Mercredi 1er juin 2016, Vincent EBLÉ et André GATTOLIN, rapporteurs spéciaux, ont fait une communication devant la commission des finances sur les conséquences budgétaires des attentats du 13 novembre 2015 sur le secteur du spectacle vivant.

Retour en trois questions sur cette communication avec les deux rapporteurs spéciaux.

Trois questions à Vincent EBLÉ et André GATTOLIN, auteurs de la communication relative aux conséquences budgétaires des attentats du 13 novembre 2015 sur le secteur du spectacle vivant (1er juin 2016)

  Pourquoi les attentats de novembre 2015 ont-ils entraîné des difficultés financières pour les établissements de spectacle vivant ? Comment ces difficultés se répercutent-elles sur le budget de l’État ?

Vincent EBLÉ : À la suite des attentats de novembre 2015, en particulier les évènements tragiques survenus au Bataclan, les salles de spectacle ont dû renforcer les mesures de sécurité alors même qu’elles faisaient face à une chute parfois drastique de la fréquentation. Elles ont donc à la fois vu leurs dépenses augmenter et leurs recettes diminuer.

Le budget culturel de l’État subit le contrecoup de ces difficultés de deux façons distinctes.

D’une part, l’État finance bien sûr les surcoûts des théâtres et des salles de concert publics. Au total, la Direction générale de la création artistique (DGCA) a fait une demande de 3,2 millions d’euros de crédits supplémentaires, en 2017, pour ses opérateurs intervenant dans le domaine de la création, au titre des mesures de sécurisation.

D’autre part, en ce qui concerne les salles de spectacles privées, l’État participe au financement du fonds d’urgence pour le soutien au spectacle vivant, créé par la loi de finances rectificative pour 2015. Ce fonds vise à indemniser une partie des surcoûts ou des pertes de recettes supportés par les établissements de spectacle privés depuis novembre.

  Comment le fonds d’urgence pour le soutien au spectacle vivant fonctionne-t-il ? Combien coûte-t-il ?

André GATTOLIN : Le fonds d’urgence peut intervenir pour la quasi-totalité des structures de spectacle vivant du secteur privé : il s’agit de théâtres, mais aussi de salles de concert, de cabarets, de cirques…

Le fonds d’urgence intervient selon deux axes : la compensation partielle de pertes de recettes, liées à la chute de la fréquentation, et l’aide à la mise en sécurité des salles. Le fonds attribue à la fois des aides financières directes, c’est-à-dire des subventions, qui représentent 88 % de l’enveloppe globale, et des avances remboursables sur une période maximale de deux ans. Le fonds n’intervient pas en matière d’investissement mais uniquement de fonctionnement : il peut par exemple attribuer des crédits à un théâtre qui a engagé un vigile mais n’accordera pas d’aide au titre de l’installation d’un portique détecteur de métaux.

Un dispositif de sélection des dossiers a été imaginé et mis en œuvre dans l’urgence. Les critères d’attribution des aides ont été arrêtés dans le cadre du règlement du CNV. La prise de décision est relativement transparente dans la mesure où tous les membres du comité d’engagement disposent des dossiers constitués par les demandeurs. Le comité d’engagement se réunit environ une fois par mois.

Vincent EBLÉ : Pour ce qui est des chiffres, le fonds d’urgence est doté aujourd’hui de 6,065 millions d’euros, dont 3,8 millions d’euros issus de fonds publics. Les trois principaux contributeurs sont le Centre national des variétés, le ministère de la culture et de la communication et la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique).

Après la réunion du 8 avril 2016, 304 structures ont soumis une demande pour un montant financier total de plus de 18,5 millions d’euros. Certaines demandes sont cependant rejetées : ainsi, le nombre de dossiers retenus est de 222 structures, soit 73 % des demandes, et le total attribué est de 5,643 millions d’euros soit 31 % du total des demandes. L’aide moyenne s’élève à environ 21 000 euros et elle est plafonnée à 130 000 euros.

  Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?

André GATTOLIN : Du côté du fonds d’urgence, à ce stade, le comité d’engagement prévoit que le fonds devrait être renforcé de 6,6 millions d’euros supplémentaires avant la fin de l’année 2016 afin de faire face aux difficultés des secteurs des festivals, du cirque et des cabarets.

Au-delà du niveau des crédits, c’est la question de la pérennité du fonds qu’il faudra trancher. La loi prévoit que celui-ci peut fonctionner jusqu’en 2018. Une solution pourrait être de mettre le fonds en sommeil à partir de 2017 si la situation s’est stabilisée, afin d’éviter les effets d’aubaine.

Si le fonds est effectivement reconduit dans les années à venir, en 2017 et en 2018, il faudra sans doute engager une réflexion sur son mode de fonctionnement car il ne s’agira plus réellement d’un outil mis en place dans l’urgence. Il faudra notamment préciser ses finalités : s’agit-il d’un simple instrument de soutien économique au secteur du spectacle vivant ? Ou l’État voudra-t-il encourager la mise en place de mesures de sécurités définies ?

Les dépenses prises en compte devront aussi être précisées : nous nous interrogeons sur l’exclusion des dépenses d’investissement.

En ce qui concerne les établissements publics, la hausse des coûts de sécurité devra être intégrée aux arbitrages budgétaires pris dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Nous serons attentifs à ce que les contraintes pesant sur les établissements publics de spectacle vivant soient prises en compte afin que les théâtres continuent d’accueillir leurs spectateurs dans de bonnes conditions : aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une offre culturelle de qualité.

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Dernière mise à jour : 01/06/2016