SÉANCE

du mardi 21 mars 2023

73e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Ajournés des concours de la fonction publique

M. Gilbert Roger .  - Il y a contradiction entre la pénurie de personnels dans l'enseignement et la santé et l'ajournement de candidats aux concours de la fonction publique territoriale.

Les étudiants qui échouent au concours avec une note proche de celle requise sont, le plus souvent, laissés pour compte. Je connais le cas d'une jeune étudiante ajournée à l'agrégation à un point près : aucune proposition ne lui a été faite.

Or ces secteurs font face à des démissions et un manque d'intérêt. Les rectorats en viennent à recruter des contractuels par speed dating...

Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre immédiatement pour entrer en contact avec les ajournés et leur proposer des postes de contractuels, avec pour échéance la titularisation ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Si la liste principale des reçus à un concours est complète, le jury peut établir une liste complémentaire, afin de permettre le remplacement des lauréats qui ne pourraient être nommés.

Les jurys apprécient souverainement la qualité des prestations des candidats ; leurs décisions ne sont pas susceptibles de recours, dès lors qu'ils ont fonctionné et délibéré de manière régulière.

Hormis le cas, très spécifique, du recrutement de personnels en situation de handicap, aucune disposition législative ne permet, actuellement, de titulariser un agent contractuel sans concours.

La baisse du nombre de candidats aux concours de l'enseignement s'est traduite, en 2022, par une baisse des rendements des concours d'environ 10 %, dans le premier comme le second degré. Le ministère a donc demandé aux académies de mener une politique volontariste de recrutement de contractuels, en leur proposant une rémunération cohérente avec celle des titulaires.

Plus largement, monsieur le sénateur, votre question renvoie au travail nécessaire sur l'attractivité des métiers de l'enseignement et de la santé. Le chantier de l'amélioration de la rémunération des enseignants en fait partie. D'autres métiers sont concernés, comme les personnels de santé, dont la revalorisation indemnitaire est engagée depuis 2021. Le renforcement de l'attractivité passe aussi par l'amélioration des conditions d'exercice : c'est l'objet des concertations actuellement menées par le ministre de l'éducation nationale.

M. Gilbert Roger.  - Que certains ratent l'agrégation à un point près et ne reçoivent aucune proposition quand, dans les Yvelines, on a organisé un speed dating pour recruter, voilà qui suggère des évolutions possibles... S'il faut en passer par la loi, faisons-le. Mais je pense que le Gouvernement a la possibilité, en liaison avec les recteurs, de faire évoluer les choses.

Moyens pour l'école publique de proximité

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La colère gronde parmi les enseignants, les parents et les élus. La soustraction est devenue l'opération favorite du Gouvernement.

Dans le Pas-de-Calais, 73 classes et 53 postes sont supprimés en maternelle et en primaire. Dans les collèges et lycées, la baisse drastique de la dotation horaire globale entraîne la suppression de nombreuses options dans des bassins de vie durement touchés par la crise sociale.

De nombreux maires m'interpellent, qu'ils soient du bassin minier, de la côte ou de la ruralité. Du fait de la baisse de moyens dans l'éducation nationale, les classes à triple, voire quadruple niveaux sont de plus en plus nombreuses. Et les remplaçants manquent, y compris lorsque les absences sont prévues.

Je suis surprise de la façon dont se déroule parfois le dialogue entre les maires et l'éducation nationale. Ainsi, au sein du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Chériennes, Le Quesnoy-en-Artois et Vacqueriette-Erquières, le projet de fermeture de poste a été annoncé à un seul des maires - qui n'est pas celui de la commune concernée. Lorsque les trois maires ont contesté la fermeture, le rectorat leur a répondu, dix jours plus tard, que la décision était déjà validée.

Les maires investissent beaucoup dans les écoles, coeur de nos villes et de nos villages. Mais pour pérenniser l'école publique de proximité, il est indispensable de fidéliser les familles au plus tôt, donc de prendre en compte les enfants de moins de 3 ans dans les moyens alloués. Le Gouvernement va-t-il intégrer ces enfants dans les tableaux d'effectifs ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Dans le contexte actuel de forte baisse démographique, tout dispositif visant à maintenir le service public de l'éducation partout sur le territoire est le bienvenu.

Les RPI sont un outil d'aménagement scolaire précieux : 4 790 structures de ce type pour 9 167 écoles en 2022, contre 4 777 structures pour 9 253 écoles en 2021. Notons que 6 997 communes sans école participent à un regroupement, un chiffre en hausse de 1 % entre 2021 et 2022.

Je salue le travail des maires : pour maintenir une offre scolaire sur leur territoire, ils acceptent de former ces regroupements pour offrir de meilleures conditions d'étude aux enfants de leurs communes.

La préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux ; chaque situation est appréciée finement et objectivement. De janvier à septembre, le dialogue avec les élus est continu et les évolutions d'effectifs sont suivies avec attention. Les efforts de regroupement déjà réalisés sont pris en compte.

Carte scolaire en milieu rural

M. Jean-Yves Roux .  - Les écoles rurales, qui représentent 36 % des écoles métropolitaines et 20 % des élèves, se caractérisent par la forte proportion de classes multiniveaux et de regroupements pédagogiques intercommunaux.

Face à la déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux s'efforcent d'attirer des familles pour faire vivre leur commune et son pilier, l'école. Or, chaque année, ils sont confrontés au couperet des fermetures et ouvertures de classe, sur le seul critère des effectifs : la fameuse carte scolaire, susceptible de bouleverser des équilibres réalisés de haute lutte.

Les collectivités territoriales sont, après l'État, le premier financeur de l'éducation. Malheureusement, les deux membres du couple ne regardent pas dans la même direction...

En 2019, dans notre rapport sur les nouveaux territoires de l'éducation, M. Lafon et moi-même proposions une approche nouvelle pour faire progresser la réussite scolaire en milieu rural. En particulier, nous suggérions de geler les cartes scolaires pendant trois ans, le temps pour les élus de conforter leurs effectifs et pour les équipes pédagogiques d'installer des projets.

La loi 3DS visait à rapprocher l'État du terrain, en soutien aux collectivités territoriales ; l'éducation nationale gagnerait en efficacité en s'inscrivant dans cet esprit. Le Gouvernement compte-t-il expérimenter la stabilité de la carte scolaire pendant trois ans dans la ruralité ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - L'engagement présidentiel de ne fermer aucune école sans l'accord préalable du maire, reconduit chaque année depuis 2019, s'applique sans exception.

La démographie scolaire baisse, et cette tendance se poursuivra. Toutefois, nous ne nous en tenons pas à l'arithmétique, compte tenu des enjeux de dynamisation des territoires. La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, sur la base de critères économiques, territoriaux et sociaux, dont la réussite des élèves issus des catégories les plus défavorisées. L'indicateur territorial que nous utilisons prend en compte l'éloignement des zones urbaines, comme vous l'avez proposé dans votre rapport.

D'autres dispositifs spécifiques sont mis en oeuvre, comme les Territoires éducatifs ruraux, récemment étendus à dix nouvelles académies compte tenu du volontarisme des élus locaux. Je pense aussi à l'extension aux zones rurales des Cordées de la réussite ; 32 000 élèves en bénéficient dans les territoires ruraux. Enfin, les internats d'excellence sont un levier important pour les élèves des territoires ruraux ou isolés.

Soyez assuré que nous continuerons de travailler avec les élus locaux pour que tous nos élèves puissent étudier dans les meilleures conditions.

« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi

M. Antoine Lefèvre .  - Le programme « France Travail jeunes » suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau des missions locales pour l'emploi.

Rattaché au chantier France Travail, attendu pour l'année prochaine, il consiste à rebaptiser les missions locales sans leur maintenir l'exclusivité de l'accompagnement des publics accueillis. Les responsables des antennes locales y voient une volonté de l'État de se substituer à eux à terme.

Engagées depuis plus de quarante ans pour l'insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l'évolution des dispositifs d'insertion et fournir une offre adaptée aux territoires et aux publics. Après le dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi, l'annonce d'une double tutelle apparaît comme une menace pour leur maintien.

Par ailleurs, les élus de l'Union nationale des missions locales ont appris avec perplexité que l'opérateur en charge du demandeur d'emploi serait désigné sur la base d'un algorithme, au risque de déboussoler encore davantage des publics précaires pour lesquels il est essentiel de maintenir le lien de proximité avec le conseiller de mission locale.

Quelle est la portée de ce nouveau programme ? Le Gouvernement peut-il garantir que l'autonomie des missions locales sera maintenue ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Dans le cadre de la préfiguration de France Travail, il est proposé, en effet, que les missions locales qui le souhaitent prennent l'appellation « France Travail jeunes ». Cela ne signifie pas qu'elles seront seules en charge de l'accompagnement des jeunes vers l'insertion professionnelle. Elles auront pour principal objectif de mettre en oeuvre les parcours d'accompagnement des jeunes ayant besoin d'un suivi socioprofessionnel global.

Sur chaque territoire, une proposition de feuille de route sera co-élaborée par ces structures au côté de France Travail, puis soumise à la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l'État et les collectivités territoriales. De ce point de vue, leur rôle est donc renforcé.

Les publics accueillis seront orientés sur la base de critères partagés, ce qui réduira la concurrence entre réseaux. Le contrat d'engagement jeunes continuera d'être mis en oeuvre conjointement par les missions locales et Pôle emploi ; s'agissant des jeunes en rupture, les interventions des premières seront articulées avec celles de structures retenues dans le cadre d'appels à projets. Il s'agit ainsi d'encourager une logique de coopération et de complémentarité.

Par ailleurs, l'État continue de soutenir les missions locales, à hauteur de 600 millions d'euros cette année. Le soutien à l'Union nationale des missions locales a été considérablement renforcé depuis 2022.

M. Antoine Lefèvre.  - Président d'une mission locale depuis plus de vingt ans, je sais d'expérience que jeunes, élus et partenaires ont besoin de signes clairs. Il faut une prise en charge exclusive au plus près des territoires. Près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification : ce n'est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Faites confiance aux missions locales !

Exploitation mutualisée de la vidéoprotection

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - La mutualisation de l'exploitation de la vidéoprotection entre plusieurs communes est restreinte par des contraintes juridiques, alors que ses avantages sont nombreux : capacités d'investissement accrues, mise en commun des charges, élargissement du territoire couvert.

Une telle mutualisation peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un syndicat à usage unique ou d'une entente intercommunale par convention. La seconde solution offre des avantages de souplesse, sans augmenter le nombre de structures. Pour autant, elle se heurte à des difficultés qui en réduisent l'attrait pour les communes intéressées.

L'instruction gouvernementale du 4 mars 2022 laisse entendre que, dans le cadre d'une entente intercommunale, l'exploitation des images des communes associées ne peut être faite que par un policier municipal. Si les communes affectent à cette mission un agent technique ou un agent de surveillance de la voie publique, celui-ci ne pourrait visualiser que les images de la commune qui le rémunère. L'intérêt d'une telle mutualisation disparaît donc.

Est-il envisageable que, dans le cadre d'une entente intercommunale, des opérateurs de vidéoprotection ou des agents de surveillance de la voie publique puissent accéder aux images de toutes les communes ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi Sécurité globale offre de nombreuses possibilités nouvelles pour développer la vidéoprotection et la mise en commun de polices municipales.

Son article 42 étend la possibilité de visionner des images à des agents territoriaux hors police municipale, dans le cadre d'un agrément préfectoral. La loi ne prévoit pas de mutualisation pluricommunale de ces agents, mais autorise la mise à disposition des communes d'opérateurs de vidéoprotection qui ne sont pas policiers municipaux par les EPCI compétents et les syndicats mixtes. Ces agents peuvent alors être habilités à visionner les images d'un territoire regroupant plusieurs communes.

En revanche, il n'a pas été prévu que deux communes mutualisent leur vidéoprotection par simple convention en employant des opérateurs autres que des policiers municipaux. Cette question n'a pas été soulevée lors de la discussion de la loi.

Commençons par évaluer l'efficacité des nouveaux dispositifs à la main des communes avant d'envisager un régime supplémentaire de mutualisation d'agents.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - J'anticipais cette réponse. On peut comprendre la volonté de ne pas augmenter le nombre de structures sur un territoire, ainsi que celle d'affecter les policiers municipaux plutôt sur le terrain. D'où ma proposition d'ouvrir la consultation des images à des agents non policiers municipaux, pour tout le territoire des communes associées.

Aire d'accueil des gens du voyage

M. Laurent Burgoa .  - Sur l'aire d'accueil de Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard, des gens du voyage originaires des pays de l'Est se sédentarisent et organisent divers trafics. Je ne parlerai pas ici des problèmes occasionnés...

Les élus des communes gardoises de Villeneuve-lès-Avignon et Les Angles ne savent pas vers qui se tourner, l'aire étant gérée par l'agglomération du Grand Avignon, située dans le département du Vaucluse, et même dans une autre région, la région Sud. Quel préfet ces communes doivent-elles saisir ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le maire peut demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, lorsque l'occupation viole un arrêté du maire ou du président de l'EPCI et porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publique.

En dehors de l'hypothèse du stationnement illicite, le maintien de l'ordre public relève en principe du maire. Toutefois, le préfet est compétent pour prendre toute mesure relative au maintien de l'ordre public si aucune mesure n'a été prise par le maire malgré une mise en demeure.

La commune de Villeneuve-lès-Avignon est membre de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, dont le siège est situé dans le Vaucluse. Pour autant, s'agissant d'une commune gardoise, c'est le préfet du Gard qui est compétent.

M. Laurent Burgoa.  - Je pensais bien que c'était la préfète du Gard, qui a d'excellentes relations avec les élus, qui était compétente, et vous remercie de l'avoir précisé. Le maire des Angles, nouvellement élu, ne savait pas à qui s'adresser. Les aires d'accueil et la politique de la ville relèvent des agglomérations : du fait des interférences entre différents départements, voire différentes régions, il peut être compliqué pour les nouveaux élus de s'y retrouver.

Phénomènes de retrait-gonflement des sols

M. François Bonhomme .  - Les phénomènes de retrait-gonflement des sols touchent près de la moitié du territoire. Les conséquences en sont souvent désastreuses, pour l'habitat individuel comme pour les bâtiments publics. Dans la plupart des cas, le coût des réparations est insupportable pour les propriétaires sans protection assurantielle liée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Des dédommagements sont prévus par le régime CatNat et la loi de 2001, mais seule la moitié des communes concernées obtiennent une telle reconnaissance.

Par ailleurs, l'accroissement du phénomène pose la question du financement du risque, dont le coût est estimé à plus de 3 milliards d'euros dans les prochaines années.

L'ordonnance du 8 février dernier, qui doit augmenter le nombre de communes éligibles à la reconnaissance, limiterait les indemnisations aux sinistres les plus graves, ce qui ferait sortir certains propriétaires de la couverture assurantielle.

Quelles mesures complémentaires entendez-vous prendre pour que les communes concernées bénéficient de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et que tous les propriétaires touchés soient éligibles à l'indemnisation ? Quel est le plan de financement envisagé pour maintenir l'équilibre du régime CatNat ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'indemnisation des dégâts causés par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols est assurée par la garantie catastrophes naturelles. La loi 3DS habilite le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance les modalités d'indemnisation au sein de ce régime.

Dans ce cadre, l'ordonnance du 8 février dernier assouplit les critères pris en compte pour analyser le caractère anormal des épisodes de sécheresse, prend en compte les communes ayant subi une succession anormale de sécheresses significatives mais non exceptionnelles et améliore la prise en compte des communes adjacentes. En outre, elle encadre la réalisation des expertises et prévoit des contrôles et des sanctions pesant sur les experts.

L'indemnisation sera concentrée sur les sinistres susceptibles d'affecter la solidité du bâtiment ou d'en entraver l'usage normal. Le Gouvernement souhaite accompagner en priorité les sinistrés confrontés à ces situations.

Enfin, l'ordonnance augmente le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

M. François Bonhomme.  - Vous ne m'avez pas répondu sur l'équilibre financier du régime CatNat. Le Bureau de recherches géologiques et minières estime à dix millions le nombre d'habitations concernées et le coût de la sinistralité sécheresse à 43 milliards d'euros au cours des vingt prochaines années. Sans effort de financement, le nombre de personnes couvertes devra encore être réduit.

Délais de délivrance des titres d'identité

Mme Corinne Féret .  - En matière de délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports, des difficultés perdurent dans le Calvados comme ailleurs.

Les Français ont aujourd'hui davantage besoin de présenter un titre en cours de validité. Or avec la crise sanitaire, le Brexit et l'augmentation structurelle de la demande, les délais de délivrance s'allongent. Actuellement, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en mairie est de 58 jours - en zone urbaine, c'est bien davantage...

Les résultats du plan d'urgence lancé en mai dernier sont très insuffisants. Cette année, les Français sont cinq millions de plus que l'an dernier à devoir refaire leur pièce d'identité. Les collectivités territoriales devront embaucher pour faire face.

Les maires et les agents communaux sont les victimes collatérales des dysfonctionnements, confrontés à l'agacement des usagers et parfois victimes de violences verbales, voire pire.

Comment le Gouvernement compte-t-il assurer un délai de délivrance raisonnable et garantir une offre de proximité sur l'ensemble du territoire ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - De nouvelles mesures ont été mises en oeuvre en 2022 face à l'augmentation exceptionnelle des demandes de titres, pour en limiter les conséquences sur les services des mairies.

La définition de règles nationales de priorisation et de mesures dérogatoires pour le passage des examens avec un titre périmé depuis moins de cinq ans doit contenir le volume des demandes. Le moteur de recherche de rendez-vous permet de réduire le nombre de rendez-vous non honorés. La pré-demande en ligne réduit la durée des rendez-vous de recueil.

S'ajoute la revalorisation exceptionnelle de la dotation titres sécurisés, portée à 73 millions d'euros cette année.

Pour une plus grande proximité, 500 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement. Des effectifs supplémentaires pérennes sont prévus dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

Le Gouvernement s'engage ainsi pour un service de proximité et de qualité pour tous les usagers.

Mme Corinne Féret.  - Plusieurs maires du Calvados m'ont fait part de leurs difficultés. Vous annoncez des nouvelles machines et de nouveaux agents, mais cela prendra du temps. Or il y a urgence, car nos concitoyens attendent depuis trop longtemps !

Habitat inclusif

M. Jean Pierre Vogel .  - Promu par le Gouvernement, l'habitat inclusif, défini par la loi Élan de 2018, permet aux personnes handicapées ou âgées de concilier inclusion sociale et vie autonome, au domicile. La demande est croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées indispensable pour la mutualisation des prestations, financées par le conseil départemental.

L'Association des infirmes moteurs cérébraux de la Sarthe gère depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR++), dans un immeuble de 25 appartements. Or la commission de sécurité du Sdis a requalifié l'immeuble en établissement recevant du public (ERP), se fondant sur un arrêté de 1980 aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.

Le bailleur social propriétaire n'ayant pas réalisé les travaux d'adaptation dans les délais, le maire du Mans a prononcé la fermeture administrative et les occupants se retrouvent menacés d'expulsion.

Le risque est de voir tous les habitats inclusifs accueillant plus de six personnes requalifiés en ERP, avec à la clé des fermetures administratives et des menaces d'expulsion, ce qui porterait un coup d'arrêt à l'habitat inclusif.

Que compte faire le Gouvernement pour sauvegarder l'habitat inclusif et permettre son développement ? Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés afin qu'ils prévoient la création de logements adaptés dans toute construction nouvelle et d'imposer un certain nombre de logements destinés à l'habitat inclusif pour chaque nouvelle construction ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'habitat inclusif fait l'objet d'échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l'impérieuse nécessité de protéger les plus fragiles, particulièrement exposés en cas d'incendie.

En l'espèce, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages accueillant des infirmes moteurs cérébraux reconnus comme handicapés sévères, les privant d'autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne.

En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP. Le propriétaire n'ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022 qui a fait l'objet d'un contentieux administratif. Le Conseil d'État a confirmé, le 20 février 2023, le statut d'ERP, en s'appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.

Les porteurs de projets doivent donc intégrer que l'autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l'établissement.

Communes voisines des ZRR

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) apporte des avantages fiscaux, sociaux et d'attractivité à quelque 18 000 collectivités. Mais les communes limitrophes de ces zones rencontrent des difficultés, notamment pour attirer des professionnels de santé, faute de pouvoir offrir un régime aussi intéressant que les ZRR voisines. Des réflexions sont-elles en cours pour amoindrir cet effet frontière, afin que ces communes, qui ont elles aussi des besoins, ne soient pas pénalisées ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Il existe en effet un dispositif d'exonération fiscale pour les médecins généralistes exerçant dans une commune en ZRR.

Le dispositif ZRR prend fin au 31 décembre 2023, il convient donc d'en imaginer les nouveaux contours. J'y travaille depuis l'été 2022. Ce travail s'appuie, pour partie, sur le rapport des sénateurs Espagnac et Delcros, mais aussi sur une mission conduite par le préfet Philizot.

Les effets de frontière inhérents aux ZRR sont bien identifiés, notamment en matière de déserts médicaux. Cette problématique rejoint aussi, pour partie, celle des communes rurales membres d'un EPCI non classé en ZRR.

Des annonces seront faites prochainement sur l'avenir des ZRR, mais également sur une nouvelle déclinaison de l'agenda rural. Elles s'inscriront dans un plan national à destination des territoires ruraux, qui apportera des solutions concrètes et adaptées aux problématiques de chaque territoire. J'aurai alors plaisir à vous le présenter.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Merci de ces éléments. Je salue le travail de nos collègues Delcros et Espagnac, et j'espère que la réflexion engagée permettra de conforter les ZRR et d'apporter des solutions aux communes riveraines.

Lors d'un déplacement à Migennes dans l'Yonne, Jean Castex s'était dit prêt à y travailler dans le cadre d'un PLF ou d'un PLFSS. Nul doute que nous aboutirons.

Potentiel fiscal et financier des communes

M. Bruno Belin .  - La loi NOTRe du 7 août 2015 a été un séisme pour nombre de collectivités. Les départements ont perdu la clause de compétence générale, la compétence économique, mais aussi des compétences de proximité symboliques comme le transport scolaire, au profit de grandes régions sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Notons au passage que la création de ces grandes régions n'a permis aucune économie de fonctionnement.

Ce fut un cataclysme pour les communes les plus rurales, que l'on a fait rentrer, souvent contre leur gré, dans des communautés urbaines - je pense à des exemples dans la Vienne, autour de Poitiers. Elles ont ainsi vu leur potentiel financier doubler, voire tripler. Conséquence : un effondrement de leur DGF. Asphyxiées, des communes comme Liniers, Bonnes ou Cloué ne sont plus en mesure d'investir, faute de pouvoir boucler leur budget de fonctionnement. Que compte faire le Gouvernement pour les aider ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le potentiel fiscal et le potentiel financier communal retranscrivent de manière objective, en neutralisant les choix budgétaires et de gestion, le niveau de ressources libres d'emploi qu'une commune est en mesure de retirer de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée, mais aussi la richesse qu'elle tire de son appartenance à un EPCI à fiscalité propre, via la fiscalité économique, les prélèvements ou reversements fiscaux intercommunaux ou encore la répartition des attributions de compensation décidées par le conseil communautaire. Ce mode de calcul assure la comparabilité du niveau de ressources potentielles et la répartition objective et équitable des composantes de la DGF au niveau national.

Le niveau local joue toutefois un rôle essentiel pour assurer une plus grande solidarité entre les communes. Il dispose pour cela d'outils de péréquation dédiés, comme la révision libre des attributions de compensation ou l'institution d'une dotation de solidarité communautaire, mais aussi d'un dispositif de répartition locale de la DGF afin de définir des règles de réallocation des attributions de DGF. Avec l'ensemble de ces outils, les collectivités peuvent donc faire jouer la solidarité intercommunale.

M. Bruno Belin.  - L'Évangile selon saint Bercy est bien connu. La réalité du terrain est toute autre. Pour avoir présidé une intercommunalité, je connais bien le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) : il nécessite l'unanimité du conseil communautaire ! Autant dire que cela ne marche jamais.

Il faut absolument créer des fonds de compensation pour sauver les communes rurales. (MM. Olivier Cigolotti et Vincent Segouin applaudissent.)

Décompte de l'objectif ZAN

M. Cédric Vial .  - Lors du Congrès des maires, Mme la Première ministre a confirmé l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050, précisé que les objectifs seraient territorialisés et différenciés, et indiqué que les projets d'envergure nationale seraient décomptés à l'échelle nationale. Toutefois, des questions subsistent.

En Isère, l'entreprise STMicroelectronics a annoncé une extension de son usine qui doublera la capacité de production, avec à la clé la création de plus de mille emplois. Ce projet entre dans la stratégie nationale de soutien de la filière électronique. Dès lors, cette extension sera-t-elle décomptée à l'échelle nationale ? Tiendra-t-on compte uniquement du tènement foncier, ou aussi des conséquences de l'arrivée de mille nouveaux salariés en termes de logements, de services publics et d'équipements ?

S'il n'est pas décompté au niveau national, ce projet impacterait l'enveloppe foncière disponible de trois Scot (Schémas de cohérence territoriale) différents, empêchant toute autre forme de développement endogène. Leurs enveloppes ne pourraient être augmentées qu'en diminuant la capacité de développement des autres Scot régionaux pour conserver les objectifs à l'échelle du Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), qui devra lui aussi être modifié. Compte tenu des délais de mise à jour de ces nombreux documents, l'entreprise ne pourra déposer de permis de construire avant plusieurs années ! Tous ces documents - Sraddet, Scot, plan local d'urbanisme - risquent même de bloquer tout projet important.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Veuillez excuser M. Christophe Béchu.

La Première ministre a réaffirmé l'objectif ZAN en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2030. C'est indispensable pour stocker du carbone, préserver la biodiversité et nous protéger des impacts du changement climatique.

Le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait que les projets d'envergure nationale ne soient pas décomptés à l'échelle de chaque région, mais à l'échelle nationale, afin de mutualiser les efforts. Cette mesure est en cours de discussion dans le cadre de la proposition de loi sénatoriale sur le ZAN. Une réflexion est en cours sur le périmètre des projets économiques jugés d'intérêt national, avec des évolutions possibles dans le cadre du projet de loi Industrie verte.

Par ailleurs, la loi Climat et résilience prévoit déjà une mutualisation au niveau régional des projets d'envergure.

Inclure les besoins connexes induits par les projets d'ampleur nationale ou régionale conduirait à prendre en compte des projets purement locaux. Le Sénat n'y est pas favorable, et les amendements que vous avez portés sur le sujet n'ont d'ailleurs pas été adoptés.

Versement de MaPrimeRénov'

M. Olivier Cigolotti .  - MaPrimeRénov' a incité les ménages et les entreprises, souvent artisanales, à se lancer dans des travaux de rénovation énergétique, entraînant une forte augmentation du nombre de dossiers.

Cependant, du fait des difficultés rencontrées par l'Agence nationale pour l'habitat (Anah), le versement se fait attendre, contraignant les bénéficiaires à consentir de lourdes avances de trésorerie. Certains se retrouvent à devoir négocier avec les banques, voire envisager la cessation d'activité.

Dans certains départements, dont la Haute-Loire, les difficultés de versement de MaPrimeRénov' remettent en cause l'existence même de certaines entreprises et pénalisent également les ménages, notamment les plus modestes.

Comment le Gouvernement compte-t-il accélérer et sécuriser le versement de cette prime indispensable à la rénovation énergétique du parc de logements ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - MaPrimeRénov', principale aide de l'État en matière de rénovation énergétique, a bénéficié à 1,4 million d'usagers depuis son lancement en janvier 2020. Dans un contexte de forte demande, avec l'extension des publics éligibles en 2021 et les primes exceptionnelles dans le cadre du plan de résilience Gaz en 2022, certains dossiers n'ont pu aboutir dans les délais habituels. Mais le nombre de cas est très limité.

L'Anah se mobilise pour fluidifier les parcours avec une équipe dédiée aux situations les plus difficiles, qui font l'objet d'un suivi individualisé.

Le délai moyen de traitement pour un dossier MaPrimeRénov' est inférieur à cinq semaines. Pour un dossier complet ne nécessitant aucun contrôle renforcé, il est d'environ deux semaines pour une demande de subvention et trois semaines pour le paiement. Lorsqu'un dossier nécessite des justificatifs complémentaires ou fait l'objet d'un contrôle sur place, ces délais peuvent être allongés et atteindre trois mois. Sans nier les difficultés, ramenons-les à leur juste proportion.

L'amélioration de l'information aux usagers est également une priorité. Ainsi, la création du service public France Rénov' en 2022, complétée par la montée en charge progressive de MonAccompagnateurRenov' en 2023, facilitera le parcours des ménages dans leur projet de rénovation.

M. Olivier Cigolotti.  - Ce dispositif a suscité beaucoup d'intérêt, mais aussi de grandes déceptions, en raison des délais de paiement et des difficultés opérationnelles. Il est urgent de fluidifier le traitement des dossiers.

Préservation des moulins à eau

M. Vincent Segouin .  - Certains moulins et seuils de l'Orne sont menacés par des arrêtés préfectoraux. Le Gouvernement a beau prétendre vouloir préserver notre patrimoine, les actes ne sont pas à la hauteur des attentes. Ce manque de considération à l'égard de notre héritage patrimonial conduit à sa disparition. Pire, il se traduit par la destruction volontaire de monuments historiques qui font la fierté et l'histoire de nos territoires.

Dans l'Orne, en 2010, le préfet a ainsi commandé l'effacement du seuil de la Bataille à Clécy, sans aucune discussion, alors qu'avait été proposé au préfet et à la Direction départementale des territoires un projet de microcentrale hydroélectrique par la réhabilitation d'un bâtiment historique remontant au XIIIe siècle. Nous ne nous en sommes pas remis.

De nombreux moulins historiques étant en passe d'être détruits, je m'interroge sur la constance de l'engagement du Gouvernement ou sur le respect de ses consignes par l'administration. En réponse à deux précédentes questions, vos prédécesseurs m'avaient pourtant assuré vouloir sauvegarder les moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.

Quelles sont vos orientations en termes de continuité écologique, de préservation du patrimoine et de production propre ? Sont-elles partagées par l'ensemble des ministres concernés ? L'information est-elle relayée auprès des préfets et des administrations compétentes ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La protection du patrimoine n'est pas incompatible avec la continuité écologique, et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille avec le ministère de la culture pour identifier les ouvrages nécessitant une attention particulière. Les effacements ou arasements de moulins, dans l'Orne et ailleurs, ne touchent en général qu'au seuil du moulin et peuvent être l'occasion d'en rénover des éléments clés.

Concernant le seuil de la Bataille à Clécy, la solution retenue a fait l'objet d'une concertation au sein de la commission locale de l'eau du Sage (schéma d'aménagement et de gestion de l'eau) Orne moyenne. Conformément aux recommandations du Sage, la hauteur de l'ouvrage a été réduite.

Les débats sur la loi d'accélération des énergies renouvelables ont rappelé que la contribution des moulins à la production d'électricité était modeste et ne pouvait justifier les atteintes au milieu aquatique.

Enfin, depuis août 2021, la loi interdit aux services de l'État de prescrire l'effacement d'un moulin en réponse à l'obligation de rétablissement de la continuité écologique. Des consignes en ce sens ont été passées et sont respectées. Néanmoins, un propriétaire peut toujours demander l'abrogation de son droit et souhaiter la remise en état du cours d'eau, plutôt que d'aménager et supporter les charges d'entretien d'un seuil. Il n'appartient pas aux services du ministère de s'opposer à une telle requête de la part du propriétaire exerçant son droit.

M. Vincent Segouin.  - Ce ne sont pas les propriétaires qui demandent l'arasement des seuils, mais bien les organismes de sauvegarde de la continuité écologique, sans considération de la valeur patrimoniale ou du potentiel hydroélectrique. Pour les populations, c'est un traumatisme. Nous voulons une administration compréhensive et objective.

ZAN et circonscription portuaire

Mme Agnès Canayer .  - L'Axe Seine est l'artère fluviale de notre pays. Son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice. Relais entre la capitale et la façade maritime, l'Axe Seine est aussi un outil majeur pour la réindustrialisation ; il est d'ailleurs inscrit depuis 2019 à l'initiative Territoire d'Industrie.

Mais que ce soit dans ses boucles ou dans son estuaire, la Seine sera concernée par le principe du ZAN, dont l'application stricte va entraver le développement des circonscriptions portuaires. Ainsi, l'usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l'association Industries Caux Seine ou le projet Synerzip au Havre interdiront demain toute autre initiative dans les territoires sur lesquels ils sont implantés. Sans compte foncier séparé pour l'Axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa-Port, des projets locaux seront à l'arrêt, comme PJ3 à Port-Jérôme-sur-Seine.

Quid de la compensation environnementale et de l'absence d'incitation fiscale à la réutilisation des friches ? Madame la Ministre, comptez-vous inscrire dans les comptes fonciers nationaux les opérations d'aménagement dans les circonscriptions portuaires ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Chaque année, 20 000 ha d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés en moyenne en France. Les conséquences sont écologiques, mais aussi socioéconomiques. D'où l'objectif ZAN en 2050.

La loi Climat et résilience permet déjà à la région de mutualiser des projets d'envergure, comme ceux portés par Haropa port. La Première ministre s'est déclarée favorable à ce que les projets d'envergure nationale soient mutualisés à l'échelle nationale, afin que les territoires concernés ne soient pas pénalisés par leur implantation.

Lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale, le Gouvernement a présenté un amendement visant à intégrer explicitement les grands ports dans les grands projets d'envergure nationale. La rédaction englobe les actions ou opérations d'aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l'État, ou pour leur compte.

L'objectif de sobriété foncière est ambitieux, mais nécessaire. Pour accompagner les territoires, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit à travers le renforcement de l'ingénierie territoriale, l'encouragement à la contractualisation ou la mobilisation de leviers fiscaux ou budgétaires, en particulier le Fonds vert doté de 2 milliards d'euros en 2023.

Mme Agnès Canayer.  - Je ne remets nullement en cause l'objectif de sobriété foncière, mais attention à ne pas décourager les acteurs.

Survie de la ligne de l'Aubrac

M. Bernard Delcros .  - La ligne de l'Aubrac, emblématique du Massif central, relie Clermont-Ferrand à Béziers et dessert les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l'Aveyron et l'Hérault. Sur le plan économique, elle assure le fret pour l'usine Arcelor Mittal de Saint-Chély-d'Apcher, premier employeur du secteur. Sur le plan touristique, elle franchit le célèbre viaduc de Garabit, construit par Eiffel, et traverse le site classé des gorges de la Truyère.

Autant d'atouts qui ont conduit l'État à renouveler le classement de cette ligne en Train d'Équilibre du Territoire jusqu'en 2031, reconnaissant ainsi son intérêt national.

Malgré des travaux sur la ligne, l'absence d'anticipation et d'entretien sur certains tronçons a conduit à sa fermeture durant onze mois en 2021. Et selon plusieurs sources, la ligne pourrait à nouveau fermer dans les mois à venir si des travaux n'étaient pas engagés rapidement, notamment sur le tronçon entre Andelat et Loubaresse, dans le Cantal.

Classer une ligne ferroviaire d'intérêt national puis la fermer faute d'entretien ne serait ni cohérent ni acceptable. Pouvez-vous nous assurer que la ligne de l'Aubrac ne subira pas de nouvelle fermeture pour défaut d'entretien ou de travaux non effectués, et nous indiquer le calendrier des travaux envisagés pour l'éviter ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'État est pleinement engagé aux côtés des régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes en faveur des deux lignes interrégionales de l'Aubrac et des Cévennes et a intégralement tenu les engagements financiers pris au titre des contrats de plan État-région 2015-2022.

L'État a par ailleurs fait des propositions aux deux régions pour assurer le financement dans la durée des investissements nécessaires à leur sauvegarde, dans le cadre d'un projet de protocole d'accord interrégional destiné à donner une visibilité à dix ans. Je suis en attente de leur réponse.

Sur la ligne de l'Aubrac, certains rails, de type double-champignon, entre Neussargues et Saint-Chély-d'Apcher doivent être remplacés rapidement afin de pérenniser les circulations de voyageurs et de fret sur cette section. Je vous confirme que l'État est prêt à participer au financement. Les discussions sont en cours avec les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes pour compléter le tour de table financier de ces travaux prévus en 2024.

M. Bernard Delcros.  - Notre réseau de petites lignes ferroviaires est une chance pour le pays, pour la lutte contre le réchauffement climatique. La ligne de l'Aubrac est entièrement électrifiée et contribue à la mobilité en milieu rural, à laquelle je vous sais attachée. Ne la laissez pas tomber !

Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin

Mme Martine Filleul .  - Si la modernisation de l'aéroport de Lille-Lesquin est nécessaire, son extension inquiète les 55 000 riverains et les élus.

L'Agence régionale de santé (ARS) a alerté sur l'effet des nuisances sonores dues à l'augmentation des vols de nuit sur l'apprentissage scolaire, les troubles du sommeil et les risques d'infarctus... Il faudrait instaurer un couvre-feu de 23 heures à 5 heures du matin. Cette mesure de bon sens s'applique aux autres aéroports comme Bâle-Mulhouse ou Nantes ; pourquoi pas à Lille ? Le Gouvernement, interpellé à plusieurs reprises par des parlementaires, esquive en arguant d'une étude d'impact, qui n'est pas nécessaire pour décider d'un couvre-feu. Allez-vous l'instaurer ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le syndicat mixte, propriétaire de l'aéroport, et l'exploitant veulent porter le trafic de passagers de 2,2 millions en 2019 à 3,4 millions en 2039 - une ambition en légère baisse en raison des changements de pratiques et de la restructuration de la compagnie Hop, qui maintient la ligne vers Lyon mais abandonne les dessertes de Bordeaux, Nantes, Marseille, Nice et Toulouse. En 2022, le trafic était de 1,8 million de passagers, pour 13 683 mouvements, contre plus de 20 000 en 2019.

Le syndicat mixte et l'exploitant se sont engagés à plafonner le nombre de vols de nuit au chiffre de 2019, soit 1 566 mouvements, hors les vols d'avions de l'État et les vols sanitaires. Une étude d'impact selon la méthodologie de l'approche équilibrée, pilotée par le préfet du Nord, a été lancée à la demande du ministre des transports. Elle est imposée par la réglementation nationale avant la mise en place de toute mesure de restriction d'exploitation, et comprend des analyses socio-économiques et la concertation des parties prenantes. Elle déterminera les mesures de réduction du bruit et d'éventuelles restrictions d'exploitation adaptées à la situation locale et proportionnées. Une large concertation sera organisée, avec un point d'avancement lors de la réunion de la commission consultative de l'environnement en juin prochain.

Mme Martine Filleul.  - La modernisation de l'aéroport est bienvenue. Mais votre réponse sur le plafonnement des vols de nuits ne me satisfait pas. J'accepte l'augure d'une étude d'impact, mais habitants et élus sont impatients de voir des mesures mises en oeuvre.

Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly

M. Jean-Raymond Hugonet .  - L'association de défense des riverains de l'aéroport d'Orly (Drapo), présidée par M. Gérard Bouthier, rassemble plus de trente communes et trente  associations. À leurs côtés, nous militons depuis plus de vingt ans pour une exploitation rationnelle de l'aéroport, qui prenne en compte la protection de la santé, le respect des droits des populations survolées, ainsi que les impératifs d'une activité territoriale responsable et durable. Le 12 juillet 2021, nous avons demandé l'application du règlement européen qui établit les normes et les procédures pour la réduction du bruit des grands aéroports ; il exige que les États membres désignent une ou plusieurs autorités compétentes, indépendantes de toute organisation participant à l'exploitation de l'aéroport.

Or, en désignant la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), l'État enfreint cette règle d'indépendance. En avril 2022, le Conseil d'État a reconnu que la DGAC n'était pas impartiale et a demandé à la Première ministre de nommer une nouvelle autorité indépendante dans les six mois. Dix mois après, la DGAC est toujours juge et partie ; pourquoi ? Il est grand temps d'agir pour protéger la santé des populations. Les riverains ont droit à être entendus et à voir leurs droits fondamentaux respectés.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le trafic d'Orly est soumis à un ensemble de contraintes à visée environnementale strictement surveillées par les autorités locales de l'aviation civile. Depuis 1968, un couvre-feu est en vigueur entre 23 h 30 et 6 heures du matin. Le nombre de créneaux est plafonné à 250 000  par an.

Le plan de prévention du bruit dans l'environnement propre à l'aéroport a été adopté le 17 mars 2022. Seul plan avec un objectif de réduction du bruit quantifié, il prévoit de diminuer d'au moins six décibels l'indicateur moyen de gêne sonore ressenti entre 22 heures et 6 heures et de réduire de 50 % le nombre de personnes affectées par de fortes perturbations du sommeil. Une étude d'impact, selon l'approche équilibrée en application du règlement UE 598/2014, étudiera les mesures et les restrictions d'exploitation complémentaires éventuelles.

Un projet de décret portant désignation d'une nouvelle autorité compétente est soumis à l'examen du Conseil d'État ; c'est un préalable indispensable à la réalisation de l'étude d'impact.

Le Gouvernement reste attaché à la lutte contre les nuisances sonores.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Qu'en termes galants ces choses-là sont dites ! L'État bafoue une décision du Conseil d'État. Vous aviez six mois pour la respecter. Votre réponse est un sabir technocratique. Nous attendons que vous désigniez une autorité indépendante.

Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer

Mme Pascale Gruny .  - Un article du Parisien du 8 février 2023 évoque un désaccord entre les médecins et la Haute Autorité de santé (HAS) concernant l'efficacité de certains traitements cibles contre le cancer qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) et ont fait leurs preuves dans le cadre d'essais cliniques. Or la HAS estime les données cliniques actuelles insuffisantes pour considérer que le service médical rendu (SMR) justifie une prise en charge par la solidarité nationale.

Face à la maladie, tous nos concitoyens doivent bénéficier des meilleurs traitements. Pourquoi la HAS considère-t-elle que ces traitements ne devraient pas être remboursés ? Dispose-t-elle des outils nécessaires pour appréhender ces nouvelles thérapies ? La réglementation permet-elle de prendre en compte des études menées sur une population plus restreinte ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - M. François Braun m'a chargée de vous répondre.

L'évaluation des produits de santé vise à garantir que les médicaments autorisés sur le marché présentent un niveau d'efficacité suffisant et un profil bénéfices-risques favorable au vu des alternatives disponibles. Leur prise en charge repose en France sur une double exigence : d'une part identifier les médicaments justifiant une prise en charge, d'autre part, permettre à l'ensemble des patients éligibles d'accéder à ces médicaments.

La HAS évalue pour chaque médicament le SMR et l'amélioration du SMR par rapport aux alternatives existantes. Son niveau d'exigence est élevé, en particulier concernant les données soumises par les industriels. Des études cliniques comparatives randomisées en double aveugle restent un prérequis.

Néanmoins, ces études sont parfois impossibles. La Commission de la transparence tient compte de ces situations particulières en ce qui concerne les traitements pour lesquels la HAS a conclu à une absence de SMR. Cela ne s'assimile pas à un refus de remboursement puisque ces traitements, s'ils sont à destination du secteur hospitalier, sont pris en charge au travers des tarifs hospitaliers. Enfin, certains traitements font l'objet d'AMM conditionnelles : le rapport bénéfices-risques n'a pas encore été confirmé de manière certaine et l'Agence européenne des médicaments (EMA) conditionne cette autorisation à la collecte de nouvelles données.

Par ailleurs, notre système national de prise en charge précoce des médicaments permet un accès aux traitements présumés innovants pour les patients souffrant de maladies graves et rares pour lesquelles il n'y a pas d'autre traitement approprié disponible en France. Cela permet aux patients français d'accéder aux traitements les plus innovants, avant même qu'ils ne disposent d'une AMM.

Mme Pascale Gruny.  - Les médecins qui expérimentent ces médicaments en essais cliniques déplorent ces pertes de chance pour leurs patients. La France est membre de l'Union européenne, or ces médicaments sont autorisés dans l'Union.

L'actuelle pénurie est en partie liée au prix ; les médicaments innovants sont plus chers. En matière de santé, c'est inaudible. La perte de chance est inexplicable pour les patients. J'espère que le ministre entendra cette demande.

Droit à mourir et fin de vie

M. François Bonneau .  - À la suite de la deuxième phase de la convention sur la fin de vie organisée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), en février 2023, 75 % des citoyens interrogés se sont prononcés en faveur d'une aide active à mourir, qu'il s'agisse du suicide assisté ou de l'euthanasie, aux personnes majeures ou mineures sans que le pronostic vital ne soit nécessairement engagé.

Toutefois, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ainsi qu'un rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) publié en 2022, suggèrent que l'aide à mourir doit être circonscrite à des conditions strictes, telles qu'une affection grave et incurable ou bien lorsque le pronostic vital est engagé. C'est le cas dans de nombreux pays - Belgique, États-Unis, Autriche, Pays-Bas - où l'aide à mourir a été encadrée.

Même si l'accompagnement de la fin de vie doit être réformé au vu du « mal mourir », la mauvaise prise en charge de la souffrance met également en lumière les inégalités d'accès aux soins palliatifs : selon un rapport du Sénat de 2021, 26 départements ne disposaient pas d'unité de soins palliatifs ou d'au moins un lit pour 100 000 habitants en 2019.

Quelle est la position du Gouvernement sur la fin de vie et le droit à mourir, et quelles politiques seront mises en oeuvre pour améliorer l'accompagnement de la souffrance en fin de vie, notamment pour renforcer l'accès aux soins palliatifs ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le Président de la République a souhaité qu'un débat soit organisé à différents niveaux : convention citoyenne, commissions des affaires sociales des deux assemblées, Cour des comptes. La mission que je mène avec Olivier Véran et des parlementaires et professionnels de santé s'articule autour de débats thématiques sur l'anticipation, la culture palliative, l'accompagnement du deuil, la reconnaissance des aidants, pour définir une future stratégie d'accompagnement de la fin de vie.

J'ai demandé la rénovation de la circulaire de 2008 relative à l'offre de soins palliatifs. La troisième édition de l'Atlas des soins palliatifs souligne les progrès réalisés : si vingt départements ne disposent pas d'une unité, 171 équipes mobiles de soins palliatifs sont déployées sur l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse de lits de soins palliatifs en établissement sanitaire comme en services de soins de suite et de réadaptation. Lors de mes déplacements, j'ai rencontré des soignants, personnels et bénévoles très investis et mus par une profonde humanité.

Si beaucoup a été fait, je souhaite passer un nouveau cap. Le dialogue national sur la fin de vie est loin d'être achevé. Quelle qu'en soit l'issue, gardons à l'esprit le caractère profondément singulier, douloureux et complexe de chaque fin de vie.

M. François Bonneau.  - Je ne doute pas de votre volonté. Mais dans les pays où la législation est la plus avancée, les unités de soins palliatifs sont parfois les grands perdants. (Mme la ministre le conteste ; M. Loïc Hervé applaudit.)

Impact du prix des médicaments sur les entreprises

Mme Laurence Harribey .  - Les entreprises produisant des médicaments matures rencontrent d'énormes difficultés en raison du prix des médicaments. L'inflation accroît le coût des intrants et de l'énergie, la réglementation est toujours plus contraignante, tandis que le prix des médicaments est fixé par un accord-cadre avec le Comité économique des produits de santé (Ceps). À chaque loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), les budgets pour l'achat de médicaments matures sont réduits, ce qui précarise ces entreprises. Or il y va de la souveraineté sanitaire et de l'accès de nos concitoyens à ces médicaments. Comment la disposition prévoyant que le Ceps puisse fixer le prix des médicaments en tenant compte de l'impératif de sécurité d'approvisionnement est-elle effectivement mise en oeuvre ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre François Braun m'a chargée de vous répondre. La tarification d'un médicament s'appuie majoritairement sur sa valeur clinique, notamment son niveau d'amélioration du service médical rendu (SMR). Un nouveau critère de tarification, créé par la LFSS 2022, prend mieux en considération la sécurité d'approvisionnement du marché français. Le Ceps a élaboré une doctrine de critères d'éligibilité et de niveau de valorisation, qui peut dorénavant être mise en pratique pour les entreprises commercialisant des produits essentiels. Lorsque le prix n'est plus compatible avec un maintien sur le marché, l'article 28 de l'accord-cadre prévoit une hausse si les critères d'éligibilité prédéfinis sont réunis.

Les postes de surcoût sont actuellement ceux liés à la matière première. Toutefois, un élargissement au surcoût lié à la production dans sa globalité pourrait être envisagé pour des médicaments critiques. Une liste de médicaments stratégiques d'intérêt sanitaire est en cours d'élaboration avec les sociétés savantes afin de définir les molécules concernées.

Les conclusions de la mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé sont attendues pour l'été. Parmi ses principaux objectifs : le renforcement de notre tissu productif, notamment pour les produits matures, dans un objectif de souveraineté sanitaire, et l'attractivité des territoires pour les industriels et la relocalisation de produits de santé stratégique.

Mme Laurence Harribey.  - L'article 28 de l'accord-cadre ne prévoit une hausse de prix que lorsque l'arrêt de la production ou de la commercialisation empêcherait de couvrir un besoin thérapeutique, alors qu'il s'agit de garantir la diversification des approvisionnements. Lors d'une audition, un interlocuteur me confiait qu'une seule augmentation de prix avait été consentie, pour 2 centimes d'euros la boîte. Le Ceps est placé sous la tutelle du Gouvernement : il est de votre responsabilité que cette mission aille beaucoup plus loin.

Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé

M. Guy Benarroche .  - Les investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé voient leur prix augmenter avec la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Ainsi, les hôpitaux concernés, lourdement déficitaires et vivant déjà sous perfusion financière de l'Agence régionale de santé (ARS), ne peuvent cofinancer les projets prévus.

Dans les Bouches-du-Rhône, les deux projets de centres hospitaliers - Salon-de-Provence, avec un apport de 78 millions d'euros de l'ARS sur un total de 130 millions d'euros, et Aubagne avec un apport de 92 millions d'euros de l'ARS sur 115 millions d'euros - font face à des surcoûts de 30 % environ.

Ils en deviennent difficilement soutenables. À Aubagne, où devait émerger un campus de la santé, on envisage de retirer le volet médico-social du projet et de revoir son dimensionnement capacitaire. Actuellement, le projet est estimé à 140 millions d'euros sans le médico-social.

On ne construit pas un nouvel hôpital uniquement au regard du budget, mais en fonction des besoins en santé de la population pour les cinquante prochaines années. Quel soutien financier supplémentaire l'État prévoit-il ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Les effets conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine augmentent les coûts de construction.

Les porteurs de projets, plus prudents, reconsidèrent leurs estimations et provisionnent des aléas économiques cohérents avec l'inflation. Les réévaluations s'élèvent à 30 % par rapport à la programmation initiale du Ségur. Les établissements peuvent difficilement absorber une telle augmentation. Nous cherchons à identifier des sources de financement complémentaires pour équilibrer leur plan de financement. Les collectivités locales ont été sollicitées. Les ARS travaillent au rééchelonnement de certains projets.

Le projet d'Aubagne est celui pour lequel l'aide de l'ARS est la plus élevée en région Paca. En effet, nous entendons consolider la place qu'occupe le centre hospitalier Edmond Garcin dans l'offre sanitaire de proximité de l'est des Bouches-du-Rhône. Compte tenu de sa situation financière dégradée, l'ARS a prévu un niveau d'accompagnement très important. Le projet médical et le projet immobilier sont actuellement en cours de consolidation et donnent lieu à des échanges avec l'établissement, la préfecture et la Direction départementale des territoires et de la mer.

C'est dans ce contexte qu'a été retenue une approche différenciée entre volets sanitaire et médico-social, ce qui pourra entraîner un décalage dans le calendrier. Cette réflexion intègre la question de l'implantation des sites, de la recomposition de l'offre et du développement d'une offre innovante. Il ne s'agit pas d'un report sine die du volet médico-social mais d'une maturation de la réflexion afin de prendre en compte les spécificités propres au développement d'un tel projet.

Protection universelle maladie pour les Français établis hors de France

M. Ronan Le Gleut .  - L'instauration de la protection universelle maladie (PUMa) a des conséquences néfastes pour certains Français établis hors de France. Ainsi, une personne en situation de handicap vivant en Argentine avec ses parents retraités s'est vue désaffiliée de la sécurité sociale. De nombreuses femmes ayant suivi leur mari à l'étranger font face aux mêmes difficultés à l'heure de leur retraite.

Avant la réforme, le statut d'ayant droit majeur permettait aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions - notamment les épouses ou les personnes en situation de handicap sans activité professionnelle - d'être affiliées à l'assurance maladie par le biais de leur conjoint ou d'un parent. La réforme a supprimé ce statut, créant une situation profondément injuste pour nos compatriotes résidant hors Union européenne, dans les pays sans convention bilatérale de sécurité sociale ou dans ceux où la convention bilatérale n'inclut pas les membres de la famille. Ils ne peuvent plus bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs courts séjours en France, sauf à prendre une assurance supplémentaire auprès de la caisse des Français de l'étranger, ce qui double le montant de leur cotisation.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que nos compatriotes continuent à bénéficier de la protection de l'assurance maladie lors de leurs séjours en France ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réforme de 2016 instaurant la PUMa permet à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé. Pour justifier de la stabilité de sa résidence en France, une personne n'exerçant pas d'activité professionnelle doit fournir un justificatif de résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois. Certaines catégories de personnes n'ont pas à justifier de cette condition, notamment les membres de la famille qui rejoignent ou accompagnent un assuré d'un régime de sécurité sociale obligatoire français. Le code de la sécurité sociale établit une liste des personnes dispensées de la condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois. Si les Français de l'étranger ne sont pas mentionnés en tant que tels, ils peuvent dans certaines conditions bénéficier de cette prise en charge à leur retour en France.

La PUMa n'a pas modifié le critère de résidence stable de trois mois, qui existait déjà pour bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU). Au contraire, elle a simplifié les démarches de l'assuré et des ayants droit pour mieux garantir la continuité de la prise en charge.

Hôpital de Carpentras

M. Jean-Baptiste Blanc .  - À Carpentras, la partie service public du pôle santé public-privé devra fermer la nuit ses services d'urgences et de maternité à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2021, le 3 avril prochain, et peut-être définitivement. L'intensification de l'intérim médical a conduit à une surenchère des rémunérations ; les plannings de garde deviennent très dépendants de ces médecins, qui représentent 40 % du total à Carpentras. Or ces derniers ne souhaitent pas continuer à travailler au tarif imposé par la loi, soit 1 170 euros bruts par mission de 24 heures. À quinze jours de l'entrée en vigueur de la loi Rist, la situation des hôpitaux est insoluble. Tous les services sont désorganisés. Les 90 000 habitants du Comtat Venaissin -  200 000 en été - seront dirigés vers l'établissement centre d'Avignon, déjà submergé.

L'heure n'est plus aux discussions sur la revalorisation des praticiens hospitaliers ou le numerus clausus ; il faut trouver des médecins avant le 3 avril. La proximité est un enjeu majeur de l'efficacité de la médecine d'urgence. Le 3 avril, chacun, sur le territoire, aura-t-il accès à un service d'urgence ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La loi du 26 avril 2021 vise à lutter non contre l'intérim, mais contre ses dérives, avec des tarifs qui peuvent atteindre 6 000 euros pour 24 heures. Le plafonnement des rémunérations à 1 170 euros bruts n'est pas appliqué ; c'est pourquoi la loi Rist prévoit des contrôles. Sa mise en oeuvre, après plusieurs reports, a été fixée au 3 avril. Il est de notre responsabilité de faire appliquer la loi votée.

Les ARS travaillent avec tous les acteurs locaux pour assurer la continuité des soins, avec des solutions alternatives au cas par cas, dans une logique de solidarité territoriale. Au sein du ministère des solidarités et de la santé, une organisation dédiée a été constituée pour identifier les situations signalées par les élus.

La mise en oeuvre de la loi Rist nécessite de revoir les rémunérations des vacataires. À Carpentras, le centre hospitalier met en oeuvre des plans de continuité d'activité, notamment lors des périodes de tension. Des leviers RH vont être mobilisés par autorisation du directeur général de l'ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale, recours à l'emploi contractuel, adaptations organisationnelles.

Maison de retraite de Cabannes et Novès

M. Stéphane Le Rudulier .  - Le dialogue entre l'exécutif et les élus locaux est difficile, et le couple maire-préfet vanté par le Président de la République au dernier congrès des maires reste peu opérant. La fermeture de l'Ehpad intercommunal de la Durance à Cabannes en est une nouvelle illustration. Plus que le fond, c'est la forme qui heurte, avec un manque de considération des élus locaux, du personnel et des pensionnaires. Le maire a en effet appris la fermeture par une communication orale du directeur le 16 novembre dernier. Aucune communication officielle de l'ARS ne l'a confirmée depuis. Tous les résidents ont été transférés sur un autre site. Au-delà du choc psychologique, la commune a la responsabilité de proposer une réaffectation des bâtiments, sans accompagnement ni compensation.

La petite commune rurale de Cabannes, avec ses 4 400 habitants, est frappée par la désertification. Après le bureau de poste en 2020, cette nouvelle fermeture relève de la double peine.

Confirmez-vous officiellement la fermeture, et êtes-vous en mesure de proposer un plan d'accompagnement aux élus locaux pour la reconversion des bâtiments ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La situation de la maison de retraite est suivie par le ministère depuis de nombreux mois. Le 19 janvier 2023, l'ARS a adressé un courrier au maire de la commune, Gilles Mourgues, pour lui rappeler que les difficultés n'étaient ni récentes, ni conjoncturelles et proposer une rencontre. La situation s'est aggravée à l'automne, lorsque les fournisseurs ont bloqué les comptes et refusé de livrer les commandes. Il fallait une solution structurelle, portant notamment sur la question du double site de l'établissement.

Le 21 février, le conseil d'administration a décidé le transfert des lits du site de Cabannes vers celui de Novès ; la transformation du pôle d'activités et de soins adaptés (Pasa) de jour de Novès en Pasa de nuit ; et enfin la création d'un centre de ressources territorial couvrant en priorité la commune de Cabannes. Les résidents de Cabannes ont été transférés, avec un accompagnement personnalisé pris en charge par un psychologue. Le personnel titulaire a été entièrement repris à Novès.

Défense du pluralisme associatif

M. Denis Bouad .  - Le travail essentiel des associations du secteur sanitaire et social a été salué pendant la crise du covid. Or le secteur est marqué par la forte expansion de grands groupes souvent situés en zone urbaine ; la logique de prestation qui régit de plus en plus les relations entre les pouvoirs publics et les associations contribue à cette tendance.

On observe ainsi la multiplication des appels à projets et appels à manifestations d'intérêt qui alimentent la concurrence, souvent au détriment des associations intermédiaires qui génèrent de l'emploi local et développent une réelle expertise sur leur territoire. Nous avons tout intérêt à préserver le pluralisme associatif.

Comment allez-vous préserver le tissu local et rééquilibrer le rapport de force faussé entre les grands groupes et les associations intermédiaires ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le pluralisme de notre tissu associatif doit en effet être préservé. Insertion, hébergement, accompagnement social : les associations petites et grandes du secteur sanitaire et social réalisent un travail essentiel auprès des plus fragiles.

Il faudrait objectiver la polarisation que vous évoquez, mais n'opposons pas petites et grandes associations, qui bien souvent opèrent en complémentarité.

Les ministres des solidarités et de l'agriculture ont lancé le programme Mieux manger pour tous, doté de 60 millions d'euros pour 2023, dont l'un des objectifs est de soutenir les démarches innovantes des territoires. Nous avons soutenu les associations avec des mesures de revalorisation salariale liées au Ségur, nous continuons à le faire avec le bouclier tarifaire.

Les assises de la simplification associative en cours donneront lieu à une feuille de route à laquelle les présidents et bénévoles des associations de toute taille seront associés.

M. Denis Bouad.  - J'entends votre réponse, mais j'attire votre attention sur les difficultés des associations de proximité.

Frais de déplacement des aides à domicile

Mme Else Joseph .  - Le conseil départemental des Ardennes a porté l'indemnité kilométrique à 45 centimes pour le personnel des services d'aide à domicile. C'est une première depuis 2008, mais les départements ne peuvent à eux seuls supporter les charges : 600 000 euros de plus, c'est epsilonesque vu de Paris, mais dans les Ardennes, cela représente un point de fiscalité. Il faut faire des choix, et nous n'avons pas voulu sacrifier l'aide à domicile.

Ne laissez pas seuls nos conseils départementaux. Infirmières territoriales, libérales et aides à domiciles se dépensent sans compter, alors que leurs conditions de travail se dégradent. Les infirmières territoriales, en particulier, ont un rôle précieux auprès des commissions Mobilité ou dans l'évaluation de la perte d'autonomie.

Comment appuyer les métiers de l'aide à domicile, les revaloriser, assurer leur attractivité, à quelques jours de la journée nationale des aides à domicile ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le Gouvernement a pris des engagements forts pour l'attractivité de ces métiers, notamment en agréant l'avenant 50 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, qui a porté l'indemnité kilométrique de 35 à 38 centimes. L'indemnité carburant de 100 euros pour ceux qui empruntent leur voiture pour se rendre au travail, dans un plafond de revenus de 14 700 euros annuels par part fiscale, complète ce soutien.

Citons aussi le forfait mobilités durables, une exonération de cotisations pour l'indemnisation des mobilités douces, adopté dans de nombreux établissements sociaux et médico-sociaux via des accords collectifs locaux. Les conseils départementaux peuvent enfin cofinancer l'achat ou la location de véhicules et la constitution de flottes.

Il faut réfléchir ensemble à des mesures complémentaires. Jean-Christophe Combe a fait de la mobilité des professionnels un point d'attention spécifique du volet Bien vieillir du Conseil national de la refondation.

Mme Else Joseph.  - Le département des Ardennes est au bord de l'asphyxie, et je ne suis pas convaincue que vos réponses amélioreront l'attractivité de ces métiers.

Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité

M. Philippe Mouiller .  - La nouvelle méthode de calcul introduite par un décret de février 2022 a entraîné la suspension du versement de la pension d'invalidité pour les personnes dont les revenus d'activité dépassent le plafond annuel de la sécurité sociale, à compter de septembre 2022. Cela a aussi entraîné la suspension du versement des rentes de prévoyance, qui étaient liées à la pension d'invalidité, d'où une double peine pour les travailleurs handicapés concernés. Certains envisagent de cesser toute activité.

Ce texte va à l'encontre de l'esprit de la réforme, censée faciliter le cumul emploi-ressources. Quelles mesures urgences allez-vous prendre pour mettre fin à ce qui est vécu comme une véritable injustice ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réforme mise en oeuvre par le décret du 23 février 2022 vise, pour les personnes handicapées qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée, à ce que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Les 60 000 personnes concernées pourront mieux cumuler leur activité et leur pension, avec un nouveau seuil de comparaison au salaire antérieur limité au plafond de la sécurité sociale.

J'entends les inquiétudes : certains assurés dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale verront leurs revenus diminuer. Des mesures rectificatives, dont un relèvement du plafond, seront envisagées pour permettre le maintien des pensions pour la grande majorité des personnes concernées.

Je confirme que les réclamations d'indus adressées par certaines caisses primaires d'assurance maladie sont nulles et non avenues. Quant à la suspension du versement de pensions complémentaires par les organismes de prévoyance, elle est, selon notre analyse, en contravention avec le droit existant. Nous allons trouver rapidement une solution concrète.

M. Philippe Mouiller.  - Vous semblez avoir conscience de la situation, mais il y a urgence. Nous serons attentifs à vos propositions.

Exclus du Ségur

M. Daniel Chasseing .  - La mise en oeuvre du Ségur de la santé a entraîné des disparités parmi les employés des établissements médico-sociaux, d'où des incompréhensions. Pour l'obligation vaccinale, tous étaient considérés comme des soignants, ce qui est bien normal - mais par pour le Ségur ! Un cuisinier, une lingère, un agent d'entretien perçoivent la revalorisation s'ils sont employés dans un Ehpad, mais pas s'ils relèvent d'une maison d'accueil spécialisée (MAS). Il est difficile pour les directeurs d'expliquer la situation, qui peut provoquer des démissions.

Les techniciens de radiologie et de radiothérapie exerçant en clinique sont eux aussi exclus des augmentations, alors qu'ils sont en contact permanent avec le public.

Le Gouvernement compte-t-il prendre en considération ces revendications et élargir les revalorisations du Ségur ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'État a, avec les départements, augmenté de 4 milliards d'euros les rémunérations des 700 000 salariés du secteur sanitaire, social et médico-social, soit près de 183 euros nets par mois en moyenne. Cela concerne notamment les personnels de la fonction publique hospitalière des MAS rattachées à un établissement de santé ou à un Ehpad. L'année dernière, le Gouvernement a étendu les revalorisations à 200 000 salariés exerçant des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Ces filières bénéficient d'un réel gain d'attractivité.

Pour le personnel administratif, technique et logistique hors fonction publique hospitalière, il est indispensable de construire une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C'est la condition d'une revalorisation durable. L'État et l'Association des départements de France ont annoncé être prêts à mobiliser 500 millions d'euros pour faire aboutir ces travaux.

M. Daniel Chasseing.  - Ma question portait surtout sur les Ehpad et les MAS relevant de la compétence de l'État.

Diffusion de la théorie du genre

Mme Laurence Muller-Bronn .  - La Caisse d'allocations familiales (CAF) a mis en ligne sur son site une campagne intitulée « Mon enfant est transgenre, comment bien l'accompagner ? ». Sa communication s'appuie sur des citations d'associations militantes, sans avis contraire, ce qui contrevient aux principes de neutralité et d'impartialité du service public. Les autorités portent la responsabilité des conséquences d'affirmations susceptibles d'induire les familles en erreur.

Une tribune signée par des médecins et publiée par Le Figaro demande au ministère de faire retirer cette page, proposant une réflexion avec des spécialistes qui alertent sur les manipulations mentales dont peuvent être victimes les adolescents sur les réseaux sociaux. Or la page n'a été modifiée qu'à la marge.

Autre exemple, une campagne du Planning familial avec pour slogan « Au Planning, on sait que les hommes aussi peuvent être enceints ! » ou encore la définition des « règles survenant chez des personnes qui ont un utérus », qui gomme le mot « femme ». Cet organisme s'éloigne ainsi de ses missions d'intérêt général, notamment la défense des droits des femmes.

Qu'allez-vous faire pour que le principe de neutralité et d'objectivité soit respecté ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Le regard médical et sociétal sur la transidentité a évolué. La France, en 2010, l'a retirée de la liste des maladies mentales, et la modification de la mention du sexe à l'état civil a été démédicalisée en 2016. La ministre Isabelle Rome a lancé le 25 janvier les travaux du prochain plan d'action gouvernemental contre la haine et les discriminations anti-LGBT.

Le nombre de personnes transgenres est estimé entre 20 000 et 60 000. Ce sont - faut-il le rappeler ? - des citoyennes et citoyens à part entière protégés par le droit français, européen, international. En permettant aux personnes qui souhaitent s'engager dans une démarche de changement de genre de le faire, la CAF est bien dans son rôle de prévention, et l'information qu'elle diffuse a vocation à assurer l'effectivité des droits pour toutes et tous. Nous maintenons une vigilance absolue sur le sujet et je vous remercie, à titre personnel, de cette question !

Fraude sociale

M. Christian Klinger .  - Selon la Cour des comptes, les fraudes sociales détectées coûteraient plus d'un milliard d'euros. Je n'ose imaginer le montant réel : cartes Vitale actives en surnombre, pensions de retraite perçues grâce à la non-déclaration d'un décès, allocations versées indûment, sans oublier les pratiques d'escroquerie sophistiquées.

Tout cela révèle les failles de notre système social. La Cour des comptes, pour qui les organismes sociaux luttent mal contre les fraudes, a demandé au Gouvernement de faire aboutir en 2022 le recoupement automatisé des fichiers des organismes sociaux avec ceux du fisc - toujours repoussé. En mai dernier, le Gouvernement indiquait que ce rapprochement serait effectif fin 2022.

Où en sont les organismes sociaux dans le rapprochement systématique des coordonnées bancaires utilisées avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La lutte contre toutes les fraudes, priorité du Gouvernement, donne de plus en plus de résultats.

Les redressements réalisés par les Urssaf ont presque atteint 800 millions d'euros en 2022, soit 46 % de plus qu'en 2017.

Les caisses des allocations familiales (CAF) ont détecté 351 millions d'euros de fraudes aux prestations en 2022, 21 % de plus qu'en 2017.

Le Gouvernement a donné une nouvelle impulsion : résorption quasi complète du stock de cartes Vitale surnuméraires, passé de 600 000 à environ 3 000 ; fermeture accélérée des droits à la protection universelle maladie pour les assurés ne satisfaisant plus aux conditions de résidence stable et régulière ; rapprochement automatisé des coordonnées bancaires déclarées en ligne avec le fichier des comptes bancaires dont le déploiement s'effectue progressivement à l'ensemble de la sphère sociale sur 2023.

Le ministre Attal s'engage à vous présenter un nouveau plan de lutte dans le projet de loi de finances pour 2024.

M. Christian Klinger.  - Je me réjouis que le croisement des fichiers se fasse en 2023 : c'est la meilleure méthode.

Double imposition des fonctionnaires franco-belges

M. Yan Chantrel .  - La convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 pose le principe que les fonctionnaires français employés en Belgique par l'État français sont imposables en France, mais que les ressortissants belges employés en Belgique par l'État français sont redevables de leurs impôts en Belgique.

Afin d'éviter une double imposition des fonctionnaires franco-belges, un accord amiable a été signé et publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009 pour y remédier. Mais la Cour de cassation du Royaume de Belgique a considéré le 17 septembre 2020 qu'il était « dépourvu de force obligatoire ». Depuis, les fonctionnaires binationaux franco-belges subissent une double imposition qui a plongé des familles dans des situations dramatiques, les montants réclamés pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros.

Le 9 novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée, mais elle n'a toujours pas été ratifiée, et le nombre de cas de double imposition ne cesse de se multiplier.

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas encore déposé de projet de loi d'approbation ? Les autorités fiscales belges rembourseront-elles bien les sommes perçues auprès des fonctionnaires binationaux déjà imposés par la France ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La nouvelle convention fiscale clarifiera la situation en appliquant le principe de l'imposition par l'État qui verse les revenus - clause conforme au modèle de l'OCDE et courante dans les nouvelles conventions.

La Cour de cassation belge a effectivement jugé que l'accord amiable de 2008 était contraire à la convention encore en vigueur. Cela a donné lieu à des échanges approfondis et constructifs avec la Belgique.

J'invite tous les Français concernés à se rapprocher du service juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui fera le lien avec les autorités belges. Le Gouvernement fait tout pour proposer la nouvelle convention à la ratification du Parlement dans les meilleurs délais.

Déploiement de la fibre

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Dans l'Aisne comme dans d'autres départements, un appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) a été lancé il y a dix ans pour le déploiement de la fibre. Orange s'est engagé à y procéder dans les agglomérations de Saint-Quentin et Laon, et à Soissons. Pour le reste du département, c'est un réseau d'initiative publique (RIP) qui a pris le relais, avec succès, puisque 757 communes - la quasi-totalité des communes rurales - ont été fibrées gratuitement. Dans les zones de l'Amii, en revanche, on est loin du compte.

L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) peut infliger des pénalités, voire suspendre le déploiement. En espérant ne pas avoir à aller jusque-là, que compte faire le Gouvernement pour que l'opérateur tienne parole ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - En juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté, après avis favorable de l'Arcep, les engagements proposés par Orange sur la zone Amii -  59 communes dans l'Aisne - avec des échéances en 2020 et 2022.

Le Gouvernement est pleinement conscient des efforts de l'ensemble des acteurs, notamment au regard de la crise sanitaire. Mais les chiffres de l'observatoire de l'autorité de régulation montrent que certains engagements d'Orange ne sont pas tenus.

C'est pourquoi l'Arcep, sur demande du Gouvernement, a ouvert une procédure aboutissant à une mise en demeure - décision attaquée par l'opérateur devant le Conseil d'État, qui instruit actuellement le dossier.

La France s'est fixé l'objectif ambitieux de la généralisation de la fibre optique à horizon 2025. Jean-Noël Barrot et moi saluons le travail engagé par les collectivités et le conseil départemental de l'Aisne qui ont raccordé 757 communes. Vous pouvez compter sur notre détermination pour que tout le territoire soit équipé de la fibre en 2025.

Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres

M. Frédéric Marchand.  - En 2022, le scandale des pizzas contaminées à la bactérie E. coli a occasionné une fermeture de huit mois de l'usine Buitoni à Caudry. Après une reprise partielle, le 2 mars 2023, le groupe Nestlé a annoncé la suspension de l'activité de l'usine, avec semble-t-il l'intention de la fermer, jetant les 160 salariés dans l'inconnu. Pourtant, leur savoir-faire et leur sérieux ne sont plus à démontrer et l'usine de Caudry dispose d'un potentiel industriel performant.

Autre coup de poignard, le géant Tereos a annoncé la fermeture de la sucrerie d'Escaudoeuvres, avec ses 123 salariés. Que va devenir la cité du sucre sans son sucre ? Pourquoi la fermer, alors qu'elle se trouve dans une zone de production de betteraves moins touchée que d'autres par la jaunisse en 2020 ? Cette décision inacceptable va à l'encontre des engagements pris par Tereos en 2020 et 2021.

Les deux géants de l'agroalimentaire ont réalisé des millions d'euros d'investissements sur les deux sites pour s'en débarrasser de manière inattendue.

Le 13 mars, le ministre de l'industrie est venu rencontrer les dirigeants et les salariés des deux sites ; il a demandé des comptes aux deux groupes et des garanties pour les salariés. Où en est le dossier ? Toute la région dénonce ce coup de force.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - À Caudry, la direction a annoncé une suspension temporaire faute de commandes nécessaires. Il est impératif que Nestlé trouve une solution pour maintenir les emplois et la production sur site.

À Escaudoeuvres, des explications précises ont été demandées à la direction, explications que nous attendons toujours. Il est inadmissible qu'une entreprise qui s'est engagée à ne pas réduire son empreinte industrielle prenne une telle décision sans justification.

En tout état de cause, le Gouvernement veillera à ce que chacun des 260 salariés concernés se voit proposer une solution et un point de sortie acceptable, au sein de son entreprise ou ailleurs.

Normes de commercialisation de la viande de volaille

M. Bernard Buis .  - Depuis 2022, la Commission européenne a lancé une modification des règles d'étiquetage des modes d'élevage des volailles, qui n'autorisent actuellement que cinq mentions valorisantes afin que le consommateur soit bien informé et les volailles fermières mieux identifiées.

Or le projet présenté par la Commission fin 2022 propose de supprimer cette règle, ce qui risque d'entraîner l'apparition d'un grand nombre de mentions incontrôlées. C'est une menace tant pour le modèle avicole français que pour la production de volailles alternatives. En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 50 % des surfaces de bâtiments de production avicole sont consacrées aux filières fermières comme le Label rouge et le bio.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet manifestement contraire aux objectifs du Green Deal européen et de la stratégie « de la ferme à la table » ? Que prévoit-il pour s'y opposer ? Dans quel sens les négociations évoluent-elles ? Quand la décision sera-t-elle prise ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Deux points du projet de texte transmis en janvier aux États membres ont suscité l'inquiétude des professionnels : l'obligation d'étiqueter la viande de canard ou d'oie issue de la production de foie gras avec la mention « issue de foie gras », et l'ouverture des mentions valorisantes dans l'étiquetage de la viande de volaille, faisant peser un risque de concurrence déloyale et de tromperie des consommateurs - sujet qui me touche particulièrement.

La France a engagé auprès de la Commission un intense travail qui a porté ses fruits, puisqu'elle a soumis à l'avis des États membres un projet de texte qui satisfait les professionnels avec le retrait de l'obligation de la mention « issue de foie gras » et le maintien de l'exclusivité de l'utilisation des mentions « plein air ».

La France restera mobilisée sur ce projet de texte qui doit encore passer plusieurs étapes avant sa publication d'ici quelques semaines.

Lutte contre les parasites des cerisiers

M. Mathieu Darnaud .  - En Ardèche comme ailleurs, chanterons-nous encore le temps des cerises ? Alors que les 855 ha de cerisiers ardéchois s'apprêtent à fleurir, les arboriculteurs se sentent désarmés face à la drosophila suzukii, qui peut détruire de 30 à 100 % des récoltes.

Après l'interdiction du diméthoate en 2016, la Commission européenne a refusé de renouveler l'homologation du phosmet, alors que les solutions alternatives, notamment à base d'insectes stériles, ne sont pas encore opérationnelles.

Bien sûr, il existe des filets anti-insectes, mais leurs effets sont très limités, on l'a vu en 2022 dans les vergers du Gard. Ils sont de plus chers et complexes à installer sur des terrains accidentés.

Madame la Ministre, le Gouvernement s'était engagé à ne pas interdire de produit phytosanitaire en l'absence d'alternative efficace. Prévoyez-vous de déroger à l'interdiction du phosmet et du diméthoate ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La France n'envisage pas de réautoriser ces deux molécules toxiques pour l'homme.

Marc Fesneau a chargé le délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques de coordonner un groupe de travail associant les principaux acteurs de la filière cerise et de la recherche agronomique pour envisager une palette de solutions disponibles sans risques avérés pour la santé humaine.

Nous avons ainsi reçu quatre demandes de dérogation : cyantraniliprole, benzoate d'emamectine, kaolin et spinosad. L'une a déjà été octroyée, les trois autres sont en cours d'examen.

Nous avons aussi demandé à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 en soient exemptes.

Enfin, le ministre de l'agriculture a indiqué à la filière qu'il était prêt à examiner la faisabilité d'un accompagnement financier en cas d'attaques massive de drosophila suzukii.

Souveraineté alimentaire française

M. Yves Détraigne .  - Les obstacles s'accumulent pour les exploitations agricoles : fin de la dérogation sur les néonicotinoïdes et interdiction du S-métolachlore ; nouveaux règlements techniques imposés à la filière fruits et légumes ; législations hors sol en matière viticole ou encore signature d'accords de libre-échange qui portent atteinte à la production française... À chaque fois, des contraintes franco-françaises viennent saper la compétitivité de nos producteurs : seules 68 % des substances autorisées en Europe peuvent ainsi être épandues en France.

Résultat, notre pays est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et où les importations alimentaires ont doublé. Or de nombreux pays sont nettement moins précautionneux et laissent leurs agriculteurs libres d'utiliser des traitements interdits en France. Ni notre balance commerciale, ni notre bilan carbone ne peuvent se réjouir de ces choix. Quand en finirons-nous avec ces surtranspositions ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - L'Union européenne autorise 453 substances, dont 294 en France - l'un des pays européens avec le plus de substances autorisées. Seules sept substances ont été interdites au niveau national : cinq néonicotinoïdes en 2016 et deux substances au mode d'action identique. Depuis, quatre de ces substances ont été interdites à l'échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. La surtransposition est donc à relativiser.

Mais il faut effectivement changer de stratégie. C'est tout l'objet de la planification écologique voulue par la Première ministre : soutien à la recherche et l'innovation pour trouver des alternatives ; concertation avec les parties prenantes pour identifier les impasses.

Depuis 2017, nous avons posé un certain nombre de fondamentaux : lois Égalim, réciprocité des normes dans les accords commerciaux, Varenne de l'eau.

Marc Fesneau vous présentera bientôt son projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.

Écoles d'architecture

Mme Céline Brulin .  - À Rouen comme ailleurs, les écoles nationales supérieures d'architecture se mobilisent pour dénoncer le manque de moyens, les contrats précaires et les sous-effectifs administratifs. La création de quelques CDD de remplacement ne suffira pas à apaiser leur colère. Leur grande fragilité financière les contraint à multiplier les réponses à des appels à projets et à solliciter des fonds privés.

La loi de finances pour 2023 fixe l'indice de rémunération des enseignants contractuels et vacataires à 410, soit à peine 1 500 euros mensuels, le 49.3 ayant balayé nos amendements plus favorables. La prochaine loi de finances fixera-t-elle cet indice à 517, soit 2 000 euros mensuels, comme le souhaitent les personnels ?

Un arrêté du 24 avril 2018 ne reconnaît pas l'enseignement des langues étrangères, bloquant titularisations et évolutions de carrière pour ces enseignants.

La dotation annuelle par étudiant est de 8 500 euros en école d'architecture, contre 10 500 à l'université et plus de 15 000 pour les grandes écoles. Pourquoi un tel écart ? C'est d'autant plus injuste pour des écoles éloignées des Crous.

Les écoles d'architecture  auront à relever les nouveaux enjeux de la transition écologique. Le ministère de la transition écologique ne pourrait-il pas contribuer à leur financement, aux côtés de la culture et de l'enseignement supérieur ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Je suis moi aussi convaincue que nos 20 000 étudiants en école d'architecture nous permettront de penser la ville de demain. D'où mon projet de créer un prix pour valoriser des projets liés à la transition écologique.

À l'école nationale supérieure d'architecture de Normandie, le cumul de congés a conduit à repousser la rentrée du second semestre d'une semaine. Une solution a été trouvée et les représentants des personnels seront à nouveau reçus par mes services.

Depuis 2017, les efforts consentis ont été considérables : les écoles d'architecture ont bénéficié de 111 titularisations et de 80 créations de postes ; 17 postes sont créés en 2023 et la revalorisation des rémunérations a été actée ; les crédits de fonctionnement ont augmenté de 7 % depuis 2019 et les travaux d'investissement ont mobilisé 75 millions d'euros depuis 2021 ; les budgets de fonctionnement et d'investissement augmenteront de 20 % en 2023. La dotation annuelle par étudiant en école d'architecture n'est pas de 8 500 mais de 11 000 euros.

Il demeure des inquiétudes légitimes et le dialogue se poursuit. Nous pourrons en reparler dans le cadre du budget pour 2024.

Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes

M. Cédric Perrin .  - Le 26 Janvier 2022, un membre du Gouvernement nous rappelait que l'obtention de l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes n'était pas de droit ; elle dépend en effet, en vertu d'un décret de 2019, d'une décision de l'autorité militaire fondée sur des critères précis. Mais cette procédure et ces critères ne sont toujours pas définis. Une révision imminente nous était annoncée, à la lumière des conclusions d'un groupe de travail.

La semaine dernière, j'ai appris qu'un nouveau groupe de travail avait été mis en place en novembre dernier, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM). Un projet de décret serait prochainement soumis au Conseil d'État. Voilà trois ans et demi que nous attentons. Pourquoi un nouveau décret ? Quelles étaient les conclusions du premier groupe de travail, balayées par le Gouvernement ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Les attentes concernant la réserve sont fortes dans le cadre de la prochaine LPM. Le ministre des armées a mis en place six groupes de travail, dont un sur l'avenir de la réserve militaire, afin de la rendre plus attractive. Dans cette optique, un projet de décret modifie les règles relatives à l'honorariat. Il a reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire à l'été 2022. Actuellement soumis à la consultation interministérielle, il devrait être examiné par le Conseil d'État avant la fin du premier semestre 2023.

Établissements ne bénéficiant pas des responsabilités et compétences élargies

M. Philippe Bonnecarrère .  - L'institut national universitaire Champollion d'Albi est le deuxième établissement le plus sous-encadré de sa catégorie. Les mesures de rattrapage dont bénéficie ce type d'établissement ne disposant pas des RCE (responsabilités et compétences élargies) - créations d'emplois Staps, complément financier -, ne se traduisent pas dans la réalité en raison de plafonds d'emplois inchangés.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Depuis trois ans, les échanges autour des moyens et des emplois des établissements ne disposant pas des RCE se sont renforcés dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, autour d'un constat partagé de la situation des établissements, de leurs contraintes et de leurs besoins.

Depuis 2017, l'effort financier en faveur de l'institut Champollion est significatif, avec 5,6 millions d'euros supplémentaires pour le fonctionnement et 2,2 millions d'euros supplémentaires de subvention pour charges de service public. Son plafond d'emplois a été relevé d'une unité en novembre 2022, puis de quatre début 2023. Le ministère assure un suivi fin des consommations des emplois, afin d'éviter un abattement du plafond d'emplois en loi de finances qui résulterait d'une vacance sous plafond supérieure à 1 %. Son rehaussement n'est pas automatique, il n'intervient qu'en cas de saturation du plafond.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Je ne partage pas votre satisfaction. L'institut Champollion est le deuxième établissement le plus sous-doté de France ! Il faut une vraie programmation pluriannuelle et un vrai dialogue annuel avec chacun des établissements.

Statut de l'administrateur ad hoc

Mme Frédérique Puissat .  - Depuis un décret de 1999, aucun texte n'est venu encadrer la profession d'administrateur ad hoc, dont le champ d'intervention augmente pourtant régulièrement. Contrairement aux autres mandataires judiciaires, l'administrateur ad hoc ne bénéficie d'aucun statut : absence de formation obligatoire, absence de déontologie, missions floues, exercice hétérogène des mandats, indemnisation dérisoire. Des propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale. Envisagez-vous un décret ou un projet de loi ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Veuillez excuser l'absence de M. le garde des sceaux. Nous partageons votre constat : l'administrateur ad hoc, véritable parrain judiciaire, est un acteur clé de l'accompagnement du mineur dans une procédure pénale, en cas de conflit d'intérêts ou de vacance dans la représentation des intérêts du mineur.

Ses modalités de nomination et d'intervention sont fixées dans le code de procédure pénale. On compte environ 6 000 interventions annuelles. Son recrutement doit être plus rapide, sa désignation plus souple. Sa compétence doit être assurée et vérifié, notamment via des formations. Ses missions méritent d'être précisées et mieux contrôlées. La tarification de ses missions doit être repensée. La création d'un véritable statut est donc prochaine.

Mme Frédérique Puissat.  - Cela me rassure. Les recrutements sont parfois légers et l'application hétérogène selon les territoires. N'hésitez pas à vous appuyer sur les professionnels de terrain, je pense notamment à ceux de l'Isère.

Délais de justice

Mme Brigitte Lherbier .  - Les délais de justice pour obtenir une audience puis une décision sont trop longs. Les tribunaux n'arrivent plus à faire face, en dépit de l'engagement des personnels. À Lille, le manque de personnel au tribunal judiciaire est patent. On le constate dans toutes les branches du droit : pénal, du travail, civil, commercial, de la construction... On compte quelque 270 ordonnances de placement d'enfants en danger non honorées dans le Nord.

Les états généraux de la justice avaient pour ambition de rendre justice au citoyen. Comment accélérer les procédures ? Comment les nouveaux recrutés seront-ils formés ? Ces recrutements concerneront-ils toute la chaîne judiciaire ? Quel est l'état de notre justice ? Arrêtez de nous parler de stock, il s'agit de personnes dont les dossiers douloureux sont en attente et que nous recevons dans nos permanences.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Comme vous, nous sommes préoccupés par la question cruciale des délais de justice. Les états généraux ont montré que nos concitoyens trouvaient la justice trop lente. Nous avons déployé des moyens supplémentaires historiques afin de diviser par deux les délais moyens. Le recrutement de 2 000 contractuels devrait permettre de réduire de 20 à 28 % le nombre de dossiers en attente en matière civile.

Mais nous devons aller plus loin. C'est ainsi que le garde des sceaux a lancé un plan d'action pour le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers sur le quinquennat, après trente ans d'abandon budgétaire, politique et humain. Une loi de programmation de la justice viendra pérenniser ces efforts historiques sur le temps long, pour une justice plus rapide, plus efficace et plus proche du justiciable. La procédure pénale sera simplifiée et l'amiable développé, car c'est aussi un moyen de réduire les délais. Le Gouvernement continuera à travailler en intelligence avec le Sénat pour améliorer la justice de notre pays.

Abandon de la filière gaz

M. Pierre-Antoine Levi .  - Depuis 2022, l'installation d'une chaudière à gaz dans un logement individuel neuf est interdite. Elle devrait l'être dans les logements collectifs à compter de 2025. Mais des incertitudes subsistent : la rénovation est-elle concernée ? Cette politique d'interdictions radicales suscite aussi des inquiétudes : notre réseau électrique sera-t-il capable de faire face ? Les surcoûts pour les ménages et les bailleurs seront-ils compensés ? La filière gaz, qui risque la perte de plusieurs milliers d'emplois et de ses savoir-faire, est inquiète.

Ne commettons pas la même erreur qu'avec le nucléaire, où ingénieurs et techniciens nous font cruellement défaut après la volte-face du Président de la République. Que comptez-vous faire pour soutenir la reconversion de la filière, si vous confirmez son abandon ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Agnès Pannier-Runacher. Le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique, afin que notre pays soit le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

La RE2020 a fixé en 2022 une première échéance pour les maisons individuelles ; les logements collectifs et les bâtiments tertiaires seront concernés en 2025. L'interdiction ne concerne pas les logements existants.

Des alternatives existent : réseau de chaleur, pompes à chaleur, géothermie de surface, solaire, biomasse, etc. Désormais, MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'achat de chaudières au fuel ou au gaz. De nouvelles perspectives s'ouvrent pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir.

Le Gouvernement est mobilisé pour accompagner les filières, avec le renforcement de l'aide au raccordement au réseau de chaleur, le fonds Chaleur et le plan Géothermie. Nous travaillons au développement de l'industrie française des pompes à chaleur.

Enfin, le biogaz doit aussi être soutenu, au regard de sa capacité d'injection dans les réseaux. Réduire notre consommation globale de gaz n'est pas incompatible avec un développement fort du biogaz, pour sortir au plus vite des énergies fossiles.

Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles

M. Mickaël Vallet .  - La conchyliculture est fréquemment touchée par des épidémies de norovirus en raison de dysfonctionnements des stations de traitement des eaux : les conchyliculteurs n'en sont pas responsables, mais ils en font les frais. La méthode d'interdiction interroge, car la détection du génome du virus dans les coquillages ne dit rien de l'infectiosité du virus.

Des discussions sont en cours au niveau européen. Où en est le programme de recherche Oxyvir 2 ? Il permettrait de mesurer le caractère infectieux du virus grâce à un indicateur viral externe. Fonder une interdiction de vente sur la présence du norovirus, sans danger pour le consommateur, est un non-sens, car ce sont les bactériophages qui sont dangereux. Une purification d'une vingtaine de jours suffirait à les éliminer. Nous avons besoin d'une approche scientifique rationnelle. Peut-on compter sur le soutien du Gouvernement ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Je suis également concernée, dans l'Hérault. Veuillez excuser l'absence d'Hervé Berville. L'étude Oxyvir a été lancée pour mesurer l'infectiosité des norovirus. L'Ifremer y travaille également. À la suite de résultats prometteurs, le programme Oxyvir 2 a été lancé en 2021. Les décisions doivent être prises au plus près des risques encourus par les consommateurs, afin d'éviter la fermeture injustifiée de sites. L'étude devrait être finalisée d'ici quelques mois, avant d'être présentée à la Commission européenne. Nous travaillons avec les collectivités pour améliorer leur gestion des eaux et accompagnons les producteurs lors des crises.

La séance est suspendue à 12 h 40.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.