CONCLUSION DE LA MATINÉE

Mme Nada Al-NASHIF,

Sous-directrice générale pour les sciences sociales et humaines de l'UNESCO

Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Mesdames et Messieurs les invités,

Mesdames et Messieurs les panelistes,

Excellences,

C'est un honneur pour moi d'être ici devant vous pour représenter l'UNESCO et notre directrice générale, Madame Audrey Azoulay, qui tient à saluer les travaux du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens et les minorités au Moyen-Orient.

Nous soutenons la citoyenneté au Moyen-Orient, qui constitue une expression concrète de la solidarité intellectuelle et morale humaine. Cela s'inscrit au coeur du mandat de l'UNESCO. Nous avons une ferme conviction : créer une société citoyenne sera un catalyseur pour renforcer les sociétés et leur résilience.

Après les réflexions très riches de ce matin, je me disais que je pouvais partager avec vous quatre axes de réflexion principaux qui animent les discussions de l'UNESCO et celles d'aujourd'hui.

Il s'agit des droits de l'homme, du rôle de l'éducation, de la promotion de la diversité culturelle et de l'inclusion sociale, en particulier concernant le rôle des jeunes.

Nous pensons que la citoyenneté doit être ancrée dans la protection et le respect des droits de l'homme, ainsi que nous l'avons entendu ce matin. Il ne doit exister aucune tolérance envers la discrimination, l'exclusion ou la marginalisation. De nombreux efforts doivent être réalisés pour soutenir l'intégration.

Il faut aller au-delà du concept de tolérance, et retenir l'empathie, qui me semble plus à propos. Cette approche regroupe la vision du programme de développement durable à l'horizon 2030.

L'agenda 2030 est inclusif. Il s'appuie exclusivement sur les droits de l'Homme et entend promouvoir la justice sociale : plus de 190 chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à ne laisser personne de côté.

Nous avons commencé par la liberté de culte, bien sûr, mais il faut aussi favoriser l'émergence d'une culture citoyenne basée sur le droit. Ceci doit être au coeur de notre action. Nous célébrons justement cette année le 70 e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Nous avons beaucoup entendu parler de ce document, qui souligne la nature des droits de l'homme.

Ce sont des valeurs fondamentales partagées, qui doivent s'appliquer de manière universelle. Il faut bien comprendre la notion de citoyenneté pour développer des programmes éducatifs sur ce sujet.

L'UNESCO se concentre particulièrement sur la justice et la prévention, ainsi que sur la mémoire. Le recours à la pédagogie permet d'acquérir des connaissances et des valeurs afin d'éviter la répétition des tragédies humaines.

Je citerai deux exemples...

Le premier concerne notre projet sur les racines de l'esclavage. Il existe bien sûr des cas de traites humaines et d'esclavage modernes, mais nous sommes revenus aux racines de l'esclavage pour rompre l' omerta et ainsi poser les bases de la paix, de la dignité humaine et de la lutte contre le racisme.

Le second exemple de nos travaux est celui de la lutte contre les violations des droits de l'Homme. Ainsi que cela été dit ce matin, il faut se pencher plus encore sur l'éducation, en particulier l'éducation à la citoyenneté mondiale, ce qui représente un changement de paradigme. Il faut reconnaître la pertinence de l'éducation et de la compréhension mutuelle pour lutter contre les problèmes mondiaux.

L'éducation, cela suppose d'abord de construire des valeurs, de développer des compétences mais aussi une attitude chez ceux qui apprennent, qui peut aider à une transformation sociale positive. C'est ce que disait le Père Jajé à propos des sciences humaines et sociales.

Nous avons rencontré le Premier ministre d'Irak Monsieur al-Abadi en 2015, qui nous a dit qu'il n'y avait pas eu assez d'investissements dans les sciences humaines et sociales dans certaines sociétés. Peut-être a-t-on en effet trop mis l'accent sur les sciences naturelles et les sciences exactes. C'était peut-être une de nos vulnérabilités...

Notre programme d'éducation à la citoyenneté mondiale a pour but de distiller auprès de chacun des valeurs et des comportements responsables pour soutenir la créativité et l'innovation. Depuis des années, nous soutenons l'éducation au sujet de l'holocauste et des génocides de manière générale. Ceci illustre notre engagement en faveur de l'éducation et du devoir de mémoire commun.

Nous avons par ailleurs évoqué l'importance du pluralisme et de la promotion d'un dialogue actif entre les cultures, qui s'appuierait sur le respect mutuel. Ceci est particulièrement important.

Nous avons ici deux pistes d'action, la préservation de la culture et l'action. Ces deux points sont primordiaux. Nous voulons lutter contre la destruction du patrimoine culturel en Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye. Le patrimoine culturel est en effet devenu une cible des conflits. C'est une attaque contre l'identité et le sentiment d'appartenance, mais aussi contre la sécurité humaine.

Nous venons de lancer une initiative importante pour ramener à la vie « l'esprit de Mossoul ». Il s'agit d'un soutien à la renaissance sociale et économique de l'Irak et à la coexistence pacifique qui a toujours existé dans ce pays. Les valeurs de la société inclusive passent par un renforcement du patrimoine culturel.

La compréhension du dialogue interculturel constitue un autre aspect dans ce domaine. Nous sommes les gardiens de la Décennie internationale du rapprochement des cultures des Nations unies, qui représente l'engagement de la communauté internationale envers la diversité, dont la vision est orientée vers l'action.

Chaque année, l'UNESCO présente un rapport annuel lors de l'assemblée générale sur la promotion du dialogue religieux et interculturel. Nous répertorions les initiatives mises en oeuvre, ainsi que les meilleures pratiques pour répondre à certaines évolutions déjà constatées.

Nous devons renforcer les compétences nécessaires à ce dialogue, faire en sorte que des activités pratiques soient menées en la matière. Nous travaillons bien sûr dans le monde entier, et pas seulement au Moyen-Orient.

Nous voulons également saisir ce qu'est la paix dans l'esprit des praticiens, mais aussi des universitaires et des chercheurs. Actuellement, nous publions un livre sur l'évolution du concept de paix au cours des soixante-dix dernières années afin de comprendre le lien entre la paix et les problèmes contemporains et tenter de lutter ainsi contre les menaces à la racine.

Cette culture de la citoyenneté présuppose une participation active de tous les groupes de la société, en particulier des jeunes, et je suis très heureuse de voir que Mme al-Helaissi a mis l'accent sur cet aspect si important du sujet. Ses convictions sont bien à l'image des nôtres.

Nous savons que le développement d'une société dépend du soutien que celle-ci apporte aux jeunes. Les recherches montrent qu'il existe beaucoup d'inégalités horizontales et de besoins sociaux auxquels il n'y a aucune réponse. Or le manque de reconnaissance de cette quête de sens chez les jeunes peut avoir des conséquences désastreuses.

Nous avons besoin d'éducation formelle et informelle pour répondre à ces défaillances et faire en sorte que les jeunes - qui sont plus connectés que jamais et qui sont les utilisateurs les plus actifs des outils informatiques et de l'Internet - s'engagent et s'impliquent afin que nous puissions profiter de leur ouverture d'esprit, comme l'a dit le professeur Messarra, qui a fait allusion à ce propos à ses propres enfants.

Il faut vraiment prendre en compte l'impératif de transformation sociale. Nous travaillons avec les jeunes dans toute la région arabe pour faire en sorte de pouvoir leur offrir une voie, qu'ils puissent participer à la vie de leur pays, qu'il s'agisse des décisions publiques, des médias ou de l'apprentissage de la liberté d'expression, tout en utilisant des moyens de communication modernes.

L'éducation et l'emploi chez les jeunes constituent des domaines cruciaux dont il faut s'occuper.

Pour répondre à toutes ces questions, il convient de trouver un compromis sur le terrain et ramener chacun sous un même spectre.

Au Liban, nous avons ainsi travaillé avec des jeunes sur des questions de gouvernance locale, de participation à la prise de décisions municipales, et nous avons créé un Conseil des jeunes.

En Libye, les jeunes ont été impliqués dans la prise de décisions à propos de la mise en oeuvre de la nouvelle Constitution.

En Palestine, nous avons traité des compétences médiatiques et de la liberté d'expression dans le cadre de campagnes de communication.

C'est un débat extrêmement riche. Nous sommes très heureux d'y participer. Nous sommes toujours prêts à contribuer aux réponses qui sont apportées, qui s'appuient sur les valeurs universelles, telles que les droits de l'Homme, valeurs qui répondent aux aspirations des citoyens arabes et des acteurs de toute la région, en particulier les jeunes femmes et les jeunes hommes, qui ont des capacités que nous devons mettre à profit pour faire avancer la dignité humaine grâce à nos efforts communs.

Je vous remercie.

Troisième table ronde « Justice et réconciliation »

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