Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 27 mars 2007


Table des matières

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Agriculture et pêche

Réforme de l'organisation commune des marchés (OCM)
dans le secteur des fruits et légumes
(Texte E 3448)

Communication de M. Jean Bizet

Nous sommes amenés à examiner cette réforme de l'OCM « fruits et légumes » dans un contexte de campagne électorale qui ne met pas ce type de question au premier plan. Mais, pour intervenir en temps utile, nous ne pouvons attendre plus longtemps. Certes, la décision définitive est prévue pour le Conseil « Agriculture » de la mi-juin, mais déjà les travaux du Conseil « Agriculture » de la mi-avril seront une étape très importante dans le processus d'examen : si nous voulons que notre sentiment soit pris en compte, nous devons l'exprimer maintenant. Or, je crois que cette réforme appelle une prise de position de notre part.

1. Un secteur important et spécifique

En effet, le secteur des fruits et légumes est un secteur agricole important, beaucoup plus qu'on n'en a l'impression en considérant les débats sur la politique agricole commune (PAC). L'OCM « fruits et légumes » est une OCM « légère », qui ne mobilise que 3 % environ du budget agricole de l'Union ; elle est donc peu présente dans les controverses. Mais le secteur « fruits et légumes » représente 17 % de la valeur de la production agricole de l'Union, bien qu'il n'occupe que 3 % des surfaces cultivées. En Europe, une exploitation agricole sur sept produit des fruits et légumes.

La place de ce secteur est particulièrement importante dans la partie méridionale de l'Europe : en Grèce, en Espagne, en Italie et au Portugal, elle représente plus du quart de la production agricole ; en France, l'importance du secteur est moins grande, mais peut être considérable dans certaines zones : par exemple, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), les fruits et légumes représentent plus de 40 % de la production agricole.

L'importance du secteur en termes d'emploi doit également être soulignée : certes, les deux tiers des emplois du secteur ont un caractère saisonnier, mais si l'on raisonne en « équivalent temps complet » pour avoir un ordre de grandeur, on constate qu'en France l'activité « fruits et légumes » emploie l'équivalent de 165 000 personnes à temps complet. J'ajouterai que l'Union est le premier importateur et le second exportateur mondial de fruits et légumes, avec au final un déficit de quelque 11 milliards d'euros. Ce déficit, qui représente 6 % du déficit total du commerce extérieur de l'Union, augmente régulièrement en raison d'une concurrence de plus en plus vive des productions de pays tiers.

Ce secteur important est en même temps très spécifique pour trois principales raisons.

Tout d'abord, il s'agit de productions périssables et très sensibles aux aléas climatiques, ce qui suscite une grande instabilité des marchés. Une faible variation quantitative de l'offre ou de la demande peut susciter une forte variation des prix. Les revenus des producteurs sont donc sujets à de grandes fluctuations.

Ensuite, il s'agit d'un secteur peu organisé ; en moyenne, un tiers seulement de la production européenne totale de fruits et légumes est commercialisé par le biais des organisations de producteurs. La production n'est fortement organisée que dans quelques pays, et, dans le cas de la France, dans seulement quelques régions. Ces producteurs globalement peu organisés ont, en revanche, face à eux, une distribution extrêmement concentrée : une vingtaine d'enseignes assurent 80 % des ventes de produits frais dans l'Union. Le rapport de forces - si l'on peut s'exprimer ainsi - est donc très clairement en faveur de la grande distribution.

Enfin, les fruits et légumes représentent un enjeu de santé publique. L'OMS fixe à 400 grammes par jour la consommation minimale de fruits et légumes nécessaire à une alimentation saine ; elle estime que plus du tiers de la population européenne à une alimentation ne respectant pas ce minimum. Promouvoir la consommation de fruits et légumes est particulièrement nécessaire pour diminuer la fréquence de certains cancers et pour lutter contre l'obésité infantile qui touche déjà, dans l'Union, quelque trois millions d'enfants, ce nombre étant en augmentation régulière.

2. Une OCM qui doit évoluer

Initialement fondée avant tout sur des dispositifs de retrait destinés à soutenir des marchés, l'OCM « fruits et légumes » - qui concerne les produits frais, les produits transformés et les agrumes - a été profondément réformée en 1996.

Le soutien à la filière est réservé aux producteurs organisés. Des « programmes opérationnels », financés pour moitié par le budget communautaire et pour moitié par les producteurs eux-mêmes, sont destinés à permettre aux organisations de producteurs (OP) d'améliorer la commercialisation et la qualité de leurs produits et de veiller à la préservation de l'environnement. L'aide est plafonnée à 4,1 % de la valeur de la production commercialisée par l'organisation de producteurs. Chaque organisation doit avoir au minimum cinq membres et réaliser un chiffre d'affaires d'au moins 100 000 euros.

L'OCM comprend également des aides pour les fruits et légumes destinés à la transformation, ainsi qu'un dispositif de retrait dont la réforme de 1996 a beaucoup diminué l'importance, en limitant les quantités pouvant faire l'objet d'un retrait, et en diminuant le montant de l'« indemnité compensatrice de retrait ».

Les insuffisances de l'OCM actuelle sont reconnues et la France s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur d'une réforme.

Tout d'abord, il est clair que l'objectif central de la réforme de 1996, qui était de favoriser le regroupement de l'offre, n'a pas été atteint : seulement 40 % des producteurs sont affiliés à une organisation, avec de grandes différences d'un État membre à l'autre. De plus, une enquête menée par la Cour des comptes européenne, publiée en novembre dernier, conclut à une efficacité très inégale des programmes opérationnels. Les États membres, estime la Cour, ont approuvé les programmes opérationnels uniquement en considérant la nature des dépenses prévues, sans tenir compte de l'efficacité prévisible des mesures contenues dans les programmes. La Cour a évalué elle-même un échantillon des actions menées et a conclu que plus de la moitié d'entre elles n'avaient pas abouti à des progrès notables.

Ensuite, l'OCM manque de moyens efficaces de gestion des crises, alors que le secteur des fruits et légumes se caractérise par une forte volatilité des marchés. Lors du compromis de juin 2003 sur la réforme de la PAC, la Commission s'était engagée à examiner des mesures spécifiques pour la gestion des crises agricoles, et le financement de ces mesures par un prélèvement sur le produit de la modulation des aides directes ; cet engagement n'a pas eu pour l'instant de suite concrète, malgré le mémorandum adressé en ce sens à la Commission, en 2005, par sept États, dont la France.

3. Certaines des orientations retenues sont positives bien qu'insuffisantes

L'utilité d'une nouvelle réforme est donc indiscutable, et les mesures proposées comportent certaines avancées significatives, bien qu'elles soient à mon avis insuffisantes.

La proposition de la Commission maintient les organisations de producteurs au centre de l'OCM et introduit de nouvelles règles destinées à les rendre plus attractives et plus efficientes.

Si le cofinancement communautaire des programmes reste en règle générale limité à 50 %, il est prévu de le porter à 60 % dans un certain nombre de cas (si le programme a un caractère transnational, ou interprofessionnel, ou s'il concerne exclusivement l'aide à la production biologique, ou encore s'il est présenté par des organisations de producteurs ayant fusionné ou s'étant associées) ; de plus, le taux de 60 % s'applique dans tous les cas si le programme est présenté par une organisation de producteurs d'un des nouveaux États membres ou d'une région ultrapériphérique, ou s'il est présenté dans des États membres où moins de 20 % de la production est commercialisée par les organisations de producteurs.

Le taux de cofinancement de 60 % s'applique également, dans toute l'Union, aux actions de promotion s'adressant aux jeunes de moins de 18 ans. Enfin, le financement communautaire de 100 % pour les produits retirés du marché en vue d'une distribution gratuite s'appliquera non seulement aux distributions effectuées par des organismes caritatifs, mais aussi aux distributions dans les établissements scolaires et les colonies de vacances.

Il convient d'ajouter que, dans le cas des zones où le regroupement des producteurs est particulièrement faible, les États membres pourront désormais, sous le contrôle de la Commission, accorder une contribution nationale additionnelle, au plus égale à la contribution des producteurs.

On voit que le plafond de 50 % pourra être dépassé dans de nombreuses situations.

La portée de ce changement est toutefois limitée par le fait que les aides communautaires restent plafonnées à 4,1 % de la valeur de la production commercialisée par une organisation de producteurs. Il est vrai que, dans la pratique, ce plafond est loin d'être toujours atteint ; mais il constitue une réelle limite pour les organisations les plus efficaces, qui ont des projets ambitieux.

La proposition de la Commission prévoit également de renforcer le rôle régulateur des organisations de producteurs. En effet, les États membres seraient désormais autorisés à étendre à tous les producteurs d'une même zone, même s'ils ne sont pas membres d'une organisation, des règles adoptées par des organisations regroupant au moins 50 % des producteurs et couvrant au moins 60 % de la production de la zone. Les règles en cause pourraient concerner les conditions de production et de mise en marché ainsi que la protection de l'environnement.

Pour l'amélioration du contenu des programmes opérationnels, la proposition prévoit la possibilité pour les États membres de se doter de « stratégies nationales » dans lesquelles les programmes devraient s'inscrire. Par ailleurs, 20 % des dépenses engagées dans le cadre des programmes opérationnels devront être consacrées à la protection de l'environnement.

Sous réserve du maintien de la limitation des aides à 4,1 % de la production commercialisée, qui enlève une partie de sa portée au nouveau dispositif, ces différentes mesures constituent d'indéniables avancées.

4. D'autres aspects sont préoccupants, voire inacceptables

En revanche, plusieurs aspects de la proposition sont préoccupants, voire inacceptables.

 La Commission prévoit, tout d'abord, d'intégrer les surfaces cultivées en fruits et légumes dans le régime du paiement unique (RPU). Dans cette logique, elle prévoit de découpler les aides pour les fruits et légumes destinés à la transformation. Le secteur des fruits et légumes rentrerait ainsi dans le droit commun de la PAC réformée.

Cette orientation paraît préoccupante à plusieurs titres. Tout d'abord, il s'agit d'une remise en cause du compromis de 2003 sur la réforme de la PAC. L'exclusion des fruits et légumes du régime du paiement unique était en effet un élément de ce compromis, qui formait un tout.

Ensuite, cette mesure pourrait avoir des effets déstabilisateurs.

En premier lieu, des distorsions de concurrence sont possibles. On ne peut préjuger de la manière exacte dont les surfaces cultivées en fruits et légumes seront intégrées dans le régime du paiement unique ; mais il est clair que les producteurs de fruits et légumes pourront désormais être concurrencés par les producteurs du secteur des grandes cultures, bénéficiant d'aides directes calculées, dans le cas de la France et de certains autres pays, sur la base de références historiques. Selon la manière dont les droits à paiement des actuels producteurs de fruits et légumes seront calculés, des distorsions de concurrence plus ou moins importantes pourraient apparaître.

En second lieu, le découplage des aides à la transformation pourrait menacer certaines filières, fondées sur des liens interprofessionnels étroits. La filière « pruneau », par exemple, représente en France près de 9 500 emplois directs et indirects, dont 75 % dans le département du Lot-et-Garonne, département enclavé offrant de faibles alternatives économiques. Cette filière, confrontée à l'affaiblissement des protections tarifaires, a pu faire face à la concurrence sud-américaine, dont les conditions de production sont à des années-lumière des standards européens, grâce à une forte structuration de sa filière et à une orientation vers la qualité, qui reposent sur le lien contractuel fort entre les opérateurs de la filière qui est permis par le système actuel. Ce type de filière risque d'être déstabilisé par les nouvelles règles.

En tout état de cause, il paraît déraisonnable de vouloir généraliser le régime du paiement unique alors même qu'il vient à peine d'entrer pleinement en vigueur et qu'on ne dispose pas d'un minimum de recul pour apprécier ses conséquences. Un bilan de la PAC réformée paraît un préalable à une remise en cause du compromis de juin 2003.

 Ensuite, les mesures prévues pour la gestion des crises paraissent clairement insuffisantes.

Elles prévoient la suppression de l'indemnité communautaire pour les retraits, pour mettre en place, au sein des programmes opérationnels, des outils de gestion des crises par les organisations de producteurs, avec un financement communautaire à hauteur de 50 %. Les instruments prévus sont principalement la récolte en vert, la non récolte, la promotion et la communication, l'assurance récolte et la participation aux coûts administratifs de la création des fonds de mutualisation.

Ainsi, les outils de gestion des crises se trouvent inclus au sein des programmes opérationnels, alors que le plafond financier de ces mêmes programmes n'est pas augmenté. Une gestion des crises ne pourra donc être organisée, dans le cadre de la nouvelle OCM, qu'au détriment des actions structurelles aujourd'hui financées par les programmes opérationnels.

En outre, la proposition de la Commission fait reposer la gestion des crises sur les seules organisations de producteurs, sans prévoir d'y associer les producteurs indépendants. Cependant, la Commission elle-même fixe comme objectif de regrouper au sein des organisations, d'ici 2013, 60 % des producteurs, ce qui laisserait 40 % de la profession à l'écart du mécanisme de gestion des crises.Or, une gestion de crise ne couvrant pas l'ensemble de la production ne peut être efficace : on ne peut espérer assainir un marché lorsqu'une partie importante des acteurs restent libres de continuer à vendre leur production.

Un dispositif efficace de gestion des crises devrait concerner l'ensemble des producteurs et donc être obligatoire, tout en étant géré à l'échelon de la zone de production. Par ailleurs, il ne devrait pas se construire au détriment des programmes opérationnels.Conformément à l'accord de juin 2003, son financement devrait au contraire s'effectuer par un prélèvement sur le produit de la modulation des aides.

 Enfin, le volet externe de la réforme paraît inacceptable.

La Commission prévoit la suppression unilatérale des restitutions à l'exportation dès le 1er janvier 2008. Or il n'y aucune raison que la Communauté supprime ses aides à l'exportation tant que ses partenaires n'en font pas autant. Prendre une telle décision ne pourrait qu'affaiblir la conditionnalité de l'offre européenne à l'OMC et serait donc un mauvais signal.

Par ailleurs, le projet prévoit de subordonner le déclenchement de la clause de sauvegarde spéciale, en cas de déstabilisation du marché dû à un afflux de produits importés, à la démonstration d'un préjudice, ce qui en pratique ne permet pas d'activer cette clause en temps utile, compte tenu des caractéristiques particulières des marchés des fruits et légumes. Il convient de souligner que les règles de l'OMC concernant cette clause n'imposent nullement une telle exigence. Le déclenchement de la clause de sauvegarde spéciale devrait donc être rendu automatique en fonction de critères objectifs concernant les volumes importés et l'évolution des prix.

Compte rendu sommaire du débat

M. Robert Bret :

Le secteur des fruits et légumes est effectivement très important pour la région PACA. Le compromis de 2003 était un point d'équilibre. Sa remise en cause pourrait avoir des incidences graves pour les exploitants. L'enjeu n'est pas seulement économique : il est aussi environnemental et culturel, puisqu'il touche à l'identité provençale. La pression sur le foncier est déjà très forte : faut-il souhaiter une urbanisation toujours plus poussée ?

Or, la concurrence des productions de l'hémisphère sud est de plus en plus marquée ; il y a un déséquilibre flagrant entre nos structures agricoles, notre législation, et la situation qui prévaut par exemple en Amérique latine.

De plus, le poids de la grande distribution est considérable : en réalité, c'est elle qui fixe les prix. Nous avions obtenu le vote d'un amendement qui s'efforçait d'introduire un meilleur équilibre : je n'ai pas le sentiment qu'il soit appliqué.

Cette nouvelle réforme me paraît donc inquiétante et j'espère que nous trouverons des alliés pour nous opposer à ses aspects les plus nocifs. Nous étions arrivés en France à un certain équilibre, à une spécialisation régionale : en permettant aux grandes exploitations orientées vers les céréales et bénéficiant des aides directes de venir concurrencer les petites exploitations spécialisées en fruits et légumes, on risque de provoquer de graves déséquilibres.

Mme Catherine Tasca :

La France peut-elle espérer trouver assez d'alliés pour réussir à modifier ce texte ?

M. Simon Sutour :

Je partage les inquiétudes exprimées par Robert Bret. Je crois qu'il faudrait prendre la mesure de la crise de l'agriculture méditerranéenne. Nous nous targuons d'avoir obtenu le maintien de la PAC jusqu'en 2013, mais c'est une PAC dont les soutiens vont aux grandes cultures, aux grandes exploitations, avec une part dérisoire pour les productions méditerranéennes. La situation des régions méditerranéennes de la France est spécialement difficile, avec un climat moins favorable que dans les pays situés plus au sud et une législation du travail plus exigeante et mieux appliquée, ce que je ne critique pas, bien au contraire, mais qui rend nécessaire une harmonisation « par le haut » pour égaliser les conditions de concurrence.

J'ai le sentiment que, à Bruxelles, on élabore des plans satisfaisants sur le papier, mais très éloignés des réalités. Dans le Midi, le nombre des exploitations ne cesse de décroître. Le nombre de jeunes voulant s'installer est très faible. On va voir se développer les friches et les incendies. On nous dit que nos régions ont une vocation touristique : mais le tourisme s'appuie au moins en partie sur la ruralité. J'ai l'impression qu'il y a, en Europe et à l'échelon national, une sorte de résignation devant ce type d'évolution.

M. Jean Bizet :

Où trouver des alliés ? D'abord parmi les pays méditerranéens, qui sont les principaux producteurs de fruits et légumes et ont, comme nous, intérêt à un renforcement des moyens financiers des organisations de producteurs, à une politique commerciale plus responsable, à la mise en place d'un dispositif de gestion des crises.

La réforme a certains aspects positifs. On voit bien qu'une meilleure organisation de l'offre est un point essentiel. En France, une poignée d'opérateurs achète les quatre cinquièmes de la production. L'individualisme des producteurs les met en position de faiblesse. Sur ce point, la réforme va dans le bon sens.

En revanche, l'intégration dans le régime de paiement unique pourrait créer de sérieuses difficultés aux industries de transformation, entraîner des distorsions de concurrence, et - comme cela a été souligné - remettre en cause les équilibres découlant de la réforme de 2003.

Enfin, nous n'avons pas à appliquer par anticipation une suppression des restitutions que le pré-accord de Hong Kong ne prévoit de toute manière que pour 2013. De même, nous n'avons pas à être plus exigeants que l'OMC elle-même pour la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde spéciale.

À l'issue du débat, la délégation a adopté à l'unanimité des conclusions suivantes :

Conclusions

La délégation du Sénat pour l'Union européenne,

Vu le texte E 3448 (COM (2007) 17 final)

Invite le Gouvernement :

- à demander un relèvement du plafond du soutien communautaire aux organisations de producteurs ;

- à proposer la mise en place d'un dispositif de gestion des crises de caractère obligatoire, géré par zone de production, et financé par un prélèvement sur le produit de la modulation des aides, conformément à l'accord de juin 2003 sur la réforme de la politique agricole commune ;

- à s'opposer, en l'état, à l'intégration du secteur des fruits et légumes dans le régime de paiement unique ;

- à s'opposer à la suppression, dès maintenant, des restitutions à l'exportation ;

- à demander que la clause de sauvegarde spéciale soit définie de manière à ce que son déclenchement soit automatique en fonction de critères objectifs concernant les volumes importés et l'évolution des prix.

Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité :
examen des textes adressés par la Commission européenne
aux parlements nationaux du 14 février au 20 mars 2007
et d'une réponse de la Commission

M. Hubert Haenel :

Nous allons maintenant aborder notre cinquième exercice d'examen des textes que la Commission européenne nous adresse directement afin que nous puissions lui faire connaître notre sentiment au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité.

Tout d'abord, je voudrais faire une récapitulation statistique de nos travaux en ce domaine afin que nous puissions mieux mesurer l'importance de cette nouvelle mission qui nous est impartie depuis que le président Barroso a décidé cet envoi direct aux parlements nationaux. Cette transmission directe est devenue effective au 1er septembre 2006. Nous pouvons donc dresser aujourd'hui un bilan sur six mois, du 1er septembre 2006 au 28 février 2007. En six mois, la Commission européenne a transmis directement aux parlements nationaux 430 documents. Nous pouvons donc escompter que, sur une année, c'est entre 800 et 850 documents qui nous parviendront directement de la Commission européenne.

Toutefois, ces documents peuvent souvent être regroupés car plusieurs d'entre eux traitent du même sujet. De plus, la plupart d'entre eux n'appellent aucune observation au regard du principe de subsidiarité, soit parce qu'ils n'ont pas de portée normative, soit parce qu'ils portent sur des matières qui ne soulèvent aucun problème de subsidiarité par nature, soit encore parce qu'ils se situent à un stade trop avancé de la procédure législative et n'apportent aucun élément nouveau important ou parce qu'ils n'ont pour objet que de codifier des textes antérieurs.

De ce fait, sur ces 430 textes, nous n'en avons examiné, au cours d'une réunion de notre délégation, que 25. Et, sur ces 25, ce n'est qu'à propos de 19 textes que nous avons adressé à la Commission européenne des observations appelant des réponses de sa part. Il y a quinze jours, nous avons d'ailleurs examiné déjà douze de ces réponses. Une treizième vient de nous parvenir. Nous allons en reparler dans un instant.

Au cours de notre dernière réunion, nous avons examiné les textes reçus jusqu'au 14 février. Aujourd'hui, nous allons donc examiner les textes que nous avons reçus entre le 14 février et le 20 mars, c'est-à-dire 61 textes. 58 de ces textes ne sont pas susceptibles d'appeler d'observations de notre part :

- pour 30 d'entre eux, parce qu'ils n'ont pas de portée normative ;

- pour 23, parce qu'ils ne soulèvent, par leur nature, aucun problème de subsidiarité ;

- enfin, pour 5 d'entre eux, parce qu'ils se situent à un stade tardif de la procédure d'adoption et n'apportent aucun élément nouveau important.

Il reste donc trois textes, qui concernent un seul et même sujet, la stratégie communautaire en matière de politique des consommateurs pour la période 2007-2013. Des cinq priorités dégagées par la Commission pour cette stratégie, il se dégage deux points principaux :

- l'un concerne les recours collectifs. C'est là un sujet important. Toutefois, la Commission évoque seulement aujourd'hui une consultation publique à venir sur une éventuelle mise en place de recours collectifs au niveau communautaire. À ce stade, il n'y a donc pas lieu de se prononcer au regard de la subsidiarité ou de la proportionnalité ;

- l'autre point a trait au degré d'harmonisation communautaire requis en matière de protection du consommateur.

Actuellement, la plupart des règles communautaires en vigueur en matière de protection du consommateur reposent sur le principe de l'harmonisation minimale. Cette règlementation minimale s'impose, mais les États membres conservent la possibilité d'appliquer des règles plus strictes, c'est-à-dire plus protectrices. Or, la Commission envisage de changer de logique. Elle veut maintenant privilégier l'harmonisation totale des règles de protection des consommateurs. Certes, la Commission précise qu'elle souhaite que cette harmonisation se fasse « à un niveau aussi élevé que nécessaire », mais nous savons bien que, pour obtenir un accord, cette harmonisation devra concilier des positions diverses sur le niveau de protection souhaitable.

Il est vrai que nous sommes actuellement en amont de la procédure législative et que la Commission n'a pas encore arrêté ses options définitives. Mais, d'ores et déjà, il me semble que nous pourrions faire savoir à la Commission que l'option consistant à privilégier a priori et de manière systématique une harmonisation totale ne laissant aucune marge de manoeuvre ultérieure aux États membres n'est manifestement pas compatible avec le principe de subsidiarité.

C'est au cas par cas qu'il faudra déterminer si l'option de l'harmonisation maximale est compatible avec le principe de subsidiarité. Par exemple, on peut penser que cette option respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité lorsque l'on traite du commerce en ligne. En revanche, cela paraît beaucoup moins évident lorsque l'on aborde la détermination des voies de recours.

Je vous propose donc de faire savoir à la Commission que l'idée d'une harmonisation totale systématique et a priori des règles de protection des consommateurs ne nous paraît pas compatible avec le principe de subsidiarité. Tel est le sens du projet d'observations qui vous est soumis.

M. Robert Bret :

Quelles sont les motivations qui conduisent la Commission européenne à privilégier l'option de l'harmonisation totale ?

M. Hubert Haenel :

La Commission fonde principalement sa proposition sur le développement du commerce en ligne qui justifie, selon elle, que la protection dont bénéficie le consommateur qui peut acheter directement dans n'importe quel pays de l'Union soit identique dans tous les pays de l'Union. Cette option répond aussi, semble-t-il, au souci de mieux garantir la libre circulation des marchandises et d'approfondir le marché intérieur. Avec une harmonisation minimale, comme c'est le plus souvent le cas actuellement, les réglementations peuvent différer selon les pays, ce qui entraîne des difficultés pour les entreprises productrices pour accéder aux différents marchés et pour les consommateurs pour connaître leurs droits. L'harmonisation totale permettrait évidemment de mettre fin à l'éclatement de la réglementation. Mais cela n'est pas une raison suffisante pour que l'on procède à une harmonisation totale. Rappelons, une fois de plus, que la Cour de justice a clairement décidé que, concernant les mesures d'harmonisation au service du marché intérieur, la subsidiarité devait être respectée et maintenue. De plus, dans l'hypothèse d'une harmonisation totale, et compte tenu de la diversité des régimes applicables, il est probable que le niveau de protection du consommateur soit fixé à un niveau intermédiaire, ce qui pourrait entraîner un recul pour certains pays.

Le projet d'observations est adopté.

- Communication de la Commission sur la stratégie communautaire en matière de politique des consommateurs pour la période 2007-2013 : « Responsabiliser le consommateur, améliorer son bien-être et le protéger efficacement » (COM (2007) 99 final) ;

- Document de travail des services de la Commission accompagnant cette communication - Résumé de l'analyse d'impact (SEC (2007) 322) ;

- Document de travail des services de la Commission accompagnant cette communication - Évaluation d'impact approfondie (SEC(2007) 323).

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat considère que l'option retenue par la Commission européenne de privilégier systématiquement et a priori une harmonisation totale des règles de protection des consommateurs n'est pas compatible avec le principe de subsidiarité.

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Nous avons reçu, la semaine dernière, une réponse de la Commission européenne aux observations que nous lui avons adressées le 8 décembre à propos de sa communication « Vers une utilisation plus efficace des incitations fiscales en faveur de la recherche et du développement ».

Nous avions demandé à la Commission de fournir une motivation au regard du principe de subsidiarité et de proportionnalité à propos de deux points : d'une part, « la définition commune des oeuvres d'utilité publique et l'harmonisation du traitement fiscal des fondations » ; d'autre part, « la définition commune des certificats attestant la capacité des entreprises à mener des activités de recherche-développement ».

La réponse que nous a adressée la Commission comporte d'abord un certain nombre de considérations générales qui sont assez caractéristiques de l'attitude de la Commission à l'égard de la subsidiarité et de la proportionnalité.

C'est ainsi que la Commission met en avant la constatation que « le paysage des fondations européennes se caractérise par un haut niveau d'hétérogénéité qui transparaît dans leur organisation, dans leur gestion administrative, dans leurs conditions de fonctionnement, dans leur statut juridique et leur traitement fiscal et dans la réglementation qui les régit ». C'est certainement vrai, mais je dois répéter, une fois encore, que ce n'est pas parce qu'il y a une hétérogénéité dans les États membres qu'il doit y avoir une intervention de l'Union européenne.

La Commission fait également valoir que les propositions qu'elle formule répondent à des suggestions d'un groupe de travail. Là encore, ce n'est pas parce que les représentants des organisations professionnelles ou des experts nationaux appellent à une réglementation européenne que cela démontre que celle-ci est nécessaire et que l'action des États membres est insuffisante.

Toutefois, après ces considérations générales, la Commission apporte des apaisements sur les points précis que nous avions soulevés. Elle souligne ainsi que, dans sa communication, elle « invite simplement les États membres à soutenir une stratégie commune en ce qui concerne le traitement fiscal des fondations et la définition des établissements d'utilité publique ». Elle fait valoir que « il n'est pas question d'harmonisation contraignante, mais d'une proposition de coordination du traitement fiscal des fondations. Les États membres resteraient libres de décider s'ils souhaitent ou non opter pour cette stratégie commune ».

En ce qui concerne les certificats instituant la capacité d'une entreprise à mener des activités de recherche-développement, la Commission souligne également que « la conclusion d'un projet d'accord est par nature volontaire » et qu'une telle mesure « permettrait d'assister les États membres qui le souhaitent à utiliser les certificats ».

Il me semble que ces explications sont de nature à répondre à nos interrogations et que nous pouvons prendre acte de la réponse de la Commission européenne.

Il est pris acte de la décision de la Commission.