TABLE RONDE 1

L'AUTRICHE , UN PAYS AU CoeUR DE L'EUROPE ET AUX PERFORMANCES REMARQUABLES

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à cette table ronde :
S.E. Mme Ursula PLASSNIK, Ambassadeur d'Autriche en France
M. Yves ULMANN, Conseiller économique près l'Ambassade de France en Autriche
Mme Martina HÖLBLING, Directrice Europe occidentale, Austrian Business Agency (ABA)
Mme Céline GARAUDY, Directrice générale de la Chambre de Commerce franco-autrichienne
M. Bruno LANTERNIER, Directeur de Business France Autriche-Slovénie
M. Gilles CLOUËT des PESRUCHES, Directeur de Solocal Group
M. Jean-François DIET, CEO-CEE Région d'Europ Assistance
M. Peter ERNST, Partenaire-Directeur de Mazars Autriche
M. Philippe TISSEAU, Directeur de Prevor Autriche
Mme Ingrid WINTER, Directrice Marché Grande Distribution & Industrie chez Worldline France (groupe Atos)

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M. Arnaud FLEURY. - Cette table ronde est intitulée « L'Autriche, un pays aux performances remarquables ». J'anime beaucoup de colloques, et il est rare que l'on emploie des qualificatifs aussi flatteurs et véridiques pour évoquer un pays. L'Autriche ne compte que 5,1 % de chômeurs, les jeunes y sont beaucoup moins touchés par le chômage que dans le reste de l'Europe, les performances du pays à l'exportation sont bonnes... Quel est le secret du pays ? On a tendance à penser que la clé de cette réussite réside dans un tissu économique particulièrement dynamique, mené par des « champions cachés », de très belles entreprises peu connues du reste de l'Europe. Cela est-il effectivement le cas ?

Mme Ursula PLASSNIK. - Je remercie vivement le Sénat, qui constitue un partenaire extraordinaire pour les Ambassades à Paris, de nous accueillir pour cette rencontre.

Je souscris pleinement à la remarque de Monsieur Henri Baïssas sur l'export. Cette donnée économique est particulièrement importante en Autriche, comme d'ailleurs en Slovénie. L'export fait partie de notre ADN, car nous aimons être compétitifs. Nous l'affichons dans le domaine du sport, de façon plus discrète sur le plan économique, avec nos hidden champions .

Je souhaite tout d'abord vous montrer la carte de l'Autriche, car on comprend mieux l'ADN autrichien en regardant ses voisins. Ils sont au nombre de huit - neuf en réalité, car la Croatie se situe à vingt kilomètres de la frontière autrichienne : la Slovénie, la Croatie, la Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque, l'Allemagne, le Liechtenstein, la Suisse et l'Italie. Ces pays constituent un ensemble de cultures européennes qui influent sur les traditions et l'identité autrichiennes.

Je rappelle par ailleurs que l'économie autrichienne repose à 95 % sur des PME. Notre économie ainsi que la réglementation sont très favorables à ces entreprises, qui constituent la colonne vertébrale de l'emploi en Autriche.

Pour vous montrer à quel point on ignore le label Autriche en France, je mentionnerai deux de nos hidden champions . Le premier, l'entreprise Waagner-Biro, a réalisé la construction du « tapis volant » qui couvre le pavillon des Arts de l'Islam, dans la cour Visconti du Louvre. Cette entreprise a également construit le toit emblématique du Reichstag à Berlin. Le second champion se situe en Carinthie, ma province natale, à la frontière de la Slovénie. Il s'agit d'une petite PME de 28 personnes, Hos Technik, qui fabrique une matière adhésive résistant à des températures extrêmement élevées. Le taux d'exportation de ce produit est de 100 % - on le retrouve notamment dans les pneus des voitures de formule 1. Ces entreprises sont toutes des sous-traitants. Or le concept de sous-traitance est très intéressant, car il entre dans la définition du produit final. Nous sommes fiers, en Autriche, d'être des sous-traitants extrêmement performants.

M. Arnaud FLEURY. - L'industrie, portée par une chaîne de sous-traitance, réalise 28 à 30 % du PIB, beaucoup plus qu'en France.

Monsieur André Trillard  a évoqué tout à l'heure la « recette autrichienne » de l'apprentissage ; vous avez également instauré la flexisécurité, assise sur un jeu social très particulier mais très stable, et qui pourrait nous inspirer des solutions en France.

Mme Ursula PLASSNIK. - J'ai regardé ce matin le temps de grève annuel en Autriche : il se situe à 27 secondes par employé pour l'année 2013, selon les chiffres de la confédération syndicale ÖGB ( Österreichischer Gewerkschaftsbund ). Cela représente 26 215 heures de grève, soit 3 267 jours pour 5 500 ouvriers : nous sommes malgré tout un pays normal...

Nous avons cependant pour habitude de gérer les relations sociales d'une manière différente, à l'intérieur de l'entreprise comme au niveau national. Le partenariat social constitue la base du modèle autrichien.

L'apprentissage constitue un autre fondement de ce modèle. Trois membres du gouvernement autrichien actuel sont passés par l'apprentissage, et ont poursuivi ensuite leurs études. L'apprentissage n'est pas considéré en Autriche comme une voie dévalorisante, réservée à ceux qui ne réussissent pas au niveau scolaire, mais comme une clé d'accès à un marché du travail performant.

Par ailleurs, le patronat comme les syndicats gèrent ce modèle de façon pragmatique. Ils travaillent au plus près du marché de l'emploi, pour éviter de former des jeunes à des métiers ne présentant aucun débouché en termes d'emploi.

Enfin, notre code du travail est fondamentalement différent du code français. L'ambition autrichienne est de donner une flexibilité maximale aux entreprises et une sécurité maximale aux employés. Nous nous sommes inspirés de nos amis nordiques et avons mené sept ans de négociations pour mettre en place ce système, qui fonctionne assez bien.

M. Arnaud FLEURY. - On considère également, en cas de difficulté, qu'il est préférable de rester dans l'entreprise tout en étant au chômage technique, que d'être licencié. L'Autriche se situe dans la logique du modèle rhénan, très différent du modèle français.

Madame l'Ambassadeur, pouvez-vous nous parler des relations entre la France et l'Autriche ? La question du secret bancaire, qui constituait un point de discorde, semble être réglée ; que peut-on dire aujourd'hui des relations économiques entre les deux pays ?

Mme Ursula PLASSNIK. - Il me semble que ces relations sont très bonnes. Le bilan commercial est excédentaire du côté autrichien, mais de nombreuses pistes de développement et de coopération existent des deux côtés. J'ai ainsi découvert récemment que 200 entreprises autrichiennes travaillaient dans le secteur de l'aéronautique. De même, l'écologie constitue une piste de développement importante. Nous organisons à l'Ambassade d'Autriche, en automne prochain, un séminaire sur la construction durable, qui constitue un secteur particulièrement porteur pour les entreprises autrichiennes. Parallèlement, mon homologue, M. Pascal Teixeira da Silva, organise aujourd'hui même, au Naturhistorisches Museum de Vienne, un colloque en préparation de la COP21. La notion de green jobs ne se limite pas à un slogan, elle traduit un changement sociétal profond, sur lequel l'Autriche peut apporter son expertise à la France.

Ainsi, la France découvre qu'elle possède des partenaires performants, fiables et ouverts, ce dont je me réjouis. C'est particulièrement vrai dans le domaine technologique, où nos deux pays sont efficients et complémentaires.

M. Arnaud FLEURY. - Merci, Madame l'Ambassadeur.

Monsieur Yves Ulmann, vous êtes conseiller économique près l'Ambassade de France à Vienne, et vous allez nous présenter les « performances remarquables » de l'Autriche.

M. Yves ULMANN. - Merci. Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, Mesdames les Ambassadeurs, Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames, Messieurs, je suis en tout point d'accord avec ce qu'a déclaré Mme Plassnik. Il est en effet très difficile de se montrer critique sur les performances économiques de l'Autriche.

L'évolution du PIB, en pourcentage et en valeur, place l'Autriche au second rang, per capita , de la richesse dans l'Union européenne. Le pays a traversé une période plus délicate entre 2013 et 2014, avec une croissance faible, mais la dynamique repart cette année, et la croissance annoncée pour 2016 se situe, au minimum, à 1,3 %. La BCE (Banque Centrale Européenne), l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique) et le FMI (Fonds Monétaire International) envisagent même une croissance frôlant les 2 %.

Le taux de chômage est par conséquent maîtrisé en Autriche. Depuis dix ans, en dépit de la crise sévère intervenue en 2008 et 2009, il s'est maintenu entre 4 % et 6 % de la population active, grâce à la réactivité des autorités, des entreprises et des partenaires sociaux. Le taux de chômage actuel se situe à 5,5 %, mais les instituts de conjoncture prévoient une baisse de ce chiffre à partir de 2017.

M. Arnaud FLEURY. - Peut-on considérer que l'Autriche se trouve dans une situation de plein emploi, entraînant une inflation sur les salaires et des difficultés d'embauche ?

M. Yves ULMANN. - Le pays frôle effectivement la situation de plein emploi. Il existe de ce fait une tension sur les salaires, mais l'Autriche accueille une main-d'oeuvre venue des pays voisins, notamment de l'Est. Vienne connaît ainsi une immigration massive, avec 25 000 habitants supplémentaires par an. Cette pression démographique est absorbée par le système économique, mais elle entraîne une légère croissance du taux de chômage.

L'inflation traduit également la bonne santé de l'économie autrichienne - alors que l'on parle beaucoup, en Europe, du risque de déflation. Le pays suit la moyenne de la zone euro, mais avec un décalage et une évolution des prix toujours positive. Dans une période d'inflation maîtrisée, ce facteur constitue un atout : en effet, les anticipations des agents demeurent positives, et n'entraînent pas de report des achats. La dynamique salariale et le partenariat social jouent également en ce sens. La paix sociale a un prix, celui des accords salariaux qui s'imposent à tous, mais l'indice des prix est ainsi dynamisé par la progression des salaires.

M. Arnaud FLEURY. - Cette situation traduit une confiance sur le long terme. Que peut-on dire du déficit public autrichien ?

M. Yves ULMANN. - Le déficit public n'est pas le point le plus fort de l'économie autrichienne. Le pays respecte cependant les critères de Maastricht, avec un déficit budgétaire contrôlé. La seule difficulté relative consiste en une augmentation de la dette, liée à une affaire bancaire d'une grande gravité. Celle-ci a toutefois été bien gérée par les autorités, qui ont créé une structure publique et apporté un filet de sécurité quand c'était nécessaire, tout en faisant payer les créanciers. Cette structure perd néanmoins beaucoup d'argent et augmente la dette de 6 à 7 points de PIB.

M. Arnaud FLEURY. - Cependant, l'Autriche est en excédent sur le secteur primaire.

M. Yves ULMANN. - Pas tout à fait, mais le déficit est sous contrôle. De plus, à partir de 2017, les 3 % nominaux seront abandonnés, et l'on se concentrera sur le solde budgétaire, en dehors des effets de la conjoncture. Le gouvernement autrichien a affiché un solde quasiment à l'équilibre ; par ailleurs, il a transposé le traité européen en droit interne, en instaurant un pacte de stabilité qui contraint le gouvernement à maîtriser le déficit.

Les chiffres des échanges bilatéraux entre nos deux pays ne sont pas très favorables à la France. Les relations commerciales entre l'Autriche et la France représentent presque 10 milliards d'euros, soit un volume plus important qu'entre la France et l'Inde : l'Autriche constitue bien une pépite à exploiter. Toutefois, ce courant d'affaires est déséquilibré, puisque la France est le 5 ème client de l'Autriche, mais l'Autriche n'est que son 8 ème client. Ce déficit constitue une exhortation supplémentaire à venir proposer nos produits sur ce marché extrêmement solvable.

Les investissements croisés restent quant à eux relativement marginaux, par rapport aux échanges avec l'Allemagne. Ainsi, la France n'arrive qu'en 23 ème position des investissements autrichiens, l'Autriche, en 7 ème position des investissements français.

Rappelons enfin que le partenariat social constitue la clé de voûte de l'organisation économique autrichienne. Je me souviens d'une manifestation très dure des fonctionnaires autrichiens, qui a duré une heure... Cette stabilité tient à une organisation très particulière : toute entreprise autrichienne est tenue de s'affilier à la Chambre d'économie, et tout employé doit être affilé à la Chambre des travailleurs. Ces deux partenaires négocient le cadre légal du travail, et la confédération syndicale traite la question des salaires. Le mécanisme est extrêmement puissant : la paix sociale est en effet indissociable de la progression salariale, puisque les accords salariaux s'imposent à l'ensemble des entreprises. Ce n'est pas le cas en Allemagne, où des dérogations par entreprise ou par branche sont possibles.

M. Arnaud FLEURY. - Ajoutons que ces augmentations sont possibles grâce aux marges confortables des entreprises. Merci, Monsieur Ulmann.

Madame Martina Hölbling, vous êtes Directrice Europe Occidentale pour l' Austrian Business Agency , l'équivalent de Business France en Autriche. Que proposez-vous aux entreprises françaises qui souhaitent s'implanter en Autriche ? Êtes-vous satisfaite du courant d'affaires existant entre les deux pays ? Comment peut-il être amélioré ?

Mme Martina HÖLBLING. - Madame l'Ambassadeur, chers collègues, chers partenaires français et autrichiens, c'est un grand honneur de vous présenter l'Autriche aujourd'hui.

Je vais tâcher de mettre en lumière les avantages concrets que l'Autriche peut offrir aux entreprises françaises souhaitant s'y implanter. L'Autriche constitue une localisation stratégique pour deux raisons : parce qu'elle est un pays industriel, investi dans la recherche et le développement ; et parce qu'elle constitue une plateforme tournée vers les pays de l'Est.

On l'oublie souvent mais l'Autriche est un pays industriel.

Certes, l'Autriche est connue comme destination touristique, grâce aux montagnes du Tyrol, à la musique viennoise et à la Sächertorte. Mais la part du PIB issue du tourisme se situe entre 7 et 10 %, celle qui vient de l'industrie approche les 30 %. Or la perception courante tend à inverser ces chiffres.

Le tissu industriel de l'Autriche repose pour 35 % sur le secteur des machines-outils, avec de grandes entreprises, mais aussi de nombreuses PME familiales, performantes en recherche et développement (R&D) comme à l'exportation. Viennent ensuite l'industrie chimique, réunissant également de grandes entreprises et des PME très spécialisées ; le secteur automobile, implanté notamment à Graz ; le secteur de l'énergie, de l'électricité et de l'électronique.

Les entreprises de ces secteurs investissent par ailleurs fortement en recherche et développement et se montrent, de ce fait, innovantes. Près de 40 % de ces investissements en R&D sont financés par le secteur public, par le biais de deux grandes organisations comparables à la BPE et à Oseo en France. L'industrie finance quant à elle 44 % de la R&D. Enfin, 16 à 20 % des financements proviennent d'entreprises étrangères installées en Autriche.

L'Autriche est par ailleurs un pays de clusters . On y dénombre environ 50 pôles de compétitivité, représentant plus de 500 emplois. Ces clusters , qui n'existaient pas il y a vingt ans, peuvent faciliter l'accès des entreprises étrangères aux réseaux professionnels.

Il y a encore vingt ans, l'Autriche se situait en bas du classement européen pour l'investissement en R&D ; elle oscille désormais entre la 3 ème et la 5 ème place, selon les années.

De nombreuses subventions sont accessibles aux entreprises. Ainsi, le crédit d'impôt recherche est récemment passé de 10 à 12 %.

Dans le classement des pays dans lesquels les employés s'identifient le mieux avec les buts de leur entreprise, l'Autriche arrive en troisième position. Vous trouverez donc, si vous vous installez en Autriche, des employés dédiés à votre entreprise.

Parmi les entreprises autrichiennes se trouvent 190 hidden champions et 60 leaders européens ou mondiaux.

L'Autriche est par ailleurs une plaque tournante au coeur de l'Europe.

Elle offre un accès idéal aux marchés de l'Est, ainsi qu'aux entreprises de services spécialisées sur ces territoires : avocats, banques, transporteurs... C'est pourquoi plus de mille entreprises organisent leur activité vers l'Europe de l'Est à partir de l'Autriche. Parmi elles, 300 sont de grandes entreprises internationales, 200 sont installées à Vienne.

L'Autriche possède environ 300 headquarters , contre 10 ou 20 dans les pays voisins.

La proportion d'entreprises demeurant en Autriche au-delà de trois ans est de plus de 80 %, ce qui indique que l'on peut faire des affaires en Autriche, mais aussi que l'on peut y vivre très agréablement.

Je soulignerai enfin que l'intérêt des entreprises françaises pour l'Autriche a beaucoup augmenté depuis quatre ans : elles sont en effet de plus en plus nombreuses à racheter de petites PME autrichiennes.

M. Arnaud FLEURY. - Certaines entreprises françaises arrivent d'ailleurs en Autriche sur des secteurs inattendus, comme les maisons de retraite.

Madame Hölbling, êtes-vous satisfaite des investissements français en Autriche ?

Mme Martina HÖLBLING. - Nous sommes très satisfaits du développement observé ces dernières années.

M. Arnaud FLEURY. - La France découvre également que l'Autriche constitue une plateforme technologique.

Mme Martina HÖLBLING. - C'est exact.

M. Arnaud FLEURY. - Merci.

Monsieur Bruno Lanternier, pouvez-vous nous présenter très concrètement toutes les opportunités offertes aux entreprises, par secteur ?

M. Bruno LANTERNIER. - L'Autriche représente près de 5 % des importations de fournitures en France. Les performances de la France, en revanche, ne sont pas à la hauteur de la place des deux pays en Europe.

En effet, la France n'est que le 8 e partenaire de l'Autriche, avec moins de 3 % de parts de marché. L'Allemagne, l'Italie et la Suisse totalisent quant à elle près de 50 % des importations autrichiennes.

On dénombre toutefois près de 250 filiales françaises en Autriche, qui travaillent sur le marché autrichien, mais aussi au-delà. L'implantation stratégique de Vienne, au coeur de l'Europe, joue ici pleinement son rôle. A titre d'exemples, Alcatel travaille dans 35 pays à partir de l'Autriche ; Essilor investit depuis Vienne les marchés de la Pologne, de la Hongrie, de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Croatie, de la Slovénie et de la Serbie.

Le premier secteur porteur est celui de l'industrie, qui assure environ 30 % du PIB autrichien. Le taux d'exportation se situe à près de 63 % dans ce secteur, révélant la compétitivité des entreprises autrichiennes, positionnées sur des segments de marchés très étroits, avec une politique de R&D très dynamique.

Les secteurs de l'efficacité énergétique et des systèmes d'optimisation énergétique se révèlent particulièrement dynamiques, et leur activité de R&D représente 143 millions d'euros, financés par les pouvoirs publics, auxquels s'ajoutent des financements privés.

Près de 14 milliards d'euros d'investissements sont par ailleurs prévus dans le secteur de l'énergie d'ici 2020, notamment dans les réseaux de distribution, les centrales hydrauliques ou les énergies renouvelables. C'est dans ce contexte que nous organisons en novembre 2015 à Vienne, à l'occasion du Salon European Utility Week consacré aux réseaux intelligents, un pavillon France dans le domaine des smart grids .

Le secteur ferroviaire est également important, avec des investissements prévus de plus de 13 milliards d'euros d'ici 2019, dans les infrastructures comme dans le matériel roulant. Une partie de ces investissements sera réalisée par ÖBB, la « SNCF » autrichienne. L'industrie ferroviaire autrichienne comprend de grands noms, comme Plasser & Theurer, Voestalpine ou encore Liebherr. De grands acteurs étrangers sont également présents dans le pays, comme Siemens ou Bombardier. Nous organisons en octobre 2015 une rencontre avec les opérateurs d'ÖBB, qui permettra aux participants de proposer leur offre aux experts du secteur. En mars 2016 se tiendra également une opération menée avec Siemens, concernant le secteur des pièces formées.

Dans le secteur des produits alimentaires, les performances ne sont pas à la hauteur de la réputation française en matière de gastronomie et d'agroalimentaire.

M. Arnaud FLEURY. - Ces mauvaises performances tiennent-elles aux prix pratiqués ou à une inadéquation de l'offre ?

M. Bruno LANTERNIER. - Elles s'expliquent tout simplement par une mobilisation insuffisante sur ce marché, dont nos opérateurs sous-estiment le potentiel. Les Italiens et les Allemands sont en revanche très présents sur ce secteur en Autriche.

M. Arnaud FLEURY. - Les goûts alimentaires de ces pays sont peut-être plus proches.

M. Bruno LANTERNIER. - En effet, mais les Autrichiens sont ouverts aux produits nouveaux de haute qualité. Le marché doit donc être mieux exploité. Nous organisons dans cette perspective, au premier semestre 2016, un rendez-vous « Vins et spiritueux ». Ces rencontres sont toujours fructueuses pour les entreprises, qui trouvent des partenaires pour développer leur activité sur le marché autrichien.

Le pouvoir d'achat des Autrichiens est élevé. On dénombre aujourd'hui 78 000 millionnaires dans le pays, potentiellement intéressés par les produits de luxe. S'y ajoutent les 30 millions de touristes qui, chaque année, visitent le pays et apprécient d'y trouver des produits haut de gamme. Un magasin Longchamp vient d'ouvrir dans le quartier du luxe à Vienne, et il a réalisé un chiffre d'affaires extraordinaire en quelques heures, lors de son ouverture. Par ailleurs, des rencontres réunissant les acheteurs dans le domaine du luxe se tiendront à Vienne en octobre 2015.

Le bien-être et les cosmétiques constituent également un secteur porteur. Les Autrichiens sont sensibles à ces domaines, le pays compte de nombreux établissements thermaux, et les marques françaises jouissent d'une excellente réputation. Il existe par ailleurs peu de marques autrichiennes dans le secteur. Nous organiserons en janvier 2016, en Autriche et probablement en Slovénie, une rencontre destiné aux acheteurs dans ce domaine.

Dans le domaine de la mode, nous avons organisé en avril 2015, au Museums Quartier, une rencontre « acheteurs » qui s'est très bien déroulée. Tous les participants ont trouvé un agent pour représenter leur marque. Ainsi, nous espérons diversifier la représentation des marques françaises de gamme intermédiaire.

Je ne m'attarde pas sur le domaine des technologies, très dynamique, auquel nous consacrons un atelier cet après-midi.

Enfin, les organisations internationales représentent des opportunités pour les entreprises étrangères. Le siège européen de l'ONU se trouve en Autriche, ainsi que l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique), l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel), l'OTICE (Organisation du Traité d'Interdiction Complète des Essais nucléaires) ou encore l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe). Nous essayons d'aider les entreprises françaises à se positionner sur les appels d'offres de ces agences.

Dans cette perspective, nous organisons à Vienne en novembre 2016 une opération « vendre à l'ONUDI », au cours de laquelle les entreprises pourront rencontrer les acheteurs de l'organisation. Une action récente similaire consacrée à l'AIEA, l'OTICE et l'OSCE s'est très bien déroulée.

Enfin, nous avons édité un Guide des affaires , en collaboration avec le cabinet Mazars, qui réunit les informations nécessaires aux entreprises pour aborder le marché autrichien.

M. Arnaud FLEURY. - Merci.

Madame Céline Garaudy, vous allez pour votre part nous renseigner sur la pratique des affaires en Autriche.

Mme Céline GARAUDY. - En arrivant en Autriche, vous serez accueilli par une équipe extrêmement dynamique et surtout, cohérente. Les partenaires que sont Business France, la Chambre de Commerce franco-autrichienne et les Conseillers du Commerce extérieur se complètent dans leurs missions et travaillent ensemble, en lien également avec l'Ambassade et de nombreux sénateurs. Quel que soit l'organisme auquel vous vous adresserez, vous serez orienté vers les bons partenaires.

Pour comprendre l'Autriche, il faut s'intéresser à son histoire. Le pays a plus souvent proposé des mariages que des guerres pour asseoir son empire, et ce soft power constitue un aspect très important de la culture autrichienne. Les Autrichiens sont accueillants, travailleurs, accordent des relations de confiance indéfectibles : ils offrent donc aux entreprises étrangères un marché extrêmement stable. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Autriche s'est tournée vers les valeurs portées par les Heimatfilme , vers l'écologie, vers le tourisme... mais aussi vers les entreprises familiales ancrées dans les régions.

Les entrepreneurs nouent de véritables partenariats avec les autorités politiques au sein des régions. Dans ce capitalisme paternel, une entreprise s'installant en Autriche sera pleinement intégrée à la vie locale et au cercle de ses acteurs. Cette connaissance des territoires et des personnes est également très importante si vous souhaitez racheter une entreprise locale - une option très intéressante pour conquérir le marché autrichien et accéder à ses marchés d'export.

Pour les entreprises souhaitant exporter ou s'implanter en Autriche, l'anglais est indispensable, l'allemand, essentiel. Je remercie à ce propos Madame Plassnik, qui se bat pour l'apprentissage de la langue allemande en France. Tous les documents commerciaux et techniques doivent donc impérativement être traduits en allemand.

Il est également judicieux d'éviter les comparaisons avec l'Allemagne ou la Suisse. Traiter l'ensemble des actions commerciales et marketing depuis l'Allemagne constituerait une erreur : d'ailleurs, les grands groupes abandonnent désormais cette solution de facilité.

Il faut également éviter de parler des périodes historiques difficiles, qui ont engendré un traumatisme collectif. A l'inverse, la connaissance de l'histoire de la monarchie autrichienne peut constituer un atout. De très bons ouvrages sont disponibles sur la question, ainsi que sur l'histoire des relations franco-autrichiennes. On célèbre d'ailleurs actuellement l'anniversaire du Congrès de Vienne, qui s'est tenu pendant les Cent Jours.

Les Autrichiens sont très fiers de leur passé et de l'Empire austro-hongrois, et je vous invite à vous y intéresser ; en revanche, évitez de susciter des débats politiques dans le monde des affaires, comme cela peut arriver en France. Il est également bienvenu de s'intéresser aux traditions autrichiennes, à la gastronomie. Il faut aborder les Autrichiens avec une certaine délicatesse, sans déployer une machinerie commerciale ostentatoire. Nous sommes perçus comme une grande nation, et il convient de faire preuve d'humilité, de Demut , pour reprendre ce beau mot que les Autrichiens emploient beaucoup. La confiance est importante dans les relations commerciales en Autriche : à l'instar des Japonais qui rachètent des châteaux dans le Bordelais, nous devons rassurer nos interlocuteurs sur notre souci de conserver les valeurs familiales et régionales, en veillant à préserver les emplois et le patrimoine industriel local.

Nous vous encourageons à utiliser les réseaux français et autrichiens, très ouverts aux investissements et aux exportateurs : la WKO ( Wirtschaftskammer Österreich ) ou l' Industriellenvereinigung . Nous vous invitons également à utiliser le programme du VIE (Volontariat International en Entreprise). En effet, il est possible de bénéficier d'un volontaire commercial, même si l'on ne possède pas de filiale en Autriche. Six VIE sont ainsi intégrées au club d'affaires de la CCFA. L'annuaire des membres de la Chambre de commerce peut constituer un autre outil précieux pour se constituer un réseau en Autriche ; enfin, nous organisons de nombreuses manifestations liées à l'économie, avec des hommes politiques ou de grands patrons.

M. Arnaud FLEURY. - L'activité des réseaux professionnels semble très importante en Autriche.

Mme Céline GARAUDY. - En effet. Ces réseaux sont comparables à ceux des grandes écoles en France. Ils organisent de nombreux dîners, des randonnées, des rencontres sportives, qui sont autant d'occasions de faire des affaires.

M. Arnaud FLEURY. - Madame l'Ambassadeur, vous avez souligné le fait que les entreprises autrichiennes ne correspondaient pas à l'idée que l'on se fait d'un pays « provincial ».

Mme Ursula PLASSNIK. - En effet, il existe d'ailleurs en Autriche un risque d'« auto-provincialisation ».

Le pays a connu un passage difficile en 1989, lorsqu'il a dû faire face à une double entrée en compétition : à l'ouest, du fait de sa candidature pour entrer dans l'Union européenne, à l'est, en raison de l'ouverture du Rideau de fer. Les entreprises autrichiennes ont brillamment relevé ces défis, se spécialisant dans les « niches », les industries technologiques et le développement international.

Les mentalités française et autrichienne sont par ailleurs très proches - l'arrogance en moins... Les Autrichiens doivent être fiers de leurs créations, et ne pas laisser leurs enfants ignorer que The Sound of music est à l'origine une oeuvre autrichienne.

M. Arnaud FLEURY. - Monsieur Peter Ernst, vous allez nous parler du cadre réglementaire et social dans lequel s'exerce l'activité commerciale en Autriche.

M. Peter ERNST. - Messieurs les Sénateurs, Madame la Sénatrice, Messieurs, Madame l'Ambassadeur, chers amis et visiteurs, j'aborderai le sujet aride des cadres juridique, fiscal et social de l'Autriche. Tous ces éléments font en effet partie des atouts du pays.

Pour s'implanter en Autriche, il convient tout d'abord d'établir une relation de confiance avec ses interlocuteurs, laquelle passe notamment par la traduction des documents en allemand.

Le format à privilégier est celui de la société à responsabilité limitée (SARL), qui constitue le modèle d'entreprise le plus répandu en Autriche. Néanmoins, ces entités sont souvent beaucoup plus importantes qu'en France, avec des effectifs variant de 200 à 500 personnes. Parmi les 1 000 entreprises les plus importantes en Autriche, 700 sont des SARL.

M. Arnaud FLEURY. - Cette préférence pour le format de la SARL traduit-il une culture du secret ?

M. Peter ERNST. - Non, car les SARL publient leurs comptes.

Il est également possible d'aborder le marché par l'intermédiaire d'un VIE ou d'un bureau de représentation. Les règles locales d'immatriculation ne sont guère contraignantes. On peut enfin créer un établissement stable, soit l'équivalent d'une SARL, le capital et les actes notariés en moins.

La pierre d'achoppement du système pourrait être la patente d'exercice d'activité, qui oblige toutes les entreprises à être membres de la Chambre de commerce autrichienne, la Wirtschaftskammer Österreich (WKO). Cette affiliation garantit que la société exercera l'activité pour laquelle elle a été créée, avec une personne habilitée pour cette mission.

La fiscalité autrichienne est simple. Le taux d'impôt sur les sociétés est de 25 %, sans majoration ou taux spécifiques.

Les frais de représentation ne sont déductibles qu'à hauteur de 50 %, et certaines provisions pour personnel suivent des règles fiscales particulières. Les déficits sont reportables indéfiniment, à hauteur de 75 % d'un bénéfice futur. Le régime mère-fille est également applicable, assorti d'une spécificité : l'exonération des revenus de participation. La cession de titres n'est donc pas imposable.

M. Arnaud FLEURY. - Cette spécificité favorise-t-elle l'implantation d'entreprises en Autriche ?

M. Peter ERNST. - Cette mesure favorise indéniablement les holdings et l'implantation de headquarters .

M. Arnaud FLEURY. - Cette disposition est-elle remise en cause, notamment par l'Europe ?

M. Peter ERNST. - Non, car elle bénéficie à toutes les entreprises, et sa suppression affecterait l'ensemble du tissu économique autrichien.

M. Arnaud FLEURY. - Qu'en est-il de la TVA ?

M. Peter ERNST. - Elle se situe à 20 %, et à 10 % pour la TVA réduite. Seule la TVA sur les véhicules de société n'est pas déductible fiscalement.

Enfin, le partenariat social autrichien et la flexibilité du marché sont à l'origine des bonnes performances du pays en termes de chômage. Le préavis en cas de licenciement est d'un mois pour les employés, de six semaines pour l'employeur (et jusqu'à six mois en fonction de l'ancienneté). Toutes les ruptures s'opèrent de façon conventionnelle, du jour au lendemain. Il s'agit d'un partenariat entre l'employeur et l'employé, sans nécessité d'une « cause réelle et sérieuse ». Le licenciement est motivé, le plus souvent, par une incompatibilité de caractère ou par le fait que l'employeur a trouvé un meilleur profil : la compétence de la personne est rarement en cause. Les indemnités de licenciement sont versées par un fonds de pension.

Par ailleurs, les augmentations de salaire, fruit des accords de branches, sont systématiques en Autriche.

Le coût employeur constitue également un atout : la Sécurité Sociale et les charges représentent environ 30 % du salaire. À partir d'un salaire brut annuel de 65 100 euros, la Sécurité Sociale est plafonnée, ce qui constitue un avantage certain pour les employeurs. Précisons que les salaires sont payés en Autriche sur 14 mensualités, le 13 ème et le 14 ème mois étant imposés au taux de 6 %. L'impôt sur le revenu est fortement progressif en Autriche et le plafond de 50 % du revenu est atteint dès 60 000 euros de revenu net imposable.

M. Arnaud FLEURY. - Merci. Monsieur Philippe Tisseau, vous êtes à la tête d'une petite SARL spécialisée dans la décontamination des sols, travaillant dans 60 pays, et qui a décidé de s'implanter en Autriche.

M. Philippe TISSEAU. - Nous sommes une entreprise de 120 personnes qui vend des biens d'équipement industriel. Basés en région parisienne, nous nous sommes installés il y a deux ans en Autriche. Nous gérions auparavant ce marché depuis l'Allemagne. Or les deux marchés sont très différents, et nous avons commis quelques erreurs en appliquant une stratégie allemande à l'Autriche. Nous avons donc décidé de nous implanter en Autriche et de mieux soigner nos clients au niveau des prestations de services. La CCFA et Business France nous ont mis en contact avec des cabinets de prestations de services pour les formalités administratives, avec des investisseurs et avec de futurs clients.

L'industrie autrichienne est essentiellement basée sur la production de machines-outils, l'industrie chimique et pharmaceutique, la papeterie et les énergies renouvelables. Très innovantes, ces entreprises sont prêtes à payer des prestations à coût élevé, mais exigent des produits aboutis, performants et accompagnés de services associés. On ne vend pas un produit, mais des solutions complètes à une problématique, intégrant jusqu'au service après-vente et la formation du personnel.

M. Arnaud FLEURY. - Dans ces conditions, est-il facile de se faire référencer en Autriche ?

M. Philippe TISSEAU. - L'opération est longue et nécessite le recours aux réseaux : la dimension humaine est en effet très importante dans les relations professionnelles en Autriche. Le contrat que vous signez n'est pas établi avec un partenaire ou une entreprise, mais avec une personne. Quelques années sont nécessaires pour établir une telle relation de confiance.

M. Arnaud FLEURY. - Les Autrichiens sont-ils durs en affaires ?

M. Philippe TISSEAU. - Ils savent ce qu'ils veulent. Le cahier des charges est précis, et les fournisseurs doivent pouvoir répondre aux problèmes qui se posent. Dans ces conditions, les clients autrichiens sont prêts à payer des prestations élevées.

M. Arnaud FLEURY. - Le retour sur investissement peut donc être fructueux.

M. Philippe TISSEAU. - En effet, il peut être fructueux et rapide, du fait de la taille réduite du pays.

M. Arnaud FLEURY. - Tout le spectre industriel est couvert par les entreprises autrichiennes, ce dont on n'a pas conscience en France.

M. Philippe TISSEAU. - Effectivement, l'industrie autrichienne se situe à la pointe de l'innovation dans tous les secteurs d'activité, et les grosses entreprises sont à la recherche de partenaires proposant des produits à forte valeur ajoutée, ce dont on ne semble pas pleinement conscient en France.

Enfin, je recommande le recours aux VIE, qui constituent un moyen pour les entreprises de se développer à l'international à moindre coût, en s'appuyant sur des personnes compétentes.

M. Arnaud FLEURY. - Merci. Monsieur Jean-François Diet, pouvez-vous nous parler de l'activité des Conseillers du Commerce extérieur en Autriche ?

M. Jean-François DIET. - Les Conseillers poursuivent quatre missions. Ils accompagnent leurs partenaires, leur apportent leur connaissance du terrain et leurs contacts. Ils assurent un rôle de formation, au Lycée français, en prépa HEC ou à l'université d'économie de Vienne. On trouve en Autriche des personnes d'une qualité exceptionnelle, parlant un français parfait. Ils travaillent avec les VIE. Enfin, ils font du lobbying auprès des grands acteurs et acheteurs locaux.

M. Arnaud FLEURY. - Le secteur des services offre, lui aussi, de nombreuses possibilités d'implantation en Autriche.

M. Jean-François DIET. - L'Autriche constitue en quelque sorte un hub au coeur de l'Europe centrale. Le pays a conservé de son passé impérial des relations amicales, parfois nostalgiques, avec ses voisins. Par ailleurs, toutes les grandes entreprises autrichiennes se sont tournées vers l'Europe centrale pour dépasser le cadre limité du marché national - c'est le cas notamment dans le secteur des assurances. Enfin, les Autrichiens parlent les langues des pays voisins : le tchèque, le hongrois, le slovaque ou le polonais.

Cette fonction centrale est de plus en plus forte, grâce à la stabilité politique du pays.

M. Arnaud FLEURY. - Comment entrer en relation avec les partenaires locaux ?

M. Jean-François DIET. - Le partenariat est un bel exemple d'implantation. L'achat d'entreprises locales constitue également une très bonne option et les relais présents sauront vous mettre en relation avec les partenaires adéquats. On peut même imaginer travailler sur l'Allemagne à partir de l'Autriche.

M. Arnaud FLEURY. - Madame Winter, pouvez-vous nous faire part de votre expérience en tant que Directrice marché Grande distribution et Industrie chez Worldline ?

Mme Ingrid WINTER. - J'ai quitté l'Autriche en 1989, à une époque où les perspectives économiques se situaient plutôt du côté de l'Europe de l'Ouest. J'ai fait ma carrière en France, excepté deux années passées en Autriche. J'ai alors découvert un pays beaucoup plus ouvert et multiculturel que lorsque je l'avais quitté 25 ans plus tôt.

ATOS développe une activité importante en Autriche et en Europe centrale, du fait du rachat de Siemens Information System. L'Europe centrale, définie au sens large et intégrant la Russie et la Turquie, représente un marché de 320 millions de consommateurs. Dans cette région, les plus petits pays sont aussi les plus riches : l'Autriche, la Slovaquie, la République Tchèque... Les salaires par pays font apparaître des décalages importants. Une implantation en Autriche peut ainsi donner l'opportunité de travailler dans des pays aux salaires peu élevés, comme la Bulgarie ou la Roumanie. Certains de nos data centers sont situés dans ces pays en raison de leur avantage compétitif.

Vouloir traiter avec les pays de l'Europe de l'Est en langue russe serait une grande erreur. Les jeunes générations parlent parfaitement l'anglais, souvent l'allemand ou même le français, comme en Roumanie. Ces pays sont fiers de leur culture, et il faut connaître leurs usages et fonctionnements professionnels, parfois très différents des nôtres.

M. Arnaud FLEURY. - Tout ne peut donc pas être conduit depuis l'Autriche.

Mme Ingrid WINTER. - Exactement.

M. Arnaud FLEURY. - Monsieur Gilles Clouët des Pesruches, vous avez également été en poste en Autriche pour Solocal. Ce pays possède-t-il une expertise dans les TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) ?

M. Gilles CLOUËT des PESRUCHES. - En effet. Solocal, anciennement Pages Jaunes, est le premier acteur sur Internet en France. Le groupe a racheté une startup autrichienne pour environ 15 millions d'euros, et les tractations se sont très bien déroulées. L'Autriche ne représentait que 2 % de notre chiffre d'affaires (dont 50 % était réalisé aux États-Unis). Nous n'étions donc pas tournés vers les pays de l'Est. Nous développions des moteurs de recherche, des outils d' e -réputation pour les hôtels, des créations de sites internet. Tout était créé sur place avec une quarantaine de développeurs, ce qui représente, en Autriche comme en France, une équipe importante.

M. Arnaud FLEURY. - Ces développeurs viennent de toute l'Europe centrale.

M. Gilles CLOUËT des PESRUCHES. - Dix nationalités étaient représentées dans l'équipe. La langue adoptée a d'abord été l'anglais, puis l'allemand. Nous avons en outre recruté quatre VIE, chargés de créer l'interface entre le groupe français et la filiale locale.

D'une manière générale, internet se développe dans tous les pays. L'Autriche ne fait pas exception, possédant même son « serial entrepreneur ». De nombreuses startups autrichiennes représentent de futures opportunités d'implantation en Autriche.

M. Arnaud FLEURY. - Les Français pensent-ils à ces opportunités ?

M. Gilles CLOUËT des PESRUCHES. - Ils peuvent les repérer, car ces sociétés se font connaître par leurs performances. Mon message consiste surtout à dire qu'il est possible de les acheter.

L'Autriche possède par ailleurs de nombreux développeurs très compétents pour produire, mais aussi monter des plateformes internationales pour organiser la sous-traitance ; ce profil est extrêmement difficile à trouver en France.

J'ajouterai que le business est simple et fluide en Autriche, car nos cultures sont proches - il suffit de se défaire de la fameuse arrogance française.

M. Peter ERNST - Je nuancerais : le Français est arrogant, mais l'Autrichien est susceptible... L'un des reproches faits aux Français demeure toutefois celui de la non-fiabilité. Il faut préparer soigneusement son arrivée, en traduisant notamment l'ensemble des documents en allemand. Ensuite seulement, « c'est à la brasserie que l'on fait du commerce », comme dit le proverbe.

M. Arnaud FLEURY. - Les Autrichiens tiennent à travailler en confiance.

M. Peter ERNST - En effet. L'Autriche est un pays germanophone quand on y arrive, slave quand on y vit.

DÉBAT AVEC LA SALLE

De la salle. - Qu'en est-il du temps de travail en Autriche ?

M. Peter ERNST. - Il se situe entre 38,5 et 40 heures par semaine. En province, le travail commence très tôt, à partir de 6 heures 30 ou 7 heures, et les employés quittent leur poste à 15 heures. Le vendredi, les entreprises ferment entre midi et 14 heures.

M. Gilles CLOUËT des PESRUCHES. - Il faut ajouter que les « pauses-déjeuner » sont réduites et que les Autrichiens travaillent de façon rapide et efficace, sans va-et-vient ou revirements inutiles.


Monsieur André Trillard, Président du groupe d'amitié France-Autriche


Vue de la salle


Madame Colette Mélot, Présidente du groupe d'amitié France-Slovénie

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