II. UN SIGNAL FORT DE LA FRANCE QUI DOIT DÉBOUCHER SUR UN PARTENARAIT ÉCONOMIQUE

Le groupe interparlementaire d'amitié France-Yémen notait dans son rapport de juin 2001 que les relations politiques cordiales qui lient la France et le Yémen étaient « en attente d'une concrétisation sur le plan économique ». Il s'étonnait que « la coopération entre les deux pays ne soit pas davantage développée ». Il terminait son rapport par cette phrase « A la France maintenant de faire une partie du chemin à ses côtés, de mettre sa coopération en mouvement, pour que les fragilités du pays le plus pauvre et le plus peuplé de la péninsule arabique ne brisent pas les volontés de changement de tout un peuple, aspirant aujourd'hui à davantage de liberté et de prospérité . »

A. LA DÉCISION TANT ATTENDUE DE L'INCLUSION DANS LA ZSP...

Le 5 avril 2001, le Président du groupe interparlementaire d'amitié interpellait par une question écrite le ministre des affaires étrangères sur le classement du Yémen en zone de solidarité prioritaire :

« M. André Ferrand attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation de la république du Yémen au regard de la zone de solidarité prioritaire (ZSP). Le Yémen avec un PIB de 360 dollars par habitant, est le seul pays moins avancé (PMA) du monde arabe. Il constitue un des rares PMA au monde, à la situation politique stable, à ne pas être classé en ZSP. Il rappelle que l'Allemagne a pour sa part classé le Yémen en ODA (öffentliche Entwicklungszusammenarbeit, 58 millions de marks en 1999) et que les Pays-Bas font bénéficier ce pays de leur programme ORET/MILIEV, alors même que Pays-Bas et Allemagne entretiennent avec le Yémen des relations politiques moins privilégiées que la France. Il souligne la nécessité d'une cohérence régionale dans l'aide au développement français : le Yémen entretient des relations anciennes et étroites avec la Corne de l'Afrique, Ethiopie, Erythrée et surtout Djibouti, tous trois classés en zone de solidarité prioritaire. Cette cohérence régionale, à l'échelle de la ZSP, est d'autant plus souhaitable que le Yémen ne fait pas partie du conseil de coopération du Golfe et n'est pas éligible au programme de la commission européenne MEDA. Il insiste de plus sur la position géostratégique importante du Yémen, entre Péninsule arabique et Corne de l'Afrique, entre mer Rouge et océan Indien. Il lui demande dès lors, au regard de la situation socio-économique du pays et de la cohérence régionale, quelles pourraient être les possibilités d'un classement de la république du Yémen en ZSP lors du prochain comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID). »

En novembre 2001, M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération, se rendait au Yémen : il s'agissait de la première visite d'un ministre français depuis 1998.

Le 11 février 2002, avant la tenue du Comité interministériel de coopération internationale et de développement (CICID), le groupe interparlementaire d'amitié envoyait un courrier au ministre de l'économie et des finances lui présentant l'intérêt d'inclure le Yémen dans la zone de solidarité prioritaire française.

Le 14 février 2002, le CICID, présidé par le Premier ministre, prenait la décision d'inclure le Yémen dans la ZSP, le ministre délégué à la coopération Charles Josselin faisant valoir que le Yémen était le seul pays pauvre des pays arabes, la seule République de la péninsule arabique et mettant l'accent sur la volonté de ce pays de lutter contre le terrorisme.

1. L'inclusion dans la ZSP...

L'entrée du Yémen dans la ZSP a ouvert au pays l'accès aux crédits de développement à travers la possibilité de bénéficier du fonds de solidarité prioritaire (FSP) et de l'intervention de l'agence française du développement (AFD). Cette décision, qui était très attendue les yéménites, se soldera sur le moyen terme par une reprise substantielle de l'aide de la France, amoindrie depuis l'exécution des derniers protocoles financiers signés en 1996.

Une délégation de la direction générale de la Coopération internationale et du développement (DGCID) s'est rendue au Yémen du 17 au 23 mars 2002 pour établir un programme de coopération avec le pays. Un premier projet axé sur le développement rural a été esquissé.

2. Doit maintenant déboucher sur des résultats concrets

Cette mission a relevé que l'intervention de la France pourrait privilégier une approche transversale de développement au profit de populations ciblées (petits éleveurs, coopératives...), intégrant des actions de formation, de recherche, d'éducation, de formation supérieure de longue ou de courte durée, de santé, voire de promotion de l'artisanat et du patrimoine rural.

Parmi les priorités publiques du Yémen, le développement rural apparaît comme un enjeu majeur : 75 % pour cent de la population yéménite est rurale. Une coopération française dans le développement rural permettrait de renforcer la coopération déjà mise en oeuvre par les partenaires européens.

Les enjeux du développement rural

Avec 19,5 millions d'habitants et un taux de croissance de 3,5 %, le pays se caractérise par 27 % de personnes en permanence en dessous du seuil de pauvreté, 30 % en dessous du seuil de précarité et 37 % de sous-alimentés. L'agriculture occupe 58 % d'une population qui devrait doubler à l'horizon 2020. Dans l'économie du Yémen, l'élevage qui repose quasiment en totalité sur les femmes, représente 21,5 % de la production agricole. Il reste traditionnel et constitue parfois l'essentiel du capital d'une famille.

Le pays compte de 4,7 millions de moutons, 4,2 millions de chèvres, 1,3 millions de bovins et 185.000 chameaux. Cela se traduit, notamment, par l'existence d'importants marchés locaux comme Al Hussainya et Al Marawa'a. On notera, de plus, que le Yémen compte 6 marchés agricoles de gros (Sanaa, Taez, Hodieda, Ibb, Hadhramout et Aden).

L'épidémie de fièvre de la vallée du Rift qui a sévi, ces dernières années, au Yémen a montré l'importance des services vétérinaires et des actions d'amélioration de la santé animale, dans un pays où de nombreux animaux transitent, notamment vers l'Arabie Saoudite et le sultanat d'Oman. L'enjeu est important pour le pays qui risque de perdre sa position dominante, au profit de l'Australie devenue très agressive sur le marché régional.

En matière de sécurité alimentaire, le Yémen importe les 2/3 des produits de base nécessaires à l'alimentation de sa population, tels que les céréales, le riz, le sucre, la viande, les dattes, l'huile végétale et le lait. La production locale ne représente ainsi, que 7 % pour le blé, 42 % pour l'orge et 68 % pour la viande rouge, par rapport à la consommation.

L'élevage (filières viandes ovine, bovine et caprine) peut constituer une première priorité de la coopération avec le Yémen.

Le programme de développement rural

Zones d'intervention

Géographiquement, le futur programme interviendra dans trois régions caractérisées par des systèmes de production représentatifs du pays :

Côte ouest (Tihama) avec fermes d'élevage

Régions est (Hadhramout) avec agro-pastoralisme

Régions de montagnes (Dhamar par exemple) avec systèmes mixtes de parcours et de fermes d'élevage.

Bénéficiaires

En matière d'élevage, les bénéficiaires se situeront, notamment, au niveau de la production (groupements de petits éleveurs), de la transformation et de la valorisation des produits de l'élevage (coopératives, centres ruraux de formation et de vulgarisation).

La démarche impliquera, au niveau local :

les groupements de petits producteurs (essentiellement les femmes) ;

les coopératives d'élevage ;

les marchés locaux ;

les directions régionales de l'élevage (contrôle vétérinaire, vaccination) et de la recherche et de la vulgarisation ;

les vétérinaires privés ;

les centres ruraux de formation.

Résultats attendus

En matière d'élevage, les résultats attendus du programme seront d'améliorer durablement la productivité, la qualité, la gestion des exploitations, des parcours et des ressources, ainsi que de valoriser les produits de l'élevage sur les marchés locaux, nationaux et régionaux.

Activités du programme

En matière d'élevage, le programme nécessitera notamment des actions :

de renforcement de l'appui technique ;

d'épidémio-surveillance, de contrôle sanitaire et d'amélioration de la santé animale ;

de mise en place de normes, de cahiers des charges pour l'amélioration de la qualité ;

de formation de formateurs et de techniciens ;

de recherche appliquée répondant aux besoins exprimés par les bénéficiaires ;

d'introduction d'intrants et de techniques innovantes, notamment en matière d'alimentation animale et d'amélioration génétique ;

de suivi de la filière et des marchés.

A ce vaste programme de coopération dans le domaine du développement rural pourraient s'ajouter dans le domaine de l'éducation, de la culture et du patrimoine.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, la partie yéménite (université de Sanaa, centre yéménite d'études et de recherches (C.Y.E.R.) s'est exprime clairement au sujet des secteurs au sujet desquels elle accorde une priorité : agronomie, médecine, ingénierie, enseignement du français. Dans le domaine de la santé, les yéménites plaident pour un renforcement de la coopération avec le CHU de Sanaa (appelé communément hôpital du Koweit du nom de ses premiers financiers), siège d'une coopération ancienne et réussie avec la France.

En ce qui concerne les sciences sociales, le Yémen insiste sur l'importance toute particulière que revêt aujourd'hui le dialogue de la civilisations et souhaite renforcer la coopération par l'organisation de colloques binationaux, le renforcement des bourses et stages de courte et longue durée en langue française, l'informatique, la formation à l'édition scientifique, l'envoi systématique d'ouvrages et revues scientifiques françaises traduites en arabe...

En ce qui concerne la préservation du patrimoine yéménite, le Yémen propose que les projets de restauration de monuments historiques puissent permettre ensuite l'affectation de ceux-ci à des usages administratifs (siège du service des antiquités...), culturels (musées...) ou commerciaux (souqs du café et des épices...).

Enfin, la formation spécialisée de magistrats correspond à une demande yéménite.

La commission mixte de coopération franco-yéménite du 7 novembre 2002 devrait entériner ces premières orientations. Les yéménites fondent dans la mise en place d'un premier fonds de solidarité prioritaire beaucoup d'espoirs. Il ne faudrait pas que les lenteurs dans la mise en place des projets ne suscitent de leur part des désillusions.

Une information pédagogique sur la zone de solidarité prioritaire, le fonds de solidarité prioritaire et les modalités de fonctionnement et d'organisation de la coopération française semblent s'avérer à ce stade nécessaire : pour que les appels à projet s'avèrent efficaces, il convient que les yéménites soient pleinement conscients des outils mis en oeuvre dans le cadre de la ZSP.

Le sommet des pays donateurs en faveur du Yémen qui s'est tenue à Paris le 16 et 17 octobre 2002 a permis au ministère des affaires étrangères et de la coopération de rappeler les significations et implications de la décision de la France d'inclure le Yémen dans la ZSP. En la matière, seuls les résultats concrets issus de cette décision seront pris en compte.

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