B) Vingt années d'une guerre civile attisée de l'extérieur

La situation charnière de l'Angola, ses grandes richesses naturelles - pétrole et diamants n'ont jamais cessé d'être exploités tout au long du conflit -, et la phase d'expansionnisme du bloc soviétique durant laquelle survint son indépendance, se conjuguèrent pour dramatiser la guerre civile, avec l'implication sur son sol de plusieurs acteurs extérieurs.

La tonalité radicale prise rapidement par le pouvoir portugais après la « Révolution des oeillets », au mois d'avril 1974, facilita la prise du pouvoir dans les colonies désormais promises à l'indépendance (Angola, Cap-Vert, Mozambique), par les mouvements de lutte marxiste-léninistes. Ainsi, le MPLA s'empara-t-il du pouvoir à Luanda.

En réplique à l'aide apportée au MPLA par l'Union soviétique, l'Afrique du Sud soutint l'UNITA puis l'appuya militairement, dès la fin de l'année 1975.

Cuba décida alors de l'opération « Carlotta » : de 10 000 hommes au début de 1980 son contingent fut progressivement porté à 50 000 hommes.

Encore s'agissait-il là de soutiens déclarés dans un conflit réputé pour ses implications multiples, réelles ou supposées 2 ( * ) .

L'absence de victoire décisive de l'un ou l'autre des belligérants et l'évolution de la situation internationale vers une relative détente permit la conclusion des accords de New York au mois de décembre 1988 entre l'Angola. Cuba et l'Afrique du Sud. Ces accords prévoyaient notamment le retrait simultané de toutes les troupes étrangères.

Le Conseil de Sécurité de l'ONU constitua alors l'UNAVEM (United Nations Angola Verification Mission) pour surveiller leur application.

Cette trêve permit la signature des accords de Bicesse le 31 mai 1991, entre José Eduardo Dos Santos (qui avait succédé à la tête de l'État à Agostinho Neto, décédé en 1979) et Jonas Savimbi. Ces accords ouvrirent la voie aux scrutins législatif et présidentiel des 29 et 30 septembre 1992.

Même le MPLA, qui en fut le principal bénéficiaire 1 ( * ) , convient aujourd'hui que le caractère précipité de cette consultation entachait son équité. Ces résultats, contestés par l'UNITA conduisirent alors à une violente reprise de la guerre civile.

C) Le Protocole de Lusaka : un terme au conflit ?

La communauté internationale, impliquée par la présence de l'UNAVEM ne pouvait rester indifférente à la férocité des affrontements, qui opposaient cette fois les seuls angolais, et dépassaient en intensité tous les combats antérieurs.

Tout en imposant un embargo sur les armes à destination de l'UNITA, et en validant les résultats des deux scrutins de 1992 (qui, faute de mieux, fondent la légitimité du pouvoir en place), les Nations-Unies exercèrent une forte pression sur les deux parties pour les contraindre à négocier. Au terme d'un an de discussions, menées en Zambie alors que les combats se poursuivaient avec acharnement en Angola, ces efforts aboutirent à la signature, le 20 novembre 1994 du Protocole de Lusaka.

a/ contenu du Protocole

La modestie du terme de « protocole » souligne les difficultés rencontrées pour parvenir à sa mise au point. Signé par le ministre des relations extérieures angolais et le secrétaire général de l'UNITA, en présence du Président Dos Santos mais sans Jonas Savimbi - qui a refusé jusqu'à la récente entrevue de Libreville de sortir de son fief de Huambo, au centre de l'Angola par crainte pour sa sécurité 2 ( * ) -, l'accord contient deux volets, militaire et politique.

* Sur le plan militaire :

Après le rétablissement du cessez-le-feu qui est resté effectif, les troupes Gouvernementales ont regagné leurs casernes notamment la police d'intervention rapide particulièrement redoutée de l'UNITA. Quant aux combattants de ce mouvement, ils ont pour un tiers d'entre eux - environ 20 000 hommes- rejoint les sites de cantonnement ; il y sont désarmés en attendant soit leur démobilisation soit leur entrée dans l'armée régulière.

Ces opérations amorcées au mois de novembre 1995, étaient en cours lors du déplacement de la délégation sénatoriale. Leur déroulement plus ou moins satisfaisant a fait l'objet de nombreuses récriminations, de part et d'autre, durant les entretiens.

Une fois achevée, cette première phase doit conduire à la constitution d'une armée angolaise unifiée de 90 000 hommes, intégrant les combattants des deux camps.

D'après les éléments d'appréciation dont a pu disposer la délégation, cette étape décisive sera périlleuse à mener à bien, d'abord parce que le délabrement extrême du pays (communications inexistantes, déplacement des populations territoires minés...) offre peu d'occasions de retour fructueux à la vie civile, ensuite parce que la forte hostilité réciproque, née de vingt années de combat, rendra difficile la fusion des combattants dans une armée nationale.

* sur le plan politique :

L'essentiel tient à la future formation d'un Gouvernement de réconciliation nationale qui permettrait de différer les échéances électorales - législatives et présidentielles -jusqu'au complet désarmement des combattants et jusqu'au rétablissement des éléments minimaux de la vie civile.

Lors de la rencontre de Libreville, le 6 mars 1996 entre MM. Dos Santos et Savimbi cette période transitoire aurait été évoquée pour durer de un à trois ans. Une plus large ouverture du Gouvernement de réconciliation - limité initialement au MPLA et à l'UNITA - a également été envisagée.

Restent à définir les modalités de l'intégration de l'UNITA et surtout de son chef dans ce Gouvernement. Une des deux vices-présidences de la République à créer lui a été proposée sans rencontrer jusqu'ici, son accord.

C'est là l'élément crucial du débat en cours.

b/ les garants de son application

Les Nations-Unies se sont fortement impliquées dans l'obtention du Protocole et sont chargées de surveiller son application dans tous ses aspects. Elles sont appuyées dans cette mission par un groupe de trois puissances (dit : "Troïka") : Russie, Portugal et États-Unis.

Pour mener à bien cette tâche, le Conseil de sécurité a créé le 8 février 1995 par la résolution n° 976 l'UNAVEM III dont le mandat a été prorogé d'août 1995 à février 1996 puis par la résolution n° 1045 à juin 1996.

Cette mission compte environ 7000 hommes dont 6700 soldats et 300 observateurs militaires. Son coût humain et financier très élevé a conduit l'ONU à limiter sa présence au plus tard au mois de février 1997.

La France participe à cette opération des Nations Unies par la présence de neuf observateurs militaires et de douze experts en déminage.

* 2 Pour une description des grandes étapes du conflit se reporter à :

« Onze leçons sur l'Afrique australe », par Philippe Decraene - editions Karthala - 1995

* 1 *législatives : 53.5 % des voix pour le MPLA soit 129 députés

34.1 % des voix pour l'UNITA soit 70 députés

* présidentielles (premier tour) : 49,8 % des voix pour E. Dos Santos

40,1 % des voix pour J. Savimbi

* 2 Lors de son séjour à Luanda, la délégation a pu voir l'état dans lequel les vifs affrontements de 1992 entre MPLA et UNITA avait laissé le bâtiment alors occupé par ce parti au centre de la ville. Jonas Savimbi avait pu alors s'en échapper de justesse avant l'assaut final : nul doute que ce souvenir entretienne ses craintes...

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