Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 126 de M. Richard YUNG , - 16 avril 2015


Groupes interparlementaires d'amitié

France-Madagascar et Pays de l'Océan indien (1 ( * ))

LE MOZAMBIQUE :

UNE PÉPITE À L'EXPORT

Actes du colloque Sénat - Business France du 12 mars 2015

Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

Palais du Luxembourg
Salle Clemenceau

OUVERTURE

Message du Président du Sénat, M. Gérard LARCHER

lu par Mme Elisabeth LAMURE,
Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises

Mesdames et Messieurs,

Le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, m'a chargée de vous transmettre le message suivant :

« Le Sénat se félicite d'accueillir ce matin, pour la première fois, une grande manifestation entièrement consacrée au Mozambique.

Je tiens à remercier tout particulièrement M. Oldemiro Júlio Marques Balói, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, et M. Mario Fernandez Da Graça Machungo, ancien Premier ministre du Mozambique, Président de la première banque de ce pays, d'honorer de leur présence ce rendez-vous économique exceptionnel.

Il s'inscrit dans le cadre du partenariat fructueux que nous poursuivons depuis plusieurs années avec Ubifrance, et désormais avec Business France, au service de l'accompagnement de nos entreprises à l'international.

En effet, le Sénat est très attentif à tout ce qui peut développer et affermir la présence française dans le monde. Le dynamisme de nos groupes d'amitié y contribue pour une large part et je tiens à rendre hommage à l'action vigoureuse menée par le Président Richard Yung à la tête du groupe France-Madagascar et pays de l'Océan indien et à celle de Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Présidente déléguée pour le Mozambique.

Je veux également saluer l'implication de la toute nouvelle Délégation sénatoriale aux entreprises et celle de sa présidente Mme Elisabeth Lamure également présente.

Mes remerciements vont aussi à toutes celles et tous ceux qui ont permis la tenue de ce colloque : Son Excellence M. Alexandre da Conceiçao Zandamela, ambassadeur du Mozambique à Paris, Son Excellence M. Serge Ségura, ambassadeur de France à Maputo, qui a fait spécialement le déplacement, ainsi qu'aux responsables économiques et partenaires mobilisés pour cette journée.

Votre nombre et votre présence, ce matin, attestent bien de l'intérêt tout particulier que nos entreprises accordent à cette région du monde.

Plus que jamais, l'Afrique est notre avenir ! Comme l'a rappelé le Président de la République, lors du dernier forum franco-africain qui s'est tenu à Bercy, l'Afrique est l'un des deux pôles de la croissance mondiale avec l'Asie et c'est le continent où la croissance démographique est la plus forte.

L'ancien ministre M. Jean-Louis Borloo l'a réaffirmé récemment encore lors du lancement du grand projet d'électrification du continent, auquel j'ai participé et apporté mon soutien.

Le Mozambique apparaît comme l'un des pays qui a les potentiels les plus élevés pour assurer son développement, et ceci dans tous les domaines : énergie, mines, agriculture, pêche, tourisme...

La France, vous le savez, est reliée à l'Afrique par l'histoire, mais aussi par des liens humains profonds.

La Haute Assemblée que j'ai honneur de présider entend contribuer, en renforçant ces liens privilégiés, au plein épanouissement de ces potentiels.

À tous, je souhaite donc de fructueux travaux, qui se poursuivront encore cet après-midi au Sénat par des entretiens personnalisés, en souhaitant qu'ils contribuent au développement de nos investissements et de nos échanges réciproques, au service de la croissance et de l'emploi ».

M. Richard YUNG,
Président du groupe interparlementaire d'amitié
France-Madagascar et Pays de l'Océan indien du Sénat

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président,

Messieurs les Ambassadeurs,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux, au nom du groupe d'amitié que j'ai l'honneur de présider, que le Sénat ait l'occasion d'accueillir ce matin ce grand colloque sur le Mozambique. Je salue à mon tour les nombreux participants et tout particulièrement le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Mozambique, M. Oldemiro Júlio Marques Baloi, qui nous fait l'honneur de sa présence.

On dit souvent ici du Mozambique qu'il est méconnu et encore largement ignoré de nos entreprises. Le présent colloque a justement pour objet de faire en sorte qu'il n'en soit plus ainsi. Il nous fournit l'occasion de faire découvrir les points forts de l'économie de ce jeune État. Indépendant depuis le 25 juin 1975, celui-ci a connu une histoire certes mouvementée mais bénéficie, à l'heure actuelle, d'une longue période de stabilité et de développement économique.

Des intervenants prestigieux, que je salue également et remercie par avance, auront l'occasion de développer devant vous et en détail les atouts économiques très nombreux et encore sous-exploités de ce pays qui s'étend sur 3 000 kilomètres de côtes le long de l'Océan indien, avec d'innombrables richesses.

Le Mozambique se situe au croisement de multiples influences : africaines, arabes, asiatiques, portugaises, boer et anglaises... Il jouit en outre, par sa situation géographique, d'une place privilégiée par rapport aux pays enclavés de la sous-région. Il n'est donc pas surprenant de constater que les grands projets foisonnent : projets gaziers, infrastructures de transports, achats d'équipements, modernisation des mines, etc. Il y a là autant d'opportunités pour les petites et moyennes entreprises françaises. Hier avait lieu au ministère des affaires étrangères le premier forum des PME à l'export. Les potentiels qui seront évoqués aujourd'hui s'inscrivent en toute logique dans le prolongement de cette initiative qui sera à réitérer pour soutenir le dynamisme de nos entreprises.

Le groupe d'amitié que je préside au Sénat connaît bien cette région dynamique de l'Afrique proche de l'Océan indien : il couvre huit États et compte une cinquantaine de sénateurs très engagés dans cette partie du monde.

Le groupe d'amitié est né de la relation de voisinage ancienne que la France entretient dans l'Océan Indien, notamment à travers les départements de La Réunion et Mayotte, qui rassemblent plus d'un million d'habitants (la plus importante population française d'outre-mer). La France possède aussi, comme vous le savez, une vaste zone économique exclusive dans le canal du Mozambique, autour des îles Eparses.

Nos relations avec le Mozambique ne sont certes pas aussi fréquentes qu'elles pourraient l'être mais elles progressent. Le Président précédent Armando Emilio Guebuza a été reçu en septembre 2013 par le Président Hollande et une rencontre avec les entreprises françaises opérant ou ayant des projets au Mozambique a déjà été organisée à cette occasion. Nos intérêts convergent donc sur l'importance des investissements et de la sécurité dans le Canal du Mozambique, qui est la zone de passage des pétroliers vers l'Europe ou les États-Unis.

Nous comptons beaucoup sur les progrès démocratiques et le rôle des élus pour accompagner le développement régional. C'est pourquoi nous condamnons l'assassinat, le 3 mars, à Maputo, de Gilles Cistac, professeur de droit à l'université de Maputo, citoyen binational engagé dans le débat démocratique mozambicain.

Ces échanges organisés aujourd'hui au Sénat sont donc particulièrement pertinents à nos yeux. Je forme des voeux les plus sincères pour qu'ils soient utiles et préfigurent un élan nouveau pour nos deux pays.

Mme Elisabeth LAMURE,
Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Ministre,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Je remercie vivement les organisateurs de me donner l'occasion de témoigner de l'engagement du Sénat en faveur tant du développement économique de l'Afrique que de la croissance à l'export des entreprises françaises. C'est précisément en ma qualité de présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises que j'ai l'honneur d'intervenir aujourd'hui devant vous. Permettez-moi de vous présenter en quelques mots cette structure nouvelle créée en novembre 2014 sous l'impulsion du président Larcher.

La délégation aux entreprises est composée de 42 sénateurs appartenant aux différents groupes politiques du Sénat. Elle est chargée d'informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à favoriser l'esprit d'entreprise et à simplifier les normes applicables à l'activité économique, en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires. À cette fin, la délégation va à la rencontre des entrepreneurs, organise des réunions dans les territoires ou des visites d'entreprises, et prend toute initiative en vue d'une meilleure identification des besoins économiques et sociaux des entreprises.

Le soutien des entreprises françaises à l'export, pour leur permettre de conquérir de nouveaux marchés porteurs, fait partie des axes de travail que nous avons rapidement identifiés. La participation de la délégation à un colloque sur le Mozambique, qui connaît une croissance de 7,5 % depuis une décennie et s'annonce comme un partenaire d'avenir, relevait de l'évidence. Les lacunes à l'export des entreprises françaises, notamment par rapport à leurs concurrentes européennes, allemandes bien sûr mais aussi italiennes, sont bien connues. Hormis nos grands groupes industriels, nos entreprises sont encore trop peu présentes sur les marchés en forte croissance.

Comme pourront en témoigner les participants aujourd'hui réunis, le Mozambique demeure un pays méconnu, mais riche d'opportunités. L'exploitation des richesses minières et des énormes ressources gazières au large de ses côtes septentrionales portent la croissance du pays, qui connaît une transformation rapide. Les entreprises françaises notamment dans le secteur de l'énergie et des infrastructures ont tout le savoir-faire nécessaire pour s'y implanter.

Une filiale du groupe Bolloré a d'ailleurs inauguré en 2013 à Pemba un terminal flottant, dédié aux activités pétrolières et gazières. La concurrence chinoise, mais aussi australienne avec Rio Tinto, brésilienne avec Vale ou italienne avec INA est sur les rangs pour bénéficier de l'essor économique ; c'est pourquoi nous devons rester offensifs. Les secteurs de la santé et du tourisme, qui sont amenés à se développer, pourraient également se révéler porteurs pour nos entreprises.

La France a un atout à faire valoir : à la différence de ses concurrents, elle est directement présente dans la région grâce à ses collectivités d'outre-mer de l'Océan indien, La Réunion et Mayotte. Le Mozambique peut représenter une chance importante pour les entreprises de ces territoires, qui ont pris des initiatives intéressantes avec l'appui de Business France. Des délégations de chefs d'entreprises réunionnais et mahorais se sont récemment rendues sur place. Un projet d'implantation d'une pépinière de PME réunionnaises à Maputo est en cours d'étude. Une liaison aérienne entre Mayotte et le Mozambique est ouverte par une filiale d'Air Austral. Le développement des liens avec La Réunion et Mayotte - qui partage le même fond de culture bantoue que le Mozambique - pourrait avoir des effets d'entraînement intéressant pour les entreprises de l'hexagone qui disposeraient ainsi de relais et d'intermédiaires qui connaissent bien la région.

L'accroissement des investissements des entreprises françaises sera, je le crois, très profitable pour la population du Mozambique, qui, après la stabilisation politique, doit tirer bénéfice du « boom » économique en cours. Au-delà des investissements dans l'exploitation des ressources minérales, le savoir-faire français sera utile pour accroître les rendements de la production agricole et sylvicole, pour améliorer l'accès à l'eau et à l'électricité, pour moderniser les infrastructures de transport et pour assurer la structuration du secteur de la santé. Nos entreprises pourront ainsi encourager la progression de l'indice du développement humain du Mozambique, qui demeure encore malheureusement trop bas, tout en saisissant les opportunités nouvelles offertes par le pays.

Pour conclure, je veux dire aux entrepreneurs présents aujourd'hui que la délégation aux entreprises du Sénat se tient à leurs côtés, que nous sommes à leur écoute pour comprendre leurs difficultés et valoriser leurs succès. Je ne doute pas que cette matinée nous donnera l'occasion d'échanges riches et constructifs.

M. Axel BAROUX,
Directeur réseau international, Business France

M. le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais commencer par adresser mes remerciements à M. Baloi, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Mozambique, qui nous fait l'honneur de sa présence ce matin, à M. Machungo, ancien Premier ministre du Mozambique et Président de la banque Millenium bim, à mon collègue du comité de promotion des investissements du Mozambique, M. Sambo, à MM. les ambassadeurs de France au Mozambique et du Mozambique en France.

Je tiens également à remercier le Sénat, qui nous accueille toujours très chaleureusement et qui constitue un outil très complémentaire de l'action de Business France en termes d'accompagnement des entreprises ; nos collègues de l'AFD, qui agissent dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne ; nos partenaires, le CIAN (Conseil des investisseurs français en Afrique), les conseillers du commerce extérieur de la France et Bpifrance ; et nos collègues Michaël Ehrlich et Virginie Botcazou, du service des événements spéciaux de Business France. Enfin, merci à tous ici présents, en particulier aux chefs d'entreprise et notamment les quatre chefs d'entreprise qui viendront témoigner de leur expérience de Maputo : Mme Pauline-Hélène Médina, directrice générale de Rovuma Consultores et fondatrice du club d'affaires franco-mozambicain, Mme Florence Arnoux, de CIS Mozambique, Mme Azmina Goulamaly, Présidente d'Aquapesca, et M. Stéphane Solé, du CCEF et vice-président « Afrique de l'Est » de Technip. Leurs témoignages seront particulièrement éclairants sur la situation du Mozambique et ses opportunités.

Business France est né le 1er janvier 2015 de la fusion de l'Agence française pour les Investissements internationaux (AFII) et d'Ubifrance. Nous avons trois missions : le soutien à l'attractivité et l'accueil des investisseurs étrangers en France ; l'accompagnement des entreprises, en particulier les PME et les entreprises de taille intermédiaire, sur les marchés étrangers. Plus de 11 000 courants d'affaires ont été recensés dans le cadre du dernier contrat qui nous liait à l'État. Une nouvelle mission nous incombe désormais : la promotion de l'image de la France.

Le Mozambique est l'un des 21 pays que Business France couvre aujourd'hui en Afrique. Ces 21 pays représentent 85 % de la population, 85 % de nos exportations (lesquelles se montent à 12,5 milliards d'euros), qui doivent progresser au regard de ce que font nos concurrents allemands et italiens en particulier. L'Afrique constitue aujourd'hui une priorité du gouvernement et donc de l'agence publique qu'est Business France.

Nous allons ouvrir de nouveaux bureaux dès cette année. Le continent enregistre des taux de croissance importants (les plus importants dans le monde après ceux de l'Asie). Singulièrement, le Mozambique a connu une croissance de près de 8 %, en moyenne, ces dix dernières années.

L'Afrique favorise aussi des relations de proximité, avec un seul fuseau horaire et des prix en baisse dans le transport aérien. Le continent constitue aussi une priorité de l'Agence française de Développement (AFD), avec laquelle nous négocions un partenariat afin d'allier nos forces au service des entreprises.

En 2014, nous avons réalisé quatre opérations collectives et accompagné plus d'une cinquantaine d'entreprises pour le seul Mozambique. Nous souhaitons faire beaucoup mieux en 2015. De nombreuses opérations collectives et des solutions d'accompagnement individuelles seront proposées. J'attire particulièrement votre attention sur la foire de Maputo, la FACIM, qui se tiendra du 31 août au 6 septembre 2015. Nous souhaitons vous donner envie d'y aller et vous donner à voir toutes les opportunités que recèle le Mozambique, en espérant avoir la joie de vous accueillir en septembre prochain sur le pavillon France de cette foire.

M. Oldemiro Julio Marques BALOI,
ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Mozambique

Merci à toutes et à tous. Je remercie particulièrement M. Richard Yung, Président du groupe d'amitié France-Madagascar et pays de l'Océan indien du Sénat, M. Axel Baroux, directeur général de Business France, Mesdames et Messieurs les représentants des entreprises et vous tous réunis ici.

Je voudrais d'abord dire, au nom du peuple mozambicain, de mon gouvernement et en mon nom propre, un grand merci à Business France, au Sénat et à tous ses partenaires pour l'aimable invitation qui m'a été faite de participer à ce colloque, qui fait suite à ma visite en France. Ce colloque a lieu au moment où le peuple du Mozambique va commémorer le 80 ème anniversaire de notre République. C'est une trajectoire riche, emplie de défis qui ont marqué chaque étape de notre croissance. Nous reconnaissons d'ailleurs la complémentarité des efforts consentis par la communauté nationale dans la tâche difficile de la reconstruction du Mozambique.

C'est avec une grande satisfaction que nous enregistrons la dynamique des rapports qui unissent la France et le Mozambique dans plusieurs domaines de coopération, ce qui se traduit par une importante contribution au développement de notre pays, tout particulièrement dans les domaines des infrastructures, de l'environnement, de la sécurité maritime et de la coopération économique et entrepreneuriale. Nos liens avec la France deviennent matures et s'enrichissent dans le cadre d'un partenariat fructueux dont le point culminant fut la visite du Président Guebuza fin 2013. Ces relations se fortifient à la faveur des missions conduites par des entrepreneurs français.

Nous avons par exemple reçu ce mois-ci une importante mission d'entrepreneurs français qui sont venus au Mozambique afin d'y mesurer le potentiel et les opportunités d'investissement. À cet égard, nous avons constaté avec grande satisfaction que Business France conduit un vaste programme d'activités au Mozambique tout au long de l'année.

De 2010 à 2014, le flux des investissements privés a atteint près de 23 milliards de dollars américains. Au cours de la même période, nous avons mis en place 13 projets avec des investisseurs privés français, pour environ 63 millions de dollars. La France occupait en 2014 la dixième place parmi les plus grands investisseurs étrangers au Mozambique. Je voudrais inciter les entreprises françaises à tirer parti de toutes les opportunités d'affaires au Mozambique, notamment dans l'agriculture, l'agro-industrie, la production d'énergie, les eaux, le tourisme et le développement d'infrastructures de soutien aux activités productives, y compris le gaz naturel.

Nous avons organisé en 2014 des élections présidentielles et des élections législatives, y compris pour les assemblées des provinces. Les pouvoirs, tant exécutif que législatif, ont donc été renouvelés récemment. Le Mozambique est aujourd'hui un pays tranquille avec d'excellentes conditions pour promouvoir les investissements étrangers. Le dialogue en cours sous toutes ses formes portera à son meilleur niveau la stabilité que mérite le peuple mozambicain. La démocratie est un défi important justifiant des mesures visant au renforcement de l'État et à l'élargissement de la participation du peuple. Ce processus doit atteindre tous les mécanismes légaux, en application du cadre politique prévu par la Constitution mozambicaine.

Cet exercice exige de longs débats avec les institutions politiques, qui sont de nature à favoriser une plus grande appropriation des processus de démocratisation et du destin de la Nation. Nous allons continuer d'encourager le débat d'idées au sein de la société civile afin que la paix demeure présente et que des principes stables de gouvernance soient intégrés de façon invariable dans les politiques publiques. L'Observatoire du développement et la Commission nationale pour les droits humains s'inscrivent dans cette perspective.

Le Mozambique a connu une croissance moyenne annuelle de 7,5 % par an au cours des cinq dernières années, dans un environnement de paix et de stabilité politique, qui a permis des réformes. Notre pays accueille des investissements importants dans des secteurs tels que le charbon et le gaz naturel, dans lesquels nous pouvons compter sur la présence de sociétés françaises. La concrétisation de ces investissements et le développement des PME constituent la preuve que le Mozambique s'affirme comme une destination sûre d'investissements au plan mondial. Le gouvernement mozambicain entend poursuivre les réformes nécessaires en vue de simplifier les procédures, d'améliorer l'environnement d'affaires et d'assurer sa compétitivité et son attractivité.

Il existe, certes, un certain nombre de défis à relever. Nous devons nous efforcer de combler le déficit de capital humain afin de répondre aux besoins des projets d'exploitation de ressources naturelles. La contribution des partenaires internationaux sera indispensable pour la formation des hommes et des femmes du Mozambique, notamment au travers de transferts de savoir-faire. C'est avec grande satisfaction que nous constatons que la France est un pays ouvert à la coopération, y compris dans le domaine des ressources humaines, afin de contribuer à la formation de notre population. Notre pays poursuivra ses investissements dans les domaines d'infrastructures de même que sur le plan social afin de relever les défis de la croissance, y compris ceux qui sont nés des récentes découvertes sur le plan des ressources naturelles.

Notre population attend des résultats rapides de l'exploitation des ressources naturelles et un impact direct sur son niveau de vie. Il y a là un grand défi pour le gouvernement, ce qui fait émerger une autre nécessité : garantir que les résultats obtenus sur le plan macroéconomique soient porteurs d'une amélioration de la vie des Mozambicains. Ceci doit se refléter dans une distribution plus équitable des revenus et une diminution des niveaux d'inégalités. Il faut donc s'assurer qu'un plus grand nombre de citoyens aient accès à l'eau potable, à l'assainissement, à l'éducation, à une santé de qualité et rechercher les conditions d'élargissement de la production agricole afin de rechercher la sécurité alimentaire au bénéfice du plus grand nombre.

Nous devons également éviter que les nouvelles découvertes fassent passer notre pays pour un Eldorado. Le Mozambique affirme sa différence dans la façon dont il conçoit ses ressources naturelles. Nous souhaitons que celles-ci constituent pour le pays une bénédiction et non une malédiction. C'est la raison pour laquelle nous continuons à les considérer dans une perspective holistique, en recherchant le développement de tous les secteurs de l'économie (agriculture, énergie, transports, etc.) afin de pouvoir incorporer les bénéfices des nouvelles ressources identifiées, sans risque de déstabiliser l'ensemble de notre économie.

Notre pays apporte également sa contribution à la résolution de crises et de conflits politiques ou militaires dans notre espace régional. A l'instar de ce qui a été fait à Madagascar, nous sommes engagés dans la région, y compris en République démocratique du Congo, afin d'assurer la paix dans la région. Le développement du Mozambique n'a de sens que s'il s'insère dans le développement de la région. De la même façon, le Mozambique a suivi l'évolution des négociations sur le Mali. Il salue l'effort de la France en faveur de la normalisation de la situation politique en République centrafricaine et au Burkina Faso.

Mesdames et Messieurs, je voudrais vous remercier une fois encore pour tout le soutien que la France apporte au Mozambique et notamment la façon dont vous contribuez à la croissance et au développement de notre pays, qui prouve les liens d'amitié, de coopération et de solidarité qui existent entre nos deux pays. Ce colloque fournit la preuve de votre engagement pour les resserrer et les rendre plus durables encore. Souhaitons, par conséquent, que notre partenariat continue de se renforcer.

Dr Mario Fernandez DA GRACA MACHUNGO,
ancien Premier ministre du Mozambique,
Président de la première banque du Mozambique
(Millenium bim)

Votre Excellence, Monsieur l'ambassadeur de France au Mozambique,

Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Madagascar et pays de l'Océan indien du Sénat,

Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs,

Mesdames et messieurs,

Je vous remercie pour cette invitation qui m'a été faite d'intervenir lors de ce colloque. L'Afrique est sur le chemin de la croissance durable et devient une constellation de marchés émergents. Le Mozambique est l'un des pays, au sein du continent, qui connaissent la plus forte croissance et offrent les perspectives les plus prometteuses. Notre pays a enregistré une croissance annuelle moyenne de son produit intérieur brut de plus de 7 % au cours des dix dernières années. Avec une progression annuelle moyenne de 7,8 % attendue d'ici 2019, le pays se classe au neuvième rang mondial pour ce qui est des perspectives de croissance. Il est aussi le pays de la Southern African Development Community (SADC) qui peut se targuer d'afficher les prévisions de croissance les plus favorables pour les prochaines années.

Ces premiers résultats ont été principalement obtenus à travers d'importants investissements directs étrangers, en particulier dans les infrastructures, la production de charbon, le gaz et le secteur de l'énergie, pourvoyeurs d'une croissance à long terme. Certes, le mix de croissance du Mozambique reste dominé par l'agriculture, qui contribue encore pour près de 25 % à la richesse du pays. Il n'en demeure pas moins que les secteurs des mines, du gaz naturel et des ressources naturelles ont crû de 12,5 % l'an dernier, soutenus notamment par l'effort public de construction et d'investissement dans les infrastructures (notamment les lignes ferroviaires et les ports en eau profonde).

Le soutien et la participation du pays à plusieurs projets miniers et énergétiques en cours de développement sous l'égide d'investisseurs étrangers a attiré un nombre croissant de compagnies internationales désireuses d'explorer les potentiels du Mozambique. Les investissements sont ainsi en train de se développer dans le pays, particulièrement dans le domaine du charbon, du pétrole et d'une façon générale dans le secteur de l'énergie.

On dit aujourd'hui que le Mozambique est appelé à devenir un hub important pour l'énergie et un grand acteur dans ce domaine en Afrique australe, grâce aux ressources dont le pays dispose en charbon et en gaz, ce à quoi s'ajoute le potentiel hydroélectrique très élevé du bassin du Zambèze.

La forte croissance du produit national brut (PNB) réel a été principalement soutenue par des méga-projets tels que l'aluminium (avec Mozal), les projets d'exploitation de gaz naturel et le développement du charbon dans la province de Tete.

Depuis peu, les méga-projets d'exploitation de gaz deviennent un des piliers du développement économique du pays. Le Mozambique se veut un environnement favorable aux entreprises. C'est pourquoi le gouvernement a mis en place des incitations aux investissements directs étrangers. Au-delà de partenaires anciens que constituent l'Afrique du Sud et le Portugal, nous recevons aujourd'hui des investissements directs importants à l'initiative de grandes compagnies de nombreux pays.

Le développement de la Chine, du Brésil et d'autres pays émergents a aussi incité les grandes entreprises de ces pays à s'intéresser davantage, depuis quelques années, à l'Afrique du fait de l'attractivité des investissements dans cette région. Nous constatons une appétence de plus en plus grande pour ces pays et le Mozambique est désormais vu sous des augures très favorables par les organisations internationales. Les programmes de développement sociaux, économiques et les financements déployés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque Mondiale assurent aussi de bonnes relations entre le Mozambique et la communauté internationale. Par ailleurs, le Mozambique peut se comparer favorablement à ses voisins. L'Afrique s'est engagée à réduire le fossé économique qui la sépare d'autres continents, grâce à des objectifs de développement durable tels que l'investissement dans les infrastructures, l'assainissement, la production agricole ou encore le secteur technologique. La capacité des pays africains à compenser le fossé des investissements constaté aujourd'hui à leur détriment demeure néanmoins limitée et il est probable qu'à moyen terme, la plupart des pays africains doivent encore compter sur les financements extérieurs. Il reste donc un grand potentiel encore peu exploité.

La croissance du Mozambique est associée aux investissements nécessaires afin d'atteindre les objectifs de développement durable, dans des secteurs cruciaux tels que les infrastructures, l'énergie, les mines, le gaz et le pétrole. Le Mozambique a fait l'objet de découvertes récentes de gaz à hauteur de 153 milliards de pieds cubes, ce qui place ses réserves au niveau de l'Australie et de l'Irak. Il développe ses investissements en équipements d'énergie dans les secteurs du gaz et du pétrole, pour un montant de plus de 500 milliards de dollars.

Le gaz devra jouer un rôle fondamental dans le développement du Mozambique au cours des prochaines années, à l'échelle de l'Afrique australe, notamment grâce aux ressources contenues dans le bassin du Ruvuma. Le Mozambique constitue un lieu stratégique en vue de fournir des marchés dans ces secteurs à des prix attractifs.

Le Mozambique peut également devenir un hub très important sur le plan portuaire afin d'offrir de nouvelles liaisons avec ses voisins de l'Océan indien, à l'image du rôle que joue Singapour dans sa région.

En ce qui concerne le secteur de l'énergie, le Mozambique occupe une position stratégique pour desservir les marchés africains et faire face à la demande en forte croissance du continent. Nous avons en particulier une importante capacité de production hydroélectrique à l'échelle de l'ensemble de la région. Le développement des projets de charbon est également important et requiert des investissements massifs dans les infrastructures afin d'exporter vers des marchés clés tels que celui de l'acier.

D'une façon générale, les infrastructures sont en expansion au Mozambique, avec notamment un important programme de renouvellement des routes. Au total, près de 30 milliards de dollars ont été investis dans les infrastructures du pays ces dix dernières années.

Le Mozambique connaît donc une période de profonde transformation. Les réformes en cours touchent le domaine politique et réglementaire autant que celui du capital humain. Le pays devient une place de choix pour les investisseurs.

Outre la stabilité politique dont il jouit, son secteur financier constitue un atout. Nous pensons qu'il est fondamental de créer et consolider des alliances avec des acteurs étrangers afin de renforcer nos positions. Le développement des systèmes bancaires contribue aussi à la stabilité de notre pays. Nous avons amélioré nos résultats et nos ratios témoignent de la solidité de nos positions sur le marché local. En 2014, la croissance du secteur bancaire a dépassé 19 %. Nous affichons des ratios parmi les moins élevés du monde, loin de ce qui était défini par la Banque centrale. Nous entretenons des relations avec les investisseurs clés, notamment les institutions internationales, les bailleurs internationaux, les investisseurs internationaux et les partenaires locaux. La Banque Millenium bim est une des plus importantes du continent et s'appuie sur une très sérieuse expérience du marché. Elle a aussi des relations institutionnelles solides avec le gouvernement, les autorités locales et l'industrie, ce qui nous permet de développer des voies de coopération avec la France chaque fois que des investisseurs français s'intéressent à notre beau pays.

TABLE RONDE 1 -
LE MOZAMBIQUE APRÈS LES ÉLECTIONS 2014 -
SITUATION ÉCONOMIQUE DU MOZAMBIQUE
ET DE SES GRANDS PROJETS

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique


Ont participé à cette table ronde :

Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Présidente déléguée pour le Mozambique, au sein du groupe d'amitié France-Madagascar et pays de l'Océan indien du Sénat
M. Serge SEGURA, Ambassadeur de France au Mozambique
M. Philippe FOUET, chef du service économique, Ambassade de France au Mozambique

M. Arnaud FLEURY. - Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, vous êtes sénatrice de la Haute-Vienne et vous venez d'être nommée Présidente déléguée pour le Mozambique au sein du groupe d'amitié France-Madagascar et pays de l'Océan indien du Sénat. Avez-vous déjà une idée des priorités à poursuivre du point de vue des relations entre la France et le Mozambique ?

Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT. - Je suis nouvelle sénatrice et nouvelle Présidente du groupe d'amitié. J'ai sollicité cette présidence car j'ai la conscience aiguë que de nombreuses choses vont se jouer en Afrique et que le Mozambique fait partie de ces pays auxquels nous devons nous intéresser.

Nous savons tous que l'Afrique est un continent en pleine croissance, tant sur le plan démographique qu'économique. La France a une proximité diplomatique, militaire et culturelle qui n'a jamais faibli avec l'Afrique. Au sein du continent africain, le Mozambique est un des États les plus prometteurs. Connaissant un fort taux de croissance, il dispose de ressources naturelles considérables qui lui offrent des perspectives d'expansion importantes, pour peu que ces développements soient maîtrisés. Ma conviction est donc que la France pourrait participer davantage à la mise en oeuvre des atouts économiques nombreux de ce pays.

Si la France n'est pas, pour l'heure, le partenaire commercial majeur du Mozambique, nos relations de voisinage sont anciennes dans la région, notamment avec la proximité géographique de Mayotte et La Réunion. Dès lors, la question, pour moi, vise à savoir de quelle manière le groupe d'amitié France-Madagascar et pays de l'Océan indien du Sénat peut s'impliquer afin de favoriser au mieux le processus de développement des échanges entre nos deux pays.

Tout d'abord, je crois que le groupe d'amitié doit jouer le rôle d'interlocuteur permanent de l'ambassade du Mozambique. Je me suis entretenue avant ce colloque avec Son Excellence M. Zandamela, et l'ai assuré que le Palais du Luxembourg lui était toujours ouvert. Je m'efforcerai d'être disponible et à son écoute, pour recevoir également les autorités mozambicaines lorsqu'elles seront en visite dans notre pays.

Le groupe d'amitié se doit aussi de permettre de tisser des liens personnels entre les parlementaires français et leurs homologues ainsi qu'avec les acteurs de la vie politique et institutionnelle du Mozambique. Nous ne pouvons que nous féliciter, à cet égard, que les dernières élections législatives, présidentielles et provinciales d'octobre dernier se soient tenues dans un contexte apaisé et que nous puissions envisager des relations interparlementaires plus denses autour de valeurs communes. Certes, les événements du début du mois et l'assassinat de Gilles Cistac ont apporté une tache d'ombre. Mais je me félicite que nos deux gouvernements soient en contact et que le gouvernement du Mozambique, ainsi que le Président, aient condamné cet assassinat. Toute la lumière sera faite sur ce meurtre. C'est absolument nécessaire.

Le groupe d'amitié peut également intervenir en point d'appui pour l'implantation des entreprises françaises. J'invite les chefs d'entreprise à nous solliciter en cas de difficulté de nature législative, réglementaire ou administrative, par exemple, afin que nous puissions faire notre travail et les aider à les résoudre.

Les groupes d'amitié parlementaires ont enfin une capacité à développer ce que nous appelons une « diplomatie de complément » qui, tout en respectant la ligne diplomatique étatique, peut s'avérer plus pragmatique et à l'écoute des forces vives des nations.

Vous pourrez donc compter sur moi pour accompagner autant que possible le développement de nos échanges bilatéraux dans toutes leurs composantes (économiques, sociales, environnementales). Je souhaite que ce colloque et les rencontres qu'il favorisera puissent avoir des résultats aussi fructueux que possible pour l'amitié et les collaborations entre nos deux pays.

M. Arnaud FLEURY. - Avez-vous prévu de vous rendre à Maputo prochainement ?

Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT. - Comme vous le savez, cette Maison est très bien gérée. Il y a un nombre de déplacements contingenté tous les ans. Dès lors qu'il y aura les moyens pour ce déplacement, je serai ravie de me rendre au Mozambique.

M. Arnaud FLEURY. - Le message est passé.

M. l'Ambassadeur de France au Mozambique, Serge Ségura, vous avez fait le déplacement spécialement pour participer à ce colloque. Voulez-vous nous livrer votre analyse de la situation politique de la région, que vous connaissez fort bien ? Je rappelle notamment que vous avez été en poste à Madagascar.

M. Serge SEGURA. - Je ne sais pas si vous imaginez ce que représente, pour un ambassadeur français au Mozambique, la nécessité d'effectuer une analyse rapide de la situation politique du pays où il est en poste, devant un parterre impressionnant de chefs d'entreprises français et devant le ministre mozambicain des affaires étrangères, qui sera naturellement attentif à chaque mot que je prononcerai.

Excusez-moi par avance, M. le Ministre. Vous connaissez ma franchise, de même que je connais la vôtre. Je dirai peut-être des choses qui vont vous surprendre.

Les relations qui existent entre la France et le Mozambique sont des relations de grande sincérité et de grande ouverture. Avec la période qui s'est tristement ouverte avec l'assassinat de notre compatriote, j'ai entendu des interrogations surgir parmi la communauté française. Je voudrais souligner d'emblée que lorsque notre compatriote (que je connaissais bien), qui avait la nationalité française et la nationalité mozambicaine, a été assassiné, ce fut un choc pour la communauté française mais au moins autant pour la communauté mozambicaine.

M. Baloi a eu l'amabilité de me recevoir très rapidement, dans les heures qui ont suivi cet assassinat. Je dois dire que j'ai trouvé auprès du gouvernement mozambicain tout le soutien dont nous avions besoin, à l'ambassade, pour faire en sorte que le séjour de la famille de notre compatriote et le transfert de son corps en France se déroulent dans les meilleures conditions. Les parents de notre compatriote sont repartis hier. Ils sont maintenant en France et m'ont demandé de transmettre aux autorités mozambicaines leurs remerciements pour tout le soutien qui leur a été apporté.

Le Mozambique est entré, à nos yeux, dans une nouvelle phase politique depuis les élections du mois d'octobre 2014, dont les résultats officiels ont été connus à la fin du mois de décembre. Il existe 13 ambassades de l'Union européenne au Mozambique, ce qui est très important au regard de la taille du pays. Un nouveau Président a été élu, apportant des idées nouvelles et notamment la volonté de mettre l'accent sur le développement économique.

Lorsque je l'ai rencontré pour lui remettre la lettre de félicitations du Président Hollande, le Président Filipe Jacinto Nyusi m'a dit d'emblée : « Je veux développer les relations avec la France. Je veux aussi les développer sur le plan économique et permettre aux entreprises françaises de venir ». Il y a des obstacles à cela. Ils sont parfois de nature psychologique. Il existe aussi quelques obstacles administratifs du côté mozambicain. Le nouveau gouvernement constitué après l'élection du Président Nyusi est composé de spécialistes qui savent cependant de quoi ils parlent. Il faut également signaler une nouvelle structure de gouvernement inaugurée depuis quelques mois. J'en veux pour preuve le regroupement des ressources minérales avec l'énergie, de même que celui de l'économie et des finances. Le fait que le ministre Baloi ait été reconduit dans ses fonctions constitue pour nous un gage de continuité dans le dialogue avec la France.

Pour toutes ces raisons, nous sommes très optimistes. Si vous m'aviez posé la question il y a un an, je me serais montré beaucoup plus circonspect. Le principal parti d'opposition, la Renamo, était alors retourné dans le maquis et menait des opérations de guérilla. Le pays était économiquement coupé en deux, en raison de la séparation, par ces actions, de la route nationale qui relie le nord au sud du pays. La Renamo a participé aux élections et même si elle en conteste les résultats, les députés rénamistes sont au Parlement. Ils vont participer aux discussions de lois très importantes comme celle portant sur l'autonomie des provinces. Le Président Nyusi a reçu le Président de la Renamo, Afonso Dhlakama. Le dialogue existe.

M. Arnaud FLEURY. - Puisque vous avez été en poste à Madagascar, comme je le rappelais, je suppose que vous êtes également soucieux de l'évolution politique de l'ensemble de la région.

M. Serge SEGURA. - Lorsque je suis arrivé au Mozambique, il y a trois ans, le ministre des Affaires étrangères, M. Baloi, m'a reçu. Ce fut une douche froide. Comme tout ambassadeur qui prend son poste, j'avais pris mon ton le plus onctueux pour souhaiter que les relations politiques entre la France et le Mozambique se développent. Le ministre m'a interrompu en me disant : « Monsieur l'Ambassadeur, ne me parlez pas de relations politiques, nous ne nous parlons pas ». C'était vrai. En dressant la liste des rencontres ministérielles entre la France et le Mozambique, je me suis rendu compte avec horreur qu'il n'existait pas réellement un dialogue continu. Les choses ont changé, grâce à la volonté des autorités françaises et des autorités mozambicaines. La présence du ministre aujourd'hui en est un bon exemple, avant, peut-être, une nouvelle visite présidentielle au cours de l'année.

La France est présente au Mozambique depuis l'indépendance. Il est important de rappeler aux entrepreneurs que le Mozambique est encore un des pays les plus pauvres du monde. Nous parlons d'une « pépite » à l'export et d'un pays qui connaît un développement rapide, ce qui est exact.

Toutefois, 75 % de la population du Mozambique vit encore de l'agriculture et dans des zones non urbanisées. Le pays reste extrêmement pauvre et mérite toute notre action au titre de l'aide au développement. C'est pourquoi notre action au Mozambique doit être ambivalente. Nous agissons d'une part dans des secteurs de base (santé, éducation) ainsi que sur le plan du droit (à travers une forte coopération avec le tribunal administratif).
Nous oeuvrons d'autre part dans des secteurs plus « modernes » comme on le fait avec des pays qui sont à un stade de développement avancé.

Lorsque vous viendrez au Mozambique, vous devrez aussi garder à l'esprit la nécessité de faire valoir à vos interlocuteurs la responsabilité sociétale des entreprises : votre action dans le pays doit se traduire par un avantage pour les populations des endroits où vous allez vous installer. Un autre aspect crucial a trait à la formation professionnelle. Le Mozambique a des besoins considérables dans ce domaine. Un des projets de l'Agence française de Développement, au cours des cinq années à venir, vise à développer les crédits de formation professionnelle dans certains secteurs tels que le tourisme et l'énergie. Il est primordial que les entreprises françaises participent à cet effort. À l'ambassade, nous pouvons vous y aider. Il existe déjà de bons exemples, à l'image d'Aquapesca, installée de longue date dans le pays. Je tiens à rendre hommage à cette entreprise, qui assume pleinement sa responsabilité sociale tout en contribuant au progrès scientifique, ce qui est également très important pour le Mozambique. Si vous venez avec des projets de formation de vos employés et de substitution progressive des expatriés par des Mozambicains, vous susciterez un intérêt tout particulier chez vos interlocuteurs.

M. Arnaud FLEURY. - Que peut-on dire du dispositif économique que met en place l'ambassade, dans la lignée de la « diplomatie économique » chère aux autorités françaises ?

M. Serge SEGURA. - Je suis arrivé au Mozambique en septembre 2012, deux mois après la fermeture du service économique de l'ambassade. Fort heureusement, grâce aux entreprises, qui se sont émues de cette situation, le ministère de l'économie et des finances a révisé sa position et a rouvert ce service au mois d'avril. J'ai la chance, depuis lors, d'avoir un excellent collaborateur en la personne de Philippe Fouet, qui m'aide énormément et apporte un appui précieux aux entreprises. Je suis donc un ambassadeur presque heureux, car toutes les ambassades n'ont plus de service économique, en particulier dans la région.

De son côté, le ministère des affaires étrangères a eu la bonne idée de nommer quelques volontaires internationaux en Afrique. Ils sont trois et je suis heureux que l'une d'entre deux soit affectée au Mozambique depuis un an. Nous venons d'en accueillir une deuxième. La volontaire internationale constitue le lien avec Business France, qui siège à Johannesburg. Je lui ai demandé de s'intéresser plus particulièrement aux PME et plus spécifiquement à celles de l'île de La Réunion et de Mayotte.

Je suis en effet très agréablement surpris de constater l'engouement que suscite le Mozambique parmi les entreprises réunionnaises. Celles-ci envoient régulièrement des missions au Mozambique. La Chambre de commerce et d'industrie et le Conseil général de La Réunion vont ouvrir bientôt auprès de l'institution chargée des PME au Mozambique un bureau permanent.

En dehors de l'ambassade, il existe une « pseudo-section » des conseillers du commerce extérieur. Lorsque j'ai pris mes fonctions, il n'y en avait plus qu'un. Ces conseillers sont aujourd'hui au nombre de six, ce qui signifie qu'il ne nous manque qu'une personne pour pouvoir officiellement former une section. Je pense que nous pourrons officiellement le faire avant la fin de l'année 2015, ce qui sera très utile.

À ce jour, 40 à 45 entreprises françaises sont déjà installées au Mozambique. Le pays n'est donc pas méconnu par tous. Ces entreprises souhaitent créer un club d'investisseurs France-Mozambique qui serait ouvert aux entreprises mozambicaines aussi bien qu'aux entreprises françaises. Les statuts de ce club sont déposés actuellement auprès du ministère de la Justice.

M. Arnaud FLEURY. - Nous reviendrons avec sa fondatrice, Mme Médina, sur cette initiative. En un mot, si je comprends bien, vous êtes optimiste. Voyez-vous des similitudes entre la situation du Mozambique et celle que vous avez connue à Madagascar, de l'autre côté du canal ?

M. Serge SEGURA. - J'ai effectivement été en poste durant quatre ans en tant que numéro deux de l'ambassade à Madagascar, il y a une dizaine d'années. C'est un pays splendide et humainement très attachant, pour lequel j'ai une grande affection. Le Mozambique se trouve politiquement, économiquement et géographiquement dans une situation très différente de celle de Madagascar. Il est tout aussi attachant que Madagascar et je suis très optimiste quant à son développement. Le pays dispose de matières premières. Le ministre a souligné que le gouvernement mozambicain était conscient de la nécessité de rechercher un développement inclusif, c'est-à-dire qui inclue toutes les couches de la société mozambicaine. C'est ce à quoi travaillent les bailleurs de fonds avec les autorités du pays. Le ministre a également souligné à juste titre la nécessité de ne pas centrer seulement le développement sur les matières premières (en particulier le gaz). Les priorités énoncées aujourd'hui par le nouveau Président, notamment dans le secteur agroalimentaire (où les entreprises françaises devraient avoir un rôle à jouer), démontrent que ces préoccupations sont prises en compte par le gouvernement.

M. Arnaud FLEURY. - Philippe Fouet, c'est vous qui avez rouvert le service économique de Maputo. Dites-en nous davantage sur la situation du pays et les opportunités qu'il peut receler.

M. Philippe FOUET. - Comme vous le voyez sur la carte, le pays est très étendu. Il en tire un avantage sur le plan des ressources. C'est un inconvénient du fait de la dispersion de la population, qui crée un important besoin de développement d'infrastructures de diverses natures (routières, scolaires, de santé, etc.). L'indice de développement humain est assez faible, puisqu'il figure parmi les plus bas au monde. Il progresse lentement. Le PIB du pays s'élève aujourd'hui à 16 milliards de dollars, soit 640 dollars par habitant, ce qui fait du Mozambique un des pays les plus pauvres. La moitié de cette richesse est produite à Matola-Maputo.

Depuis dix ans, le pays connaît une croissance moyenne de 7 % à 8 % par an et le PIB a quadruplé en vingt ans, même s'il demeure assez faible. En 2014, le Mozambique a attiré 7 milliards de dollars d'investissements, ce qui en fait le premier pays d'Afrique australe en termes d'investissements directs étrangers, devant l'Afrique du Sud. La plupart de ces investissements ont été réalisés dans le secteur du développement des ressources naturelles (charbon et gaz).

M. Arnaud FLEURY. - Quelle est la part des Français dans ces investissements ?

M. Philippe FOUET. - La France a été présentée comme le dixième investisseur en termes de flux. Je pense que cette position est plus élevée en termes de « stock ». Total a par exemple acquis 40 % d'un bloc mais n'investit pas depuis la France. Cet investissement n'est donc pas comptabilisé dans les statistiques françaises.

Le pays dispose de nombreuses ressources naturelles, notamment de nombreux minerais. Il présente un très fort potentiel hydroélectrique. A titre d'illustration, le lac qui se trouve derrière le barrage de Cabora Bassa contient plus d'eau que l'ensemble de l'Afrique du Sud. 75 % de la population vit de l'agriculture. Elle en vit mal, toutefois, puisque cette production ne représente que 25 % du PIB. Il existe cependant un potentiel très fort et de nombreux investissements ont été réalisés dans le secteur agricole ou agroindustriel.

Tout n'est pas rose pour autant et il existe des difficultés au Mozambique. Le prix des matières premières a beaucoup baissé, ce qui conduit les compagnies installées dans le secteur charbonnier à perdre de l'argent actuellement. C'est vrai aussi dans le secteur du gaz, même si je suis très optimiste quant au développement de celui-ci au Mozambique.

Le pays dépend encore beaucoup de l'aide extérieure, qui représente aujourd'hui près du tiers du budget de l'État. Cette aide diminue, ce qui oblige le pays à trouver de nouvelles ressources budgétaires. La dette du pays augmente, ce qui est normal, car le pays a besoin de développer ses infrastructures. La dette atteignait l'an dernier 56 % du PIB, ce qui représente une progression de 10 % en un an. Même s'il faut voir là un effet de rattrapage, il s'agit d'un indicateur auquel il faut rester attentif.

Le climat des affaires tend à s'améliorer. Les principales difficultés évoquées par les entreprises ont trait à la formation de la main d'oeuvre : il est difficile de trouver du personnel formé et celui-ci est très cher. Une autre difficulté a trait au financement du coût de l'investissement. Le Dr Machungo a évoqué les résultats de sa banque mais ceux-ci ont été rendus possibles par un taux d'intérêt élevé. La pauvreté reste, d'une façon générale, très prégnante.

La moitié de la population vit avec un demi-dollar par jour et l'immense majorité de la population survit avec moins de 2 dollars par jour.

S'agissant de la base industrielle, pour l'heure, l'investissement dans le secteur industriel a repris avec l'aluminium. Cette base demeure aujourd'hui limitée.

En termes de perspectives, le pays a besoin de se reconstruire et de développer ses infrastructures dans tous les secteurs, notamment celui des transports.

M. Arnaud FLEURY. - Le pays est-il très en retard par rapport à des pays de niveau de développement comparables ?

M. Philippe FOUET. - Il est plutôt en avance par rapport à des pays de niveau de développement équivalent. Il reste cependant beaucoup à faire, notamment pour relier le nord et le sud du pays, distants de 3 000 kilomètres. On transporte plus difficilement des produits agricoles des régions de production vers la capitale que depuis l'Afrique du Sud, distante de 500 kilomètres. Cette concurrence oblige le pays à développer des infrastructures plus efficaces.

Le gaz occupe une place particulière dans le potentiel du pays, qui a même été qualifié de « nouveau Qatar ». Dans le même temps, des interrogations sont nées parmi les investisseurs potentiels suite à la chute du prix du gaz, qui a diminué de 50 % en un an. Le Mozambique a découvert des ressources gigantesques de gaz, réparties sur deux blocs, attribuées à ENI (Italie) d'une part et à Anadarko (États-Unis) d'autre part. ENI ne dispose plus que de 50 % du bloc, le reste ayant été vendu à des intérêts asiatiques, notamment. Anadarko ne possède plus que 25 % du bloc dont il est l'opérateur. Deux types de gisements ont été découverts dans ces blocs. Certains sont à cheval sur les deux blocs, tandis que des champs indépendants ont aussi été identifiés.

Un projet de développement concerne l'exploitation des champs indépendants. Le champ étant assez éloigné du rivage, il est prévu de réaliser de la liquéfaction en mer. Les appels d'offres sont en cours et la décision doit être prise au milieu de l'année 2015. Pour l'autre opérateur, il s'agit de développer des tuyaux jusqu'à terre, où sera réalisée la liquéfaction. Le champ commun aux deux opérateurs sera sans doute développé un peu plus tard dans la mesure où il faut que les deux intéressés se mettent d'accord.

Les investissements sont estimés entre 40 et 100 milliards de dollars au total, c'est-à-dire trois à six fois le PIB du Mozambique (16 milliards de dollars). Ceci donne une idée de l'étendue des défis auxquels le pays doit faire face et des opportunités qui se font jour. Malgré la diminution du prix du gaz, les observateurs attendent des recettes budgétaires d'au moins 200 milliards de dollars sur quarante ans, soit 5 milliards de dollars par an.

M. Arnaud FLEURY. - Quel est le message que vous souhaitez faire passer aux acteurs français du secteur ?

M. Philippe FOUET. - Je pense que le message est déjà passé, au moins en partie, car nous avons reçu la semaine dernière une importante délégation du Groupement des entreprises pétrolières et parapétrolières (GEPP), dont plusieurs représentants sont ici. Il faut se positionner aujourd'hui. Le Mozambique est très courtisé et présente un potentiel important. Les décisions se prennent cette année et les partenaires qu'il faudra trouver pour développer les actions de formation et le transfert de technologie sont assez peu nombreux, puisque le secteur est nouveau. Il faut vous associer à ces partenaires avant que vos concurrents ne le fassent.

Les ressources minières sont très importantes, mais les Français ne sont pas très présents sur ce créneau. Un autre secteur d'activité à développer porte sur l'industrie dérivée du gaz. La loi mozambicaine oblige les futurs découvreurs de gaz à utiliser dans l'industrie locale (engrais, production d'énergie, etc.) 25 % du gaz produit localement.

En ce qui concerne le transport, il existe de nombreux projets, notamment dans le secteur ferroviaire et dans le transport urbain, essentiellement pour la conurbation Maputo-Matola (deux villes très proches l'une de l'autre, avec des problèmes de liaison importants). Il faudra également développer des ports, pour le charbon mozambicain mais aussi pour l'évacuation des productions minérales des pays de la région (Zimbabwe, Zambie, Malawi, République démocratique du Congo), et à Pemba et à Palma, au nord du pays, près des champs gaziers, afin de faciliter l'exploitation du gaz.

L'agriculture a déjà été évoquée. Il s'agit d'un secteur d'avenir et d'un moyen d'arracher à la pauvreté une part significative de la population. La terre mozambicaine est riche mais les exploitations sont de très faible taille. Leurs moyens sont donc très limités pour acheter des semences améliorées, des engrais ou du matériel agricole. Du point de vue de l'industrie agroalimentaire, le Mozambique doit monter en gamme et créer de la valeur ajoutée pour développer l'emploi et accroître le niveau de vie de sa population.

Dans l'eau et l'environnement, l'activité se concentre, là aussi, à Maputo-Matola, où il existe un projet d'envergure conduit par la Banque mondiale en vue de développer l'approvisionnement en eau. Aujourd'hui, il faut aller chercher l'eau à 100 kilomètres de Maputo, faute d'un approvisionnement suffisant pour l'ensemble de l'agglomération.

Le secteur des télécommunications se résume principalement à la téléphonie mobile. Le pays compte seulement 70 000 abonnés au téléphone fixe, sur 25 millions d'habitants.

Sur le plan du tourisme, le Mozambique offre 3 000 kilomètres de côtes et des réserves d'animaux sauvages. Il doit développer ses infrastructures aériennes et hôtelières. Le Mozambique reçoit aujourd'hui dix fois moins de touristes que l'Afrique du Sud voisine.

Globalement, les échanges commerciaux du Mozambique sont déséquilibrés puisque le pays importe de plus en plus, du fait de la nécessité de développer les infrastructures et de soutenir différents projets de développement. Ses principaux produits d'exportation sont l'aluminium (notamment grâce au projet Mozal conduit dans les années 1990), le charbon et l'électricité : près de 90 % de la production hydroélectrique sont exportés. L'agriculture fournit le reste des marchandises exportées (tabac, sucre, crevettes, etc.).

M. Arnaud FLEURY. - La part de l'industrie de transformation est donc encore très limitée.

M. Philippe FOUET. - C'est exact, mis à part l'aluminium. Cette « montée en gamme » est attendue notamment par la mise en valeur du gaz.

Les échanges économiques de la France avec le Mozambique sont encore très faibles (200 millions d'euros) et équilibrés, en termes de balance commerciale. La France est à la fois un client et un fournisseur secondaire du Mozambique. Il faut cependant avoir à l'esprit que pour des raisons logistiques, une large partie des importations du Mozambique passe aujourd'hui par l'Afrique du Sud et n'apparaît donc pas dans ces chiffres.

Les importations du Mozambique, en 2013, ont concerné pour une part importante des biens d'équipement, puisque le marché offert aux biens de consommation est encore restreint compte tenu du niveau de vie de la population. L'essentiel des exportations françaises porte ainsi sur l'aéronautique, les machines-outils, les technologies de communication, etc. Les combustibles représentent aussi une part significative des importations. Cette part devrait décroître à la faveur du développement de la production gazière. Il existe un projet de Shell dans la conversion du gaz en liquide ( Gas to Liquid, GTL ), qui pourrait être développé à proximité des champs du Nord du pays.

Le Mozambique exporte vers la France de l'aluminium, du charbon et des minerais métalliques.

Selon la Banque de France, le stock d'investissements français au Mozambique s'élèverait à 47 millions d'euros. Ce montant paraît faible mais n'inclut pas des investissements transitant par d'autres pays, à l'image des investissements de Total dans le secteur gazier. Certaines entreprises françaises présentes au Mozambique emploient plusieurs milliers de personnes, par exemple dans le secteur de la sylviculture, où l'entreprise réunionnaise Fibres emploie plusieurs milliers de personnes pour l'exploitation des forêts. Bolloré compte 800 à 1 000 personnes sur place. La sucrerie Tereos est également un employeur important.

M. Arnaud FLEURY. - Nous avons peu évoqué les biens de consommation, alors qu'on parle souvent de la frénésie de consommation qui gagnerait l'Afrique. Des opportunités se dessinent-elles dans ce domaine également ?

M. Philippe FOUET. - Ce marché existe mais me paraît très limité. La Banque africaine indiquait que 90 % de la population africaine faisait partie de la classe moyenne. Le chiffre semble optimiste, même si la définition de cette notion de classe moyenne n'était pas précisée. Une classe moyenne émergente va sans nul doute se développer au Mozambique. Les principales perspectives sont néanmoins aujourd'hui fournies par le secteur des biens d'équipement.

M. Arnaud FLEURY. - J'animais la semaine dernière un colloque pour Business France sur le Kenya, où Carrefour va s'implanter. Ce type de projet existe-t-il au Mozambique ?

M. Philippe FOUET. - Ce n'est pas le cas à ma connaissance. Les Sud-Africains ont déjà réalisé de très importants investissements dans le secteur de la distribution, où ils détiennent plusieurs enseignes. J'ai essayé d'évaluer le chiffre d'affaires de la grande distribution au Mozambique. Il serait d'un milliard de dollars selon mes estimations, ce qui est assez faible pour l'ensemble du pays.

M. Serge SEGURA. - Les choses changent très vite. Je suis en fonction au Mozambique depuis deux ans et demi. Maputo (qui compte 2 millions d'habitants) ne ressemble déjà plus à la ville que j'ai découverte en arrivant. Il y a une très forte croissance, qui se traduit par l'émergence d'une petite classe moyenne déjà attirée par des produits européens (et, pourquoi pas, par des produits français).

J'ai entendu parler de Casino mais je n'ai jamais reçu ses représentants, ce que je regrette. À titre d'anecdote, j'ai eu le plaisir d'inaugurer une nouvelle concession pour un grand constructeur automobile français. Trois modèles étaient présentés, l'un fabriqué en Corée, l'autre en Turquie et le troisième en Afrique du Nord. Les chiffres sont bas mais la notoriété des entreprises françaises est bien supérieure, notamment parce que de nombreuses entreprises passent par l'Afrique du Sud.

On trouve par exemple de la Vache qui Rit dans les supermarchés mozambicains, de même que des produits de l'entreprise italienne Parmalat. Ces produits sont tous importés d'Afrique du Sud.

M. Philippe FOUET. - Le Mozambique a un marché automobile de 25 000 véhicules par an, dont 5 000 véhicules neufs et 20 000 véhicules d'occasion importés. Ces chiffres sont évidemment très faibles au regard de la taille du pays.

TABLE RONDE 2 -
LES OPPORTUNITÉS D'AFFAIRES ET D'INVESTISSEMENTS

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique


Ont participé à cette table ronde :

M. Lourenço SAMBO, Président du CPI (Centre de Promotion des Investissements, Maputo)
M. Jacques TORREGROSSA, Directeur Afrique subsaharienne, Business France Johannesburg

M. Lourenço SAMBO. - Le développement du Mozambique est très encourageant. Entre 2011 et 2013, le pays a connu une croissance moyenne de 7,4 % tandis que l'inflation diminuait. Il comptait alors parmi les pays enregistrant la plus forte croissante au monde.

Le Mozambique jouit d'un avantage comparatif en raison de sa localisation et des richesses naturelles qui ont déjà été largement décrites. Mais il faut également souligner l'hospitalité du peuple mozambicain. En 2013, le pays fut le deuxième pays d'accueil d'investissements étrangers en Afrique. Nous avons une législation de qualité, qui est prévisible et permet la protection de la propriété des investisseurs. Il n'y a pas de discrimination dans le traitement des investisseurs au Mozambique ni de restriction aux prêts. Vous pouvez demander des prêts pour investir et y prospérer. M. le Ministre a évoqué un flux d'investissements approuvés de 7,3 milliards de dollars entre 2010 et 2014. Les secteurs vers lesquels se sont orientés les investissements au cours de cette période ont été principalement l'énergie (27 %), les transports et communications (15 %) et l'agro-industrie (14 %), pour ne citer que ceux-ci.

Parmi les dix principaux pays d'origine des investissements réalisés au Mozambique en 2014 figurent, par ordre décroissant, les Émirats Arabes Unis, Maurice, l'Afrique du Sud, le Portugal, la Chine, le Royaume-Uni, Macao, la Turquie, le Kenya et la France. Souhaitons que la France reste parmi les dix premiers investisseurs étrangers dans notre pays. S'agissant des investissements français approuvés au Mozambique entre 2010 et 2014, citons par exemple le projet Maeva Foods (localisé à Maputo), dans le domaine de l'agriculture. Un autre projet lancé à Maputo doit créer jusqu'à 600 emplois.

Il est important de souligner que nous avons des accords bilatéraux avec aujourd'hui près de 20 pays - dont la France - pour la promotion et la protection de l'investissement. Le cadre légal favorable au développement des affaires est donc en place. Seul un accord visant à éviter la double imposition fait actuellement défaut dans notre dispositif avec la France. Pour le reste, notre taux de TVA s'établit à 17 % et le taux d'impôt sur les entreprises à 32 %. Il n'est que de 10 % dans l'agriculture, secteur qui a toujours bénéficié d'une exception compte tenu de son caractère central dans le développement du pays.

Notre dispositif prévoit par ailleurs toute une série d'incitations de diverses natures, applicables notamment lorsque nous importons des équipements que nous considérons comme des biens de capital. Je pense également aux crédits fiscaux de 5 % dont bénéficient les investisseurs à Maputo. Ce taux atteint 10 % dans les autres provinces.

En cas de formation de travailleurs mozambicains, l'impôt sur les sociétés est réduit de 5 %. Des incitations spécifiques existent par ailleurs dans des secteurs tels que les infrastructures, l'industrie et le commerce dans les zones rurales ou encore dans l'agriculture, la pêche et l'hôtellerie.

Quant aux domaines que nous jugeons prioritaires, outre l'agriculture, déjà citée, le gaz et le traitement du charbon sont également très importants pour le développement du pays, de même que les infrastructures et l'énergie. Mais je tiens aussi à souligner la mise en place de parcs industriels, qui doivent créer un environnement favorable au développement des PME. Il nous faut aussi investir dans le capital humain et dans la connaissance.

S'agissant de l'agriculture, nous avons 12 produits très bien définis, avec une priorité notamment pour le riz, le soja, le maïs et la banane. Le Mozambique veut sortir de la pauvreté et ne plus voir sa population souffrir de la faim. Il existe par exemple une forte demande de soja, sur le marché national comme à l'international. Dans le cas du coton, que nous exportons déjà vers l'Europe, l'enjeu consiste essentiellement à donner davantage de valeur à nos productions.

Dans le domaine du gaz, un bloc est déjà exploité par Sasol. Nous exportons le gaz, via un gazoduc, vers l'Afrique du Sud. Le défi consiste à poursuivre cette exploitation et à aller de l'avant en regardant un peu plus loin. Nous souhaitons commencer cette année la construction d'une usine de gaz naturel liquéfié afin de pouvoir l'exploiter dès 2018.

Il existe des projets gaziers dans le bassin du Zambèze et à Palma. La carte des gisements indique immédiatement les défis logistiques à relever pour exploiter ces richesses. Nous souhaitons pouvoir mettre en oeuvre ces projets d'ici 2016 et faire émerger, à cette échéance, des services logistiques compétitifs qui seront utiles aux acteurs industriels du gaz mais aussi aux entreprises maritimes et à de nombreux acteurs économiques.

Nous avons des sites de transformation de gaz en carburant et souhaitons les exploiter au mieux de leurs potentialités.

Nous souhaitons aussi que les entreprises françaises apparaissent davantage dans ce vaste panorama de la logistique. Elles pourraient travailler dans les opérations aériennes, dans les opérations liées à la navigation maritime et dans le secteur des transports lourds. Nous avons de grands ports, par exemple celui de Nacala, où il faut réaliser le dragage. Nous avons aussi des projets de ports en cale sèche.

Un autre défi a trait à l'utilisation de l'énergie hydrique. Nous pouvons produire l'énergie à partir des fleuves et la capacité de production électrique tirée de ce moyen est estimée à 12 000 MW pour l'ensemble de la région. Nous devons également étudier les modalités d'exploitation du charbon. Dans le domaine du gaz naturel, dont nous avons déjà parlé, quelques entreprises sont déjà actives mais nous souhaitons développer ce secteur bien davantage. L'énergie sera indispensable pour faire reculer la pauvreté et accroître l'indice de développement humain du Mozambique.

Le tourisme constitue par ailleurs un de nos grands atouts. J'ai déjà eu l'occasion de comparer, sous forme de boutade, le Kenya et le Mozambique. Comme chacun sait, le Kenya a, sur son territoire, les Big Five (le lion, le léopard, l'éléphant, le rhinocéros et le buffle). Le Mozambique a ces animaux aussi, et le sixième plus grand animal. Je veux parler du peuple mozambicain.

Le CPI (Centre de promotion des investissements) assiste les investisseurs et les aide à prendre contact avec des partenaires de même qu'à trouver l'information économique ou statistique dont ils ont besoin. Il est de notre devoir de le faire, car la délivrance des incitations est conditionnée par un passage préalable au CPI. Je me suis entretenu avec une dizaine d'entrepreneurs français, dans le cadre d'un petit déjeuner à Maputo, et j'ai constaté qu'une faible part des entreprises présentes au Mozambique bénéficiait des incitations prévues par notre gouvernement. Les entrepreneurs que j'ai rencontrés m'ont confirmé vouloir passer par le CPI pour bénéficier de ces incitations. Enfin, un autre pilier de l'action du CPI est la promotion des affaires. Nous travaillons, dans ce domaine, en partenariat avec Business France.

M. Arnaud FLEURY. - Avez-vous des questions pour M. Sambo ?

De la salle. - Vous souhaitez des quotas plus souples concernant le personnel mozambicain à employer, notamment pour les premiers mois d'installation d'une société au Mozambique. Plaidez-vous également pour une accélération de la délivrance des visas d'affaires ?

M. Lourenço SAMBO. - Nous avons trois types de visas : le visa touristique, le visa de travail et le visa d'affaires, pour les sociétés qui s'installent au Mozambique. Il y a une autre possibilité proposée par le Mozambique, à savoir un permis de séjour.

Au CPI, avec le service de l'immigration, nous facilitons l'obtention de ce type de visa. J'ai l'habitude d'affirmer que les collaborateurs du CPI (qui compte 67 employés) doivent délivrer ce qui est demandé. Il ne fait pas de doute, en ce qui concerne les visas d'affaires, que la situation va s'améliorer. Nous avons récemment signé un accord avec le Brésil en ce qui concerne la délivrance des visas. Nous pourrions tout à fait procéder de la même façon avec la France.

Quant aux quotas de personnel mozambicain, je comprends votre interrogation. Nous facilitons aussi, au CPI, la recherche de solutions sur les questions relatives aux quotas. La loi mozambicaine dispose que pour un expatrié, il faut employer cinq Mozambicains. Cela dit, nous ne sommes pas toujours rigides et il peut y avoir des exceptions à la loi, avec l'accord du ministère du travail. Dans une première phase, si un projet technique requiert un grand nombre d'expatriés, le ministère du travail peut l'autoriser, avec l'aide du CPI. Encore faut-il taper à la bonne porte. Adressez-vous à nous. Nous nous tournerons alors vers le ministère du travail.

M. Jacques TORREGROSSA . - Je suis en poste depuis près de trois ans à Johannesburg afin de prendre en charge l'ensemble de l'Afrique subsaharienne au nom de Business France. Je voudrais d'emblée rebondir sur l'intervention de M. Sambo, car le service apporté par le CPI est formidable et constitue la porte d'entrée pour venir investir au Mozambique.

Je vous montre un article paru sur le Mozambique dans le journal de bord de la South African Airways . Celle-ci n'hésite pas à qualifier le Mozambique de pays héroïque (« from zero to hero »).

Le Mozambique a une longue histoire et il a fallu près de 400 ans (durée qui sépare l'arrivée de Vasco de Gama de celle de Livingstone par l'intérieur du pays) pour que l'Occident découvre le Mozambique de l'intérieur.

Le Français le plus connu au Mozambique n'est pas le plus connu des Français : c'est le Président Mac-Mahon. Il a donné son nom à une bière au Mozambique, car Mac-Mahon a réglé - en faveur du Mozambique - un différend entre le Mozambique et la Grande-Bretagne à la fin du XIX ème siècle.

Je voudrais également souligner les relations particulières qui lient l'Afrique du Sud et le Mozambique. L'actuel Président de l'Afrique du Sud, M. Jacob Zuma, a passé de nombreuses années d'exil, durant les années noires de son pays, au Mozambique, tandis que M. Nelson Mandela avait épousé la veuve du premier Président du Mozambique, M. Samora Machel. Ce ne sont que deux exemples des liens étroits qui existent entre les deux pays.

Sur le plan des données économiques, soulignons la très faible inflation qui prévaut actuellement au Mozambique. Le pays connaît une croissance démographique de l'ordre de 2,4 % chaque année. La majorité de la population est chrétienne. Il existe malheureusement sans surprise un taux de chômage aussi élevé au Mozambique qu'ailleurs en Afrique (de l'ordre de 30 %).

Si les bailleurs de fonds sont si présents et investissent autant au Mozambique, c'est parce qu'ils croient tous au succès de ce pays dans l'avenir.

Certes, le Mozambique a aussi quelques points faibles. Les infrastructures y sont insuffisantes - ce qui est d'ailleurs synonyme de grands contrats à signer, avec les débouchés que cela suppose.

M. Arnaud FLEURY. - Arrêtons-nous un instant sur l'économie sud-africaine, dont dépend fortement l'économie du Mozambique. Va-t-elle repartir, selon les perspectives que vous connaissez ?

M. Jacques TORREGROSSA. - L'Afrique du Sud a connu un « trou d'air » mais pas de récession. Sa croissance avoisine 1,5 % et se trouve effectivement « sur un plateau », ce qui n'est pas rare parmi les pays riches, qui lorgnent non sans envie sur les taux de croissance que connaît le Mozambique depuis quelques années. On peut aussi rappeler que l'Afrique du Sud s'est fait ravir l'an dernier la place de première puissance africaine par le Nigeria, ce qui a constitué un choc pour le pays.

Revenons au Mozambique en évoquant les secteurs porteurs pour les entreprises. Les réserves gazières prouvées situeraient le pays au huitième rang mondial, ce qui en dit long sur l'étendue de ce potentiel.

Dans le secteur public mozambicain, on utilise la langue portugaise. En revanche, on peut se débrouiller avec l'anglais dans le domaine des affaires. Si le dollar était jusqu'à présent incontournable pour les facturations, l'euro progresse rapidement et sans doute tous les biens venant d'Europe pourront-ils un jour être facturés en euros.

La faible qualification de la main-d'oeuvre a été largement évoquée. J'aurai, à ce sujet, des propositions à faire au ministre.

M. Arnaud FLEURY. - Un de vos transparents évoque les « petits cadeaux très appréciés ». Que voulez-vous dire par là ?

M. Jacques TORREGROSSA. - Je parle vraiment des petits cadeaux.

M. Arnaud FLEURY. - Qu'en est-il des « gros cadeaux » ?

M. Jacques TORREGROSSA. - Cela existe, comme partout. Contentons-nous des petits cadeaux.

Quant à Business France, nous ne sommes pas installés au Mozambique mais travaillons sur ce pays depuis Johannesburg. À part moi, toute notre équipe est lusophone et peut donc dialoguer avec l'administration mozambicaine. Nous avons suivi le pays depuis fin 2012 et ce fut un succès immédiat, car nous recevions de plus en plus de demandes. Nous avons organisé en 2014 quatre opérations collectives et avons accompagné 48 entreprises, avec un taux de succès de l'ordre de 75 %. Les vingt dernières entreprises françaises implantées au Mozambique sont passées par Business France pour le faire. Cinq opérations collectives sont confirmées à ce jour pour 2015. Elles porteront sur les domaines de la santé, du transport ferroviaire, de la sécurité, sur les bailleurs de fonds et sur la FACIM à Maputo.

Nous avons actuellement 12 volontaires internationaux en entreprise (VIE) dans une dizaine de structures au Mozambique. Cela constitue un progrès énorme par rapport à la situation qui prévalait il y a un an, où leur nombre était de deux. Il me paraît important de bien expliquer aux Mozambicains les principes de ce programme, qui est unique au monde. En Afrique du Sud, je conditionne la présence des VIE à la formation de personnels locaux afin de s'inscrire véritablement dans une logique « gagnant-gagnant ».

La FACIM sera organisée pour la 51 ème fois en 2015. Cette manifestation attire plus de 3 000 exposants, dont 600 étrangers. Nous serons en bonne compagnie, avec des exposants qui viendront aussi, en ce qui concerne l'Europe, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne, du Portugal et de Suède. La Réunion était déjà présente l'an dernier, avec une vingtaine d'entreprises qui nous ont montré la voie. La France y sera représentée pour la première fois, en tant que telle, en 2015. Nous prévoyons un démarrage « en douceur » avec un pavillon de 200 mètres carrés et une trentaine d'exposants. Je suis partisan de prévoir de petits stands afin d'abaisser les prix. Nous proposerons ces mini-comptoirs à moins de 2 000 euros chacun.

Je voudrais enfin féliciter le Mozambique pour la tenue de sites Internet très riches en information et de grande qualité - principalement en portugais en ce qui concerne les sites officiels.

M. Arnaud FLEURY. - Le français est-il inconnu au Mozambique ?

M. Jacques TORREGROSSA. - Pas du tout. Je crois qu'il y a davantage de francophones au Mozambique qu'en Afrique du Sud.

TABLE RONDE 3 -
LES BAILLEURS DE FONDS ET
LES PROJETS SUIVIS PAR L'AFD

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique


Ont participé à cette table ronde :

M. Frédéric MINARET, coordinateur régional pour le Mozambique, Agence française de Développement (AFD)
Mme Francine LEROY-DEGRAVE, chef de projet « marchés publics », Service Organisations internationales et Bailleurs de fonds, Business France

M. Frédéric MINARET. - L'AFD est active au Mozambique depuis 1981. Le Mozambique ne fait pas partie des 14 pays prioritaires définis par l'Agence et nous y intervenons principalement sous la forme de prêts. Le cadre d'intervention de l'AFD se concentre principalement sur les infrastructures, avec notamment l'énergie et l'eau. Nous agissons également en matière de biodiversité. L'Agence appuie par ailleurs le développement du secteur privé au travers de sa filiale Proparco et des garanties ARIZ.

Nos engagements représentent au total environ 1 milliard d'euros depuis 1981, principalement dans l'énergie (41 %), la santé et le secteur privé (dont 12 % à travers Proparco).

M. Arnaud FLEURY. - Est-ce beaucoup par rapport aux pays comparables ?

M. Frédéric MINARET. - Ces montants apparaissent comme très corrects par rapport aux pays comparables.

L'AFD a un portefeuille actif de 37 projets qui représentent environ 345 millions d'euros. En 2014, elle a financé sept marchés pour un montant total de 69 millions d'euros. Quatre de ces marchés, qui représentent 80 % de ce volume total, ont été remportés par des entreprises françaises. Pour les trois autres marchés, aucune offre française n'avait été remise, les marchés ayant été jugés trop petits (2,5 à 6 millions d'euros). Ils ont été remportés par des entreprises portugaises et chinoises.

Du côté mozambicain, les cinq priorités en termes de développement sont :


• l'amélioration de la production et de la productivité agricoles ;


• la promotion de la création d'emplois ;


• le développement humain et social ;


• la bonne gouvernance ;


• la stabilité macroéconomique.

Il faut noter l'arrivée massive au Mozambique, depuis peu, de bailleurs de fonds non traditionnels que sont notamment la Chine, l'Inde et le Brésil.

Nos interventions sont actuellement tournées vers quatre secteurs. Dans le domaine de l'énergie, l'AFD finance 25 millions d'euros au titre du projet EDAP, qui représente 215 millions d'euros au total. Cela fait partie des marchés pour lesquels aucune réponse française n'a été soumise lors des consultations en raison du montant du marché, jugé trop faible. Le deuxième marché concerne les centrales électriques de Mavuzi et Chicamba. Le total de ce programme se montait à 100 millions d'euros. L'AFD y intervenait pour 50 millions d'euros. Le marché a été attribué en 2012 au groupe Cegelec-Hydrokarst. Il s'agit du premier contrat de Cegelec au Mozambique. Alstom avait également soumis une offre pour ce marché.

Le deuxième secteur d'intervention est celui de l'eau. Là encore, les marchés proposés (40 millions d'euros) ont été jugés trop petits par les entreprises françaises, qui n'ont pas répondu. Les marchés à valeur ajoutée, c'est-à-dire les stations, auraient pu intéresser ces sociétés mais aucune offre n'a porté sur cette partie. En revanche, concernant la supervision de travaux, Louis Berger a remporté les différents appels d'offres consécutifs qui ont été lancés.

Le troisième secteur est celui des transports, où l'AFD a mobilisé 44 millions d'euros. Le programme complet a été remporté par le groupe RAZEL dans le cadre d'un marché de 65 millions d'euros. Deux autres contrats sont à venir dans le cadre de ce programme, concernant des prestations intellectuelles et des fournitures.

Le denier programme sur lequel nous travaillons actuellement porte sur la construction de deux hôpitaux dans la province de Sofala, pour un montant de 23 millions d'euros. L'AFD y investit 12 millions d'euros. L'intégralité des consultations (marché de travaux, marché de fournitures, marché d'équipements, supervision) sont à réaliser.

M. Arnaud FLEURY. - Le cadre a évolué et vous intervenez désormais au travers de prêts non souverains. Peut-être faut-il l'expliquer à notre auditoire.

M. Frédéric MINARET. - Effectivement. Lorsque le Mozambique a vu son statut changer, fin 2013, pour passer en « orange » du point de vue des risques d'emprunt (« risque modéré »), en raison du niveau d'endettement public, l'AFD ne pouvait plus intervenir dans le pays au travers de prêts souverains. Nous réorientons depuis lors nos concours au travers de prêts non souverains. Ils bénéficient à des entités parapubliques et au secteur privé.

À ce jour, nous avons identifié des opportunités dans le secteur ferroviaire, avec le développement de corridors ferroviaires, en lien avec la CFM (Ports et chemins de fer du Mozambique). En matière d'électricité, nous intervenons déjà et souhaitons continuer de le faire, notamment au travers de contrats d'assistance technique pour EDM (Électricité du Mozambique).

Dans l'éducation, nous avons conclu l'an dernier un accord avec le groupe privé Aga Khan pour développer une académie d'excellence au Mozambique. Ce programme doit démarrer en 2016. Enfin, nous continuons d'appuyer le groupe Proparco dans l'identification de ses projets.

M. Arnaud FLEURY. - Avez-vous l'impression que les entreprises françaises étudient avec intérêt ces opportunités ?

M. Frédéric MINARET. - Oui, puisque 80 % des programmes sont remportés par des entreprises françaises. Celles-ci doivent continuer d'être vigilantes. Je les invite également à interagir avec l'AFD et à nous soumettre des propositions pour le développement du secteur non souverain afin de voir s'il est possible d'intervenir ensemble.

M. Arnaud FLEURY. - Mme Leroy-Degrave, comment les entreprises françaises qui seraient intéressées par le Mozambique doivent-elles s'y prendre ?

Mme Francine LEROY-DEGRAVE. - Je comprends que de nombreuses sociétés ici présentes sont déjà actives sur le créneau des marchés publics internationaux. Mon objectif sera de convaincre celles dont ce n'est pas le cas. Rappelons d'abord que les marchés publics internationaux représentent 9 000 milliards de dollars d'achats par an, soit 15 % du PIB mondial. Il y a là un segment auquel on ne peut rester indifférent.

Ce segment de marché vous ouvre une portée d'entrée vers de nouveaux marchés et offre l'opportunité de déployer de nouveaux partenariats commerciaux et technologiques. Ces appels d'offres constituent aussi le moyen d'obtenir des volumes d'achats importants et réguliers. Des projets vont émaner de bailleurs de fonds et un certain nombre d'appels d'offres (mis en place par des agences d'exécution) vont en découler.

En outre, les bailleurs de fonds internationaux apportent une sécurité et une garantie de paiement, à la différence des agents et distributeurs avec lesquels la situation est parfois plus compliquée, lorsqu'il s'agit de trouver un partenaire pour l'export.

Vous disposerez d'une visibilité internationale et pourrez mettre en avant des références prestigieuses.

Enfin, ce sont des contrats accessibles aux PME. On nous objecte trop souvent que les marchés publics constituent l'apanage des grands groupes, ce qui n'est pas vrai : 50 % des contrats sont destinés à des PME. Celles du secteur des biens d'équipement, particulièrement représentées ici, si j'ai bien compris, sont concernées au premier chef.

L'Union européenne constitue le premier bailleur de fonds au monde et est présente au Mozambique. Il en est de même des agences de l'ONU, parmi lesquelles la Banque mondiale et sa société financière internationale (IFC), des agences bilatérales telles que l'AFD et les agences comparables de nombreux pays. La Banque d'exportation et d'importation de Chine (China Exim Bank) est également présente au Mozambique. Les Brésiliens sont présents dans le pays à travers la Banque brésilienne de développement (BNDES), de même que les Indiens. Tous ces organismes ont des projets au Mozambique.

Pour optimiser vos chances de remporter ces marchés, il faut vous familiariser avec les spécificités des bailleurs de fonds. Une fois l'appel d'offres paru, soit votre savoir-faire technologique répond à la demande, soit il n'y répond pas. Il faut donc connaître en amont les différents projets des bailleurs. Vous pouvez également mettre en place une veille sur les appels d'offres. Business France peut vous y aider, puisque l'Agence dispose de la base de données PROAO dédiée aux projets et appels d'offres.

Il faut également connaître les codes et clés de langage de chacun de ces bailleurs. Là aussi, nous pouvons vous aider puisque nous mettons en place une formation d'une journée (Formatex) destinée aux entreprises pour la réponse aux appels d'offres.

Vous devez ensuite vous faire connaître des bailleurs de fonds sur place et des agences d'exécution, dans une logique de lobbying. Une fois le projet défini par le bailleur de fonds, l'appel d'offres sera lancé par l'agence d'exécution. Dans le cas d'un programme de construction de routes, les appels d'offres seront par exemple mis en place par le ministère des travaux publics. Le fait d'aller rencontrer votre bailleur pour lui présenter votre savoir-faire technologique et ensuite l'agence d'exécution, pour lui présenter ces mêmes capacités, augmentera les chances de voir les appels d'offres solliciter le savoir-faire dont vous disposez. Là encore, nous pouvons vous aider puisque nous disposons dans notre service d'un agenda qui prévoit des rencontres avec les bailleurs, des agences et dans certains cas avec des partenaires potentiels. De plus en plus, en effet, les bailleurs demandent, dans le cadre des réponses aux appels d'offres, un partenariat avec une entreprise locale.

Il faut connaître les filières porteuses d'opportunités. Elles ont déjà été évoquées (tourisme, développement rural, formation, télécoms, BTP, mines, etc.). Voici une carte des projets de la Banque mondiale qui concernent le Mozambique. On voit immédiatement l'abondance de ces projets, qui signifie que chacun peut trouver une opportunité correspondant à ses domaines de compétences.

Le transparent suivant décrit le cycle de vie d'un projet. Vous pouvez y lire la date de conception d'un projet, sa date d'approbation, la date de premier déboursement et la date de fin de projet. On voit qu'un projet peut durer dix ans et être jalonné par différents appels d'offres au cours de cette période. Avant même le projet, on dit que les projets sont « dans les tuyaux». Durant cette phase préliminaire, quatre étapes distinctes peuvent être mises en évidence : l'identification ; la préparation et l'évaluation ; la négociation ; l'approbation. Puis démarre le projet lui-même.

Vous trouverez parmi les documents qui vous seront envoyés une présentation « Powerpoint » décrivant en détail les caractéristiques de notre base de données PROAO « projets et appels d'offres », qui compte à ce jour un peu plus de 2,9 millions de projets et appels d'offres répertoriés. Il vous suffit de créer un profil pour pouvoir accéder à ces informations.

TABLE RONDE 4 -
FAIRE DES AFFAIRES AU MOZAMBIQUE AU QUOTIDIEN

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à cette table ronde :

Mme Pauline-Hélène MEDINA, directeur général de Rovuma Consultores et fondatrice du club d'affaires franco-mozambicain
M. Stéphane SOLE, vice-président Afrique de l'Est, Technip
Mme Florence ARNOUX, VP International Large Account Manager, CIS Moçambique Lda
Mme Amina GOULAMALY, Présidente, Aquapesca

M. Arnaud FLEURY. - Mme Médina, vous êtes directrice générale de Rovuma Consultores et par ailleurs fondatrice du club d'affaires franco-mozambicain. Il me semble que vous vous êtes installée dans le pays il y a six ans.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Tout à fait. Je suis arrivée au Mozambique il y a six ans. J'ai travaillé durant quatre ans en tant que directeur financier dans le secteur pétrolier puis à Maputo dans le secteur des télécoms. J'ai ensuite créé, il y a deux ans, ma société spécialisée en comptabilité externalisée, ressources humaines et conseil fiscal.

M. Arnaud FLEURY. - Pourquoi êtes-vous au Mozambique et non au Nigeria par exemple ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Nous sommes au Mozambique parce que nous l'avons choisi, tout simplement.

M. Arnaud FLEURY. - Dites-nous quelques mots, pour commencer, du contexte comptable et fiscal mozambicain.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Il existe au Mozambique une obligation de comptabilité organisée pour les sociétés en régime normal (IRPC) qui concernera la majorité, voire la totalité des entreprises ici présentes. L'audit externe est obligatoire pour les sociétés à actionnariat étranger, même partiel. Il existe des exigences en matière de conformité comptable (plan de comptes mozambicain, monnaie, langue à respecter).

Il faut également demander l'autorisation du ministère des finances avant de pouvoir utiliser un logiciel de facturation. Une comptabilité peut être établie en double plan (français et mozambicain).

Des exigences existent aussi en matière de flux de trésorerie entrants et sortants. Les flux entrants doivent être déclarés à la Banque du Mozambique (banque centrale) dans les trois mois suivant l'arrivée sur le territoire. Pour les flux sortants, il faut demander une autorisation à la Banque du Mozambique. Des règlements spécifiques existent par nature de flux. Dans le cas de dividendes, par exemple, il faut fournir la preuve de l'audit des comptes et être à jour de ses déclarations de tous les flux entrants depuis la création de la société. Il n'existe pas encore d'accord permettant d'éviter la double imposition au Mozambique et en France. Nous espérons qu'un tel accord sera négocié au cours des mois ou des années à venir. L'actionnariat intermédiaire est favorisé. Les sociétés françaises peuvent passer par leurs filiales aux Émirats Arabes Unis ou à l'île Maurice afin de réduire la retenue à la source pour les dividendes, par exemple (aucune retenue pour les Émirats, 8 % dans le cas de l'île Maurice, contre 20 % au Mozambique).

M. Arnaud FLEURY. - J'imagine qu'il existe aussi des accords avec le Portugal.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Tout à fait. Le taux d'imposition est réduit à 10 % dans ce cas. Il y a aussi un accord avec l'Italie.

M. Arnaud FLEURY. - Faut-il faire chaque année une déclaration ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Ce n'est pas automatique. Il faut effectuer une déclaration pour chaque fournisseur et constituer un dossier à chaque fois pour activer l'accord.

Le ministère des finances est, à mes yeux, l'un des mieux organisés, avec une communication transparente et de plus en plus exhaustive, ce qui facilite la vie des entreprises au Mozambique.

Quant à l'implantation des sociétés au Mozambique, il existe bien sûr des lenteurs administratives liées à l'obtention des licences. Je voudrais souligner la création en 2007 du BAU ( Balcão de Atendimento Unico ), qui facilite la centralisation de toutes les démarches dans le même guichet. Elle n'est pas encore synchronisée avec toutes les administrations du ministère mais facilite notamment l'obtention des licences.

Les avocats ne fournissant pas toujours une vue exhaustive ni réaliste de l'implantation au Mozambique, il faudra penser à anticiper vos besoins en trésorerie. Les coûts d'implantation sont très élevés au Mozambique, notamment parce que les loyers sont aussi chers qu'à Londres, tant pour les bureaux que pour les logements.

Les prix sont deux à trois fois plus élevés qu'en Afrique du Sud. Il existe des possibilités de s'installer à coûts réduits en louant un espace dans un des nombreux centres d'affaires qui se développent actuellement. Cela facilite aussi le networking .

M. Arnaud FLEURY. - On sait que la situation est comparable en Angola. Peut-on s'attendre à une baisse de ces coûts d'implantation ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Les développements de projets gaziers tirent les prix vers le haut, car ils créent des besoins sans nécessité de contrôle immédiat sur les coûts. Les prix font néanmoins l'objet d'un contrôle meilleur qu'en Angola, où ils sont encore trois à quatre fois plus élevés qu'au Mozambique. De nombreux projets de constructions d'immeubles tendent aussi à faire diminuer les prix des logements, même si c'est moins le cas pour les bureaux.

Il faut aussi souligner la forte culture du consensus qui marque tous les échanges au Mozambique, ce dont il faut être conscient : vos interlocuteurs seront toujours d'accord et il faut creuser le sujet pour s'assurer que votre interlocuteur peut effectivement être votre partenaire.

M. Arnaud FLEURY. - J'imagine que cela veut aussi dire qu'il ne faut pas brusquer ses interlocuteurs ni « passer en force ».

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Absolument. Il faut toujours faire preuve de beaucoup de courtoisie et respecter les codes et les règles.

Le faible niveau d'études des Mozambicains a été souligné. Un pas important sera à franchir du point de vue des universités et du système de formation. Il existe un manque considérable de centres de formation au Mozambique, dans tous les secteurs. L'Institut français du pétrole envisage de créer une entité permanente au Mozambique afin de délivrer des formations auprès des ministères et organismes publics comme auprès des acteurs privés.

M. Arnaud FLEURY. - Je crois qu'il faut aussi embaucher du personnel agréé.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - C'est vrai. Dans le domaine du BTP, notamment, il faut avoir embauché un certain nombre d'ingénieurs agréés spécialisés dans le secteur. Leur nombre dépend de l'importance de l'appel d'offres considéré.

De nombreuses questions nous sont posées à propos des quotas d'étrangers qu'impose le pays et il faut préciser ce qu'il en est. Si vous respectez les quotas, l'autorisation est délivrée de façon quasi-automatique. Au-delà des quotas, il faut demander une autorisation, avec de bonnes chances de l'obtenir. Si vous présentez un plan de formation prévoyant un programme de transfert de connaissances à moyen et long terme, vous augmentez vos chances de recevoir l'autorisation demandée.

Par ailleurs, au-delà de son action en faveur d'incitations financières et pour la diminution de l'impôt sur les sociétés, un autre volet de l'action du CPI est moins connu : celui-ci facilite le dépassement des quotas, notamment au cours des cinq premières années d'exercice, par un effort de coordination avec le ministère du travail.

Une nouvelle loi a été adoptée en 2011, limitant l'exportation de devises. Vous ne pouvez plus acheter de dollars au Mozambique à partir de vos comptes multi-cash . Le seul approvisionnement en dollars est le règlement de factures de clients - ce qui se pratique beaucoup. De nombreux contrats et paiements sont établis en dollars américains. Vous pouvez également recevoir des paiements de clients extérieurs en devises.

M. Arnaud FLEURY. - L'exportation de devises doit-elle être vue comme un problème ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Si l'on respecte les règlements de la banque centrale, cette exportation est limitée mais elle n'est pas difficile.

S'agissant de la visibilité des appels d'offres, il faut connaître les codes propres à l'environnement des appels d'offres au Mozambique, comme cela a été souligné à juste titre. C'est très important.

M. Arnaud FLEURY. - Je crois que l'environnement législatif est encore en structuration.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Effectivement. Il existe notamment un projet de mise en place d'une taxe professionnelle en 2015. Le taux n'a pas encore été fixé mais ce projet est de bon augure eu égard aux besoins de formation des Mozambicains.

La difficulté de récupération de la TVA est parfois évoquée. Nous avons eu l'écho d'un projet de loi portant sur la compensation de la TVA, qui faciliterait la récupération par les entreprises. Jusqu'il y a trois ou quatre ans, le remboursement de la TVA sur deux ou trois années était possible à 80 % ou 90 %. Depuis trois ans, l'État étant confronté à des problèmes croissants de trésorerie, c'est devenu plus difficile, d'où ce projet de loi qui devrait être adopté en 2015 ou 2016. La loi permet en tout cas la récupération de TVA.

La garantie minimum de la part du capital payée, si vous souhaitez recevoir un prêt, s'établit à 30 % du prêt total demandé.

La procédure d'immigration devrait assouplir davantage les procédures de synchronisation d'obtention du visa de travail et du visa de résidence pour les étrangers au Mozambique.

Un projet de loi est à l'étude afin de définir les politiques de transfer pricing . Si votre maison mère vous loue un service au Mozambique, ce coût est déductible. Il s'agit d'une façon de faire de l'optimisation fiscale.

Un projet est à l'étude, sous l'égide du ministère des finances, afin de limiter ces pratiques. Pour l'heure, la loi est très floue et évoque seulement « un montant raisonnable ».

M. Arnaud FLEURY. - M. Solé, chacun connaît Technip, qui est un des poids lourds du secteur pétrolier. Vous êtes vice-président pour l'Afrique de l'Est de Technip et aussi conseiller du commerce extérieur de la France. Nous aurons l'occasion de revenir sur votre vision des affaires à ce titre. Dites-nous d'abord quelle est la stratégie de Technip vis-à-vis du potentiel considérable que présente le Mozambique dans le secteur pétrolier.

M. Stéphane SOLE. - En 2010, des réserves de 180 TCF (c'est-à-dire 180 milliards de pieds cubes) de gaz ont été découvertes dans le Nord du Mozambique. Technip est impliqué depuis 2011 dans les études de pré-faisabilité et la cartographie des ressources ( resource mapping ) en vue de préparer les projets et maximiser le contenu local de nos offres. Ces réserves de gaz sont situées dans l' offshore profond (à plus de 2 000 mètres de profondeur), avec un contexte sous-marin présentant un profil complexe (du fait notamment de canyons à traverser). Tout le Nord du Mozambique est un site vierge et nous devrons inventer des solutions techniques créatives, notamment sur le plan logistique, pour monter ces projets.

Nous exerçons au Mozambique nos trois segments d'activités : le subsea (avec les pipelines), l' onshore (avec les usines de liquéfaction) et le floating LNG , dans lequel nous avons une position de leader.

M. Arnaud FLEURY. - Vous avez décidé d'avoir une présence permanente au Mozambique. Quel est le chiffre d'affaires qui pourrait être réalisé par Technip dans ce pays ?

M. Stéphane SOLE. - On peut parler du volume des marchés. En ce qui concerne les deux projets actuels menés par ENI, Anardarko et leurs partenaires (dont l'Etat mozambicain), il est question de plusieurs dizaines de milliards de dollars d'investissements et nous faisons tout pour proposer une offre complète, qui mette en valeur nos technologies, nos savoir-faire et la promotion du contenu local.

M. Arnaud FLEURY. - Le Mozambique est-il une priorité pour Technip ? Qu'est-ce qui y ressemble, pour Technip, à d'autres pays comparables ?

M. Stéphane SOLE. - Chaque pays est différent. Nous écoutons nos interlocuteurs (sociétés nationales, États, autres partenaires) et nous nous adaptons à leurs besoins, en nous efforçant de proposer la meilleure offre.

M. Arnaud FLEURY. - Est-ce facile de répondre aux appels d'offres ? Avez-vous un message particulier à faire passer ?

M. Stéphane SOLE. - Nous communiquons beaucoup avec nos clients, nos partenaires, l'Entreprise nationale d'hydrocarbures (ENH) et Investisseurs et Partenaires (I&P). Nous avons également signé des protocoles d'accord en vue de faciliter des transferts de technologie (maîtrisés) vers la société d'Etat ENH. Nous avons développé des partenariats avec l'université afin de mettre en place une formation et de pallier les problèmes de main-d'oeuvre. Nous impliquons toute notre chaîne de sous-traitants dans cette offre de formation. Nos partenaires mozambicains jouent d'ailleurs un rôle moteur et nous incitent à former leur personnel.

M. Arnaud FLEURY. - Des annonces ont été faites et des chiffres circulent à l'horizon 2018. Comme nous l'avons vu, le prix mondial du gaz s'est écroulé récemment. Quelle est votre analyse actuellement ?

M. Stéphane SOLE. - Nous finalisons nos offres techniques et commerciales sur ces trois projets. Les décisions se prendront entre les opérateurs, les partenaires et l'État mozambicain. J'espère que les choses iront vite.

M. Arnaud FLEURY. - Mme Azmina Goulamaly, Aquapesca, dont vous êtes Présidente, est une ferme aquacole produisant des crevettes et la filiale d'un groupe réunionnais. Vous faites partie des plus anciennes entreprises françaises présentes au Mozambique. Alors même que le pays était dévasté, vous avez fait le pari de vous y installer, dans les années 90. Quels sont les éléments saillants de votre expérience dans le pays ?

Mme Azmina GOULAMALY. - Bonjour et merci beaucoup. Nous sommes des Français implantés dans l'Océan indien depuis cinq générations. Nous sommes présents dans les télécoms à La Réunion et à Madagascar. Nous avons oeuvré dans la pêche australe dans les terres antarctiques françaises. Dans cette région, rien ne nous a autant passionnés que notre développement au Mozambique. 2015 est une année symbolique pour nous puisque nous fêtons notre vingtième année de présence au Mozambique.

Aquapesca est une ferme aquacole implantée à Quelimane et Nacala, qui produit des crevettes mais aussi, depuis peu, des palourdes et du tilapia. Pour la première fois en 2015, plus de 50 % des produits de la mer consommés dans le monde sont issus de l'aquaculture et non plus de la pêche. C'est un secteur où les questions de sécurité alimentaire, de développement économique et social et de développement durable sont essentielles. Le Mozambique a un atout extraordinaire, avec ses 3 000 kilomètres de côtes. C'est un pays totalement vierge de pollution, animé par une volonté politique de développer le secteur de manière durable et « bio ».

Nous inscrivons notre action dans la durée. Je remercie M. l'Ambassadeur d'avoir souligné notre investissement, qui est effectivement important (plus de 50 millions d'euros au Mozambique ces vingt dernières années).

Nous menons aussi une action très importante en termes de formation, de collaboration avec les universités du Mozambique et d'insertion dans une province, la Zambézie, qui est particulièrement pauvre. Ceci nous place parmi les principaux investisseurs réunionnais.

Nous avons présidé les Ateliers généraux à La Réunion sur le thème de l'insertion de La Réunion dans son environnement économique et défendons cette coopération dans la région, qui nous paraît essentielle pour les entreprises réunionnaises et françaises.

Nous employons plus de 1 000 personnes dans l'ensemble de nos activités sur nos deux sites et produisons au Mozambique pour l'export. Nous exportons nos crevettes en Europe, notamment en Angleterre, en Asie, vers Hong Kong, Singapour, et vers l'Afrique du Sud.

Nous exportons aussi au Japon, désormais, avec les palourdes. Depuis peu, nous produisons pour le marché local à travers ce projet de tilapia. Lorsqu'Aquapesca a démarré, nous n'imaginions pas disposer de cette base locale de développement.

M. Arnaud FLEURY. - Souhaitez-vous continuer d'investir aujourd'hui ?

Mme Azmina GOULAMALY. - Nous souhaitons d'autant plus continuer d'investir que nous exportons désormais les produits de la mer vers le Mozambique à partir de notre usine de Lorient, ce qui témoigne de la vitalité du marché local. Nous investissons aussi en recherche et développement, ce qu'il me paraît important de souligner, car c'est le fruit d'une coopération franco-mozambicaine. La France dispose d'un savoir-faire très important en aquaculture et nos équipes sont aujourd'hui à 100 % mozambicaines. Nous avons publié il y a quatre jours un article portant sur un programme de recherche et développement de lutte contre les pathologies virales en santé animale. C'est une première mondiale en aquaculture et c'est le fruit du travail d'une société mozambicaine, qui emploie des chercheurs mozambicains et un biologiste français.

M. Arnaud FLEURY. - Au-delà de ce discours, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés au jour le jour, dans un environnement comme celui du Mozambique ?

Mme Azmina GOULAMALY. - J'oserai dire que ce n'est pas plus difficile qu'en France. Gérer une activité industrielle en France est également compliqué. Le Mozambique présente ses règles et ses contraintes. Dans notre secteur, cet encadrement nous semble important car c'est une façon de protéger l'actif essentiel que constituent la terre mozambicaine et les ressources qu'elle renferme. Effectivement, il n'y a pas de raccourci. Le pays manque d'infrastructures. Nous avons cinq laboratoires sur site. Aucune ferme, ailleurs dans le monde, n'a besoin de s'appuyer sur autant d'expertise.

Le Mozambique n'est pas un pays où la production est peu chère. Il faut le savoir au départ, car l'erreur peut consister à sous-estimer les besoins en formation et l'infrastructure à gérer pour l'ensemble des projets.

M. Arnaud FLEURY. - J'imagine que les salaires sont faibles, voire très faibles. Mais tout le reste s'additionne.

Mme Azmina GOULAMALY. - Tout à fait. Cela prend du temps. Nous avons aujourd'hui du personnel mozambicain mais il nous a fallu vingt ans pour le former.

M. Arnaud FLEURY. - Quel est le salaire mensuel d'un ouvrier dans une entreprise bien structurée comme la vôtre ?

Mme Azmina GOULAMALY. - Le salaire minimum, dans notre ferme, s'établit à 160 dollars par mois.

M. Arnaud FLEURY. - Ce montant est bien supérieur à ce qui se pratique ailleurs dans le pays.

Mme Azmina GOULAMALY. - Absolument. Lorsque nous sommes arrivés dans le pays, la porte d'entrée était déjà le CPI, dont l'efficacité ne s'est jamais démentie. Nous disposons d'un cadre d'investissements très sécurisé qui nous convient tout à fait. Nous avons aussi été accompagnés par l'AFD et la Proparco durant une partie de l'histoire du développement d'Aquapesca.

M. Arnaud FLEURY. - Mme Florence Arnoux, vous êtes une des dirigeantes du groupe marseillais CIS, très belle entreprise de taille intermédiaire française spécialisée dans la restauration et l'hôtellerie collectives dans les pays extrêmes. En gros, vous êtes là où Sodexo n'est pas, c'est-à-dire par exemple dans les mines, sans doute les plates-formes offshore , etc. Vous avez décidé de vous installer au Mozambique. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?

Mme Florence ARNOUX. - Nous avons créé la filiale il y a deux ans. J'ai assisté à un voyage organisé par le MEDEF International et je savais qu'il y avait de nombreux projets susceptibles de nous intéresser au Mozambique, dans différents secteurs, et des entreprises que nous pouvions accompagner. Notre goût de l'aventure nous a conduits à nous implanter au Mozambique. Nous avons choisi un partenaire mozambicain. Nous avions un premier client, l'entreprise brésilienne Vale, dans le secteur minier, qui avait de gros projets au Mozambique et qui nous a fait confiance pour l'accompagner dans ce pays.

Nous avons voulu nous implanter au niveau social, sociétal et environnemental et avons recherché des partenariats avec des écoles de restauration, notamment dans la région de Nacala. Nous avons noué des partenariats avec des sociétés agricoles.

Nous avons mis en place des programmes de formation avec ces entreprises locales qui se développent considérablement aujourd'hui, ce qui nous permet de nous fournir en achats locaux pour nos projets dans la région. Pour l'instant, ce dispositif fonctionne bien. Nous employons actuellement 300 personnes au Mozambique.

M. Arnaud FLEURY. - Êtes-vous dans une logique d'investissement dans le pays ? J'imagine notamment que tous les projets dans les champs gaziers vous intéressent.

Mme Florence ARNOUX. - Nous répondons à tous les appels d'offres importants, qui concernent la région de Palma et les grandes sociétés d'ingénierie (Anadarko, ENI). Nous envisageons différents programmes d'investissement et nous attendons que ces appels d'offres paraissent afin de connaître leurs lauréats.

M. Arnaud FLEURY. - Votre Groupe réalise 300 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde, en particulier dans des pays extrêmes. Qu'est-ce qui différencie le Mozambique dans l'expérience des affaires, au regard d'autres pays que vous connaissez ?

Mme Florence ARNOUX. - Il s'agit d'une ancienne colonie portugaise. Je suis rendue dans de nombreux pays d'Afrique mais j'ai été très surprise, au départ, par la langue portugaise. On rencontre à Maputo toutes les plus grandes entreprises anglo-saxonnes et du monde entier. Cet environnement m'a paru très dynamique.

M. Arnaud FLEURY. - S'agit-il d'un pays prioritaire pour vous en Afrique ?

Mme Florence ARNOUX. - Nous avons choisi de nous y implanter. Nous avons des bureaux à Maputo. Nous avons une filiale, d'où nous conduisons nos opérations, à Nacala. Nous envisageons aussi une implantation dans les régions de Pemba ou Palma, en fonction des décisions qui seront prises.

M. Arnaud FLEURY. - M. Stéphane Solé, je rappelle que vous êtes également conseiller du commerce extérieur. Comme on l'a dit, une trentaine de filiales et succursales françaises sont implantées au Mozambique. Pouvez-vous nous citer quelques noms, quelques secteurs et nous dire le message que vous souhaiteriez faire passer en tant que conseiller du commerce extérieur à ceux qui prospectent le Mozambique ?

M. Stéphane SOLE. - Je suis ravi que les femmes soient aussi nombreuses à cette table. Il est plus difficile de recruter des femmes parmi les conseillers du commerce extérieur. Dans les transports logistiques, j'ai noté la présence au Mozambique de Bolloré, CMA-CGM, AGS et FOSELEV. Dans les filières agroalimentaires, il existe les sociétés Tereos et Aquapesca. Dans le négoce, il y a Louis Dreyfus. Dans les services, sont présentes les sociétés Egis, Ingerop, Bureau Veritas, Sofreco, CIS et nous-mêmes.

Dans l'énergie, on peut citer Total. Dans le BTP, Razel-Bec et Vinci sont présents au Mozambique. Enfin, dans la construction mécanique, il faut noter la présence d'Alstom et celle, désormais, de Cegelec dans le cadre du contrat AFD.

Quant aux perspectives de croissance, de nombreuses sociétés viennent aujourd'hui en mission dans le pays. Nous constatons un fort dynamisme de ce point de vue.

M. Arnaud FLEURY. - Quels conseils faut-il leur donner ? Est-il indispensable de rechercher un partenaire local ? Est-il difficile à trouver, le cas échéant ?

M. Stéphane SOLE. - Cela dépend du secteur d'activité. Il faut comprendre la dynamique des affaires au Mozambique. Un nouveau gouvernement vient d'être nommé. De nouvelles lois se mettent en place. Il faut également prendre en compte le contexte international et notamment le faible prix des matières premières (charbon et gaz), qui tend à ralentir la croissance. Nos membres recommandent plutôt de bien analyser le marché, de bien comprendre qui fait quoi, d'évaluer les opportunités et de discuter avec son futur partenaire. N'hésitez pas à solliciter le club d'affaires, les services de l'ambassade, le service de la mission économique et les conseillers du commerce extérieur afin de vous aider à évaluer ces partenaires potentiels.

M. Arnaud FLEURY. - Je rappelle qu'il y a de nombreuses initiatives en préparation. Outre la Foire déjà évoquée par Business France, je crois que la visite du Président mozambicain à Paris est prévue en juillet prochain.

M. Stéphane SOLE. - Tout à fait. Il faut souligner le dynamisme du support de l'ambassade et des services économiques et de la diplomatie économique, qui est également active. Le Groupement des entreprises pétrolières et parapétrolières (GEPP) qui est venu à Maputo, la semaine dernière, a reçu un accueil très chaleureux par les autorités mozambicaines.

M. Arnaud FLEURY. - Il semble même que la délégation française ait été mieux accueillie que la délégation britannique.

M. Stéphane SOLE. - De nombreuses délégations visitent la capitale en ce moment, et nous nous félicitons en particulier de l'accueil reçu par cette délégation française.

M. Arnaud FLEURY. - Mme Pauline-Hélène Medina, vous êtes l'initiatrice du club d'affaires franco-mozambicain qui est en train de se mettre en place.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Notre objectif est de faciliter l'implantation des sociétés françaises au Mozambique et des sociétés mozambicaines en France. Nous voulons répondre à un besoin de visibilité et de networking au Mozambique.

Nous avons prévu des événements bimensuels, des conférences sectorielles suivies de cocktails et des cocktails en présence de représentants d'autres pays européens, afin de favoriser ce networking .

M. Arnaud FLEURY. - J'ai l'impression que la communauté française est dans les starting-blocks . Sommes-nous en avance ou en retard par rapport à nos voisins européens ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Nous sommes en avance par rapport aux Britanniques. Nous sommes bien organisés et bénéficions du soutien très appréciable de l'ambassade de France. Nous souhaitons aussi développer des partenariats locaux avec des associations, la chambre de commerce de Maputo, la Confédération économique des associations (CTA) et l'Association du Commerce et de l'Industrie (ACIS). Cette dernière compte 400 membres et constitue le plus grand réseau d'affaires au Mozambique.

M. Arnaud FLEURY. - Merci pour cette photographie assez complète. Je vous propose d'ouvrir le débat avec la salle.

DÉBAT AVEC LA SALLE

M. Olivier BAYRAC, Sogeti. - Je suis responsable de la société Sogeti, groupe d'environ 200 personnes qui intervient dans les domaines de l'assainissement et de l'eau potable, du bâtiment et des infrastructures aéroportuaires et portuaires. J'ai vécu à Maputo de 1986 à 1989, dans une période très difficile. Je suis arrivé à Maputo le jour de l'accident de Samora Machel. J'ai le souvenir d'une ville magnifique et d'amis mozambicains extraordinaires, malgré toutes les difficultés que connaissait le pays à l'époque. Comment se passe aujourd'hui la vie à Maputo et au Mozambique ? Je voudrais également féliciter la présidente de la société Aquapesca.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - À mes yeux, le Mozambique est le pays le plus agréable où habiter en Afrique, lorsqu'on vient de France. La sécurité est excellente et la qualité de vie remarquable. C'est un des pays où, plus qu'ailleurs, des expatriés et des diplomates démissionnent de leur poste et « sortent de leur cocon » pour s'implanter durablement dans le pays.

M. Arnaud FLEURY. - Est-il facile, pour un expatrié, de monter sa structure ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - C'est vrai pour un expatrié mais aussi pour vous tous qui êtes ici présents. Par rapport à d'autres pays d'Afrique, il est relativement facile de créer sa structure au Mozambique.

M. Arnaud FLEURY. - La capitale, Maputo, est en plein développement économique. Je suppose que cela pose des problèmes d'urbanisme. Y a-t-il, par exemple, des embouteillages comme à Nairobi ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Non, très peu. Les embouteillages sont très limités. C'est une ville à taille humaine, qui offre une très bonne qualité de vie.

M. Olivier BAYRAC, Sogeti. - On peut signaler qu'on roule toujours à gauche au Mozambique.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Tout à fait. La circulation s'effectue à gauche. Par ailleurs, c'est le seul pays du Commonwealth qui ne soit pas anglophone.

M. Stéphane SOLE. - On peut aussi ajouter que les restaurants du Mozambique sont très bons.

M. Arnaud FLEURY. - J'ai tout de même entendu dire que tout n'était pas parfait. Qu'en est-il de la sécurité ?

M. Stéphane SOLE. - Quelques événements ont eu lieu sur ce plan. Il faut faire attention.

M. Laurent MEIGNAN, société Imao. - Nous sommes une PME de 40 personnes spécialisée dans l'acquisition aérienne. Nous exploitons 12 avions et réalisons 90 % de notre activité à l'export mais n'avons aucune implantation hors de France, puisque nous travaillons dans le cadre de missions assez courtes pour réaliser des photos ou des acquisitions « Lidar » lors de survols de différents territoires. Le Mozambique souffre aujourd'hui d'un écart de compétitivité défavorable par rapport à l'Afrique du Sud, où la taxation n'est que de 5 %. Qu'est-ce qui est envisageable pour rendre le travail au Mozambique compétitif ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Je vous suggère de vous adresser au CPI afin d'améliorer votre contexte fiscal, après une présentation de votre projet. Tout est possible au Mozambique et le CPI peut vous faciliter la tâche.

Par ailleurs, si vous dépassez les quotas et si vous demandez des autorisations concernant des postes lesquels il n'existe pas d'équivalent au Mozambique, l'autorisation est automatiquement délivrée. Vous pouvez également bénéficier du soutien de votre ministère de tutelle, qui sera le ministère des transports. Le nouveau ministre des transports est M. Carlos Mesquita, qui pourra vous soutenir auprès du ministère du travail.

M. Laurent MEIGNAN, société Imao. - Je précise que nous avons un avion basé à Johannesburg. Lorsque nous sommes amenés à intervenir, un pilote et un opérateur se déplacent en avion mais nous n'avons pas besoin d'une implantation locale. Comment serions-nous taxés ?

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Je vous recommande une implantation en Afrique du Sud. De ce fait, vous pourriez activer l'accord évitant la double imposition qui existe entre l'Afrique du Sud et le Mozambique et, à ce titre, bénéficier d'une exemption totale.

M. Laurent MEIGNAN, société Imao. - Si je comprends bien, il n'existe pas de facilité directe pour les sociétés françaises.

Mme Pauline-Hélène MEDINA. - L'idéal serait de disposer d'une structure locale. On peut solliciter des exemptions et autorisations exceptionnelles mais c'est plus difficile à obtenir. Il faut aussi négocier avec la Direction de l'aviation civile mozambicaine.

M. Serge SEGURA. - Je voudrais préciser que les autorités françaises, en particulier l'ambassade, ont régulièrement demandé aux autorités du Mozambique, ces deux dernières années, la possibilité d'engager des négociations afin d'aboutir à un accord évitant la double imposition. Il se trouve que le gouvernement mozambicain était en pleine discussion avec les compagnies pétrolières que sont Anadarko et ENI, qui revendaient des morceaux de permis d'exploration. Il y avait là un vrai problème de taxation. Nous soutenons les efforts mis en oeuvre par les autorités mozambicaines en vue d'obtenir des multinationales un retour normal sur le plan fiscal.

Nous constatons aujourd'hui un changement de position des autorités mozambicaines, qui se montrent plus ouvertes à l'engagement de négociations en vue de la signature d'un accord de non double imposition avec la France. Je pense que nous proposerons de manière plus formelle l'engagement de ces négociations au cours des semaines qui viennent. Il me semble que ces négociations ne devraient pas durer trop longtemps car il s'agit d'accords tout à fait « classiques ».

M. Thierry PEPE, SADE-CGTH. - Il a beaucoup été question du développement industriel, notamment dans le pétrole et le gaz. Il a moins été question de l'environnement (assainissement, gestion des déchets industriels, etc.). Le Mozambique va-t-il se lancer dans l'accompagnement de ce secteur, qui est également important pour préserver les beautés de ce pays ?

M. Philippe FOUET. - En évoquant les secteurs porteurs, j'ai mentionné l'eau, en précisant que compte tenu des moyens limités du Mozambique, c'est à Matola-Maputo que des projets pouvaient être envisagés dans ce domaine. J'ai indiqué qu'un projet d'ampleur était en cours, sous l'égide de la Banque Mondiale, consistant à aller chercher l'eau à 100 kilomètres de Maputo et à traiter les eaux usées. En dehors de ces secteurs, Mme Goulamaly a souligné que le Mozambique était un des pays les moins pollués au monde. Les Mozambicains font avec les moyens dont ils disposent et avec l'aide internationale - qui se concentre, pour l'instant, à Maputo-Matola.

Dans le secteur du gaz, la façon dont les deux opérateurs, ENI et Anadarko, vont intervenir, est en cours de négociation. Cet aspect fera partie du package en discussion.

M. Benoît DEMARQUEZ, TEREA. - Je suis directeur d'un bureau d'étude d'une quarantaine de personnes chargé d'expertises environnementales. Nous n'avons pas évoqué les exigences du Mozambique sous l'angle des impacts environnementaux des projets industriels. Les entreprises sont-elles soumises uniquement aux exigences définies par la politique de leur siège, voire de leurs bailleurs de fonds, privés ou publics, ou existe-t-il une législation spécifique contraignante ? Si c'est le cas, dans quelle mesure est-elle mise en oeuvre et fait-elle l'objet de contrôles ?

M. Stéphane SOLE. - Du point de vue des développements gaziers, il existe de fortes contraintes liées à l'environnement, avec notamment la nécessité de protéger les cours d'eau et la vie marine, ainsi que les communautés locales. Il en résulte des règles à observer en cascade tout au long de la chaîne. En ce qui concerne les autres secteurs, le sujet dépasse le cadre de mes compétences. Peut-être pouvez-vous vous rapprocher du ministère de l'Environnement pour avoir davantage d'informations.

M. Benoît de SUSANNE, TENCATE GEOSYNTHETICS France. - Je suis le directeur export d'une société qui vend des matériaux de construction. On parle beaucoup d'ENI et d'Anadarko. Les appels d'offres sont en cours depuis environ deux ans. Savez-vous quand doit débuter la construction des infrastructures ?

M. Stéphane SOLE. - Nous finalisons actuellement les appels d'offres. Les décisions à prendre seront prises en dehors de notre contrôle. Elles pourraient intervenir cette année. Un appel d'offres est en cours pour 12 blocs, onshore et offshore , avec le gouvernement mozambicain. Il attirera sans doute de nombreuses candidatures, à compter du mois d'avril, pour de nouvelles recherches pétrolières et gazières.

M. Arnaud FLEURY. - Merci à vous tous.

ANNEXE

SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU MOZAMBIQUE

Source : Ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique - Direction générale du Trésor (octobre 2014)

Pays très pauvre et inégalitaire, comme l'atteste la grande faiblesse de son indicateur de développement humain, le Mozambique dispose toutefois d'un potentiel économique important, de par l'abondance de ses ressources naturelles et son accès à la mer, favorisant les perspectives de croissance du pays à moyen-long terme. Plusieurs grands projets énergétiques et miniers sont ainsi en cours de développement, bénéficiant d'investissements étrangers considérables : 5,5 Mds USD reçus en 2013, soit plus de 30 % du PIB. Si le pays affiche la meilleure performance de croissance de l'Afrique australe, la progression rapide des dépenses d'investissement pèse sur le déficit budgétaire, qui s'est nettement dégradé cette année, alors que l'aide budgétaire continue de se réduire rapidement.

1. Un pays très pauvre, mais affichant une croissance rapide soutenue par son fort potentiel énergétique

Avec une population de 25,8 M d'habitants et un PIB par habitant de 593 USD, le Mozambique figure parmi les pays les plus pauvres du monde (82 % de la population vit avec moins de 2 USD par habitant et par jour, en PPA). Au regard de l'indice de développement humain, le pays se classe au 178ème rang sur 187, en raison notamment des très mauvaises performances en matière d'espérance de vie (50 ans) et d'éducation. En dynamique, le Mozambique a toutefois enregistré depuis la fin de la guerre civile d'importants progrès en affichant notamment une progression moyenne supérieure à 2 % de son IDH depuis 2000.

Ces dernières années, la croissance a été particulièrement soutenue (et résiliente à la crise de 2008/09), avec une moyenne de 7,2 % entre 1994 et 2013, portée par plusieurs grands projets énergétiques et miniers. Ces derniers, qui captent l'essentiel des investissements, restent toutefois faiblement créateurs d'emplois (78 % des actifs occupés travaillent dans l'agriculture, celle-ci étant de subsistance pour les 2/3 des travailleurs concernés) et génèrent encore peu de recettes fiscales du fait des exemptions octroyées.

Hors grands projets, la base industrielle reste très faible, raison pour laquelle le Mozambique entend favoriser le développement du secteur privé formel et attirer les capitaux étrangers. Les atouts du pays sont en effet nombreux grâce à un potentiel de ressources naturelles important et varié -hydroélectricité (qui rend compétitives les exportations d'aluminium, ces dernières représentant la moitié des ventes totales), gaz, titane, or, charbon, produits de la pêche, de l'agriculture et de la sylviculture- renforcées par les récentes découvertes de gisements, a priori considérables, en charbon et en gaz naturel. Sa situation géographique lui confère enfin une place privilégiée (accès à la mer) par rapport aux pays voisins enclavés.

2. Une performance économique globalement favorable à court terme

En 2012, la croissance s'est élevée à 7,2 %, essentiellement portée par les industries extractives (+42 % en g.a) et la bonne performance de l'agriculture. En 2013, la croissance a légèrement ralenti à 7,1 %, bien en-deçà des projections initiales (8,4 %) du fait des fortes inondations du début d'année, qui, outre les conséquences pour la production agricole, ont limité les exportations de charbon.

Pour 2014, le FMI s'attend à une nette accélération de la croissance, à 8,3 %, reflet de la hausse attendue des ventes de produits miniers, de l'amélioration de la performance agricole (accroissement des surfaces arables en culture et progression de la productivité) et de la nouvelle progression de l'investissement (lancement effectif du chantier de l'usine de LNG). A moyen terme, le dynamisme de l'activité devrait perdurer : d'après le FMI, le PIB pourrait doubler d'ici à 2018, pour atteindre 30 Mds USD, rapprochant ainsi le pays de la limite des pays à revenu intermédiaire.

L'inflation, en large partie biaisée car se focalisant sur les principales zones urbaines du pays (Maputo, Nampula, Beira), a nettement accéléré l'an passé, avec une hausse moyenne de +4,2 % en g.a, après un seuil historiquement bas en 2012 (+2,1 %), les inondations ayant accentué les pressions haussières sur les prix des biens alimentaires. Les tensions inflationnistes sont néanmoins restées assez contenues, dans le sillage de la stabilité des prix administrés et du Metical face au Dollar américain (-1,5 % en rythme nominal en 2013). En 2014, l'inflation atteindrait +4,6 % en moyenne, selon le FMI.

Sur le plan externe, le solde courant se dégrade rapidement depuis 2007, du fait des mégaprojets énergétiques et miniers et de l'importance des importations (biens et services) qui leur sont rattachées (40 % des importations totales). En 2013, le déficit courant (dons inclus) s'est ainsi élevé à 39,5 % du PIB. Il devrait nettement se creuser cette année pour atteindre 48,4 % du PIB selon le FMI.

Son financement est cependant en très large partie couvert par les montants d'IDE nets reçus (5,5 Mds USD en 2013, soit près du tiers du PIB), qui représentent la contrepartie des importations massives, et, plus marginalement, l'aide au développement (en dépit d'un tassement régulier). A terme, les ventes issues de la production des mégaprojets actuels assureraient le retour à l'équilibre du solde courant. Fin décembre 2013, les réserves de change s'élevaient à 3,23 Mds USD, représentant 4,5 mois d'importations, un niveau jugé suffisant par le FMI pour exclure, a priori, le risque de crise de change.

3. Politique économique : priorité aux objectifs de moyen terme et à un soutien plus affirmé à la croissance

La persistance durable d'un déficit budgétaire et son probable accroissement dans les prochaines années traduisent les objectifs de moyen terme en matière de croissance et de lutte contre la pauvreté. Après une hausse des dépenses publiques de +5,3 % en termes réels en 2013 à 4 Mds USD (26 % du PIB), le Budget 2014 table sur une progression rapide des dépenses d'investissement (+25 %) et du traitement des fonctionnaires (dont la masse budgétaire équivaut à 11 % du PIB) en raison, notamment, de la revalorisation du salaire minimum à compter de mai 2014 (hausse de 3 à 20 % selon les secteurs d'activités). Le besoin de financer ces postes de dépenses limite de facto les marges d'actions en cas de retournement de la conjoncture, d'autant que l'aide budgétaire, qui représente environ 12 % du Budget de l'Etat, se réduit drastiquement (275 M USD promis en 2015 contre 396 M USD cette année et 309 M USD perçus en 2013). Les recettes budgétaires liées à l'exploitation du charbon et du gaz pourraient atteindre 9 Mds USD en 2032 pour la Banque mondiale, soit 7 % du PIB et 21 % des recettes fiscales. Néanmoins, à court terme, l'ampleur des dépenses d'investissement devrait nettement creuser le déficit budgétaire, qui passerait de 2,7 % du PIB en 2013 à 9,2 % cette année, et ce malgré des recettes fiscales supérieures aux attentes (dont 440 M USD sur les plus-values tirées de la vente par ENI d'actifs gaziers, près de 3 points de PIB).

Si les annulations de dette (6,3 Md USD) avaient ramené le ratio de dette publique à 37 % du PIB en 2006, l'accumulation de déficits budgétaires élevés se traduit par une nouvelle progression de la dette publique : estimée fin 2012 à 42 % du PIB (dont 36 % du PIB pour la dette publique externe), elle aurait atteint 48 % en 2013 et s'élèverait à 51 % du PIB en 2014 selon le FMI.

Sur le plan monétaire, la Banque centrale, qui a pour objectif principal la défense de la devise et comme objectif intermédiaire la stabilité des prix, a procédé à trois assouplissements (en juin, août et octobre) du taux directeur l'an passé, l'objectif étant de soutenir davantage le crédit aux entreprises, ramenant le taux de facilité de prêt marginal à 8,25 % et le taux de facilité de dépôt à 1,50 %. Si les taux directeurs ont été maintenus depuis, les résultats restent néanmoins mitigés, les banques continuant à pratiquer des taux d'intérêt élevés, signe du manque d'efficacité de la transmission de la politique monétaire due à la faible inclusion financière (seuls 40 % des adultes disposent d'un compte bancaire). Clause de non-responsabilité - Le service économique s'efforce de diffuser des informations exactes et à jour, et corrigera, dans la mesure du possible, les erreurs qui lui seront signalées. Toutefois, il ne peut en aucun cas être tenu responsable de l'utilisation et de l'interprétation de l'information contenue dans cette publication.


* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Madagascar et Pays de l'Océan indien : M. Richard YUNG, Président ; Mme Michèle ANDRÉ ; Mme Éliane ASSASSI ; M. Jacques BIGOT ; Mme Marie-Christine BLANDIN ; M. Jean-Marie BOCKEL ; Mme Nicole BONNEFOY ; M.  Jean-Pierre CANTEGRIT ; M. Patrick CHAIZE ; M. Pierre CHARON ; M. Daniel CHASSEING ; M. Gérard CORNU ; M. Ronan DANTEC ; M. Mathieu DARNAUD ; M. Michel DELEBARRE ; Mme Jacky DEROMEDI ; Mme Evelyne DIDIER ; M. Jean-Léonce DUPONT ; M. Louis DUVERNOIS ; M. Michel FONTAINE ; M. François FORTASSIN ; M. Jean-Paul FOURNIER ; M. Christophe-André FRASSA ; M. Jean-Marc GABOUTY ; M. Jacques GENEST ; Mme Jacqueline GOURAULT ; Mme Sylvie GOY-CHAVENT ; Mme Sophie JOISSAINS ; M. Alain JOYANDET ; M. Claude KERN ; Mme Élisabeth LAMURE ; M. Serge LARCHER ; M. Robert LAUFOAULU ; M. Michel LE SCOUARNEC ; Mme Valérie LÉTARD ; M. Didier MANDELLI ; M. Hervé MAUREY ; M. Gérard MIQUEL ; M. Thani MOHAMED-SOILIHI ; Mme Catherine MORIN-DESAILLY ; M. Cyril PELLEVAT ; Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT ; M. Jean-Vincent PLACÉ ; M. Jean-Claude REQUIER ; M. Didier ROBERT ; M. Simon SUTOUR ; M. Paul VERGÈS ; M. Jean-Pierre VOGEL.

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N° GA 126 - Avril 2015

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