XVIIIème Assemblée régionale Europe
(Monaco, 19 - 22 octobre 2005)

Rapport d'étape présenté par M. Georges Fenech, député :
«Les organisations et associations oeuvrant à la promotion de la Francophonie en Europe : différence et complémentarité »

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Préambule

Le projet de rapport soumis par la section française de l'APF à la Conférence des Présidents de la Région Europe qui s'est réunie à Skopje les 27 et 28 avril derniers était à la fois vaste et ambitieux. L'objet ne s'en limitait pas en effet à dresser une liste descriptive des "organisations et associations oeuvrant à la promotion de la francophonie en Europe" , mais plutôt de tenter d'analyser les interactions qui s'établissent entre ces différents organismes, de manière à faire apparaître les synergies qui peuvent, ou, le cas échéant, devraient, les rassembler dans un objectif commun.

Le temps limité dont j'ai disposé (qui de surcroît a correspondu à la période estivale) ne m'a pas permis de mener à son terme le programme d'entretiens, de consultations, voire de visites sur le terrain, qu'une telle étude aurait de toute évidence nécessité. Probablement pour la même raison, je n'ai reçu qu'un très petit nombre de réponses au questionnaire que j'avais adressé à l'ensemble des sections européennes de l'APF, et qui m'auraient été précieuses pour la préparation de ce travail.

En conséquence, le présent document doit être considéré comme un rapport d'étape, que je me propose de compléter dans la perspective de vous présenter un rapport définitif lors de la prochaine assemblée générale de Région Europe, en 2006.

Enfin, ultime précision que je souhaitais apporter en préambule, j'ai fait le choix de concentrer mon étude sur les organismes multilatéraux de la francophonie, notamment des instances et des opérateurs de l'OIF, et le tissu associatif qui concourt à la promotion de la francophonie en Europe. Le réseau de coopération linguistique et culturelle bilatérale (pour ce qui est de la France, il s'agit notamment des Centres culturels, des Instituts français et de l'Alliance française), dont le rôle est certes considérable, mériterait une étude distincte. En France, ce dispositif fait l'objet d'évaluations régulières, notamment par le biais de rapports parlementaires lors de l'examen du budget.

I - L'action de l'OIF en Europe

L'OIF mène des actions spécifiques en Europe par le biais de ses opérateurs, dont les principaux sont l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF).

1/ L'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF)

Rappelons que l'Agence de coopération culturelle et technique, rebaptisée Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) en 1999, a été créée le 20 mars 1970, par la signature de la Convention de Niamey. Regroupant 50 Etats et gouvernements répartis sur les cinq continents, elle développe des programmes de coopération dans les domaines de l'éducation, de la culture, des médias, de l'économie et de la bonne gouvernance. De par son caractère généraliste, elle détient le statut d'"opérateur principal" de la Francophonie. Son siège est établi à Paris.

Même s'il convient de rester prudent dans l'analyse, qui devra être approfondie dans la perspective du rapport définitif, il semble que l'Europe ne constitue pas la zone d'intervention prioritaire de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie. Si son Bureau de liaison basé à Bruxelles, établi en 1994, lui permet effectivement de promouvoir les intérêts de la Francophonie auprès des institutions communautaires, elle a en revanche quelque peu tardé à entamer des actions spécifiques en faveur des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) après la chute des régimes communistes, et l'adhésion officielle de ces pays à l'Organisation internationale de la Francophonie.

En effet dès son origine, en 1970, sous l'appellation d'Agence de Coopération culturelle et technique, l'AIF a été marquée par un fort tropisme Nord/Sud. Il est d'ailleurs surprenant de constater que, sur la page de présentation de son site Internet, elle expose toujours "sa principale mission" comme celle "d'agir pour que les pays du Sud acquièrent les moyens de maîtriser le processus de leur développement et arrivent à générer leur propre dynamique par un développement humain et social durable et équitable."

Il n'est donc pas étonnant dans ce contexte, et compte tenu également d'une certaine lourdeur administrative inhérente à l'institution, qu'il ait fallu attendre 2004 pour qu'une antenne régionale de l'AIF soit ouverte à Bucarest, répondant ainsi à une demande exprimée par la Roumanie. C'est donc autour de ce pays que s'est créé un pôle de la Francophonie en Europe centrale et orientale, qui comprend des pays membres de l'OIF (Bulgarie, Moldavie), des membres associés (Albanie, Grèce, Macédoine), ainsi que des pays ayant un statut d'observateur (Arménie, Autriche, Croatie, Géorgie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie).

Il convient toutefois de préciser que l'AIF a mis en place des programmes d'action en faveur de ces pays dès avant l'ouverture de son antenne régionale. Ces programmes s'articulent autour de deux axes :

- un plan pluriannuel de promotion du français

formation, en France, en Belgique ou au Canada, de jeunes fonctionnaires, experts et diplomates ;

appuis à la formation d'enseignants de français ;

mise en place d'un partenariat inter-Etats pour la formation professionnelle ;

appui et formation dans le domaine des inforoutes ;

appui aux politiques nationales en matière de jeunesse ;

soutien à l'édition d'ouvrages (manuels pédagogiques, dictionnaires bilingues...).

- un volet politique (appui à la démocratie et à l'Etat de droit)

missions d'observation des élections (en Albanie dans la période récente) ;

appui à l'organisation de conférences et de séminaires (exemple du séminaire sur "la lutte contre la corruption : mécanismes et champs de partenariat", organisé à Sofia en novembre 2002).

Par ailleurs l'Agence intergouvernementale de la Francophonie a ouvert tout récemment, en mai 2005, un Centre régional pour l'enseignement du français en Europe centrale et orientale (CREFECO) à Sofia, en Bulgarie.

Cet organisme a pour vocation de devenir un espace commun d'informations, d'échanges, d'expertise et de conseil et de contribuer ainsi à l'amélioration des enseignements du ou en français dans les cinq pays de la région membres de la Francophonie (Albanie, Bulgarie, Macédoine, Moldavie et Roumanie).

Troisième du genre mis en place par l'AIF, après le CREFAP à Hanoï pour l'Asie-Pacifique et le CREFOI à Antananarivo pour l'Océan Indien, le CREFECO est doté en personnel, équipements et moyens nécessaires à ses activités par l'Agence tandis que le gouvernement bulgare met à disposition les locaux et prend en charge le secrétariat administratif du centre.

Il est évidemment beaucoup trop tôt pour tirer un premier bilan de cet organisme, mais le principe même de sa création nous paraît constituer une étape allant dans la bonne direction.

2/ L'Agence universitaire de la Francophonie (A.U.F.)

L'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), fondée en 1961, et dont le siège est situé à Montréal, est une institution multilatérale qui soutient la coopération et la solidarité entre les institutions universitaires travaillant en français. Forte de 535 membres (universités publiques et privées, instituts d'enseignement supérieur, centres de recherche, réseaux institutionnels), auxquels il convient d'ajouter 350 départements d'études du ou en français d'établissements universitaires, présente dans 35 pays, l'Agence a depuis 1989 un statut d'"opérateur direct" de l'Organisation internationale de la Francophonie.

L'Agence universitaire de la Francophonie s'est montrée plus réactive en Europe centrale et orientale que l'AIF, puisqu'elle a ouvert dès 1994, à Bucarest, un Bureau Europe centrale et orientale (BECO), qui dispose également de filiales en République de Moldavie, en Hongrie et en Bulgarie.

En Roumanie par exemple, le BECO apporte son soutien à plusieurs filières universitaires francophones de Bucarest : la filière de l'Académie d'études économiques et celle de sciences politiques constituées au sein de la faculté des sciences politiques et administratives de l'université de Bucarest, la filière francophone du département des sciences de l'ingénieur de l'université polytechnique de Bucarest, et la filière francophone du département de génie civil de l'université technique de construction de Bucarest. Il apporte également un appui à l'école doctorale de sciences sociales de Bucarest ainsi qu'au programme d'action de soutien à la formation et à la recherche. En dehors de Bucarest, il soutient notamment le laboratoire associé francophone de l'université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca.

En incluant également celles qui n'entretiennent pas de lien direct avec le BECO, on compte au total 19 universités membres de l'AUF en Roumanie, sur un total de 46 pour l'ensemble de l'Europe centrale et orientale.

Le Bureau Europe centrale et orientale organise, par ailleurs, des conférences régionales des recteurs des universités membres de l'AUF des pays de la zone.

3/ Les autres opérateurs de l'OIF

Outre TV5, dont l'activité est évidemment très spécialisée, il conviendra d'analyser dans la perspective du rapport définitif les actions que mènent en Europe l'Association des maires et responsables de capitales et métropoles partiellement ou entièrement francophones (AIMF) ainsi que le Forum francophone des Affaires.

II - Un réseau associatif francophone dense et varié

Le tissu associatif qui concourt, soit à titre principal, soit de manière indirecte, à la promotion de la francophonie en Europe constitue un ensemble à la fois très vaste et très divers.

S'il ne fait évidemment pas partie des objectifs de ce rapport d'en dresser une liste exhaustive, je me propose en revanche d'en présenter quelques exemples qui me paraissent emblématiques, de façon à esquisser un panorama d'ensemble de ce réseau.

Sur le plan typologique, j'ai choisi de distinguer les associations de type "transversales" des associations "locales".

1/ Les associations "transversales"

Il s'agit en général d'associations, ou de fédérations d'associations nationales, constituées sur des bases professionnelles (Association internationale de la Presse francophone, Association des Informaticiens de Langue française, Association du Notariat francophone, etc.).

Il convient notamment de mentionner la Fédération internationale des Professeurs de Français (FIPF), qui joue un rôle tout à fait éminent. Rassemblant 165 associations dans le monde, forte de 70 000 membres, elle est en mesure d'influer sur les politiques pédagogiques adoptées en matière d'enseignement du français. En Europe notamment, elle milite en faveur de l'introduction, dans les pays qui ne l'ont pas prévu, d'une deuxième langue vivante obligatoire. Elle constitue également un irremplaçable lieu d'échange d'information et d'expérience. Sur le continent européen, elle est organisée en deux Commissions (sortes de bureaux régionaux), l'une pour l'Europe de l'Ouest et l'autre pour l'Europe centrale et orientale. Chaque association membre organise, à son niveau national ou régional, des activités propres (réunions pédagogiques, publication de lettres d'information, séminaires, écoles d'été, etc.).

2/ Les associations locales

Les réponses reçues au questionnaire fournissent plusieurs exemples intéressants de ces associations.

Communauté française de Belgique

La section de la Communauté française de Belgique nous a fait parvenir un "Répertoire des institutions et associations belges vouées à la langue française et à la francophonie". Parmi les nombreuses associations répertoriées, je citerai notamment :

L'Association Charles Plisnier, qui "se consacre principalement à la promotion de la langue française et à la diffusion de la vie culturelle de la francophonie. Elle publie des ouvrages philologiques et des études touchant à la langue et à la littérature." Elle attribue également le Prix Marguerite Van de Wiele, "qui couronne un recueil de nouvelles ou un roman d'une écrivaine belge de langue française" .

L'Association pour la défense et l'illustration de la langue française. Elle organise des stages d'écriture et d'interprétation en collaboration avec des écrivains, des académies et des conservatoires, des expositions et un tournoi national annuel de création et d'interprétation en langue française ("Paroles"). Elle publie en outre deux manuels de français destinés au 1 er degré de l'enseignement secondaire.

L'Association pour la promotion de la Francophonie en Flandre, qui publie une lettre d'information, attribue un prix de la francophonie en Flandre et aide à la création de sites internet destinés aux associations francophones de Flandre.

Jura

La section jurassienne insiste sur l'influence de la Société jurassienne d'émulation, fondée en 1847 pour protéger et défendre la langue française, et de ses nombreuses publications.

Luxembourg

La section luxembourgeoise présente plusieurs institutions dont notamment l'Association Victor Hugo qui, en partenariat avec le Centre culturel français, "est composée d'entreprises citoyennes. Elle a pour mission de promouvoir la culture d'expression francophone au Grand Duché de Luxembourg et de contribuer au développement des relations culturelles au sein de l'Union européenne".

Monaco

La section monégasque cite notamment la Fondation Prince Pierre de Monaco, créée en 1966, dont l'objet est de "favoriser la culture et le progrès des Lettres et des Arts. Elle s'emploie à faire émerger des talents francophones, notamment littéraires, et ainsi à promouvoir et à soutenir la culture francophone."

Par ailleurs, le Club Soroptimist "organise, tous les deux ans, des Journées d'expression française, spécifiquement consacrées à la promotion du français et de la culture francophone sous toutes ses formes".

Val d'Aoste

L'Académie Saint-Anselme qui, "tout en ayant perdu le monopole de la culture locale, garde, par l'étendue de sa production et par la variété de son oeuvre, la première place parmi les sociétés savantes et culturelles du Val d'Aoste, notamment grâce à son action pour la défense et la promotion de la langue française".

Le Comité des Traditions valdôtaines "joue un rôle de premier plan dans la promotion du français en Val d'Aoste. Elle compte parmi les fondateurs de la Librairie valdôtaine, spécialisée dans la vente et la promotion des livres en langue française en Val d'Aoste".

Dans les PECO (je me permets de regretter au passage qu'une seule section de cette zone ait répondu au questionnaire), le paysage associatif est également très varié, foisonnant même dans certains pays (Bulgarie, Roumanie).

Dans cette zone notamment, les associations bilatérales d'amitié avec la France occupent une place éminente dans ce paysage, par le rôle d'entraînement qu'elle jouent en matière de diffusion de la langue et de la culture.

En Arménie par exemple, l'association "France-Arménie" fonctionne depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale au sein de l'Union arménienne pour les Relations culturelles avec les Pays étrangers. A partir de l'indépendance de ce pays, ses activités se sont notablement accrues dans le domaine de la langue, de l'art et de la culture, ainsi que dans la sphères scientifique et le monde des affaires. Elle organise notamment, sur une base annuelle, des colloques sur les relations historico-culturelles franco-arméniennes, des semaines sur la culture française ainsi que diverses manifestations ponctuelles (expositions de livres, d'oeuvres d'art, festivals de films français). C'est également à son initiative qu'a été créé en 2004 un Centre de la culture française, lieu d'échanges et d'information sur la vie intellectuelle et sociale de l'ensemble des pays francophones.

La section lituanienne, quant à elle, cite l'Association Lituanie-France qui est issue d'une longue tradition puisqu'elle a pris la relève de l'Amicale France-Lituanie active entre 1920 et 1940. Par le biais de ses 19 sections disséminées dans les villes et les régions lituaniennes, elle couvre l'ensemble du territoire national.

III - Une complémentarité évidente, mais un manque de coordination préjudiciable à la réalisation d'objectifs communs

1/ Complémentarité entre les actions menées par l'OIF et les associations

Les actions menées par les associations apportent une précieuse complémentarité par rapport à celles des opérateurs de la Francophonie multilatérale.

En effet, alors que ces dernières, de par leur vocation, privilégient des opérations de plus grande envergure mais ponctuelles (formation d'experts et de hauts fonctionnaires, création d'instituts, jumelages entre universités, organisation de grandes manifestations culturelles), les associations permettent de mobiliser les communautés francophones, ou intéressées par la francophonie, au plus proche du terrain.

Le monde associatif francophone est ainsi en mesure d'apporter un supplément d'âme et de vie démocratique au processus officiel. Par ailleurs son rôle de relais peut intervenir dans les deux sens : transmettre au sommet les aspirations des militants, et contribuer à mieux informer ces derniers des projets officiels. En outre le bénévolat - fondement de la vie associative - démultiplie les moyens de l'action publique : son concours est généralement sans commune mesure avec les modestes subventions dont il dispose.

Ainsi que le confirment les réponses reçues au questionnaire, les associations jouissent d'une grande autonomie dans leur processus de création et leur mode de fonctionnement, le principe de la liberté d'association étant de règle dans les pays européens membres de la Francophonie.

2/ Un certain manque de coordination

Or, sans pour autant remettre en cause ce principe, qui constitue à la fois une liberté fondamentale et un gage de souplesse et de réactivité, de nombreux observateurs déplorent un certain manque de coordination entre ces structures associatives, ce qui s'avère préjudiciable à leur visibilité d'ensemble et à la réalisation d'objectifs communs en matière de francophonie. De plus, cette situation peut entraîner des doublons et, au final, un certain gaspillage d'énergies.

En effet l'OIF, à qui reviendrait en toute logique ce rôle de coordination et d'harmonisation, et qui a de plus reçu un mandat en ce sens de la part des Sommets de la Francophonie, n'est pas parvenue jusqu'à présent à l'assumer de manière satisfaisante.

L'analyse des quelques réponses que j'ai reçues au questionnaire est très éclairante à cet égard. En effet, les réactions à la question n° 6 ("L'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) vous semble-t-elle jouer un rôle d'harmonisation des différentes initiatives visant à la promotion de la francophonie dans votre pays ?") s'avèrent convergentes:

Section luxembourgeoise : "Non, pas à notre connaissance."

Section monégasque : "L'OIF ne joue pas (...) en Principauté un rôle déterminant d'harmonisation des différentes initiatives des associations privées en matière de francophonie."

Section du Jura : "Non. Peut-être l'initiative prise par l'Association suisse des journalistes de langue française de réunir à Neufchâtel, le 23 octobre 2005, les partenaires francophones de Suisse va-t-elle y contribuer."

Quant à la section lituanienne, elle n'évoque que le rôle certes intéressant, mais très ponctuel, joué par l'OIF dans l'organisation de la Journée internationale de la Francophonie.

Seule la section de la Communauté française de Belgique apporte une réponse plus nuancée : "Oui, dans une certaine mesure, même si chaque structure active dans la francophonie en Wallonie et à Bruxelles organise librement son propre programme d'activités et son propre plan d'action." Mais elle rappelle également la présence du Bureau régional de l'OIF à Bruxelles qui, notamment pour l'organisation de certains évènements (Semaine de la langue française, Festival international du film francophone de Namur, Francopholies à Spa), "facilite grandement cette collaboration" .

Pourtant, les Sommets de Dakar en 1989, puis de Chaillot en 1991, avaient émis le souhait que l'OIF établisse des relations officielles avec les associations et les ONG. A cet effet, le Conseil permanent de la Francophonie (CPF) a adopté en 1992 des "Directives portant sur les relations entre les instances de la Francophonie et les organisations non gouvernementales".

Cependant, le mécanisme mis en place n'a pas été amendé pour tenir compte de l'évolution institutionnelle de la Francophonie à partir du Sommet de Hanoï en 1997. De plus, alors que la Charte de la Francophonie prévoit que la "Conférence des organisations internationales non gouvernementales" doit se tenir tous les deux ans, ce rythme n'a guère été tenu dans la pratique (la Conférence s'est réunie pour la dernière fois en 2000).

Dans ce contexte, fin 2003, à la demande du Secrétaire général de la Francophonie, un groupe ad hoc émanant du CPF a proposé une actualisation des Directives de 1992, en y incluant les avancées suivantes :

l'élargissement du partenariat aux organisations de la société civile, notion plus large que celle des ONG ;

une simplification par la mise en place d'un seul statut, le statut consultatif qui confère la qualité de membre de la Conférence des OING ;

la participation du président du Comité de suivi élu par la Conférence des OING aux travaux du Conseil permanent de la Francophonie, en qualité d'observateur et en fonction des points inscrits à l'ordre du jour.

Il est toutefois à craindre que ce mécanisme de consultation rénové, actuellement en cours de mise en pratique, et toujours pour cause de tropisme Nord-Sud inhérent à l'OIF, ne concerne que marginalement les ONG francophones actives en Europe. Ces craintes ne peuvent qu'être renforcées à la lecture des textes rénovant ce mécanisme, puisque les nouvelles Directives portant sur les relations entre les instances de l'OIF et les OING, ONG et autres organisations de la société civile (OSC), adoptées lors du Sommet de la Francophonie de Ouagadougou en novembre 2004, précisent que : "Ces relations sont destinées, d'une part, à permettre aux instances de l'OIF de disposer de la documentation, des conseils et de la coopération technique des OING et des OSC internationales, notamment celles du sud , en leur permettant de faire connaître les points de vue de leurs membres, et, d'autre part, à promouvoir les objectifs de la Francophonie en assurant le plus large concours possible de la part de ces organisations à l'élaboration et à la réalisation de la programmation découlant des orientations du Sommet."

Face à cette carence constatée de l'OIF à jouer un véritable rôle d'impulsion et d'harmonisation, l'interface avec les associations francophones est assurée, notamment en Europe, par les conseillers culturels des ambassades ainsi que par une coordination d'ONG, l'AFAL.

Les conseillers culturels auprès des ambassades du Canada, de Belgique et de France entretiennent des liens plus ou moins étroits avec les associations francophones actives dans leurs pays de résidence. Dans les pays d'Europe centrale et orientale où ils sont implantés, ce sont dans les faits les Instituts culturels français qui constituent le pivot de la vie francophone locale. Leur rôle fédérateur auprès des différentes associations se fait au travers de l'organisation d'évènements culturels, de réunions et de séminaires, ainsi que de contacts plus ou moins formels.

En tant qu'union d'associations et d'ONG couvrant les domaines les plus divers de la Francophonie, l'AFAL (Association francophone d'amitiés et de liaison), fondée en 1974, joue également un rôle fédérateur important en servant à ses 132 organisations membres d'instrument d'information et de communication, notamment par le biais de sa revue intitulée "Liaisons, revue des associations ayant le français en partage". L'AFAL peut également contribuer à certaines actions initiées par ses membres, et organise en propre des colloque ainsi que le Concours international des 10 mots de la Francophonie. Agréée par l'ONU, dotée d'un statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe, elle joue par ailleurs un rôle de relais entre le monde associatif francophone et ces organisations internationales. De nombreuses associations francophones d'Europe sont membres de l'AFAF, parmi lesquelles l'Association d'amitié Pologne-France, la Fondation culturelle moldave "Bessarabia", l'Institut valdôtain de la culture, l'Espace francophone de l'Estonie, l'Institut belge Jules Destrée, etc.

Les conclusions que l'on peut tirer de ce rapport d'étape, par définition provisoires, sont donc contrastées.

Certes les motifs de satisfaction ne manquent pas :

- les instances de la Francophonie multilatérale, après un démarrage un peu lent, surtout dans les PECO, semblent avoir pris conscience de l'ampleur de l'enjeu que représente le continent européen pour l'avenir de la francophonie ;

- surtout, on assiste en Europe à un foisonnement d'associations à caractère francophone qui témoignent d'une vitalité et d'un intérêt réel de la société civile pour notre langue, notre culture et les valeurs qu'elles véhiculent.

Toutefois, le manque de concertation et d'interactivité entre ces différents types d'organisations aboutit à la perception d'un paysage francophone européen quelque peu confus, qui évolue en ordre dispersé en l'absence de lignes directrices explicites et de véritables projets fédérateurs susceptibles de mobiliser efficacement les associations européennes.

Nous avons souligné le rôle important joué par les conseillers culturels de certains pays, qui doit naturellement être poursuivi et encouragé. Toutefois, la dimension multilatérale de la francophonie ne peut être assurée dans ce domaine que par l'OIF elle-même.

Or cette dernière devrait subir de profondes transformations dans un proche avenir. En effet, comme le rappelle la section monégasque, "le Cadre stratégique décennal adopté au Sommet de Ouagadougou prévoit une réforme institutionnelle et organisationnelle de l'OIF, qui permettra une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité de l'Organisation".

Selon Mme Brigitte Girardin, Ministre française déléguée à la Coopération et la Francophonie, que j'ai rencontrée en juillet dernier, il semble se dessiner au sein de l'ensemble des partenaires francophones un consensus autour des objectifs de cette réforme qui sera à l'ordre du jour de la Conférence ministérielle de la Francophonie des 22 et 23 novembre prochain. Le but recherché est de réorganiser l'ensemble du dispositif institutionnel francophone autour de la personne du Secrétaire général de l'OIF. Celle-ci se verrait conférer le statut de personnalité juridique dont elle ne dispose pas actuellement, et l'Agence intergouvernementale lui serait institutionnellement subordonnée. Ainsi, le Secrétaire général aurait l'entière maîtrise des budgets et des grands programmes mobilisateurs. Il aurait également pleine autorité sur l'administrateur général de l'AIF, qui dispose actuellement d'une large autonomie, y compris dans le domaine de la dimension politique de la Francophonie, ce qui est parfois source de confusion. Dans le nouveau schéma, son rôle serait clairement circonscrit à la réalisation, sous le contrôle du Secrétaire général, des programmes adoptés par les Sommets des chefs d'Etat et de gouvernement.

Il conviendra, dans le rapport définitif, d'analyser les conséquences de cette réforme, en termes de clarification des rôles de chaque institution, de visibilité des objectifs poursuivis et d'efficacité, notamment sous l'angle de l'action de l'OIF en Europe.

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