GHANA : UNE VOLONTÉ DE

RAPPROCHEMENT AVEC

L'AFRIQUE FRANCOPHONE

MM. Jacques LEGENDRE, Jean FAURE, François TRUCY et Yann

GAILLARD,

Sénateurs.

Compte rendu d'une mission effectuée au Ghana du 28 février au 3 mars 1996 par une délégation du groupe sénatorial France -pays d'Afrique de l'Ouest.

INTRODUCTION

Après la Côte d'Ivoire, la Délégation du Groupe d'amitié France -pays d'Afrique de l'Ouest s'est rendue, du 28 février au 3 mars 1996, au Ghana.

Pour la première fois, une délégation du Groupe d'amitié se rendait dans un État à la fois proche, car frontalier de la Côte d'Ivoire, mais relativement éloigné, car anglophone.

Une Délégation du groupe d'amitié, composée de :

M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) du Nord, président du groupe d'amitié.

M. Jean FAURE, sénateur (UC) de l'Isère, Vice-Président du Sénat,

M. Yann GAILLARD, sénateur (app. RPR) de l'Aube,

M. François TRUCY, sénateur (RI) du Var,

s'est donc rendue en Côte d'Ivoire du 24 au 29 février, puis au Ghana, du 29 février au 3 mars 1996.

Elle était accompagnée par M. Bernard RULLIER, administrateur du Sénat, commission des Finances, secrétaire exécutif du groupe sénatorial.

M. Georges OTHILY, sénateur (RDSE) de Guyane qui avait prévu de se joindre à la mission y a renoncé et M. Marc MASSION, sénateur (Soc.) de Seine-Maritime a été empêché, pour raison de santé, d'effectuer le déplacement.

Cette mission n'aurait pu se dérouler sans le concours actif et précieux de l'Ambassade de France en Côte d'Ivoire. La Délégation tient à remercier tout particulièrement S.E. l'Ambassadeur de France, M. Jean-Claude BROCHENIN et M. HUOT, Premier Secrétaire, pour l'aide qu'ils ont apportée à cette mission.

Le Ghana reste un pays mal connu. Pourtant, son chef de l'État, M. RAWLINGS, s'est rendu en France en 1991, pour son premier voyage dans un pays occidental.

De plus, la France est le deuxième partenaire commercial du Ghana.

La démocratie doit y faire son chemin. L'opposition n'est pas représentée au Parlement. Des élections législatives sont prévues en octobre 1996.

Á cet égard, la Délégation estime que la France doit user de son influence dans ce pays pour convaincre l'opposition de participer, cette fois, au scrutin et considère que la France pourrait, si le Ghana le lui demandait, apporter son aide technique pour l'organisation des élections législatives.

Cette mission a également permis à la Délégation d'apprécier la persistance des structures politiques traditionnelles, grâce à l'entrevue obtenue, par l'entremise du Président de l'Assemblée nationale, auprès du roi ashanti, l'Ashantehene.

Par ailleurs, elle a permis d'apprécier l'important travail de coopération économique réalisé par la Caisse française de développement.

Enfin, elle a évalué les progrès de la francophonie au Ghana.

Ces diverses actions ouvrent la voie vers un approfondissement de l'intégration de ce pays dans son contexte régional.

I. LE SYSTÈME POLITIQUE

A. UN RÉGIME PRÉSIDENTIEL

Indépendant en 1957, après une transition pacifique avec le colonisateur britannique, le Ghana a tout d'abord cherché une voie tiers-mondiste fondée sur l'économie socialiste et le rapprochement avec le bloc soviétique.

L'homme qui symbolisa cette période, N'KRUMAH. fut renversé en 1966. Une période de forte instabilité lui succéda. Le capitaine RAWLINGS prit le pouvoir une première fois en 1979, puis une seconde en 1981. Il a entrepris une démocratisation progressive des institutions.

La IVe République ghanéenne a été proclamée le 7 janvier 1993 à Accra. Aux termes de la Constitution du 28 avril 1992. l'indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire est garantie. C'est un régime de type présidentiel, avec un président et un vice-président élus pour quatre ans.

Chef de l'État depuis 1981, le Capitaine d'aviation Jerry John RAWLINGS a été élu Président de la République le 3 novembre 1992 obtenant 58.3 % des voix. L'opposition qui avait dénoncé de nombreuses fraudes électorales lors de ce scrutin, a boycotté les élections législatives du 29 décembre 1992 qui ont amené au Parlement 198 membres de la coalition au pouvoir (National Democratic Congress, National Convention Party et EGLE Party), et seulement deux parlementaires indépendants suite au boycott d'une opposition faible et divisée.

Les institutions ghanéennes sont inspirées du modèle britannique.

Le Parlement, composé des élus de 200 circonscriptions, est monocaméral.

Le Gouvernement est composé de 25 ministres dont 5 sans portefeuille, de 26 vice-ministres, de 10 ministres de région et de 17 vice-ministres de région.

Le Cabinet, composé des ministres d'État (15 ministres les plus importants), se réunit chaque semaine au « Château » (Présidence) et assiste le Président dans la mise en oeuvre de sa politique.

Le Conseil d'État est composé de 25 membres, dont 22 sont désignés par l'exécutif. Anciens dignitaires du parti unique (PNDC) pour la plupart ils conseillent notamment le Président en politique intérieure. Le Président du Conseil d'État est Alhaji Mumuni BAWUMIA. Son rôle est important quoiqu'obscur.

La Cour Suprême est composée de 9 juges et présidée par le « Chief Justice » Philip ARCHER. C'est la juridiction suprême de la République.

L'homme fort du Ghana est le Président RAWLINGS.

Le capitaine Jerry John RAWLINGS est né à Accra le 22 juin 1947, de père britannique (écossais) et de mère ghanéenne (ewe) Marié à Nana Konadu Agyeman RAWLINGS, il a trois enfants. Il est de religion catholique.

Á l'issue de ses études secondaires, il s'engage, le 25 août 1967, dans l'armée de l'Air. Élève officier à l'Académie militaire d'Accra (1967-1968), puis à l'école des cadets de Takoradi (1968-1969), il est promu capitaine d'aviation en avril 1978.

Après un échec en mai 1979 qui lui vaut d'être emprisonné, il est presque aussitôt libéré par ses amis et réussit le 4 juin à renverser le général Fred AKUFFO qu'il fait exécuter. Il organise des élections libres en septembre 1979 qui portent M. LIMANN au pouvoir. Constatant l'absence d'amélioration dans la gestion du pays, il organise avec le soutien financier de la Libye un nouveau coup le 31 décembre 1981 et gouverne le pays en s'appuyant sur le « Provisionnal National Defense Council » (PNDC, ou Conseil National Provisoire de Défense), parti unique.

Suivant les conseils prodigués par la communauté internationale et les institutions de Bretton Woods, il organise des élections présidentielles et législatives en novembre 1992. Il est élu avec 58 % des voix contre M. ADU-BOAHEN, candidat du National Patriotic Party (NPP) conservateur : son parti devenu le National Democratic Congress (NDC) remporte la quasi-totalité des sièges au Parlement en raison du boycott de l'opposition.

Son épouse lui a apporté un soutien précieux en créant le « Mouvement des Femmes du 31 décembre ».

Il a effectué en 1991 en France, à l'invitation de M. MITTERRAND, son premier voyage dans un pays de l'Union européenne.

L'audience de deux heures que lui a accordée M. RAWLINGS, le 1er mars 1996, a donc constitué le point fort de la visite au Ghana de la Délégation.

D'emblée le Chef de l'État a exprimé son appréciation de l'aide apportée par la France au travers de la Caisse française de développement à la réalisation du programme de restauration économique du pays.

Il a ensuite consacré un long et passionné développement aux conflits régionaux, qu'il a qualifié de "partie de monopoly", rappelant que si l'Europe avait connu, de 1945 à 1989, une guerre froide, le tiers-monde avait en revanche connu des périodes de guerre chaude, avec la transposition des conflits des super-puissances dans certains pays du Sud. Il a relevé que lorsque les conflits étaient déclenchés à l'instigation de l'une des deux superpuissances, celles-ci s'impliquaient en revanche faiblement dans le règlement du conflit.

M. Jerry John RAWLINGS a exprimé, sur un ton très modéré, sa déception de notre faible engagement dans le processus du rétablissement de la paix au Libéria. Il a souligné avec force la nécessité de ne pas laisser aux seuls Nigérians et Ghanéens, qui disposent de la majorité des effectifs au sein de l'ECOMOG, la responsabilité de régler le conflit. Il a considéré sa maîtrise indispensable, pour éviter la répercussion des turbulences dans l'ensemble de la région. Il l'a jugé cependant difficile, compte tenu de la complexité de la guerre civile, dans sa dimension ethnique notamment.

Il a estimé que seule une participation importante des pays francophones, soutenues par la France, pouvait susciter chez les Libériens le climat de confiance nécessaire à l'instauration de la paix, à travers une véritable manifestation de solidarité régionale. Dans le même temps, et incidemment. M. RAWLINGS a demandé que la France dissuade les États avec lesquels elle entretenait une coopération militaire de provoquer ou d'intimider leurs voisins.

Á propos du Niger, M. RAWLINGS a regretté que le coup d'État ait interrompu le processus démocratique, mais a estimé néanmoins qu'il était justifié par l'inadaptation des structures constitutionnelles à la situation socio-économique du pays.

M. Jacques LEGENDRE lui ayant demandé des précisions sur ce point, il a considéré que l'application des institutions et des concepts occidentaux convenait rarement aux situations africaines. Il a précisé que le pluralisme démocratique devait être concilié avec la nécessité de liens unitaires. Il a déclaré qu'une Constitution ne devait pas être considérée comme un fétiche mais qu'elle devait pouvoir évoluer.

Ainsi au Ghana, il a considéré que l'obligation qui lui était faite par l'étranger d'introduire le multipartisme pour obtenir son aide, était en train de briser l'élan qui s'était manifesté auparavant derrière lui et faisait renaître les démons de la division. Il a estimé que l'Occident se devait de faire preuve de compréhension envers l'Afrique.

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