Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 6 - 28 mars 1996

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CÔTE D'IVOIRE :

LE RENOUVEAU

ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

MM. Jacques LEGENDRE, Jean FAURE, François TRUCY et Yann

GAILLARD,

Sénateurs.

Compte rendu d'une mission effectuée en Côte d'Ivoire du 28 février au 3 mars 1996 par une délégation du groupe sénatorial France -pays d'Afrique de l'Ouest.

INTRODUCTION

Après le Burkina-Faso et la Guinée en 1995, le groupe d'amitié France - pays d'Afrique de l'Ouest a décidé d'organiser une mission en Côte d'Ivoire et au Ghana.

Les liens entre la Côte d'Ivoire et le Sénat sont déjà anciens. Une délégation du groupe d'amitié s'était déjà rendue en Côte d'Ivoire, lors d'une mission effectuée dans ce pays et au Togo, du 5 au 16 février 1990. Une délégation de la commission des Affaires étrangères s'était également rendue dans ce pays -et au Cameroun- en février 1993.

Par ailleurs, M. Henri KONAN BÉDIÉ s'était rendu au Sénat, le 12 juillet 1994, et M. Charles de CUTTOLI, alors président du groupe d'amitié, avait assisté à l'entretien que M. le Président du Sénat lui avait accordé et avait présidé, en l'absence du Président du Sénat, empêché, le déjeuner offert en l'honneur du chef de l'État ivoirien.

Une Délégation du groupe d'amitié, composée de :

M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) du Nord, président du groupe d'amitié.

M. Jean FAURE, sénateur (UC) de l'Isère, Vice-Président du Sénat,

M. Yann GAILLARD, sénateur (app. RPR) de l'Aube,

M. François TRUCY, sénateur (RI) du Var,

s'est donc rendue en Côte d'Ivoire du 24 au 29 février, puis au Ghana, du 29 février au 3 mars 1996.

Elle était accompagnée par M. Bernard RULLIER, administrateur du Sénat, commission des Finances, secrétaire exécutif du groupe sénatorial.

M. Georges OTHILY, sénateur (RDSE) de Guyane qui avait prévu de se joindre à la mission y a renoncé et M. Marc MASSION, sénateur (Soc.) de Seine-Maritime a été empêché, pour raison de santé, d'effectuer le déplacement.

Aujourd'hui, le paysage politique de la Côté d'Ivoire a changé. La transition politique entre le Président HOUPHOUËT-BOIGNY, décédé le 7 décembre 1993, et le Président Konan BÉDIÉ, récemment réélu à la tête de l'État, est maintenant réalisée. C'est pour mieux apprécier les conditions nouvelles de la vie politique ivoirienne que cette mission a été décidée. En

outre, la Côte d'Ivoire est confrontée à de redoutables problèmes économiques. Cette mission a permis à la Délégation du groupe d'amitié d'en prendre l'exacte mesure.

Pour la première fois, et à l'initiative de M. Jacques LEGENDRE, président, le déplacement de la Délégation du groupe d'amitié ne s'est pas limité à un État francophone mais a englobé un État à la fois proche, car frontalier, et relativement éloigné, car anglophone : le Ghana.

La Délégation s'est donc rendue d'Abidjan à Accra, par la route, le 29 février 1996.

Le Ghana est un État mal connu en France.

Pourtant, le chef de l'État, M. RAWLINGS, s'est rendu en France en 1991. La France est le deuxième partenaire commercial de ce pays. La démocratie doit y faire son chemin. L'opposition n'est pas représentée au Parlement ; des élections législatives sont prévues en octobre 1996. Là encore, la mission de la Délégation a permis de mesurer le fort désir d'intégration régional du Ghana, entouré de pays francophones, et l'intérêt que la France suscite dans ce pays.

Le compte rendu de cette mission figure dans un autre document d'information.

Cette mission n'aurait pu se dérouler sans le concours actif et précieux de l'Ambassade de France en Côte d'Ivoire. La Délégation tient à remercier tout particulièrement S.E. l'Ambassadeur de France, M. Christian DUTHEIL DE LA ROCHERE et ses collaborateurs MM. DECHERF et FARCO pour l'aide qu'ils ont apportée à cette mission.

I. LES MUTATIONS INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES DE LA CÔTE D'IVOIRE

A. UN PROCESSUS ÉLECTORAL CONTESTÉ

1. La Côte d'Ivoire a connu un processus électoral important

En effet, l'élection présidentielle du 22 octobre 1995 a été suivie d'élections législatives en novembre 1995 et d'élections municipales de février 1996.

Rappelons au préalable que la Constitution ivoirienne du 16 octobre 1960 institue un régime présidentiel :

- le président de la République est à la fois chef de l'État et du gouvernement. Il nomme le Premier ministre et sur proposition de celui-ci, les autres ministres. Ceux-ci ne sont responsables que devant lui. Dans la pratique, il préside également le parti le plus important. Le Gouvernement nomme les 120 membres du Conseil économique et social, comité législatif consultatif.

- le pouvoir législatif appartient à l'Assemblée nationale, chambre unique composée de 175 membres élus au suffrage universel direct avec un scrutin majoritaire à un tour. Depuis la réforme constitutionnelle du 7 novembre 1995, son président assure l'intérim de la présidence de la République.

Conformément à cette disposition, le Président de l'Assemblée nationale, M. Henri KONAN BÉDIÉ, est devenu Président de la République à la suite du décès du Président Félix HOUPHOUET-BOIGNY, survenu le 7 décembre 1993.

Le 22 octobre 1995 a eu lieu la première élection présidentielle sans le « Père de la Nation ivoirienne ». L'opposition, principalement le Front Populaire Ivoirien, FPI, de M. Laurent GBAGBO, et le Rassemblement des Républicains, RDR, de M. Djeny KOBINA, rassemblés dans un Front Républicain, a contesté les dispositions du nouveau code électoral, et décidé de boycotter le scrutin. M. Henri KONAN BEDIE l'a toutefois emporté largement sur son unique concurrent du Parti Ivoirien des Travailleurs, PIT, M. Francis WODIÉ (96 % des votants contre 4 %).

Cette situation a été largement évoquée par les personnalités politiques avec lesquelles la délégation a eu des entretiens.

2. Ces élections ont été contestées par l'opposition

Afin de compléter son tour d'horizon, la Délégation a eu des entretiens avec les deux partis de l'opposition.

La Délégation a tout d'abord eu, le 26 février 1996, un entretien avec MM. Djeny KOBINA, secrétaire général du Rassemblement démocratique républicain (RDR), Adama COULIBALY, secrétaire général adjoint du RDR et président du groupe parlementaire, Mamadou Ben SOUMAHORO et Hyacinthe LEROUX, députés.

Après avoir rappelé que le RDR, issu d'une scission du PDCI-RDA, avait été fondé en 1994, qu'il était politiquement proche de l'ancien Premier ministre M. OUATTARA, disposait de 14 députés et gérait 20 communes, M. KOBINA a indiqué que l'existence de son parti permettait d'éviter un face à face entre le PDCI-RDA et le FPI et qu'il représentait une "voie moyenne" entre ces deux partis.

Regrettant que la fraude ait entaché les dernières élections, malgré la présence d'observateurs internationaux et l'existence de garanties techniques qui auraient dû assurer la loyauté du processus électoral, il a estimé que si des élections s'étaient déroulées dans des conditions de parfaite transparence, le RDR aurait disposé de davantage de députés.

II a souhaité que les règles du jeu électoral soient, à l'avenir, acceptées par la majorité comme par l'opposition.

S'agissant de l'élection présidentielle, il a rappelé que la refonte du code électoral, en 1994, avait été en apparence inspirée par le souci « d'ivoiriser » la vie politique nationale mais avait en réalité visé à éliminer l'ancien Premier ministre, M. OUATTARA, de la compétition électorale. M. KOBINA a indiqué que, selon les dispositions du nouveau code électoral, il ne pouvait désormais se présenter aux élections législatives, alors même qu'il avait été un ministre du gouvernement ivoirien. Il a qualifié cette évolution de nationaliste et l'a jugé dangereuse.

Il a par ailleurs démenti que le basculement du Nord du pays dans l'opposition ait été inspiré par des critères religieux ou ethniques et a estimé que ce ralliement à M. OUATTARA exprimait une fidélité politique à sa personne. Il a rappelé l'oeuvre accomplie par ce dernier au gouvernement qui a préparé la Côte d'Ivoire à la dévaluation de janvier 1994.

Se déclarant enfin inquiet d'un projet de loi sur la presse qui risquerait, selon lui, de la museler, M. KOBINA a estimé que la France avait un devoir moral d'aider à la transition démocratique et de veiller à ce que l'opposition puisse s'exprimer en Côte d'Ivoire.

Interrogé par M. Yann GAILLARD sur le programme du RDR, M. KOBINA a indiqué que ce parti partageait les conceptions économiques du PDCI-RDA mais souhaitait davantage de rigueur dans la gestion de l'économie, et une lutte accrue contre la corruption. Il a estimé que les efforts d'ajustements consécutifs à la dévaluation avaient été supportés par le peuple et que celui-ci comprenait mal que le train de vie de l'État n'ait pas été réduit.

Á une question de M. Jacques LEGENDRE qui s'étonnait que malgré la présence d'observateurs internationaux, des fraudes aient été possibles lors des récentes élections, M. KOBINA a indiqué que les listings électoraux avaient changé entre les élections législatives et municipales. Il a par ailleurs rappelé que si son parti avait pu financer la campagne des élections législatives, à raison d'un million de francs CFA par candidat, soit un million de francs français pour les 100 candidats que le RDR a présentés, il n'avait pu faute de ressources aider les listes se réclamant de son parti pour les élections municipales. Il a estimé que les moyens financiers du PDCI-RDA étaient en revanche considérables. Il a regretté l'absence d'une réglementation sur le financement de la vie politique.

M. Ben SOUMAHORO a ajouté que la majorité écrasante du PDCI-RDA au Parlement ne correspondait pas à la réalité politique de la Côte d'Ivoire. Il a fait part de son sentiment sur ce sujet au Gouvernement français. Il a craint que la sous-représentation de l'opposition ne conduise à des manifestations de rue et a douté du caractère pratiquable de l'alternance démocratique en Côte d'Ivoire. Il a enfin réclamé la constitution d'une commission nationale indépendante, à l'instar du Togo, du Tchad ou du Burkina-Faso, déniant au ministre de l'Intérieur, qu'il a jugé partisan, toute légitimité pour conduire le processus électoral.

M. Christian DUTHEIL DE LA ROCHERE. Ambassadeur de France, a alors rappelé deux spécificités de la politique ivoirienne. Il s'agit, d'une part, du scrutin uninominal à un tour, qui favorise le parti dominant. Il a noté que l'opposition s'était présentée divisée aux élections législatives. D'autre part, il a rappelé que le Président de l'Assemblée nationale achevant le mandat du Président de la République, un contexte particulier devait intervenir pour que l'alternance survienne. Il a enfin indiqué que les observateurs internationaux, présents à l'initiative de MM. PASQUA et MESSMER n'avaient pas émis de remarques tendant à accréditer l'idée de fraudes massives.

En conclusion de cet entretien, Ben SOUMAHORO a souhaité que la France intervienne en faveur de la libération des journalistes emprisonnés suite à leurs écrits ou aux propos qu'ils ont tenus pendant la campagne présidentielle.

Au cours d'un second entretien, le 27 février 1996, la Délégation a reçu MM. BAGBO, secrétaire général du Front Populaire Ivoirien, Emile Boga DOUDOU, président du groupe parlementaire FPI, Charles Yaro GUIPIÉ et Jacob Koutouan TCHIMOU, députés.

Á titre liminaire, M. DOUDOU a justifié le boycott de l'élection présidentielle en raison, d'une part, du caractère incomplet des listes électorales et, d'autre part, de l'intervention active des préfets dans la campagne électorale. Il a estimé qu'en conséquence du mauvais déroulement de ces élections, le PDCI-RDA ne pourrait gouverner tranquillement dans les cinq ans à venir. Il a rappelé que l'actuel chef de l'État ne disposait pas de la légitimité historique de M. HOUPHOUET-BOIGNY et que le déroulement du scrutin présidentiel avait compromis sa légitimité électorale, alors même qu'un consensus politique large et fort était nécessaire pour que la Côte d'Ivoire puisse s'engager sur la voie d'une réelle démocratisation. Il a par ailleurs vivement contesté le comportement partisan, à l'occasion du processus électoral, du gouvernement, et en particulier du ministère de l'Intérieur, et de l'administration.

Interrogé par M. Yann GAILLARD sur le contenu du programme du FPI, M. BAGBO a indiqué que son parti souhaitait créer les conditions d'une autre économie, fondée sur l'amélioration des infrastructures et l'organisation de la décentralisation. Il a contesté l'actuelle politique économique, laquelle se résume, selon lui, à la recherche effrénée d'un fort taux de croissance du PIB. Il convient de relativiser cette croissance, car elle dépend des variations des cours des matières premières, qui demeurent erratiques. Il est nécessaire de créer une industrie de transformation de ces matières premières, afin de maîtriser davantage la formation de leur prix, et de diminuer corrélativement les exportations de produits non transformés.

A une demande de précision de M. Jacques LEGENDRE sur le programme du FPI en matière institutionnelle, M. BAGBO a indiqué que le FPI s'attacherait à renforcer l'indépendance de la magistrature. Il a considéré, à cet égard, que le projet de loi en discussion au Parlement renforçait l'emprise du gouvernement sur la justice, par l'intermédiaire de la subordination du siège au parquet. Il a par ailleurs regretté le manque de sécurité juridique, préjudiciable au développement des affaires.

M. BAGBO s'est déclaré favorable à la transformation du Conseil économique et social en Sénat, mais opposé à la nomination de sénateurs par le chef de l'État. Il a estimé qu'ils devaient demeurer des élus, soit des collectivités locales, soit des corps socio-professionnels. Il s'est prononcé pour la régionalisation, avec la création d'assemblées élues au suffrage universel, jugeant insuffisante la déconcentration opérée par le gouvernement. Dotées d'un budget équivalent à 20 millions de francs CFA par an, les régions seraient compétentes pour assurer le développement des infrastructures, eau, téléphone, électricité. Leurs dépenses seraient principalement affectées aux investissements, comme le creusement et l'entretien de puits ou de machines agricoles. Il a considéré, sur ce point, prioritaire la mécanisation de l'agriculture ivoirienne.

En conclusion, il a rappelé à la Délégation que le code électoral avait empêché le FPI de développer son programme devant les électeurs et qu'il n'y avait pu avoir de débat démocratique sur les programmes des différents partis. Il a jugé que les partis politiques de Côte d'Ivoire étaient encore à discuter des règles du jeu politique.

La modification de la loi électorale résulte du poids de la population étrangère en Côte d'Ivoire.

La population immigrée est très importante en Côte d'Ivoire. Elle s'élèverait à 4.3 millions de personnes, soit plus de 30 % de la population totale, et croîtrait de 0,7 % par an. Elle joue un grand rôle dans le développement économique du pays. En revanche, la présence de 200 000 réfugiés libériens sur le territoire ivoirien accentue les difficultés socio-économiques. Après les travailleurs burkinabés (51 %), maliens (23,4 %), guinéens (7,4 %) et ghanéens (5,5 %) qui occupent des emplois dans les plantations et les industries, la communauté la plus nombreuse est celle des Libano-Syriens qui sont particulièrement influents dans le commerce. Viennent ensuite les Français qui sont pour la majorité des expatriés (environ 18 000 personnes).

Ainsi, 56 % des habitants d'Abidjan seraient des étrangers. Plusieurs cas d'émeutes xénophobes (et notamment anti-ghanéennes) ont été signalés.

Cette modification, réclamée depuis longtemps par l'opposition qui soupçonnait le PDCI-RDA d'exercer des pressions sur les communautés étrangères afin d'obtenir leurs suffrages, s'est retournée contre ses instigateurs.

Elle a, en effet, conduit à éliminer l'ancien Premier ministre, M. Alassane OUATTARA, de la compétition électorale, ce dernier n'ayant pas prouvé son « ivoirité ».

M. OUATTARA est aujourd'hui directeur adjoint au FMI.

B. LES PROJETS DE RÉFORME INSTITUTIONNELLE PRÉVOIENT LA CRÉATION D'UN SÉNAT

Le Parlement ivoirien est monocaméral. La Délégation a été reçue par le Président de l'Assemblé nationale, M. Charles DONWAHI, le lundi 26 février 1996. Ce dernier occupe, en vertu de la Constitution, la place de "dauphin" du chef de l'État ; si celui-ci décède ou est empêché d'exercer, c'est le Président de l'Assemblée nationale qui lui succède. Ce fut le scénario de la succession du Président HOUPHOUET-BOIGNY, en 1993.

Dans l'entretien qu'il a accordé à la Délégation, après avoir brossé un rapide portrait des institutions ivoiriennes, M. DONWAHI a souligné la stabilité du nombre de députés à l'Assemblée nationale ivoirienne, qui comprend actuellement 175 membres, malgré l'augmentation de la population. Il a indiqué que le prochain renouvellement conduirait toutefois à une augmentation de la représentation parlementaire. Il a par ailleurs jugé que l'Assemblée nationale, dans le cadre de laquelle s'exerçait le multipartisme, permettait l'apprentissage du dialogue entre la majorité et l'opposition, malgré la faiblesse de cette dernière.

Á côté de l'Assemblée nationale, les institutions ivoiriennes comprennent un Conseil économique et social. Son Président, M. Philippe YACÉ a reçu la Délégation, le lundi 26 février 1996, puis a offert un dîner en l'honneur des sénateurs français, dans son domicile privé, en présence de nombreux Conseillers.

Après avoir évoqué sa carrière dans l'Armée française, sa participation aux combats de la Libération, son rôle politique au sein du RDA dans les années cinquante et son mandat de sénateur de la Communauté en 1959-1960 qui l'a amené à siéger au Palais du Luxembourg, M. YACÉ a décrit le fonctionnement du Conseil économique et social, assemblée consultative.

Il a précisé les projets du chef de l'État de transformer cette institution en Sénat. Au cours de la convention nationale du PDCI-RDA, M. BÉDIÉ a en effet annoncé, le 26 août 1995, corrélativement à la régionalisation, le remplacement du Conseil économique et social qui participera, avec l'Assemblé nationale, à l'élaboration et au vote des lois.

Dans ce discours, le chef de l'État a notamment indiqué que "ce Sénat sera une assemblée mixte composée, d'une part, de représentants élus des collectivités secondaires, d'autre part, de représentants désignés des autorités civiles, des notables traditionnels, des jeunes et des femmes et de l'ensemble des forces vives, économiques et culturelles du pays".

M. YACÉ a confirmé que le mode de recrutement de cette assemblée serait, pour un tiers, de personnalités nommées par le Président de la République, pour un tiers de socio-professionnels, mais dont le mode de désignation n'était pas encore défini, pour un tiers de représentants des élus locaux. Il a indiqué que le mandat serait de neuf ans, renouvelable par tiers tous les trois ans.

Afin de marquer la continuité entre les deux assemblées, le Sénat serait installé dans les locaux du Conseil économique et social.

II. L'AMBITION ÉCONOMIQUE DE LA CÔTE D'IVOIRE : DEVENIR UN DES "ÉLÉPHANTS" DE L'AFRIQUE

A. LA CÔTE D'IVOIRE EST UNE PUISSANCE ÉCONOMIQUE RÉGIONALE

La Côte d'Ivoire est la première puissance économique d'Afrique de l'Ouest. Son PIB était en 1993 de 2 681,5 milliards de francs CFA, soit 26,8 milliards de francs RF, c'est-à-dire 0,4 % du PIB français mais 60 % de celui de la zone. La croissance rapide dans les années 70 (de 5 à 6 % par an) s'est considérablement ralentie après 1980 et décroît constamment depuis 1986.

Le secteur primaire n'est plus hégémonique.

Il s'élevait, en 1994, à 27,7 % du PIB dont 8,6 % pour l'agriculture d'exportation.

L'économie ivoirienne est relativement diversifiée, les « produits vedette » (cacao et café) ne représentent plus que 30 % des exportations et le secteur industriel a un poids conséquent.

Toutefois, près des trois quarts du PIB sont constitués du secteur non échangeable (ou non marchand) qui comprend notamment l'agriculture vivrière.

Au cours des visites qu'elle a effectuées dans les plantations d'ananas du groupe Rivaud à Ono et dans les plantations de palmiers de la société nationale PALMINDUSTRIE, la Délégation a eu l'occasion de mesurer l'importance de ces productions pour l'économie ivoirienne, pour l'exportation comme pour l'économie villageoise.

En se rendant sur les lieux de ces activités agricoles, la Délégation a par ailleurs pu se rendre compte des effets de la déforestation, la forêt primaire - qui est visible dans un parc naturel au nord d'Abidjan - ayant pratiquement disparu du sud du pays.

L'exploitation sylvicole s'est effondrée du fait de l'ampleur du phénomène de déforestation. Au début du siècle, la Côte d'Ivoire comptait 15.6 millions d'hectares de forêts, il n'en reste aujourd'hui plus que 2.9 millions. Cette disparition résulte de la conjugaison de deux facteurs : d'une part l'activité des exploitants forestiers (5 millions de m3 consommés annuellement au début des années 80), mais surtout d'autre part, le défrichage effectué par les paysans, qui concernerait 15 millions de m3 chaque année.

La forêt disparaît selon un rythme d'environ 300 000 hectares par an, alors que le reboisement effectué sous l'égide de la SODEFOR (Société de développement des sociétés forestières) se limite à 4 000 hectares par an.

Cette situation est vivement préoccupante car le bois constitue le troisième poste des exportations ivoiriennes.

Le manque de compétitivité du secteur à l'échelle internationale (un m3 de bois ivoirien coûte 120 $ pour 20 $ en Asie) a conduit à privilégier la transformation locale ; 70 usines existent maintenant qui emploient 15 000 personnes et réalisent un chiffre d'affaires de 100 milliards de francs CFA.

En outre, nul ne peut mesurer les conséquences à long terme d'un tel bouleversement de l'équilibre écologique de cette région.

B. LA CÔTE D'IVOIRE AFFICHE DE FORTES AMBITIONS ÉCONOMIQUES

1. Une ambition : devenir un "éléphant économique" en Afrique

Ces ambitions ont été largement évoquées par le Premier ministre, M. Daniel Kablan DUNCAN qui a longuement reçu la Délégation, le 27 février 1996.

Le Premier ministre a tout d'abord relevé que le soutien et l'appui de la France à la Côte d'Ivoire tranchaient singulièrement avec le désintérêt croissant manifesté par d'autres pays envers l'Afrique.

Rappelant que son pays avait connu une période de croissance forte, de 1960 à 1980, avec un taux de progression du PIB de 5 % l'an en moyenne, il a indiqué que, depuis cette date, la baisse des cours des matières premières et les chocs pétroliers avaient profondément altéré l'économie ivoirienne. Une courte accalmie en 1985-1986 a été suivie d'une rechute en 1988-1989, la récession ayant toutefois culminé en 1989-1990. M. DUNCAN a rappelé qu'il avait été ministre de l'économie dans le Gouvernement de M. Alassane OUATTARA et qu'il avait, à ce titre, contribué au redressement économique ivoirien du début des années quatre-vingt dix, caractérisé par un plan quinquennal de redressement, de 1991 à 1995, qui a permis d'atteindre l'équilibre des finances publiques dès 1992 et la résorption du déficit primaire en 1993.

Évoquant la dévaluation du franc CFA, il a indiqué qu'il avait fallu convaincre les treize autres pays intéressés de la zone franc et a estimé que cette dévaluation avait permis à l'économie ivoirienne de rebondir.

Sur ce point, M. Jacques LEGENDRE a rappelé qu'à l'initiative du groupe d'amitié, et des deux autres groupes d'amitié sénatoriaux avec des pays africains, le Sénat avait organisé, le 18 octobre 1995, un colloque intitulé "Afrique francophone : les conditions d'un nouveau départ".

M. DUNCAN a précisé que depuis la dévaluation, les finances publiques étaient excédentaires, que le taux de croissance avait atteint 1,2 % en 1994, qu'il serait proche de 6 % en 1996 et qu'il espérait atteindre une croissance supérieure à 10 % dès 1998.

Il a rappelé que la politique économique ivoirienne se fondait sur trois piliers : le libéralisme, la déréglementation -des prix et du commerce extérieur notamment-, la codification et les réformes juridiques, afin de créer un climat favorable aux investissements. Déclinant ces principes, il a indiqué que la Côte d'Ivoire lançait, à l'initiative du chef de l'État, douze grands travaux, sous la forme de concessions au secteur privé (autoroutes, centrale thermique), et qu'elle poursuivrait sa politique de privatisation. Il a précisé que sur 65 sociétés dont la privatisation était envisagée, 25 l'avaient effectivement été.

Á une question de M. François TRUCY sur la situation sanitaire de la Côte d'Ivoire, le Premier ministre a précisé que son gouvernement refusait de faire porter le poids de l'ajustement structurel sur la santé et l'éducation. Il a évoqué l'aide que la France apportait à la création et au fonctionnement d'hôpitaux périurbains, de CHU et de CHR. Le gouvernement ivoirien favorise par ailleurs l'utilisation de produits génériques et a relancé la politique de prévention et des campagnes de vaccination, le taux de vaccination de la population ayant été divisé par deux en quelques années, passant de 80 à 45 %. Il a considéré que le taux de 80 % pourrait être de nouveau atteint dès 1997. Abordant la pandémie de SIDA, avec 18 000 cas officiellement recensés, il a décrit les actions de prévention menées dans les écoles et sur les lieux de travail, et a indiqué que la Fondation Montagne serait inaugurée à Abidjan en avril 1996. S'agissant du paludisme, il a évoqué la coopération avec la Colombie dans la lutte contre ce fléau.

M. Yann GAILLARD ayant souhaité des précisions sur la politique de privatisation, le Premier ministre a rappelé les facteurs qui avaient conduit à mener une telle politique : faiblesse de l'épargne intérieure, nombreuses créations de structures parapubliques, toutes lourdement déficitaires, alors que les sociétés dans lesquelles le secteur privé conserve une part minoritaire l'étaient à un moindre niveau. Indiquant que l'électricité avait été privatisée dès 1990-1991, il a annoncé que les prochaines privatisations concerneraient notamment l'eau, les télécommunications, la société PALMINDUSTRIE, la gestion de l'Hôtel Ivoire. Il a souligné l'attrait des investisseurs étrangers pour la Côte d'Ivoire, les investissements ayant progressé de 30 milliards de francs CFA en 1994 à 200 milliards en 1995. Il a relevé que les acteurs économiques étrangers se diversifiaient, avec l'arrivée de pays d'Amérique latine ou d'Asie.

Évoquant la visite de la Délégation à PALMINDUSTRIE, M. Jacques LEGENDRE a souhaité connaître le sort des écoles et dispensaires créés par la société publique une fois celle-ci privatisée. Le Premier ministre a indiqué que l'État assumerait ses obligations, sauf si le repreneur souhaitait s'en occuper directement, et que cette question ferait l'objet de négociations sur l'accompagnement social des privatisations. Sur ce point, il a précisé que l'articulation entre les plantations de PALMINDUSTRIE et les plantations villageoises seraient précisées lors de la cession au secteur privé. Il n'a pas exclut la création d'un cahier des charges et la prise de participation des villages au sein du capital des sociétés privatisées.

Interrogé par M. Jacques LEGENDRE sur la situation du système éducatif, le Premier ministre a précisé qu'une commission nationale de réforme de l'enseignement avait inspiré une profonde réforme du système éducatif visant à augmenter le taux de scolarisation pour le porter de 70 à 90 %. Il a rappelé que son Gouvernement comprenait désormais un ministre de la formation technique et avait introduit l'apprentissage, évaluant à 800 000 le nombre de personnes employables dans l'agriculture au titre de ce mode de formation. Il a évoqué les développements du système éducatif ivoirien, qui comptait 450 bacheliers en 1958 et 57 000 en 1995.

Á une question de M. Jean FAURE sur les relations franco-ivoiriennes, M. DUNCAN, s'inquiétant d'une baisse des concours budgétaires de 120 milliards de francs CFA en 1995 à 80 milliards en 1996, a souhaité que l'appui de la France continue au même rythme, le bouclage du tableau d'opération financière de la Côte d'Ivoire devenant de plus en plus difficile. Évoquant la dette extérieure, il a rappelé que seule la dette commerciale n'avait pas été rééchelonnée. Notant la présence importante de banques françaises, il s'est déclaré persuadé de l'appui de la France pour obtenir, au club de Londres, un rééchelonnement permettant à la Côte d'Ivoire d'atteindre une croissance à deux chiffres, afin de devenir l'un des "éléphants" d'Afrique, comme il existe des "dragons" en Asie.

La question de la dette avait été également évoquée devant la Délégation par le Président de l'Assemblé nationale M. Charles DONWAHI, le 26 février 1996.

Après avoir rappelé que la dévaluation avait permis de relancer l'économie des pays concernés, notamment sur le plan industriel et des infrastructures, il a jugé que le redressement, encore fragile, des pays de la zone franc, ne devait pas être étouffé "dans l'oeuf, en contraignant ces pays à utiliser les excédents commerciaux au remboursement exclusif de la dette commerciale et multilatérale. Il a considéré que les créanciers privés devaient modérer leurs exigences de remboursement et devaient faire preuve de patience comme font les créanciers publics. Il s'est déclaré persuadé que la France aiderait la Côte d'Ivoire, et les autres pays de la zone franc, à faire comprendre cette situation aux bailleurs de fonds internationaux.

M. DONWAHI a jugé particulièrement prometteuse la proposition du Président de la République française, M. Jacques CHIRAC, de convertir la dette en investissement.

Au cours de cet entretien, un député ayant pris comme exemple de soutien concret à l'économie ivoirienne les expériences de coopération décentralisée menée entre certaines collectivités de Côte d'Ivoire, la ville du Mans et la région de Franche-Comté, M. Jacques LEGENDRE a annoncé qu'un colloque sur ce thème serait organisé au Sénat, à l'initiative des trois groupes d'amitié sénatoriaux avec les pays africains, le 21 mars prochain.

Ayant fait remarquer que le coût et la formation de la main d'oeuvre en Afrique devenaient compétitifs par rapport aux nouveaux pays industrialisés d'Asie, un autre député a souhaité que le continent africain profite des prochaines délocalisations d'industries de ces pays.

2. Un moyen : profiter des effets de la dévaluation

La Côte d'Ivoire est un pays à vocation commerciale. Le commerce extérieur joue un rôle fondamental dans l'économie ivoirienne.

La Côte d'Ivoire est restée longtemps presque exclusivement dépendante de trois produits : le café, le cacao et le bois. La part des exportations de bois a considérablement régressé, les productions se sont diversifiées, mais le commerce extérieur ivoirien reste avant tout orienté vers le secteur agricole.

La balance commerciale ivoirienne est structurellement excédentaire, ce qui est exceptionnel parmi les pays d'Afrique.

L'excédent de la balance commerciale avait atteint 500 millions de francs CFA en 1977, grâce à la vive progression des cours des principaux produits ivoiriens. Il se maintint pendant la première moitié des années 80 avec l'appréciation du dollar, l'augmentation des quantités exportées et la diminution des importations. S'il est toujours demeuré positif, il a cependant largement diminué, jusqu'à 259 milliards en 1992. Cette régression était essentiellement due à la forte appréciation du franc CFA, dont la parité est fixée sur celle du franc français ce qui entraîne une perte de compétitivité de l'ensemble de l'économie ivoirienne et à la chute du cours des matières premières.

La dévaluation du 12 janvier 1994 a relancé spectaculairement l'excédent commercial grâce, d'une part, à un gain de compétitivité considérable pour les exportations hors zone franc et à un renchérissement des importations qui devraient stagner en valeur et donc régresser en volume.

En 1995, la Côte d'Ivoire, en valeur FOB, a exporté pour 1 985 milliards de francs CFA et importé pour 1 162 milliards, le solde commercial étant excédentaire de 823 milliards. Les prévisions pour 1996 sont de 2 019 milliards de francs CFA d'exportations et de 1 299 milliards d'importations, soit un solde excédentaire de 792 milliards.

Les effets de ce résultat positif ne doivent cependant pas être absorbés par le remboursement des intérêts de la dette ce qui tuerait dans l'oeuf la reprise économique ivoirienne.

La dévaluation a toutefois porté préjudice aux investisseurs français présents en Côte d'Ivoire. En trois ans, la communauté française a régressé de 28 000 à 18 000 personnes.

En outre, les représentants des Français de l'étranger que votre Délégation a reçus le 26 février 1996 ont rappelé les conséquences de la dévaluation sur les frais de scolarité, qui ont doublé en trois ans sans que les mesures d'accompagnement annoncées aient été réalisées, et sur les retraites. L'insuffisance de l'aide aux Français rentrés en métropole a également été regrettée. Un crédit de 100 millions de francs français prévu à cet effet n'aurait été utilisé qu'à hauteur de 10 % et un élargissement des conditions d'accès de ce fonds, géographique et lié aux revenus, est envisagé. Une mission, menée par M. LEROY, devrait remettre ses conclusions d'ici le mois de juillet 1996. Sur ce sujet, M. François TRUCY a rappelé les termes de la question écrite qu'il avait posée au ministre de la coopération, ainsi que les éléments de réponse qui lui avaient été apportés.

3. Un préalable : régler le problème de la dette

La question de la dette a été constamment évoquée au cours des entretiens que la Délégation a eus avec les principaux responsables politiques et économiques ivoiriens.

Le poids de la dette extérieure demeure préoccupant, car il est le plus important au monde par habitant.

La dette handicape grandement la croissance, une part importante des recettes étant affectée au paiement des intérêts, au remboursement des arriérés et du principal.

Cette situation est née d'une politique de grands travaux et d'investissements financés par emprunt dans les années 70, période faste des cultures de rentes.

Dans les années 80, les cours se sont effondrés alors que les taux d'intérêt réels se sont élevés, créant ainsi une situation de crise financière pour beaucoup de pays en voie de développement, dont la Côte d'Ivoire. Les relations de ce pays avec les prêteurs internationaux sont souvent tendues, l'un retardant excessivement ses remboursements, les autres diminuant en réponse leur programme d'aide.

En 1993, même la France qui, jusque là assurait les arriérés de paiement auprès du FMI par l'intermédiaire de la CFD, menaçait d'interrompre ses avances.

La dette extérieure publique a en outre doublé sous l'effet mécanique de la dévaluation du franc CFA.

En 1994, la dette est estimée à 5 739 milliards de francs CFA ce qui représente plus 200 % du PIB et 540 % de la valeur totale des exportations.

Le service de la dette est de 145 milliards de francs CFA, ce qui donne naissance à un cercle vicieux l'État étant obligé de s'endetter pour l'assurer.

Par ailleurs, les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux ont conditionné leurs efforts au remboursement de la dette intérieure. Celle-ci s'élevait, en effet, à la fin de décembre 1993, à 1 100 milliards de francs CFA (dont 400 millions dus à la Banque centrale) soit 60 % du PIB, et les arriérés représentent plus de 170 milliards de francs CFA. Elle contribue pour beaucoup à l'asphyxie du secteur privé, en grevant lourdement la trésorerie des entreprises débitrices ; l'État ne paie plus ses fournisseurs qui ne peuvent plus à leur tour régler leurs sous-traitants. En 1994, l'État aura traité, avec notamment l'aide de la France, une part importante de sa dette aux entreprises privées.

Depuis la dévaluation, les relations de la Côte d'Ivoire avec ses créanciers se sont détendues et le pays a bénéficié de remises de dette exceptionnelles, d'un montant supérieur à 2 000 milliards de francs CFA.

Ces remises apparaissent indispensables alors qu'en raison des effets mécaniques de la dévaluation, la charge des intérêts cumulés de la dette devrait augmenter de 11 à 18 % du PIB.

Les projections prévoient cependant à partir de 1996 une diminution progressive des charges de la dette qui devraient avoir diminué de moitié en l'an 2002.

La Côte d'Ivoire possède, comme on l'a vu, des atouts. Sa balance commerciale est, en effet, structurellement excédentaire, même si l'excédent s'est réduit en 1993 en raison de la détérioration des termes de l'échange.

Le déficit des services s'atténue mais persiste néanmoins en raison des charges de la dette, des services liés au commerce extérieur et des importants transferts sans contrepartie liés au grand nombre des travailleurs étrangers.

Au total, la balance des paiements courants est déficitaire.

Le déficit de la balance des capitaux non monétaires est structurel. Il résulte essentiellement des transferts de capitaux publics.

Le solde de cette balance est donc un important besoin de financement.

C. LA FRANCE DOIT RENFORCER SA PRÉSENCE EN CÔTE D'IVOIRE

1. Une présence déjà importante

La France est de loin le premier partenaire de la Côte d'Ivoire.

Sa part de marché, relativement stable depuis une quinzaine d'années, oscille autour de 30 % à l'importation et 15 % à l'exportation. L'Union européenne représente, en 1992, 57,9 % des importations ivoiriennes et 57 % des exportations, en raison notamment des accords commerciaux conclus dans le cadre des accords de Lomé.

Après les difficultés dues à la dévaluation, les importations de la Côte d'Ivoire en provenance de la France sont en très nette progression. Au premier semestre 1995, les ventes effectuées se chiffrent à 2 781 millions de francs français, alors que sur l'année pleine 1994, elles se montaient à 2 957 millions également en progression avec 2 456 millions de francs français au premier semestre 1995 pour 3 614 millions de francs français en 1994. En 1994, le solde commercial est positif pour la Côte d'Ivoire avec 656 millions de francs français, en raison de la dévaluation. Avec la reprise économique, le solde redevient positif pour la France de 324 millions de francs français au premier semestre 1995.

La France est le premier bailleur de fonds de la Côte d'Ivoire et la Côte d'Ivoire le premier bénéficiaire des prêts et subventions de la Caisse française de développement (CFD), avec un concours de plus de 7 milliards de francs français entre 1989 et 1993, de 1,2 milliard en 1994, mais de 0.8 milliard en 1995.

2. Les conditions du renforcement de la présence française

Au cours des entretiens que la Délégation a eu avec les représentants de la communauté économique française, le 26 février 1996, et des visites qu'elle a effectuées dans des plantations d'ananas et de palmiers, le 27 février 1996, celle-ci a pu apprécier les conditions du renforcement de la présence française en Cote d'Ivoire.

a) La sécurité juridique

L'insécurité des personnes et des biens, l'insécurité juridique, ont été largement évoquées par les représentants des français de l'étranger et les hommes d'affaires français exerçant en Côte d'Ivoire.

Rappelant qu'Abidjan ne comptait que 1600 policiers pour environ trois millions d'habitants, certains d'entre eux se sont inquiétés d'un développement du banditisme et ont regretté l'inaction de la police et de la justice.

Sur le plan des transactions commerciales et des relations financières, ils ont également regretté le mauvais fonctionnement de la justice ivoirienne, en exposant à la Délégation certains problèmes concrets. Toutefois, la création d'une voie d'appel auprès d'un conseil national de la magistrature, dont l'institution est envisagée par le projet de loi de réforme de la magistrature, pour les jugements concernant des litiges supérieurs à 25 millions de francs CFA, a été très favorablement accueillie par les interlocuteurs de la Délégation.

Par ailleurs, un projet de renforcement de la sécurité de l'aéroport international d'Abidjan est à l'étude.

b) La poursuite des privatisations

La Délégation s'est rendue, le 27 février, dans la région d'Aboisso pour visiter les plantations d'ananas du groupe français Rivaud, puis les plantations de palmiers de la société nationale PALMINDUSTRIE. Ce dernier groupe est en voie d'être privatisé.

Lancé en 1990, le plan de privatisations a été freiné jusqu'en 1993 par les réticences des parlementaires et des fonctionnaires. Á cette date, seules cinq des 60 entreprises annoncées avaient été privatisées. Il s'agissait d'entreprises d'édition, de villages-vacances, de pêche et surtout de la Compagnie ivoirienne d'électricité cédée à Bouygues-Saur.

Le programme a redémarré sous l'impulsion du Gouvernement Ouattara. Aux entreprises publiques déjà concernées, il a ajouté une dizaine de sociétés d'économie mixte dans le domaine agro-industriel, des transports, de l'énergie.

Le Président KONAN BÉDIÉ hostile aux privatisations lorsqu'il était Président de l'Assemblée nationale, s'est toutefois engagé à mener le programme à son terme.

Les entreprises françaises doivent profiter du redémarrage économique ivoirien afin de prendre part au second miracle ivoirien que la Délégation appelle de ses voeux.

La Côte d'Ivoire semble donc bénéficier d'une nouvelle chance pour devenir selon les mots de son Gouvernement « un éléphant d'Afrique » à 1'image des dragons asiatiques. Il faut cependant nuancer cet optimisme par le rappel des difficultés que connaît la Côte d'Ivoire.

La faiblesse persistante de l'investissement productif a un caractère plus structurel, le poids de la dette, bien que diminué, demeure un facteur de blocage considérable et la dépendance à l'égard des prix du marché semble difficilement maîtrisable.

Si la France n'a pas de prise sur deux de ces facteurs, elle peut en revanche aider la Côte d'Ivoire dans le règlement de sa dette.

Tel est le message que la Délégation se doit de transmettre aux pouvoirs publics français et à vos collègues parlementaires.

c) Une plus grande ouverture aux nouvelles élites ivoiriennes

La chaleur de l'accueil qui nous a été réservé ne doit pas, cependant, faire illusion.

La Côte d'Ivoire change.

La génération des cadres de l'Indépendance avait - à l'image du Président HOUPHOUET-BOIGNY - une véritable familiarité avec la France.

La nouvelle génération est beaucoup plus diverse. Certains ministres ont fait des séjours prolongés aux États-Unis, dans des institutions internationales. Ils identifient le nouveau-monde avec la modernité. Ils répondent volontiers aux sollicitations américaines ou canadiennes en envoyant leurs enfants poursuivre leurs études outre-Atlantique.

La France, elle, réduit la possibilité de suivre sur son territoire des formations de longue durée, même quand il s'agit d'étudiants de troisième cycle.

À terme, cette symbiose franco-africaine très particulière qui marque les rapports de la France avec la Côte d'Ivoire pourrait s'en trouver altérée.

Il faut donc veiller à ce que se maintienne une connaissance réciproque approfondie entre les deux pays en maintenant la possibilité pour les jeunes Français de venir en Côte d'Ivoire (et plus généralement en Afrique) et en permettant aux cadres et futurs cadres ivoiriens (ou africains) de compléter leur formation en France et de fonder avec notre pays une véritable familiarité.

CONCLUSION

La Délégation n'avait pu rencontrer le chef de l'État pendant son séjour en Côte d'Ivoire.

M. Henri KONAN BÉDIÉ est cependant venu au Sénat, le 5 juin 1996, le président René MONORY lui ayant accordé un entretien à l'occasion de son séjour en France, pour une brève visite de travail.

Á l'occasion de cet entretien, le chef de l'État ivoirien a souligné l'importance de la dette commerciale et les préoccupations de son pays à ce sujet.

Le président du groupe d'amitié France - pays d'Afrique de l'Ouest, M. Jacques LEGENDRE, après avoir rappelé que la Délégation avait relevé un important dynamisme économique, a indiqué qu'à l'occasion de ce déplacement, des représentants de la ville de Yamoussoukro lui avaient fait part de leur projet de technopole sur le modèle de Sophia-Antipolis, près de Nice. Il a déclaré qu'il les avait rapprochés du sénateur LAFFITTE, fondateur de Sophia-Antipolis.

Le président Henri KONAN BÉDIÉ a alors précisé qu'une mission ivoirienne s'était rendue dans cette technopole, avait été très bien accueillie et était revenue avec de fructueuses indications.

Interrogé par le président LEGENDRE sur les projets de création d'un Sénat, le chef de l'État a confirmé que le calendrier permettrait sa création en 1997, après la révision de la Constitution, l'élection et l'installation des conseils généraux chargés de l'élire et l'organisation des élections sénatoriales.

Le président KONAN BÉDIÉ a alors invité le président MONORY à venir inaugurer la seconde chambre ivoirienne.

Cette perspective augure bien d'un approfondissement de la coopération parlementaire entre le Sénat de la République française et les institutions parlementaires ivoiriennes, que le groupe d'amitié France -pays d'Afrique de l'Ouest favorisera, conformément à la mission qu'il s'est fixée.

SÉNAT

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE - PAYS

D'AFRIQUE DE L'OUEST

République Française

PROGRAMME DE LA MISSION

Samedi 24 février

19h25 Arrivée à Abidjan

20h00 Installation à l'hôtel SOFITEL

20h30 Dîner à l'Ambassade de France

Dimanche 25 février

8h00 Départ de l'hôtel SOFITEL pour Yamoussoukro

10h00 Entretien avec le ministre-Résident et le Maire

Visite de Yamoussoukro (Basilique, Ecole Nationale Supérieure d'Agriculture)

16h00 Retour vers Abidjan

20h00 Dîner libre

Lundi 26 février l996

9h30 Entretien avec M. Charles DONWAHI, Président de l'Assemblée nationale (en présence des Présidents des groupes parlementaires PDCI, FPI, RDR et des Présidents de la commission des Relations extérieures et de la Commission des Affaires sociales et culturelles)

11h00 Entretien avec M. Philippe YACÉ, Président du Conseil économique et social

12h30 Déjeuner à Grand-Bassam

15h-18h30 Entretien avec une délégation du RDR et avec M. Djeny KOBINA, Secrétaire général

Entretien avec une délégation du FPI et avec M. Laurent GBAGBO, Secrétaire général

18h30 Réception à la Résidence de France

20h30 Dîner chez M. Philippe YACÉ, Président du Conseil économique et social

Mardi 27 février 1996

8h00 Départ du SOFITEL pour la région d'Aboisso

Visite d'une plantation d'ananas du groupe Rivaud

Visite d'une plantation de palmiers à huile de la société Palmindustrie

13h00 Déjeuner à la plantation de Palmindustrie

15h00 Entretien avec les représentants de la communauté française à l'Ambassade (élus du CSFE, Conseillers du Commerce extérieur)

16h45 Entretien avec M. Daniel Kablan DUNCAN, Premier ministre

20h00 Dîner à l'invitation de l'Assemblée nationale

Mercredi 28 février 1996

7h30 Départ du SOFITEL pour la frontière ghanéenne

10h00 Prise en charge de la délégation sénatoriale par M. l'Ambassadeur de France au Ghana

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