2. Une histoire partagée

Peuplé dès la fin du troisième millénaire par des populations indo-européennes de la civilisation des " poteries cordées 2( * ) ", le territoire a rassemblé pendant le premier millénaire de notre vie des sédentaires qui se consacraient à l'élevage et à l'agriculture sous la forme collective. Peu à peu, la propriété est devenue la règle. C'est à ce moment là qu'une tribu, devenue peu à peu nationalité, s'est transformée en principauté pour donner forme à la Lituanie. C'est en 1009 qu'il est fait mention pour la première fois de la Lituanie dans un document écrit. Après de multiples conflits avec ses voisins -et notamment après la conquête de la Biélorussie-, une certaine unité territoriale lituanienne voit le jour dès le XIIème. Ces terres lituaniennes, sur lesquelles régnait Ringaudas (1204-1239), premier Grand Duc d'un Etat unifié, étaient néanmoins assez isolées dans une Europe chrétienne.

C'est en 1251 que le fils de Ringaudas, Mindaugas, se convertit au christianisme pour retirer aux ordres monastiques (teutoniques et porte-glaives) tout prétexte à leurs incursions.

Les objectifs des Teutoniques n'étant pas exclusivement religieux, les successeurs de Ringaudas eurent beaucoup de mal à freiner leur expansion.

Cette situation dura jusqu'au règne de Gédiminas qui fonda Vilnius -devenue capitale en 1322-. Il repoussa les envahisseurs venus de l'Est -surtout les Tatars-, fit entrer la Biélorussie et la Grande République de Novgorod dans le giron du Grand duché et assura le pouvoir lituanien sur un immense domaine s'étendant de la Baltique aux abords de la mer Noire et du Bug occidental à Mojaisk en Moscovie.

Durant la seconde moitié du XIVème siècle, la Lituanie se rapproche de la Pologne pour faire barrage à la poussée allemande. Du mariage de la Reine de Pologne Hedwige avec le Grand Duc Jogaila (ou Jagellon) et de l'Union personnelle de Krewo naquit une grande puissance qui s'étendait sur 1.200.000 km², de l'Oder au Dniepr. La Lituanie conserva dans cet ensemble son identité puisque Vytautas, cousin de Jagellon, régnait à Cracovie. C'est à cette époque que la Lituanie connut son apogée, la bataille de Grünwald -ou Zalgnis, Tannenberg- marquant le déclin de l'ordre des Chevaliers teutoniques.

A la mort de Vytautas et jusqu'au milieu du XVIème siècle, on constate une assimilation croissante de la Lituanie à la Pologne sous la dynastie des Jagellon. L'Union de Luben en 1569 fit de la Lituanie une province polonaise même si les Lituaniens conservaient un droit, un Gouvernement, une armée, des tribunaux , des finances et une administration propre.

La Lituanie fut donc soumise, d'une part, à une " polonisation " importante au XVIIeme siècle et, d'autre part, dû faire face aux guerres contre la Russie et la Suède (milieu du XVIIème et début XVIIIe siècle) qui amputèrent le Grand Duché de ses territoires septentrionaux orientaux.

En 1795, après le troisième partage de la Pologne, la Lituanie se trouva absorbée par l'Empire russe qui pratiqua au XIXème siècle une brutale politique d'assimilation provoquant de nombreux soulèvements. Ainsi, face à une " russification intégrale " se dressa peu à peu un phénomène de renaissance nationale comme le qualifie M. Yves Plasseraud dans son ouvrage sur les Etats baltes.

Sous occupation allemande durant la première guerre mondiale, la Lituanie fut reconnue comme Etat indépendant à Brest-Litovsk en mars 1918. Mais, l'occupation bolchevique entraîna l'instauration en Lituanie d'une République socialiste-soviétique le 16 décembre 1918.

L'intervention des Alliés puis des Polonais permit aux Lituaniens de garder leur indépendance tout en perdant Vilnius et sa région occupées par la Pologne à partir de 1920.

Un régime parlementaire s'installa en Lituanie, soumis à une forte instabilité gouvernementale. En 1923, la Lituanie annexa Klaipéda, ville administrée par la France depuis 1920.

Le 17 décembre 1926, un coup d'Etat installa à la Présidence de la République, Smetona, chef du petit parti de l'Union nationaliste. Dès avril 1926, la loi martiale fut décrétée et une nouvelle Constitution autoritaire fut établie en 1928.

Malgré un certain retour au système représentatif en 1938, Smetona exerça jusqu'en 1940 un pouvoir autoritaire se limitant néanmoins au champ du politique, n'intervenant pas dans les domaines culturel, religieux et économique.

Par un ultimatum en date du 20 mars 1939, Hitler contraignit la Lituanie à restituer le territoire de Memel à l'Allemagne. Le 23 août, le premier protocole secret annexé au pacte Molotov-Ribbentrop plaça la Lituanie dans la sphère d'intérêt allemande, la Lettonie se trouvant dans la sphère d'intérêt soviétique.

A la suite de la conquête plus importante que prévue de la Pologne par les Allemands, la Lituanie fut transférée dans un second protocole, en compensation dans la sphère d'intérêt soviétique. Dès juin 1940, l'URSS envahit les Etats baltes et procéda à une soviétisation forcée et brutale du pays devenu République soviétique dès le 3 août.

On estime ainsi le nombre de Lituaniens victimes de déportation, à environ 45.000.

L'offensive de juin 1941 provoqua un soulèvement anti-russe, les Lituaniens croyant que les Allemands allaient restaurer leur Etat.

Dès le 24 octobre 1944, l'occupation par l'Armée Rouge entraîna une communisation accélérée et une brutale oppression : se succédèrent de nouvelles vagues de déportation (plus de 60.000), ainsi que des persécutions religieuses et culturelles.

La résistance armée anti-soviétique s'amplifia (" les Frères de la Forêt ") mais fut totalement balayée au début des années 50.

Comme le souligne M. Yves Plasseraud, " comme au XIXème siècle, lors de la première renaissance nationale, c'est au moment où le fond de l'abîme semblait avoir été atteint qu'intervient le sursaut ".

En 1972, le Premier Samizdat du mouvement pour les Droits de l'Homme fut publié. Ronas Kalanta s'immola par le feu, les émeutes se multiplièrent ainsi que les revendications religieuses.

En 1988, se créa le Mouvement lituanien pour la Perestroika qui donna naissance au Sajudis et revendiqua, avec le parti communiste lituanien, le retour à l'indépendance.

Le dimanche 11 mars 1990, le Soviet suprême de Lituanie proclama l'indépendance de la Lituanie, considérée comme nulle dès le 15 mars par le Congrès soviétique des députés du peuple.

Moscou, dès le mois d'avril, mit en place un blocus de la Lituanie. Les prises de position lettone et estonienne renforcèrent la détermination de M. Landsbergis, considéré comme la " bête noire " de Gorbatchev.

Le chômage et le découragement croissant en Lituanie conduisirent à suspendre pendant 100 jours la déclaration d'indépendance afin d'entamer des pourparlers avec Moscou. La guerre d'usure se poursuivit jusqu'au 13 janvier 1991 avec l'assaut des forces spéciales soviétiques contre la télévision et le Parlement lituanien qui provoquèrent la mort de quinze Lituaniens.

Le 9 février, les Lituaniens se prononcèrent à 90,4 % pour l'indépendance. Au printemps 1991, la démocratisation et l'anarchie soviétique permirent aux dirigeants baltes de sortir de leurs Parlements transformés en bunkers depuis les drames de janvier, et de venir plaider leur dossier auprès de certains responsables occidentaux. Le déplacement, notamment en Europe, du président lituanien V. Landsbergis eut à cette occasion une incidence déterminante.

Le 29 juillet, la Russie et la Lituanie reconnurent mutuellement leurs indépendances. L'étrange coup d'Etat manqué du 19 août 1991 à Moscou précipite la reconnaissance internationale de la Lituanie indépendante.

Après son admission à l'ONU le 17 septembre 1991, l'année 1992 se révèla riche en événements : en février, accord avec la Russie sur le retrait de l'Armée rouge ; les 14 et 15 mai, première visite d'Etat d'un dirigeant occidental, M. François Mitterrand ; en juin, référendum sur le retrait des troupes russes ; en octobre, entrée en vigueur du Valonas à la place du rouble ; le 25 octobre 1992, 56 % des électeurs approuvent une nouvelle constitution. Un nouveau Parlement fut constitué. M. Brazauskas, chef du parti démocratique du travail, en devint le Président, tout en faisant office de Président de la République jusqu'aux élections du 14 février 1993.

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