Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 119 - 29 juillet 2014


Groupe interparlementaire d'amitié

France-Canada (1)


ACTIVITÉS DE L'AIFC EN 2013

De Bordeaux au Nouveau-Brunswick, relever des défis communs :
agroalimentaire, développement durable, pêches et océans

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(1)  Membres du groupe d'amitié France-Canada : Mme Claudine LEPAGE, Présidente ; Mme Leila AÏCHI, Mme Aline ARCHIMBAUD, M. Bertrand AUBAN, M. Claude BELOT, M. Joël BILLARD,  M. Michel BILLOUT,  M. Yannick BOTREL, M. Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, M. Jean-Pierre CHAUVEAU, Mme Karine CLAIREAUX, M. Christian COINTAT, M. Pierre-Yves COLLOMBAT, M. Jacques CORNANO, M. Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Catherine DEROCHE, M. DUPONT Jean-Léonce, M. Louis DUVERNOIS, M. André FERRAND, M. Louis-Constant FLEMING, M. Alain FOUCHÉ, M. Jean-Claude FRÉCON, M. André GATTOLIN, M. Jean-Claude GAUDIN, M. Gaëtan GORCE, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, M. Jean-François HUSSON, Mme Sophie JOISSAINS, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Robert LAUFOAULU, M. Jean-Claude LENOIR,  M.  Alain LE VERN, M. Michel MAGRAS, M. Pierre MARTIN, M.  Hervé MAUREY,  Mme Catherine MORIN-DESAILLY, M. Jean-Marc PASTOR, M. Jackie PIERRE, M.  Jean-Pierre PLANCADE, M. Rémy POINTEREAU, Mme Catherine PROCACCIA,  M. Charles REVET, M. Gilbert ROGER, M. Bernard SAUGEY, M. Henri TANDONNET, M. Jean-Marc TODESCHINI, M. Jean-Marie VANLERENBERGHE.

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N° GA 119 - Juillet 2014

INTRODUCTION

L'année 2013 a été marquée par deux sessions de travail de l'Association Interparlementaire France-Canada (AIFC), qui se sont déroulées consécutivement en France puis au Canada autour d'enjeux liés au développement durable, à l'agroalimentaire, et à la pêche et aux océans.

A. LE CANADA

Deuxième pays le plus étendu du monde, couvrant six fuseaux horaires allant de l'Atlantique au Pacifique, le Canada compte près de 35 millions d'habitants qui, pour l'essentiel, vivent dans les grands centres urbains de la bande méridionale. Le chef d'État de cette monarchie constitutionnelle est la Reine Elizabeth II, représentée au Canada par un Gouverneur général, M. David Johnston, dont les pouvoirs sont symboliques. Le régime de démocratie parlementaire de type britannique y est régi par deux lois constitutionnelles datant de 1867 et 1982. L'État fédéral est composé de 10 provinces - par ordre d'entrée dans la Fédération : Québec, Ontario, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick (1867), Manitoba (1870), Colombie-Britannique (1871), Île-du-Prince-Édouard (1873), Alberta, Saskatchewan (1905), Terre-Neuve-et-Labrador (référendum de 1949) - et de trois territoires - Territoires du Nord-Ouest (1874), Territoire du Yukon (1898) et Territoire du Nunavut (1999). Chaque province est dotée d'un gouvernement aux pouvoirs étendus, responsable devant l'assemblée législative provinciale.

1. Situation politique

Le Parlement canadien est bicaméral :

- la Chambre des Communes est composée de 308 députés, élus pour un maximum de cinq années, au scrutin uninominal à un tour, la majorité absolue étant de 155 sièges ;

- le Sénat est composé de 105 sénateurs, nommés sur proposition du Premier ministre et inamovibles jusqu'à l'âge de 75 ans.

La vie politique est traditionnellement polarisée entre le Parti conservateur, actuellement au pouvoir, et le Parti libéral. Pourtant, les élections législatives du 2 mai 2011 ont bouleversé la scène politique canadienne, donnant pour la première fois une majorité absolue au Parti conservateur de M. Stephen Harper et propulsant le Nouveau Parti démocratique, ancré à gauche, au rang d'opposition officielle. Cinq partis fédéraux sont désormais représentés comme suit à la Chambre des Communes :

• Parti conservateur (Stephen Harper, Premier ministre) : 166 sièges, soit 41% des voix ;

• Nouveau Parti démocratique (Thomas Muclair) : 103 sièges, soit 31% des voix ;

• Parti libéral du Canada (Bob Rae) : 34 sièges, soit 19% des voix ;

• Bloc Québecois (Daniel Paillé) : 4 sièges, soit 6% des voix ;

• Parti Vert (Elizabeth May) : 1 siège, soit 4% des voix.

Le Gouvernement de M. Harper peut donc compter sur une majorité absolue de voix au Parlement, ce qui lui laisse une importante marge de manoeuvre jusqu'en 2016. Le Nouveau Parti démocratique (NPD), dont la victoire est notamment due au charisme de son ancien chef, M. Jack Layton, décédé en août 2011, a triplé son nombre de sièges et ravi le statut de principal parti d'opposition au Parti libéral, défait jusque sur les terres torontaises de son ancien dirigeant, M. Michael Ignatieff. L'autre grand perdant du scrutin est le Bloc québécois, qui s'est effondré au Québec face à la montée du NPD.

Le Gouvernement de M. Harper, fort d'une légitimité renforcée qui, pour la première fois, ne doit rien au Québec - lequel ne lui a apporté que cinq sièges - a adopté une ligne politique intransigeante face à l'opposition, d'où un contexte politique tendu à Ottawa. De surcroît, la question québécoise est devenue un enjeu majeur, surtout après la victoire du Parti québécois de Mme Pauline Marois aux élections provinciales du 4 septembre 2012 1 ( * ) .

2. Situation économique

Au classement de l'indice de développement humain, le Canada est régulièrement dans le peloton de tête (11 ème aujourd'hui). Son produit intérieur brut repose pour les trois quarts sur les échanges extérieurs, favorisés par l'existence de plusieurs accords de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique notamment, et plusieurs États d'Amérique latine. Des négociations sont en cours avec la Corée du Sud, l'Inde et de nombreux autres pays. Après cinq années, la négociation avec l'Union européenne a abouti à un accord politique - mais pas encore à une signature - formalisé par un Accord économique et commercial global le 18 octobre 2013.

La richesse du Canada tient notamment à son relatif dynamisme démographique, mais surtout à l'immensité de son territoire qui regorge de ressources minérales et, aussi, à sa proximité avec le marché américain, qui absorbe les trois quarts des exportations canadiennes. Le Canada possède plusieurs filières industrielles d'excellence : infrastructures de transports, télécommunications, bois et papiers, biotechnologies entre autres. C'est dans les années 1990 que le rétablissement des finances publiques et le maintien d'une bonne compétitivité ont alimenté une forte croissance économique de plus de 3 % par an. En outre, le Canada a bien résisté à la crise financière de 2008, en combinant un programme de relance de l'économie avec un contrôle strict de la dépense publique. Cela étant, le Canada demeure la seule économie occidentale dont la richesse repose pour plus de la moitié sur l'exploitation de ses ressources naturelles.

3. Politique étrangère

Promoteur historique du multilatéralisme, le Canada est un membre actif de nombreuses organisations internationales : ONU, OTAN, OMC, OCDE, Organisation des États américains, APEC (Coopération Asie-Pacifique), Commonwealth, Francophonie, Cour pénale internationale, etc. Il a présidé le G8 en 2010. Le climat est le seul domaine dans lequel son action est plus réservée : il a ratifié le protocole de Kyoto mais n'a jamais rempli ses engagements de réduction des émissions ; il est le seul pays à s'être retiré du traité en décembre 2011.

Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Harper en 2006, la politique extérieure canadienne s'est recentrée sur cinq priorités :

- la promotion des intérêts économiques canadiens grâce au renforcement des liens avec les pays émergents de la zone Asie-Pacifique, mais aussi avec l'Union européenne ;

- l'engagement militaire plus marqué dans les crises (Afghanistan, Libye), avec un budget de la défense en forte hausse et l'implantation de bases logistiques à travers le monde ;

- la consolidation de l'alliance stratégique avec les États-Unis ;

- l'appui à Haïti, principal bénéficiaire de l'aide publique canadienne ;

- la réaffirmation de la souveraineté canadienne dans l'Arctique, convoitée pour ses ressources et son potentiel de navigation.

4. Etat des relations bilatérales

L'attachement historique et sentimental qui lie la France au Canada suffit à expliquer l'étendue et la fréquence de leurs relations bilatérales, notamment interparlementaires. L'appartenance commune à de nombreuses institutions internationales au sein desquelles les deux pays défendent des positions très proches, fondées sur leur attachement à la primauté de la démocratie, au respect des droits de l'homme et au multilatéralisme, ont permis de dépasser les seules références au passé pour inscrire cette relation dans une vision dynamique et moderne. Les deux pays coopèrent étroitement sur plusieurs questions d'intérêt commun : diversité culturelle, opérations de maintien de la paix (Afghanistan, Haïti, Libye, Afrique subsaharienne) ou encore aide au développement (un accord conclu en 2006 permet de conduire des actions conjointes). Les échanges d'expérience dans de nombreux domaines - santé, immigration, sécurité, réforme de l'État - se révèlent toujours très fructueux.

La dernière visite du Premier ministre au Canada, en mars 2013, a permis de confirmer la vitalité de ce « partenariat d'exception ». Au cours des différentes étapes de son déplacement, le Premier ministre et les quatre ministres de sa délégation ont mis en avant les priorités des relations franco-canadiennes que sont les échanges économiques et la mobilité transatlantique. Un programme de coopération renforcée a été adopté à l'issue de la rencontre du Président de la République avec le Premier ministre canadien Stephen Harper, en juin 2013. Il vise à renforcer la coopération dans plusieurs domaines (économie, défense, dialogue politique, culture, domaine universitaire, domaine scientifique).

Le fait que les deux pays entretiennent un dialogue nourri et apaisé même sur les questions qui peuvent les opposer témoigne de la vigueur de leur relation. S'agissant du Québec, par exemple, depuis le voyage du général de Gaulle en 1967, la France a toujours adopté une position dite de « ni-ni » : ni ingérence dans les affaires intérieures canadiennes, ni indifférence à l'égard du Québec. Le gouvernement canadien accepte que la France et le Québec entretiennent une relation privilégiée - qui, à l'Assemblée nationale et au Sénat, a justifié la création d'un groupe d'amitié France-Québec - et les autorités françaises s'abstiennent de témoigner quelque soutien direct que ce soit à la souveraineté de la province.

Saint-Pierre-et-Miquelon (SPM) est également un dossier important de la relation franco-canadienne. À la suite de la sentence arbitrale de juin 1992 sur la Zone économique exclusive de cette collectivité d'outre-mer française, la France et le Canada ont signé un accord en 1994, qui régit la pêche et la coopération régionale avec les quatre provinces atlantiques du Canada. Une commission mixte se réunit chaque année pour renforcer cette coopération.

Au plan économique, les échanges de biens et services entre la France et le Canada représentent environ 5 milliards d'euros par an. La France est aujourd'hui le 7 ème investisseur étranger au Canada, avec 11 milliards d'euros de stock d'investissements directs. Environ 550 entreprises françaises sont implantées au Canada, surtout au Québec, employant plus de 80 000 personnes (Sodexo 11 000, Lafarge 8 000, Michelin 4 500, etc.). Total a entrepris un ambitieux programme dans les sables bitumineux de l'Alberta, tandis qu'Areva est le deuxième exploitant de l'uranium de Saskatchewan. On compte 280 filiales de sociétés canadiennes en France (Bombardier, Aastra, Cascades, McCain, Quebecor, SNC Lavalin, EnCana). Ces entreprises emploient environ 40 000 personnes.

La coopération universitaire est particulièrement dynamique, grâce aux échanges d'étudiants et aux cotutelles de thèse. Les étudiants français au Canada bénéficient des mêmes conditions de scolarité que les étudiants canadiens. Le Fonds France Canada pour la recherche (FFCR) a été créé en 2000 pour soutenir divers projets d'échanges. La coopération scientifique est très active dans le domaine des technologies de l'information, de l'énergie et de certaines filières très spécialisées (arboriculture, biotechnologies, etc.). Enfin, la coopération décentralisée est en forte progression. Les collectivités locales françaises et canadiennes, notamment québécoises, nouent des partenariats dans des domaines variés.

B. L'ASSOCIATION INTERPARLEMENTAIRE FRANCE-CANADA

L'Association interparlementaire France-Canada a été créée en septembre 1965 par les présidents de l'Assemblée nationale et de la Chambre des Communes, qui lui ont fixé pour but de « prendre toutes les initiatives susceptibles de favoriser le renforcement des liens entre les Parlements des deux pays ». C'est dans cet esprit que des rencontres régulières ont d'abord été programmées entre les membres des bureaux des deux Chambres fondatrices, élargies par la suite aux représentants des groupes d'amitié France-Canada des deux Chambres de chaque pays. Depuis lors, l'Association est la seule structure interparlementaire bicamérale du Parlement français.

L'Association est composée d'une section française de vingt-quatre membres et d'un groupe canadien, qui compte actuellement plus de cent membres. Alors que les membres de la section française sont désignés, selon trois procédures différentes, par les deux assemblées, le gr o u pe ca nadien est en revanche composé de tous les membres du Parlement qui désirent y adhérer. Ceux-ci élisent ensuite un comité exécutif de dix membres, qui constitue le véritable interlocuteur de la section française. Le président de l'Assemblée nationale, pour la France, et le président de la Chambre des Communes, pour le Canada, président conjointement l'Association. Ils président chacun la section représentant leur Parlement respectif et, lorsqu'elle se déroule dans leur pays, la session annuelle réunissant les deux sections nationales.

L'Association tient désormais deux sessions annuelles, alternativement en France et au Canada. Ces rencontres sont l'occasion pour les parlementaires d'enrichir leur connaissance réciproque des deux pays en débattant de sujets d'actualité et d'intérêt commun, avec la participation facultative d'experts extérieurs. En outre, la section française et le groupe canadien figurent parmi les interlocuteurs privilégiés des parlementaires et dirigeants politiques en déplacement ainsi que des ambassades de France à Ottawa et du Canada à Paris. La fréquence et la chaleur de ces contacts participent ainsi à l'instauration d'un climat d'amitié et de confiance entre les dirigeants politiques des deux pays.

C. LA SECTION FRANÇAISE DE L'ASSOCIATION INTERPARLEMENTAIRE FRANCE-CANADA

La section française comprend douze membres titulaires - huit députés et quatre sénateurs - et autant de membres suppléants. La répartition des sièges entre les différents groupes politiques des deux chambres s'efforce de refléter la composition politique de chacune d'elle tout en respectant le rapport entre la majorité et l'opposition à l'échelle du Parlement.

La section française est statutairement présidée par le Président de l'Assemblée nationale, mais ce dernier désigne traditionnellement un président délégué qui le remplace dans toutes ses fonctions pour la durée de la législature. Pour la XIV ème législature, le Président Claude Bartolone a désigné Mme Catherine Coutelle à la fonction de présidente déléguée.

Les députés membres de l'Association sont désignés par le Bureau de l'Assemblée nationale et par le groupe d'amitié France-Canada, qui en désigne dix, tandis que le Bureau en désigne six en son sein, dans les deux cas à parité entre titulaires et suppléants. S'agissant des sénateurs, ils sont désignés par le groupe interparlementaire d'amitié France-Canada, en son sein. Sans que cela soit formalisé, l'Association interparlementaire France-Canada constitue l'organe de représentation et d'expression privilégié des deux groupes d'amitié France-Canada de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont les membres ont vocation à participer à toutes les activités qui se déroulent en France.

D. LES SESSIONS D'AVRIL ET SEPTEMBRE 2013

L'Association interparlementaire France-Canada a tenu sa 39 ème session à Bordeaux et à Paris du 7 au 11 avril 2013. Cette session était la première organisée en France depuis la reconstitution complète de la section française à l'issue du cycle électoral de 2012. Les thèmes étudiés ont porté, d'une part, sur le développement durable (gestion de l'eau, utilisation des intrants agricoles et protection des milieux fragiles) ; d'autre part, sur les industries agro-alimentaires (sécurité et traçabilité des produits alimentaires, circuits de commercialisation et gaspillage alimentaire).

À la suite de cet accueil, une délégation de parlementaire français s'est rendue au Nouveau-Brunswick, province maritime, pour étudier les questions socio-économiques et environnementales liées à la pêche et aux océans. Ce territoire - dont l'activité économique est tournée principalement vers la pêche - tente de préserver l'activité de ce secteur alors que l'environnement économique et social est en pleine mutation. De plus, la protection du littoral et des océans est une question sensible dont les problématiques et les solutions intéressent les deux pays. Par ailleurs, la découverte du patrimoine et de la culture acadiens fut le fil conducteur de ce déplacement dans la seule province officiellement bilingue du Canada, qui est très attachée à ses racines françaises et à la promotion de la francophonie.

PREMIÈRE PARTIE - AVRIL 2013 : 39ÈME SESSION INTERPARLEMENTAIRE ENTRE BORDEAUX ET PARIS

Composition des délégations

Canada

Mme Claudette Tardif , sénatrice, présidente du groupe canadien de l'AIFC ( Alberta, Parti libéral canadien - PLC )

M. Serge Joyal , sénateur (Québec, PLC)

M. Claude Carignan , sénateur (Québec, Parti conservateur canadien - PCC)

M. Jean-Claude Rivest , sénateur (Québec, indépendant)

Mme Loïs Brown , députée (Ontario, PCC)

M. Denis Coderre , député (Québec, PLC )

M. Yvon Godin , député (Nouveau-Brunswick, Nouveau parti démocratique -NPD )

M. Hoang Mai , député (Québec, NPD )

M. John Williamson , député (Nouveau-Brunswick, PCC )

M. Alexandre Roger , secrétaire exécutif de l'AIFC et du groupe d'amitié

Mme Lucie Lecomte , analyste

M. Marc Berthiaume , conseiller politique de l'Ambassade du Canada en France

France

Mme Catherine Coutelle , députée, présidente de la section française de l'AIFC (Vienne, Socialiste, républicain et citoyen - SRC )

Mme Claudine Lepage , sénatrice, présidente du groupe sénatorial France-Canada (Français établis hors de France, SOC)

Mme Marie-Noëlle Battistel , députée (Isère, SRC)

Mme Michèle Bonneton , députée (Isère, Ecolo)

Mme Karine Claireaux , sénatrice (Saint-Pierre-et-Miquelon, SOC)

M. Louis Duvernois , sénateur (Français établis hors de France, UMP)

M. André Gattolin , sénateur (Hauts-de-Seine, Ecolo)

Mme Pascale Got , députée (Gironde, SRC )

Mme Joëlle Huillier , députée (Isère, SRC)

M. Marc Le Fur , député (Côtes d'Armor, UMP)

M. Patrice Martin-Lalande , député (Loir-et-Cher, UMP)

Mme Catherine Morin-Desailly , sénatrice (Seine-Maritime, UDI-UC)

M. Charles Revet , sénateur (Seine-Maritime, UMP)

Mme Delphine Bert, secrétaire exécutive de l'AIFC et du groupe d'amitié

M. Alexandre Michel, secrétaire exécutif de l'AIFC et du groupe d'amitié

I. BORDEAUX ET SA RÉGION (7-9 AVRIL 2013)

Au fil de ses visites à Bordeaux, sur le littoral aquitain et dans le Médoc, la délégation a pu étudier les différentes modalités de gestion d'un patrimoine naturel et culturel riche et varié, dans une région qui possède à la fois un milieu naturel fragile - le cordon dunaire, la forêt et les lacs - mais aussi un illustre terroir agricole - le vignoble du Médoc et d'innombrables exploitations de cultures et d'élevage - et, enfin, un patrimoine historique et architectural remarquable - la ville de Bordeaux.

A. HOURTIN : DU MARAIS À LA DUNE

Accueillie par M. Christophe Birot, maire d'Hourtin, et par les élus et les représentants de l'Office national des forêts (ONF) de la communauté de communes, la délégation interparlementaire s'est rendue sur le littoral dunaire qui sépare la forêt de l'océan.

L'Aquitaine possède le plus long littoral sauvage de France, préservé de toute urbanisation sur près de 200 kilomètres. La politique volontariste de l'État qui, par le biais du Conservatoire du littoral, a acquis près de 80 % du littoral régional, a permis d'adopter un mode de gestion multifonctionnel de cet espace fragile - contrairement à d'autres portions de littoral plus spécialisées - piloté par l'ONF et associant la gestion des milieux naturels avec la fréquentation du public.

La gestion de l'eau, partagée entre les usages particuliers, agricoles, forestiers et industriels, fait l'objet d'un mécanisme de gestion concerté dans le cadre de l'Agence régionale de l'eau, qui fixe le prix de la ressource et établit un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, en concertation avec les représentants de l'ensemble des utilisateurs. Les fortes contraintes liées aux sols sablonneux et aux conditions topographiques et géologiques des lieux justifient que l'utilisation de l'eau soit étroitement contrôlée, notamment pour ce qui concerne les exploitants agricoles qui doivent justifier précisément de leur consommation.

De même, le caractère perméable des terres sablonneuses, très sensibles aux intrants agricoles, a favorisé le développement de plantes aquatiques nuisibles dont l'impact est étroitement surveillé par l'ONF. Les bonnes pratiques ont progressivement été encouragées en la matière, afin de réduire l'usage de produits durablement nocifs.

La dune littorale demeure un espace particulièrement vulnérable, en dépit de sa taille : plus de 150 mètres de large et près de 200 kilomètres de long. Le cordon dunaire, qui surplombe souvent la plage d'une quinzaine de mètres, se décompose entre une dune « blanche » sableuse, une dune « grise » fixée par les lichens et une dune boisée. La flore dunaire doit son caractère exceptionnel à son exposition aux embruns océaniques, à l'enfouissement par le sable, à la pauvreté des nutriments disponibles et aux fortes amplitudes thermiques. L'érosion dunaire est importante : le littoral recule en certains endroits de plusieurs mètres par an. Même compensée par l'engraissement du cordon en d'autres points, cette érosion demeure préoccupante et rend d'autant plus nécessaire la préservation de la forêt littorale, qui fixe la dune.

La forêt elle aussi est fragile : vulnérable aux incendies, elle a surtout souffert de la grande tempête de 1999 qui a dévasté l'Aquitaine et, au-delà, une grande partie du littoral atlantique français. L'effort de reconstitution de la forêt a notamment consisté à diversifier les essences, compte tenu de la forte inflammabilité du pin maritime.

B. LE MÉDOC : UN VIGNOBLE D'EXCEPTION

Après le Médoc vert des forêts et le Médoc bleu de la mer, la délégation interparlementaire a gagné le Médoc rouge, celui du vignoble. Plus de 1 200 propriétés et châteaux y produisent du vin, depuis le producteur artisanal ou familial aux grandes marques internationales - d'où une mixité sociale souvent méconnue, par exemple dans la commune de Pauillac. Pour autant, la plantation et l'exploitation des vignobles sont strictement encadrées, afin notamment de prévenir l'implantation excessive d'investisseurs étrangers.

De nombreuses exploitations surveillent de près la structure de leurs sols afin d'en garantir une perméabilité adéquate : ainsi, le Château Phélan Ségur, qui exploite 89 hectares sur un coteau calcaire de Saint-Estèphe tout proche de l'estuaire de la Gironde, veille à ce que ses sols, des graves du Quaternaire composées de graviers enrobés de sables argileux, demeurent suffisamment perméables pour assurer un rendement élevé, de l'ordre de 40 hectolitres par hectare - à raison de 9 000 pieds de vigne par hectare.

La délégation s'est entretenue avec l'administratrice du Château Phélan Ségur, qui leur a présenté les principales étapes du circuit de commercialisation du vin, du rôle des courtiers et de la stratégie commerciale d'une exploitation viticole familiale moderne.

C. L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE

La délégation interparlementaire a également visité une exploitation d'élevage bovin biologique, fondée en 1997, après la crise de la vache folle. La ferme abrite 350 à 370 têtes de bovins de race limousine élevés en extérieur et sans antibiotiques. De même, elle a visité une exploitation aquacole en bord d'estuaire, créée dans les années 1980 sur 17 hectares de marais salés. L'exploitant y élève des gambas dans des bassins alimentés par l'eau de l'estuaire via un réseau de canaux et de vannes. La forte biodiversité de ces bassins n'empêche pas l'exploitant de maintenir le rendement à l'hectare à un niveau délibérément faible, de l'ordre de 200 gambas, lui permettant d'améliorer la qualité du crustacé et d'en contrôler toute la chaîne de production, de la frayère à la distribution. Le choix de cette espèce « exotique », venue du Japon, est dû en partie à la disparition de l'huître dans la région en raison de la présence dans l'estuaire de cadmium 2 ( * ) , déposé par des installations industrielles situées en amont et dont le taux demeure supérieur au plafond autorisé pour l'ostréiculture, laquelle pourra être réintroduite dans la zone estuarienne dès que ce taux sera redevenu acceptable.

D. BORDEAUX : UNE MÉTROPOLE EN PLEINE MUTATION

L'entretien de la délégation avec M. Alain Juppé, maire de Bordeaux, a été l'occasion de rappeler les liens anciens qui unissent la ville à l'Amérique francophone. M. Juppé a également présenté un certain nombre de projets d'urbanisme qui ont contribué, au cours de ses mandats, à la rénovation et à la transformation radicale de cette ville polyvalente, dont le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO a stimulé encore davantage l'attractivité, notamment touristique. L'interdiction du centre-ville aux voitures, la création d'un réseau de tramway et le ravalement de la plupart des façades historiques, par exemple, ont profondément renouvelé l'image de la ville. L'équipe municipale a présenté à la délégation un certain nombre d'aménagements urbains : aménagement des quais pour relier le nord et le sud de l'agglomération, mise en oeuvre d'un « arc de développement durable », implication croissante des citadins dans la gouvernance locale et élaboration d'un projet urbain à moyen terme qui doit permettre à Bordeaux d'accueillir 100 000 nouveaux habitants d'ici à 2030.

La délégation interparlementaire a visité le premier éco-quartier de la ville, dénommé Ginko. Ce projet phare de l'agglomération bordelaise - dont la réalisation a été confiée à Bouygues Immobilier - a été lancé fin 2006 et doit être achevé en 2017. Il consiste à créer un nouveau quartier respectant des normes de qualité en matière d'environnement et d'architecture et favorisant la mixité fonctionnelle et sociale. Ainsi, 90 % des logements sont labellisés « bâtiments à Basse Consommation d'Énergie » et les équipements du quartier sont alimentés grâce à des capteurs solaires, des panneaux photovoltaïques et, depuis l'été 2012, par une chaufferie à biomasse exploitée par Cofely (80 % de biomasse bois et 20 % de biomasse végétale) dont les ressources sont issues de l'industrie locale. Les eaux de pluie des espaces publics et des habitations sont récupérées et utilisées pour l'arrosage des jardins. L'éco-quartier comprend notamment 33 % de logements sociaux et 20 % de logements à accession aidée, mais aussi des commerces et des espaces publics (école, maison polyvalente). Les premiers résidents se sont installés en septembre 2012.

E. VERMILION : UNE ENTREPRISE CANADIENNE IMPLANTÉE EN AQUITAINE

Pour conclure sa mission dans la région bordelaise, la délégation interparlementaire a rencontré des représentants de Vermilion, une entreprise canadienne d'hydrocarbures dont l'un des sites est implanté dans les Landes. Également présente au Canada, en Irlande, aux Pays-Bas et en Australie, Vermilion est le premier producteur de pétrole en France, où elle s'est installée en 1997 afin de diversifier son activité sur un territoire dont la stabilité politique et juridique constitue un facteur d'attractivité. Ses puits disséminés dans les bassins aquitain et parisien produisent plus de 11 000 barils par jour, soit près de 65 % de la production nationale. Toutefois, 1 % seulement du pétrole consommé en France est produit dans le pays.

Pour minimiser l'impact de ses activités sur l'environnement, Vermilion a conclu divers partenariats visant, par exemple, à utiliser les émissions liées à ses opérations de forage et d'extraction pour alimenter une serre à tomates, ou encore à fournir de l'énergie destinée à la chaufferie de l'éco-quartier Ginko.

II. PARIS (10-11 AVRIL 2013)

A Paris, l'Association interparlementaire a conduit ses travaux lors de deux séances de travail, l'une sur des sujets liés au développement durable et l'autre sur les industries agro-alimentaires.

A. ALLOCUTION D'OUVERTURE DE M. CLAUDE BARTOLONE, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Chers collègues et amis,

L'Assemblée nationale s'honore d'accueillir aujourd'hui la 39 ème session annuelle de l'Association interparlementaire France-Canada, dont le dynamisme illustre la qualité des liens qui unissent nos deux pays. L'Assemblée nationale n'entretient de liens aussi privilégiés qu'avec un nombre très réduit de pays : la Russie, plus récemment la Chine et l'Algérie, bientôt le Maroc, et aussi la province du Québec. C'est dire combien les parlementaires français sont attachés au dialogue et à l'amitié avec le Canada, et à la vitalité de notre Association interparlementaire.

Mesdames les présidentes, soyez tout particulièrement remerciées, l'une et l'autre, pour l'énergie avec laquelle vous animez et coordonnez les travaux de l'Association depuis plusieurs années. Je me félicite également que l'Association donne l'exemple en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, et même mieux encore, puisque, pour la première fois de son histoire, la section canadienne et la section française sont simultanément présidées par des femmes. Nous avons d'ailleurs beaucoup à apprendre de nos amis canadiens, puisque six des treize provinces et territoires canadiens, dont l'Ontario, le Québec et la Colombie-britannique, sont dirigés par des premières ministres.

Je salue également l'ensemble des parlementaires canadiens, qui ont fait le déplacement en France à l'occasion de cette session. Certains d'entre eux, comme les honorables Serge Joyal, Jean-Claude Rivest ou encore Denis Coderre, connaissent parfaitement notre pays, qu'ils fréquentent assidument depuis de nombreuses années. D'autres le découvrent peu à peu, comme Mme Loïs Brown, qui n'épargne aucun effort pour en apprendre la langue, qui est aussi la langue du Canada.

Le français, en effet, est au coeur du patrimoine culturel que nous partageons. Le Canada est l'un des fers de lance de la francophonie. Votre attachement sans faille à la langue française, chers collègues canadiens, ne s'est jamais démenti, alors même que l'anglais est largement majoritaire sur votre continent et qu'il progresse partout ailleurs. Le Québec, bien sûr, est le coeur de l'Amérique francophone, mais le français au Canada dépasse les frontières de la Belle Province : le Nouveau-Brunswick, où se trouve l'Acadie que représente M. Godin, mais aussi l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse ou encore l'Alberta, que représente Mme Tardif, comptent d'importantes communautés francophones. La francophonie est plus qu'une langue en partage : c'est le véhicule de nos valeurs, d'une certaine conception de notre civilisation.

La France et le Canada sont aujourd'hui deux grandes démocraties, qui partagent un même attachement viscéral au respect des droits de l'Homme, à la promotion de la bonne gouvernance et à la consolidation de la paix. Nous défendons ensemble des valeurs communes dans différentes enceintes internationales auxquelles nous appartenons, de l'OTAN au G8 et à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Nos deux pays ont été à l'origine de l'adoption par l'UNESCO de la Convention sur la diversité des expressions culturelles. Au nom de la paix et de la sécurité internationales, nous sommes intervenus en étroite concertation dans plusieurs pays en crise, en Afghanistan, en Haïti et en Libye par exemple. Je tiens à saluer le soutien immédiat que le Canada a apporté à l'intervention des forces françaises au Mali.

Lors de sa visite au Canada le mois dernier, le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, soulignait notre communauté de points de vue sur les grandes questions internationales, du Mali à la Syrie ou encore à la Corée, compte tenu de la situation qui prévaut actuellement dans cette péninsule.

La visite du Premier ministre a également été l'occasion de mettre en avant nos étroites relations économiques. Le Canada, riche en ressources naturelles, est aussi une économie de la connaissance de tout premier ordre. La solidité de son secteur bancaire lui a permis de résister de manière remarquable à la crise financière. Sa croissance économique s'appuie sur le développement rapide des activités extractives, notamment dans l'Alberta. Qu'il s'agisse d'hydrocarbures, d'industries de pointe ou de technologies de l'information, les échanges bilatéraux franco-canadiens sont en augmentation. La France est d'ailleurs le 7 ème investisseur étranger au Canada, où 550 entreprises françaises emploient plus de 85 000 personnes.

Le dynamisme de ces échanges économiques repose aussi sur une solide coopération universitaire et scientifique qui garantit la mobilité des personnes, notamment des jeunes et des chercheurs. Nous attendons tous à présent la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, qui contribuera encore, j'en suis sûr, au rehaussement de nos relations économiques 3 ( * ) .

En somme, la France et le Canada sont deux partenaires historiques dont la proximité culturelle et la communauté de vues ne se sont jamais démenties. Mais la chance de notre relation, c'est également le formidable terrain d'expérimentation qui existe entre nos deux modèles économiques. De ce point de vue, les travaux comparatifs que conduit l'Association sont extrêmement utiles, car ils sont en prise directe avec les enjeux majeurs de nos sociétés modernes, qui affectent la vie quotidienne des citoyens : le développement durable et l'industrie agro-alimentaire, sur lesquels vous avez déjà commencé à échanger, sont, de ce point de vue, des exemples éclairants.

Alors que nous venons de célébrer la semaine du développement durable, vous vous saisissez aujourd'hui de trois thèmes environnementaux d'une importance cruciale pour les sociétés d'aujourd'hui et celles de demain : la gestion de l'eau, l'utilisation des intrants agricoles et la protection des milieux fragiles. Ce sont des défis communs, et je me réjouis que le dialogue interparlementaire puisse se les approprier, fort de l'expertise et de la connaissance de terrain de nos élus. De même, votre Association débat des industries agro-alimentaires, un sujet dont vous avez déjà pu discuter lors de votre séjour en Gironde, où vous avez visité des exploitations agricoles. En Europe, plusieurs scandales récents ont mis en lumière la complexité croissante des circuits de commercialisation des produits alimentaires et la multiplication parfois opaque des intermédiaires entre producteur et consommateur, qu'ils soient transformateurs ou distributeurs de produits. Sur cette question essentielle qui est au coeur de la vie de la cité démocratique, les parlementaires ont un indispensable rôle d'information et de contrôle. Par vos travaux, vous contribuez à nourrir - c'est le cas de le dire - le débat public, à partager les expériences, à identifier les bonnes pratiques et, in fine , à rendre nos sociétés plus sûres, plus durables, plus fortes face aux turbulences du monde actuel.

Pour toutes ces raisons, je tiens à vous redire combien je me réjouis de la vitalité de l'Association interparlementaire France-Canada, des chaleureux liens d'amitié qu'ont tissés ses membres par-delà les appartenances politiques - je vous ai vue, Mme la Présidente Tardif, échanger des salutations affectueuses avec de nombreux élus français, illustrant ainsi parfaitement cette amitié - et de la contribution qu'elle apporte aux excellentes relations qu'entretiennent nos deux pays, aujourd'hui comme hier.

« Les chemins qui vont droit devant s'escaladent » , écrivait Gilles Vigneault. Face aux multiples défis qui se présente à nous - la crise économique et sociale, le rééquilibrage de la richesse mondiale, les changements climatiques - nous ne devons ni reculer, ni tergiverser, mais escalader ces obstacles ensemble, forts de notre histoire commune et de notre attachement à des valeurs profondément enracinées qui fondent nos deux démocraties.

Mesdames et messieurs les parlementaires, permettez-moi d'ajouter un dernier mot. Bien entendu, la diplomatie entre les États est indispensable. Que les chefs d'État et de gouvernement aient l'occasion de discuter, d'échanger, et de renforcer leurs points de vue est indispensable. À côté de cette diplomatie-là, il y a la diplomatie parlementaire. Nous sommes au premier rang pour représenter les préoccupations et les rêves de nos compatriotes. Je suis intimement persuadé que ces échanges entre parlementaires français et canadiens sont eux aussi indispensables pour à la fois renforcer cette amitié séculaire, et pour nous permettre de montrer, dans une période de doute et d'inquiétude, que par la proposition politique, en relation avec les citoyens, nous pouvons leur donner envie de ne pas avoir peur du nouveau monde dans lequel nous sommes entrés.

À chacune et à chacun d'entre vous, je souhaite donc bon séjour et bon travail !

B. SÉANCE DE TRAVAIL SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Premier thème : la gestion de l'eau

Pour ouvrir le débat, Mme Marie-Noëlle Battistel a présenté la gestion des barrages hydroélectriques français et les conséquences qu'a eue sur eux la directive-cadre européenne sur l'eau du 23 octobre 2000, qui privilégie l'utilisation durable de l'eau et la préservation de sa qualité via des plans de gestion, afin de parvenir en 2015 à un bon état général des eaux souterraines et superficielles, y compris les eaux estuariennes et côtières. Cependant, l'ouverture à la concurrence des ouvrages autrefois gérés par l'État pose problème, notamment en cas d'implantation d'un opérateur étranger. La France doit pouvoir s'appuyer sur la ressource hydraulique alors que la part du nucléaire dans la production énergétique française doit diminuer.

M. Claude Carignan a expliqué qu'au Canada, la gestion des barrages et la production énergétique relèvent de la compétence des provinces. Au Québec, les sociétés privées peuvent construire et gérer de petites installations hydroélectriques, mais elles doivent d'abord obtenir l'approbation d'Hydro-Québec, société d'État québécoise, responsable de la production, du transport et de la distribution de l'électricité au Québec. D'autres sources d'électricité existent : éoliennes et usines de transformation de déchets biodégradables, par exemple. Les grands consommateurs d'électricité que sont les usines et les industries ont souvent leur propre source d'approvisionnement et peuvent obtenir l'autorisation de vendre leur surplus d'électricité dans le réseau provincial. Au Québec, 90 % à 95 % de l'électricité est produite par les barrages hydroélectriques, bien que la tendance actuelle soit au développement de modes alternatifs. En France, au contraire, l'hydroélectricité ne représente que 13 % de la production d'électricité.

Pour M. Yvon Godin, les provinces sont particulièrement attachées à demeurer compétentes en matière de production d'électricité. A cet égard, le projet d'entente entre le Nouveau-Brunswick et le Québec, qui prévoyait la vente de la plupart des actifs d'Energie NB, société d'État du Nouveau-Brunswick, à Hydro-Quebec, société d'État québécoise, a finalement été abandonné face aux nombreuses critiques des partis d'opposition. De manière générale, le fait que les provinces possèdent leurs sociétés d'État n'empêche pas la concurrence nationale et internationale d'exister. Ainsi la contribution financière du gouvernement fédéral au projet hydroélectrique terre-neuvien de Muskrat Falls - consistant à transporter l'électricité produite au Labrador et à Terre-Neuve pour l'acheminer vers le réseau vers les États-Unis en passant par la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, et donc en contournant le Québec - a été dénoncée par le Gouvernement du Québec comme une intrusion du pouvoir fédéral et une concurrence déloyale à l'hydroélectricité québécoise.

De ce point de vue, Mme Catherine Coutelle a rappelé que s'applique dans l'Union européenne le principe de la libre concurrence. Plusieurs secteurs - transport ferroviaire ou électricité, par exemple - ont vu leurs réseaux progressivement ouverts à la concurrence. En matière d'électricité, les directives européennes transposées dans le droit français imposent, d'une part, une séparation complète des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité. Elles prévoient, d'autre part, que les activités de production et de fourniture d'électricité soient totalement ouvertes à la concurrence pour, à terme, créer un grand marché de l'énergie et faire baisser les prix à la consommation - objectif démenti par la réalité.

Mme Catherine Coutelle a souligné également l'engagement de la France à atteindre d'ici à 2020 l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie finale. En matière d'hydroélectricité, il faut trouver un équilibre entre l'objectif de développement durable et celui de la préservation des ressources naturelles, en prenant par exemple des mesures compensatoires.

Au Canada, et au Québec en particulier, M. Denis Coderre a fait valoir qu'il faut tenir compte de la présence ancienne des peuples autochtones dans les territoires où sont installés des ouvrages hydroélectriques. Mme Claudette Tardif a ajouté que les principales sources d'énergie varient d'une province à l'autre : les provinces de l'Ouest, par exemple, s'alimentent notamment grâce à leurs réserves de pétrole et de gaz naturel.

Outre la production d'électricité, le gaspillage constitue une autre des facettes de la problématique de la gestion de l'eau. Or, au Canada, l'abondance et le faible coût de l'eau encouragent son gaspillage. Au Québec, par exemple, les compteurs d'eau sont peu nombreux et ne concernent que les bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels. Pour les particuliers, le compteur d'eau n'est pas obligatoire ; la tarification ne s'effectue donc pas en fonction de la quantité d'eau consommée, mais correspond aux frais de gestion. En France, au contraire, les compteurs d'eau sont souvent collectifs dans les immeubles résidentiels. Une initiative a été lancée pour mettre des compteurs individuels dans les HLM, dans un souci de responsabilisation des occupants.

Autre problème lié à l'eau : la pollution. Au Canada, le déversement de déchets et de substances toxiques dans les eaux douces des Grands Lacs nuit gravement à l'écosystème et constitue une menace pour la santé humaine. Le sénateur Carignan a indiqué que près de 40 millions de personnes (un Canadien sur trois et un Américain sur 10) vivent dans la région des Grands Lacs, et qu'une vingtaine de villes canadiennes et américaines riveraines y déversent chaque année quelque 90 milliards de litres d'eaux usées non traitées. Or, leur eau doit répondre à la demande croissante de l'industrie, des exploitations agricoles et des aires urbaines. Certains lacs ont d'ores et déjà atteint leur plus bas niveau.

Ont également été abordées les questions de l'irrigation et des réserves de substitution en France, susceptibles, selon les agriculteurs, de résoudre les problèmes de gestion de l'eau. Cette solution ne fait néanmoins pas l'unanimité, à la fois pour des raisons d'ordre financier, et aussi en raison de son impact sur les réserves en eau et sur le milieu aquatique naturel. Un moratoire a été demandé par Mme Delphine Batho, alors ministre de l'écologie, aux agences de l'eau sur le financement des réserves de substitution. Cette décision a suscité de vives réactions de la part des agriculteurs, car ces réserves en eau permettent d'irriguer les cultures intensives et de faire face aux aléas de la sécheresse.

2. Deuxième thème : l'utilisation des intrants agricoles

En préambule, Mme Joëlle Huillier a clairement distingué l'agriculture biologique, qui limite au maximum l'utilisation d'intrants, de l'agriculture raisonnée, qui utilise les intrants de manière ciblée et très réglementée. Le développement de l'agriculture à fort rendement a longtemps bénéficié des intrants agricoles. Pourtant, l'usage de ces produits a un impact profond en matière de sécurité sanitaire, qu'il s'agisse de la santé des végétaux, des animaux ou des êtres humains. En France, un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides a été mis en place en juin 2006 et le « Grenelle de l'environnement » a confirmé les orientations de ce plan en prévoyant la réduction de moitié, en 10 ans, de l'emploi de pesticides de synthèse, ainsi que le passage de 20 % des exploitations en agriculture biologique d'ici 2020.

M. Jean-Claude Rivest s'est félicité que le Canada pratique une agriculture raisonnée : il s'est doté d'une législation complète afin de promouvoir une utilisation efficace et efficiente des intrants agricoles. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) applique cette réglementation en vue de protéger l'approvisionnement alimentaire, la santé des animaux et des végétaux et d'améliorer le bien-être des Canadiens, la qualité de l'environnement et la bonne santé de l'économie. Puisque l'agriculture est un domaine de compétences partagées, les provinces et les territoires se sont aussi dotés de lois, de politiques ou de programmes qui visent à réduire l'utilisation des intrants et à promouvoir des méthodes agricoles respectueuses de l'environnement et des principes de l'agriculture durable.

Dans le contexte des échanges commerciaux internationaux, les agriculteurs canadiens se heurtent à plusieurs défis. Le processus d'homologation canadien peut parfois être long, notamment pour les engrais chimiques et les médicaments vétérinaires. Les agriculteurs éprouvent donc des difficultés à obtenir des intrants qui sont déjà en usage ailleurs dans le monde. De surcroît, la lenteur du processus d'homologation canadien est l'un des obstacles non tarifaires qui entravent la conclusion des négociations relatives à l'accord économique et commercial global avec l'Union européenne. De fait, les exportateurs européens se plaignent de la lenteur du processus canadien d'homologation des nouveaux médicaments vétérinaires, des retards de traitement des demandes d'autorisation touchant les additifs alimentaires et des normes canadiennes relatives à la composition des fromages. Le sénateur Rivest a estimé qu'il serait intéressant d'examiner comment l'Union européenne, la France et le Canada pourraient travailler ensemble pour simplifier les processus d'homologation des intrants agroalimentaires.

M. Claude Carignan a soulevé la question de l'utilisation du label « bio », reconnaissant que l'élevage des animaux ne peut se faire sans aucun médicament, et qu'il faut aussi tenir compte des intrants présents dans l'alimentation des animaux. Est-il pertinent de favoriser une agriculture strictement biologique ? En France, par exemple, le label biologique renvoie à des normes précises. Il apparaît nécessaire de normaliser la définition du label « bio », notamment pour faciliter le commerce international de produits agroalimentaires.

Enfin, plusieurs parlementaires ont abordé la question des délais de mise sur le marché de produits qui se substituent à des produits dont la commercialisation a été interdite. Ces retards sont certes compréhensibles, mais ils nuisent au développement de l'industrie agroalimentaire.

3. Troisième thème : la protection des milieux fragiles

M. Hoang Mai a tout d'abord précisé qu'au Canada, la protection des milieux fragiles est un domaine de compétences partagé entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. En matière de protection des océans, par exemple, le gouvernement fédéral joue un rôle prédominant. Étant donné que le Canada possède un des plus longs littoraux au monde, le pays s'appuie sur un important corpus législatif et sur la coopération intergouvernementale. Par ailleurs, les peuples autochtones jouent un rôle important dans la protection et la conservation des milieux fragiles. Au Canada, ce sont les organismes non gouvernementaux qui sont à l'avant-garde de la protection des océans, du littoral, des fonds marins et de la vie marine. En dépit d'efforts consentis en matière de sensibilisation, il n'existe pas de mesures globales qui soient orchestrées au niveau fédéral. Toutefois, un projet de loi visant à interdire l'importation d'ailerons de requins a été déposé au Parlement fédéral.

Pour sa part, M. Patrice Martin-Lalande a évoqué le programme de protection et de conservation qui a été mis en place en Sologne, une région forestière naturelle d'environ 500 000 hectares, parsemée de plus de 2 000 étangs. La réserve naturelle de Sologne figure parmi les 1 753 sites français du Réseau Natura 2000, un ensemble de sites naturels européens, terrestres et marins, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages, animales ou végétales, et de leurs habitats. L'objectif de Natura 2000 est de concilier la préservation de la nature avec les préoccupations socio-économiques et les spécificités locales. On peut toutefois regretter que la préservation d'une biodiversité équilibrée se heurte à la rigidité de certaines politiques menées au niveau européen. Ainsi, les décisions relatives à la protection de certaines espèces peuvent déstabiliser le cycle naturel du milieu, comme l'illustrent les exemples du cormoran ou du héron. À cet égard, la gestion des indicateurs d'évaluation demeure lacunaire : il faut concevoir des outils plus pertinents qui permettront de justifier le maintien de certaines mesures de protection.

C. DEUXIÈME SÉANCE DE TRAVAIL : LES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES - SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, TRAÇABILITÉ DES PRODUITS ET CIRCUITS DE COMMERCIALISATION

A titre introductif, M. Serge Joyal a indiqué qu'au Canada, c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) qui est chargée de l'ensemble des activités liées au contrôle de la qualité des produits alimentaires et à l'application de la loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation. L'ACIA conduit aussi des activités en matière de santé animale et de protection des végétaux. C'est, à l'échelle internationale, l'une des rares agences de ce type dont les responsabilités s'étendent à l'ensemble du cycle alimentaire, des étapes préalables à la production jusqu'à la distribution au consommateur final. Par ailleurs, la loi sur la salubrité des aliments au Canada, promulguée en novembre 2012, a considérablement renforcé les contraintes en matière de traçabilité des produits, en permettant notamment de tracer très précisément les produits depuis leur lieu d'origine et via leurs lieux de transit, et en améliorant la publicité des données. Elle a d'ailleurs suscité de vives réactions lors de son adoption.

Force est néanmoins de constater que les règles de sécurité alimentaire et de traçabilité diffèrent selon les pays. Or, cette situation est parfois à l'origine de litiges commerciaux. Le législateur est dès lors confronté à un dilemme : améliorer la sécurité des produits à l'échelle nationale, tout en évitant d'entraver le commerce international, notamment les exportations alimentaires. Il est donc indispensable d'harmoniser, autant que faire se peut, les règles de traçabilité entre partenaires commerciaux, afin de sécuriser les secteurs agro-alimentaires tout en assurant leur développement. Cette convergence est particulièrement importante entre le Canada et l'Europe dans le cadre de la négociation en matière commerciale, d'autant plus que de part et d'autre, la traçabilité des produits est désormais au coeur des dispositifs règlementaires en matière de sécurité alimentaire.

Mme Pascale Got a indiqué que les industries agro-alimentaires sont un secteur économique primordial en France, avec production de richesse de l'ordre de 11 milliards d'euros. Le gouvernement actuel mène une politique volontariste pour favoriser ces industries variées sur l'ensemble du territoire. Sans doute l'État devrait-il investir davantage encore pour encourager l'innovation et pour soutenir les exportations, en simplifiant par exemple les exigences douanières et administratives.

M. Marc Le Fur a ajouté que le secteur agro-alimentaire offre un vaste vivier d'emplois sur tout le territoire, notamment en matière d'élevage. C'est un secteur qui se caractérise par différents types d'exploitations, de l'exploitation familiale à la coopérative ou à la grande entreprise, et qui est à la fois localisé en fonction des productions et internationalisé dans le cadre d'un marché ouvert à une très forte concurrence. En revanche, un aspect des métiers agro-alimentaires est insuffisamment pris en compte : la pénibilité des tâches, susceptible de détourner certains jeunes de ces professions.

M. Denis Coderre a conclu en notant que la tendance actuelle est à la sécurisation des produits d'importation. Il a insisté sur le rôle des parlementaires, qui doivent veiller à ce que les normes, certes indispensables, soient conçues de manière à ne pas entraver la négociation en cours de l'accord économique et commercial entre le Canada et l'Union européenne.

D. ENTRETIEN AVEC M. GUILLAUME GAROT, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DE L'AGROALIMENTAIRE

La délégation interparlementaire a été reçue au ministère de l'agriculture par M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire. La discussion, cordiale, franche et ouverte, a pour l'essentiel porté sur la négociation en cours de l'accord de libre-échange global entre l'Union européenne et le Canada.

Le ministre a précisé qu'aucune date de signature n'était encore prévue à ce jour, car il subsistait plusieurs points de désaccord, parmi lesquels les produits sensibles comme le boeuf ou le porc. Face aux difficultés auxquelles se heurte actuellement la filière de l'élevage français, la partie européenne ne saurait accepter davantage de concessions. En outre, la France souhaite préserver le système des indications d'origine protégée et les règles d'origine qu'elle utilise actuellement. Interrogé par les parlementaires canadiens, le ministre a également évoqué les règles d'étiquetage en matière d'organismes génétiquement modifiés (OGM) (toute présence d'OGM supérieure à 0,9 % dans l'un des ingrédients destinés à la consommation humaine ou animale doit être précisée sur l'étiquetage), et rappelé qu'il s'agit d'un sujet très sensible en France. La recherche y est certes possible, mais très encadrée et, en tout état de cause, soumise au respect du principe de précaution. Sur ce point comme sur les autres sujets encore en suspens dans la négociation, un compromis ne pourrait être trouvé qu'au prix de concessions réciproques. La partie canadienne a alors fait valoir que le Canada a lui aussi consenti à d'importants efforts.

E. RÉUNION DE PROGRAMMATION DES ACTIVITÉS À VENIR

Sous la présidence de Mmes Catherine Coutelle, Claudette Tardif et Claudine Lepage, la délégation interparlementaire a tenu au Sénat une réunion afin de définir les prochaines activités de l'Association et a pris les décisions suivantes :

- la prochaine rencontre de l'Association aura lieu du 1 er au 6 septembre au Canada ;

- la délégation se réunira dans la province du Nouveau-Brunswick, où elle visitera notamment les circonscriptions de MM. Yvon Godin et John Williamson :

- le thème choisi portera sur la pêche et l'océan ; des rencontres pourront éventuellement être organisées, par exemple à l'Université de Moncton, sur la mobilité des étudiants ; l'accent sera également mis sur le patrimoine culturel et linguistique de l'Acadie.

DEUXIÈME PARTIE - SEPTEMBRE 2013 : 40ÈME SESSION INTERPARLEMENTAIRE SUR LES TERRES DU NOUVEAU BRUNSWICK

Composition des délégations

Canada

Mme Claudette Tardif , sénatrice, présidente du groupe canadien de l'AIFC (Alberta, PLC)

M. Michel Rivard , sénateur (Québec, PCC)

M. Yvon Godin , député (Nouveau-Brunswick, NPD)

M. John Williamson , député (Nouveau-Brunswick, PCC)

M. François Pilon , député (Québec, NPD)

M. Bernard Trottier , député (Ontario, PCC)

M. Geoff Regan , député (Nouvelle Ecosse, PLC)

M. Maxime Ricard , secrétaire exécutif de l'AIFC

Mme Lucie Lecomte , analyste

M. Marc Berthiaume , conseiller politique de l'Ambassade du Canada en France

France

Mme Catherine Coutelle , députée, présidente de la section française de l'AIFC (Vienne, SRC)

M. Louis Duvernois , sénateur, vice-président du groupe sénatorial France-Canada (Français établis hors de France, UMP)

Mme Pascale Got , députée (Gironde, SRC)

Mme Marie-Noëlle Battistel , députée (Isère, SRC)

M. Patrice Martin-Lalande , député (Loir-et-Cher, UMP)

Mme Delphine Bert , secrétaire exécutive de l'AIFC et du groupe d'amitié au Sénat

M. Vincent Houel , secrétaire exécutif de l'AIFC à l'Assemblée Nationale

Mme Ilde Gorguet-Comba , première secrétaire à l'Ambassade de France au Canada

I. LE NOUVEAU-BRUNSWICK, UNE TERRE MARITIME ET ACADIENNE

Situé à l'Est du Canada, le Nouveau-Brunswick est la plus grande des trois provinces maritimes du Canada, devant la Nouvelle-Ecosse et l'Île-du-Prince-Édouard.

Province du Nouveau-Brunswick

Elle est localisée au Sud de la Péninsule gaspésienne, et partage sa frontière Ouest avec l'État du Maine. Mais il s'agit surtout d'une province bordée par l'eau. Aucun point du territoire n'est à plus de 180 kilomètres du littoral. Le Nouveau-Brunswick est entouré au Nord par la baie des Chaleurs , à l'Est par le golfe du Saint-Laurent et le détroit de Northumberland et au Sud par la baie de Fundy , dont les marées sont les plus hautes du monde.

Ce territoire - ouvert sur l'Atlantique - est tourné vers la pêche. Cette industrie représente, au Nouveau-Brunswick, 20 % des ressources halieutiques de la côte atlantique canadienne. La pêche à la morue - qui a fait vivre pendant des siècles les territoires côtiers de la région - a laissé place au début des années 1990 à une pêche plus lucrative, celle des crustacés, en raison de la surpêche et des changements environnementaux. Aujourd'hui, dans un contexte de récession et de baisse des prix, l'industrie de la pêche est confrontée au problème de la surpêche et d'une main d'oeuvre vieillissante et saisonnière. Ces problématiques ont ainsi été évoquées lors des séances de travail de cette 40 ème session.

C'est sur l'Île de Sainte-Croix en 1604 qu'est fondé le premier établissement français d'Amérique du Nord. L'Acadie devient alors un territoire au coeur des préoccupations françaises et anglaises. La France cède ce territoire à l'Angleterre en 1713 aux termes du Traite d'Utrecht. Refusant de faire allégeance à la couronne Britannique, les Acadiens sont déportés loin de leur territoire à partir de 1755, c'est le début du Grand Dérangement. Certains Acadiens reviennent en France (dans le Poitou en particulier), d'autres partent en Louisiane, où ils formeront la communauté « Cajuns » et auprès des populations indiennes au Nord du Nouveau-Brunswick, à l'Île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), à l'Île royale ou en Gaspésie. En, 1763 est signé le Traité de Paris, par lequel la France cède toutes ses colonies d'Amérique du Nord - excepté les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon - à l'Angleterre. Les Acadiens qui ont survécu peuvent revenir, mais ils subissent une pression pour être assimilés. De nombreuses lois restrictives concernant les catholiques sont appliquées empêchant le développement de la société acadienne et privant ainsi les Acadiens de toute participation dans l'administration publique. Ils n'acquièrent le droit de vote qu'en 1789 en Nouvelle-Écosse, et en 1810 au Nouveau-Brunswick et à
l'Île-du-Prince-Édouard.

C'est une oeuvre littéraire, Evangeline , qui marquera le point de départ de la renaissance acadienne. Ce poème - écrit par l'américain Henry Longfellow - redonne confiance à ce peuple qui redécouvre son histoire tragique. L'identité acadienne prend racine et se développe grâce à la religion et l'éducation. En 1864, le Collège Saint-Joseph à Memramcook est fondé et devient le premier établissement d'enseignement supérieur en Acadie. En 1881, est organisé le premier Congrès national acadien et le deuxième en 1884 adopte le drapeau acadien, un drapeau français orné d'une étoile jaune, représentant la Vierge ou l'étoile du Nord guidant le peuple vers un nouveau destin. Il a fallu attendre 1963, pour voir l'ouverture d'une université francophone à Moncton, et 1969 pour l'adoption officielle du bilinguisme (en vertu de l'article 3 de la loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick). Depuis le Congrès mondial acadien en 1994, les Acadiens du Nord et du Sud de l'Amérique du Nord portent un intérêt marqué à la généalogie de leurs familles respectives. Le Nouveau-Brunswick fait partie de l'Association parlementaire de la Francophonie.

La défense de la francophonie et de l'identité acadienne anime encore les Acadiens car la reconnaissance de leur peuple fut un long chemin. L'histoire tragique et mouvementée de cette communauté, encore très présente dans les esprits, rend les Acadiens fiers de leur identité et désireux de préserver les liens forts qui les unissent aux Français et à la langue française. Les visite du village historique acadien, du Pays de la Sagouine et du centre d'interprétation canadien de l'Île-Sainte-Croix furent ainsi des étapes symboliques pour les membres de la délégation, en tant que point de départ de cette histoire commune.

Cette province, bordée par et vivant de l'océan, fut ainsi le lieu idéal pour étudier les thèmes de la pêche et des océans. Aux séances de travail ont succédé des visites sur le terrain au plus près des problématiques étudiées. Berceau de la culture acadienne, le Nouveau-Brunswick permit également à la délégation française de découvrir et de s'imprégner de la véritable histoire de ce peuple à travers plusieurs étapes symboliques. Province ouverte sur le monde, à travers les échanges de mobilité étudiante qui ne cessent de croître, le Nouveau-Brunswick poursuit une tradition d'échanges entre la France et l'Acadie. Une étape à Moncton, lors de ce séjour, fut ainsi l'occasion de rappeler cette histoire, mais surtout de tisser des liens pour l'avenir.

II. PROGRAMME DE LA VISITE

A. LUNDI 2 SEPTEMBRE 2013

1. Village historique acadien à Caraquet : à la découverte de la culture acadienne

La visite de ce village fut une parfaite introduction à l'histoire acadienne et à ce séjour au Nouveau-Brunswick. Ouvert en 1977, à l'initiative d'Antoine Landry, ce village reconstitue la vie quotidienne des Acadiens à travers les bâtiments et les personnages, entre 1770 et 1949. Un vrai travail historique, mêlant historiens et passionnés, a été nécessaire pour mettre en place ce village. Les bâtiments ont été choisis et démontés, en divers lieux d'Acadie, pour être réinstallés à Caraquet. Ce village, qui a déjà accueilli plus de trois millions de visiteurs, est un outil vivant de conservation et de promotion de la culture acadienne.

2. Session de travail sur les enjeux environnementaux

Après la visite guidée, les délégués de l'AIFC se sont réunis dans le Château Albert, un édifice patrimonial situé dans le Village historique acadien. Ils ont ainsi pu échanger, pour la première séance de travail, sur des thèmes liés à la protection et la conservation des océans, du littoral, des espèces marines et de leurs habitats.

a) La protection et la conservation des océans, du littoral, des espèces marines et leurs habitats
(1) Au Canada

L'Hon. Geoff Regan a rappelé aux délégués que le Canada possède le plus long littoral au monde. De plus, le Canada est responsable de la gestion d'environ 7,1 millions de kilomètres carrés d'océan. Par ailleurs, plus de 16 000 espèces marines ont été répertoriées dans les eaux territoriales canadiennes, ce qui représente 40 % des espèces de mammifères marins du monde.

De nombreux défis se posent au Canada en matière de protection et de conservation des océans. Il y a l'augmentation du nombre d'espèces marines (116 espèces en 2012) en danger, la diminution de 52 % de la quantité de poissons de mer dans les océans du Canada entre les années 1970 et 1990, la surpêche, l'épuisement de nombreux stocks de poissons comme la morue de l'Atlantique, ainsi que l'effet de l'aquaculture sur les espèces sauvages. Il y a aussi le changement climatique et l'augmentation du niveau de la mer qui provoquent l'érosion côtière et l'intrusion d'eau salée dans les milieux humides et les eaux souterraines.

Le Canada a pris diverses mesures pour traiter ces problèmes. En 1997, le Canada est devenu le premier pays au monde à adopter une loi sur la gestion des océans. Plus tard, dans sa Stratégie sur les océans du Canada de 2002, le Gouvernement du Canada s'est engagé à mettre en oeuvre une approche écosystémique et intégrée de gestion des ressources océaniques et d'évaluation environnementale. En 2007, il a annoncé une nouvelle Stratégie nationale sur l'eau dont l'objectif est de protéger les milieux marins fragiles, de lutter contre la pollution et de renforcer les mesures préventives. En signant la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, le Canada a consenti à conserver 10 % des zones écologiques marines. Actuellement, le Canada protège 1 % de ses océans par l'entremise de huit aires marines protégées. Il a aussi deux aires marines nationales de conservation.

Le Canada s'est investi dans la prévention et la surveillance des déversements d'hydrocarbures en créant le Programme de surveillance intégrée de la pollution par satellite et le Programme national de surveillance aérienne.

Pour remédier au problème des espèces aquatiques envahissantes, le Canada a mis en place le Programme de monitorage des espèces aquatiques envahissantes pour détecter l'arrivée de nouvelles espèces et pour surveiller le développement des celles qui sont déjà établies. Des campagnes de sensibilisation sont également menées auprès des pêcheurs et des aquaculteurs à l'aide du Carnet d'identification des espèces aquatiques envahissantes.

Concernant le contrôle et la gestion des eaux et sédiments de ballast, le Canada a modifié la loi sur la marine marchande du Canada, en 2006, afin de mieux contrôler le déversement de ces eaux et, en 2010, a ratifié la Convention Internationale pour le Contrôle et la Gestion des Eaux de Ballast et Sédiments des Navires adoptée par l'Organisation Maritime Internationale (OMI) en février 2004. Par ailleurs, Environnement Canada gère un système de permis pour contrôler l'immersion des déchets en mer.

Dans le secteur de l'aquaculture, le Canada a lancé l'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture pour la période 2011-2015. Cette initiative vise à harmoniser les normes environnementales, la surveillance et les rapports d'une province à l'autre afin d'améliorer la gestion environnementale de l'industrie de l'aquaculture.

S'agissant de la santé des animaux aquatiques, le Canada a initié un programme national dont l'objectif est de prévenir l'introduction et la propagation d'éléments pathogènes graves liés aux animaux vivants au moyen de la déclaration obligatoire des maladies, des procédures de réponse d'urgence à une maladie, du contrôle des importations, du zonage et des permis pour les mouvements nationaux.

Dans un tout autre ordre d'idées, les Autochtones du Canada jouissent également d'un certain nombre de droits relatifs aux activités marines et côtières, conférés par traité ou par d'autres moyens. Le Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques a été mis en place pour accroître la participation des Autochtones dans la gestion intégrée des ressources océaniques et des bassins hydrographiques.

M. Regan a conclu en disant que le Canada accorde beaucoup d'importance à la coopération internationale afin de réaliser ses objectifs en matière de protection des océans, des espèces marines et de leur habitat.

(2) En France

Mme Pascale Got a débuté son intervention en affirmant que la France et le Canada partagent des défis similaires concernant la protection et la conservation des océans, du littoral et des espèces marines. La France possède un espace maritime considérable : 5 000 km de côtes et une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, deuxième après les États-Unis. La France rassemble également 1 200 communes maritimes. Par ailleurs, la France gère 5 des 25 points chauds de la biodiversité mondiale, 10 % des récifs coralliens mondiaux (seuls trois autres pays se classent devant la France dans ce domaine), soit 13 000 espèces endémiques et 20 % des atolls, répartis au sein des huit collectivités d'outre-mer tropicales. Face à la pression anthropique sur les zones littorales (10 % de la population sur 4 % du territoire, sans compter la pression touristique qui fait plus que doubler la population en été), la France s'est dotée d'un arsenal réglementaire varié pour protéger ces milieux fragiles. À ce jour, la France protège 8 % des océans en territoire français.

Plusieurs éléments menacent les espèces marines et les océans parmi lesquelles l'érosion marine. Différents outils existent, à plusieurs échelons, au premier rang duquel la loi littoral de 1986, qui vise à préserver les espaces rares et sensibles, à gérer de façon économe la consommation d'espace par l'urbanisation et les aménagements touristiques, à ouvrir plus largement le rivage au public, et à accueillir en priorité sur le littoral les activités dont le développement est lié à la mer. Elle interdit notamment de construire à 300 mètres du rivage, freinant ainsi l'urbanisation. Se pose également la question de la mise en sécurité des territoires en zones inondables. À la suite de la tempête Xynthia, un référentiel de protection contre les inondations dans l'estuaire de la Gironde a été instauré. De nombreux élus appellent à une modernisation de cette loi « Littoral ».

Dans le domaine de la politique de conservation du littoral et des océans, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, créé en 1975, mène une politique foncière de sauvegarde du territoire. Dans le département de la Gironde, Mme Pascale Got a indiqué qu'un travail de concertation sur la politique environnemental est mené avec le Conservatoire. Sur sa circonscription, il existe une aire marine protégée. Une réflexion est ainsi menée au niveau des régions : en Gironde, un groupement d'intérêt public sur l'érosion marine a ainsi été mis en place et trois communes font office de sites pilote. En filigrane de la problématique de la protection du littoral, la question est de savoir comment organiser et faire cohabiter l'activité humaine et touristique sur ces territoires.

Outre l'arsenal réglementaire national, existent également des outils européens, via la politique commune de la pêche, instrument essentiel de l'Union européenne. Sur le plan du droit international, des progrès doivent être réalisés pour l'amélioration de la sécurité maritime. Par ailleurs, le rôle des organisations scientifiques et celui de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) est essentiel.

À la suite des présentations de l'Hon. Geoff Regan et de Mme Pascale Got, les délégués ont pu échanger sur le sujet. Il a été rappelé que la France dispose, depuis 1982, d'une loi relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, qui est à l'origine d'un système d'indemnisation pour les dommages matériels causés par un phénomène naturel . Concernant la protection du littoral, les approches sont différentes de part et d'autre de l'Atlantique. Alors qu'il existe, en France, une interdiction d'installation à moins de 300 mètres du rivage, la majorité des provinces et des territoires canadiens permettent aux gens de s'établir à 30 mètres du rivage. Sur ce sujet, il convient de trouver un équilibre entre les enjeux écologiques et économiques. Plusieurs autres sujets ont été abordés : la gestion des aires marines protégées, le problème de la surpêche, le rôle de l'aquaculture (la France est le premier producteur aquacole), la cohabitation parfois difficile entre l'aquaculture et la pêche traditionnelle.

b) La mise en oeuvre des principes de la pêche durable et responsable
(1) Au Canada

La séance de travail s'est poursuivie sur le thème de la mise en oeuvre des principes de la pêche durable et responsable. L'Hon. Michel Rivard a pris la parole et expliqué que le début de la gestion moderne de la pêche durable au Canada remonte à l'un des exemples les plus tragiques de mauvaise gestion d'une ressource dans l'histoire canadienne, c'est-à-dire l'effondrement des stocks de morue. Le déclin des stocks de morue du Nord et le moratoire « temporaire » subséquent décrété en 1992 ont coûté à l'économie canadienne plus de 700 millions de dollars et 31 000 emplois, dont 90 % se trouvaient à Terre-Neuve-et-Labrador. Les stocks, la pêche et le paysage culturel de Terre-Neuve-et-Labrador ne s'en sont jamais relevés.

La cause du déclin de la morue est souvent associée à la « tragédie des biens communs ». Dans le cas de la pêche, chaque homme est pris dans un système qui le force à pêcher sans limite - dans un monde qui est limité, ce qui le conduit inévitablement à la ruine. Ironiquement, la thèse de Garrett Hardin concernant la tragédie des biens communs a été écrite en 1968, l'année où les prises de morue ont atteint un sommet, à plus de 800 000 tonnes, ce que l'on a appelé le « sommet mortel », fruit d'une pêche libre de toute contrainte et de technologies de plus en plus performantes.

Comme l'a fait remarquer Hardin, une des solutions serait l'attribution des droits à une ressource publique. Dans le cas des pêches, il s'agirait de fixer des totaux et des quotas de captures admissibles ou de limiter l'effort de pêche. Les totaux de captures admissibles pour une pêcherie donnée (et les quotas qui y sont associés) ainsi que les limites de l'effort de pêche, toutefois, ne sont efficaces que dans la mesure où le sont l'évaluation de la santé des stocks, la fixation d'un maximum de captures et la capacité de faire respecter ce maximum. Quant à la morue, étant donné l'évolution rapide de la technologie, tous ces mécanismes ont échoué, d'où l'effondrement des stocks.

Dans les eaux territoriales du Canada (limite de 200 milles après 1977), l'évaluation de la santé des stocks fut sensiblement surestimée jusqu'en 1989, alors qu'une réévaluation des méthodologies a révélé une surestimation de l'ordre de 50 % des stocks. Le pêcheur côtier avait remarqué des signes annonciateurs bien avant cette date.

C'est en 1973 qu'on fixa pour la première fois un plafond de captures admissibles à l'intérieur des eaux internationales, mais ce plafond étant trop élevé, il ne fut pas appliqué. D'aucuns ont déclaré qu'il y avait eu surestimation des stocks parce que l'effort de pêche n'avait pas été correctement déterminé par rapport aux nouvelles technologies. En outre, la fixation de limites internationales peut devenir un exercice politique délicat et ces limites sont, de par leur nature, difficiles à mettre en oeuvre.

En réponse à la surpêche à la porte de ses frontières, le Canada a préconisé l'adoption de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer « relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs ». Un aspect important de cette convention de 1995 est l'introduction de l'approche de précaution pour la pêche afin de garantir la pérennité des stocks. L'approche de précaution est exécutée dans le secteur des pêches au Canada aux termes d'un cadre décisionnel pour les pêches intégrant l'approche de précaution. Celui-ci contient des points de référence définissant le moment à partir duquel un stock se trouve dans une zone critique, une zone de prudence ou une zone saine et celui à partir duquel il faut prendre des décisions de gestion sur les quotas, y compris les prises accessoires, à partir des évaluations des stocks par rapport à ces points de référence.

Le sénateur Rivard a conclu en rappelant que le Canada a appris à ses dépens les leçons d'une pêche non durable. La gestion des pêches est difficile et doit tenir compte d'une information limitée, des fluctuations environnementales imprévisibles et d'une aggravation des stress sur les milieux marins. Les évaluations des océans de la planète laissent croire que la situation est généralisée. L'application concertée de l'approche de précaution présente une solution puissante et nécessaire pour garantir la pérennité des pêches, car bien que la pêche non durable ne soit pas vraiment inhabituelle, elle comporte inévitablement des conséquences tragiques.

(2) En France

Le député M. Patrice Martin-Lalande a affirmé, qu'il y a en la matière, la nécessité de concilier la viabilité économique d'un secteur économique stratégique et soumis à une forte concurrence avec la protection des écosystèmes et des ressources naturelles. Il existe pourtant une contradiction entre l'industrialisation croissante du secteur (bateaux de plus en plus grands, techniques de captures extensives, installation de moyens de conservation et de traitement des poissons à bord, allongement de la durée des campagnes, etc.) et la vulnérabilité du milieu (effondrement des stocks de certaines espèces, pollutions des navires en mer, etc.). La notion de pêche durable est donc un impératif environnemental, qui doit permettre de perpétuer la ressource, de protéger les milieux et, in fine , d'assurer l'avenir du secteur. Toutefois, cet impératif se heurte à un défi économique de grande ampleur, dû notamment à la concurrence croissante de pêcheries extensives et moins scrupuleuses s'agissant des garanties sociales et environnementales.

La pêche durable et responsable est ainsi un impératif environnemental. On estime qu'un stock est exploité de manière durable ou non en fonction de deux critères : le seuil de biomasse des reproducteurs, c'est-à-dire le nombre d'animaux reproducteurs pour chaque espèce en-deçà duquel le renouvellement des générations n'est plus garanti, et le taux d'exploitation (ou taux de mortalité par pêche, qui quantifie la pression que la pêche fait subir à un stock) au-delà duquel le risque de pêcher trop de reproducteurs est élevé. Le respect simultané de ces deux critères permet de dire d'une pêche qu'elle est durable.

Le député a fait un état des lieux de la pêche en France : en dix ans, la quantité de poissons pêchés en France a diminué d'un quart environ en raison de la réglementation européenne visant à réduire les flottes pour protéger les stocks. La production actuelle est de l'ordre de 420 000 tonnes par an, dont un peu plus de 300 000 tonnes de poisson frais et le reste de produits congelés, à quoi il faut ajouter près de 300 000 tonnes de production aquacole (dont les deux tiers d'huîtres et de moules).

Cette baisse de la production a permis aux espèces pêchées, presque toutes surexploitées au début des années 2000, de retrouver des niveaux acceptables (sur la façade atlantique, un tiers environ des stocks demeurent surexploités). Pour l'essentiel, les niveaux de captures sont compatibles avec l'indice de rendement maximal durable (RMD) calculé à partir des deux critères précités. Cela étant, il existe encore de fortes variations annuelles de « recrutement » (c'est-à-dire l'abondance des jeunes poissons de l'année), et les conséquences de la forte surexploitation passée (depuis la fin des années 1970) se font encore sentir.

Il existe un autre problème environnemental : le gaspillage qui s'observe en amont (le « rejet » de poissons non commercialisables) et en aval (la part du poisson qui n'est pas commercialisée).

S'agissant des rejets, l'Ifremer évalue la part de poissons rejetés en mer après capture dans les eaux françaises à environ 20 %, la moyenne européenne étant à un quart environ. La très grande majorité des poissons rejetés sont déjà morts ou moribonds. Les poissons rejetés le sont pour trois raisons : soit il s'agit d'espèces interdites à la pêche, non comestibles ou sans valeur commerciale, soit les poissons sont « hors taille » (trop jeunes), soit ils sont hors quotas (dépassant les quantités autorisées par la réglementation européenne par espèce). En France, les rejets de la pêche côtière sont plus importants que ceux de la pêche hauturière. L'Union européenne (UE) a fixé un objectif « zéro rejet » pour 2015 qui apparaît peu réaliste aux professionnels du secteur. Ce gaspillage a évidemment un impact sur les stocks, notamment ceux d'espèces protégées et menacées, ou ceux d'espèces dont les taux de renouvellement sont faibles. Cela étant, de nombreux chercheurs font valoir que ce « gaspillage » est en fait recyclé naturellement : les poissons rejetés sont consommés en surface par les oiseaux, ou au fond de l'océan par les espèces dites « benthiques », qui vivent dans les grandes profondeurs. On a même constaté que l'application d'une réglementation plus stricte en matière de rejets en mer sur les côtes bretonnes mettait la frégate, un oiseau protégé, en difficulté.

Tel n'est évidemment pas le cas du gaspillage à terre, qui s'apparente bien davantage à du gâchis. Deux phénomènes : d'une part, les invendus des criées, qui n'alimentent que partiellement le circuit de distribution aux plus démunis, l'essentiel étant détruit ; d'autre part, les déchets produits au cours de différentes opérations de transformation - éviscération, étêtage, filetage, pelage, décorticage, écorçage, lavage, décongélation, cuisson. En France, ces opérations concernent environ 50 % du produit de la pêche, l'autre moitié étant directement consommée en alimentation humaine. Une meilleure valorisation de ces produits présenterait un grand intérêt écologique, mais aussi économique.

L'impératif environnemental se heurte, en effet, à un vaste défi économique, qui met le secteur français de la pêche en difficulté, comme l'ont montré les crises de 2008 et 2009. L'évolution du marché repose sur deux facteurs : l'émergence de nouvelles flottes (Chine, Inde, Indonésie etc.) et les changements des habitudes de consommation.

La consommation de poissons et autres produits de la mer est en hausse régulière depuis une vingtaine d'années, d'où une perspective de croissance pour le secteur. À l'échelle mondiale, la production devrait augmenter de 15 % dans les dix prochaines années, alors même que les prix continueront eux aussi de progresser. Or, près d'un tiers de la production française est destinée à l'importation (huîtres notamment). Mais la France, qui dispose de 5 000 km de côtes et de la deuxième zone économique exclusive du monde (11 millions de km carrés dont 700 000 en Europe) importe 80 % de sa consommation de produits de la mer. La balance commerciale du secteur est donc déficitaire, à hauteur de 3,5 milliards d'euros.

L'un des défis de la pêche française est donc la reconquête de son marche intérieur face à des flottes qui produisent davantage et à moindre coût, alors même que la demande des consommateurs s'oriente notamment vers des espèces non produites en France (saumon ou encore pangasius produit en Asie orientale). Or, la pêche française ne saurait combattre la concurrence, proche ou lointaine, en cassant les prix : le secteur n'y survivrait pas en dépit du système d'aides et de subventions. Il lui faut donc s'adapter en tâchant d'orienter la demande vers des espèces pêchées en France, et s'adapter à l'offre en proposant notamment davantage de poissons filetés. Les coûts de production, et notamment ceux de l'énergie, constituent un autre chantier à exploiter. Enfin, la labellisation, garantie d'origine et de fraîcheur des produits, peut offrir un autre atout à la reconquête du marché français.

Pour respecter l'impératif environnemental de pêche durable tout en s'adaptant à l'évolution d'un marché mondialisé, le secteur de la pêche français a un atout : il s'agit d'un secteur encore largement artisanal (c'est-à-dire des bateaux de moins de 24 mètres, avec des équipages réduits, qui peuvent pêcher en haute mer mais dont les sorties sont généralement de quelques jours tout au plus, et qui constituent actuellement 80 % des capacités de pêche du pays). Très souvent, le capitaine du navire de pêche est encore aujourd'hui le propriétaire - il est le patron-pêcheur. En Europe du Nord, au contraire, les entreprises de pêche sont très concentrées et leur capital financier et social n'est plus aux mains des pêcheurs eux-mêmes. Or, les pêcheries artisanales ont certes un rendement parfois inférieur, mais une plus grande souplesse et une meilleure capacité d'adaptation, outre le fait qu'elles permettent de transmettre un savoir-faire et de susciter des vocations à l'échelle locale. De plus, dans certains territoires (les côtes bretonnes et les outremers en particulier), la pêche est un facteur de cohésion sociale et d'aménagement du territoire. La durabilité et la viabilité du secteur sont donc essentielles au développement des zones concernées.

À la suite de ces présentations, les délégués ont discuté de divers sujets, dont le marché des pêches en France et au Canada, les différents mécanismes en place pour la surveillance de la pêche illicite, les exigences des consommateurs et les changements d'habitudes alimentaires et leur impact sur l'offre, la traçabilité et l'étiquetage des produits de la mer ainsi que la pêche artisanale.

3. Soirée acadienne : le patrimoine culturel acadien à l'honneur

Un dîner culturel réunissant les personnalités politiques de la péninsule acadienne ainsi que des représentants associatifs (Société Nationale de l'Acadie, Société Nationale du Nouveau-Brunswick, Association France-Canada de Caraquet) a mis à l'honneur le patrimoine artistique acadien.

Cette soirée a permis en particulier d'appréhender une importante facette de la culture acadienne, la musique. La chanson Grand-Pré d'Angèle Arsenault, interprétée par une artiste acadienne, Isabelle Thériault, raconte l'événement douloureux du Grand Dérangement. À Caraquet, a d'ailleurs lieu chaque année le festival acadien, réunissant des artistes du pays, pour promouvoir la culture acadienne. La culture est, en effet, un des vecteurs de promotion et de conservation de l'identité acadienne.

B. MARDI 3 SEPTEMBRE

Cette journée a été consacrée à la visite de sites illustrant les thématiques de la pêche et des océans. Ont ainsi été présentés à la délégation de nombreux projets permettant de mettre en oeuvre la protection du littoral et des espèces marines.

1. Visite de l'école des pêches du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick : faire de la pêche une activité de demain

L'école des pêches dispose d'enseignements, de matériels et locaux appropriés (un centre de simulation de pêche et de navigation, un centre des mesures d'urgence en mer, un simulateur de radiocommunication, un simulateur de salle de machines, un laboratoire d'aquaculture et une piscine), afin de participer à la promotion de la pêche, comme activité économique viable et attractive. Elle fait partie du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB) sur le campus de la péninsule acadienne Elle forme ainsi les jeunes aux divers métiers de la pêche, et vise à faire de la pêche une activité de demain.

2. Présentation d'un projet de reconstruction des dunes : à la recherche de solutions innovantes face au problème de l'érosion marine

Le Goulet, village de la peninsule acadienne, doit faire face au problème de l'élévation du niveau moyen de la mer, qui affecte également les territoires côtiers en France. À Bordeaux, lors de la précédente session de l'AIFC en avril, la délégation avait déjà pu aborder ce sujet à travers l'exemple du Médoc qui souffre de l'érosion dunaire.

Dans la région de la péninsule acadienne, le niveau moyen de la mer a augmenté de 10 cm depuis 1973. Les projections les plus récentes montrent que d'ici 2100, le niveau moyen de la mer sera 1 mètre plus élevé que le niveau actuel.

Face à ce danger, les élus locaux canadiens tentent de trouver des solutions innovantes avec les moyens dont ils disposent. Aidé par l'Institut de recherche sur les zones côtières, le maire du Goulet, M. Wilfred Rousset, a ainsi lancé un projet de reconstruction des dunes à partir d'un mur de rétention, constitué de matériaux naturels (sapins de Noël, cages à homard etc.).

Organisés en forum (le forum des maires de la péninsule acadienne), les villages de cette péninsule travaillent à l'élaboration d'un plan global d'aménagement du littoral pour solliciter l'appui financier des gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Canada.

3. Visite de l'Aquarium et du Centre marin du Nouveau-Brunswick à Shippagan : la mise en valeur de la biodiversité marine

Les délégués se sont ensuite rendus à Shippagan pour une visite guidée de l'Aquarium et du Centre marin du Nouveau-Brunswick. Cette visite leur a permis d'approfondir leurs connaissances sur la région, l'évolution des techniques de pêche et des métiers connexes, l'apport des pêcheurs amérindiens, l'importance de la pêche à la morue et aux homards dans la Péninsule acadienne, ainsi que la biodiversité marine dans la région du Canada atlantique.

4. Visite du parc écologique de la péninsule acadienne sur l'ile de Lamèque : la protection de la faune et de la flore

Situé sur l'Île de Lamèque dans le Nord-Est du Nouveau-Brunswick, ce parc écologique, créé en 2001, participe à la conservation et à la promotion de la biodiversité de la faune et de la flore de la péninsule acadienne. Les membres de la délégation ont ainsi été sensibilisés aux différents écosystèmes les plus importants de la Péninsule acadienne : les estuaires, les dunes, les marais salés, les tourbières et la forêt acadienne.

5. Visite du phare de l'île de Miscou, lieu symbolique de l'histoire acadienne

L'Île de Miscou, territoire des populations amérindiennes, est un point stratégique pour la traite des fourrures et la pêche. Les Jésuites ont fondé sur l'île, en 1634, la mission Saint-Charles dans le but d'évangéliser et sédentariser les Amérindiens. Il s'agit de la première mission catholique du Nouveau-Brunswick. Un certain nombre d'Acadiens se sont réfugiés sur l'Île de Miscou durant le Grand Dérangement, mais c'est au XIX ème siècle qu'ont été fondés les établissements permanents.

Sur cette île, s'élève un phare, construit en 1856 à cause de la navigation intense et des nombreux naufrages, qui est aujourd'hui reconnu par le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine.

C. MERCREDI 4 SEPTEMBRE

1. Visite du pays de la Sagouine ou l'Acadie théâtralisée

Il s'agit d'un village de pêcheurs reconstitué du début du XIX ème siècle autour du personnage de la Sagouine, héroïne du roman de 1971 d'Antonine Maillet, qui obtiendra le prix Goncourt pour « Pélagie-la-Charrette ». Cette femme, Acadienne colorée, fille et femme de pêcheurs devenue laveuse de planchers, incarne la classe populaire acadienne et raconte la vie de son peuple, à travers des histoires simples remplies d'humanité.

Ce personnage a été incarné pendant plusieurs années et popularisé par la comédienne Viola Léger qui a siégé au Sénat du Canada de 2001 à 2005.

Les guides, également comédiens et musiciens, ont rappelé aux délégués les grandes lignes de l'histoire acadienne en scène et en musique. Dépourvus d'instruments de musique après le Grand Dérangement, les Acadiens ont dû contourner l'interdiction de musique et de danse, par la fabrication d'instruments artisanaux afin de conserver leurs traditions.

2. Déjeuner de travail offert par M. Vincent Hommeril, consul de France à Moncton

Arrivés à Moncton, les délégués ont été accueillis par M. Vincent Hommeril, Consul général de France à Moncton. M. Raymond Théberge, Recteur et Vice-chancelier de l'Université de Moncton, également présent, a rappelé que l'Université fêtait son cinquantième anniversaire. Il a ajouté qu'elle est née de la volonté du peuple acadien d'assurer son avenir. Comme l'Acadie, l'Université de Moncton est moderne et ouverte sur le monde. Un pourcentage important d'étudiants provient de différents pays de la francophonie.

3. Séance d'information sur la mobilité étudiante et professionnelle, Consulat général de France, Moncton

L'accord signé entre la France et le Canada sur la mobilité des étudiants et jeunes travailleurs, lors de la visite officielle du Premier ministre français, M. Jean-Marc Ayrault, à Ottawa en mars dernier, fut le point de départ de cette séance d'information sur la mobilité étudiante et professionnelle des jeunes des deux côtés de l'Atlantique.

Cet accord vise à simplifier les procédures administratives pour les jeunes ressortissants français et canadiens souhaitant séjourner au Canada ou en France, et à élargir en nombre et en durée les possibilités de séjours. En vertu de ces nouvelles dispositions, la durée des séjours pourrait être portée à 24, voire 36 mois selon les cas, et continuera de bénéficier aux jeunes souhaitant se rendre au Canada ou en France pour y acquérir une expérience professionnelle, effectuer un stage, étudier ou séjourner à des fins culturelles et linguistiques.

Cet accord modernise l'accord bilatéral signé le 3 octobre 2003 qui a bénéficié, au cours des dix dernières années, à 20 000 Canadiens et 60 000 Français. Il sera applicable dès la ratification du texte. Près de 50 000 jeunes Français pourraient ainsi venir au Canada au cours des trois prochaines années.

a) Contexte historique de la mobilité étudiante et professorale

M. Maurice Basque, conseiller scientifique à l'Institut d'études acadiennes de l'Université de Moncton, a rappelé l'historique de la mobilité étudiante et professorale entre la France et l'Acadie.

Les premiers échanges remontent au XIX ème siècle grâce à des intellectuels comme François-Edmé Rameau de Saint-Père (1820-1899), historien et sociologue français. À la même époque, la traduction en français du poème épique Évangéline de Henry Longfellow, qui raconte le Grand Dérangement, a permis à un vaste auditoire français de découvrir l'histoire tragique de l'Acadie. L'intérêt pour l'Acadie prend une telle ampleur que Napoléon III finance avec sa cassette personnelle l'achat de livres en français pour les bibliothèques et les écoles des villages acadiens.

Dans les années 1920, l'historien français Émile Lauvrière - étudiant le poème de Longfellow - décide de consacrer sa carrière à l'étude de l'Acadie. En 1922, il publie La Tragédie d'un peuple histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours. Il fonde avec le diplomate français Robert de Caix de Saint-Aymour, le Comité France-Acadie dont l'objectif était d'offrir des bourses aux Acadiens désireux d'effectuer leurs études en France et d'envoyer des ouvrages en langue française en Acadie.

En 1960, la Société historique acadienne est créée à Moncton. Outre la publication des Cahiers, publication semestrielle scientifique, la Société organisait des voyages à cette époque. En 1966, une quarantaine d'Acadiens accompagnés par des représentants des gouvernements provinciaux et fédéraux, ainsi que des représentants de la Louisiane se sont rendus à Belle-Ile-en-Mer pour célébrer le bicentenaire de la présence acadienne sur cette île. Les délégués ont été reçus par le gouvernement français et ont longuement échangé, lors d'un dîner avec des ministres français, sur les problèmes de l'Acadie. Ce fut le début d'une série de rencontres importantes. En 1968, une délégation de quatre notables acadiens a été reçue par le Général de Gaulle. À l'issue de cette rencontre, de Gaulle s'est engagé à créer des bourses d'études et des possibilités accrues d'échanges universitaires entre la France et l'Acadie.

C'est dans les années 1970 que sont signés les premiers accords de coopération de mobilité étudiante entre le Nouveau-Brunswick et le département de la Vienne dans la région Poitou-Charentes où se situe l'Université de Poitiers. Cette université est jumelée à l'Université de Moncton et possède un Institut d'Études acadiennes et québécoises. Il est intéressant de noter que deux étudiantes, une française et l'autre acadienne, furent les premières à inaugurer le système d'échanges tel que nous le connaissons actuellement.

b) La mobilité étudiante à l'Université de Moncton

L'Université de Moncton fait l'objet de vingt-et-une ententes spécifiques, dont plusieurs avec l'Université de Poitiers. D'ailleurs, une nouvelle chaire d'études sur le Canada a été créée au Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES) Limousin-Poitou-Charentes et le premier titulaire en est le professeur M. Joseph Yvon Thériault, originaire de Caraquet.

Par ailleurs, un nouveau programme intitulé Passeport international a été développé pour les étudiants de l'Université de Moncton. En participant à des ateliers, des conférences, des présentations, des activités de bénévolat, des séjours à l'international et à des projets d'intégration internationale, les étudiants peuvent obtenir un certificat de connaissances et de compétences dans le domaine de l'interculturel.

Enfin, l'Université de Moncton encourage également la mobilité professorale (projets de recherche, enseignement et direction de thèses).

D. JEUDI 5 SEPTEMBRE

1. Visite du complexe « Huntsman » à Saint-Andrews

Les déléguées ont pris part à une visite guidée du Huntsman Marine Science Centre, institut de recherche privé dont la mission est de contribuer à la protection des océans et des espèces marines par la recherche et le développement de solutions techniques innovantes.

Le Huntsman Marine Science Centre comprend l' International Aquaculture Innovation Centre (IAIC) qui répond aux défis du développement durable pour la filière de l'aquaculture. L'IAIC collabore avec le secteur industriel, universitaire et gouvernemental et effectue des recherches. Lors de la visite, les délégués ont visité les installations utilisées pour la recherche concernant le renouvellement des stocks de saumon et d'esturgeon.

2. Séance de travail
a) Les mutations économiques dans le secteur des pêches
(1) Au Canada

L'exposé de M. Yvon Godin, député du Nouveau-Brunswick, portait sur l'évolution de la pêche à la morue et aux homards en Atlantique. Pendant plusieurs siècles la pêche à la morue en Atlantique était si abondante qu'elle faisait vivre les collectivités côtières et soutenait le commerce international. Au début des années 1990, la surpêche et des changements environnementaux ont mené à l'effondrement des stocks de morue. En 1992, le gouvernement fédéral a imposé un moratoire pour permettre aux stocks de morue de se régénérer. Dans les années 2000, la pêche à la morue a été rouverte en suivant une approche de précaution. En dépit de ces mesures, les stocks sont toujours bas et, conséquemment, seule la pêche récréative à la morue est aujourd'hui permise.

La fermeture des pêches à la morue a entraîné des mises à pied de plusieurs milliers de pêcheurs et employés des usines de transformation du Canada atlantique. Le gouvernement fédéral et les provinces ont mis en place des programmes d'aide au développement économique régional pour offrir des emplois de courte durée aux personnes touchées et s'assurer qu'elles puissent avoir droit aux prestations d'assurance-emploi. De plus, toute une série d'initiatives a été lancée, dont le rachat de permis de pêche, le soutien du revenu, la formation, la réinstallation et l'aide à la diversification économique.

En réponse aux moratoires visant les poissons de fond, l'industrie de la pêche au Nouveau-Brunswick s'est progressivement tournée vers des espèces plus lucratives - notamment les crustacés comme le homard, la crevette et le crabe - et vers l'aquaculture. Une partie des emplois perdus a donc été récupérée par les activités de pêche aux crustacés et d'autres poissons.

Aujourd'hui, le secteur de la pêche commerciale le plus important au Nouveau-Brunswick est celui du homard. La pêche commerciale au homard au Nouveau-Brunswick est pratiquée dans cinq zones de pêche différentes situées sur deux côtes - la baie de Fundy et le golfe du Saint-Laurent. Il n'y a pas de quotas pour les zones de pêche du homard, mais l'effort de pêche est limité par un nombre déterminé de permis. Chaque permis de pêche au homard fait également l'objet d'un nombre maximum de casiers. De plus, il y a un programme volontaire de marquage par « encoche en V » de la queue de femelles oeuvées et une interdiction de les débarquer pour assurer la pérennité des stocks.

En 2010, le Nouveau-Brunswick détenait 1 742 permis de pêche au homard, soit environ 17 % de tous les permis au Canada. En 2011, la valeur des débarquements de homard était de 106,7 millions de dollars, une augmentation de plus de 14 % par rapport à 2010. En dépit de ces chiffres, la pêche au homard au Nouveau-Brunswick connaît de sérieux problèmes. La récession économique mondiale, combinée à une devise canadienne forte, a donné lieu à une baisse de la demande de homards et à une diminution des prix au débarquement.

De nombreux pêcheurs de homard ont réagi à la baisse des prix au quai et à l'augmentation des frais d'exploitation en intensifiant l'effort de pêche afin de maintenir leurs revenus, mais ils ont ainsi saturé le marché et accentué la pression à la baisse sur les prix. Les débarquements de homards ont atteint des niveaux record ces dernières années. Certains craignent qu'il y ait surpêche. D'autres préconisent l'imposition de quotas afin de réduire la capacité excédentaire de la pêche au homard. La grande majorité des pêcheurs au homard s'y opposent, car ils soutiennent que d'autres pêcheries ont connu la surpêche et l'épuisement des stocks malgré l'imposition de quotas. D'autres croient que le haut niveau des débarquements indique la bonne santé de la ressource.

Aux problèmes structurels et conjoncturels auxquels est confrontée l'industrie du homard au Nouveau-Brunswick s'ajoute une main-d'oeuvre vieillissante. En effet, plus de 60 % des travailleurs du secteur de la pêche au homard sont âgés de 40 ans et plus. On retrouve un pourcentage similaire dans les usines de transformation du poisson. Par ailleurs, il est difficile de trouver de la relève et recruter des équipages. Il est connu que les navires de pêche constituent un environnement de travail dangereux, notamment en raison des longues heures de travail, du travail vigoureux et des mauvaises conditions météorologiques, qui comporte des risques de glissade, de trébuchement et de chute. De même, les usines de transformation du poisson et des fruits de mer comportent leur large part de conditions de travail parfois difficiles : longues heures de travail, l'obligation de rester debout longtemps, les mouvements très répétitifs et le rythme accéléré du travail.

L'emploi dans le secteur de la pêche au homard ainsi que dans les usines de transformation étant essentiellement saisonnier, les travailleurs peuvent bénéficier du Programme d'assurance-emploi. Un changement important apporté au programme en 2012-2013 concerne les définitions d'emploi convenable et de démarches de recherche d'emploi. Auparavant, les chômeurs devaient être à la recherche d'un emploi pour avoir droit aux prestations, mais les changements définissent plus clairement ce qui doit être fait. Certains craignent que ce changement touche davantage les régions rurales où le taux de chômage est élevé et où beaucoup d'emplois sont saisonniers, comme ceux liés à la pêche au homard et à la transformation du poisson.

Enfin, l'avenir du secteur de la pêche au homard et des usines de transformation du homard au Nouveau-Brunswick dépendra de la capacité de l'industrie à recruter et à retenir des travailleurs. La baisse des prix payés au quai pour le homard, la faiblesse de la demande des produits du homard sur les marchés internationaux, les incertitudes liées aux marchés et les conflits opposant les pêcheurs de homard aux propriétaires d'usines de transformation laissent entrevoir un avenir incertain pour l'industrie du homard. Pour mieux comprendre la situation, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, de concert avec les gouvernements de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, a mis sur pied un groupe d'experts chargé de donner son avis et présenter ses recommandations sur les cinq enjeux suivants : déterminer les raisons de la baisse des prix dans les Maritimes et voir si cette situation est le reflet des conditions du marché ; examiner les diverses composantes des coûts et des revenus des pêcheurs, des acheteurs et des transformateurs dans les Maritimes en vue de trouver les seuils de viabilité et, dans la mesure du possible, la capacité d'un seul secteur de l'industrie à influencer indûment le prix payé au quai ; donner des conseils stratégiques aux trois provinces sur les initiatives de marketing ; recommander des options relatives à un système ou à des systèmes officiels qui permettraient à l'industrie de connaître le prix payé aux pêcheurs avant les débarquements ; et fournir des conseils sur des mesures pouvant raisonnablement être prises afin de stabiliser et puis d'augmenter les prix versés aux pêcheurs, tout en respectant les principes de séparation des propriétaires-exploitants et de la flotte et en protégeant un rendement juste pour les autres entreprises associées à la chaîne de valeur du homard.

(2) En France

Concernant la France, le sénateur Louis Duvernois a affirmé que la pêche française doit également s'adapter à un marché mondialisé concurrentiel tout en préservant ses spécificités. Face à la concurrence mondiale, la France souffre d'un déficit de la balance commerciale de l'ordre de 3,5 milliards d'euros : 80 % des produits de la mer proviennent de l'étranger alors que les quantités de poissons vendues annuellement par la flotte métropolitaine diminuent depuis 2003. La pêche française doit donc évoluer pour répondre à la demande pour les produits de la mer qui ne cesse de croître (une augmentation de 33 % de 1999 à 2010).

La France souffre aussi d'un « dumping social », entre États membres de l'Union européenne, la politique commune de la pêche n'imposant aucune norme sociale. Parallèlement, la pêche non déclarée et non réglementée se développe.

À cela s'ajoutent le contexte économique défavorable de la hausse du prix du gaz et la baisse des prix des produits de la pêche du fait de la diminution de la ressource.

En dépit de ces problèmes, la France est le 4 ème producteur européen de produits de la pêche (après l'Espagne, le Danemark et le Royaume-Uni). La pêche maritime métropolitaine rapporte plus d'1 milliard d'euros et la France demeure le premier producteur d'huîtres de l'UE. Grâce à l'ostréiculture, la France est au premier rang pour l'ensemble de la production aquacole.

Face à cette concurrence mondiale, la pêche française doit relever un certain nombre de défis. Elle doit faire évoluer la structuration de la demande qui ne fait que croître : la consommation moyenne de produits issus de la pêche et de la pisciculture est de 3,2 kg par habitant. Le secteur doit également s'adapter en proposant des poisons de qualité, via par exemple des labellisations. La modernisation des structures est également un des défis qui s'impose à la pêche française. Ainsi la mise aux normes et la modernisation technique des criées - qui reçoivent les deux tiers de la pêche fraîche - et de l'organisation de la profession est en cours.

Toutefois, cette modernisation doit se faire dans le respect du modèle économique de la pêche « artisanale », modèle économique différent des autres pays européens tels la Norvège, dont la flotte est constituée en majorité de navires industriels ou semi-industriels. La pêche française est caractérisée par des embarcations de taille petite et moyenne (inférieure à 24 mètres) pratiquée par des équipages en nombre réduit avec comme figure de proue, celle du patron pêcheur. La petite pêche est le secteur réunissant le plus d'emplois avec 45 % des effectifs. Les chiffres de 2013 de France Agrimer attestent d'une flotte globale de 7 157 bateaux dont 4 578 en métropole. 3 645 navires font moins de 12 mètres, soit 79,6 % de la flotte.

Face à ces défis et difficultés, le secteur de la pêche dispose de plusieurs mécanismes d'aide publique et privée.

L'aide publique se décline à différents échelons. Au niveau local, les collectivités territoriales soutiennent financièrement le secteur, les conseils généraux participant notamment à la modernisation des criées dans les ports de pêche et les conseils régionaux l'aidant via les contrats de projet État/région (ex : CPER 2007-2013 : État et Bretagne : 23,6 millions de la région Bretagne, 32,2 millions des autres collectivités bretonnes).

Au niveau national, l'État français offre un soutien budgétaire en finançant les caisses de chômage intempéries et avaries, en indemnisant des arrêts temporaires et des plans de sortie de flotte, en garantissant un salaire minimum pour les marins pêcheurs (en vigueur depuis 2008) et en finançant des contrats bleus (des programmes encourageant des pratiques de pêche plus exigeantes que les normes européennes). Le soutien de l'État est aussi fiscal. Parmi les mesures mises oeuvre, il convient de citer la détaxation du carburant utilisé par les navires de pêche (exonération totale de la taxe intérieure de consommation (TIC) pour les produits énergétiques destinés à être utilisés comme carburants pour la navigation maritime), l'exonération de TVA sur les produits de la pêche vendus par les marins-pêcheurs et armateurs de pêche. Toutefois, l'enveloppe budgétaire pour 2013 est en baisse (-10%).

Au niveau européen, l'outil principal correspond à la Politique commune de la pêche. Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche remplace, depuis la réforme de 2013, les instruments financiers existants. Ses objectifs sont établis dans la stratégie Europe 2020 : pêche durable, politique maritime intégrée et développement territorial équilibré.

Le secteur de la pêche française reçoit également de l'aide du secteur privé par l'entremise de France filière pêche (FFP), une association interprofessionnelle regroupant producteurs, acteurs de la transformation et du commerce ainsi que les distributeurs ayant pour but la modernisation et valorisation de la pêche française. La FFP, qui dispose d'un budget de 150 millions d'euros, a deux objectifs principaux : populariser le label « Pavillon France », la marque de commerce de la pêche française, et moderniser la flotte de pêche française par le financement d'engins économes en carburant. Ce mécanisme privé permet ainsi de compenser les aides publiques limitées par les règles européennes.

À la suite de ces présentations, les parlementaires ont échangé sur les changements d'habitudes alimentaires et leur impact sur l'industrie de la pêche. Le poisson est souvent présenté comme un aliment à privilégier pour une saine alimentation (source d'oméga) ce qui explique en grande partie la demande croissante pour les produits de la mer. Par ailleurs, la question de la périodicité de la pêche a été abordée. Dans les Maritimes (région qui se situe à l'Est du Québec), certaines pêches ne durent que quelques semaines. Les usines doivent donc traiter une quantité importante de poissons et de crustacés dans un court laps de temps. Une fois la pêche terminée et les produits transformés, les pêcheurs et les travailleurs dans les usines doivent se trouver une autre occupation. Enfin, les délégués ont discuté des prédateurs et des espèces nuisibles et de leur impact sur les stocks de poissons. En Atlantique, il est quasi impossible de renouveler les stocks de morues en raison de la surpopulation des phoques gris. Néanmoins, la chasse aux phoques et la commercialisation des produits dérivés de phoques restent très encadrées. En France, la région de la Sologne connait une situation similaire avec de nombreux cormorans - espèces protégées par les directives européennes de protection de la biodiversité - qui dévastent les stocks de poisson dans les zones Natura 2000.

b) Les métiers du secteur des pêches
(1) Au Canada

M. John Williamson a abordé le thème de l'emploi dans l'industrie du poisson et des produits de la mer. Il a d'abord précisé que l'industrie du poisson et des produits de la mer comprenait les pêches commerciales en eau douce et en mer, ainsi que la production aquacole et le secteur de la transformation du poisson, débarqué et d'élevage.

Les activités de pêche commerciale se caractérisent par un milieu dangereux, des efforts intenses, de longues heures de travail et des conditions météorologiques difficiles. Chaque année au Canada, des travailleurs perdent la vie ou sont blessés en mer. Les sites d'aquaculture comportent également des risques, tels que la noyade, l'hypothermie et les blessures liées à la chaleur. La pénibilité du travail est aussi une réalité dans les usines de transformation du poisson : il faut se tenir debout longtemps avec le dos voûté, faire des mouvements très répétitifs et travailler rapidement pendant de longues heures.

En 2011, l'industrie canadienne du poisson et des produits de la mer employait plus de 82 000 personnes. La plupart travaillait dans le secteur de la pêche (60 %) et les autres dans les usines de transformation (36 %) ainsi qu'en aquaculture (4 %). L'industrie repose sur une intensité relativement forte de main-d'oeuvre et se distingue par une grande proportion d'hommes et un vieillissement de l'effectif.

Dans l'ensemble de l'industrie, 66 % des travailleurs sont des hommes, mais cette proportion varie selon les secteurs. Elle est de 77 % dans le secteur de la pêche, de 75 % en aquaculture et de 52 % dans les usines de transformation. Le nombre élevé d'hommes dans l'industrie canadienne de la pêche se reflète à l'échelle régionale : ils représentent 66 % des travailleurs des provinces de l'Atlantique. On constate toutefois certaines disparités selon la région. À titre d'exemple, la majorité des travailleuses des usines de transformation du poisson du Nouveau-Brunswick sont des femmes ; elles occupent 53 % des emplois. Dans l'ensemble, la proportion de femmes qui travaillent dans l'industrie du poisson et des produits de la mer est inférieure à celle de toutes les autres industries (47 %).

Comme le reste de la population du Canada, la main-d'oeuvre de l'industrie du poisson et des produits de la mer est vieillissante et comprend 59 % de personnes âgées de 40 ans et plus (comparé à 52 % dans les autres industries). En général, l'âge des travailleurs de l'industrie de la pêche semble plutôt comparable d'une province de l'Atlantique à l'autre. Ceux qui ont 40 ans et plus occupent 63 % des emplois du secteur de la pêche et 56 % des postes dans les usines de transformation. Les secteurs de la pêche et de la transformation comptent tous les deux très peu de nouvelles (ou jeunes) recrues, car les jeunes ont tendance à chercher du travail dans d'autres industries et d'autres régions.

Un facteur souvent mentionné pour expliquer le faible recrutement des jeunes dans le secteur de la pêche commerciale est l'investissement requis lié à l'achat d'une entreprise de pêche. Un autre facteur est l'attrait des jeunes vers les régions offrant de meilleures perspectives d'emploi, en particulier dans l'Ouest canadien. Du fait de conditions de travail souvent pénibles, il est difficile d'assurer la relève par le recrutement de nouveaux employés dans ces secteurs.

Par ailleurs, la plupart des travailleurs se retirent de l'industrie à 65 ans. En conséquence, il pourrait y avoir une importante pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs au cours des cinq à dix prochaines années. La main-d'oeuvre vieillissante s'ajoute donc aux problèmes conjoncturels auxquels est confrontée l'industrie. En revanche, la main-d'oeuvre dans le secteur de l'aquaculture est plus jeune, 50 % des travailleurs ayant entre 20 et 39 ans. Les perspectives d'avenir apparaissent aussi plus reluisantes dans ce secteur.

La contribution de l'industrie du poisson et des produits de la mer au marché du travail canadien, d'environ 0,5 %, est négligeable. En revanche, la situation est quelque peu différente à l'échelle régionale : environ 9 % des emplois à Terre-Neuve-et-Labrador sont attribuables à l'industrie de la pêche, près de 7 % à l'Île-du-Prince-Édouard, 4 % en Nouvelle-Écosse et plus de 3 % au Nouveau-Brunswick (pour une moyenne de 5 % dans la région de l'Atlantique).

La pêche commerciale et la transformation dans l'industrie du poisson et des produits de la mer sont également marquées par le chômage saisonnier. En revanche, le secteur de l'aquaculture offre bien souvent des emplois à l'année. Les travailleurs saisonniers peuvent bénéficier du Programme de l'assurance-emploi comme source secondaire de revenus. L'importance de cette assurance dans le revenu varie selon la région : elle a tendance à être plus prononcée dans les provinces de l'Atlantique que sur la côte du Pacifique. Un changement important a été apporté au programme en 2012-2013 concernant les définitions d'emploi convenable et de démarches de recherche d'emploi. Auparavant, les chômeurs devaient être à la recherche d'un emploi pour avoir droit aux prestations, sans préciser clairement ce qui devait être fait. Les textes sont plus précis désormais sur ce point, ce qui fait craindre à certains que ce changement touche davantage les régions rurales où le taux de chômage est élevé et où beaucoup d'emplois sont saisonniers, comme ceux liés à la pêche commerciale et à la transformation du poisson, ainsi que l'a souligné M. Williamson.

(2) En France

Mme Marie-Noëlle Battistel a présenté les métiers de la pêche en France. La filière de la pêche française génère des emplois aussi bien en mer qu'à terre. On estime entre trois et quatre le nombre d'emplois induits à terre par l'activité de pêche, soit un total de 90 000 emplois. L'activité de pêche contribue à l'activité économique du littoral. Les métiers sont nombreux : pêcheurs, halles à marées (ou criées) qui vendent le poisson frais (2/3 des volumes débarqués dans les ports français), mareyeurs qui assurent le premier achat des produits de la pêche destinés à la consommation humaine en vue de leur commercialisation. Les mareyeurs trient, préparent et expédient les produis vers les grossistes ou distributeurs qui revendent aux supermarchés ou aux poissonniers ou aux fabricants de produits dérivés.

Les métiers de la pêche se déclinent également en fonction d'une typologie particulière : petite pêche (absence du port inférieur à 24h), pêche côtière (absence du port comprise entre 24 heures et 96 heures), pêche au large (absence du port comprise entre 96 heures et 20 jours), grande pêche (navires de jauge supérieure à 1 000 tonneaux de jauge brute (TJB) ou absence supérieure à 20 jours pour les navires de plus de 150 TJB).

La petite pêche est le secteur qui emploie le plus de personnes avec 45 % des effectifs. La Bretagne est le plus grand bassin d'emplois de marins pêcheurs, suivie du Poitou-Charentes, de l'Aquitaine, des régions méditerranéennes et des départements d'outre-mer.

De façon générale, les métiers de la pêche sont peu attractifs. Ainsi, en 2007-2009, environ 29 000 personnes exerçaient ces métiers. Entre 2008 et 2010, on a enregistré une baisse de 9 % du nombre d'emplois dans cette filière. Par ailleurs, la moyenne d'âge des travailleurs est de plus de 40 ans. Se pose ainsi un problème de renouvellement des générations. Des assises de la mer ont eu lieu en juillet dernier, dont l'un des objectifs était d'identifier les causes expliquant ce manque d'intérêt pour les métiers de la pêche. La pénibilité du métier est un des facteurs prépondérants. La pêche est un des secteurs les plus accidentogènes après le secteur du bâtiment et des travaux publics. De plus, ce sont des métiers peu valorisés et la formation de marin est souvent inadaptée.

Par ailleurs, ces métiers demeurent très masculins. Les femmes n'occupent que 11 % des emplois comparativement à 15 % il y a vingt-cinq ans. En 2002, une étude menée par la Commission européenne, concernant les femmes dans la filière, concluait à un sentiment d'être non désirées, particulièrement dans le secteur de la capture marine, et à une surreprésentation dans le secteur de la transformation, particulièrement dans les postes subalternes non qualifiés pour lesquels il y a très peu de perspective d'avenir. Par exemple, en France, l'entreprise Chancerelle (marque Connetable), en Bretagne, emploie 70 femmes sur 350 salariés. Par ailleurs, ressortent de cette étude, la discrimination économique et le manque de reconnaissance des femmes, qui jouent néanmoins un rôle important dans le soutien de leur conjoint pêcheur en constituant le lien entre le producteur et la filiale. De fait, un tiers des conjointes sont impliquées dans le travail de leur mari patron-pêcheur. Il existe même un statut juridique de « conjointes collaboratrices, associé ou salarié » qui permet aux femmes de bénéficier d'une assurance en cas de maladie, d'accident ou au moment de la retraite. À ce jour, seulement 20 % des conjointes ont opté pour ce statut. Mme Battistel a conclu sur l'important travail de promotion qui doit être entrepris pour reconnaître le travail des femmes dans cette filière.

Après les présentations, les délégués ont échangé sur divers sujets, dont la pratique des rejets à la mer. Selon GreenPeace, 30 millions de tonnes de poissons et de crustacés sont rejetées à la mer annuellement. L'UE a récemment proposé un rapport à l'Assemblée nationale pour interdire complètement le rejet à la mer. Un tel objectif est quasiment inatteignable et entraînerait une grande réorganisation de la filière de la pêche, notamment au niveau des techniques de capture. Le Canada fait également face à un défi similaire sur le plan des prises accessoires.

La question des métiers de la mer, particulièrement le travail des femmes dans les usines de transformation, a été également largement abordée. Durant la haute saison de la pêche au Nord du Nouveau-Brunswick, il n'est pas rare que les employées travaillent de 12 à 17 heures par jour. Puisque la pêche est saisonnière, une grande majorité d'entre elles deviennent bénéficiaires de l'assurance-emploi. Leurs conditions de travail sont souvent pénibles (bien que le concept n'existe pas au Canada) et les salaires ne sont pas très élevés. Il est important de noter qu'il existe des différences entre l'organisation de la pêche dans le Nord et le Sud du Nouveau-Brunswick. En France, la pêche n'est pas une activité saisonnière en elle-même. L'industrie de la pêche s'adapte en fonction des espèces et de la saison. Toutefois, la filière de la pêche, tant en France qu'au Canada, est confrontée aux problèmes des travailleurs étrangers. Concernant la problématique de l'attractivité des métiers de la pêche, les délégués ont également évoqué le coût de l'équipement de pêche.

(3) Réunion relative aux prochaines activités de l'AICF

A l'issue de la session, les délégués de l'AIFC se sont réunis pour décider de leurs prochaines activités. Il a ainsi été décidé que la prochaine réunion aurait lieu en France au printemps 2014, dans le département de Madame Battistel, l'Isère, ou en Alsace pour étudier le bilinguisme. Plusieurs thèmes ont été proposés :

- les industries culturelles, notamment l'industrie cinématographique et la production télévisuelle qui sont en transformation. M. Bernard Trottier a ainsi proposé d'accueillir la 42 e réunion de l'AICF à Toronto et dans le Sud de l'Ontario en 2015 ;

- l'innovation et la recherche (nano-technologie, pôle innovation etc.). En France (Grenoble) comme au Canada (Waterloo, Ontario), il existe des centres de recherches relatifs aux nano-technologies ;

- le développement d'internet ;

- le logement social.

3. Visite du centre d'interprétation canadien de l'Île-Sainte-Croix à Bayside : point de départ d'une histoire commune

La délégation s'est rendue à Bayside, au site d'interprétation canadien de l'Île-Sainte-Croix. L'Île-Sainte-Croix est le site de la première tentative d'établissement en Amérique du Nord par Pierre Dugua qui a ouvert la voie aux colonies permanentes de l'Acadie et de la Nouvelle-France. Il se situe dans l'état du Maine, à proximité de la frontière avec le Nouveau-Brunswick. Toutefois, étant donné son importance pour le Canada et les États-Unis, il a été désigné comme lieu historique international en 1984. Premier lieu ainsi désigné, il est sous la propriété et l'administration du National Park Service des États-Unis, en vertu d'une entente de collaboration conclue avec Parcs Canada.

4. Visite de l'usine de homards Paturel à Deer Island

Pour clore ce séjour, sur le thème de la pêche et des océans, les membres de la délégation ont visité une usine de transformation et d'exportations de homards, Paturel international, à Deer Island, au Sud du Nouveau-Brunswick.

L'usine est située au coeur de l'une des meilleures zones de pêche, car alimentée par la baie de Fundy, reconnue pour son riche écosystème et sa biodiversité.

La visite guidée de l'usine a permis de découvrir la chaîne de transformation, de la capture à l'emballage.

CONCLUSION

Au terme de ces deux sessions d'échanges interparlementaires, les délégués français et canadiens se sont accordés sur le constat que la France et le Canada partagent des défis communs dans le secteur du développement durable, de l'agroalimentaire, des pêches et des océans.

Les questions relatives à la protection des milieux fragiles et la gestion de l'eau ont ainsi été au coeur des débats lors de la 40 ème session de travail interparlementaire. Au fil de ses visites à Bordeaux, sur le littoral aquitain et dans le Médoc, la délégation a pu étudier les différentes modalités de gestion d'un patrimoine naturel et culturel riche et varié, dans une région qui possède à la fois un milieu naturel fragile - le cordon dunaire, la forêt et les lacs - mais aussi un illustre terroir agricole. En outre, les parlementaires ont pu échanger autour de problématiques communes liées à la sécurité alimentaire et la traçabilité des produits, à l'heure du scandale de la viande de cheval en France et des négociations de l'accord de libre-échange global entre l'Union européenne et le Canada.

En outre, s'agissant des pêches et océans, la France, deuxième domaine maritime mondial avec une zone économique exclusive de 11 millions de km², fait face, comme le Canada, à des problématiques liées à la sauvegarde des espèces et des océans et aux mutations du secteur de la pêche. La province du Nouveau-Brunswick, comme de nombreuses régions côtières françaises, vit du secteur de la pêche ; une activité marquée néanmoins par de fortes variations saisonnières de l'autre côté de l'Atlantique. Il n'en demeure pas moins que ce secteur contribue à l'activité et la vitalité socio-économique des territoires, d'où l'importance des questions relatives aux conditions de travail des pêcheurs, à la surpêche ou au développement durable qui furent au centre des échanges des parlementaires lors des séances de travail au Nouveau-Brunswick. La protection du littoral, des océans et des espèces marines est également une question sensible qui préoccupe les deux pays. La France et le Canada tentent, tous deux, face aux diverses menaces (érosion marine, urbanisation, surpêche etc.), de mettre en place des outils réglementaires permettant de protéger ces milieux et espèces fragiles.

Le peuple et l'histoire acadiennes ont marqué le séjour canadien de la délégation française par son humanité, sa force et son dynamisme. Les Acadiens forment une communauté résiliente, dont le caractère a été forgé à travers une histoire constituée d'étapes mouvementées et tragiques. L'Acadie joue ainsi un rôle majeur dans la promotion de la francophonie. Le documentaire De Moncton à Kinshasa - diffusé à l'Assemblée Nationale, en juin 2013, par la section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie - atteste de cette volonté de conserver et faire partager ses racines françaises.

La province du Nouveau-Brunswick, ouverte sur le monde, est un territoire dynamique, qui attire de plus en plus de jeunes Français travailleurs et étudiants, notamment grâce aux partenariats noués par l'Université de Moncton avec les facultés françaises. L'AIFC souhaite ainsi pouvoir contribuer à la poursuite et l'approfondissement des relations franco-canadiennes en se faisant l'écho et le facilitateur de ces échanges.

La prochaine session de l'Association a été programmée au printemps 2014 et devrait être consacrée à des sujets d'intérêt commun de nature à permettre un enrichissement et un renforcement des liens des deux côtés de l'Atlantique.


* 1 Le 7 avril 2014, le Parti libéral ayant remporté les élections législatives, c'est M. Philippe Conillard qui a remplacé Mme Pauline Marois au poste de Premier ministre du Québec.

* 2 Métal proche du zinc dont les effets toxiques et écotoxiques sont avérés.

* 3 Le 18 octobre 2013, l'UE et le Canada ont signé un Accord économique et commercial global (AECG)

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