II. LA CONSOLIDATION DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE FRANÇAISE EN ARMÉNIE

Depuis 2011, les actions conduites par les collectivités françaises avec leurs partenaires arméniennes se caractérisent par une structuration renforcée, un nombre croissant de projets coordonnés et des interventions plus ciblées dans des secteurs accompagnant l'évolution de ce pays ou riches de potentialités. Les contributions des collectivités illustrent ces tendances.

A. LA CONFIRMATION DES PRINCIPES IDENTIFIÉS EN 2011

La mise en oeuvre des projets de coopération conduits depuis un quart de siècle, pour les plus anciens, permet de recenser les conditions de leur réussite et les erreurs à éviter.

Les éléments recueillis au cours des derniers mois auprès des collectivités françaises intervenant en Arménie attestent de la justesse des constats réalisés, il y a neuf ans, à la lueur des contributions précédentes.

1. L'inscription dans la durée, facteur de succès de la coopération

Les actions de coopération décentralisée doivent s'inscrire dans la durée. Cela permet de participer à des projets raisonnés et de surmonter certains aléas inhérents à leur nature : personnalisation de l'initiative et de la conduite des interventions, évolutions politiques... Ces coopérations sont souvent d'abord portées par l'engagement de quelques personnes dans les collectivités partenaires et dépendent donc de leur maintien. Les alternances à la tête des exécutifs et les changements d'équipes sont un élément de fragilité au gré des scrutins électoraux ou d'autres circonstances. C'est pourquoi, plus le projet est enraciné et partagé, plus il a de chance de « survivre » aux évolutions politiques.

La personnalisation des relations est certes indispensable au succès des coopérations car l'établissement de contacts directs simplifie les relations, la compréhension mutuelle des besoins et des contraintes de chacun, ainsi que la résolution des difficultés éventuelles. Mais elle ne peut réellement bénéficier au projet que si elle est confortée par la perception des objectifs et des résultats qui peuvent en être attendus, ce qui implique le sérieux de sa programmation et de sa réalisation dans un dialogue constant entre les partenaires. N'oublions pas non plus l'adhésion et le soutien de la population, qui devraient constituer un puissant facteur d'encouragement.

Le programme de coopération conduit depuis 2009 avec la province du Tavouch par le département des Hauts-de-Seine, sous l'impulsion de son ancien président, Patrick Devedjian, tout comme les actions conduites à Talin depuis une quinzaine d'années par les maires successifs de Bourg-lès-Valence, au premier chef desquels notre regretté collègue Bernard Piras, sont des exemples, dans des cadres différents, de longévité des coopérations décentralisées.

2. La cohérence des actions, vecteur de résultat

Selon les éléments transmis au groupe d'amitié par les collectivités, les coordinations des actions revêtent plusieurs aspects , ceux-ci pouvant se recouper au sein des coopérations.

a) La mutualisation des programmes

La mutualisation constitue la forme la plus achevée de la coordination.

À ce titre, il convient de rappeler le programme mutualisé IRAPA (Inter-coopération de collectivités rhônalpines pour l'Arménie), initié en 2007, par le département de l'Isère (qui avait développé dès 2004 un partenariat) et les communes de Grenoble, Romans-sur-Isère et Vienne. Leurs partenaires arméniens sont respectivement la préfecture de Guégharkunik, les villes de Sevan, Vardenis et Goris. Des coopérations ont été développées dans quatre domaines : services publics locaux, tourisme durable, francophonie et culture. Comme le précise la ville de Vienne (cf. infra sa contribution), cette entente a permis une connaissance mutuelle des activités de chacun à même d'éviter les interventions concurrentes, par nature potentiellement inefficaces, et a impulsé la conduite d'actions coordonnées, forcément productives, dans le domaine du tourisme.

Ce programme bénéficie de financements du MEAE dans le cadre des appels à projet en soutien à la coopération décentralisée.

Ces coopérations coordonnées sont encouragées par l'État. Lors de sa rencontre avec les membres du groupe d'amitié, le 19 février 2020, Mme Christine Moro, déléguée à l'action extérieure des collectivités territoriales, a exposé le rôle et l'action de la Délégation, les outils à la disposition des collectivités territoriales (portail de la coopération décentralisée , assises, ressources documentaires), les relations avec les associations d'élus locaux, ainsi que la mise en place de réseaux regroupant les collectivités et les acteurs de la société civile telles les chambres de commerce et d'industrie.

De son côté, la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) a pour mission d'informer et, depuis la loi du 7 juillet 2014, de coordonner les actions entre l'État et les collectivités territoriales et entre celles-ci. Les collectivités territoriales doivent lui transmettre les informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions ainsi que l'avait souhaité le Sénat, à l'initiative de ses rapporteurs ( cf . article L. 1115-6 du CGCT).

b) La convergence des actions

La participation des acteurs concourant à un objectif commun permet de renforcer le programme et d'en démultiplier les effets.

L'université française en Arménie (UFAR) est un exemple de concentration des interventions complémentaires de plusieurs collectivités .

Créée en application d'un accord de coopération signé en 1995 entre les gouvernements français et arménien, elle est le fruit d'un partenariat entre le MEAE, la chambre de commerce et d'industrie de Lyon et l'université Jean Moulin Lyon-III. Depuis plus de dix ans, tandis que la ville et la Métropole de Lyon soutiennent le partenariat entre les deux universités, la région Auvergne-Rhône-Alpes a renouvelé son engagement par un soutien financier à l'investissement sur le triennat 2020-2022. Plusieurs collectivités financent des stages en entreprise pour ses étudiants : la région, Lyon, Marseille, Nice, Bourg-lès-Valence dans le cadre de son jumelage avec la ville de Talin... Clamart, pour sa part, accueille depuis deux ans des stagiaires de l'UFAR dans les services de la mairie.

c) La coordination interne des programmes

Certaines coopérations sont conçues dans une perspective globale, appréhendant les divers aspects de leur développement.

Modèle de programme intégré, la coopération alto-séquanaise en est une illustration : le département des Hauts-de-Seine finance depuis 2009, dans une région frontalière enclavée du Nord-Est de l'Arménie, le Tavouch, un programme de développement agropastoral, de la production à la commercialisation, destiné à limiter l'exode rural. À cette fin, les divers éléments indispensables pour inciter les populations à demeurer dans leur région sont pris en compte : l'amélioration du cadre de vie (infrastructures, éducation, santé, services publics de base...), le développement de l'activité économique par la création d'une filière de produits laitiers de qualité (renouvellement du cheptel, création de micro-fermes villageoises...) et d'un appui à la production agricole (canaux d'irrigation, fourniture de plants et semences), et le renforcement des compétences techniques et de gestion par la formation des professionnels arméniens, à laquelle participent des experts français.

Avec l'appui de Cités Unies France, Clamart élabore depuis avril 2019 un projet portant sur le développement durable et la gestion des déchets qui doit permettre de former des jeunes sur le thème de l'environnement tout en soutenant l'apprentissage du français.

3. Les difficultés rencontrées

L'absence d'interlocuteur arménien, tant aux niveaux politique que technique, constitue une importante difficulté, la ville de Romans-sur-Isère indiquant à cet égard que le suivi des actions mises en place a été interrompu durant tout le temps qu'a duré cette vacance.

De même, la réalisation des projets est mise à mal par les changements politiques à la tête des exécutifs locaux, davantage encore quand ils s'accélèrent dans le temps.

Les coopérations peuvent souffrir d'une insuffisance en moyens humains, de la difficulté ressentie par les partenaires arméniens à s'adapter aux évolutions projetées, ou encore à des retards dans la formation professionnelle. Les Hauts-de-Seine ont rencontré ces difficultés techniques.

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