Réunion du mercredi 7 décembre 2005


Table des matières

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Économie, finances et fiscalité

État des discussions sur la directive « Services »

Échange de vues

M. Hubert Haenel :

Je suis convaincu que notre délégation, qui s'efforce d'intervenir le plus en amont possible sur les projets de textes européens, doit également faire un suivi de leur cheminement, souvent long et complexe, avant leur adoption définitive et leur transposition. Ce suivi est important puisqu'il permet de donner notre sentiment sur l'évolution des dossiers et de mesurer, le plus finement possible, les avancées dans le sens que nous souhaitons ainsi que les problèmes qui demeurent.

En l'occurrence, j'ai souhaité que nous fassions le point sur l'état des discussions de la directive « services » ou directive « Bolkestein » qui a tant suscité de débats pendant la campagne référendaire et qui continue d'être un sujet majeur de l'agenda européen. Je rappelle que notre délégation avait mis en place un groupe de travail, présidé par notre collègue Denis Badré, avec Robert Bret, Marie-Thérèse Hermange et Serge Lagauche. Ce groupe avait publié, au nom de la délégation, un rapport d'information en février 2005. Ce premier rapport a été suivi d'un second rapport très important de notre collègue Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques, et l'ensemble de ces travaux a donné lieu à l'adoption par le Sénat d'une résolution le 23 mars 2005.

Aujourd'hui, il est temps de s'intéresser à ce que fait le Parlement européen, premier acteur institutionnel, avant le Conseil des ministres, à se prononcer sur le projet de directive « services ». Certes, il ne s'agit « que » du vote de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, saisie au fond, et le vote en plénière n'interviendra qu'en janvier 2006, mais ce vote nous donne des éléments d'appréciation essentiels sur l'équilibre des positions au sein du Parlement européen. On notera de manière amusante que ce vote intervient fin novembre 2005, soit huit mois après le vote de la résolution du Sénat, ce qui pourrait relativiser les reproches entendus pendant la campagne référendaire selon lesquels le Parlement français n'aurait pas pris position assez rapidement sur ce texte d'une grande complexité.

Sur le fond, que peut-on dire de la position adoptée par la commission du marché intérieur ? Vous avez reçu une note qui détaille le vote de la commission du Parlement européen, sur la base des informations que nous avons reçues, et sans que nous disposions encore du texte consolidé, par nature très complexe, du projet de directive. Je ne rentrerai donc pas dans les détails, que vous pourrez lire dans la note, mais je me concentrerai sur quelques points.

Pour résumer, les trois sujets majeurs qui font débat aujourd'hui sont :

1. le champ d'application de la directive « services »,

2. les questions relatives au détachement des travailleurs,

3. le principe du pays d'origine.

Sur le premier point, à savoir le champ d'application de la directive, il est confirmé que les services d'intérêt général, « tels que définis par les États membres »,sont totalement exclus. Les services d'intérêt économique général (SIEG) sont exclus du principe du pays d'origine, mais sont soumis, lorsqu'ils sont ouverts à la concurrence, aux dispositions de la directive relatives à la liberté d'établissement. Par ailleurs, sont totalement exclus de l'ensemble des dispositions de la directive : les professions qui participent à l'exercice de l'autorité publique, en particulier les notaires, les soins de santé (que leur financement soit public ou privé), le domaine fiscal, les services financiers et les jeux d'argent, ainsi que l'essentiel du secteur des transports. Tout ceci correspond globalement aux souhaits exprimés par le Sénat, même si quelques points sont encore à éclaircir concernant la gestion collective des droits d'auteur, le logement social, ou encore les professions juridiques réglementées.

Sur la question du détachement des travailleurs, nous avons obtenu gain de cause, et même très largement, puisque le texte issu de la commission « marché intérieur » affirme la primauté du droit sectoriel sur la directive services, en particulier dans le domaine du détachement des travailleurs, et des qualifications professionnelles. Cela signifie notamment que la directive de 1996 reste en vigueur avec la déclaration préalable au détachement. Sont également concernées des directives comme celle relative à TVSF. Plus généralement, le respect tant de la diversité culturelle que du droit du travail est clairement inscrit dans le texte voté par la commission « marché intérieur ».

A côté de ces résultats, il faut souligner que le coeur de la proposition de directive, à savoir le « principe du pays d'origine », n'est pas abandonné, même s'il est rebaptisé « libre prestation de services ». Il est considérablement réduit puisque ne seront concernés ni la publicité, ni le droit des contrats, ni la responsabilité. Par ailleurs, les droits de contrôle de l'État membre d'accueil sont réaffirmés, en particulier le contrôle sur les prestataires de services. Pour autant, cela est-il suffisant ? Le Sénat proposait l'abandon du principe du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation. Or, la solution retenue est aujourd'hui l'application du principe du pays d'origine avec de très vastes exceptions. Sur ce point, j'ajouterai que nous n'avons pas reçu d'informations quant à l'exclusion explicite du droit pénal, et il conviendra donc d'être vigilant sur ce point.

Enfin, je rappellerai que le Sénat avait souhaité que la Commission européenne formule une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux SIEG, qui ne sont toujours pas clairement définis. Dans la mesure où le vote du Parlement européen, en janvier 2006, devrait être suivi d'une proposition révisée de la Commission européenne, il est à souhaiter que cette proposition révisée soit enfin accompagnée d'une proposition relative aux SIEG qui seule permettra d'y voir plus clair dans ce domaine.

Compte rendu sommaire du débat

M. Roland Ries :

Si mes informations sont exactes, la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a adopté, après amendements, le projet de directive « services » par vingt-cinq voix pour, dix voix contre, et cinq abstentions. Le rapporteur a choisi de s'abstenir et j'aimerais en comprendre la raison. Par ailleurs, vous avez dit que le champ de la directive est considérablement réduit, mais les services d'intérêt économique général n'y sont-ils pas toujours soumis ? Je rappelle que nous avions expressément demandé un projet d'acte communautaire relatif aux services d'intérêt général et aux services d'intérêt économique général avant même de discuter de toute libéralisation des services.

M. Hubert Haenel :

Le rapporteur du Parlement européen, Mme Gebhardt, souhaitait que l'exercice d'une activité de service soit soumis au droit du pays de destination quand il n'existe pas d'harmonisation et appelait à une exclusion totale des services d'intérêt général du champ de la directive. Je crois que c'est essentiellement parce qu'elle n'a pas obtenu satisfaction sur ces deux points qu'elle s'est abstenue.

M. Robert Badinter :

J'aimerais savoir de quelle manière la directive atteint les services d'intérêt économique général dès lors qu'ils ne sont plus soumis au principe du pays d'origine. J'avoue en outre une certaine perplexité lorsque je lis que ce principe a été renommé « libre prestation de services » et modifié dans son contenu, tout en étant, sur le fond, maintenu. Le principe du pays d'origine et la libre prestation de services sont deux concepts bien différents puisque, dans le cas du principe du pays d'origine, on importe son droit avec soi.

M. Pierre Fauchon :

J'avais émis des réserves sur le principe du pays d'origine, tel qu'il était conçu dans la proposition initiale de la Commission européenne, mais je crois fondamentalement en la nécessité d'un véritable marché commun des services. Il me semble que le contexte référendaire de mai dernier a conduit à beaucoup de confusions, et à un refus global du projet de libéralisation des services dans l'Union européenne, alors même que nous devons aller de l'avant dans ce domaine, dans la droite ligne de la construction européenne depuis le traité de Rome. Je pense d'ailleurs que notre collègue Jean Bizet a une vision assez proche de la mienne dans ce domaine.

M. Louis de Broissia :

Si j'ai bien compris, le champ de la directive est réduit, avec notamment l'exclusion du domaine audiovisuel, mais le principe du pays d'origine demeure, au moins partiellement. Je m'interroge sur des cas pratiques : par exemple, quel sera le droit applicable pour les services fournis par internet ? Ces derniers sont-ils couverts par l'exception en matière audiovisuelle ?

M. Hubert Haenel :

Je rappelle que la directive « télévision sans frontières » aura primauté sur la directive « services » et donc ses dispositions relatives à la presse ou à internet seront entièrement maintenues.

M. Pierre Fauchon :

Pour ce qui est de la presse écrite, elle est actuellement soumise au droit du pays d'accueil. C'est ainsi qu'il est possible d'exiger un droit de réponse dans un journal britannique dès lors qu'il est diffusé en France, alors même que la loi britannique ne connaît pas le droit de réponse et oblige donc à recourir à une action fondée sur la diffamation.

M. Robert Badinter :

Prenons un cas concret. Par quel droit seront régies les activités des journalistes ? Seront-ils soumis à un statut particulier ou aux dispositions de la directive « services » ?

M. Pierre Fauchon :

Sur ce point, je pense qu'il faut rappeler la primauté de la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs sur la directive « services », comme notre Président l'a évoqué dans son propos introductif.

M. Louis de Broissia :

Et qu'en sera-t-il des professions réglementées, mais non liées à l'exercice de l'autorité publique, comme les vétérinaires ? Seront-ils soumis à une libre prestation de services « encadrée » ?

M. Robert Badinter :

Toujours sur le principe du pays d'origine, je ne comprends pas pourquoi il est précisé que seraient exclus le droit des contrats et le droit de la responsabilité. Quels liens existe-t-il entre ces domaines juridiques et le principe du pays d'origine ? Qu'entend-on précisément par « droit des contrats » et « droit de la responsabilité » ? Le droit de la responsabilité couvre-t-il le seul domaine du droit civil ?

M. Hubert Haenel :

La formulation du texte est assez complexe et, il est vrai, peu compréhensible pour des juristes avertis. D'après mes informations, il s'agit d'éviter les contradictions entre l'application du principe du pays d'origine et les conventions dites Rome I et Rome II relatives aux obligations contractuelles et non contractuelles. Ce point avait été souligné dans le rapport de notre délégation.

M. Louis de Broissia :

J'ai encore une question à poser. Nous apprenons que le Conseil des ministres de l'Union européenne poursuit ses discussions sur le projet de directive, mais qu'il est divisé sur plusieurs points. Cela signifie-t-il que les travaux vont être arrêtés ou au moins fortement ralentis ?

M. Hubert Haenel :

Le déroulement des négociations de la directive « services » est le suivant : la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs vient de se prononcer, le Parlement européen adoptera un texte en séance plénière à la mi-janvier 2006, puis la Commission européenne soumettra une proposition révisée. Ce n'est qu'à cet instant, lorsque la Commission européenne aura en quelque sorte « revu sa copie », que le Conseil des ministres de l'Union européenne devrait se prononcer. Je vous propose donc que notre délégation continue de suivre ce sujet éminemment complexe et intervienne en temps utile, c'est-à-dire dès la publication de la proposition révisée de la Commission européenne. Les échanges que nous venons d'avoir montrent très clairement que de nombreux points juridiques doivent encore être éclaircis.


ANNEXE

État des discussions sur la directive « services »

I. Le vote de la commission « marché intérieur et protection des consommateurs »

La commission « marché intérieur et protection des consommateurs » du Parlement européen s'est prononcée le 22 novembre dernier sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, appelée « directive Bolkestein ». Comme le rapporteur, Mme Evelyne Gebhardt (PSE - Allemagne), l'a souligné, ce vote n'est qu'une première étape avant l'examen du texte en séance plénière, en janvier prochain. Il n'en est pas moins décisif, en permettant de « photographier » les rapports de force au sein du Parlement européen sur ce projet de directive si controversé.

Le vote en commission fait apparaître les éléments suivants :

1) L'objectif général de la directive est encadré puisqu'il est désormais énoncé que la directive vise à faciliter la liberté d'établissement des prestataires et la libre prestation de services tout en maintenant un niveau élevé de qualité des services, ne vise pas à libéraliser ou à privatiser les services d'intérêt économique général, n'affecte pas les mesures de protection et de promotion de la diversité culturelle et ne traite pas du droit du travail (1).

2) Les directives sectorielles priment en cas de conflit avec la directive services. Sont expressément cités les directives relatives au détachement des travailleurs (directive 96/71), à TVSF (directive 89/552), et à la reconnaissance des qualifications professionnelles (directive 2005/36) ainsi que le règlement relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale (directive 1408/71). La commission de l'emploi et des affaires sociales, compétente au fond pour les articles de la directive relatifs au détachement des travailleurs, a voté leur suppression. Enfin, sur le point du contrôle administratif, le contrôle des prestataires transfrontaliers appartiendra à l'État membre d'accueil, et non pas à l'État d'origine, soit un renversement de ce que proposait la proposition de la Commission.

3) Le champ de la directive est considérablement réduit :

- il est confirmé que les services d'intérêt général, « tels que définis par les États membres » (2), sont totalement exclus. Les services d'intérêt économique général (SIEG) et en particulier les SIEG de réseaux (services postaux, électricité, gaz, distribution et traitement des eaux, traitement des déchets) sont exclus du principe du pays d'origine mais ceux ouverts à la concurrence restent soumis au volet relatif à la liberté d'établissement. Le rapporteur du texte, Mme Gebhardt, souhaitait l'exclusion complète du champ de la directive des SIEG, mais elle n'a pas été suivie sur ce point.

(1) Il faut cependant noter que la référence au « droit du travail » ne couvre pas les garanties accordées par les négociations collectives.

(2) Cette formulation montre clairement qu'il n'existe pas de définition précise de ces services d'intérêt général.

- les professions et activités qui participent à l'exercice de l'autorité publique, en particulier les notaires, sont également exclues du champ de la directive.

les soins de santé (que leur financement soit public ou privé) et les services audiovisuels (quel que soit leur mode de production, de distribution et de transmission, y compris la radiodiffusion sonore et le cinéma) sont également exclus.

- le domaine fiscal, les services financiers et les jeux d'argent (jeux de hasard, loteries, casinos) sont largement exclus.

4) Le principe du pays d'origine est renommé et modifié, mais non supprimé :

Le principe du pays d'origine est rebaptisé « libre prestation de services ». La publicité, le droit des contrats et de la responsabilité seraient exclus de la libre prestation de services. Par ailleurs, l'État membre d'accueil pourrait imposer ses exigences nationales relatives à l'exercice d'une activité de services lorsqu'elles sont « indispensables pour des motifs d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou de l'environnement, afin de prévenir des risques particuliers sur le lieu où le service est presté » mais pas pour prendre en compte des « raisons impérieuses d'intérêt général » comme la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes le permet. Enfin, les États membres d'accueil conserveront la responsabilité des contrôles des prestataires.

II. Les négociations au Conseil des ministres

Le Conseil des ministres poursuit ses discussions sur le projet de directive « services », mais il apparaît divisé sur les trois aspects les plus sensibles du projet de directive, à savoir le champ d'application de la directive, la question du détachement des travailleurs, et le principe du pays d'origine.

Le clivage est net entre la position de la France, de l'Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de la Suède et de l'Autriche d'une part, et la position du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l'Irlande, de la Finlande, et d'une grande partie des nouveaux États membres, dont la Hongrie et la Pologne, d'autre part. Plusieurs pays, dont l'Espagne ou l'Italie n'ont pas arrêté leur position.

En conclusion, un accord pourrait se dessiner pour préserver les règles existantes en matière de détachement des travailleurs, confirmant ainsi la ligne adoptée par le Parlement européen à une écrasante majorité, mais les discussions devront se poursuivre sur le champ de la directive et en particulier l'inclusion des SIEG, et sur le principe du pays d'origine. En tout état de cause, le Conseil devrait attendre le vote du Parlement européen en séance plénière à la mi-janvier 2006 et la proposition révisée de la Commission qui suivra, avant d'arrêter une position commune.

III. La position du Sénat a-t-elle été prise en compte ?

Il faut rappeler que la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur dite « directive Bolkestein », a été adoptée par la Commission européenne le 13 janvier 2004. Dès novembre 2004, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a mis en place un groupe de travail pour évaluer cette proposition, qui a donné lieu à un rapport d'information publié en février 2005 (1).

Le rapport d'information livrait ses conclusions desquelles il ressortait que le principe du pays d'origine, qui est le coeur de la proposition, devait être retiré, car il était source de complexité juridique, incitait aux délocalisations, et traduisait une rupture dans la construction européenne. Le groupe de travail invitait donc la Commission européenne à modifier sa démarche et à présenter un état des lieux par secteur de services et, sur cette base, des propositions d'harmonisation ou de reconnaissance mutuelle. Il considérait enfin comme indispensable l'adoption rapide d'une proposition de directive sur les services d'intérêt général, y compris économiques.

Le rapport de la délégation a été suivi d'un rapport de notre collègue Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques (2) et l'ensemble de ces travaux ont donné lieu à l'adoption par le Sénat d'une résolution (3), dont les principaux points sont repris dans l'encadré suivant.

(1) Rapport n° 206 (2004-2005) de MM. Denis BADRE, Robert BRET, Mme Marie-Thérèse HERMANGE et M. Serge LAGAUCHE : « Que penser de la directive Bolkestein ? »

(1) (2) Rapport n° 230 (2004-2005) de M. Jean BIZET, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 9 mars 2005. Proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur.

(3) Résolution européenne sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (E 2520) adoptée le 23 mars 2005.

Résolution du Sénat sur la proposition de directive relative aux services
dans le marché intérieur (E 2520) adoptée le 23 mars 2005 (extrait)

(...)

Estime, en conséquence, que la proposition de directive est inacceptable en l'état ;

Demande instamment que soit affirmée la primauté du droit communautaire sectoriel sur la directive sur les services dans le marché intérieur ;

Demande solennellement la confirmation de l'application de la seule directive 96/71/CE en matière de détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et notamment le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs ;

Demande la mise en cohérence de la proposition de directive :

- avec la convention 80/934/CEE sur la loi applicable aux obligations contractuelles et avec la proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ;

- avec la proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

Rappelle que les services d'intérêt général non économiques sont exclus du champ de la directive et demande également l'exclusion des activités relatives :

- aux professions juridiques réglementées à l'exception de celles couvertes par la directive 77/249/CE du Conseil du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice de la libre prestation de services par les avocats ;

- aux services audiovisuels et aux services de presse ;

- aux services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ;

- aux services de santé, d'aide sociale et médico-sociale ;

- aux services de logement social ;

- aux jeux d'argent ;

- aux services de transports ;

Rappelle les réserves du Conseil d'État et demande au Gouvernement d'exclure explicitement l'application du principe du pays d'origine aux règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement ;

Demande que les résultats des études d'impact sur les conséquences de l'application du principe du pays d'origine aux différents secteurs d'activité soient fournis à l'Assemblée nationale et au Sénat ;

Demande que ces études d'impact relèvent toute conséquence de l'application du principe du pays d'origine en matière pénale ;

Demande résolument l'abandon de la règle du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation ;

Exige que soient précisées les conditions de la non-application du principe du pays d'origine aux services d'intérêt économique général ;

Approuve, sous les réserves précédemment exprimées, les stipulations de la proposition de directive relatives à la liberté d'établissement des prestataires de services, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte au bon fonctionnement des services d'intérêt économique général ;

Appelle la Commission européenne à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général.

L'examen du vote de la commission « marché intérieur » du Parlement européen montre que de nombreux points de la résolution du Sénat ont été pris en compte, et en particulier :

- les éléments relatifs aux exclusions sectorielles (services d'intérêt général, professions participant à l'exercice de l'autorité publique, soins de santé, services audiovisuels...) même si toutes les demandes d'exclusion n'ont pas été retenues (gestion collective des droits d'auteur, logement social) et s'il reste encore des ambiguïtés (les professions juridiques réglementées sont-elles entièrement couvertes par la définition des professions participant à l'exercice de l'autorité publique ?) ;

- l'affirmation de la primauté du droit sectoriel sur la directive services, en particulier dans le domaine du détachement des travailleurs, et des qualifications professionnelles.

Pour autant, les résultats sont encore insuffisants sur les points suivants :

l'abandon de la règle du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation. En effet, le coeur du projet de directive, le « principe du pays d'origine », même rebaptisé et recentré (exclusion de la publicité, du droit des contrats et de la responsabilité), subsiste de manière incontestable ;

- l'exclusion explicite du principe du pays d'origine pour les règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement, et plus généralement l'examen de toutes les conséquences de l'application du principe du pays d'origine en matière pénale ;

Enfin, il faut noter que, conformément au souhait exprimé dans la résolution du Sénat, le texte adopté par la commission « marché intérieur » du Parlement européen précise les conditions de la non-application du principe du pays d'origine aux services d'intérêt économique général (SIEG), mais ne les exclut pas entièrement du champ de la proposition de directive. 

Enfin, la Commission européenne n'a pas formulé une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux SIEG, qui ne sont donc toujours pas clairement définis. Dans la mesure où le vote du Parlement européen en janvier 2006 devrait être suivi d'une proposition révisée de la Commission européenne, il est à souhaiter que cette proposition révisée soit enfin accompagnée d'une proposition relative aux SIEG.

Justice et affaires intérieures

Vers une Europe de la justice

Communication de M. Robert Badinter à partir d'une conférence prononcée à l'Université Humboldt de Berlin le 24 octobre 2005

Nous sommes à un moment critique de la construction européenne. L'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale qui ont eu l'infortune, après Yalta, de se trouver du mauvais côté du rideau de fer, et qui ont vécu plus de quarante ans sous un régime communiste, était une exigence morale et politique. La réalisation de cet élargissement, mal expliqué aux citoyens de l'Union à l'Ouest, n'a pas suscité l'enthousiasme qu'appelait cette victoire de la liberté, ni rallié l'adhésion populaire nécessaire. L'adhésion acquise de la Roumanie et de la Bulgarie, en 2007 ou 2008, renforce le sentiment de la politique du fait accompli que ressentent les citoyens européens des États fondateurs, peu informés et rarement consultés. La perspective de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne apparaît programmée au terme de la procédure d'adhésion. Elle achève de susciter, chez de nombreux Européens et notamment en France, un sentiment diffus d'inquiétude devant cette Union européenne aux limites indéfinies. Le grand projet européen d'une Europe maîtresse de son destin, acteur de premier rang sur la scène internationale, capable de rivaliser avec les super-puissances d'aujourd'hui et de demain, et assurant aux citoyens européens liberté, prospérité et sécurité dans un monde chargé de périls, du terrorisme à la dégradation de l'environnement, semble s'éloigner inexorablement.

De cette inquiétude sourde et du ressentiment contre leurs gouvernants qui décident sans eux d'une Union européenne sur laquelle ils n'ont point de prise, le rejet de la Constitution européenne aux référendums français et néerlandais, est une des expressions. Certes, le processus de ratification se poursuit. Les ratifications par voie parlementaire qui interviendront jusqu'en 2006 seront des gestes politiques à destination de l'opinion publique européenne, et nationale dans certains États. Quant aux référendums, là où ils sont annoncés, auront-ils lieu et à quelle date ? La question est posée notamment en Grande-Bretagne. Ma conviction personnelle est que le projet de Constitution dans sa version actuelle est mort. Mais j'espère que, à l'horizon 2007, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union tenteront de sauver l'essentiel des avancées institutionnelles et démocratiques du traité constitutionnel, et se mettront d'accord sur un nouveau traité a minima sur les points qui feront l'objet d'un consensus. Je pense notamment aux dispositions institutionnelles contenues dans la première partie, telles que la création du ministre européen des Affaires étrangères, le rôle accru du Parlement européen ou encore au dispositif de contrôle du principe de subsidiarité par les parlements nationaux. En bref, au lieu d'une Constitution européenne, on se contentera d'un simple traité apportant quelques modifications de nature institutionnelle. Et, avec un peu de chance, ce nouveau traité pourrait aussi reprendre la Charte des droits fondamentaux, qui se verrait ainsi conférer une valeur juridiquement contraignante. Mais je suis persuadé qu'il ne sera pas possible de reprendre l'intégralité du projet de Constitution, même sous une forme légèrement remaniée. Pour les Européens de conviction, dont je suis, il ne saurait être question d'un renoncement à faire progresser l'intégration européenne, la plus grande entreprise commune des peuples européens dans leur histoire. Simplement, il nous faut chercher de nouvelles voies et de nouveaux instruments pour faire progresser l'Union et la rendre plus proche des citoyens, plus sensible à leurs intérêts. Et, à cet égard, la justice me paraît être, dans les années à venir, un domaine privilégié des progrès de l'Union européenne.

La création d'une Europe de la justice répond, en effet, à une forte attente des citoyens, tant sur le plan pénal que civil. Sur le plan pénal, on pense bien évidemment à la lutte contre les formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme international, le trafic de drogue ou la traite des êtres humains, qui ne peut être efficace qu'à l'échelon européen. Mais il ne faut pas oublier pour autant que la création d'un véritable « espace judiciaire européen » en matière civile et commerciale présente une importance majeure pour la vie quotidienne des citoyens. Je citerai notamment les problèmes douloureux soulevés par le droit de garde et les enlèvements d'enfants de couples mixtes divorcés ou séparés ou encore le règlement des litiges dans les affaires civiles transfrontalières.

J'ajoute qu'il me semble important que, dans le contexte actuel, notre pays prenne des initiatives fortes au niveau européen pour faire avancer des projets concrets dans des domaines répondant à de fortes attentes des citoyens. En effet, après le référendum du 29 mai, il ne faut pas donner le sentiment que la France est un pays crispé et replié sur lui-même. Ce n'est pas en restant passif, mais au contraire, en prenant des initiatives fortes dans des domaines précis comme les transports, la recherche, la protection de l'environnement ou encore la justice, où les attentes des citoyens sont particulièrement fortes, que notre pays pourra espérer retrouver son crédit auprès de ses partenaires européens et sa place dans la construction européenne.

À partir d'un état des lieux de la coopération judiciaire européenne, je voudrais donc vous présenter quelques pistes qui pourraient faire l'objet d'initiatives en vue d'accélérer la création de l'Europe de la justice.

Quel bilan peut-on dresser, tout d'abord, de la coopération judiciaire à l'échelon européen ?

Je ne rappellerai pas ici toutes les étapes de la réalisation de l' « espace judiciaire européen ». Ce qui me semble important de souligner c'est que le fondement de cet espace repose sur la confiance mutuelle entre les États membres quant au fonctionnement respectif de leur système judiciaire et à la qualité des décisions rendues par leurs juridictions, comme l'a souligné la Cour de justice de Luxembourg dans sa jurisprudence.

Le mandat d'arrêt européen, qui repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle consacré comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire par le Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999, en offre l'illustration. Cet instrument repose, en effet, sur une procédure entièrement judiciarisée, permettant à une autorité judiciaire d'un État de se voir remettre, par une juridiction d'un autre État membre, une personne poursuivie ou condamnée, y compris un ressortissant de cet État, sans intervention du pouvoir politique, avec des motifs de refus limités (et notamment sans contrôle de la double incrimination pour une liste de trente-deux infractions) et cela dans des délais stricts. Il s'agit donc d'un progrès considérable par rapport à la procédure traditionnelle d'extradition. Mais un tel acte, qui affecte directement les droits et la liberté des individus, suppose une confiance réciproque entre les systèmes judiciaires et les magistrats des différents États membres.

La Cour de justice des Communautés européennes l'a d'ailleurs souligné dans une décision du 11 février 2002 « Gozutok et Brugge », en estimant que le principe de la reconnaissance mutuelle impliquait nécessairement « une confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun de ceux-ci accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand bien même la mise en oeuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente ».

La confiance mutuelle est donc bien en réalité le fondement même de l'espace judiciaire européen. Or, cette confiance réciproque, qui était déjà difficile à quinze, risque d'être plus délicate encore à vingt-cinq ou trente États membres. Le ralentissement actuel de la coopération judiciaire européenne ne résulte-t-il pas d'ailleurs des difficultés suscitées par le dernier élargissement de l'Union à des pays dont les systèmes judiciaires portent encore les traces du passé ? Et que dire de l'adhésion prochaine de la Roumanie et de la Bulgarie, dont la Commission européenne a souligné, dans ses derniers rapports réguliers, les insuffisances des systèmes judiciaires, notamment en matière de lutte contre la corruption ?

Pour qu'une véritable confiance mutuelle existe au niveau européen, trois conditions doivent être réunies.

Tout d'abord, les États membres doivent respecter les mêmes valeurs, les mêmes principes fondamentaux, reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950 et par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Ensuite, les législations nationales, et notamment les règles procédurales, doivent être suffisamment proches pour offrir des garanties comparables aux justiciables, notamment aux personnes mises en cause et aux victimes. Une harmonisation des garanties procédurales est donc, à mes yeux, indispensable.

Enfin, il est nécessaire de favoriser une connaissance réciproque des systèmes judiciaires et une confiance mutuelle entre les femmes et les hommes qui participent à la mise en oeuvre de l'espace judiciaire européen, comme les magistrats ou les auxiliaires de justice. D'où l'importance de la formation, des échanges et des réseaux entre les magistrats.

A partir de cet état des lieux, quelles sont les voies possibles pour aller vers un véritable espace judiciaire européen ?

Il me semble que, dans le contexte actuel, seul le recours à des « coopérations renforcées », dans le cadre des traités ou en dehors, permettrait de réaliser de grandes avancées vers une Europe de la justice. En effet, dans une Europe à vingt-cinq aujourd'hui, trente demain, il me paraît illusoire de penser que tous les États voudront ou pourront progresser au même rythme dans ce domaine.

D'ores et déjà, les accords de Schengen ont représenté une première forme de coopération renforcée et ils ont permis de réaliser de notables progrès en matière de justice et de sécurité. Dès lors, la France ne pourrait-elle pas prendre des initiatives afin de proposer à ses partenaires européens de réaliser, dans le cadre d'une coopération renforcée, un véritable espace judiciaire commun ?

Je rappelle que le traité de Nice a expressément prévu la possibilité de recourir aux coopérations renforcées dans le domaine de la justice, dans « le but de permettre à l'Union de devenir plus rapidement un espace de liberté, de sécurité et de justice » (article 40 du traité sur l'Union européenne).

C'est même pour le « troisième pilier » dont relève la coopération judiciaire en matière pénale, que le traité de Nice se montre le plus ouvert à la possibilité de recourir à ce mécanisme, puisque la seule condition pour y recourir tient à l'accord d'au moins huit États.

On peut d'ailleurs relever que, paradoxalement, le recours à ce mécanisme aurait été plus difficile avec le traité constitutionnel, puisque celui-ci prévoyait d'aligner ce mécanisme sur la procédure de droit commun, où la Commission européenne et le Parlement européen disposent chacun d'une sorte de droit de veto.

Or, il me semble que notre pays n'aurait pas de grandes difficultés à trouver parmi les vingt-cinq États membres, des partenaires désireux d'approfondir leur coopération dans le domaine judiciaire.

Je pense naturellement aux cinq autres pays fondateurs et en premier lieu à l'Allemagne - avec une réserve toutefois pour l'Italie compte tenu de la défiance de M. Silvio Berlusconi envers les juges - ainsi qu'à l'Espagne et au Portugal. Je pense aussi à l'Autriche et à certains pays d'Europe centrale et orientale, comme la République tchèque, la Slovénie ou la Hongrie.

En revanche, je pense qu'il sera plus difficile de convaincre nos amis britanniques d'y participer, ainsi que les pays scandinaves, dont les systèmes judiciaires présentent de fortes différences avec le modèle continental issu du droit romano-germanique.

À la base de cette coopération renforcée pourrait figurer la création d'un véritable espace judiciaire européen, avec notamment un Parquet européen compétent pour lutter contre les formes graves de criminalité transnationale. On pourrait ainsi imaginer que les États participants à cette forme de coopération renforcée décident d'un commun accord de renforcer et d'uniformiser les prérogatives reconnues à leur représentant national au sein d'Eurojust. De cette manière, Eurojust pourrait représenter l'équivalent d'un parquet européen pour les États participant à cette coopération renforcée.

La confiance mutuelle étant à la base de cette coopération renforcée, je crois aussi qu'il serait souhaitable de créer une véritable école européenne de la magistrature, afin de favoriser la connaissance réciproque des systèmes judiciaires et des magistrats des États participants, et plus largement, des États membres de l'Union européenne.

Ainsi, quelle que soit l'issue de la crise institutionnelle que traverse actuellement l'Union européenne, je crois que notre pays pourrait utilement prendre des initiatives en utilisant les possibilités offertes par les traités actuels, pour réaliser de grandes avancées vers ce modèle de justice européenne, que nous appelons tous de nos voeux.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Je vous remercie pour cette communication dont je partage entièrement les orientations. Il me paraît, en effet, primordial que notre pays prenne des initiatives au niveau européen dans des domaines concrets répondant à des attentes des citoyens pour ne pas donner à nos partenaires l'image d'un pays crispé et replié sur lui-même. Et, parmi les domaines qui pourraient faire l'objet d'une coopération renforcée, la sécurité et la justice me paraissent des sujets où il existe une véritable attente de la part des citoyens. À l'image des accords de Schengen, notre pays pourrait donc prendre des initiatives pour proposer à ses partenaires de réaliser des avancées dans ces domaines, en recourant, dans le cadre du traité ou en dehors, au mécanisme des coopérations renforcées. Cela pourrait notamment permettre de créer un véritable Parquet européen compétent pour lutter contre les formes graves de criminalité transnationale ou encore une école européenne de la magistrature.

Il me paraît important cependant qu'une telle initiative soit ouverte à tous les États souhaitant y participer, notamment aux nouveaux pays membres, afin de ne pas donner le sentiment de créer une sorte de directoire ou d'exclure tel ou tel État membre.

M. Pierre Fauchon :

Je partage également vos orientations, mais je voudrais faire observer qu'il faudra faire beaucoup d'efforts de persuasion pour convaincre nos partenaires de réaliser de telles avancées.

Je rappelle que, au sein du groupe de travail de la Convention chargé de ces questions, notre président Hubert Haenel s'était heurté à de nombreuses réticences lorsqu'il avait proposé de créer un Parquet européen. C'est seulement en séance plénière, et grâce à l'intervention du Président Valéry Giscard d'Estaing, que l'idée d'un Parquet européen a pu figurer dans le projet de Constitution. Mais sa création supposait un accord unanime des États membres.

M. Hubert Haenel :

Ces réticences étaient surtout le fait des représentants britanniques, très présents au sein du groupe de travail, présidé par l'ancien Premier ministre irlandais, John Bruton. En revanche, les autres représentants, comme Alberto Costa, qui est aujourd'hui ministre de la justice du Portugal, étaient beaucoup plus allants sur ces questions.

M. Robert Badinter :

Il est vrai que connaissant l'aversion de Silvio Berlusconi pour les juges, on voit mal comment l'actuel gouvernement italien pourrait accepter de participer à un tel projet.

Je voudrais souligner toutefois que, à l'Université Humboldt de Berlin, l'accueil de nos amis allemands à cette idée a été très positif.

M. Pierre Fauchon :

Je me suis entretenu récemment avec des magistrats qui m'ont dressé un bilan très positif de l'application du mandat d'arrêt européen. Il semble que cet instrument ait permis de réels progrès par rapport à la procédure d'extradition.

M. Hubert Haenel :

Je voudrais aussi mentionner les magistrats de liaison qui jouent un rôle très utile pour faciliter la coopération judiciaire.

M. Roland Ries :

Je souscris également aux propos de notre collègue Robert Badinter dont je partage entièrement l'analyse. J'avais moi-même avancé l'idée que notre pays prenne une initiative pour relancer la construction européenne dans le domaine de la défense. Quel que soit le domaine choisi, il me semble en effet indispensable de sortir du statu quo actuel. Il me semble cependant qu'il faut à tout prix éviter de faire référence au traité constitutionnel, de quelque manière que ce soit, afin de ne pas donner aux citoyens le sentiment de passer outre le vote du 29 mai.

M. Louis de Broissia :

Je suis également d'accord avec notre collègue Robert Badinter. Je pense, en effet, que si la construction européenne a subi un coup d'arrêt avec le vote négatif des Français sur la Constitution européenne lors du référendum du 29 mai dernier, c'est parce que l'Union européenne apparaît aujourd'hui davantage comme une contrainte que comme une chance aux yeux des citoyens.

En effet, ces dernières années, l'Europe est devenue responsable, dans l'opinion publique, des licenciements et des délocalisations, du sentiment croissant d'insécurité ou encore de l'impossibilité de baisser le taux de TVA dans la restauration. Il est donc indispensable, à mes yeux, de modifier la perception de l'Europe par nos concitoyens en mettant l'accent sur les avantages que pourrait leur apporter l'Union européenne.

C'est la raison pour laquelle je pense que votre projet de création d'une Europe de la justice ne devrait pas uniquement apparaître comme une réponse aux seules attentes des magistrats mais aussi à celles des citoyens.

Il faudrait, en effet, mettre l'accent sur les bénéfices, pour la sécurité et pour l'amélioration de la vie quotidienne des citoyens, qui découleraient de cette initiative, car la justice, pour être légitime, doit être d'abord au service des justiciables.