Groupe interparlementaire d'amitié

France-Asie du Sud-Est (1 ( * ))

L'ASEAN, un grand marché tourné vers l'innovation

Actes du colloque du 15 juin 2018

Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

Palais du Luxembourg

Salle Clemenceau

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Pôle géographique 2015

Mme Jacky DEROMEDI
Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Asie du Sud-Est

M. Frédéric ROSSI, Directeur général Délégué Export Business France

S.E. M. Zainal Arif MANTAHA
Ambassadeur de la République de Singapour à Paris

S.E. M. Bertrand LORTHOLARY
Ambassadeur de France au Vietnam

De gauche à droite : MM. Etienne RIEUNEAU, Olivier CADIC, Vice-président du groupe interparlementaire d'amitié France-Asie du Sud-Est et de la Délégation sénatoriale aux entreprises, Arnaud FLEURY, Pierre-Antoine DUSOULIER et Adrien LEMOINE

Salle Clemenceau

OUVERTURE

Message de M. Gérard LARCHER,

Président du Sénat

lu par Mme Jacky DEROMEDI, Sénateur représentant les Français établis hors de France, Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Asie du Sud-Est

Le Sénat se félicite d'accueillir cette quatrième rencontre sur les pays de l'Asie du Sud-Est, qui s'inscrit dans le cadre de notre partenariat fructueux avec Business France.

Le précédent colloque, d'avril 2014, consacré à cette région, fut un réel succès, ce qui nous a conduits à organiser cette nouvelle rencontre, en privilégiant cette fois une approche centrée sur l'innovation. Ce choix n'est pas le fruit du hasard. Il s'inscrit en particulier dans le contexte de l'Année de l'Innovation France-Singapour, déclarée conjointement par le Premier ministre de Singapour et le Président de la République française en mars 2017.

Il y a un peu moins d'un mois, se tenait à Paris la troisième édition de Viva Tech, qui rassemble les grands groupes et les start-up autour de l'ensemble des thématiques de l'innovation. La même semaine, un colloque économique visant à développer des coopérations avec une grande start-up nation , Israël, a été organisé au Sénat à l'occasion de la visite en France du Président de la Knesset.

L'innovation est un moteur actif de transformation des économies et des sociétés. Elle contribue à une meilleure compétitivité de l'offre de nos entreprises. C'est ainsi que l'on pourra conquérir de nouveaux marchés, en faisant valoir notre expertise, mais aussi en prenant de vitesse nos principaux compétiteurs dans cette région du monde, tels que la Chine, l'Inde ou le Japon.

La bonne nouvelle est que les entreprises européennes sont attendues sur ces marchés, d'autant que le renoncement des États-Unis au projet d'Accord de partenariat transpacifique a laissé des séquelles, qui sont autant d'opportunités pour l'Union européenne et notre pays.

Il s'agit donc de se montrer audacieux. Avec 620 millions d'habitants, le marché de l'ASEAN est attractif : la création récente de l' ASEAN Economic Community devrait encore doper la production globale de la région, dont la croissance annuelle est estimée à 7 % d'ici 2025.

L'ouverture de cet espace à la libre circulation des marchandises, des services, des investissements et de la main-d'oeuvre qualifiée, ainsi que la plus grande fluidité de circulation des capitaux suscitent un fort intérêt des investisseurs.

Notre Haute Assemblée souhaite relayer ce message auprès de nos entreprises, avec l'appui des groupes d'amitié qui couvrent l'ASEAN : les groupes France-Asie du Sud-Est, France-Cambodge et Laos, France-Indonésie et Timor-Est, et France-Vietnam, dont je souhaite remercier les présidents pour leur implication active.

Mes remerciements s'adressent aussi à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l'organisation de ce colloque, parmi lesquels nos chefs de missions économiques, les représentants de Business France et leurs partenaires.

À tous, je souhaite de fructueux travaux, en espérant que la France prenne toute sa part à l'essor économique de cette région du monde, qui offre de nouvelles opportunités, y compris pour les petites et moyennes entreprises.

Je vous remercie.

Mme Jacky DEROMEDI,

Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Asie du Sud-Est,

Sénateur des Français établis hors de France

Chers Amis,

Je suis heureuse de vous accueillir ce matin, au nom des membres du groupe d'amitié France-Asie du Sud-Est que je préside, pour ce colloque économique consacré aux pays de l'Asie du Sud-Est, pays regroupés sur le plan économique au sein de l'ASEAN, l'Association des Nations du Sud-Est asiatique, et désormais organisée avec l' ASEAN Economic Community .

Je tiens à remercier tout spécialement nos partenaires de Business France, M. Christophe Lecourtier, Directeur Général, M. Arnaud Leretour, Directeur ASEAN et Pacifique, pour leur précieuse collaboration, mon ami Olivier CADIC, Sénateur représentant également les Français de l'étranger, que je remercie tout spécialement de sa présence parmi nous.

L'ASEAN est une zone qui nous tient particulièrement à coeur. Avec les dix pays qui la composent, la France entretient de bonnes relations, sur les plans politique, culturel et commercial.

Nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à cette partie du monde. Ce n'est pas un hasard si de nombreux évènements d'envergure internationale, dans des secteurs très variés, ont eu lieu ou sont programmés en Asie du Sud Est.

Nous savons tous aujourd'hui combien les pays dont il est question présentent un intérêt stratégique et économique majeur.

Cette région connait, en effet, une dynamique exceptionnelle :

- un taux de croissance moyen de 5 % à 6 %, bientôt 7 % peut-être ;

- une démographie en plein essor avec plus de 620 millions d'habitants ;

- et, avec l' ASEAN Economic community , une ouverture croissante des marchés à l'international, même s'il subsiste des barrières non tarifaires aux échanges ou encore des entraves à la libre circulation des services et des travailleurs qualifiés.

L'ASEAN oeuvre actuellement pour la mise en place à l'horizon 2025 d'une Communauté économique, appuyée sur « un marché unique et une base productive intégrée ». Elle est déjà opérationnelle à 90 %.

Ce sont donc vers ces pays que nous devons nous tourner, pour leur proposer notre expertise et y promouvoir nos innovations.

Ayant moi-même fait le choix de m'installer à Singapour il y a trente ans pour y créer mon entreprise, je ne peux que vous encourager à en faire autant ! Il n'y a que des avantages à investir et à s'installer en Asie du Sud-Est, une zone en plein essor, un marché à fort potentiel.

J'observe d'ailleurs avec intérêt affluer dans cette zone les entreprises françaises, qui y sont particulièrement bien accueillies. Les Français y trouvent une seconde patrie, leurs enfants s'y épanouissent dans un environnement bienveillant.

Depuis quelques années maintenant, nos autorités politiques ont compris qu'il n'y a pas que la Chine et le Japon en Asie ! La Communauté économique de l'ASEAN est en train de s'organiser et de devenir le marché d'avenir de ce continent.

À cet égard, je me réjouis de la prochaine venue du Premier ministre de Thaïlande en France, annoncée pour la fin juin. Il devrait rencontrer le Président de la République et signer plusieurs contrats commerciaux importants. En amont de cette visite, notre groupe d'amitié a reçu fin mai une délégation du Parlement thaïlandais qui s'est intéressée à nos industries aéronautique et aérospatiale, et à la Station F qui accueille le Campus des start-up et les acteurs de la French Tech . Le grand programme de modernisation de la Thaïlande offre de belles opportunités pour nos entreprises dans le domaine de l'agriculture et des infrastructures notamment.

En cette Année de l'Innovation France-Singapour, la visite du Premier ministre de Singapour est également annoncée pour la mi-juillet. Autant de signaux positifs et de rencontres qui devraient déboucher sur un environnement encore plus favorable à l'investissement de nos entreprises dans cette région et aux développements de nos échanges commerciaux.

Fin mai, j'ai rencontré le Ministre de la Communication et de l'Information, par ailleurs Ministre en charge des Relations Commerciales de Singapour, M. Iswaran. Voici en substance quel était son message : « Nous avons besoin de l'Europe pour combler le vide laissé par le désengagement progressif des États-Unis. C'est donc le bon moment pour les entreprises européennes de venir en Asie du Sud-Est. » Nous sommes attendus dans ces pays où les perspectives de croissance sont considérables et la main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée !

Votre présence nombreuse témoigne que vous avez bien perçu les belles opportunités qu'offrent ces pays. Le programme qui a été composé par Business France est très opérationnel. Vous pourrez donc glaner ce matin des informations utiles pour aborder ce marché dans les meilleures conditions.

Notre groupe d'amitié interparlementaire France-Asie du Sud-Est, très mobilisé sur le développement de nos coopérations économiques, peut également appuyer vos démarches.

Avant de conclure, permettez-moi de remercier encore une fois tous les partenaires qui nous ont aidés à organiser ce séminaire consacré à l'ASEAN.

À tous, je souhaite de fructueux travaux ce matin et le meilleur succès pour tous vos projets sur ce marché d'avenir.

Nous vous attendons tous en Asie du Sud-Est !

M. Frédéric ROSSI,

Directeur Général Délégué Export Business France

Je voudrais tout d'abord remercier M. le Président du Sénat de nous accueillir aujourd'hui,

Madame la Sénatrice, chère Jacky, merci beaucoup pour ton soutien de toujours aux actions de Business France, non seulement en Asie du Sud-Est, mais aussi partout dans le monde,

Monsieur l'Ambassadeur de Singapour en France, merci pour votre engagement au service des relations franco-singapouriennes, particulièrement dans le secteur de l'innovation,

Monsieur l'Ambassadeur de France au Vietnam, merci d'avoir fait le déplacement spécialement pour ce colloque,

Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprises,

Je ne dirai que quelques mots, car vous êtes là pour écouter des spécialistes de l'Asie du Sud-Est, ce que je ne suis plus depuis deux ans. En effet, après avoir passé huit ans à Manille, à Singapour et autres pays de la zone, je suis maintenant en poste à Paris.

Nous vivons actuellement une période assez paradoxale marquée par de grandes incertitudes en matière d'évolutions du commerce international et du commerce mondial.

Le cercle des pays qui croissent et qui affirment leur adhésion à la liberté des échanges se resserre sensiblement, y compris à nos propres portes.

Dans un tel contexte, l'ASEAN constitue aujourd'hui une zone très ouverte aux échanges, soucieuse de conforter ses liens économiques en particulier avec l'Europe. Il faut s'en féliciter et saisir cette opportunité.

Par ailleurs, l'état d'esprit de la France a changé et s'améliore fortement. Nos entreprises ont confiance. Elles ont restauré leurs marges, redeviennent conquérantes, particulièrement sur les deux fronts de l'innovation et de l'international, qui sont devenus les deux leviers principaux de croissance.

Ces deux phénomènes créent finalement une « envie de France » aujourd'hui palpable, que Business France constate tous les jours, et sur laquelle nous devons évidemment capitaliser.

C'est pour tirer le meilleur parti de cette conjoncture exceptionnelle que le Premier ministre a approuvé, le 23 février dernier, une refonte assez fondamentale de notre service public de soutien au commerce extérieur appelée « Team France », imaginée et proposée par Business France.

Cette réforme est simple : essayer de fédérer dans chaque territoire, en France, et dans chaque pays étranger une sorte de « Team France » export qui met toutes les ressources disponibles, tous les savoir-faire, toutes les bonnes volontés au chevet de chaque PME, de chaque entreprise de taille intermédiaire, exportatrice ou qui souhaite le devenir. Ceci met aussi l'entrepreneur pour la première fois au centre du jeu et vise à lui simplifier la tâche pour qu'il se consacre à l'essentiel : développer son business.

Ce colloque peut être considéré comme l'une des premières étapes de la mise en place de cette réforme ambitieuse. La symbolique du lieu est forte, puisque le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et que nous allons créer ces guichets uniques sous l'égide des régions au plus proche des entrepreneurs. Ils prendront la forme d'équipes communes entre les équipes des chambres de commerce et d'industrie et celles de Business France, qui vont s'installer dans chaque région de France. Ce seront bientôt plus de 300 collaborateurs qui serviront de coach de proximité, de référent export à chaque entreprise française exportatrice ou en phase de le devenir.

Cette Team France mobilise également tous les partenaires essentiels des entreprises à chaque étape de leur développement international, dans un schéma de complémentarité, les ministères et les opérateurs publics, comme la DG Trésor, l'INPI, FranceAgrimer, qui seront présents à ce colloque, mais aussi les partenaires privés, comme le secteur bancaire HSBC, BPIFrance, Fedex, les cabinets d'avocats et Air France, partenaires de longue date de nos événements, sans oublier les conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), à la fois en France et à l'étranger, partout dans la zone ASEAN. Ils interviendront au fil de cette matinée.

Enfin, cette réforme doit également mobiliser les réseaux d'entrepreneurs au service des entrepreneurs, dans ce que les Anglo-Saxons appellent le peer to peer .

C'est pourquoi nous avons invité une dizaine de chefs d'entreprise qui ont « expérimenté » l'ASEAN et qui la vivent au quotidien. Ils parleront de leurs réussites et, parfois, de leurs échecs et, j'en suis sûr, vous donneront envie et vous inspireront pour aller conquérir cette belle région.

Business France est donc aujourd'hui le pivot de cette « Team France » réunie pour vous faire gagner un peu partout à l'international, et particulièrement en ASEAN, cette belle zone de croissance, d'opportunités, d'innovations.

Je vous souhaite un excellent colloque, de fructueux échanges, et surtout des rendez-vous efficaces cet après-midi.

S.E. M. Zainal Arif MANTAHA,

Ambassadeur de la République de Singapour à Paris

C'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous. Je remercie le Sénat et Business France de m'avoir invité à prononcer quelques mots pour l'ouverture de ce colloque.

Je suis également très heureux que l'idée de ce colloque ait été inspirée par l'Année de l'Innovation France-Singapour. Je me souviens très bien, chère Jacky, du dîner auquel participait le Président de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Christian Cambon, au cours duquel l'idée de ce colloque a été évoquée. Je me réjouis que vos efforts pour réaliser cette manifestation aient porté.

Merci également à nos amis de Business France, et tout particulièrement à M. Frédéric Rossi, qui connaît très bien Singapour et l'ASEAN, où il a passé quelques années.

Je salue également l'action de Business France pour promouvoir les entreprises françaises à Singapour et en Asie du Sud-Est.

Je voudrais enfin saisir cette occasion pour exprimer ma gratitude profonde au Président du Sénat, M. Gérard Larcher, qui soutient les relations entre la France et l'ASEAN.

Je me souviens à cette occasion du bel échange entre le Président Larcher et les ambassadeurs des pays de l'ASEAN en France au cours d'un événement organisé par le maire de Croissy-sur-Seine, M. Jean-Roger Davin.

Le Président Larcher nous avait impressionnés par sa connaissance approfondie de l'ASEAN et de son actualité, témoignant ainsi de son soutien à cette zone. Je l'en remercie.

Ainsi que vous l'avez remarqué, les organisateurs de ce colloque ont invité de nombreux intervenants à traiter de différents thèmes. Je n'aborderai pour ma part que deux grands sujets : que représente aujourd'hui l'ASEAN pour la France ? De quelle manière Singapour constitue-t-il un tremplin vers l'ASEAN pour les entreprises françaises ?

S'agissant du premier point, je me contenterai de faire trois brèves remarques.

Tout d'abord, l'ASEAN - qui comprend le Brunei Darussalam, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam - est aujourd'hui une région de plus de 600 millions d'habitants, à des stades variés de développement.

Elle représente un produit intérieur brut (PIB) de 2,5 milliards de dollars, faisant de l'ASEAN la sixième plus grande économie du monde.

Avec un taux de croissance projeté de 5 % à 7 % pour les prochaines années, l'ASEAN devrait devenir le quatrième plus grand marché d'ici 2050, après la Chine, les États-Unis et l'Union européenne.

Sa classe moyenne, jeune et à la croissance rapide, qui devrait être multipliée par quatre entre 2015 et 2030, représente un vivier d'opportunités pour les entreprises françaises. Il s'agit en effet d'une immense zone très en demande de technologies, de services et de biens - vins, fromages, parfums, produits de luxe, avions et trains - qui ont bâti la réputation de la France à l'étranger.

Deuxièmement, fidèle à son engagement, l'ASEAN avance résolument vers l'intégration économique, malgré les incertitudes de l'environnement commercial actuel. La Communauté économique de l'ASEAN est une vision que nous nous sommes fixée pour tendre vers une région économique homogène afin de pouvoir offrir une alternative crédible à ce que les autres grandes économies du monde, comme l'Inde ou la Chine, peuvent proposer.

Troisièmement, l'ASEAN est une région prête à s'ouvrir à de futures opportunités, en particulier dans les domaines de l'innovation et de l'économie numérique. Comme beaucoup d'entre vous le savent, Singapour occupe la présidence de l'ASEAN cette année. À cette occasion, nous avons souhaité mettre à l'honneur les thèmes « résilience » et « innovation ». Nous espérons lancer des projets visant à renforcer la résilience collective de l'ASEAN face aux menaces communes telles que le terrorisme, la cybercriminalité et le changement climatique. Nous souhaitons également promouvoir des programmes destinés à aider les économies de l'ASEAN à innover et à utiliser la technologie, afin de construire une communauté plus dynamique et connectée.

L'urbanisation rapide et les développements industriels de l'ASEAN stimulent la demande de solutions innovantes dans des domaines tels que le commerce électronique, la robotique et l'Internet des objets. Dans ce contexte, Singapour a pris plusieurs initiatives en matière de solutions innovantes pour renforcer leur capacité d'accès et de développement :

- proposition d'un accord de l'ASEAN sur le commerce électronique, visant à renforcer la connectivité numérique pour promouvoir les flux de commerce électronique dans la région ;

- création du Réseau de l'innovation de l'ASEAN pour étoffer les liens entre les écosystèmes d'innovation dans les États membres et susciter de nouvelles collaborations et solutions ;

- enfin, création d'un réseau des villes intelligentes de l'ASEAN pour mettre en synergie les efforts visant à adopter des solutions technologiques et numériques pour résoudre les problèmes de développement urbain et améliorer la qualité et l'accessibilité des services, la qualité de vie, et permettre un développement plus inclusif.

À la lumière des développements en cours au sein de l'ASEAN, les opportunités pour les entreprises françaises sont importantes. Je n'ai aucun doute sur le fait que les interventions qui vont suivre corroboreront cette observation. La France et les entreprises françaises sont déjà bien représentées dans la région. Elles jouissent également d'une bonne réputation en tant que partenaires fiables dotés d'une bonne technologie. Au vu des besoins croissants de l'ASEAN, elles peuvent cependant faire bien plus encore.

Ceci m'amène au deuxième point que je souhaite aborder ce matin : comment Singapour peut-il servir de passerelle à la France pour conquérir les marchés de l'ASEAN ? Je suis convaincu que la France et Singapour peuvent faire plus ensemble, et je vais essayer de l'illustrer en quatre points.

Premièrement, Singapour est au coeur de la croissance dynamique de l'ASEAN, ce qui en fait une excellente base pour les entreprises qui envisagent de s'étendre en Asie. Les marchés les plus intéressants de la région sont accessibles en deux heures de vol au départ de Singapour. Compte tenu de notre proximité, du lien de familiarité et de la connectivité que nous entretenons avec la région, Singapour est le carrefour idéal pour que les entreprises françaises puissent acquérir des connaissances dans la région et tester de nouvelles solutions locales avant de se lancer au niveau régional.

Le gouvernement de Singapour lui-même est le plus important demandeur et consommateur d'innovations. Nous avons, pour les start-up et les entreprises technologiques prometteuses, un programme d'accréditation qui les aidera à établir leurs références auprès du secteur public et des partenaires locaux de Singapour et de l'ASEAN, avant de s'aventurer sur les marchés régionaux en Asie.

Deuxièmement, il existe déjà de solides liens dans les domaines économique et de la recherche et du développement entre la France et Singapour. Environ 1 900 entreprises françaises se sont déjà installées à Singapour. Plusieurs ont établi leur siège régional et y mènent des activités d'innovation et de fabrication pour toute l'Asie, comme Airbus, Thales, Sanofi, Danone, Essilor, Dassault Systèmes, Engie et EDF.

Les start-up françaises ou singapouriennes lancées par des groupes français comme Kpler ou H3 Dynamics commencent également à développer leurs activités depuis leur base à Singapour.

En outre, les principales organisations publiques françaises de recherche, comme le CNRS, le CNES et le CEA, et plusieurs universités françaises, ont établi à Singapour de solides partenariats avec leurs homologues. Les écoles de commerce, comme l'INSEAD ou l'ESSEC, y ont également créé des campus.

Pour insuffler une nouvelle dynamique à nos échanges bilatéraux et renforcer la structure et la pérennité de la connectivité entre nos deux écosystèmes d'innovation, les gouvernements français et singapourien ont baptisé 2018 « Année de l'Innovation France-Singapour ». Les activités menées dans ce cadre permettront non seulement de conforter/renforcer les liens solides existants, mais aussi de sensibiliser à un niveau encore plus élevé sur la possibilité de développer de plus grandes collaborations dans les secteurs de l'innovation entre nos deux pays.

C'est sous l'égide de l'Année de l'Innovation que Singapour a participé pour la première fois au salon Viva Tech à Paris, le mois dernier. La délégation de Singapour était dirigée par le Ministre de la Communication et de l'Information par ailleurs Ministre en charge des Relations commerciales, M. S. Iswaran. Il était accompagné de dirigeants d'organismes publics et d'organisations chargées de promouvoir l'écosystème de start-up et d'innovation de Singapour.

Troisièmement, Singapour est à l'avant-garde de l'innovation dans l'ASEAN et a continué d'approfondir ses liens d'innovation avec la région et au-delà. Nous avons récemment lancé des plateformes Global Innovation Alliance (GIA) à Jakarta et à Bangkok en partenariat avec les acteurs locaux d'innovation, pour aider les start-up et les entreprises singapouriennes ainsi que d'autres fournisseurs et demandeurs d'innovation à accéder aux écosystèmes d'innovation de l'Indonésie et de la Thaïlande, et aux partenaires et clients potentiels de ces pays, tant dans le secteur public que privé. Les entreprises françaises et les centres de recherche peuvent travailler avec les partenaires de Singapour pour exploiter les liens et les connexions avec les marchés de l'ASEAN, y compris ceux établis par le biais de nos plateformes et réseaux GIA.

Quatrièmement, les entreprises européennes basées à Singapour pourront bientôt bénéficier de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et Singapour (EUSFTA) qui leur permettra d'exploiter le marché croissant et de plus en plus intégré de l'ASEAN.

Outre l'élimination des droits de douane et des barrières non tarifaires, l'EUSFTA ouvrira les marchés des services et des investissements de manière globale, assurera une protection de haut niveau des droits de propriété intellectuelle et permettra un meilleur accès aux marchés publics. En tant que premier accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et un pays de l'ASEAN, l'EUSFTA servira également de pierre angulaire à un éventuel accord entre l'Union européenne et l'ASEAN.

Nous attendons avec impatience son entrée en vigueur afin que les entreprises singapouriennes et européennes puissent profiter de ses avantages au plus vite.

J'espère que mes brèves remarques pourront susciter des discussions autour de ce que la France et l'ASEAN - et Singapour en particulier - peuvent faire ensemble, sur la base de l'intérêt et du bénéfice mutuels.

Je suis impatient d'assister à la suite des discussions.

S.E. M. Bertrand LORTHOLARY,

Ambassadeur de France au Vietnam

Madame la Sénatrice,

Monsieur l'Ambassadeur,

Chers Amis,

Je suis venu ce matin apporter le témoignage d'une « équipe France » de la région, en l'occurrence celle du Vietnam, pays qui comprend 95 des 620 millions d'habitants de la région, et vous délivrer quatre messages.

Premièrement, l'ASEAN, dans son ensemble, est une zone en profonde et très rapide transformation. C'est une région d'intérêt stratégique et économique majeur pour la France, avec laquelle les échanges politiques se multiplient.

Vous avez rappelé, Madame la Sénatrice, les échéances qui nous attendent avec la Thaïlande et Singapour. On peut également souligner que le numéro un du régime vietnamien, le Secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, était à Paris au mois de mars, et que le Président de République française a annoncé à cette occasion qu'il se rentrait à son tour dans la région l'année prochaine, et plus particulièrement au Vietnam.

Cette rapide transformation, je vous la livre à travers l'exemple vietnamien, pays qui a rejoint à marche forcée le groupe des économies à revenus intermédiaires. Ce pays a été ruiné par 30 ans de guerres et a, au milieu des années 1980, décidé de changer profondément sa relation avec son environnement. Il a lancé ses réformes en 1986, a adhéré à l'ASEAN en 1995 et à l'OMC en 2007. En 2018, il fait partie des pays signataires de l'Accord de partenariat transpacifique (TPP 11). Un accord de libre-échange entre le Vietnam et l'Europe entrera bientôt en vigueur. Ce sera, après celui dont parlait M. l'Ambassadeur de Singapour en France, le deuxième accord conclu entre l'Union européenne et un pays de l'ASEAN. Cet accord sera signé avant la fin de l'année, et nous en espérons la ratification dans les plus brefs délais. Il sera l'occasion pour nos entreprises de bénéficier plus largement d'un accès au marché vietnamien.

Deuxièmement, au-delà des avantages commerciaux, l'ASEAN, dans son ensemble, est une région majeure d'investissements directs, et le Vietnam ne fait pas exception. En effet, 70 % des exportations vietnamiennes sont le fruit d'investissements étrangers.

Pour ne prendre qu'un exemple, Samsung, entreprise coréenne, représente à elle seule 25 % des exportations du Vietnam vers le reste du monde.

La France n'est pas en reste dans ce paysage. Nous avons aujourd'hui environ 300 implantations d'entreprises françaises et, au-delà de ce chiffre, un renforcement extrêmement rapide de l'intérêt et de la présence de nos entreprises sur le marché vietnamien, également considéré comme une porte d'entrée pour l'ensemble du marché de l'ASEAN.

Troisièmement, la croissance de l'économie dans la région conduit au développement de classe moyenne dans un certain nombre de pays de la zone, en particulier le Vietnam et le Cambodge. Ils seront bientôt rejoints par la Birmanie. Ceci constitue autant d'opportunités pour nos entreprises, autant de débouchés dans les infrastructures dont la région a un besoin criant - transports aériens et urbains, tourisme, santé, biens de consommation, élevage, équipements agricoles, vins et spiritueux, charcuterie, biens de luxe, services. De ce point de vue, le Vietnam se développe très rapidement dans le domaine de l'innovation.

Quatrièmement, la France, dans ce paysage, a une vraie carte à jouer dans la région. Elle y développe des partenariats d'envergure internationale avec un certain nombre de grands groupes. Pour ce qui concerne le Vietnam, je mentionnerai l'accord entre Airbus et FPT, le géant des télécommunications privées vietnamiennes.

Les plus petites entreprises y chassent en meute avec succès, et nous les aidons au maximum à travers des initiatives comme la French Tech Viet , premier réseau labellisé French Tech dans l'ensemble de l'ASEAN, ou le Club Santé Vietnam, qui a ouvert ses portes en janvier dernier.

Permettez-moi de conclure en disant que nous sommes étroitement associés et que vous pouvez compter sur l'appui de l'ensemble de l'équipe de l'Ambassade de France au Vietnam et sur moi-même.


* (1) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Asie du Sud-Est : Mme Jacky Deromedi, Présidente , et Présidente déléguée pour Singapour, M. Gérard Cornu, Président délégué pour la Thaïlande, M. Marc-Philippe Daubresse, Président délégué pour Brunei, M. Jérôme Durain, Président délégué pour le Bangladesh, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, Présidente déléguée pour la Birmanie, M. Jean-Michel Houllegatte, Président délégué pour la Malaisie, M. Simon Sutour, Président délégué pour les Philippines, M. Olivier Cadic, Vice-président, M. Pierre-Yves Collombat, Vice-président, M. Christophe-André Frassa, Vice-président, Mme Nathalie Goulet, Vice-présidente, Mme Élisabeth Lamure, Vice-présidente, M. Alain Marc, Vice-président, M. Philippe Mouiller, Vice-président, M. Alain Richard, Vice-président, Mme Catherine di Folco, Secrétaire, Mme Vivette Lopez, Secrétaire, M. Pascal Allizard, Mme Esther Benbassa, M. Édouard Courtial, Mme Catherine Dumas, M. Rémi Féraud, M. André Gattolin, M. Jacques Genest, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, M. Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, Mme Claudine Kauffmann, M. Guy-Dominique Kennel, M. Robert Laufoaulu, M. Ronan Le Gleut, M. Jacques Le Nay, M. Hervé Maurey, Mme Marie Mercier, Mme Patricia Morhet-Richaud, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jackie Pierre, M. Michel Raison, M. Claude Raynal, M. René-Paul Savary.

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N° GA 151 - Juillet 2018

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