RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : « LE RETOUR EN EUROPE »

Compte-rendu d'une mission effectuée à Prague

les 3 et 4 février 1997

par Philippe MARINI,

Président du Groupe Sénatorial France-République Tchèque,

sénateur de l'Oise,

Maire de Compiègne,

accompagné de Fabrice HUGOT,

Administrateur,

Secrétaire exécutif du Groupe.

COMPOSITION DU BUREAU DU GROUPE SÉNATORIAL FRANCE-RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

PRÉSIDENT Philippe MARINI (Groupe du Rassemblement pour la République), s énateur de l'Oise.

PREMIER

VICE-PRÉSIDENT Marcel VIDAL (Groupe Socialiste), s énateur de l'Hérault.

VICE-PRÉSIDENTS Bernard BARBIER (Groupe de l'Union des Républicains et Indépendants), s énateur de la Côte-d'Or.

Patrice GÉLARD (Groupe du Rassemblement pour la République), sénateur de la Seine-Maritime.

Georges MOULY (Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen), s énateur de la Corrèze.

Xavier de VILLEPIN (Groupe de l'Union Centriste), sénateur représentant les Français établis hors de France.

SECRÉTAIRES Nicolas ABOUT (Groupe de l'Union des Républicains et Indépendants), sénateur des Yvelines. Jean BESSON (Groupe Socialiste), s énateur de la Drôme.

Jacques DELONG (Groupe du Rassemblement pour la République), s énateur de la Haute-Marne.

André EGU (Groupe de l'Union Centriste), s énateur d'Ille-et-Vilaine.

Maurice LOMBARD (Groupe du Rassemblement pour la République), s énateur de la Côte-d'Or.

André MAMAN (sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe). sénateur représentant les Français établis hors de France.

Philippe NACHBAR (Groupe de l'Union des Républicains et Indépendants), sénateur de Meurthe-et-Moselle.

Secrétaire exécutif Fabrice HUGOT, Administrateur.

REMERCIEMENTS

Le Groupe Sénatorial France-République Tchèque tient à remercier très vivement :

Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat tchèque

Madame Jaroslava Moserova, vice-président du Sénat tchèque

Monsieur Jiri Pospisil, vice-président du groupe ODS au Sénat tchèque

Monsieur Frantisek Visek, président de la Commission des Affaires culturelles du Sénat tchèque

Monsieur Jaroslav Jurecka, président de la Commission des Affaires économiques du Sénat tchèque

Madame Libuse Benesova, président de la Commission de l'Aménagement du territoire, de l'Organisation territoriale et de l'Environnement du Sénat tchèque

Monsieur Ludek Zahradnicek, sénateur

Monsieur Ivan Kocarnik, ministre des Finances de la République tchèque

Monsieur Jiri Franc, secrétaire général de la Bourse de Prague

Monsieur Richard Salzmann, président-directeur général de la Komercni Banka, sénateur

L'Ambassade de la République tchèque à Paris

Le ministère des Affaires étrangères

Son Excellence Monsieur Benoit d'Aboville, Ambassadeur de France en République tchèque

Monsieur Bruno Rousselier, conseiller économique et commercial

Monsieur Pierre Lebovics, premier secrétaire

Monsieur Christian Martin (Ecotex)

Monsieur Jacques Bastien (Lyonnaise des Eaux)

Monsieur Jean-Baptiste Génin (Schneider)

Monsieur Gérard Hue (Ceska CNIM)

Monsieur Jacques Merlet (SGN)

Monsieur David Lafargue (Cabinet Gide Loyrette Nouel)

Monsieur Jean-Pierre Mouroux (Krebs/Chemoprojekt)

Monsieur Philippe Trichard (Total)

Monsieur Michaël Ballhausen (BNP/Dresdner Bank Praha)

Monsieur Claude Blanot (Société Générale Praha)

Madame Jitka Rybova (ministère du Commerce et de l'Industrie)

Monsieur Kamil Janacek (Komercni Banka)

Monsieur Jiri Kunert (Zivnostenska Banka)

Monsieur Heinrich Sittler (Crédit Lyonnais Bank Praha)

L'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE)

Le Centre Français du Commerce Extérieur (CFCE)

INTRODUCTION

Le Groupe Sénatorial France-République Tchèque a eu pour interlocuteur depuis 1990 le Groupe homologue tchèque dont il avait suscité la création à la Chambre des Députés. En effet, le Sénat tchèque, prévu par la Constitution du 16 décembre 1992, n'a été élu, après de nombreuses hésitations, qu'à l'automne 1996. C'est après cette date que le Groupe a jugé nécessaire un premier contact avec les sénateurs tchèques nouvellement élus afin que le premier groupe interparlementaire du Sénat tchèque fût le Groupe tchéco-français, comme ce fut le cas à la Chambre des Députés.

C'était le but de la mission des 3 et 4 février 1997. Auparavant, une délégation du Groupe s'était rendue en République tchèque en 1993 et le Groupe avait reçu son homologue de la Chambre des Députés en 1994. Aucune autre mission officielle n'avait eu lieu ensuite, mais chaque fois que cela fut possible, le Président du Groupe s'est rendu à titre personnel à Prague pour maintenir les contacts nécessaires à de bonnes relations bilatérales et surtout pour défendre l'idée très controversée qu'un Sénat était souhaitable en République tchèque.

Il convient de rendre hommage à l'action persévérante menée à ce sujet par notre regretté collègue, Gérard Gaud, auquel le Groupe renouvelle toute sa reconnaissance.

Sans leur donner un caractère officiel qui n'aurait pas été d'à-propos au moment où nos amis Tchèques consacraient toute leur énergie à la transformation de leur pays plutôt qu'au protocole, ces visites courtes, ciblées et informelles ont porté des fruits dont nous profitons aujourd'hui. En effet, le Sénat français est apparu comme une institution particulièrement dynamique et comme un allié sûr dans la bataille de Bruxelles. De plus, le Sénat français a très tôt été considéré comme le meilleur modèle possible pour la Haute Chambre tchèque. La brochure de présentation du Sénat français traduite en tchèque et largement distribuée a rencontré un vif intérêt dans la classe politique tchèque.

De plus, l'auteur de ce rapport a accompagné à Prague, en janvier 1997, le ministre des Affaires étrangères, Monsieur Hervé de Charette, et il a participé, à cette occasion, à plusieurs entretiens avec les dirigeants tchèques et les représentants des milieux économiques.

Outre ce dossier de politique intérieure touchant l'organisation de l'État, le Groupe Sénatorial France-République Tchèque s'est intéressé à celui de l'intégration euro-atlantique de la République tchèque et il s'est fait l'avocat de la candidature tchèque dans les instances internationales et plus particulièrement dans l'OTAN et l'Union européenne.

Lors de cette mission, il a pu mesurer les impressionnants progrès accomplis par la République tchèque dans le domaine économique et politique. Il apparaît en effet que ce pays s'est résolument tourné vers l'Europe et qu'il l'a fait discrètement et naturellement parce qu'il s'agissait pour lui de renouer avec une ancienne tradition interrompue par le totalitarisme communiste. Pour la République tchèque, il s'est agi dès le départ d'un retour en Europe et cette mission a permis de se rendre compte sur place que le pays s'était donné, en moins de sept ans, tous les moyens d'une intégration euro-atlantique : des institutions démocratiques, une économie libérale et un commerce réorienté vers l'Ouest.

Le Groupe Sénatorial France-République Tchèque a souhaité établir maintenant le bilan de ces années extraordinaires afin de rappeler que la République tchèque est sans doute aujourd'hui, parmi tous les candidats à l'Union européenne et à l'OTAN, l'un des meilleurs. Á ce bilan, il a été ajouté un chapitre sur un aspect qui a toujours été une priorité d'étude et d'action pour le Groupe : la diffusion de la langue et de la culture françaises, persuadés que nous sommes que c'est par le retour à une vraie francophonie que la France retrouvera en République tchèque la place privilégiée qu'elle occupait avant 1948.

Au moment même où le Président de la République se rend en visite d'État à Prague, après une série de déplacements dans les capitales des anciennes démocraties populaires d'Europe Centrale et Orientale, il nous a semblé important de rappeler que, parmi tous ces pays, la République tchèque est au tout premier rang de ceux avec lesquels s'engageront dès l'an prochain les négociations en vue de l'élargissement de l'Union européenne.

CHAPITRE I - LES PAYS DE LA COURONNE DE BOHÊME, PÉRENNITÉ D'UN ROYAUME ET D'UNE RÉGION

A.- RÉALITÉS GÉOGRAPHIQUES ET TRADITIONS ÉCONOMIQUES

La République tchèque est un pays de 78.664 km2 enclavé en Europe Centrale entre l'Allemagne, la Pologne, la Slovaquie et l'Autriche et un coup d'oeil sur la carte de l'Europe permet de constater aussitôt que la République Tchèque est exactement au coeur de l'Europe et que Prague, sa capitale, est presqu'au coeur de la nouvelle République. C'est un peu ce que le nom nouveau de République tchèque fait oublier, car sous ce nom récent se cache une réalité ancienne dont l'unité historique est encore plus grande que l'unité géographique. En effet, ce nouvel État regroupe en fait les pays de la Couronne de Bohême et il retrouve les 2310 km de frontières d'une très ancienne région : la Bohême à l'Ouest et au Centre, la Moravie à l'Est et une partie de la Silésie dans le Nord-Est, réunies autrefois sous la seule couronne de Saint Wenceslas.

La Bohême a la forme d'un quadrilatère qui domine les pays voisins, mais dont l'intérieur a été défoncé par des mouvements tectoniques et par l'Elbe supérieur et ses affluents. Elle est bordée de hauteurs granitiques : les Krusne Hory (monts métallifères) au Nord-Ouest (1214 mètres) dont le versant allemand se nomme Erzgebirge, les Cesky Les (Forêts de Bohême) au Sud-Ouest qui se prolongent par la célèbre Sumava (1370 mètres), « noire et vaste forêt de sapins qui sert de portique à la Bohême » selon Châteaubriand, les rudes collines de Moravie (935 mètres) au Sud-Est et les Krkonose (Monts des Géants - point culminant : 1.602 mètres) au Nord-Est.

La cuvette de Bohême se partage elle-même en deux entités : d'une part, les plateaux pauvres du Sud et de l'autre, les plaines et les bassins du Nord et du Centre, plus riches. Au Sud, l'altitude est plus élevée (500 mètres) et le sol hercynien affleure, ce qui explique les cultures de seigle et d'orge. Les bassins sont peu enfoncés : le bassin de Cesky Budejovice parcouru par la Vltava (que nous connaissons sous le nom allemand de Moldau et qui coule à Prague) où se trouvent les mines de graphite de Cesky Krumlov, et le bassin de Trebon. Les terres y sont fertiles et humides et les étangs, nombreux, permettent la pisciculture.

Dans la Bohême centrale, entre la Sumava et Prague, s'étirent les crêtes appalachiennes des Monts Brdy dont la vocation est forestière et militaire. Tout près sont les mines d'uranium de Pribram. Au Nord on trouve le bassin de Plzen (ou Pilsen, ville célèbre pour sa bière et son glorieux passé industriel).

Enfin, au coeur de la Bohême, dans un très vieux carrefour de routes, se trouve Prague. Sa région industrielle comprend le bassin houiller de Kladno. Á l'Est de Prague, la ville principale est Hradec Kralove (industries mécaniques) et plus à l'Est encore Trutnov (gisements de houille, industries mécaniques).

La grande région agricole occupe le centre, c'est-à-dire la plaine de l'Elbe. Les Monts métallifères, qui firent la richesse de la Bohême au temps de Charles IV et de son fameux « groschen d'argent », recèlent également de l'uranium et, sur leur bordure, de la lignite (Most, Sokolov). C'est une région industrielle (centrales thermiques, métallurgie, cristalleries, verreries). Dans cette même région, au Nord-Ouest, le pays est riche en eaux thermales et les noms de Karlovy Vary et Marianske Lazne (respectivement Karlsbad et Marienbad en allemand) sont célèbres bien au-delà des frontières tchèques.

La Moravie est prise entre la Bohême et la Slovaquie. C'est un couloir axé au Nord sur la vallée de l'Oder et au Sud sur celle de la Morava, vallées séparées par la Porte de Moravie. Il s'agit d'un fossé d'effondrement rempli de sédiments. La Moravie se présente comme une suite de bassins. Á l'Ouest se trouvent les bassins de Brno et d'Olomouc où dominent des cultures de betteraves à sucre et de plantes fourragères liées à un élevage prospère. On cultive également le blé, le houblon et les arbres fruitiers. Au centre, le bassin d'Uherske Hradiste se concentre sur la culture du blé, comme le fait, au Nord, la vallée supérieure de l'Oder. L'industrie s'est développée dans les bassins sur les gisements houillers d'Ostrava (sidérurgie, construction de machines et d'automobiles, chimie, cellulose, papier) et à Brno (textile, mécanique, électronique, bois). Le Sud possède des gisements de pétrole, de gaz et de lignite. Non loin de Brno, sur un immense plateau, se trouve le champ de bataille d'Austerlitz, connu en tchèque sous le nom de Slavkov.

Pour récapituler et avoir une vue d'ensemble de l'aspect général du pays, il convient de garder en mémoire qu'en République tchèque, on dénombre 26.290 km2 de forêts, soit 33 % de la superficie totale et 42.800 km2 de terres agricoles, soit 54 % de cette même superficie. Les principaux cours d'eau déjà cités qui naissent tous en territoire tchèque sont l'Elbe (Labe en tchèque) long de 364 km, la Moldau qui se jette dans l'Elbe au Nord de Prague et qui a inspiré le célèbre poème synphonique de Smetana, la Morava long de 358 km qui rejoint le Danube en Autriche et l'Oder (Odra en tchèque) qui s'écoule sur 125 km. Enfin, les principales villes sont Prague (1.217.000 habitants), Brno (390.000), Ostrava (326.000), Plzen (172.000), Olomouc (105.000), Liberec (101.000) et Hradec Kralove (101.000).

Nous sommes dans une région chargée d'histoire qui aspire depuis des siècles à retrouver son indépendance. Même si elle partage beaucoup de traits géographiques et architecturaux avec la Bavière, l'Autriche, la Silésie polonaise et la Slovaquie, il y règne une atmosphère différente où la germanité se tempère d'un fond slave et où la sentimentalité slave n'exclut pas dynamisme et efficacité.

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