LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT

Série : Études économiques

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

Objectifs, méthodes et nouveaux problèmes

L'étude présentée dans ce document est de la seule responsabilité du Service des Études économiques et de la prospective du Sénat. Elle constitue un instrument d'information et de réflexion à l'intention des sénateurs et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

n° EC-04 Novembre 2009

INTRODUCTION

La propagation de la crise financière mondiale qui s'est déclenchée l'été 2007 et sa contamination à l'économie réelle ont conduit les grandes banques centrales à mettre en oeuvre une politique monétaire énergique.

La Réserve fédérale des Etats-Unis, suivie par la Banque d'Angleterre, sont rapidement entrées dans une phase de baisse des taux d'intérêt directeur.

Puis, la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a encouragé les autorités monétaires à une nouvelle action coordonnée et forte de baisse des taux, entraînant cette fois la Banque centrale européenne dans le sillage des banques centrales américaine et anglaise. Ainsi, la BCE, qui avait relevé une dernière fois son taux principal taux directeur en juillet 2008, a commencé à baisser le taux « refi » à partir d'octobre 2008.

Mais ces décisions n'ont pas été suffisantes pour mettre un terme à la défiance des banques les unes envers les autres.

D'une part, la perte brutale de valeur des actifs financiers complexes, dans le sillage de la crise des « subprimes », s'est accompagnée d'une difficulté à identifier les risques encourus par les établissements de crédit, largement détenteurs de ces actifs, du fait de leur dissémination.

D'autre part, après la faillite de Lehman Brothers, il n'a plus été permis d'espérer que les pouvoirs publics porteraient systématiquement secours ou garantiraient les engagements d'une grande banque de pouvant plus faire face à ses échéances.

Ainsi, les banques centrales ont décidé d'intervenir directement sur le marché interbancaire, en injectant massivement des liquidités.

Un temps, ces politiques monétaires se sont révélées inopérantes pour rétablir la confiance sur les marchés. Les taux des prêts interbancaires demeuraient très élevés, la chute des taux des obligations publiques témoignant de la fuite de l'épargne vers les actifs les moins risqués. La rapide dégradation des bilans des banques menaçait de conduire à un apurement par restriction des conditions de crédit, sinon à des crises de solvabilité en chaîne.

Comme les banques ne voulaient plus prêter aux ménages ni aux entreprises, le recours à des instruments de politique monétaire dits « non conventionnels » est alors apparu nécessaire, ainsi que le soutien d'une politique budgétaire énergique.

Les soubresauts économiques connus dans la période récente soulignent la centralité et la complexité de la politique monétaire, mais aussi ses limites.

L'objet de la présente étude est d'effectuer un retour sur l'origine et les mutations de la politique monétaire en termes d'objectifs et d'instruments, afin de comprendre son fonctionnement actuel, d'apprécier la portée des décisions récentes et d'éclairer la réflexion, dans le contexte d'une remise en question devenue récurrente de la gouvernance économique et financière mondiale, sur les évolutions parfois envisagées du rôle et des modalités de cette politique.

I. LA RÉGULATION MONÉTAIRE CONTEMPORAINE

Les Etats ne battent plus monnaie et les banques centrales ont renoncé aux instruments autoritaires d'encadrement du crédit. La politique monétaire est une régulation monétaire : les banques privées créent la monnaie à la faveur des prêts qu'elles accordent et les banques centrales, souvent indépendantes du pouvoir politique, influencent le comportement des établissements de crédit au travers d'instruments exerçant sur elles une contrainte 1 ( * ) dite « de liquidité ».

A. GÉNÉRALITÉS

1. Fondements théoriques et succession des objectifs de la politique monétaire

La politique monétaire est un instrument de politique économique générale susceptible de concourir, cumulativement ou alternativement, à la réalisation de trois objectifs principaux :

- la stabilité des prix ;

- la croissance économique et le plein emploi ;

- l'équilibre extérieur.

Ces trente dernières années, la politique monétaire a ordonné ses objectifs autour d'un principe de neutralité et rationalisé ses instruments, privilégiant un pilotage par les taux directeurs.

a) De la « monnaie voile » aux politiques volontaires issues de la théorie keynésienne

Pour les économistes classiques , les phénomènes monétaires n'ont pas d'incidence sur les conditions de l'échange. La monnaie est un « voile » derrière lequel « les biens s'échangent contre des biens » (loi de Say) 2 ( * ) .

Cette formulation devait être formalisée par Irving Fisher dans la théorie quantitative de la monnaie , au terme de laquelle le stock de monnaie ne détermine que le niveau général des prix : la masse monétaire (M) multipliée par sa vitesse de circulation (V) est égale au volume de production (T) multiplié par le niveau général des prix (P) 3 ( * ) . Cette théorie suppose que V est stable et que T, déterminé par les facteurs de production disponibles et la productivité de ces facteurs, constitue également une variable exogène 4 ( * ) . En conséquence, toute variation de M se traduit directement par une variation de P.

Dès lors, toute augmentation de la masse monétaire que n'accompagne pas une hausse de la production, se traduit essentiellement par de l' inflation et, réciproquement, il est possible de lutter contre l'inflation en restreignant la masse monétaire, sans conséquence sur le niveau réel de la production.

En réaction aux politiques de restriction monétaire mises en oeuvre lors de la crise de 1929, dont il jugeait les conséquences catastrophiques, Keynes allait s'inscrire en faux contre la théorie classique, estimant notamment que :

- la monnaie peut être désirée pour elle-même (les motifs de « spéculation » et de « précaution » s'ajoutent au motif de « transaction » pour déterminer la demande de monnaie), ce que désigne le concept keynésien de « préférence pour la liquidité »,

- les prix sont fixes à court terme,

- l'offre ne crée pas sa propre demande mais dépend de la demande anticipée par les entrepreneurs (concept de « demande effective »).

La théorie keynésienne montre que la politique monétaire peut s'avérer indispensable pour parvenir au plein emploi , auquel les lois du marché ne conduisent pas spontanément.

Dans une situation de sous-emploi, il convient d'accroitre la quantité de monnaie pour que les taux d'intérêt baissent et que, par conséquent, l'investissement augmente, jusqu'à ce que le plein emploi soit réalisé. Cet enchainement n'est pas préjudiciable à l'épargne, celle-ci ne dépendant pas des taux d'intérêt, mais du revenu.

Toutefois, il arrive que la politique monétaire soit inefficace. Dès lors que le taux d'intérêt a diminué jusqu'à un certain seuil, la « préférence pour la liquidité » devient absolue et l'augmentation de la quantité de monnaie ne se traduit plus par une baisse des taux d'intérêt. Cette situation est connue dans la théorie keynésienne sous la désignation de « trappe à liquidités » 5 ( * ) (voir infra ).

La logique keynésienne a inspiré les politiques économiques occidentales au sortir de la Seconde guerre mondiale , jusqu'à ce que la crise économique des années soixante-dix, marquée par la conjonction d'une accélération de l'inflation et de la montée du chômage, suscite un retour à des pratiques monétaires « orthodoxes ».

b) Le retour au monétarisme
(1) Monétaristes et « Nouveaux classiques »,

Le monétarisme est apparu à la fin des années soixante. Son principal promoteur, Milton Friedman, a voulu réhabiliter la théorie quantitative de la monnaie en réaction contre le keynésianisme.

Partant de la « courbe de Philips », qui montre une relation empirique inverse entre taux de chômage et inflation, il relève que cette courbe fonctionne seulement à court terme. Selon lui, les agents économiques ne sont que provisoirement victimes de l'« illusion monétaire » 6 ( * ) en cas de politique monétaire expansionniste, si bien que le taux de chômage rejoint rapidement son niveau « naturel » tandis que l'inflation, en revanche, se retrouve propulsée à un niveau supérieur.

Pour mettre un terme à ce cercle vicieux inflationniste, Friedman préconise l' abandon des politiques monétaires discrétionnaires au profit de règles fixes. Il suggère de déterminer un objectif de croissance pour la masse monétaire compatible avec le taux de croissance moyen de la production afin de garantir la stabilité des prix à long terme. Dans cette logique, si la croissance excède son rythme potentiel structurel, l'offre de monnaie devient insuffisante et les taux d'intérêt augmentent, ce qui freine la croissance et évite une surchauffe inflationniste. Réciproquement, une baisse des taux viendrait soutenir l'activité si la croissance se trouvait inférieure à son potentiel de long terme.

Les « Nouveaux classiques » ont radicalisé la théorie monétariste, en supposant que les agents économiques déterminaient leur comportement sur la base d'« anticipations rationnelles » 7 ( * ) , en conséquence desquelles une politique monétaire est non seulement inefficace à long terme, mais encore à court terme, les agents raisonnant toujours en termes réels et ne pouvant donc être leurrés par une politique monétaire.

Dans ces approches, la crédibilité des décisions de politique monétaire prend une importance considérable dans la lutte contre l'inflation , dont elle constitue l' objectif unique . C'est ainsi que la transparence et l' indépendance des banques centrales sont des caractéristiques jugées indispensables par l'école monétariste.

(2) Des banques centrales indépendantes visant principalement la stabilité des prix

De fait, l'indépendance dont ont historiquement bénéficié la FED puis la Bundesbank après la Seconde Guerre Mondiale, a été accordée à la plupart des banques centrales sous le motif affiché de les éloigner des pressions d'un pouvoir politique susceptible d' utiliser l'instrument monétaire à des fins de relance conjoncturelle .

Il est à noter que des banques centrales indépendantes par rapport au pouvoir politique constituent ainsi un mode institutionnel de gestion des affaires monétaires dont la prédominance est relativement récente 8 ( * ) en Europe.

De même, la lutte contre l'inflation est devenue sinon le seul, du moins le premier objectif :

- de la banque centrale européenne (BCE) ;

- des banques centrales ayant accédé, dans la période récente, à l' indépendance ;

Pour la Federal Reserve (FED), cet objectif entre en concurrence directe avec le soutien à la croissance économique , qui est un objectif de second rang pour la plupart des banques centrales, notamment la BCE .

C'est en vertu du traité de Maastricht 9 ( * ) sur l'Union européenne que la Banque centrale européenne (BCE) 10 ( * ) s'est vue confier la stabilité des prix comme objectif principal. Suivant le modèle de la Bundesbank (ou, depuis 1994, celui de la Banque de France), l'indépendance de la BCE vis-à vis du pouvoir politique a été garantie par l'article 107 11 ( * ) du traité précité.

Le concept de stabilité des prix n'est pas défini dans le traité, mais la BCE en a assuré l'interprétation, se donnant pour objectif une progression de l'indice des prix à la consommation harmonisé de la zone euro inférieure à 2 %. Il est à noter que la Banque de France avait eu le même objectif à partir de 1996.

La « norme » des 2 % : un plafond-cible qui s'évalue à moyen terme

En l'absence de définition précise dans le traité, le Conseil des gouverneurs de la BCE a adopté dès 1998 sa propre référence en indiquant que « la stabilité des prix est définie comme une progression sur un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2 % dans la zone euro. La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme ».

Puis il a été précisé en 2003 que  la progression de l'indice compatible avec la stabilité des prix est « inférieure à, mais proche de 2 % », cette nuance montrant la volonté de se prémunir contre le risque de déflation.

Au nom de la stabilité des prix, la plupart des banques centrales adoptent une cible d'inflation comprise entre 2 % et 3 %, sachant que les indices sont probablement sous-évalués car ils intègrent mal l'amélioration de la qualité des biens et des services.

Une correction des « effets qualité » vraisemblablement insuffisante

La correction des effets qualité est désormais généralisée avec, dans un certain nombre de cas, une estimation du prix à partir d'une relation économétrique entre prix et caractéristiques des produits (méthode dite des prix hédoniques). L'impact de ces traitements de la qualité a été analysé dans le cas français par Guédès (2004) pour l'année 2003. Cette étude montre que l'impact des ajustements effectués est de 0,3 %. En d'autres termes, si, contrairement à ce que demande la théorie économique, les instituts statistiques ne faisaient aucun ajustement des effets qualité, le taux d'inflation annuel serait plus élevé de 0,3 point.

Or, des études récentes ont tenté, dans le cas des États-Unis (Lebow et Rudd, 2003 et Gordon, 2006), d'évaluer la pertinence de la correction des effets qualité. Elles suggèrent que cette correction est insuffisante : au titre des seuls effets qualité, le taux d'inflation serait ainsi surestimé aux États-Unis d'environ 0,4 point.

Source : Bulletin de la Banque de France n° 160, avril 2007

(3) L'inflexion des objectifs intermédiaires libellés en termes de masse monétaire

La théorie quantitative débouche spontanément, pour la réalisation d'un « objectif final » libellé en termes d 'inflation , sur la définition d'un « objectif intermédiaire » concernant la croissance de la masse monétaire . A cet égard, la stratégie de la BCE consiste officiellement à surveiller l'évolution de l'agrégat monétaire M3 (voir encadré ci-après).

Les principaux agrégats monétaires : M1, M2, M3 et M4

Les principaux agrégats monétaires sont ici classés par ordre de liquidité décroissante :


• M1 comprend la monnaie au sens strict de moyen de paiement : les billets et pièces ( monnaie manuelle ) ainsi que les dépôts à vue.


• M2 = M1 + les dépôts à termes jusqu'à deux ans et les dépôts assortis d'un préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois (pour la France : CODEVI, les livrets A et bleu, le compte d'épargne logement...)


• M3 = M2 + les instruments négociables sur le marché monétaire émis par les institutions financières monétaires (IFM), et qui représentent des avoirs dont le degré de liquidité est élevé avec peu de risque de perte de capital en cas de liquidation (ex : OPCVM monétaires, certificat de dépôt).


• M4 = M3 + les bons du Trésor, les billets de trésorerie et les bons à moyen terme émis par les sociétés non financières

Mais différents éléments altèrent la pertinence de la masse monétaire comme indicateur et prescripteur de la politique monétaire.

La vitesse de circulation de la monnaie ne s'avère pas constante , si bien que la relation entre quantité de monnaie en circulation, prix et production se trouve difficile à anticiper. On a ainsi observé, en moyenne, une diminution sensible de la vitesse de circulation de la monnaie 12 ( * ) depuis les années quatre-vingt, qui s'est accentuée depuis la mise en place de l'euro 13 ( * ) .

De façon plus structurelle, l'importance croissante des financements « désintermédiés », c'est à dire obtenus via un recours direct au marché en lieu et place du crédit bancaire 14 ( * ) , fait de la masse monétaire un thermomètre et un levier moins pertinents.

Dès lors, un nombre croissant de banques centrales abandonne une stratégie fondée sur une stricte maîtrise des agrégats, car le lien entre masse monétaire et inflation se distend.

Les objectifs intermédiaires tendent aujourd'hui à être essentiellement libellés en termes de taux d'intérêt.

Il est à noter qu'un troisième type d'objectif intermédiaire s'impose en régime de parités monétaires fixes : le taux de change .

Pour sa part, la BCE a défini deux « piliers » qui lui permettent d'évaluer les risques d'inflation dans la zone euro .

En premier lieu, elle effectue une « analyse monétaire », c'est-à-dire qu'elle étudie l'évolution des agrégats monétaires dans une perspective de contrôle direct de la masse monétaire. A l'origine, le rôle central de la masse monétaire a été signalé par l'annonce d'un taux de croissance annuel de référence pour l'agrégat « M3 » de 4,5 %, cette norme représentant alors approximativement la sommation du taux de croissance à long terme et du taux d'inflation acceptable (2 %).

Dans les faits, l'agrégat M3 a progressé très fortement ces dernières années jusqu'à la crise récente, à un rythme annuel supérieur à 10 %, sans accélération manifeste des prix et sans que la BCE ne juge utile de réagir par une hausse des taux susceptible de freiner cette hausse pour rejoindre la norme de 4,5 % :

CROISSANCE DE LA MASSE MONÉTAIRE (AGRÉGAT M3) DEPUIS 1995

Sources : Sénat - service des études économiques, données Banque de France

En second lieu, elle suit l'évolution de certains indicateurs économiques et financiers tels que les salaires, les prix des matières premières, les taux de change, la confiance des consommateurs et des entreprises.

2. Une politique adjacente : le change

En théorie, une Banque centrale peut orienter le taux de change de la monnaie de deux façons : directement , sur le marché des changes en utilisant ses réserves monétaires, et indirectement par la fixation de ses taux directeurs , qui ont une influence sur l'attractivité de la monnaie nationale et donc sur son cours.


• L'instrument de politique monétaire stricto sensu que constituent les taux d'intérêt est donc aussi un levier majeur de la politique de change, ce qui peut rendre délicate la conciliation de ces deux politiques.

De 1945 à 1970, le système de Bretton Woods a reposé sur une parité fixe entre le dollar et les devises des autres pays membres. Par la suite, la plupart des pays ont conservé un ancrage du taux de change ; la France, en particulier, s'est trouvée liée par le « serpent monétaire » puis, de 1979 à 1993, par le système monétaire européen.

Dans ce contexte, les pays ne contrôlant pas les mouvements de capitaux n'ont pu mener de politiques monétaires autonomes, en vertu du « triangle des incompatibilités » 15 ( * ) .

Dans un contexte international, une économie ne peut pas simultanément :

- avoir un régime de change fixe ;

- disposer d'une politique monétaire autonome ;

- laisser librement circuler les capitaux (intégration financière).

Par contre, si l'un de ces objectifs est abandonné, les 2 autres deviennent réalisables, comme c'est le cas en changes flottants, dans le cadre d'une union monétaire ou dans l'hypothèse d'une autarcie financière.

Depuis les années quatre-vingt, la généralisation de la libre circulation des capitaux s'est effectuée concomitamment à un mouvement d'adoption de régimes de changes flottants.

Dès lors, aussi bien dans la zone euro dans son ensemble qu'aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou dans certains grands pays émergents, la politique de change n'est généralement plus libellée en termes d'objectifs de parité constante.

Mais, même dans le contexte d'une liberté de maniement des taux d'intérêt pour conduire la politique monétaire stricto sensu , cet instrument n'en impacte pas moins le change, qui est une variable fondamentale de toute politique économique. L'autonomie des politiques monétaires est donc largement théorique.


• Réciproquement, les opérations sur le marché des changes peuvent interférer avec la politique monétaire stricto sensu
, qu'il s'agisse de la stabilité des prix ou de l'activité économique.

Ainsi, le soutien de la monnaie locale par la banque centrale favorise la stabilité des prix en pesant sur l'activité, par le canal du taux d'intérêt (la raréfaction de la monnaie provoque une hausse des taux) et du commerce extérieur (les exportations sont découragées). Réciproquement, une vente de monnaie locale contre devise favorise une relance de l'activité via la baisse des taux d'intérêt et la hausse des exportations.

Il se peut que les conséquences de la politique de change concordent avec les objectifs de la politique monétaire.

Mais ils peuvent aussi bien s'opposer, et la banque centrale cherche alors à neutraliser l'impact de sa politique de change par des interventions en sens inverse sur le marché monétaire (politique dite de stérilisation ).

La BCE est normalement chargée de conduire les opérations de change en appliquant la politique de change définie par les Etats membres (article 4 du traité sur l'union européenne).

Cependant, la politique de change n'a encore jamais fait l'objet de décision du Conseil semble-t-il et les interventions de la BCE pour orienter l'évolution du taux de change sont rares. La BCE demeure libre d'utiliser les opérations de change en vue de réaliser ses objectifs de politique monétaire.

3. Le phénomène de création monétaire

a) Une création essentiellement liée à l'octroi de crédit...

La création monétaire la plus évidente est la frappe de pièces ou l'émission de billets ( monnaie fiduciaire 16 ( * ) ) par une banque centrale 17 ( * ) . C'est pourtant la moins importante en termes de valeur : les billets de banque représentent moins de 10 % des encaisses des agents non financiers.

En réalité, l'essentiel de la création monétaire s'effectue au travers des crédits accordés par les banques. Selon l'adage « les crédits font les dépôts » (« loans make deposits »), tout crédit accordé par une banque augmente la masse monétaire en créant un dépôt bancaire (monnaie scripturale) de montant équivalent.

Lorsqu'un prêt est accordé, de la monnaie nouvelle est ainsi créditée sur le compte de l'emprunteur ; elle apparaît au passif du bilan de la banque, la créance correspondante figurant à l'actif de son bilan. Le processus de création monétaire est identique lorsque la banque acquiert un actif réel ou financier , également porté l'actif de son bilan en contrepartie du crédit inscrit sur le compte du vendeur.

*

Il est à noter que l'acquisition de titres négociables par les banques prend une importance grandissante dans la création monétaire.

Cette évolution accompagne le processus de « mobiliérisation », ce terme décrivant le financement croissant de l'Etat et des entreprises par émission de titres (actions, obligations et titres de créance négociable) sur les marchés financiers et monétaires, observé depuis les années quatre-vingt.

Ces mouvements impliquent, au total, une baisse de la part du crédit dans le financement de l'économie, auquel la contribution relative des banques a donc régulièrement décliné pour n'en plus représenter qu'environ la moitié en 2008.

Sources : Sénat - service des études économiques, données Banque de France

Si l'on s'en tient au strict suivi de la part des crédits bancaires, à l'exclusion des financements en provenance des autres intermédiaires financiers (OPCVM et assurances), le mouvement de désintermédiation apparaît particulièrement marqué avec un taux passé de 71 % en 1978 à 41 % en 2005 18 ( * ) .

Cela n'est pas sans incidence sur l'activité des banques : un processus de « mobiliérisation » des bilans bancaires s'est parallèlement engagé depuis 1980, au terme duquel :

- l'actif du bilan, qui comprenait surtout des crédits à la clientèle, est désormais composé d'une majorité de titres (la création monétaire s'effectue principalement via l'acquisition d'actifs financiers) ;

- le passif du bilan, qui comprenait essentiellement les dépôts de la clientèle, est également composé, désormais, d'une majorité de titres.

*

Si la monnaie ainsi créée circule ensuite de banque en banque, la création monétaire demeure la même à l'échelle du système bancaire. Il s'agit ici d'une monnaie scripturale , c'est-à-dire qu'elle repose sur un jeu d'écritures.

Ce n'est que lors du remboursement de la somme prêtée que la monnaie est détruite. En définitive, la masse monétaire s'accroit lorsque les flux de prêts nouveaux excèdent les flux de remboursement, elle diminue dans le cas inverse.

Lorsque les crédits sont accordés aux entreprises et aux ménages, on parle de financement de l'économie 19 ( * ) . Lorsque les banques achètent les titres émis par le Trésor pour couvrir le déficit budgétaire, ces opérations correspondent à un financement de l'Etat par création monétaire.

La création monétaire résulte encore d' opérations avec l'extérieur lorsque des devises sont échangées contre la monnaie considérées.

Ces trois sources de création monétaires alimentent trois catégories de créances, ou « concours », du système bancaire - créances sur l'économie, créances sur les administrations publiques (APU) et créances sur l'extérieur -, créances désignées sous l'appellation globale de « contreparties » de la masse monétaire.

Le bilan consolidé des institutions financières monétaires (IFM) laisse apparaître la structure suivante :

LES TROIS CONTREPARTIES DE M3
(Encours en milliards d'euros, août 2009)

Source : BCE, calculs Banque de France

Toutes ces créances ne trouvent cependant pas leur origine dans une création monétaire, car les banques financent une partie de leurs crédits en mobilisant l'épargne contractuelle et des ressources non monétaires inscrites à leur passif. Ainsi, dans le tableau ci-dessus, les ressources non monétaires sont déduites afin d'obtenir le montant de M3.

b) ... contrainte par des « fuites » dans le circuit monétaire

Les établissements de crédit subissent certaines contraintes restreignant leur pouvoir de création monétaire, outre la condition sine qua non d'une demande de liquidité formulée par les agents non financiers : les banques ne sauraient créer de monnaie sans clients demandeurs.

Indiquons préalablement que chaque banque de second rang 20 ( * ) a un compte inscrit au passif de la banque centrale, libellé dans une forme de monnaie hiérarchiquement supérieure aux autres : la monnaie centrale . Les banques sont toutes tenues de maintenir ce compte dans une position excédentaire.

La monnaie centrale

La monnaie centrale , dite encore « monnaie banque centrale » ou  « base monétaire », désigne la monnaie qui a été créée directement par la banque centrale ; il s'agit :


• des espèces (pièces et billets) ;


• des soldes créditeurs des comptes des banques dans les livres (au passif) de la banque centrale, aussi appelés « réserves ».

A partir de cette base monétaire, les banques, par les crédits qu'elles accordent, accroissent la monnaie scripturale et donc la masse monétaire (mécanisme du multiplicateur, voir encadré infra ).

Il se trouve que les banques sont confrontées à des « fuites » de monnaie centrale :


• en premier lieu
, elles doivent satisfaire à la demande d'espèces de leurs clients, que fournit exclusivement la Banque Centrale. La situation se présente, par exemple, lorsqu'un client venant de bénéficier d'un crédit demande d'en retirer une partie sous forme d'espèces.

Les retraits diminuent la quantité de monnaie centrale détenue par les banques, soit qu'elles puisent dans leurs avoirs en caisse, soit qu'elles soient contraintes de se procurer des billets auprès de la banque centrale, qu'elles règlent alors par l'intermédiaire de leur compte à la banque centrale.

De même, pour satisfaire à la demande de devises (qu'elles détiennent en quantité limitée), les banques in fine sont conduites à les acheter à la banque centrale ce qui se traduit par un prélèvement sur leur compte à la banque centrale ;


• en deuxième lieu
, une partie de la monnaie créée aboutit chez d'autres organismes financiers lors des paiements. Des opérations de compensation globalisent ces mouvements ( infra ), dont les soldes sont réglés en monnaie centrale à partir de leur compte à la banque centrale.

Il est à noter que les agents non financiers ont une propension croissante à convertir leurs dépôts en actifs financiers à faible risque (parts de SICAV monétaires), ce qui réduit le pouvoir de création monétaire des banques en réduisant leurs liquidités ;


• en troisième lieu
, les banques de second rang doivent disposer sur leurs comptes à la Banque Centrale d'une proportion fixe des dépôts de leurs clients (les réserves obligatoires , infra ) ; toute augmentation des dépôts (susceptible de donner lieu à des prêts) crée donc une « fuite » dans la mesure où elle renforce les besoins de banque en monnaie centrale, et il en va de même de toute révision à la hausse de la proportion de réserves obligatoires.

*

Parallèlement à ces « fuites », la banque prêteuse reçoit des flux monétaires (paiements, dépôt d'espèces) en provenance d'autres banques, ces entrées étant susceptibles de les compenser ;

La règle de proportionnalité

Il est possible de montrer que lorsqu'une banque occupe une part dans la collecte des liquidités égale à la part qu'elle tient dans la distribution des financements, les fuites en dehors de son circuit (monnaie créée par la banque donnant lieu à paiement sur le compte d'autres banques ou à retrait d'espèces) sont compensées par les entrées résultant des fuites subies par les autres banques.

Tant que la première part excède la seconde, la banque demeure « sur-liquide » et n'est pas limitée dans sa capacité à créer de la monnaie. Mais si la seconde part excède la première, la banque est alors confrontée à la nécessité de se refinancer en monnaie banque centrale.

Les « fuites nettes » doivent être compensées par des ressources en monnaie centrale qui proviennent exclusivement :


• du marché interbancaire : il s'agit d'emprunter de la monnaie centrale aux banques excédentaires moyennant le paiement d'un intérêt ;


• ou de la banque centrale : les banques ont la possibilité de se refinancer directement auprès de la banque centrale soit en leur donnant des titres en pension (les titres viennent en garantie d'un prêt), soit en les leur vendant.

Le rôle pivot de la banque centrale

Les très nombreux règlements effectués quotidiennement par les titulaires de comptes bancaires font l'objet d'un traitement centralisé permettant d'effectuer toutes les compensations possibles entre les différentes opérations de l'ensemble des banques, sans lesquelles le système ne serait pas gérable.

Les dettes ainsi déterminées donnent ensuite lieu à des virements entres les comptes détenus par les banques auprès de la banque centrale.

B. LES INSTRUMENTS DE PILOTAGE DE LA CRÉATION MONÉTAIRE

La libéralisation des marchés financiers puis leur rôle désormais majeur dans le financement de l'économie ont abouti depuis une quinzaine d'années à privilégier les instruments incitatifs d'intervention sur les marchés aux instruments de contrôle normatifs de la création monétaire .

Les instruments normatifs, globalement caducs

L'encadrement du crédit

L' encadrement du crédit permettait d'agir directement sur le volume de crédit distribué par les banques et donc sur la masse monétaire. Ces dernières constituaient alors la principale source de financement de l'économie, avant que la désintermédiation financière ne renforce considérablement le rôle des marchés de capitaux.

Ce mode de régulation, qui aboutissait notamment à figer les parts de marché de banques incitées à servir prioritairement leurs clients traditionnels, a pris fin en France avec la réforme du marché monétaire de 1987.

Les prêts bonifiés

Par ailleurs, les prêts bonifiés ont permis d'orienter jusqu'à près de la moitié des crédits, au début des années quatre-vingt, vers des secteurs jugés prioritaires, notamment l'agriculture et le logement. Jugés budgétairement coûteux et peu favorables à la concurrence, ces prêts ne font plus l'objet d'une pratique générale.

Le contrôle des changes

Le contrôle des changes consiste en une réglementation des transactions sur le marché des changes dans le but de maîtriser les flux de capitaux entre la monnaie domestique et les devises et de stabiliser les parités de conversion. Largement pratiqué par la France, ce contrôle a été supprimé dans l'ensemble des démocraties libérales industrialisées au cours des années quatre-vingt.

Plutôt qu'une maîtrise normée du crédit, les banques centrales utilisent désormais des instruments qui agissent sur la liquidité des banques, c'est-à-dire sur la somme de leurs avoirs en monnaie banque centrale, pour parvenir in fine à piloter l'évolution des taux d'intérêt et la création monétaire. Il s'agit donc d'un contrôle indirect.

Si la banque centrale estime que la croissance de la masse monétaire est excessive, elle réduit la liquidité bancaire en augmentant les besoins en monnaie banque centrale ou en les renchérissant, notamment en asséchant le marché interbancaire et/ou en augmentant le coût du refinancement.

Réciproquement, si la banque centrale estime que la création monétaire est insuffisante, elle augmente la liquidité bancaire en diminuant les besoins en monnaie banque centrale ou en les rendant meilleur marché, notamment en apportant des liquidités sur le marché interbancaire et/ou en diminuant le coût du refinancement.

Dans les deux cas, la Banque centrale agit sur les volumes et/ou les prix.

D'autres concepts de liquidité bancaire : liquidité de financement et liquidité de marché

La liquidité bancaire est considérée comme étant « la capacité à faire face à ses obligations de trésorerie suivant leur échéance ». Mais elle peut être diversement définie.

La littérature bancaire a tout d'abord retenu une définition étroite de la liquidité, également appelée liquidité de financement .

Cette notion recouvre la liquidité (c'est-à-dire les espèces ou les actifs susceptibles d'être convertis rapidement en espèces et détenus à cet effet) nécessaire pour satisfaire les demandes de retraits de fonds à court terme émanant des contreparties 21 ( * ) ou pour couvrir leurs opérations. Cette dimension de la liquidité est vraisemblablement prédominante dans le cadre de l'activité de transformation (de l'épargne à court terme en prêts à long terme) telle qu'elle est traditionnellement pratiquée par les banques.

La seconde définition , plus large, de la liquidité bancaire considère que les banques sont également impliquées, parfois fortement, dans la négociation d'actifs. Cette seconde dimension, plus proche de la « liquidité de marché » (et parfois également qualifiée ainsi), a trait à la capacité des banques à, littéralement, liquider un actif non monétaire, par exemple un titre d'investissement acquis à l'origine pour être détenu jusqu'à l'échéance, dans le cadre d'une action en dernier ressort afin de lever des fonds en monnaie de banque centrale.

La détention d'un instrument liquide peut s'avérer de peu d'intérêt dans une situation de crise soudaine, si aucun partenaire désireux d'acquérir cet actif supposé liquide à un cours raisonnable ne peut être trouvé sur le marché.

Source : Banque de France, Revue de la stabilité financière n° 9, décembre 2006

1. Un instrument passé au second plan : les réserves obligatoires

Les réserves obligatoires sont des dépôts obligatoires des établissements financiers auprès de la banque centrale. Rémunérées ou non selon les pays, leur montant constitue généralement un pourcentage ( coefficient de réserve ) de l'encours de leurs dépôts 22 ( * ) , le plus souvent de leurs dépôts à court terme.

Initialement créées dans un but prudentiel, elles sont ensuite devenues un instrument central de politique monétaire : en modifiant les coefficients de réserve, la banque centrale agit directement sur la liquidité bancaire .

Mais les politiques actives de réserve obligatoires, autrefois fréquentes, ne perdurent guère aujourd'hui que dans les pays en voie de développement.

Aujourd'hui, les banques centrales de la sphère occidentale ne réajustent les coefficients de réserve qu'à intervalles très éloignés et privilégient les politiques de taux directeur, même si les réserves y conservent un rôle structurel de pression sur la liquidité bancaire .

Dans la zone euro, l'assiette est formée des dépôts et des titres de créance et instruments du marché monétaire, dont les échéances sont inférieures à deux ans. La banque centrale européenne a fixé le taux de réserve obligatoire à 2 %. Ces dernières y sont rémunérées au taux de l'opération principale de refinancement ( infra ).

Diviseur de crédit, multiplicateur de crédit et réserves obligatoires

Diviseur et multiplicateur de crédit sont des représentations permettant d'établir un lien prévisible entre création monétaire et besoins des banques en monnaie centrale, compte tenu des « fuites » en monnaie banque centrale engendrées par toute création monétaire ( supra ).

Les données à prendre en considération sont le taux de réserve obligatoire ( r ) et la propension moyenne des agents à détenir une partie de leur monnaie sous forme de billets ( b ). Comme on raisonne au niveau de l'ensemble des banques, on néglige ici les fuites résultant des paiements, qui se neutralisent les uns les autres.


Diviseur de crédit

Le diviseur de crédit permet d' appréhender le besoin en monnaie centrale résultant d'un certain volume de création monétaire .

Après avoir créé une quantité q de monnaie, on peut montrer que les banques doivent se procurer un supplément de monnaie centrale Q égal à d x q , avec d (diviseur de crédit) égal à b + r - ( r x b).

Exemple : supposons que r= 2 % et que b =10 %, il vient alors que d = 0,118. Si les banques accordent par exemple 1 million d'euros de nouveaux crédits, elles doivent se procurer 118.000 euros de monnaie centrale. En l'absence de réserves obligatoires (r=0), d = b.

En supposant que b est constant à court terme, on relève que le besoin en monnaie centrale engendré par une hausse du crédit est d'autant plus fort que le taux de réserves obligatoires est élevé.


Multiplicateur de crédit

Le multiplicateur de crédit permet d' approcher le volume de création monétaire permis par un accroissement des disponibilités bancaires en monnaie banque centrale.

L'hypothèse est celle d'une politique monétaire expansionniste, la banque centrale décidant par exemple d'acheter des titres aux banques si bien que leurs avoirs en compte à la Banque Centrale augmentent.

Suivant une démarche inverse de celle suivie pour le diviseur de monnaie, ce supplément de monnaie centrale Q' permet aux banques de distribuer un supplément de crédit q' égal à m x Q' , avec m (multiplicateur de crédit) égal à 1 / d , donc égal à 1 / (b + r - ( r x b)).

Exemple : supposons toujours que r = 2 % et que b =10 %, il vient alors que m = 8,5. Si les banques centrales procurent 118.000 euros de monnaie centrale aux banques, ces dernières peuvent accorder 1 million d'euros de nouveaux crédits.

En supposant que b est constant à court terme, on relève que la hausse du crédit rendue possible par une hausse initiale de la base monétaire est d'autant plus faible que le taux de réserves obligatoires est élevé.

2. Les opérations de refinancement

a) La politique de taux directeur

Les principales banques centrales interviennent essentiellement au travers d'opérations de refinancement , donnant lieu à un pilotage de la masse monétaire en circulation via la fixation du niveau des taux directeurs .

Les opérations de refinancement consistent en un prêt de monnaie centrale garanti par des transferts de titres 23 ( * ) , avec engagement de reprise à terme.

Schématiquement, une baisse des taux améliore la liquidité des banques qui, se refinançant à un moindre coût, améliorent normalement les conditions qu'elles proposent aux ménages et aux entreprises, ce qui est favorable à l'activité mais peut aussi exercer une pression à la hausse sur le niveau des prix. Réciproquement, une élévation des taux directeurs est de nature à rehausser les taux imposés aux débiteurs, ce qui pèse sur l'activité et le niveau des prix.

L'évolution récente du principal taux directeur de la FED et de la BCE souligne le rôle contra-cyclique assigné à la politique monétaire, de façon assez spectaculaire 24 ( * ) , dans la crise financière :

ÉVOLUTION DES TAUX DIRECTEURS DE LA BCE ET DE LA FED

Source : Sénat, service des études économiques

(1) Les opérations d'open market et les facilités permanentes

Dans la zone euro , trois catégories d'opérations sont pratiquées par la BCE. La première est constituée d'opérations d'« open market », c'est-à-dire d'interventions sur le marché interbancaire 25 ( * ) à la discrétion de la banque centrale. Les deux autres constituent des facilités permanentes , opérations laissées au contraire à la discrétion des banques de second rang. Trois taux directeurs sont ainsi définis auprès de la BCE :


• le taux de l' opération principale de refinancement (OPR)* ( ou « taux de refinancement » ou « taux refi » , ou « taux repo » et le plus souvent, par simplification, « taux directeur ») : il s'agit du principal taux directeur , auquel la BCE prend en pension 26 ( * ) un volume plus ou moins important de titres prédéterminés (« titres éligibles ») sur appels d'offre hebdomadaires, pour une durée de deux semaines . Il s'agit d'un « taux plancher » pour les taux d'intérêt à court terme car si les banques pratiquaient des taux inférieur, tout refinancement leur occasionnerait des pertes ;

Les autres opérations d'open market


prises en pension à échéance trois mois* : il s'agit de prises en pension qui, à la différence de l'opération principale de refinancement, sont des opérations mensuelles et durent trois mois ; elles sont principalement destinées aux établissements de moindre taille qui font plus rarement appel au marché interbancaire pour couvrir leurs besoins de liquidité et pour lesquels une procédure simplifiée de refinancement est apparue souhaitable ;


opérations de « réglage fin » : autres opérations de prises en pension* n'obéissant à aucune règle de durée ou de fréquence, et dont l'objectif est de réagir rapidement à des fluctuations imprévues de la liquidité ;


prêts garantis par des actifs* : dans ce cadre, les actifs restent la propriété de l'emprunteur (à la différence de la prise en pension) ;


opérations fermes : la BCE peut procéder à l' achat ou à la vente ferme de titres contre de la monnaie banque centrale, le transfert étant ici définitif ; on parle ici d'« opération structurelle »


reprises de liquidité en blanc et émissions de certificats de dette par la BCE* : méthodes d'assèchement de la liquidité consistant, pour la première, à offrir une rémunération fixe pour les dépôts à terme effectués auprès des banques centrales nationales et, pour la seconde, à émettre des certificats négociables d'une durée inférieure ou égale à un an (opération structurelle) ;


échanges de devises : échanges simultanés au comptant et à terme d'euros contre devises.

* : l'astérisque désigne les opérations effectuées suivant une procédure d'appel d'offre. Les autres opérations suivent une procédure bilatérale (à l'exception des facilités permanentes, à la discrétion des banques).


• le taux de la facilité de prêt marginal (facilité permanente) : il s'agit d'un taux auquel la BCE fournit automatiquement des liquidités à 24 heures aux banques demandeuses, sans autre limitation que le montant des actifs que ces dernières sont susceptibles de lui apporter en garantie. Ce taux, plus élevé que le taux refi puisque les banques accèdent à la facilité sans restriction et donc sans maîtrise instantanée du volume de refinancement par la banque centrale, l'excède habituellement d'un point (ou 100 points de base 27 ( * ) ) ;


• le taux de la facilité de dépôt (facilité permanente), auquel la BCE rémunère les disponibilités que les banques peuvent lui prêter, sans limitation de montant ni de durée. Ce taux, nécessairement fixé à un niveau inférieur au taux refi (sans quoi les banques de second rang pourraient gagner de l'argent en déposant simplement auprès de la BCE la monnaie centrale obtenue au terme d'une OPR), lui est habituellement inférieur d'un point.

Par construction, le taux refi est donc situé entre le taux de prêt marginal et le taux de rémunération des dépôts. A noter qu'il existe d'autres méthodes de financement (prêts en blanc 28 ( * ) , émission de titres, swaps ...) pour les banques en mal de liquidités.

La question de l'orientation de la politique monétaire consiste essentiellement à fixer le taux d'intérêt directeur à un niveau compatible avec les objectifs macroéconomiques de la banque centrale.

Cette question est parfois distinguée de celle de la gestion de la liquidité , qui a pour objectif de permettre au marché monétaire, et plus généralement aux marchés financiers, de fonctionner « normalement », de telle sorte que les impulsions de politique monétaire puissent être transmises efficacement au reste de l'économie.

(2) Le marché interbancaire

Les établissements de crédit s'octroient mutuellement des prêts en monnaie centrale sur le marché interbancaire. Les taux y sont suivis via deux indicateurs :


• l' Eonia ( E uro o ver n ight i ndex a verage) donne le taux moyen pratiqué au jour le jour sur le marché monétaire ;


• l' Euribor ( Eur o i nter b ank o ffered r ate) donne un taux moyen pour les échéances allant d'une semaine à un an.

Eonia et Euribor sont des moyennes de taux interbancaires pratiqués par un échantillon de 57 établissements bancaires les plus actifs de la zone Euro. Des moyennes 29 ( * ) quotidiennes de taux prêteurs sur différentes échéances (au nombre de 13) sont ainsi effectuées sur la base des informations communiquées par ces établissements.

Les taux des livrets d'épargne sont basés sur ces taux de marché. Le taux Euribor à 3 mois sert de référence pour beaucoup de prêts variables, fonds monétaires et autres produits structurés...

D'une façon générale, les taux ont tendance à augmenter avec la maturité 30 ( * ) , mais dans une faible mesure compte tenu d'un horizon qui reste celui du court terme. On observera néanmoins, sur le graphe suivant, que la défiance résultat de la crise des subprimes a singulièrement accru les spreads (écarts) de taux du marché interbancaire.

Source : site de la Banque de France

Le marché interbancaire a une importance primordiale , puisque c'est sur cette place que les banques à la recherche de liquidités en trouvent, soit auprès des banques excédentaires, soit auprès de la BCE au travers de ses appels d'offre.

Les taux du marché interbancaire sont situés :

- généralement, à un niveau supérieur à celui du « taux refi 31 ( * ) » ; le « spread » 32 ( * ) n'excède habituellement guère quelques dixièmes de points, sauf dans l'hypothèse d'une défiance marquée entre établissements financiers, ce qui est le cas pour la crise des subprimes (voir graphes infra « MONTÉE ET REFLUX DES TENSIONS SUR LES MARCHÉS INTERBANCAIRES ») ;

- toujours à un niveau inférieur à celui des facilités de prêt marginal , car plus l'Eonia s'approche de ce taux, plus les banques sont incitée à recourir systématiquement à cette facilité.

Au total, les opérations d'open market servent à piloter le taux d'intérêt au jour le jour, tandis que les facilités permanentes le maintiennent dans un corridor.

b) Quelle fonction de réaction ?

La relation entre l'évolution des variables économiques et celle des taux directeurs est appelée « fonction de réaction » des autorités monétaires. Cette approche est de nature keynésienne car pour les monétaristes, l'évolution des taux d'intérêt ne doit servir qu'au respect d'un objectif de croissance de la masse monétaire.

Quelle règle de politique monétaire optimale ? L'approche de Taylor

La plus connue de ces fonctions de réaction est la « règle de Taylor ». Elle relie le taux d'intérêt (i) décidé par la banque centrale au taux d'inflation de l'économie et à l'écart entre le niveau du PIB et son niveau potentiel. Soient i n le taux d'intérêt considéré comme « neutre » à long terme 33 ( * ) , p le taux d'inflation courant, p* la cible d'inflation de la banque centrale, y et y* les niveaux respectifs de la croissance et de la croissance potentielle.

L'équation s'écrit alors : i = i n + 0,5 (p-p*) + 0,5 (y-y*)

On constate que le taux d'intérêt doit être égal à la croissance potentielle augmentée du taux d'inflation toléré dans la zone de référence lorsque la croissance économique est sur une trajectoire d'équilibre.

Cette règle suggère ainsi que le taux directeur doive être majoré quand l'inflation dépasse sa cible ou quand l'économie semble « en surchauffe » et diminué dans les situations inverses.

Parfois, les objectifs des politiques économiques peuvent être contradictoires, par exemple lorsqu'il y a stagflation, l'inflation dépassant sa cible alors que l'économie est en situation de sous-emploi. Dans ce cas, la règle de Taylor aide à mettre en balance ces différentes considérations pour fixer le taux d'intérêt. Il est possible d'accroître les pondérations liées à l'activité ou à l'inflation, mais au risque d'augmenter la volatilité des taux d'intérêt des Banques centrales.

En réalité, la plupart des banques centrales ont un mode de détermination des taux d'intérêt opaque, signe d'une pratique discrétionnaire . Mais la règle de Taylor présente toujours l'intérêt de servir de référence à l'appréciation du sens donné par les autorités monétaires à la politique monétaire.

C. LES CANAUX DE TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE

Les instruments de politique monétaire influent sur l'économie réelle en suivant différents canaux, objectifs et subjectifs. Parmi les canaux dits « objectifs », deux revêtent une particulière importance : le canal du taux d'intérêt et le canal du crédit, auxquels s'ajoutent le canal du bilan, le canal du cours des actions et celui du taux de change.

Les canaux « subjectifs » sont liés aux anticipations des marchés sur la base d'annonces et d'interventions de la banque centrale. L'hypothèse ici privilégiée pour illustrer ces mécanismes est celle d'une baisse des taux d'intérêt, hypothèse naturellement réversible.

1. Les canaux « objectifs »

a) Le canal des taux d'intérêt

Dans la représentation keynésienne, si l'offre nominale de monnaie augmente alors que les prix demeurent constants, il en résulte une diminution du taux d'intérêt 34 ( * ) qui incite les entreprises à investir, ce qui accroit la demande globale en raison du multiplicateur 35 ( * ) .

Au premier abord, cette approche semble fruste car la politique monétaire joue essentiellement sur les taux d'intérêt nominaux à court terme alors que la décision d'investir se fonde plutôt, avec d'autres autres facteurs (notamment la demande anticipée), sur les taux d'intérêt réels à long terme.

Elle est pourtant plus robuste qu'il n'y paraît, le taux directeur courant et sa trajectoire future anticipée déterminant assez largement le taux d'intérêt réel à court, moyen ou long terme , les anticipations d'inflation étant au surplus relativement rigides à court terme.

Canal des taux d'intérêt et courbe des taux

Il existe, sur les marchés financiers, un grand nombre de taux d'intérêt, dont chacun correspond à une durée et une catégorie d'emprunteurs déterminées. On peut les représenter par une « courbe des taux », qui définit, pour une catégorie d'emprunteurs donnée, le taux des emprunts à chaque maturité (trois mois, six mois, un an, deux ans, dix ans... et jusqu'à trente ou quarante ans). La courbe des taux présente généralement une pente positive, les taux à long terme étant supérieurs aux taux courts.

C'est à travers la courbe des taux, son niveau et sa pente que les changements de taux directeurs se diffusent à l'économie .

La forme de la courbe des taux est donc essentielle pour la transmission de la politique monétaire. Elle dépend principalement de trois facteurs :


• l'évolution future anticipée des taux courts. On montre, en effet, que si les marchés anticipent, à l'avenir, une hausse des taux courts, les taux longs vont également monter en proportion. En fait, le taux à dix ans, par exemple, est égal à la combinaison des dix taux à un an anticipés pour chacune des dix années à venir ;


• l'incertitude qui affecte ces anticipations de taux : elle se matérialise par une prime de risque spécifique. Plus les anticipations de taux courts futurs sont incertaines, plus les taux longs sont élevés. C'est une des raisons pour lesquelles les banques centrales s'attachent à préserver leur crédibilité : avec des anticipations bien ancrées, les primes de risque sont moins élevées ;


• enfin, les taux longs sont affectés par l'offre et la demande de titres aux différentes échéances. Par exemple, si les compagnies d'assurance accroissent leur demande de titres d'État à dix ans, le prix de ces titres augmente et leur taux baisse. À l'inverse, si le déficit budgétaire se creuse, l'État doit émettre plus de titres, leur offre s'accroît, leur prix baisse, et le taux d'intérêt que doit consentir l'État émetteur s'élève.

En déterminant son taux directeur, la banque centrale vise à agir sur l'ensemble des taux qui affectent l'économie nationale :


• une variation du taux directeur provoque, toutes choses égales par ailleurs, un déplacement de la courbe des taux, au moins sur sa partie courte ;


• si la banque centrale est crédible, elle peut également, à travers sa communication, influencer les anticipations d'inflation future, donc la pente de la courbe de taux ;


• il faut noter enfin que l'économie réagit au niveau et aux variations des taux d'intérêt réels, c'est-à-dire la différence entre les taux nominaux dégagés par le marché et l'inflation anticipée. La banque centrale agit également sur l'inflation anticipée, donc sur les taux réels, selon qu'elle est plus ou moins crédible.

Source : Banque de France, Focus n°4 « Les mesures non conventionnelles de politique monétaire », par Olivier Loisel et Jean-Stéphane Mésonnier, 23 avril 2009

L'évolution des taux constatée sur les marchés financiers a un impact direct sur le financement de l'économie et donc sur l'activité. Cet impact direct est cependant bien plus fort aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne que dans la zone euro, car l'intermédiation bancaire y joue un plus grand rôle. Le canal du crédit prend alors le relais du canal des taux d'intérêt.

b) Le canal du crédit

Les variations de la liquidité bancaire jouent sur la capacité des établissements de crédit à consentir des prêts, favorisant l'investissement et la consommation.

Le canal du crédit se situe dans le prolongement du canal des taux, qui déterminent le coût des ressources que les banques se procurent, à court terme, sur les marchés monétaires ou, à long terme, sur les marchés financiers, et que ces dernières répercutent auprès de leurs clients.

Il se distingue de celui des taux d'intérêt en ce qu'il joue sur le volume et les conditions des prêts bancaires, et non sur les conditions de financement direct par le recours au marché.

Ce canal, qui suppose que le crédit puisse être rationné sans que les taux d'intérêt viennent en équilibrer l'offre et la demande, est mis en avant par les keynésiens plutôt que par les monétaristes, plus confiants dans la capacité des marchés à assurer une allocation optimale des moyens.

Plus prosaïquement, ce canal est plus efficace dans les zones ou l'intermédiation bancaire est la plus forte : dans la zone euro, où les banques assurent 75 % du financement de l'économie contre 10 % aux Etats-Unis 36 ( * ) , le canal du crédit est particulièrement important dans la transmission de la politique monétaire.

Les autres canaux de transmission de la politique monétaire


• Le canal étroit du crédit bancaire

La théorie distingue du canal du crédit lato sensu , ou « canal large du crédit bancaire », le « canal étroit du crédit bancaire », ou canal du bilan .

Si les taux d'intérêt baissent, il en résulte une augmentation du cours des actions (voir supra le canal du cours des actions) qui fait baisser la « prime de financement externe », représentative du risque de non-remboursement, versée par les entreprises lorsqu'elles recourent à une banque mais aussi aux marchés pour se financer


• Le canal du cours des actions

Une baisse du taux d'intérêt réduit l'attrait des obligations au profit des actions dont le cours progresse en conséquence, si bien que la valeur boursière des entreprises s'élève par rapport au coût de renouvellement du capital, encourageant ce dernier. Ce canal reprend la théorie du ratio « Q de Tobin », théorie des choix d'investissement élaborée en 1969 par l'économiste James Tobin.

L'idée de base de ce modèle est la suivante : l'entrepreneur investit dans de nouveaux projets si le marché les valorise au-delà de ce qu'ils ont coûté. L'investissement est rentable tant que l'accroissement de la valeur de la firme reste supérieur à son coût.

James Tobin propose de suivre un ratio, dit « Q-moyen », rapport de la valeur boursière de la firme à son capital au coût de remplacement. En effet, sous l'hypothèse d'efficience du marché boursier, la valeur de marché d'une firme est exactement égale à la somme actualisée de ses flux de profit futurs. Un « Q-moyen » supérieur à 1 révèle que le marché anticipe une profitabilité de l'investissement au-delà de son coût. Au contraire, si ce ratio est inférieur à 1, le marché anticipe une profitabilité de l'investissement inférieure à son coût. Dans cette dernière hypothèse, l'intérêt des actionnaires serait de revendre les équipements existants à leur coût de remplacement. Si cela est impossible, il convient au moins de ne plus investir, et d'amortir progressivement le capital existant.


• Le canal du taux de change

Une baisse des taux d'intérêt rend la monnaie considérée moins attractive, entraînant sa dépréciation et donc une baisse des prix nationaux par rapport aux prix étrangers. Il en résulte un accroissement des exportations favorable à la production nationale.

En revanche, l'augmentation du prix des importations renforce l'inflation. Réciproquement, une appréciation de la monnaie se traduit par un phénomène de désinflation importée.

2. Les canaux « subjectifs »

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les banques centrales accordent une importance majeure au canal de l'information.

En premier lieu, elles indiquent par avance leurs intentions afin d' influencer le comportement des acteurs économiques , qui adaptent leur comportement sur la base d'anticipations concernant l'évolution des rémunérations, de la consommation, des capacités de production, etc.

En second lieu, cette action permet aussi de renforcer leur crédibilité ( supra ).

Ainsi, les modifications de taux directeurs, habituellement minimes (par palier de 25 points de base) sont bien souvent annoncées, commentées et resituées dans une logique générale de soutien à l'activité ou de maîtrise de l'inflation , de telle sorte que les anticipations des acteurs économiques diffèrent de ce qu'ils seraient en considération du seul mouvement de taux. Le taux EONIA au jour le jour tient lieu d'« objectif opérationnel » pour asseoir la politique choisie.

Les annonces préalables sont parfois si précises que le canal de l'information aboutit à « lisser » l'effet de la modification du taux sur la période antérieure, les marchés ayant totalement intégré l'information lors de la modification effective du taux directeur.

Les mouvements observés sur les taux longs 37 ( * ) permettent, dans une certaine mesure, d'évaluer la portée de l'action d'une banque centrale .

On rappelle que, d'une part, le taux long représente une moyenne des prévisions 38 ( * ) relatives aux taux d'intérêt à court terme (taux courts 39 ( * ) ) et que, d'autre part, le rendement des obligations d'Etat comprend une « prime de risque obligataire » 40 ( * ) .

Si l'on suppose une prime de risque obligataire constante, une baisse des taux longs par rapport aux taux courts en vigueur signifie qu'une baisse des taux courts est plausible. Cette anticipation d'un assouplissement de la politique monétaire correspond, dans des proportions variables :

- à l'anticipation d'un repli de l'inflation ;

- à l'anticipation d'un ralentissement économique.

Si la banque centrale baisse ses taux directeurs (ce qui entraîne normalement une baisse des taux courts), une baisse des taux longs signifie que son action est jugée durable et ne crée pas de risque d'inflation.

La crédibilité acquise par les banques centrales dans le domaine de la maîtrise de l'inflation explique aussi que les taux d'intérêt à long terme se situent, aujourd'hui, à un niveau historiquement faible.

* 1 Contrainte qui, passé un certain point, s'avère cependant irrésistible.

* 2 Jean-Baptiste Say (1767-1832) est le principal économiste classique français.

* 3 Soit : MV = PT.

* 4 La production ne dépend que de facteurs réels (non-monétaires) dans ce paradigme.

* 5 Menace qui, d'ailleurs, conduit Keynes à accorder plutôt sa préférence à la politique budgétaire.

* 6 Dans l'analyse de Milton Friedman, l'illusion monétaire résulte du fait que les agents font des erreurs d'anticipation qu'ils ne corrigent que progressivement : il s'agit des « anticipations adaptatives ».

* 7 Théorie popularisée par Robert Emerson Lucas.

* 8 La Banque de France n'a accédé à l'indépendance qu'en 1993. Dès sa création, la Banque centrale européenne (BCE) a été calquée sur le modèle de la Bundesbank.

* 9 Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 ; il prévoyait, outre les modalités transitoires du passage à la monnaie unique, l'organisation de la gouvernance monétaire une fois l'union monétaire réalisée, le 1 er janvier 2002.

* 10 Cet objectif est plus précisément confié au SEBC (système européen de banque centrale), composé de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales. Les organes de décision de la BCE dirigent le SEBC.

* 11 En vertu duquel ni la BCE ni une banque centrale nationale ne peuvent solliciter ni accepter des instructions de la part des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.

* 12 Cette vitesse peut être mesurée par le ratio PIB/M3, qui est passé de 0,55 au début des années quatre-vingt à moins de 0,2 en 2005.

* 13 Selon certains économistes, la détention croissante par les ménages d'actifs financiers liquide et l'essor des produits financiers structurés, compris dans l'agrégat M3, ont contribué à ce ralentissement.

* 14 Le crédit bancaire est la principale source de création monétaire (cf. développements infra).

* 15 Théorème formalisé par Mundell et Fleming.

* 16 Les premiers billets ont été émis par les banques au XVIIème siècle en contrepartie de dépôts en or. Ils étaient acceptés en paiement grâce à la confiance -fides en latin- dont jouissaient les banques émettrices -on parle ainsi de « monnaie fiduciaire ». Ces billets étaient alors convertibles en or à tout moment. En revanche, la monnaie métallique (ou « monnaie divisionnaire ») a longtemps conservé une valeur intrinsèque ( monnaie étalon ) dans la mesure où elle était constituée de métaux précieux. Le bimétallisme (or et argent) a duré jusqu'au XIXème siècle, pour céder la place au monométallisme or. Puis, au cours du XXème siècle, l'ensemble de la monnaie métallique est progressivement passé de monnaie étalon à fiduciaire.

La monnaie fiduciaire (billets) s'est ensuite déconnectée de l'étalon-or (à partir des années trente), déplaçant la confiance requise vis-à-vis de la banque émettrice vers l'économie dans son ensemble (abandon de l'étalon-or pour le dollar en 1971).

* 17 Le monopole de l'émission de billets de banque par une banque centrale doit être rapproché de la décision historique de leur conférer un cours forcé. En dispensant l'institut d'émission du remboursement des billets en monnaie métallique, le lien contractuel entre l'émetteur de la monnaie fiduciaire et le détenteur de cette monnaie s'est trouvé rompu lorsque la Banque de France fut dotée, en 1803, du privilège exclusif d'émission à Paris, généralisé à l'ensemble du pays en 1848. Le cours forcé du franc n'est cependant devenu définitif qu'à compter de 1936. Il s'est imposé pendant la première guerre mondiale ou entre les deux guerres dans la plupart des pays. Seuls, les États-Unis ont conservé une forme de convertibilité de leur monnaie (limitée aux relations entre banques centrales et Trésor américain) jusqu'en 1971 (fin de la convertibilité-or).

* 18 Ce constat doit être nuancé si l'on considère l'intégration croissante des activités de banque, d'assurance et financières, sachant que les OPCVM sont par ailleurs contrôlés à 80 % par les grandes banques. En incluant ces intermédiaires financiers dans le calcul du taux d'intermédiation, son recul apparaît moins marqué : il passe de 79 % en 1978 à 58 % en 2005 (voir Dominique Pilhon, « La monnaie et ses mécanismes », éditions La Découverte).

* 19 Tous les crédits ne donnent cependant pas lieu à création monétaire : les banques commerciales peuvent -précisons ici que La Poste le doit- financer les crédits sur une épargne préexistante , tandis que les crédits interentreprises mobilisent des ressources préexistantes.

* 20 On désigne « banque de second rang » les banques commerciales qui créent de la monnaie scripturale à destination des agents non financiers (ANF), par opposition à la banque centrale, aussi désignée « banque de premier rang », qui crée de la monnaie scripturale centrale à destination des banques de second rang.

* 21 Etablissements susceptibles d'accéder aux instruments de la politique monétaire (ainsi, seuls les établissements assujettis à la constitution de réserves obligatoires peuvent avoir accès aux facilités permanentes et participer aux opérations d'open market par voie d'appels d'offres normaux - voir infra).

* 22 Les réserves obligatoires peuvent aussi être fonction du volume des crédits.

* 23 Notamment des bons du Trésor. Les critères d'éligibilités des créances sont abordés infra (« L'assouplissement du refinancement »).

* 24 Le taux pratiqué par la Banque d'Angleterre est actuellement à son plus bas niveau depuis la fondation de l'institution en 1694.

* 25 Marché sur lequel les organismes financiers échangent contre des titres leurs disponibilités en monnaie centrale à des taux libres.

* 26 La mise en pension de titres consiste à les vendre tout en s'engageant à les racheter à une échéance et à un prix connus à l'avance.

* 27 Cette expression, très usitée dans le langage financier, désigne un centième de pourcentage.

* 28 C'est-à-dire non garantis.

* 29 Moyennes effectuées après élimination des 15 % de cotation extrêmes et exprimées avec trois décimales.

* 30 C'est-à-dire, la durée.

* 31 L'éonia peut cependant se trouver provisoirement inférieur au taux refi à l'approche d'une baisse annoncée -ou pressentie- du taux de refinancement de la banque centrale.

* 32 Spread signifie écart en anglais. L'utilisation de ce terme sur les marchés financiers est générale et très diverse, seul le contexte permettant de savoir de quoi l'on parle.

* 33 Ce taux peut être considéré comme résultant de la sommation du taux de croissance potentielle (taux d'intérêt réel neutre) et du taux d'inflation anticipé.

* 34 Dans la représentation néokeynésienne ISLM, cette politique engendre un déplacement vers la droite de la courbe LM (voir infra).

* 35 Une vague initiale d'investissement entraîne, via la distribution du revenu engendré par son financement, une première vague de demande du même montant, diminué cependant de la partie de ce revenu destinée à l'épargne et de celle ayant servi à acquérir des biens ou services importés. Cette première vague de demande entraîne une nouvelle distribution de revenu, qui alimente une deuxième vague de demande nationale, d'une ampleur à nouveau atténuée par les fuites que représentent l'épargne et les importations, et ainsi de suite. Au total, l'investissement initial démultiplie la production selon un facteur dont la théorie keynésienne donne le calcul (selon des modalités semblables à celui du multiplicateur monétaire décrit plus haut).

* 36 Voir Banque de France, Focus n°4 « Les mesures non conventionnelles de politique monétaire », par Olivier Loisel et Jean-Stéphane Mésonnier, 23 avril 2009.

* 37 Les taux longs sont ceux auxquels empruntent l'Etat, les organismes sociaux, les collectivités locales, les entreprises publiques ou privées, sur des durées longues (10, 30 voire 50 ans dans le cas de l'Etat). Ces taux fluctuent librement en fonction du jeu de l'offre et de la demande. Les valeurs le plus couramment observées sont les taux servis pour les obligations du Trésor à 10 ans.

* 38 En théorie, les agents effectuent leurs arbitrages sur le marché de l'épargne en considérant que la rémunération d'un emprunt à long terme est égale à celle d'une succession d'emprunts à court terme sur une période équivalente.

* 39 Taux déterminé sur le marché monétaire à court terme (entre un jour et 2 ans). Les taux courts sont directement influencés par les taux directeurs.

* 40 Cette prime dépend de caractéristiques telles que la liquidité du titre, le risque de défaut de paiement et l'incertitude sur les rendements anticipés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page