1ère partie : L’Etat s’engage (1h)

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  • 2ème partie : L’environnement social des Français établis hors de France (1h)

Visuel : Première journée des Français de l'étranger

TABLE RONDE N° 1 : LA FRANCE DERRIÈRE SES EXPATRIÉS

Première partie :  L'État s'engage

Le ministère des affaires étrangères est aujourd'hui « la plus grande mairie de France » avec 1,2 million d'administrés inscrits sur les registres consulaires (mais sans doute 2,2 millions d'expatriés). Dans un contexte budgétaire difficile, la France est-elle en mesure de maintenir durablement ce haut niveau de prestations ?

Présidée par Mme Marie-Thérèse HERMANGE, sénatrice, membre de la commission des affaires sociales du Sénat
Animée par Marie-France CHATIN-LAROCHE, journaliste à

1ère partie : L’ETAT S’ENGAGE

  • François BARRY DELONGCHAMPS, directeur des Français de l’étranger et des étrangers en France (DFAE)
  • Christophe FRASSA, secrétaire général de l'UFE
  • Christiane KAMMERMANN, sénateur représentant les Français établis hors de France
  • Pierre-Yves LE BORGN', délégué national du Parti socialiste pour les Français de l'étranger
  • Raymond-François Le BRIS, préfet, auteur d’un rapport au premier ministre sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger
  • Renaud MUSELIER, ancien secrétaire d’État aux Affaires étrangères, chargé de mission à la Présidence de la République pour les Français de l’étranger
  • François NICOULLAUD, président de l’ADFE

Christiane KAMMERMANN, sénateur représentant les Français établis hors de France

Bonjour et bienvenue. Je rappelle que notre Constitution confie au Sénat la mission de représenter les Français établis hors de France. Nous sommes douze sénateurs qui remplissons cette belle mission. Notre tribune de ce matin sera consacrée à la France derrière ses expatriés.

Quand il part s'installer à l'étranger, un Français n'est jamais seul. Il a derrière lui l'un des réseaux diplomatique et consulaire les plus denses au monde avec des représentations dans 161 pays. Après avoir dessiné les contours de la présence française dans le monde, cette table ronde décrira l'ensemble du dispositif public mis par la France au service de ses expatriés.

Je salue Renaud Muselier, ancien secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, actuellement chargé de mission à la Présidence de la République pour les Français de l'étranger.

Je remercie d'avance tous les participants.



Marie-France CHATIN-LAROCHE

Avec 1,2 million de Français enregistrés sur les listes consulaires, le ministère des affaires étrangères est communément qualifié de « plus grande mairie de France ». Ce chiffre est en dessous du nombre réel des Français établis hors de France qu'on évalue à plus de 2 millions de personnes. Plusieurs ministères s'occupent des Français de l'étranger : le ministère des affaires étrangères avec la direction des Français à l'étranger en particulier, le ministère des finances, les chambres de commerce, la DGCID pour, la culture, la Défense, l'Elysée...

Le rapport de M. Raymond-François Le Bris avait pour objet de répondre à une question complexe : comment permettre à l'Etat de mieux mobiliser l'ensemble des moyens qu'il souhaite rassembler au service d'une action extérieure plus cohérente, plus efficace dans tous les domaines qui sont les siens et qui sont menés par l'ensemble des missions diplomatiques et des acteurs de l'action extérieure de l'Etat ?


Raymond-François LE BRIS, préfet

Mon rapport, remis au Premier Ministre il y a six mois, devrait, me dit-on, donner lieu à des arbitrages avant l'été prochain. Aux termes de la lettre de mission rédigée par M. Jean-Pierre Raffarin, ce rapport avait pour objet, dans le cadre plus général de la réforme de l'Etat, d'enquêter sur les différents services de l'Etat dans le monde, d'en mesurer les qualités, nombreuses, d'en déceler les insuffisances, tout aussi nombreuses, afin d'en conserver les vertus et d'en gommer les insuffisances. Je n'ai pas pu dissocier ma réflexion personnelle de mes convictions puisqu'au moment où j'achevais la rédaction de ce rapport, je publiais aux éditions Odile Jacob l'ouvrage « L'Etat quand même ». J'ai par ailleurs rencontré des représentants des Français de l'étranger dans plusieurs pays, en Turquie, en Australie, en Chine en Italie.

L'Italie a 30 millions d'expatriés, la Grande-Bretagne 11 millions, l'Allemagne 3 millions et l'Espagne 1,5 million. A l'exception de l'Italie, aucun de ces pays ne dispose d'une représentation de ses nationaux expatriés. L'Italie et le Portugal se rapprochent de notre organisation mais les autres pays européens ne connaissent pas de représentation spécifique de leurs nationaux expatriés.

La France dispose du 2ème réseau dans le monde après les Etats-Unis, et avant la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Allemagne. Ce réseau est complété par 169 missions économiques, 148 instituts culturels, 238 Alliances françaises, 174 SCAC (Services de Coopération et d'Action Culturelle et assimilés) et 250 établissements scolaires qui scolarisent 240.000 élèves. Le tout dispose d'un budget de 8,81 milliards d'euros, non comprise notre participation au budget de l'Union européenne.

Mes propositions s'articulent autour de trois axes :

1/ Avoir comme dans la plupart des grands pays du monde (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada), une structure de réflexion qui définisse les objectifs de notre présence dans le monde, au-delà des conseils ministériels restreints et des deux occasions annuelles au cours desquelles le Président de la République s'exprime (présentation des vœux du corps diplomatique et conférence annuelle des ambassadeurs). Je suggère ainsi la création d'un conseil de l'action extérieure de la France qui définisse les objectifs de nos missions, toutes actions confondues : culturelle, commerciale, économique, politique...

2/ Faire en sorte que l'ensemble des moyens consacrés à notre action dans le monde soient consolidés dans une structure unique, à l'exemple du CIMEE (Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger) créé par Alain Juppé en 1994. Il est malheureux que le CIMEE ne se soit plus réuni depuis 1997 car nous n'avons plus aujourd'hui d'outil pour mesurer les moyens que nous consacrons à l'action de l'Etat dans le monde. La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est à cet égard une réponse insuffisante.

Car, pour savoir si notre réseau de représentations diplomatiques ou consulaires dans le monde est bien dimensionné, il faut disposer de chiffres précis.  Nos quinze plus petites ambassades (Afghanistan, Islande...) coûtent 13 millions d'euros, soit moins du quart de ce que coûte notre représentation en Italie. Avant de supprimer telle ou telle ambassade et de compromettre nos relations avec tel ou tel pays membre de l'Assemblée générale de l'ONU, il convient d'être bien informé.

3/ Et enfin, faire en sorte que les ambassadeurs reconquièrent leur autorité sur la totalité du dispositif français en animant non seulement l'ensemble des services de l'Etat mais aussi les établissements publics de l'Etat à l'étranger qui ont tendance à jouer une carte trop personnelle, au lieu de conduire leur politique en coordination avec la politique de la France.

La France bénéficie d'une immense chance en étant présente dans 80 % des 414 villes les plus importantes du monde à travers une agence consulaire, une alliance française, une chambre de commerce ou un établissement scolaire. Il faut développer une politique de réseaux et confier aux ambassadeurs le rôle d'animation de ce réseau.


Renaud MUSELIER, chargé de mission à la Présidence de la République pour les Français de l'étranger, ancien secrétaire d'Etat aux affaires étrangères

Je tiens à saluer le travail de M. Le Bris.

Pour rebondir sur les propos liminaires, certes le ministère des affaires étrangères constitue la « plus grande mairie de France ». Mais en France, une mairie fonctionne avec des élus. Et moi je suis un homme politique. A l'étranger, l'Etat fonctionne avec des fonctionnaires au service des Français résidant hors de France. Ces derniers ont des représentants au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui élisent eux-mêmes les sénateurs représentant les Français établis hors de France au Parlement, et qui défendent leurs intérêts. Quand vous êtes élu, vous vous demandez comment fonctionne le système sur le plan politique.

Le rôle des élus et du ministre des Affaires étrangères, c'est d'essayer d'apporter des réponses et de faire évoluer le système. Prenons quelques exemples.

Nous avons regroupé les listes électorales, réformé le Conseil supérieur des Français de l'étranger - devenu l'Assemblée des Français de l'étranger -, amélioré les relations avec l'AFE, les sénateurs et les représentants des deux grandes associations représentatives.

Nous avons mis en place des dispositifs pour résoudre dans l'urgence les problèmes de nos compatriotes. Ainsi, en matière d'adoption internationale, les réformes que nous avons adoptées nous ont permis de passer de moins de 1.000 enfants adoptés dans le monde à plus de 5.000 aujourd'hui, originaires de 70 pays. Tout ceci dans le respect bien évidemment de la Convention de La Haye qui proscrit le trafic d'enfants.

En Côte d'Ivoire nous avons rapatrié 10.000 Français dans des conditions difficiles.

Nous avons fait face au Tsunami ou à la catastrophe de Charm al Cheikh avec des cellules d'urgence appropriées à chacun des types de catastrophes et de victimes, et sous le regard sans indulgence de la population française.

A chacun des déplacements du ministre, nous nous efforçons d'aider les entreprises à décrocher des marchés et de rencontrer les expatriés à travers le monde.

Il nous faut aussi défendre la francophonie face à la domination anglo-saxonne.

Citons enfin, et pour illustrer la diversité des profils d'expatriés, la démarche de tous nos jeunes qui partent faire de l'aide humanitaire dans le cadre très structuré, très efficace et très professionnel des ONG mais dans des régions terribles du monde. Ils souhaitent préserver leur indépendance par rapport à l'Etat français ce qui est légitime, mais ils ont besoin d'un environnement suffisamment sécurisé pour se déplacer et accomplir leur mission.

Voilà l'ensemble de l'aide politique que nous pouvons apporter.

Je salue à cet égard le travail des élus qui travaillent avec peu de moyens et avec peu d'écoute dans les différents ministères parce que les Français de l'étranger sont très disséminés et offrent des profils très variés dans le monde.

Je suis pour ma part disponible auprès de nos amis Français de l'étranger et de leurs représentants. Nous sommes héritiers d'un grand pays, d'une grande culture, d'une grande Nation, de grands messages politiques, mais nous sommes en position de défense sur les plans financier, économique ou linguistique. Nous manquons de moyens par rapport à l'Amérique du nord. Et nous devons nous fédérer au niveau européen.

Je sais que je ne vais pas me faire des amis au sein du ministère des affaires étrangères, mais je suis pour ma part favorable à l'ouverture de la « maison quai d'Orsay » pour ouvrir le métier de diplomate à des non diplomates, pour favoriser le brassage avec le monde du privé et de l'économie et pour accroître la porosité entre les différents corps. Sinon, nous les politiques, nous nous heurterons à l'inertie inhérente aux structures administratives et nous aurons du mal à faire évoluer le système.


François BARRY DELONGCHAMP, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France

Tout d'abord, je souhaiterais m'inscrire en faux contre les propos tenus tout à l'heure : le ministère des Affaires étrangères n'est pas la « première mairie de France » mais la première mairie du monde : 18 millions d'actes par an cela veut dire 18 millions de personnes qui relèvent du service d'Etat civil à Nantes et du réseau consulaire.

La présence française à l'étranger est essentiellement portée par 2 millions de Français dans le monde qui réussissent, qui s'intègrent, mais qui doivent rester français.

Pour cela, trois axes guident l'action de l'administration au service de la Nation

1/ La priorité absolue, c'est la sécurité, surtout depuis quelques années. C'est-à-dire faire face aux crises susceptibles de survenir sans préavis, mettre en place des procédures de veille et de gestion de crise, entretenir ces dispositifs de prévention, mettre en place des plans de sécurité, adapter les réseaux de transmission à la réalité de chaque pays - c'est différent en Indonésie, en Côte d'Ivoire ou en Louisiane -, renforcer la coopération avec les entreprises, adapter quotidiennement le site « Conseils aux voyageurs », et enfin, gérer les crises quand elles se produisent.

2/ La modernisation du réseau consulaire pour qu'il évolue avec son temps : par un renforcement des structures dans les pays à fort développement pour nos communautés (Inde et Chine), par leur maintien dans l'hémisphère occidentale, par le regroupement et la rationalisation des activités en Europe, par une vigilance plus soutenue à l'égard des risques et des problèmes de sécurité en Amérique centrale, au Moyen-Orient et dans certains pays d'Asie (prises d'otages), par le développement des antennes consulaires provisoires d'urgence qui permettent de projeter sans préavis en une demi-journée des équipes équipées de matériels de transmission et de capacités à délivrer des passeports ou à identifier des victimes.

3/. La gamme des services consulaires est sans comparaison dans le monde par sa variété. Elle mériterait sans doute d'être rationalisée selon les directives que nous donnerait le législateur... Pour l'instant nous faisons tout !

Nous nous efforçons de regrouper les compétences, notamment en Europe : nous avons regroupé l'état civil à Bruxelles pour la Belgique, à Berlin pour l'Allemagne et nous étudions la même chose pour l'Italie et l'Espagne. Par ailleurs, le développement de l'administration électronique est vital : la transmission électronique pour la fabrication des passeports est effective depuis 2004.

Voici trois exemples enfin pour illustrer l'action du ministère :

- Les antennes consulaires provisoires ont été projetées sept fois en 2005 : au Sri Lanka, aux Maldives et en Thaïlande au moment du tsunami, à Londres après l'attentat, au Venezuela après l'accident d'avion, en Louisiane après le cyclone, au Pakistan après le tremblement de terre au Pakistan et dans les accidents de montagne au Népal.

- Après la crise ivoirienne de novembre 2004 et le raz-de-marée, les Européens ont décidé de coopérer plus activement pour aider leurs ressortissants : des conférences téléphoniques ont lieu plusieurs fois par jour, les moyens aériens ont été mutualisés et des officiers de liaison installés dans les services des uns et des autres, les processus d'identification ADN se sont accélérés, ce qui nous a permis d'identifier 90 des 95 victimes françaises du Tsunami, au milieu de 300.000 morts.

- Chaque Français recevra à l'automne un numéro d'identification consulaire personnel qui lui permettra d'accéder à tous les services administratifs depuis son domicile ou lors de ses déplacements à l'étranger ; il pourra s'adresser à n'importe quel poste consulaire et transférer son inscription d'un consulat à l'autre. Une première application aura lieu le 15 avril prochain dans la perspective des élections de l'AFE : chaque Français établi hors de France pourra se connecter au serveur Electis pour connaître sa situation au regard du droit électoral à l'étranger.


Christophe FRASSA, conseiller à l'AFE (circonscription de Monaco), secrétaire général de l'Union des Français de l'étranger.

Je vous prie tout d'abord d'excuser le président de l'Union des Français de l'étranger, Gérard Pelisson, qui accompagne actuellement le Président de la République en Arabie Saoudite, et qui m'a chargé de le remplacer.

Créé en 1927, l'UFE est la plus ancienne des associations de Français expatriés. Si elle n'avait pas existé, les Français de l'étranger n'auraient pas, aujourd'hui, d'interlocuteurs auprès de l'Etat français, puisque c'est à sa demande insistante qu'en 1946, les premiers conseillers de la République représentant les Français de l'étranger ont été créés. En 1948, un nouveau pas a été franchi avec la création du Conseil supérieur des Français de l'étranger (devenu Assemblée des Français de l'étranger). L'UFE a toujours été au cœur de tous les combats pour la défense des intérêts de nos compatriotes à l'étranger, tant auprès des autorités locales que des pouvoirs publics.

On parle de « plus grande mairie de France », mais ça ne veut rien dire. Les Français de l'étranger sont une collectivité de la République. L'étape suivante sur le chemin de la reconnaissance des Français de l'étranger comme composante à part entière de la Nation française, c'est la création d'une véritable collectivité que nous appelons de nos vœux. Une proposition de loi va, à cet égard, être déposée par le sénateur Christian Cointat, visant à instaurer une collectivité d'outre-frontières, proposition sur laquelle la commission de la décentralisation travaille au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger depuis trois ans. Cette initiative illustre le rôle politique que nous souhaitons avoir à l'UFE pour donner les moyens aux 2,3 millions de Français de l'étranger d'avoir une vraie mairie - non le consulat n'est pas une mairie car il n'en exerce pas toutes les fonctions - et de mener une action à l'étranger qui soit digne des attentes de nos compatriotes. Nous disposons de tout ce qui caractérise une collectivité : un formidable réseau d'enseignement, un réseau de sécurité sociale, des instances représentatives au niveau national - les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger et les sénateurs qui siègent au Parlement - et au niveau local avec les comités consulaires que nous avons mis en place. Il ne reste qu'à trouver le nerf de la guerre, c'est-à-dire le financement.


François NICOULLAUD

L'ADFE est la 2ème association de représentation des Français de l'étranger. Née en 1980, elle est fière d'avoir introduit le suffrage universel dans la représentation des Français de l'étranger. Autrefois, les sénateurs étaient désignés par un système de cooptation de notable en notable.

Je souhaite rendre hommage à ceux qui s'engagent, les fonctionnaires de notre réseau diplomatique et consulaire, nos soldats qui vont au secours des Français en difficulté, les organisations humanitaires... Je ne sais pas si le monde nous envie notre administration mais en revanche, je suis certain qu'il envie notre réseau d'enseignement et d'instituts culturels à l'étranger.

Cependant, nous sommes dans une phase de reflux de notre engagement à l'étranger. Le réseau consulaire se réforme en se rétrécissant, le réseau culturel souffre de diminution de ses crédits. Le ministre des affaires étrangères disait au moment de l'examen du budget à l'automne 2006 :

Force est de reconnaître que l'action extérieure n'est pas une priorité du gouvernement. Ce n'est pas une critique mais un constat. Le gouvernement a d'autres priorités : réduire l'endettement public, réduire l'impôt des classes moyennes et supérieures, résorber les pertes du Crédit Lyonnais, etc.

Comment s'en sortir dans ce contexte ? Comment mieux mobiliser la communauté nationale derrière les objectifs de l'action extérieure. Celle-ci étant déléguée au ministère des Affaires étrangères, les autres ministères se sentent déresponsabilisés. Il conviendrait sans doute de mobiliser chacune des administrations en fonction de ses compétences pour remuscler notre action extérieure. Le ministère des Affaires étrangères se concentrerait sur son rôle de pilotage global comme l'a recommandé M. Le Bris.

Ne faudrait-il pas, à l'exemple de l'AEFE dont la création a été un progrès considérable par rapport au système antérieur de gestion directe du réseau français à l'étranger, ou de l'Agence française du développement qui associe le ministère des affaires étrangères et le ministère des finances, créer une puissante agence de coopération culturelle, scientifique et technique ?


Pierre-Yves LE BORGN', délégué national du Parti socialiste pour les Français de l'étranger

Je vais tenir le rôle du grognon. Il se trouve que, comme délégué des Français de Belgique à l'Assemblée des Français de l'étranger, je suis un élu de terrain. Le thème du débat insulte un peu la réalité. En Belgique, avec la transformation des consulats en consulats d'influence, notamment à Liège (où résident 12.000 Français) ou à Anvers (où résident 5.000 Français),  le service public consulaire a disparu, malgré la mise en place de guichets de proximité.

Les régies ayant disparu, nous n'avons plus la possibilité de faire appel à des secours en matière d'aide sociale. Sans personnel, de quels moyens dispose le consul pour mener à bien sa mission d'influence ? Il est souvent tout seul : sans consul général adjoint, il est le mur fondateur qui soutient le toit. La réalité du terrain dont je peux témoigner, c'est la disparition d'un certain nombre de points précis de la vie d'un service public.

Quels sont les choix politiques qui sous-tendent cette situation ? Que veut dire la mutation et le non remplacement de l'agent de l'ambassade de France qui s'occupait de reconnaissance des diplômes ? Pourquoi ferme-t-on la délégation culturelle pédagogique de la France en Flandre ?

Je souhaite souligner la compétence et le dévouement des personnels du ministère des affaires étrangères et en particulier le travail mené par les recrutés locaux.

Je voudrais m'inquiéter en conclusion des propos tenus par Jérôme Chartier, rapporteur spécial des crédits du ministère des affaires étrangères à l'Assemblée Nationale, au cours du débat budgétaire :


Questions de la salle

Marc PHILIPPE, délégué régional du groupe Suez en Inde et président de la section régionale des Conseillers du commerce extérieur

Je souhaite que les propositions du préfet Le Bris soient rapidement mises en œuvre et en particulier la coordination des services. Cela fait 20 ans que je réside en Inde et les ambassadeurs français, à la différence des ambassadeurs américains, ne se comportent pas en coordonnateurs des services, loin de là.

S'agissant des visites officielles, en Inde, il y a une mission sénatoriale américaine par mois !

Or, ces visites sont essentielles pour les groupes privés et notamment les visites des élus. Lorsque le Président Christian Poncelet est venu à Delhi l'an dernier, cela nous a beaucoup aidés !

Par ailleurs, quand le Président de la République ou le premier ministre sont en visite à l'étranger, il serait heureux que les médias montrent davantage les représentants de la communauté française.


Raymond-François LE BRIS

Parmi nos conclusions, nous avons proposé que dans chaque ambassade, un diplomate soit chargé de l'organisation des visites importantes, comme dans les préfectures.

Je suis frappé que les implantations nombreuses des établissements publics de la France à l'étranger ne fassent pas l'objet d'une coordination. Il y avait autrefois des établissements publics dédiés à l'action de la France dans le monde : l'AEFE, la casa Velasquez, l'école française de Rome, l'IRD, le CIRAD... Aujourd'hui, s'ajoutent à ces multiples implantations, celles - coûteuses - des établissements publics nationaux qui, pour exister et se développer, doivent mener des actions à l'international : INRA, CNRS, INSERM.

Certes, la suppression des régies dans les consulats est une lacune et une insuffisance dans l'action de la France dans la zone concernée. Mais faut-il 835 ordonnateurs secondaires délégués de la France dans le monde ? Mettons dans tout cela un peu d'ordre et définissons des priorités pour réduire les personnels déployés dans la logistique et accroître ceux qui sont au contact des citoyens à l'étranger.


Christine, professeur de français langue étrangère (statut de recrutée locale)

Je remercie M. Le Borgn' pour son intervention. Cela fait neuf ans que je travaille à l'étranger, je n'ai jamais senti la France derrière moi. Pourtant, j'ai eu l'occasion de travailler dans des ambassades ou dans des alliances françaises où j'exerçais une mission de représentation consulaire. Tant qu'on est à l'étranger on est encensé et on se gargarise de notre magnifique réseau. Mais, quand on revient en France, il n'y a personne derrière nous.

Je ne suis pas titulaire de l'éducation nationale. Nous avons mis en place un collectif de professeurs de FLE-FLS. Nous n'avons pas d'interlocuteur au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l'Education nationale. A qui devons-nous nous adresser quand nous rentrons ? Qu'en est-il de notre couverture chômage ?


M. CAPA, ancien membre du CSFE et président de l'UFE Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Je ne m'explique pas qu'avec notre réseau consulaire et culturel, nous n'ayons que 3 % d'expatriés contre 10 % pour la Suisse ou 12% en Grande-Bretagne.


Depuis la salle

J'appuie l'intervention de Christine. Les professeurs de FLE, en France ou à l'étranger, sont titulaires de CAPES de lettres modernes et ont suivi des formations universitaires spécifiques mais ils n'ont aucun statut. Nous sommes en train d'entamer des démarches pour que les institutions nous reconnaissent. Nous accueillerons avec plaisir ceux qui veulent nous rejoindre.


François BARRY-DELONGCHAMPS

Le réseau consulaire a été mis en cause. On en fait beaucoup et pas assez à la fois. Il n'y a que 2 millions de Français à l'étranger avec un service public considérable contre des dizaines de millions de ressortissants des autres pays. Il doit y avoir des raisons pour lesquelles les Français s'expatrient si peu alors qu'ils disposent d'un service public qui les aide de très près.

Par ailleurs, aucun service public ne sert d'indemnités de chômage à l'étranger. La Caisse des Français de l'étranger assure une couverture dans le domaine de l'assistance sociale, médicale, et de la retraite mais pas dans celui du chômage.

S'agissant des consulats, je revendique le fait que nous réduisions le réseau en Europe et que nous concentrions les régies dans les capitales, ce qui nous permet d'ouvrir un consulat par an dans le monde. Alors certes, pas en Europe, pas à 60 kilomètres des frontières françaises, pas en face du lac Léman, mais à Chengdu, en Moldavie ou à Oran. Les Français de Saint-Louis Missouri sont beaucoup plus loin d'un consulat que les Français de Belgique qui méritent la même sollicitude des pouvoirs publics que ceux de Bolivie ou de Vladivostok. Nous sommes obligés de nous préoccuper de l'ensemble des Français dans le monde et pas seulement de ceux qui sont dans l'Union européenne, c'est-à-dire l'étranger proche.


Christiane KAMMERMANN

Les Français de l'étranger constituent un potentiel considérable pour notre pays. A l'heure de la mondialisation, leur activité économique conditionne notre croissance, leur présence contribue à notre rayonnement culturel et linguistique. Aussi devons-nous faire en sorte que les Français, et les jeunes en particulier, soient à l'avenir plus nombreux à choisir la voie de l'expatriation.

La France dispose de nombreux atouts : présence croissante d'entreprises françaises à l'étranger, vaste réseau diplomatique et culturel, une langue parlée sur cinq continents, des jeunes de plus en plus motivés. Ayant été moi-même longtemps Française à l'étranger, je considère qu'il s'agit d'une merveilleuse expérience.


Renaud MUSELIER

Juste un mot pour remercier le Président du Sénat de son initiative pour cette journée importante.

Quand on est au gouvernement, il est très difficile de faire un certain nombre de choix. Les Français de l'étranger demandent des moyens importants pour leurs écoles, leurs alliances ou l'organisation de leur réseau. Je m'associe parfaitement à ce qu'a dit François Barry Delongchamps : dans la mesure où la moitié des Français de l'étranger vivent dans l'Union européenne que nous construisons, il est légitime de réduire la voilure de nos représentations consulaires dans ces pays au profit d'autres pays. On ne peut accepter de fermer des consulats en Australie où il y a plus de 50.000 Français pour maintenir des consulats en Europe au service de Français qui sont juste derrière nos frontières. Des arbitrages doivent être réalisés sur le plan politique pour que chacun trouve son compte.

Par ailleurs, je partage les conclusions du préfet Le Bris : il n'est pas acceptable que l'Ambassadeur qui est la voix de la France à l'étranger, ne soit pas maître des services qui sont sous son autorité, à savoir les agents de Bercy, du ministère de la défense ou de l'équipement.

J'encourage les Français à se déplacer, à aller voir ailleurs et à servir leur pays à travers le monde en étant fiers de leur drapeau, de leur culture et de leur langue et en regardant ce qui se passe ailleurs. Nous avons, au final, beaucoup de chance d'être nés dans notre beau pays.