Réunions de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 13 février 2002


Elargissement

Audition de Mme Benita Ferrero-Waldner,
ministre des Affaires étrangères d'Autriche (1(*))

Mme Benita Ferrero-Waldner :

L'élargissement de l'Union Européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale comporte des avantages évidents pour l'Autriche. L'Autriche est en effet le voisin de quatre pays candidats : la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque. Mon pays est à la limite de l'Union européenne mais, après 2004, l'Autriche sera au coeur de la zone de liberté, de sécurité et de droit que constituera l'Europe élargie. C'est pourquoi j'ai fait de l'élargissement la première priorité de politique étrangère de l'Autriche.

Au cours de son histoire, l'Autriche a toujours été un pays charnière entre l'Allemagne, les pays de langue latine et les pays d'Europe orientale. Elle est voisine de pays ayant tous une histoire, une culture et un système économique différents. Après les deux guerres et ses conséquences désastreuses sur les plans humain et économique, elle se trouvait à la limite du monde libre. Elle a pu échapper au sort de ses pays voisins, et graduellement se convertir en pôle de stabilité et en lieu de rencontre au coeur de notre continent. Il a cependant fallu attendre l'effondrement de l'empire soviétique avant de pouvoir participer pleinement à l'intégration européenne.

L'Autriche a toujours été un lieu d'accueil pour les ressortissants des pays candidats. Les Autrichiens sont fiers de leurs origines ayant souvent leurs racines dans ces pays. A l'époque du rideau de fer, bon nombre d'émigrés se sont installés en Autriche et plus particulièrement à Vienne ce qui a encouragé par la suite des liens de plus en plus étroits entre l'Autriche et les pays candidats.

En ce qui concerne l'économie, l'importance extraordinaire des pays voisins pour l'Autriche peut être résumée grâce à quelques exemples. La Slovénie, pays qui a une population semblable à celle de Paris, importe davantage de produits autrichiens que des pays aussi peuplés que la Russie, le Japon ou la République populaire de Chine. La Hongrie, principal partenaire de l'Autriche parmi les pays candidats, importe autant que la France ou les États-Unis.

En outre Vienne est devenue une plaque tournante pour les pays candidats. Une infrastructure moderne, un accès rapide aux pays candidats et une longue tradition quant aux liens économiques, politiques et personnels donnent des avantages considérables à Vienne comme centre de commerce. C'est pourquoi un grand nombre de grandes entreprises multinationales - plus d'une centaine - ont décidé de domicilier à Vienne leurs activités dans les pays candidats.

La communauté économique autrichienne, dans sa grande majorité, appuie l'élargissement. Avec l'adoption de l'acquis communautaire par les pays candidats, il faudra que tous les obstacles à la libre circulation des biens, des services et des capitaux soient éliminés. Des restrictions toujours existantes et le manque d'harmonisation dans les réglementations doivent être examinées afin que les pays candidats puissent participer au marché intérieur et que les entreprises profitent pleinement des possibilités offertes par le grand marché européen. De plus, l'élargissement entraînera une compétition plus juste entre les entreprises des différents pays puisque les pays candidats devront appliquer le droit européen et ne pourront plus conserver un niveau de protection sociale et de l'environnement inférieurs à ceux de l'Union européenne pour concurrencer les entreprises de l'Union.

Je viens de mentionner quelques avantages de l'élargissement qui nous encouragent à être en faveur de cette restructuration fondamentale de l'Europe. Mais pour être honnêtes, il nous faut admettre qu'il existe aussi des problèmes.

Le problème clé consiste en l'écart économique entre États-membres et pays candidats. Le niveau des revenus dans les pays candidats est à peine le tiers du niveau moyen dans l'Union des Quinze. Jamais, dans l'histoire de l'Union européenne, un élargissement n'a posé de tels défis. Nous devons jeter des ponts pour combler ces importants écarts économiques et sociaux.

Quant à la libre circulation de l'emploi et de certains services, les États membres ont demandé un régime transitoire. L'Autriche a insisté sur la nécessité de disposer d'un règlement particulier, limité à un maximum de sept ans, parce qu'aucun État membre de l'Union Européenne ne sera touché par une libéralisation dans ce domaine autant que l'Autriche. Je suis satisfaite qu'on ait trouvé une solution flexible avec des clauses de révision qui permettront de voir l'impact réel sur l'économie autrichienne et sur le marché du travail autrichien de l'élargissement.

Les grands centres urbains de l'Autriche se trouvent à proximité immédiate des frontières des pays candidats. Vienne n'est qu'à 60 kilomètres de Bratislava, la capitale de la Slovaquie, et la Hongrie est tout aussi proche. Graz et Linz, deuxième et troisième villes du pays, se situent près des frontières slovène et tchèque, respectivement. Le niveau des salaires, bien plus élevé en Autriche que dans la plupart des pays candidats, peut créer une migration alternante entre l'Autriche et ses pays voisins.

Les pays candidats eux-mêmes ont par ailleurs obtenu des régimes transitoires pour la libre circulation des capitaux et notamment les transactions immobilières. Ces réglementations tiennent compte du niveau des prix et du pouvoir d'achat peu élevés dans les pays candidats.

En matière d'agriculture, le Conseil débat actuellement d'une proposition de la Commission qui envisage une introduction progressive des aides directes aux agriculteurs des pays candidats. Il est difficile de justifier un traitement discriminatoire au détriment des paysans des pays candidats. Je sais que c'est une question compliquée. Nous sommes aussi un pays qui est contributeur net au budget communautaire. Notre ministère de l'agriculture serait plus favorable à l'idée de ces aides directes que le ministère des finances et mon ministère est en train de rapprocher le point de vue de ces deux ministères.

Dans le domaine du transport, je suis heureuse qu'on ait pu résoudre le problème du cabotage qui tire son origine également du grand décalage des salaires dans les États membres actuels et dans certains pays candidats par un régime transitoire comparable à celui du domaine de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation de services. Au cours des négociations de ce chapitre, l'Autriche a demandé à la Commission européenne un nouveau règlement qui devrait succéder à l'accord actuel entre l'Autriche et l'Union sur le transit routier qui arrivera à expiration en 2003. Une circulation routière illimitée aurait des conséquences très graves, notamment pour les vallées alpines et leurs populations. La décision de prolonger le régime d'éco-points pour une période d'un à trois ans était indispensable pour l'Autriche, en attendant la création d'une « eurovignette » pour l'ensemble de l'Europe.

Situées au carrefour des routes internationales en Europe et dotées d'un environnement alpin sensible aux influences de l'homme, la France et l'Autriche ont des intérêts communs dans le domaine du transport. En la matière, la coopération entre les deux pays est bien établie, notamment avec la création d'un groupe de travail commun, et elle a pour objectif le développement de politiques de transport durables, favorables à l'environnement et fondées sur le principe du pollueur-payeur. Elle concerne la coopération des pays alpins, les problèmes du transport routier, ferroviaire et combiné, tout comme des questions du financement et de sécurité. J'espère que cette coopération pourra se manifester dans une future directive sur les péages et les droits d'usage.

Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est celui de la sécurité des installations nucléaires situées dans les pays candidats, par exemple la centrale de Temelin en République tchèque qui est à cinquante kilomètres de notre frontière et dont la grande majorité de notre population souhaiterait l'arrêt. Naturellement, nous savons que nous n'avons pas la possibilité de faire appel d'une décision souveraine. C'est pourquoi le chancelier fédéral d'Autriche et le Premier ministre tchèque, Milos Zeman, ont engagé le processus dit de Melk qui fait obligation aux Tchèques d'améliorer la sécurité de la centrale sur sept points et sur vingt et un points dans le domaine de l'écologie. Grâce à cet accord, nous avons clôturé provisoirement le chapitre de l'énergie.

En janvier, les Autrichiens ont pu s'inscrire pour une initiative populaire ayant pour objet une proposition de loi visant à bloquer l'adhésion de la République tchèque à l'Union Européenne si la centrale nucléaire de Temelin n'était pas fermée. Avec le soutien d'environ 915 000 citoyens, soit 15 % de l'électorat, cette proposition est devenue un projet de loi soumis au Parlement. Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour les institutions et les mécanismes de la démocratie directe chers aux Autrichiens et ayant fait la preuve de leur efficacité. Il convient cependant de ne pas oublier que 85 % des Autrichiens n'ont pas soutenu cette proposition, bien que la plupart d'entre eux soient opposés à l'énergie nucléaire.

Une autre question très importante pour beaucoup d'Autrichiens est celle des populations germanophones ayant résidé en République tchèque et en Slovénie et dont beaucoup se sont réfugiées en Autriche en 1945. Il ne s'agit pas d'une question traitée dans le cadre des négociations de l'élargissement, mais elle devrait trouver une solution bilatérale. Elle concerne les décrets Benes avec la République tchèque et les lois dites « AVNOY » avec la République de Slovénie.

Ces décrets concernaient les populations germanophones qui ont été expropriées et expulsées de ces pays. Ce problème est traité avec nos partenaires en bilatéral et avec le maximum de confidentialité et j'espère qu'on pourra trouver une solution équitable pour les victimes de ces évènements tragiques. Nous cherchons une solution du genre de la déclaration faite par l'Allemagne avec la République tchèque. Nous avons eu deux conférences avec les historiens et les Tchèques afin de sensibiliser les populations concernées à ces problèmes. De plus, l'intégration européenne est la meilleure assurance contre la résurgence des courants nationalistes qui sont xénophobes et hostiles à la démocratie et aux droits de l'homme, valeurs si chères aux Européens et surtout aux Français.

L'Autriche attend l'élargissement avec optimisme. Aujourd'hui, la grande majorité des Autrichiens, les principaux médias, l'ensemble des partis politiques et les acteurs intermédiaires de la société civile sont en faveur de l'élargissement. L'intégration de nouveaux États membres n'est pas seulement une chance pour ces pays, mais c'est surtout une chance pour nous-mêmes. Nous devons en profiter.

M. Hubert Haenel :

Mes questions portent sur la Convention qui va se réunir pour la première fois le 28 février prochain. Pouvez-vous nous dire quels sont les objectifs du représentant de l'Autriche ? De votre point de vue, quels sont les points qui devraient être nécessairement abordés par la Convention ? Quelles sont les réformes qui vous paraissent indispensables pour permettre le bon fonctionnement de l'Union européenne dans un cadre démocratique ? Quels devraient être le rôle et la place des pays candidats dans la Convention ?

M. Denis Badré :

En ma qualité de président du groupe d'amitié France-Autriche du Sénat, je me réjouis de la venue aujourd'hui de Mme Ferrero-Waldner. Je salue à cette occasion l'action déterminée et visionnaire de la ministre des Affaires étrangères d'Autriche pour la construction européenne. Malgré les difficultés des derniers mois, elle a beaucoup contribué à remettre en marche l'Europe en nous apportant une nouvelle manière de voir les problèmes, notamment ceux posés par la nécessaire association de l'Est du continent. Concernant l'élargissement de l'OTAN et alors que deux de vos voisins, la République tchèque et la Hongrie, sont maintenant membres de l'Alliance atlantique, quelle sont les perspectives de l'Autriche au regard de l'évolution de l'OTAN, alors qu'une des questions clés de la Convention portera sur la construction d'une Europe de la défense ?

M. Aymeri de Montesquiou :

Comment l'Autriche peut-elle concilier sa neutralité avec une participation à la défense européenne ? Par ailleurs, quel est le choix de l'Autriche entre le nucléaire et l'effet de serre ? Peut-on envisager des relations privilégiées entre la France et l'Autriche pour l'équilibre de l'Europe centrale ?

M. Michel Caldaguès :

Je m'associe aux propos précédents des présidents Haenel et Badré sur le caractère chaleureux que doivent revêtir les relations entre nos deux pays. Je suis également intéressé de connaître votre position vis-à-vis du concept de défense européenne, compte tenu du principe de neutralité de l'Autriche.

M. Marcel Deneux :

J'ai appris qu'un incident sérieux s'était produit la semaine dernière à la centrale de Temelin. Les experts français considèrent cependant que cet incident n'était pas d'une gravité extrême. Avez-vous changé de position à la suite de cet incident et pris un nouveau contact avec le gouvernement tchèque ? L'Autriche a ratifié le protocole de Kyoto : quelle est votre position sur les permis négociés actuellement ?

M. Xavier de Villepin :

La France reste attachée à l'énergie nucléaire, mais aussi au maintien d'un haut niveau de sécurité pour les centrales atomiques. La France a un grand groupe qui contrôle les questions nucléaires, l'AREVA. Est-il envisageable qu'une médiation ait lieu entre les deux pays sur cette question du nucléaire, car je comprends à la fois le souci de sécurité des Autrichiens et les besoins ? Sur l'élargissement, sentez-vous un mécontentement croissant dans les pays candidats du fait des restrictions budgétaires prévisibles et que peut-on faire pour éviter ces obstacles psychologiques et matériels ?

Mme Benita Ferrero-Waldner :

L'Autriche a soutenu la candidature de M. Giscard d'Estaing à la présidence de la Convention. Je retiens d'une rencontre que j'ai eue ce matin avec lui qu'il a déjà des idées très précises sur les méthodes de travail de la Convention. Sur le fond, la Convention sera confrontée à deux questions essentielles : d'une part, le paquet démocratique et, d'autre part, le rôle de l'Union européenne dans le monde.

Sur les aspects démocratiques, il faut une meilleure répartition des compétences dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, tout en conservant une certaine flexibilité dont l'Union a besoin pour réagir à des évolutions imprévues. Il faut également renforcer la légitimité démocratique de la Commission, par exemple par un lien plus fort avec le Parlement européen, et accroître la transparence des travaux du Conseil quand il intervient comme législateur. Je suis cependant en faveur du maintien du Conseil Affaires générales et contre la désignation de vice-premiers ministres résidant à Bruxelles, comme le suggère Pierre Moscovici à la suite de Jacques Delors, car c'est au Conseil des ministres dans chaque pays d'assurer la coordination des négociations. Ce n'est pas un vice-premier ministre siégeant à Bruxelles qui serait en mesure d'assurer l'arbitrage entre les positions, parfois divergentes, des différents ministres concernés.

M. Xavier de Villepin :

Je vous approuve totalement car je ne souhaite pas l'éclatement du Quai d'Orsay en France.

Mme Benita Ferrero-Waldner :

La logique de cette idée conduirait en effet à ne faire du ministère des Affaires étrangères qu'un ministère de l'aide au développement !

Le Parlement européen devrait par ailleurs bénéficier de la codécision dans tous les domaines législatifs. Il faut aussi veiller à une meilleure implication des parlements nationaux. Cette implication devrait commencer dans chaque État membre avec l'information du Parlement sur le déroulement des négociations européennes. A l'exception du Danemark, c'est en Autriche que le Parlement est le plus associé aux négociations. Les ministres, comme le Chancelier, doivent se rendre devant la commission européenne du Parlement autrichien avant chaque Conseil européen ou chaque Conseil des ministres. Il est important que tous les parlements nationaux aient le même niveau d'information sur les questions européennes.

J'estime aussi qu'il faut une meilleure collaboration entre le Parlement européen et les parlements nationaux, notamment par la réunion de commissions mixtes. En revanche, je suis opposée, comme notre Chancelier, à la création d'une deuxième ou d'une troisième chambre, car elle contribuerait à retarder les décisions européennes. Je ne pense pas non plus qu'il soit souhaitable de transformer en deuxième chambre le Conseil Affaires générales, même si on peut rechercher une plus grande efficacité de son fonctionnement. Nous ferons aussi des propositions pour permettre un meilleur accès des citoyens à la Cour de justice, parce que la formule contenue dans le traité est beaucoup plus restrictive que nécessaire. Il faudrait également donner plus d'importance au médiateur européen en installant des représentations du médiateur dans les États membres.

Concernant l'organisation en piliers, je considère que la politique étrangère et de sécurité commune est « le dinosaure de l'intégration européenne ». L'Europe doit jouer un rôle plus important, comme le pense la France, notamment vis-à-vis des États-Unis. Je suis en faveur d'un rapprochement des trois piliers ; dans le deuxième pilier, il faudrait aussi rapprocher les commissaires concernés. Le Haut Représentant pour la PESC devrait avoir plus de moyens financiers et devrait pouvoir accéder aux réseaux diplomatiques des États membres. Face aux insuffisances démocratiques du troisième pilier, il faut donner plus de pouvoirs au Parlement européen et à la Cour de justice dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

La simplification des traités doit aller de pair avec l'intégration de la Charte des droits fondamentaux et il faut réaffirmer dans les traités l'existence du modèle social européen. Il faudrait également profiter de l'échéance en juillet 2002 du traité CECA pour transférer le contenu du traité Euratom dans un nouveau chapitre sur la politique énergétique de l'Union européenne.

Pour les pays candidats, l'Autriche a été le premier pays à souhaiter leur participation la plus large aux discussions de la Convention, car le futur traité les concernera aussi et il est donc normal qu'ils aient leur mot à dire.

Concernant la position de l'Autriche vis-à-vis de l'OTAN et de son élargissement, notre parlement a approuvé une nouvelle doctrine de la sécurité et de la neutralité. La loi permanente sur la neutralité autrichienne, qui est de nature constitutionnelle, ne peut être modifiée qu'à la majorité des deux tiers. Compte tenu de l'opposition farouche des verts et des socio-démocrates, pourtant associés à toutes les négociations, le parlement autrichien s'est rallié, à la majorité simple, à une position de facto de « non allié », inflexion sensible de la notion de neutralité, un peu sur le modèle de la Suède. L'adhésion de l'Autriche reste cependant une des options possibles pour l'avenir. L'élargissement de l'OTAN va sans doute concerner la Slovénie, la Slovaquie et probablement les États baltes. C'est un bien pour notre sécurité, mais je regrette que, de ce fait, l'Autriche ne puisse pas participer au comité de l'OTAN.

M. Xavier de Villepin :

Pouvez-vous néanmoins participer à certaines coalitions ?

Mme Benita Ferrero-Waldner :

L'Autriche participe actuellement à des coalitions, comme au Kosovo, en Bosnie et en Afghanistan, parce que le Conseil de sécurité de l'ONU s'est prononcé. Nous faisons avancer les choses de manière pragmatique. Mais, avec la majorité des deux tiers, il nous est actuellement impossible de modifier formellement notre position sur la neutralité.

Sur les relations franco-autrichiennes et sur leur rôle dans le maintien d'un certain équilibre en Europe centrale, cela a toujours été le souhait de l'Autriche. Mais les évènements de l'année 2000 n'ont pas favorisé ce projet et je n'ai encore été reçue ni par le Président de la République, ni par le Premier ministre. C'est vraiment dommage car cette situation n'est pas de notre fait.

Il y a eu effectivement un incident très sérieux à Temelin la semaine dernière. Les incidents précédents ne concernaient, à la différence de celui-ci, que la partie non nucléaire du réacteur au niveau de la turbine. Nous sommes maintenant en contact permanent avec les Tchèques et une ligne directe a été installée pour une information réciproque rapide. Un groupe de travail du Conseil veille également depuis peu à l'implantation et au respect des standards de sécurité. Il y a eu en outre une médiation dans le cadre du processus de Melk, qui a été assurée par le Commissaire Verheugen et grâce à laquelle un accord a pu être signé entre nos deux pays.

Il existe, c'est vrai, un mécontentement dans les pays candidats du fait des restrictions budgétaires. Mais je crois qu'il ne faut pas exagérer, car il y a une limite claire à nos contributions budgétaires : celle de l'Agenda 2000. Je suis néanmoins ouverte à une interprétation sur cette limite. Je pense qu'une solution pourra être trouvée sur les aides directes, car la capacité d'absorption des aides communautaires par ces pays est limitée. Je suis également d'avis qu'il ne faut pas mêler les négociations d'adhésion avec le processus de révision de la politique agricole commune.

Nous attendons une ratification prochaine par notre parlement du protocole de Kyoto. Il faut souhaiter que les parlements nationaux ratifient le protocole avant le sommet de Johannesburg, car l'Union européenne doit être un précurseur dans la protection du climat. Quant au nucléaire, l'Autriche a la chance d'avoir des centrales hydrauliques, mais j'estime que c'est un choix souverain de chaque pays. Il faut certes vérifier que la sécurité est optimale, mais il ne faut pas faire de pression sur les pays en matière d'énergie nucléaire.

M. Xavier de Villepin :

Êtes-vous favorable au « big bang » politique pour l'élargissement ou bien insistez-vous pour ne stricte application de la négociation chapitre par chapitre ?

Mme Benita Ferrero-Waldner :

L'Autriche a toujours été en faveur de la différenciation et n'a pas changé de position. Mais cela n'exclut pas une décision politique à l'issue de la négociation. Mais, jusqu'à la fin des négociations, il faut contrôler les avancées des pays candidats. Ce qui compte c'est que ceux-ci poursuivent leurs efforts, car il reste encore beaucoup à faire et il ne faudrait pas que la décision politique réserve un traitement injuste aux pays qui auront respecté les règles fixées pour l'adhésion au bénéfice de ceux qui n'auraient pas fait suffisamment d'efforts.

Elargissement

Communication de M. Jacques Chaumont sur la mission qu'il a effectuée en Bulgarie, en Roumanie et en Slovaquie

La perspective d'adhésion des pays candidats à l'Union européenne s'est accélérée depuis quelques mois avec l'objectif de conclure les négociations, dès 2003, avec dix des douze pays candidats, pour une entrée dans l'Union à compter de 2004. Cette décision rend urgent le règlement des questions relatives aux institutions (mise en place de la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing) et aux financements européens (fonds structurels et subventions agricoles auxquels seront éligibles les nouveaux membres entre 2004 et 2006, année où devront être renégociés les financements européens).

Cette décision est le résultat inéluctable des trop nombreuses promesses délivrées par les chefs d'État et de gouvernement depuis la chute du rideau de fer. En appliquant la théorie des jeux à la problématique de l'élargissement de l'Union européenne, on peut dire que les États membres avaient collectivement intérêt à un élargissement tardif et minutieusement préparé, mais un intérêt individuel évident à faire miroiter une adhésion très prochaine aux pays candidats : un tel discours pouvait permettre de bénéficier d'une plus grande influence dans ces pays, notamment en matière économique. De toute évidence, le résultat de ce schéma n'est pas optimal à l'échelle de l'Europe.

Après avoir visité les six « premiers pays » candidats à l'adhésion, je me suis rendu en Slovaquie, en Roumanie et en Bulgarie en septembre 2001.

Le premier constat est que ces trois pays sont en retard dans leur processus de convergence et de reprise de l'acquis communautaire par rapport aux autres candidats.

Ainsi, la restructuration des économies a été plus tardive (industries lourdes et mines en Roumanie par exemple, processus de privatisation mal maîtrisé en Slovaquie, système bancaire sous-développé...). Les problèmes sociaux sont importants, s'agissant notamment des minorités ethniques (Roms, Turcs en Bulgarie, minorités magyares en Slovaquie et en Bulgarie, ce qui pose des problèmes compte tenu de la récente législation hongroise sur les Hongrois de l'étranger), mais également des enfants abandonnés en Roumanie.

Le développement de l'agriculture est entravé par l'absence de cadastre moderne, le morcellement excessif des terres et l'insuffisance de moyens. Les infrastructures sont défaillantes, enfin, s'agissant tant de la production d'électricité que de la gestion de l'eau, ou de l'état des voies de communication.

Les administrations sont dans un état de délabrement dramatique (productivité très faible, fuite des cerveaux vers l'étranger ou vers les entreprises étrangères, corruption massive), ce qui entraîne de grandes difficultés pour l'application de l'acquis communautaire, auxquelles s'ajoutent une capacité d'absorption et un contrôle financier insuffisants pour la gestion des fonds européens.

Ces pays doivent surtout faire face à un problème crucial de financement des retraites et de la sécurité sociale, compte tenu des déséquilibres démographiques majeurs provoqués par la baisse de la natalité et par l'émigration. Ainsi, la Bulgarie voit sa population décroître d'environ 0,5 % par an depuis plusieurs années, avec un taux d'emploi de seulement 40,8 % en 1999. Le même problème de vieillissement de la population se pose en Roumanie.

Par rapport à cette situation difficile, la perspective de l'adhésion à l'Union européenne impose des politiques de rigueur (par exemple, la hausse du coût de l'énergie) qui ne sont pas toujours bien accueillies par les populations. De plus, elles s'ajoutent parfois aux programmes d'ajustement prônés par le Fonds monétaire international.

Ma mission se déroulait quelques jours seulement après les attentats de New York et de Washington du 11 septembre, sujet largement évoqué lors de mes entretiens avec des personnalités slovaques, bulgares et roumaines. Ces trois pays ont très vite pris fait et cause pour les États-Unis, avec, en ligne de mire, leur adhésion à l'OTAN lors du sommet de Prague, en novembre 2002. Ces pays ont d'ailleurs parfois le sentiment que le soutien accordé aux États-Unis leur vaudra la reconnaissance de l'Union européenne.

Les conversations ont également largement porté sur le processus d'élargissement et sur l'hypothèse d'une adhésion de dix pays dès 2004. Si les autorités roumaines semblent conscientes du chemin qu'il reste à parcourir - puisqu'elles n'envisagent l'adhésion à l'Union européenne que vers 2007 ou 2008 -, la réaction des autorités bulgares est en revanche très vive : le pays a le sentiment d'avoir un « boulet » à traîner, qui s'appelle la Roumanie. Les Bulgares s'étonnent également du fait que la Pologne se retrouve dans la première vague, alors qu'ils se considèrent au même stade de préparation.

Au cours de ma mission, j'ai évoqué à plusieurs reprises, avec des conseillers pré-adhésion et les attachés de sécurité de nos ambassades, la question des frontières des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne avec les pays qui n'ont pas vocation à en devenir membres. Le constat qui m'a été soumis est inquiétant : la rotation des effectifs, qui sont sous-payés et sous-équipés, ne peut qu'encourager leur corruption par les passeurs. La porosité des frontières est donc importante. Or, selon les informations que j'ai pu recueillir lors de cette mission, près de 5 millions d'étrangers, candidats potentiels à l'émigration vers l'Europe, seraient actuellement en Ukraine en situation irrégulière, pour la plupart originaires d'Asie (Indiens, Pakistanais, Afghans, Kurdes...). Je considère que la seule solution pour prendre en charge les problèmes liés à la future frontière extérieure de l'Union européenne est leur prise en charge par un corps multinational européen.

La question des frontières me conduit à évoquer la question de la délivrance des visas par nos consulats dans ces pays. Les problèmes concernant la délivrance des visas en Bulgarie ont été largement évoqués dans les médias, et la justice française en est saisie. Ne souhaitant pas m'exprimer sur l'aspect judiciaire de cette affaire, il convient néanmoins de souligner l'extrême dénuement des moyens de notre consulat à cette période : la queue dans la rue ressemblait à un véritable marché et aucun guichet ou dispositif de sécurité n'empêchait les demandeurs d'accéder aux dossiers. Par ailleurs, il convient de déplorer la défaillance du contrôle interne au ministère des Affaires étrangères, qui n'a pas réagi lorsque le nombre de visas délivrés en Bulgarie est passé subitement d'environ 2 000 par mois (soit un nombre de visas délivrés comparable à celui des autres principaux pays de l'Union européenne) à près de 9 000 (au total, 25 000 visas ont été délivrés en 1999 et 65 000 au cours de l'année 2000).

S'agissant de l'obligation de visa, on peut également regretter que celle-ci ait été levée en Bulgarie alors que ce pays n'avait pas encore instauré d'obligation de visa pour les ressortissants ukrainiens et russes. En Roumanie, l'Union européenne n'a accédé que plus tard à la demande de suppression de l'obligation de visa de court séjour. Le service des visas a été rénové récemment, mais seulement deux agents titulaires, deux auxiliaires et quelques vacataires traitent près de 70 000 visas par an, la plupart étant délivrés dans la journée. Il convient de s'interroger sur l'efficacité du contrôle ainsi effectué.

Notre présence économique est variable selon les pays : si elle est relativement faible en Slovaquie, elle est plus importante en Bulgarie, et surtout en Roumanie. Lors de mon entretien avec le Président de la République slovaque, M. Rudolf Schuster, celui-ci a regretté vivement le fait que les entreprises françaises soient trop frileuses vis-à-vis de son pays. Il a cité en exemple le fait que le ministre chargé de l'industrie, M. Christian Pierret, était venu en Slovaquie afin de vanter les mérites d'EDF, qui envisageait de répondre à un appel d'offres visant à privatiser une entreprise nationale, alors que l'entreprise française avait ensuite renoncé à présenter une offre.

De même, notre présence économique est relativement modeste en Bulgarie. Peu d'entreprises françaises viennent prospecter le marché, alors que le coût d'une telle démarche est faible. Les entreprises allemandes, par exemple, y sont beaucoup plus dynamiques. La foire commerciale de Plovdiv, qui avait lieu durant notre mission, accueillait ainsi près de 350 entreprises allemandes, 150 entreprises italiennes, contre une vingtaine d'entreprises françaises, dont quatre seulement avaient envoyé des représentants français. L'entreprise Danone joue cependant un rôle essentiel dans la restructuration de la filière laitière bulgare, et certaines entreprises françaises de l'ameublement et du textile délocalisent leurs activités en Bulgarie, mouvement qui s'est accéléré depuis la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail en France.

La présence des entreprises françaises est plus importante en Roumanie : banques, grande distribution depuis peu avec l'ouverture récente par Carrefour de la première grande surface du pays, et industries (implantation d'Alcatel à Timisoara, rachat du constructeur Dacia par Renault dans la perspective de fabriquer un véhicule bon marché à destination de l'Europe orientale et des pays moins développés).

Les investisseurs étrangers doivent cependant faire face à de nombreuses difficultés : contentieux fréquents portant sur la propriété des terrains, droit des faillites très peu favorable aux créanciers, en Bulgarie par exemple, systèmes bancaires peu performants (la carte bleue est seulement en voie d'introduction en Roumanie), corruption généralisée dans les administrations locales...

S'agissant de l'action des services de l'ambassade de France dans ces trois pays, il convient de souligner que nos crédits sont en diminution, diminution qui ne peut être pleinement compensée par la recherche de mécènes privés, compte tenu notamment de l'absence d'incitations fiscales et financière pour les entreprises. On remarquera également que la pauvreté des habitants rend difficile la perception de ressources propres, des personnes fréquentant l'Institut français de Bucarest en hiver parce qu'ils n'ont pas le chauffage chez eux.

S'agissant de la francophonie, l'apprentissage du français est en perte de vitesse en Roumanie, au profit de l'anglais, qui devient la principale langue étrangère pour les jeunes générations. Comme dans la plupart des pays, le français est surtout appris par les jeunes femmes.

En Bulgarie, la récente élection d'un Premier ministre francophile et francophone devrait inciter notre pays à accentuer ses actions de coopération et de sensibilisation auprès des élites bulgares. On rappellera que le Premier ministre bulgare avait exprimé la volonté de se rendre au sommet de la francophonie à Beyrouth pour que son pays soit accueilli en tant qu'observateur au sein de l'Organisation internationale de la francophonie.

L'action des services culturels français en Bulgarie a été considérablement affectée par des rivalités de personnes, aboutissant à une absence totale de concertation et de recherche de synergies, à tel point que l'Institut français et le centre culturel ont pu monter une pièce de théâtre du même auteur, avec deux troupes différentes, à la même période. Ma mission coïncidait avec l'arrivée d'une nouvelle équipe, animée par le souci de refaire travailler ensemble des services totalement cloisonnés.

En Roumanie, les services français bénéficient d'implantations de qualité, mais la recherche de synergies et de coopérations y semble également peu aboutie : la coordination entre le service culturel et l'Institut français ne semble pas être parfaitement assurée. J'ai pu relever enfin divers problèmes de sécurité concernant les écoles françaises (manque de locaux, proximité d'immeubles insalubres au lycée français de Bucarest par exemple). Comme souvent, de nombreux problèmes se posent dans nos établissements scolaires à l'étranger, qui fonctionnent avec des bouts de ficelle, dans des locaux qui ne sont pas toujours adaptés à l'accueil des enfants.

Pour conclure, je dirais que la frilosité des entreprises françaises, la diminution des crédits de coopération et la gestion critiquable des services culturels français contribuent à l'effritement de notre influence dans des pays de tradition francophile (Bulgarie et Roumanie surtout), au profit d'une influence allemande et surtout, américaine, portée par la volonté de ces pays d'adhérer à l'OTAN ainsi que par le rôle des fondations privées américaines dans cette région de l'Europe.

J'avais, lorsque j'étais venu devant vous il y a environ un an, considéré que l'élargissement de l'Union européenne était « une grave erreur qu'il serait tragique de ne pas commettre ». Je suis tenté aujourd'hui  de poser la question de savoir qui osera dire non à l'élargissement.

Compte rendu sommaire du débat

M. Jean-Marie Vanlerenberghe :

La Bulgarie et la Roumanie sont de tous les pays candidats ceux qui sont le plus éloignés des critères requis par l'adhésion et qui ont le plus grand retard dans leurs structures économiques et politiques. Sans partager totalement la conclusion de notre collègue Chaumont, je crois cependant qu'il faut rester très prudent sur l'élargissement. Concernant l'OTAN, une solution intermédiaire ne pourrait-elle pas être envisagée avec une première étape à inventer, par exemple par le biais de l'UEO ?

M. Jacques Chaumont :

La réaction française au « big bang » proposé par la Commission pour dix pays, qui exclurait donc la Bulgarie et la Roumanie, s'explique à la fois par un souci d'équilibre au regard de la présence allemande en Europe centrale et par une solidarité avec les seuls pays de l'élargissement ayant véritablement une tradition francophone. Cette réaction a naturellement irrité les autres pays candidats, qui ont pensé que la France voulait retarder l'élargissement. Elle a certes satisfait les Bulgares et les Roumains, mais ces derniers n'espèrent pas eux-mêmes adhérer avant 2007 ou 2008, car ils ont conscience des efforts importants qu'ils doivent accomplir.

M. Lucien Lanier :

L'idée d'une solution intermédiaire pour l'adhésion de ces pays à l'OTAN me semble excellente, mais ne faut-il pas d'abord poser la question du type de défense que nous voulons, car pour adhérer, ces pays devront revoir profondément leur système de défense ?

M. Jacques Chaumont :

J'ai récemment visité, à Tampa, le commandement américain qui gère la guerre en Afghanistan et j'ai constaté le fossé technologique qui existe entre les armées européennes et les armées américaines. Ce fossé se traduit déjà par une difficulté de communication entre les systèmes américains et les systèmes européens pour des raisons à la fois technologiques et de sécurité.

Il faut reconnaître que nous n'intéressons plus vraiment les Américains dans le strict domaine militaire. En cas de conflits majeurs en Europe, nous serons de plus en plus dépendants des Américains si nous ne parvenons pas à mettre sur pied un système européen de défense. Or, la récente décision italienne concernant l'avion de transport militaire A400M et le choix néerlandais de l'avion de combat JSF (Joint Strike Fighter) américain ne sont pas encourageantes. C'est pourquoi les Américains s'orientent de plus en plus dans des coopérations bilatérales spécialisées et non plus dans des coopérations d'ensemble avec les Européens, qui doivent faire un effort de cohésion, d'interopérabilité de leurs systèmes d'armes, avec une augmentation corrélative des budgets militaires.

Transposition du droit communautaire

Communication de M. Hubert Haenel sur l'amélioration des procédures de transposition des directives communautaires en droit français

Nous avons tous en mémoire les débats qu'a provoqués à l'automne 2000 le projet de loi qui habilitait le gouvernement à transposer par voie d'ordonnances une cinquantaine de directives communautaires. Beaucoup d'entre nous ont découvert à cette occasion l'ampleur du retard français en matière de transposition des directives et les graves conséquences qu'il entraînait pour la position de notre pays, mais aussi pour la construction européenne. Il fallait réagir.

Nous l'avons fait en adoptant, dès janvier 2001, un rapport qui analysait les causes de ce retard français (n° 182, 2000-2001). Nous avons observé que tous les gouvernements avaient leur part de responsabilité, mais que le manque de volonté politique n'était la cause du retard que pour un nombre assez réduit de textes. Nous avons constaté que, en réalité, les causes principales étaient d'ordre administratif.

Une première cause tient à l'insuffisante prise en compte, lors des négociations, des effets sur le droit interne des projets de directive. Une seconde résulte de l'inefficacité de la coordination interministérielle au stade de la transposition, de telle sorte que les désaccords entre administrations aboutissent à des blocages durables.

Pour tenter de porter remède à ce dysfonctionnement, le Sénat a adopté deux propositions de loi. La première, qui a été adoptée à l'unanimité, prévoit de procéder à une étude d'impact juridique sur toute proposition de directive, et de tenir un échéancier d'adoption des textes législatifs nécessaires à la transposition des directives communautaires définitivement adoptées. Pour pouvoir donner à ces dispositions une valeur d'obligation légale, et pour permettre au Parlement de mieux exercer son contrôle, le texte prévoit de rendre les délégations pour l'Union européenne de chaque assemblée destinataires des études d'impact juridique et des échéanciers d'adoption.

La seconde proposition de loi qu'a adoptée le Sénat - sans opposition -est une proposition de loi constitutionnelle qui prévoit de réserver dans chaque assemblée une séance par mois à la transposition des directives et à l'approbation des conventions internationales. L'ordre du jour de cette séance serait fixé par le Gouvernement ; toutefois, si celui-ci n'arrêtait pas un tel ordre du jour, chaque assemblée pourrait alors décider d'inscrire des projets ou propositions de loi de transposition de directives ou des projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Bien qu'il ne se soit pas rallié aux solutions proposées par le Sénat, le Gouvernement a reconnu que les préoccupations exprimées par notre assemblée étaient légitimes.

Souhaitant que les problèmes soient, dans un premier temps, réexaminés à l'échelon administratif, il a provoqué la création d'un groupe de travail. Ce groupe a terminé ses travaux en octobre dernier.

Je vous fais grâce du rapport de ce groupe de travail. L'important est que les conclusions de ce rapport sont très proches des préoccupations que nous avions exprimées dans nos débats. Surtout, le gouvernement a pris en compte les résultats de ce travail et, à la fin du mois de janvier dernier, M. Moscovici a adressé - à mon collègue de l'Assemblée nationale et à moi-même - une lettre indiquant que le gouvernement allait veiller à la « mise en application rapide » de trois mesures :

- chaque texte transmis aux Assemblées au titre de l'article 88-4 sera systématiquement complété, dans un délai de trois semaines, par une fiche d'impact simplifiée, élaborée par le ministère chef de file, précisant l'objet de la proposition d'acte et mentionnant les textes de droit interne concernés en première analyse ;

- une diffusion spécifique au président de chacune des délégations des assemblées des télégrammes diplomatiques rendant compte des négociations relatives aux textes transmis au titre du 88-4 sera désormais assurée ;

- le tableau récapitulatif de l'état des transpositions, élaboré au sein du SGCI, sera communiqué chaque trimestre au Conseil d'État et aux assemblées. Outre les informations sur l'état des transpositions, ce tableau mentionnera également les procédures en manquement éventuellement engagées par la Commission devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

La lettre rappelle, par ailleurs, les nouvelles dispositions mises en place en juin 2001 : transmission aux Assemblées, tous les deux mois, des nouvelles directives communautaires nécessitant une transposition, possibilité offerte aux deux délégations d'adresser des observations au Gouvernement sur les difficultés éventuelles que certaines transpositions pourraient présenter, organisation d'une réunion annuelle de suivi de cette nouvelle procédure pour faire le point sur l'état des travaux de transpositions.

Nous devons constater que les engagements pris par le ministre répondent assez largement aux préoccupations qui avaient guidé le Sénat dans l'adoption de la première proposition de loi. L'information des assemblées sur la situation en matière de transposition est substantiellement améliorée et la rédaction systématique d'une fiche d'impact simplifiée devrait contribuer à sensibiliser l'exécutif comme le Parlement aux problèmes éventuels de transposition.

En revanche, la garantie d'inscription à l'ordre du jour des textes à transposer n'est nullement apportée et la proposition de loi constitutionnelle adoptée à cet effet par le Sénat me paraît garder toute sa valeur. A cet égard, il convient de noter que, contrairement aux doutes exprimés par certains membres du groupe de travail, le rythme d'une séance par mois n'a rien d'excessif, compte tenu du fait que, dans le texte adopté par le Sénat, cette séance serait consacrée non seulement à la transposition des directives communautaires, mais encore aux textes autorisant la ratification des conventions internationales. Or, les délais pour la ratification des conventions internationales sont, eux aussi, préoccupants, avec un nombre important de textes en instance.

Ainsi, grâce au dialogue qui s'est instauré entre le Gouvernement et les assemblées, des progrès ont déjà été accomplis ; d'autres, plus significatifs, devraient l'être avec l'entrée en vigueur des mesures qui ont été annoncées par le ministre ; toutefois, il me semble qu'il demeure encore une amélioration à effectuer sur laquelle il nous faudra sans doute revenir en temps utile.

Compte rendu sommaire du débat

M. Jean-Paul Émin :

Sait-on quand les mesures annoncées par le ministre dans sa lettre vont effectivement entrer en application ?

M. Hubert Haenel :

La lettre de M. Pierre Moscovici précise qu'il s'agit d'une « mise en application rapide ». D'après les informations qui nous ont été communiquées par le SGCI, ces mesures devraient être mises en oeuvre dans les semaines qui viennent, c'est-à-dire avant les prochaines échéances électorales.

La délégation a alors autorisé, à l'unanimité, la publication de ce rapport publié sous le n° 250 (2001-2002).


(1) Cette réunion s'est tenue en commun avec la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées.