I. QUEL DESTIN POUR L'ETAT COMMUN PARRAINE PAR LA DIPLOMATIE EUROPEENNE  ?

A- L'ETAT COMMUN : PROJET DURABLE OU COMPROMIS ?

1. MOTIVATIONS EUROPÉENNES

L'accord de Belgrade du 14 mars 2002, conclu sous les auspices de l'Union Européenne, prévoit le remplacement de la République Fédérale de Yougoslavie, réduite à un binôme Serbie-Monténégro, par un Etat Commun, garant de l'autonomie de chacun des membres et interlocuteur privilégié en vue dans un premier temps de la signature d'un Accord de Stabilisation et d'Association, prélude à l'intégration européenne. La communauté d'Etats est instaurée pour trois ans.

La présence du Haut Représentant de l'Union Européenne pour la Politique Etrangère et de Sécurité Commune à la signature de l'accord révèle le souci constant de l'Union Européenne de conserver une structure commune aux deux anciennes Républiques yougoslaves. Moins de deux ans après la chute de Slobodan MILOSEVIC, l'Etat commun devait permettre de stabiliser la démocratie et d'assurer le respect des droits de l'homme. Conçue comme un laboratoire de l'intégration européenne, l'Union d'Etats vise également à l'établissement d'une économie de marché et d'une zone de libre-échange entre les deux Républiques ainsi que l'harmonisation des législations avec les normes européennes.

En bridant, dans ce nouveau cadre, les aspirations indépendantistes du gouvernement monténégrin, clairement exprimées depuis 1997 au travers d'une économie et d'une diplomatie propres, l'Union Européenne cherche également à maintenir une certaine stabilité dans la région, la scission avec la Serbie pouvant réveiller d'autres séparatismes en Macédoine, Bosnie-Herzégovine ou dans la vallée serbe de Presevo à majorité albanaise. La reconnaissance de l'indépendance monténégrine avait pu apparaître en outre comme un signal donné aux séparatistes albanais au Kosovo, fragilisant l'action conciliatrice des Nations-Unies sur place.

Si l'accord sur les principes d'une Communauté d'Etats assigne à la nouvelle entité des objectifs économiques clairs et un programme à moyen terme, il ouvre également le droit à la sécession unilatérale d'une de ces composantes trois ans après l'adoption de la Charte constitutionnelle commune (clause dite de réexamen). La construction de l'Etat Commun s'effectue donc sur la base de cette contradiction, qui lui confère un caractère relativement précaire. Son fonctionnement dépend de fait du bon vouloir monténégrin et de son souhait de s'impliquer dans un processus qu'il peut remettre en cause au bout de 36 mois. L'extraordinaire fragilité d'un tel dispositif semble démontrer que la sécurité régionale est apparue comme le principal objectif de l'Union Européenne, la mise en place de l'Etat Commun permettant en effet de différer la problématique monténégrine, après règlement des questions kosovare et dans une moindre mesure macédonienne.

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