressources humaines. (MM. Jean-Yves Roux et Loïc Hervé abondent.)

Notre groupe est unanimement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains et sur des travées du groupe SER)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Loïc Hervé et Jean-Yves Roux applaudissent également.) « Hâtez-vous lentement et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. » Par ces vers de Boileau, j'exprime notre détermination, et même notre opiniâtreté : nous ne concéderons rien sur ce sujet. (M. Jean-Yves Roux renchérit.)

L'eau, plus encore que l'assainissement, est une compétence singulière, qui ne ressemble à aucune autre ; elle ne répondra jamais à une logique intercommunale, puisqu'elle relève d'une logique de bassin versant. C'est un fait implacable.

M. Loïc Hervé.  - Géographique !

M. Mathieu Darnaud.  - Toutes les raisons que vous nous assénez, madame la ministre, ne nous convaincront pas que ce ne sont pas les élus qui sont les meilleurs juges de la situation de leur territoire. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

Les agences de l'eau financeraient des communes isolées et seraient à l'écoute des territoires ?

M. Jean-Michel Arnaud.  - Incroyable !

M. Loïc Hervé.  - C'est faux !

M. Mathieu Darnaud.  - Aucune, je dis bien aucune commune isolée n'est financée. Le Gouvernement et vos agences de l'eau foulent aux pieds la loi. C'est grave, car vous ne respectez ni le législateur ni la volonté des élus des territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

Il y a une raison technique et juridique au maintien de cette compétence à la main des communes. Mais il y a aussi la nécessité pour le Gouvernement de respecter le travail des élus locaux.

Entre autres contre-vérités, vous nous avez asséné que les syndicats existants, même infracommunautaires, étaient maintenus. C'est ce que la ministre de l'époque avait essayé de nous vendre lors de l'examen de la loi 3DS. En réalité, vous utilisez le principe de la sous-délégation, en ne permettant pas au syndicat infracommunautaire d'avoir sa propre existence ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE et du GEST) Encore une supercherie gouvernementale !

M. Daniel Breuiller.  - Comme pour les retraites !

M. Mathieu Darnaud.  - Vous cherchez à nous culpabiliser, car nous n'aurions pas, dans nos départements, de problèmes de sécheresse. Mais, en Ardèche, Coucouron n'a plus d'eau potable depuis le mois d'août...

Le Gouvernement doit entendre les élus et les membres des syndicats de l'eau. Vous voulez tout mettre sous la coupe des intercommunalités, mais il est grand temps de redonner aux communes de la liberté et de l'agilité pour être au rendez-vous des enjeux de l'eau ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ; applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a été imposé par le Gouvernement en 2015, alors qu'il est inadapté à la réalité des territoires. Le Sénat s'y oppose avec constance.

Je salue l'initiative de Jean-Yves Roux, s'ajoutant à celle de Jean-Michel Arnaud et Mathieu Darnaud.

On prétend que l'urgence serait de réduire la dispersion des compétences et de résorber les fuites dans le réseau. Mais un très grand nombre d'élus s'élèvent contre le transfert, car le périmètre de l'EPCI n'est pas toujours l'échelon adéquat ; il ne correspond pas nécessairement à la réalité hydrique et géographique. Le transfert entraîne une perte de compétences locales, ainsi qu'une hausse des dépenses liée au recrutement d'agents nouveaux.

La commune reste parfois le bon échelon. Reports et assouplissements ont été obtenus par le Sénat, mais seules 48 % des intercommunautés exercent la compétence eau : ce transfert a été imposé au forceps. (Mme la ministre s'exclame.)

Ce texte amendé par la commission apporte la souplesse nécessaire, avec un transfert à la carte. Privilégions la différenciation et la subsidiarité et faisons confiance aux maires ! C'est dans cet esprit que le groupe INDEP votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Breuiller .  - Ce texte vise à faire figurer de nouveau l'eau et l'assainissement parmi les compétences facultatives des communes. Au sein du GEST, les débats ont été animés.

Laisser le choix aux communes respecte le principe de subsidiarité et permet de tenir compte des réalités géographiques et techniques. Ce texte a le mérite de faire confiance aux élus. Mais l'intercommunalité est un échelon pertinent pour des enjeux plus larges, notamment environnementaux. Des mises en commun seront nécessaires en raison de la multiplication des épisodes de chaleur et de sécheresse, afin d'éviter les conflits d'usages.

On a longtemps cru que, en France, l'accès à l'eau serait garanti à tous. Mais les sécheresses estivales et hivernales sont une réalité brutale dans de nombreuses régions. La multiplication des épisodes de canicule et de sécheresse a des effets directs sur l'eau potable et l'assainissement. L'été dernier, les Gorges du Verdon et le lac de Serre-Ponçon étaient à sec, une centaine de collectivités privées d'eau potable.

Ce texte n'est pas une solution en soi pour répondre aux enjeux actuels. La politique de l'eau est sous-financée, à hauteur de 3 à 4 milliards d'euros. Les canaux sont vétustes, et 20 % des eaux disparaissent dans les sous-sols avant d'atteindre les robinets. Un million de foyers ont une facture supérieure à 3 % de leurs revenus.

Faisons confiance aux élus, mais soulignons la nécessité d'investir collectivement. Le GEST se partagera entre quelques votes pour et une majorité d'abstentions. (M. Jean-Yves Roux s'en félicite.)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la vie législative, nous ne le savons que trop, de simples amendements peuvent avoir une portée immense. C'est ainsi qu'un simple amendement du Gouvernement, déposé sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, au funeste projet de loi NOTRe a instauré le transfert obligatoire des communes aux EPCI des compétences eau et assainissement.

Le Sénat a, de haute lutte, obtenu un report en 2026 et des assouplissements : délégation possible de la gestion à un syndicat ou une commune et maintien des syndicats infracommunaux après 2026, sauf vote contraire des communes. Reste que la loi prévoit toujours une communautarisation forcée, ce que contestent de nombreux élus ruraux et de montagne.

Rationalisation, maîtrise, mutualisation : les mots magiques sont lâchés ! (Mme la ministre est perplexe.) Mais combien d'inerties et de gabegies ont-elles été fondées sur ces mots ? (On renchérit sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Seules 33 % des communes ont transféré aux communautés de communes leurs compétences. De fait, les considérations propres à chaque territoire expliquent qu'une gestion directe par la commune puisse être plus souple et efficace. En outre, les investissements nécessaires au transfert sont coûteux, sans réels bénéfices pour les territoires.

Les auteurs de la proposition de loi proposent une approche moins technocratique, plus adaptée aux réalités géographiques : conformément au principe de subsidiarité, il reviendrait aux communes de choisir le transfert des compétences. Le Gouvernement finira-t-il par revenir sur une obligation profondément contestée sur le terrain ? La prudence des maires devrait suffire à le faire réfléchir.

Précision technique : le réseau d'eau potable, sous pression, peut avoir n'importe quel périmètre ; mais les réseaux d'eaux pluviales et usées sont gravitaires. Les dépenses de collecte d'eaux pluviales ne sont pas couvertes, et les coûts sont absorbés par la collectivité.

Mme le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Attention, donc, à l'intitulé de la proposition de loi : le mot « eau », habituellement, ne renvoie qu'à l'eau potable...

M. Alain Marc, rapporteur.  - Je ne comprends toujours pas, madame la ministre, quel cheminement intellectuel vous conduit à affirmer que la mutualisation suffirait à résoudre les problèmes.

En quoi le basculement vers l'intercommunalité résoudrait-il les problèmes de sécheresse ? C'est au moins à l'échelle du département qu'il faut les traiter ! À moins que vous n'appreniez aux récalcitrants la danse de la pluie... Ce basculement vers l'intercommunalité confine à l'obstination,...

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il a été voté !

M. Alain Marc, rapporteur. - ... voire à la bêtise. (MM. Jean-Michel Arnaud et Bruno Sido renchérissent.) Une de nos anciennes collègues, devenue ministre, a totalement changé d'avis sur la question. Y aurait-il, dans les hautes sphères de l'exécutif, une collusion avec certains grands groupes ? J'espère que tel n'est pas le cas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDSE ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Jean-Yves Roux.  - Très bien !

Discussion de l'article unique

M. Jean-Claude Anglars .  - Je soutiens cette proposition de loi. Madame la ministre, pourquoi cette obstination à transférer aux communautés de communes cette compétence tout à fait particulière ? En Occitanie, vous me demandiez les raisons du vote pour certains extrêmes. Malmener les libertés des communes en fait partie.

M. Jean-Jacques Panunzi .  - Les élus locaux ne veulent pas, à juste titre, d'une gestion intercommunale. Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier, qui a une dimension sociale, en raison du coût de l'eau.

Les contraintes géographiques, la longueur des canalisations, les coûts d'entretien varient selon les situations. Dans les zones rurales, les coûts par habitant ne sont pas les mêmes que dans une grande ville. Comment une intercommunalité peut-elle gérer ces différences ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Comment une petite commune peut-elle y arriver seule ?

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Vous défendez cette obligation sans l'ombre d'un argument fondé, mais vous n'en êtes pas responsable : c'est encore une conséquence négative de la loi NOTRe. Je me réjouis de cette proposition de loi, que je voterai des deux mains ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. François Bonhomme .  - Corrigeons un des irritants récurrents de ces dernières années. La faute originelle revient à la funeste loi NOTRe, au sujet de laquelle Marylise Lebranchu, trois ans après avoir tordu le bras du Sénat, disait : « nous n'avons pas été bons. » Quel aveu !

Il faut respecter le droit des communes et la liberté d'exercer cette compétence au niveau le plus efficient. La loi du 3 août 2018 a permis de revenir sur le transfert forcé, mais seul un report à 2026 était prévu. Cinq ans plus tard, toutes les remontées sont négatives.

L'entêtement à ne pas reconnaître cette liberté communale fondamentale alimenterait le sentiment de dépossession des maires, au moment où nous assistons à une vague de démissions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Mathieu Darnaud .  - Vous nous dites que l'intercommunalité est plus efficace, qu'il faut agir ensemble, mais voyez les aqua-prêts. Dans le cadre d'une mission d'information sur la gestion de l'eau créée par nos collègues du groupe SER, les directeurs des agences de l'eau nous ont dit que, même dans les intercommunalités, cela ne fonctionne pas.

Répondez-nous sur le fond ! Vous n'avez, jusqu'à présent, pas avancé le moindre argument. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Angèle Préville .  - Je remercie les auteurs de la proposition de loi. Les élus sont responsables, nous pouvons leur faire confiance.

Le contour des communautés de communes, purement artificiel, ne tient aucun compte de la géographie hydrique. (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.) Le transfert de compétence obligatoire n'a aucun sens.

Dans ma commune, une petite ville industrielle où il y a beaucoup de petits salaires, l'eau est gérée en régie : nous entretenons nos réseaux, tout se passe bien et le coût de l'eau est très inférieur à la moyenne. En cas de fuite, un adjoint et un agent interviennent immédiatement.

MM. Loïc Hervé et Jean-Michel Arnaud.  - C'est ça, la vie réelle !

Mme Angèle Préville.  - Tout cela est précieux. Le transfert entraînerait surcoûts et pertes de compétences.

Mme Viviane Artigalas .  - J'ai été présidente de l'association des maires de mon département, les Hautes-Pyrénées, et j'ai toujours milité pour le caractère optionnel du transfert de la compétence. (« Très bien ! » sur de nombreuses travées à droite et au centre)

Les communes n'ont pas attendu la loi NOTRe pour mutualiser dans l'intérêt général, qu'il s'agisse de l'eau ou des déchets. (Marques d'approbation à droite) Pourquoi les forcer ? D'autant que certaines intercommunalités n'ont aucune envie d'assurer la compétence. Je pense à une communauté d'agglomération de mon département qui regroupe deux communes moyennes et une multitude de petites communes du pays de Lourdes : elle n'a aucune envie de prendre la compétence !

Laissons le choix aux communes, en particulier en montagne. Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Jean-Yves Roux.  - Bravo !

M. Bruno Sido .  - Merci au RDSE d'avoir déposé cette proposition de loi, la énième sur le sujet.

Tout le monde n'habite pas Paris ou Orléans... Les intercommunalités ne sont pas du tout demandeuses. Il faudra créer des services, recruter des compétences : tout cela coûtera cher.

Favorisons plutôt la constitution de syndicats départementaux pour la production d'eau.

Le prix du mètre cube va nécessairement augmenter. Les éleveurs, en particulier, sont vent debout. Savez-vous combien boit une vache laitière par jour ? Plus de cent litres ! Imaginez les conséquences pour l'élevage, déjà en plein marasme.

Je voterai ce texte des deux mains et en applaudissant ! (Sourires ; Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Stéphane Sautarel .  - Rétablir cette liberté locale, c'est restaurer la confiance dans les territoires.

Faisons confiance au bon sens des élus, ils ont fait la preuve de leur capacité à agir, ainsi qu'à travailler ensemble. Ils n'ont pas attendu un texte pour interconnecter les réseaux et partager les ressources à l'échelle la plus pertinente.

La mutualisation choisie existe déjà. Les besoins d'ingénierie sont satisfaits par les agences techniques des départements. La liberté doit prévaloir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Michel Canévet .  - Méfions-nous des lois fourre-tout, comme la loi NOTRe, mais aussi la loi Climat et résilience - que nous sommes en train de corriger en ce qui concerne le ZAN. (M. François Bonhomme abonde.)

Si le Gouvernement veut promouvoir la différenciation, il faut tenir compte des réalités locales. Dans certains territoires, la mutualisation se justifie. Mais au Grand-Bornand, où je me rends régulièrement...

M. Loïc Hervé.  - Le paradis sur terre ! (Sourires)

M. Michel Canévet.  - ... il faut conserver la compétence à l'échelon local ; l'eau sert à la production de neige, notamment.

Faisons confiance aux élus locaux, respectons-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - Le parcours d'un permis de construire avant le transfert de compétence : le pétitionnaire dépose sa demande en mairie, qui la transmet au syndicat intercommunal, qui renvoie son avis à la commune - durée : une semaine. Le même parcours après le transfert : la mairie transmet à l'intercommunalité, qui l'envoie au syndicat intercommunal, puis c'est le chemin inverse - durée : quatre semaines.

M. François Bonhomme.  - C'est Kafka !

Mme Maryse Carrère.  - En matière de simplification, on peut faire mieux ! (MM. Alain Marc et Jean-Yves Roux applaudissent.)

Mme Cécile Cukierman .  - Qualité ou défaut, je suis sénatrice depuis un certain temps... Je me souviens donc que, lors de la discussion de la loi NOTRe, il n'a à aucun moment été question des sécheresses pour justifier la remontée obligatoire de compétence. Il s'agissait de rentabilité, de réduire le nombre de services pour satisfaire la Cour des comptes. Heureusement que nous avons ce débat après un été de sécheresse ! Quels arguments aurait-on avancés s'il avait eu lieu après l'été 2021, plutôt pluvieux ?

En 2015, c'est la casse de la gestion publique de l'eau qui a prévalu.

Faire la loi est important ; l'évaluer est indispensable ; la réécrire quand elle ne répond pas aux demandes des territoires, c'est une exigence démocratique ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER)

M. Jean-Michel Arnaud .  - L'agglomération de la Haute-Durance a basculé vers la compétence intercommunale contre l'avis unanime des communes. J'invite vos services, qui manifestement ont beaucoup d'influence sur la politique du ministère, à consulter le rapport de la chambre régionale des comptes à ce propos. Un contentieux est en cours au sujet du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt, des travaux sont bloqués, les maires ne comprennent pas. Organisez donc une mission flash, puisque vous les affectionnez : je suis votre homme !

Quelqu'un a dit : « Dans la très grande majorité des cas, les territoires savent mieux ce qui est le plus pertinent pour eux »...

M. François Bonhomme.  - Du cirage !

M. Jean-Michel Arnaud.  - C'est Emmanuel Macron, lors de la Conférence des territoires, le 18 juillet 2017.

M. Loïc Hervé.  - Ici même !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Écoutez-le !

M. Sebastien Pla .  - Je voudrais témoigner de l'expérience très douloureuse du maire d'une commune de 150 habitants, qui avait fait tout ce qu'il fallait pour gérer son eau. En 2018, l'intercommunalité annonce qu'elle reprend la compétence. Des petites communes forment alors une minorité de blocage. Mais voilà que le département, l'agence de l'eau et le préfet commencent à faire du chantage aux subventions ! L'affaire remonte jusqu'au Conseil d'État, qui donne raison aux petites communes.

Cette commune, c'est Duilhac-sous-Peyrepertuse ; et ce maire, c'est moi. Je me suis battu pendant vingt ans, malgré les abus de compétences et les excès de zèle des préfets. Laissez les maires tranquilles ! Sinon, nous devrons fermer les portes et rendre les clefs au préfet : ce n'est pas la culture de la France. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Loïc Hervé .  - Dans ce temple du girondisme, nous avons la subsidiarité chevillée au corps. Si certaines communes n'ont toujours pas transféré l'eau ou l'assainissement, c'est peut-être pour de bonnes raisons.

Il était un temps où l'on pouvait siéger au Sénat et présider une intercommunalité ; je l'ai fait pendant trois ans.

En montagne particulièrement, il y a des raisons hydrauliques, géographiques, qui justifient la gestion syndicale et communale, par la volonté des conseils communautaires eux-mêmes. L'hypercentralisation et le pouvoir des technos se heurtent à la réalité des élus locaux honnêtes, compétents. Nul égoïsme dans cette affaire.

Transférer la compétence à l'intercommunalité fera flamber les coûts ! (On renchérit sur de nombreuses travées.)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est déjà ce qui se passe !

M. Cédric Vial .  - Je ne suis pas opposé au transfert de la compétence à l'intercommunalité ; en revanche, je suis farouchement opposé au transfert obligatoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE)

Cette compétence est l'ADN de nos territoires, la plus importante exercée par les élus locaux.

M. Jean-Michel Arnaud.  - En effet, avec l'urbanisme.

M. Cédric Vial.  - Nos maires ont une connaissance sans pareille des réseaux, une technicité avec laquelle aucun service technique, aucune société privée ne peut rivaliser.

L'intercommunalité, ce sont les communes qui décident entre elles. Vous n'en respectez pas l'esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du groupe CRCE)

Mme Frédérique Espagnac .  - Les élus de la montagne ont collecté de nombreux témoignages sur le transfert de compétence. Ils insistent sur la nécessité d'une gestion de proximité là où l'habitat est dispersé.

Les maires techniciens ont acquis une connaissance et une réactivité qui permettent un service de qualité à faible coût, alors qu'il faut parfois une heure pour se rendre au siège de la communauté de communes... L'absence de transmission d'expertise en cas de transfert dégrade le service rendu. En outre, la probable augmentation des prix, liée à la nécessité d'équipements coûteux, sera difficilement supportable, notamment pour les agriculteurs montagnards.

Les élus de montagne s'inquiètent aussi d'une gouvernance où, en général, ils ne sont pas majoritaires. Les subventions ont été asséchées, mais pas les injonctions... (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. Jean-Claude Requier .  - Les bonnes lois portent le nom de ceux qui les ont défendues : lois Malraux, Barnier, Chevènement. La loi NOTRe, elle, n'a ni père ni mère... (Sourires) Elle a suscité beaucoup d'espoirs, mais beaucoup déçu. Mon groupe l'a farouchement combattue. Jean-Yves Roux et le RDSE essaient modestement de rebrancher ce que Mme Lebranchu a débranché ! (Hilarité générale ; M. Jean-Pierre Sueur sourit ; applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP, UC, Les Républicains et CRCE)

M. Daniel Chasseing .  - Laissons les maires faire ce qu'ils souhaitent. Ils connaissent très bien leur ressource en eau : ne décidons donc pas à leur place. Je voterai ce texte.

Mme le président.  - Je vais mettre aux voix la proposition de loi par scrutin public...

M. Jean-Michel Arnaud.  - La ministre ne nous répond pas ?

Mme le président.  - Je ne puis l'y forcer.

À la demande du groupe UC et du RDSE, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°255 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 259
Contre   70

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)