II. UNE LENTE ET DIFFICILE ÉVOLUTION VERS LES STANDARDS EUROPÉENS

Si les progrès restant à accomplir par l'Albanie sont encore importants, il convient toutefois de ne pas oublier, comme l'a rappelé M. Fatos Beja, vice-président de l'Assemblée, président de la commission des lois et président du groupe d'amitié Albanie-France, que ce pays doit changer l'ensemble de sa législation pour l'adapter aux normes européennes, ce qui constitue un chantier d'autant plus grand que l'Albanie a vécu coupée du monde des décennies durant.

Or, si le pays a voté beaucoup de lois nouvelles depuis 15 ans, il convient maintenant de les appliquer. Et cette tâche n'est pas la plus simple. M. Fatos Beja a ainsi appelé l'attention sur la faiblesse de l'administration albanaise, notamment celle du ministère de la justice. L'Albanie a ainsi adopté de nombreuses conventions internationales mais n'en applique pas toujours les dispositions faute de transposition en droit interne.

M. Edi Rama, maire de Tirana et chef du Parti socialiste, le principal parti d'opposition, a insisté sur le décalage qui peut exister entre le vote des lois et leur application, et a fait observer que certains voisins de l'Albanie évoluaient plus rapidement qu'elle, par exemple la Roumanie et la Bulgarie ou même la Macédoine. Il a ainsi pu estimer que la population albanaise manifestait une certaine désillusion par rapport aux aspirations nées lors de l'effondrement du régime communiste. Il a dès lors exprimé son souhait que soient organisées des élections législatives anticipées, estimant que le pays ne pouvait perdre davantage de temps dans la conduite des réformes. Selon lui, les particularités du pays ne peuvent servir de prétexte à l'immobilisme.

A. UN CLIMAT POLITIQUE QUI DEMEURE TENDU

1. Le difficile apprentissage des pratiques démocratiques

La vie politique albanaise demeure trop souvent conflictuelle.

Le président de la République lui-même, M. Alfred Moisiu, a d'ailleurs déploré cet état de fait. Le commissaire européen à l'élargissement, M. Olli Rehn, a effectué un déplacement en Albanie, en mars 2007, au cours duquel il a délivré le message selon lequel l'approche bipartisane des problèmes était une condition des réformes.

Les tensions existent également au sein d'une même formation politique.

On rappellera qu'avant 2005, le Premier ministre, M. Fatos Nano, entretenait des relations exécrables avec son vice Premier ministre et ministre des affaires étrangères, M. Ilir Meta, alors que tous deux appartiennent au Parti socialiste (PS). M. Meta avait d'ailleurs fini par démissionner, en juillet 2003, à la suite d'une querelle avec M. Nano et ses partisans s'étaient alliés à l'opposition pour empêcher celui-ci de nommer de nouveaux ministres. Début février 2004, les partis de l'opposition ont organisé de violentes manifestations, condamnées à la fois par l'Union européenne et par les États-Unis.

Les élections législatives du 3 juillet 2005 ont permis, pour la première fois dans l'histoire de l'Albanie, une alternance « calme et sans heurt », selon l'expression de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe 7 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que ces élections « n'ont respecté que partiellement les engagements et les normes internationales en matière d'élections démocratiques ». L'institution de Strasbourg relève ainsi notamment la nécessité d'améliorer l'exactitude des registres d'état civil et des listes électorales, d'introduire des nouveaux documents d'identité et de réviser l'administration électorale.

La victoire du Parti démocratique (PD) de l'ancien président de la République, M. Sali Berisha, sur le PS a permis à la nouvelle coalition du PD (56 sièges) avec le Parti républicain (11 sièges) et 5 autres petits partis, de disposer de 80 sièges sur 140 au Parlement albanais.

La vie politique albanaise reste dominée , selon l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, par « les confrontations et l'obstructionnisme » , que ce soit entre la majorité et le Premier ministre, d'une part, et l'opposition qui peine à se comporter selon les règles communément admises dans une démocratie, d'autre part, ou entre l'opposition parlementaire et la présidence du Parlement, ou encore entre le Premier ministre et le président de la République, qui avait, par exemple, refusé de démettre le procureur général, comme le demandait le Premier ministre. Cette affaire, qui a d'ailleurs duré pendant toute l'année 2006, a contribué à jeter le discrédit sur l'ensemble du monde judiciaire.

Les institutions européennes portent un jugement critique sur le climat politique albanais. La Commission européenne, dans son rapport précité de novembre 2006 sur les progrès de la stratégie d'élargissement pour les Balkans occidentaux, note que, « pour progresser, une plus grande coopération entre le gouvernement et l'opposition s'impose pour permettre de réaliser des travaux importants, tels qu'une réforme électorale et la mise en oeuvre des obligations relatives à l'accord de stabilisation et d'association ». Quant à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, elle estime que « le climat politique délétère a une fois encore retardé les réformes majeures ».

Ce climat politique tendu a également conduit au report de la date des élections municipales, qui se sont finalement tenues le 18 février 2007, à l'issue d'une grave crise politique ponctuée d'attaques personnelles.

Les élections locales se sont déroulées dans le calme dans l'ensemble et traduisent une nette victoire du principal parti de l'opposition, le PS, et de son dirigeant, M. Edi Rama, maire de Tirana, dont la stratégie d'alliance avec l'autre formation de gauche, le LSI de M. Ilir Meta, a été payante. La coalition de gauche a remporté 48 % des suffrages pour l'élection des maires, alors que le PD de M. Berisha et ses alliés n'ont obtenu que 43,81 % des suffrages. Pour ce qui concerne les listes des conseillers municipaux 8 ( * ) , le PS arrive en tête avec 23,35 % des suffrages, suivi du PD, avec 20,64 %, et du LSI qui, avec 9,12 % des suffrages, s'affirme comme la troisième force politique du pays. M. Rama a été réélu à la mairie de Tirana pour un troisième mandat et sa victoire personnelle le conforte à la tête du PS.

Le PD, quant à lui, confirme son ancrage traditionnel dans le nord du pays et paraît accroître l'aire géographique de ses positions en gagnant dans le sud des mairies et des communes dans des zones rurales. Il n'en reste pas moins que son candidat a échoué à prendre la mairie de Tirana et qu'il arrive second derrière le PS au niveau des votes de liste pour les conseils municipaux des douze plus grandes villes du pays.

L'échec du PD peut toutefois apparaître davantage comme une sanction infligée au gouvernement que comme un vote d'adhésion en faveur du PS.

Selon la Mission internationale d'observation des élections constituée par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (ODIHR) de l'OSCE et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, « les élections locales qui se sont tenues en Albanie le 18 février auraient pu être l'occasion d'organiser un scrutin pleinement conforme aux engagements et critères internationaux garantissant des élections démocratiques. Rendez-vous manqué. La journée a certes été calme dans l'ensemble, mais le vote a été entaché par des irrégularités de procédure et des tensions ont été observées çà et là » 9 ( * ) . Toutefois, « la couverture médiatique de la campagne a été équilibrée et les électeurs ont eu la possibilité de poser des choix éclairés entre les diverses alternatives qui leur étaient posées ».

Au cours de l'entretien qu'il a accordé aux membres de la délégation, M. Sali Berisha a réfuté ces critiques et a estimé que l'appréciation portée par l'OSCE sur les élections municipales n'était pas honnête. Rappelant que l'Albanie ne connaissait la démocratie que depuis une quinzaine d'années, il a mis en avant les conclusions des observateurs internationaux, qui auraient souligné la sincérité de ce scrutin.

Les membres de la délégation regrettent que l'Albanie reste le seul pays d'Europe où le déroulement des élections pose encore problème.

Un remaniement ministériel a suivi les élections municipales. Les ministres de la justice, de la santé et de l'éducation, notamment, ont été changés. Les membres de la délégation ont d'ailleurs assisté en direct, au cours d'un dîner offert par la présidente de l'Assemblée, Mme Jozefina Topalli, à la nomination d'un nouveau ministre, M. Ylli Pango, qui a appris pendant ce dîner qu'il devenait ministre du tourisme, de la culture, de la jeunesse et des sports.

L'élection du nouveau président de la République , devant succéder à M. Alfred Moisiu, a également donné lieu à d'âpres affrontements politiques .

Le candidat du PD, M. Bamir Topi, a finalement été élu, le 20 juillet 2007, à l'issue du quatrième tour de scrutin. Alors que le président de la République est élu par le Parlement avec une majorité requise des trois cinquièmes, la majorité et l'opposition ont eu de grandes difficultés à se mettre d'accord. Bien qu'elles aient paru s'être entendues pour élire le représentant militaire du pays à l'OTAN, l'accord a cédé devant les exigences du gouvernement, qui a posé des conditions, en particulier le vote d'une loi réduisant la durée du mandat du procureur général.

Tant l'invitation de l'Union européenne à adopter une approche constructive que la perspective d'élections législatives anticipées après cinq scrutins infructueux ont été nécessaires pour que les députés albanais élisent M. Topi, par 85 voix sur 140, soit une de plus que la majorité qualifiée requise. Les six députés socialistes qui ont finalement permis l'élection du président de la République ont été immédiatement exclus de leur parti.

Le Conseil de l'Union européenne a salué cette élection, dans ses conclusions du 23 juillet 2007. M. Bamir Topi a prêté serment devant le Parlement, le 24 juillet, où il a tenu un discours très consensuel.

On notera que la presse albanaise a publié de larges extraits de la lettre de félicitations du président de la République française, dans laquelle celui-ci forme des voeux concernant les progrès de l'Albanie « sur la voie de son rapprochement européen ».

2. Un programme de réformes ambitieux dont la mise en oeuvre est délicate

M. Sali Berisha s'attache à mettre en oeuvre, avec un certain succès, le programme ambitieux sur lequel il avait été élu. S'appuyant sur un gouvernement jeune et resserré, il a pour priorités la lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics, ainsi que des réformes d'inspiration libérale destinées à préparer l'Albanie à une future adhésion à l'Union européenne et à attirer les investisseurs étrangers.

M. Berisha a ainsi rapidement lancé des actions à forte visibilité qui ont notamment abouti à l'arrestation d'une dizaine de chefs de bandes criminelles et au démembrement de celles-ci, ainsi qu'à l'arrestation de certains fonctionnaires des douanes, de la police ou des services fiscaux - y compris certains proches du PD - convaincus de corruption. Le gouvernement de M. Berisha s'est également attaché à inscrire son action dans le domaine législatif, par la révision du cadre législatif autorisant la saisie des biens des criminels et par des amendements à la loi sur les conflits d'intérêt.

En matière de lutte contre la corruption, la mise en place, en décembre 2005, d'une task force auprès du Premier ministre et l'instauration d'un « numéro vert » à la disposition des citoyens sont venues compléter le dispositif. Le Parlement a par ailleurs instauré, en septembre 2006, une commission d'enquête sur le patrimoine des hauts responsables de l'Etat.

L'adaptation de la police passe également par le respect des règles déontologiques qui doivent normalement la caractériser. Le ministère de l'Ordre public s'est doté d'une inspection de la police d'Etat qui a compétence sur l'ensemble du ministère. Selon son directeur, l'état de la corruption était gravissime dans la police, il y a encore peu de temps, mais la tendance est à l'amélioration après les multiples sanctions et exclusions prononcées dans ses rangs.

La présidente de l'Assemblée, Mme Jozefina Topalli, a indiqué aux membres de la délégation que 500 millions de dollars avaient été consacrés à la lutte contre la corruption, et 150 millions à la lutte contre l'évasion fiscale.

Le gouvernement a également orienté son action vers le secteur social, en augmentant les salaires dans la fonction publique, essentiellement en faveur des enseignants et des personnels de santé, et en revalorisant les retraites. Des mesures structurelles ont été prises en matière d'urbanisme, qui permettront de régler le problème important de la propriété du sol, par deux lois adoptées par le Parlement, l'une sur la restitution et la compensation, la seconde sur la légalisation des constructions illégales.

En revanche, le gouvernement a échoué à ce jour à faire avancer la réforme dans le secteur clef de la justice, échec régulièrement mis en relief par la presse et qui nuit à son bilan gouvernemental.

La persistance du clientélisme est également à regretter. Si les limogeages intervenus dans les premiers mois du gouvernement correspondaient pour l'essentiel à des mises à l'écart de fonctionnaires corrompus ou incompétents, la vieille pratique consistant à « placer ses amis » a rapidement repris le dessus. Dans son rapport précité de novembre 2006, la Commission européenne notait ainsi que « certains changements de personnel ont été effectués sans tenir compte de la loi sur la fonction publique. Les nominations au sein de l'administration continuent d'être influencées par des considérations politiques ». Et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a « exhorté les autorités albanaises à respecter pleinement la loi sur la fonction publique lors des embauches et des licenciements » et souligné la nécessité « d'améliorer le professionnalisme des hauts fonctionnaires et de mettre un terme aux nominations à caractère politique ».

B. LES DIFFICULTÉS DE LA MISE EN PLACE D'UN ÉTAT DE DROIT

La chute du régime communiste, en 1990/1991, a aussi entraîné celle de l'Etat. Cet effondrement des structures étatiques a laissé la place à l'épanouissement de la corruption et au développement de trafics en tout genre. En 1997, le scandale des « pyramides » a provoqué des heurts très violents et l'Etat n'a pas eu la capacité de rétablir l'ordre. L'Albanie a frôlé la guerre civile.

Le pays a également subi les conséquences déstabilisatrices du conflit au Kosovo. En 1999, il a dû faire face à un afflux de plus de 460 000 réfugiés, soit plus de 10 % de la population.

Cette époque est heureusement révolue, et l'autorité de l'Etat est aujourd'hui rétablie. Il n'en demeure pas moins qu' un véritable Etat de droit reste à construire en Albanie .

Les autorités albanaises sont parfaitement conscientes des difficultés qu'elles doivent affronter et des priorités qu'elles doivent poursuivre. Lors de son entretien avec les membres de la délégation, le Premier ministre, M. Sali Berisha, a ainsi affirmé que l'établissement d'un Etat de droit en Albanie constituait « la clef du succès de toutes les réformes » .

Quant à M. Ilir Meta, président de la commission pour l'intégration européenne de l'Assemblée, il a indiqué aux membres de la délégation que les Albanais savaient que l'adhésion de leur pays à l'Union européenne était conditionnée à la conduite de réformes internes .

1. Les formes multiples de la criminalité organisée

La criminalité, outre les souffrances qu'elle inflige à la population, nuit considérablement à l'image du pays et contribue à sa mauvaise réputation. Le Premier ministre, M. Sali Berisha, l'a d'ailleurs comparée à un « cancer » contre lequel le combat est permanent et dont l'issue reste incertaine.

Crainte pour la violence de ses pratiques, la mafia albanaise s'inspire notamment de l'ancien code d'honneur, appelé Kanun, de l'omerta et de la vendetta. L'organisation criminelle albanaise est calquée sur les règles de vie rurale avec des liens de sang et de vassalité. Elle profite d'une corruption encore très présente pour gangrener toutes les strates de la société.

S'appuyant sur les albanophones disséminés dans la région (Kosovo, ARYM, Monténégro, Grèce), la mafia albanaise a acquis, depuis une dizaine d'années, une dimension transnationale, du fait de l'ouverture des frontières aux réfugiés et de l'écroulement du système autarcique. A l'aide de sa diaspora, elle concentre son activité sur le trafic de drogue, d'armes 10 ( * ) , mais surtout sur celui des migrants et sur le proxénétisme. Elle n'hésite pas à s'allier à d'autres organisations criminelles, notamment le crime organisé italien, pour développer ses filières d'exportation et son implantation à l'Ouest.

L'Albanie était avant tout un pays de transit pour le trafic de stupéfiants, elle devient une véritable plate-forme de distribution pour l'héroïne. D'après des estimations, les trois-quarts de l'héroïne en provenance d'Afghanistan et en direction de l'Europe occidentale passent entre les mains d'albanophones. Une quantité importante de cannabis est également produite dans les régions reculées notamment dans le sud-est du pays.

La prostitution en provenance d'Albanie est fortement médiatisée à cause de la violence dont font preuve les proxénètes, organisés au sein de clans familiaux. La prostitution est plus que jamais le point d'ancrage de la délinquance albanaise dans les pays limitrophes comme occidentaux.

Le trafic d'armes entre l'Albanie et ses voisins serait également très lucratif.

Les fonds engendrés par ces activités illicites sont, en partie, rapatriés par porteurs ou envoyés par mandats. Ils sont réinvestis localement dans des activités officielles (immobilier, sociétés industrielles ou commerciales...) ou illicites (drogue, armes, prostitution). Ils viennent également alimenter une économie souterraine qui fait apparaître un important différentiel entre le niveau de vie officiel de l'Albanie et ce que l'on peut voir dans la rue où, par exemple, les grosses cylindrées de marques allemandes constituent près de la moitié du parc de véhicules.

La corruption est répandue dans toutes les couches du pouvoir, parfois jusqu'au plus haut niveau. Bien que la situation s'améliore, la corruption reste donc préoccupante. Elle touche la police à tous les niveaux, mais également l'appareil judiciaire et les services de la douane. Enfin, l'efficacité des enquêtes judiciaires souffre encore de pressions exercées sur les magistrats et policiers par le pouvoir politique.

2. Des efforts réels pour lutter contre la criminalité organisée

Les membres de la délégation ont réitéré aux autorités albanaises qu'elles ont rencontrées le soutien de la France aux efforts faits par l'Albanie pour lutter contre la criminalité organisée, fléau qui freine son développement économique.

Sous la pression internationale et européenne, notamment en vue de mettre en oeuvre l'ASA, les autorités albanaises ont adopté une stratégie d'ensemble visant à renforcer les capacités des différentes administrations à lutter contre le crime organisé.

Toutefois, ces mesures législatives peinent à trouver une application concrète sur le terrain par manque de moyens, voire de volonté politique.

La législation anti-criminalité évolue favorablement. Une réforme structurelle récente a vu la création d'un tribunal pour les crimes graves . Unique dans le pays, il traite les dossiers importants liés aux activités criminelles des groupes mafieux. Le droit pénal albanais a intégré les notions inhérentes au crime organisé. De nouvelles infractions ont reçu une définition dans le code pénal qui voit ainsi précisées, par exemple, les qualifications de crime organisé, de bande organisée ou de blanchiment qui faisaient défaut jusque là. Le code de procédure pénale voit l'apparition de nouvelles techniques d'enquêtes jusque là réservées aux services de renseignement comme l'infiltration d'agents sous couverture. Une loi spécifique sur la criminalité organisée, inspirée de la loi anti-mafia italienne, donne à présent la possibilité aux magistrats de saisir les produits de l'activité du crime. Le Parlement albanais a également adopté une loi sur la protection des collaborateurs de justice proche des législations italienne et slovène.

Les capacités de lutte contre le crime organisé ont été renforcées. La police d'Etat a misé sur la création d'une direction spécifique, la Direction de la lutte contre la criminalité organisée, qui dispose de plusieurs sous-directions couvrant l'éventail des menaces. Cette unité comprend également un secteur opérationnel qui dispose des moyens techniques modernes d'enquête permettant d'écouter ou d'observer les trafiquants. La police a également créé une unité de lutte contre le blanchiment en août 2001. Celle-ci travaille sur la base des rapports reçus des banques qui, en application de la loi sur le blanchiment, doivent lui signaler les transactions douteuses ainsi que celles excédant 16 000 euros.

Les autorités albanaises ont mis en place, en 2003, une stratégie sur la gestion des frontières. Elle s'est traduite par une réforme structurelle de la police aux frontières ainsi que par une modernisation du système douanier. La police aux frontières s'est réorganisée pour lutter contre les trafics transfrontaliers. Elle a recherché une meilleure collaboration avec les autres services répressifs de l'Etat. Mais l'enjeu majeur de la réforme a consisté à reconnaître à ses cadres la qualité d'officier de police judiciaire. Les constatations des agents permettent donc, à présent, de mettre directement en oeuvre une procédure judiciaire.

Le système douanier a lui aussi fait l'objet d'une modernisation. Inspiré du modèle européen, un nouveau code douanier a été rédigé en liaison avec la Mission européenne d'assistance à la douane. Après une période de transition, la douane albanaise est passée d'une mission essentiellement vouée à la collecte des droits de douane à un élargissement de son champ d'action. Elle s'investit, à présent, dans la lutte contre les trafics liés notamment aux stupéfiants et aux véhicules volés, en portant ses efforts sur les trois pôles prioritaires que sont les ports de Durrës et Vlorë ainsi que l'aéroport de Tirana.

L'appréciation de la lutte contre le crime organisé en Albanie par la Commission européenne (extraits de son rapport de novembre 2006)

S'agissant de la lutte contre le blanchiment de capitaux, l'unité de renseignement financier ainsi que le bureau du procureur ont été renforcés et la coopération internationale a été améliorée, mais ces deux services doivent encore être renforcés et le cadre législatif doit être plus amplement développé. Une motivation politique accrue et une meilleure coopération internationale ont permis d'augmenter le nombre d'arrestations de trafiquants de drogue de grande envergure, mais de meilleures capacités de renseignements dans le domaine criminel, une coordination nationale entre agences et des procédures améliorées pour les drogues saisies sont nécessaires. Le trafic de drogue reste un grave problème. Des efforts sont en cours pour améliorer l'organisation de la police. La coopération avec les services des douanes et des renseignements s'est améliorée, mais les structures de gestion des dossiers et de contrôle interne doivent être perfectionnées.

Des progrès ont été réalisés dans la lutte contre la criminalité organisée, une priorité capitale du partenariat européen. Une forte détermination politique pour faire face à la criminalité organisée a donné lieu à des opérations policières contre les principales bandes criminelles. La coopération opérationnelle avec les voisins de l'Albanie s'est nettement améliorée. La coopération entre la police et le système judiciaire au niveau central s'est quelque peu améliorée. Toutefois, de nombreuses améliorations sont encore nécessaires pour obtenir des résultats concrets. Une meilleure coordination entre la police et le système judiciaire au niveau local s'impose, ainsi que des efforts accrus pour lutter contre la corruption à haut niveau dans ces institutions. Une meilleure protection des témoins est nécessaire. Le gouvernement a adopté une stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains et des structures améliorées pour sa mise en oeuvre. Les poursuites et les condamnations des trafiquants ont continué d'être menées à bien. Toutefois, la traite des êtres humains reste un problème. Des ressources supplémentaires et une meilleure coordination au niveau national et international sont nécessaires. La direction chargée de la lutte antiterroriste au sein des services de police a saisi de grandes quantités d'armes ; néanmoins, les infrastructures et la coopération entre agences doivent être renforcées. La situation relative à la protection des données personnelles demeure préoccupante.

La lutte contre la criminalité organisée est aussi assurée par une coopération policière , à la fois bilatérale et multilatérale.

La coopération bilatérale franco-albanaise porte en priorité sur le retour à la sécurité intérieure.

Les sujets traités dans ce cadre sont essentiellement concentrés sur le trafic d'êtres humains, les réseaux de prostitution, le trafic de drogue, la fraude documentaire et l'immigration irrégulière. La coopération institutionnelle est axée sur des missions d'experts français auprès des services spécialisés de la police d'Etat albanaise, chargée de la lutte contre le crime organisé, sur des visites en France des plus hautes autorités concernées par le phénomène ainsi que sur la scolarité de leurs cadres francophones au sein des écoles de police françaises.

En 2006, les actions de coopération ont principalement visé la lutte contre la criminalité organisée, avec une attention toute particulière portée à l'environnement économique albanais, où prolifèrent toutes les formes de délinquance économique et financière. En 2006, 27 actions de formation ont été effectuées à l'intention de 235 policiers locaux tandis que cinq cadres de la police albanaise étaient formés dans des écoles francophones. Un accord de coopération en matière de sécurité intérieure est en cours de négociation. Il viendrait appuyer juridiquement des échanges déjà fructueux tant sur le plan technique qu'au niveau opérationnel.

La coopération policière multilatérale avec l'Albanie a débuté en 1997, lors des troubles très graves qui avaient suivi l'effondrement des « pyramides », sous mandat du Conseil de sécurité de l'ONU 11 ( * ) , qui a décidé le déploiement d'une force multinationale, baptisée Opération Alba, comprenant une composante de police internationale, dont 25 gendarmes français.

Elle s'est ensuite poursuivie dans un cadre de coopération institutionnelle, sous l'égide de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), sous la forme d'un dispositif de conseil, d'évaluation et de formation de la police albanaise, notamment par la mise en place de conseillers de sécurité au niveau des responsables politiques et des responsables régionaux de police.

Cette mission a été remplacée par la mission européenne PAMECA I puis II ( Police Assistance Mission of the European Community to Albania ) qui reprend ces activités de conseil. Elle est composée de 16 experts européens, dont un Français. Une prolongation de cette mission, dont le mandat se termine en principe fin 2007, est à l'étude pour une nouvelle période d'au moins deux ans.

Parallèlement, la Commission a lancé, depuis 2001, son programme CARDS d'appui institutionnel aux cinq Etats des Balkans occidentaux. En 2006, plus de 30 millions d'euros seront ainsi alloués à l'Albanie dans le secteur justice et affaires intérieures, après 25 millions en 2005. Sur le plan opérationnel, le Conseil a confié en 2002 à Europol un mandat de négociation d'un accord permettant une coopération de l'Albanie avec l'Office européen de police.

Il convient également de mentionner, entre autres, l'initiative de l'Italie et de la Grèce portant sur la création et le financement d'un centre spécialisé de lutte contre les trafics illicites, avec un volet contrôle de frontières, à Vlorë. Des patrouilles conjointes permettent une meilleure surveillance des côtes et une diminution drastique des passages directs d'immigrants illégaux et de drogue vers l'Italie.

3. Poursuivre les réformes du système judiciaire

Ici encore, il convient de rappeler, même très brièvement, d'où vient la justice albanaise. Dans les années 1960, le régime communiste avait purement et simplement supprimé l'institution de l'avocat, la défense étant assurée par ... le procureur ! Il est vrai que la justice était alors relativement laxiste envers les criminels de doit commun, mais qu'elle était d'une sévérité redoutable pour les crimes politiques.

D'après M. Besnik Mustafaj, alors ministre des affaires étrangères, la réforme de la justice est sans doute la plus difficile à conduire. Elle est aussi, pourtant, la plus indispensable.

Les juges et les procureurs albanais sont particulièrement touchés par la corruption, et la population attend beaucoup d'une réforme de la justice.

Les députés étaient précisément en train d'examiner un projet de loi consacré à l'amélioration du fonctionnement du ministère de la justice, lorsque les membres de la délégation ont fait l'objet de souhaits de bienvenue en séance publique.

L'appréciation portée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le fonctionnement du système judiciaire albanais (extraits du rapport du 20 décembre 2006)

En matière de prééminence du droit en Albanie, le système judiciaire faible, doté d'un personnel mal payé, et partiellement corrompu représentait l'un des problèmes essentiels. Le rapport d'avancement 2006 de la CE insiste à nouveau sur la lenteur des procédures judiciaires en Albanie, leur mauvaise organisation et leur manque de transparence. Un rapport d'observation des procès établi par l'OSCE en novembre 2006, portant sur le système judiciaire albanais, montre que si des progrès significatifs ont été réalisés, il est impératif de poursuivre les améliorations afin de créer un système de justice stable et transparent fondé sur la primauté du droit.

Des progrès ont été accomplis en matière d'exécution des décisions de justice définitives, suite à la réorganisation du bureau d'exécution des jugements.

Le ministère de la Justice a préparé des amendements à la Loi sur l'organisation du pouvoir judiciaire dans la République d'Albanie. Ces amendements concernent le statut des juges, leurs rémunérations, leurs carrières, leur indépendance et leur professionnalisme. Ils traitent entre autres de la réorganisation des tribunaux de première instance, y compris la création de tribunaux administratifs, de l'accès au système judiciaire, de la nomination et de la redéfinition des tâches des présidents de tribunaux ; de la nomination des juges au tribunal chargé de juger les crimes graves et à la Cour d'Appel, des critères d'attribution des dossiers par lot, des infractions et sanctions disciplinaires ainsi que de la répartition des tâches entre le Conseil supérieur de la justice et le ministère de la Justice. Ces amendements seront accompagnés de modifications indispensables d'autres lois, par exemple celles sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Justice et du ministère de la Justice.

Les corapporteurs saluent le fait que le ministère de la Justice ait sollicité l'assistance du Conseil de l'Europe pour le projet d'amendements et invitent instamment les autorités albanaises à prendre en compte les commentaires émis par les experts du Conseil de l'Europe avant la présentation d'un projet au parlement. Les autorités ne nous ont pas indiqué si tel avait été le cas.

A ce jour, le gouvernement n'est pas encore parvenu à régler le problème de la rémunération des juges. Les propositions de la magistrature et des procureurs pour le budget 2006 n'ont pas été prises en considération et des réductions drastiques ont même été suggérées, en dépit du manque de place pour les salles d'audience, les bureaux des juges et les archives dont souffrent bon nombre de tribunaux de district, par ailleurs sous-équipés.

Les autorités albanaises doivent impérativement instaurer un cadre juridique fixant le statut, les conditions de recrutement et les attributions du personnel des tribunaux administratifs, qui ne bénéficient pas pour l'instant du statut de fonctionnaire et dont les rémunérations sont systématiquement inférieures à celles des grades équivalents dans les ministères du gouvernement. [...]

L'École de la magistrature a élargi ses programmes de formation. Les projets d'amendements à la Loi sur la magistrature prévoient que tous les juges devront impérativement être diplômés de cette école. Toutefois, rien n'a été fait pour mettre en place des concours permettant la nomination de juges et de procureurs.

Les experts du Conseil de l'Europe ont examiné le projet de système d'évaluation professionnel et éthique des juges, élaboré par le Conseil supérieur de la Justice. Ce nouveau système, qui a pris en compte l'avis des experts, est entré en vigueur en mai 2006.

Les amendements de la Loi sur le Conseil supérieur de la justice (CSJ), élaborés et adoptés précipitamment au début de l'année 2006, sans consultation du Département de la codification du ministère de la Justice, du Conseil de l'Europe ou de toute autre organisation internationale, ont été jugés inconstitutionnels par la Cour constitutionnelle en mai 2006. Actuellement, le CSJ travaille sur de nouveaux amendements à la loi, pour lesquels il conviendrait de demander l'expertise du Conseil de l'Europe.

A la suite de l'arrêt de la Cour constitutionnelle, le parlement a approuvé (le 13 juillet 2006) une proposition de la majorité au pouvoir visant à la révocation des deux membres du Conseil supérieur de la Justice nommés par le parlement précédent et prévoyant la nomination de deux remplaçants. Le gouvernement a déclaré la situation inconstitutionnelle, les membres incriminés étant des magistrats en exercice, d'où violation de la Constitution. Par sept voix contre six, le Conseil supérieur de la Justice a rejeté cette décision, indiquant que l'arrêt de la Cour constitutionnelle n'avait pas de caractère rétroactif, le parlement ayant élu ces membres pour un mandat de cinq ans, conformément à la Constitution.

L'existence de deux services parallèles d'inspection du système judiciaire, l'un au sein du Conseil supérieur de la Justice et l'autre au sein du ministère de la Justice, a régulièrement fait l'objet de critiques de la part de la magistrature et des observateurs locaux ou internationaux. Néanmoins, le ministre de la Justice argue de la bonne harmonisation des travaux des deux inspections et leur existence en parallèle est maintenue.

Le ministre de la Justice engage les procédures disciplinaires contre les juges, mais c'est le Conseil supérieur de la Justice qui a le pouvoir de décision. A la suite d'inspections auprès des tribunaux de première instance de Tirana, Durres, Kvaje, Diber, Mlirdite, Mat et Lushnje ainsi que de la Cour d'appel de Tirana, des violations de la procédure civile et pénale ont été constatées dans la période 2004-2005. Par la suite, le ministère de la Justice a proposé la révocation de quatre juges et le transfert de quatre autres. Le Conseil supérieur de la Justice n'a approuvé au final qu'une seule révocation. D'autres enquêtes sont actuellement en cours.

De 2002 à 2005, à la suite d'inspections, le procureur général a prononcé des sanctions disciplinaires à l'encontre de 65 procureurs dont 22 ont été démis de leurs fonctions et 20 menacés de licenciement. Un procureur a été poursuivi pour ne pas avoir déclaré son patrimoine à la Haute inspection pour la déclaration et la vérification du patrimoine. A ce jour, aucun système d'évaluation des procureurs n'est en place. L'assistance des experts du Conseil de l'Europe (requise en juillet 2006) pour l'élaboration d'une nouvelle loi sur l'organisation du bureau du procureur devrait être achevée d'ici la fin de l'année 2006.

Les autorités albanaises doivent poursuivre les réformes du système judiciaire qui semblent être largement soutenues par la population. Une nouvelle législation transparente doit être préparée avec soin. Les autorités devraient tenir compte des conseils des experts du Conseil de l'Europe sur les amendements à la Loi sur l'organisation de la magistrature. La nouvelle législation doit renforcer l'indépendance et le professionnalisme des juges ; augmenter les budgets et la rémunération des juges ; améliorer le statut et le recrutement du personnel administratif ; renforcer la formation des juges et des procureurs ; et prévoir des concours en vue des nouvelles nominations. Il convient également de réformer l'organisation du bureau du procureur et d'introduire un système d'évaluation des procureurs (à l'instar de celui récemment mis en place pour les juges).

Les membres de la délégation ont pu constater par eux-mêmes les efforts entrepris par les autorités albanaises pour réformer le système judiciaire.

De ce point de vue, la création d'une École de la magistrature , dont les premiers diplômés sont sortis en 2000, constitue une avancée indéniable pour professionnaliser des juges très critiqués par la population comme par les pouvoirs publics. Elle été conçue sur le modèle de l'École nationale de la magistrature (ENM) française. Les deux établissements coopèrent d'ailleurs, principalement en matière de droit des mineurs.

La directrice de l'École, Mme Ariana Fullani, ancien professeur de droit et ancien juge d'appel, a indiqué aux membres de la délégation que plus du quart des magistrats albanais en fonction étaient désormais passés par cette École.

L'École se concentre désormais sur la formation continue des magistrats et organise environ 60 stages par an. Les priorités de ses programmes de formation sont les droits de l'homme, l'éthique et la déontologie.

L'École de la magistrature albanaise reçoit le soutien de l'OSCE pour organiser des stages sur le droit de la famille. Le récent code de la famille albanais est très largement inspiré du code français, en particulier les dispositions relatives au divorce et aux travailleurs sociaux.

Les membres de la délégation ont souhaité visiter une prison albanaise .

Cette prison de Tirana comporte 200 places mais accueille en réalité davantage de détenus. Il s'agit d'une prison de haute sécurité où la discipline est plus sévère. Elle ne reçoit aucun mineur. La plupart des détenus sont en détention provisoire, qui peut durer jusqu'à trois ans, et sont soupçonnés de meurtre.

Le directeur de la prison a indiqué que chaque détenu, à son arrivée, était examiné par un médecin qui établit une fiche de santé ainsi qu'un dossier psycho-sociologique recensant également les problèmes familiaux.

La police recherche les antécédents avec la justice pour savoir si un détenu est susceptible de rencontrer des problèmes de cohabitation avec ses codétenus.

Le règlement de la prison est expliqué au détenu et un exemplaire lui est remis. Lorsqu'un détenu est transféré en cellule, sa famille est prévenue. Un détenu peut rencontrer sa famille une fois par semaine pendant trente minutes, peut téléphoner vingt minutes par mois et faire entrer vingt kilogrammes de nourriture par an.

Les cellules peuvent en principe accueillir quatre détenus, mais il existe un problème de surpopulation carcérale, qui serait toutefois limité. Elles sont équipées d'un réfrigérateur, d'un ventilateur pendant l'été et d'une télévision couleur avec antenne satellite. Chaque cellule comporte un lavabo et des toilettes, et les détenus prennent une douche tous les trois ou quatre jours.

Les détenus peuvent travailler au sein de la prison. Ils ont droit à une promenade quotidienne de deux heures et à une heure de loisirs par jour (ping-pong, lecture ou accès à un ordinateur par exemple), sous la surveillance de psychologues des services sociaux. Les droits et devoirs des détenus et de leurs avocats sont affichés dans la salle de loisirs.

En cas de non respect des règles de discipline, un détenu peut être mis à l'isolement pour une durée maximale de 20 jours, après passage devant une commission de discipline.

Un détenu peut rencontrer son avocat chaque jour de l'année, entre 8 heures et 15 heures, dans une salle spécialement aménagée à cet effet. Une autre salle permet également de rencontrer le juge d'instruction.

La création d'une école de l'administration pénitentiaire serait envisagée en 2008.

S'il n'a pas été donné aux membres de la délégation l'occasion de constater de dysfonctionnements graves en milieu carcéral, l'appréciation du Conseil de l'Europe est nuancée.

L'appréciation portée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur la conduite de la police, la détention provisoire et les conditions pénitentiaires (extraits du rapport du 20 décembre 2006)

Le 13 juillet 2006, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe a publié les rapports sur sa visite ad hoc de juillet 2003 et sa visite périodique de mai/juin 2005 en Albanie, accompagnés des réponses des autorités albanaises. Les corapporteurs se félicitent de la décision des autorités albanaises d'autoriser la publication des rapports du CPT, conformément à l'assurance que leur avait donnée le Premier ministre au cours de leur visite en Albanie au mois d'avril.

Plusieurs personnes interrogées par la délégation du CPT lors de la visite de 2003 prétendaient avoir subi de mauvais traitements pendant leur garde à vue dans les locaux de la police. La plupart de ces allégations avaient trait à des mauvais traitements infligés durant les interrogatoires menés par des officiers de police judiciaire. Après avoir examiné un certain nombre de cas individuels d'allégations de mauvais traitements, le CPT a conclu que l'absence de réactions effectives et appropriées de la part des autorités judiciaires et disciplinaires ne pourrait que favoriser un climat d'impunité. Le Comité a formulé des recommandations spécifiques concernant l'efficacité des enquêtes sur d'éventuels cas de mauvais traitements par des membres des forces de l'ordre.

La visite de 2005 a démontré le peu de progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations formulées auparavant par le CPT. Dans le rapport de visite, le comité en a appelé aux autorités albanaises pour qu'elles prennent des mesures d'urgence afin d'améliorer la situation. En réponse, les autorités albanaises ont fourni des informations détaillées sur plusieurs mesures prises afin d'améliorer les conditions de détention dans les centres de détention provisoire. Elles ont également signalé la mise en oeuvre effective de la Loi de 1996 relative à la santé mentale, qui contient un certain nombre de garanties destinées à préserver les droits fondamentaux des personnes ayant été admises dans un hôpital psychiatrique contre leur gré.

En mars 2006, le CPT est retourné en Albanie, afin de revoir les mesures prises par les autorités albanaises à la lumière des recommandations formulées dans les rapports de visite précédents. Le rapport relatif à cette visite a été adopté par le CPT en juillet 2006 et transmis aux autorités albanaises.

Les organisations albanaises et internationales continuent à faire état de mauvais traitements infligés aux détenus par la police. Amnesty International a rapporté en février 2005 avoir reçu chaque année depuis 2002 près de 35 plaintes concernant des cas de torture ou de mauvais traitements et a estimé bien supérieur le nombre de cas réels. Il semblerait que la plupart des abus aient lieu au moment de l'arrestation ou lors de la détention initiale (et ceci en dépit d'une vaste formation aux droits de l'homme dispensée à la police).

La définition de la torture dans le code pénal albanais n'est pas conforme aux normes internationales. Il manque en effet des dispositions concernant la réparation, y compris une compensation juste et adéquate, pour les victimes de torture et de mauvais traitements. Un projet de loi, préparé en juillet 2005, donnant une définition de la torture conformément à la convention des Nations Unies, est actuellement devant le parlement.

Des observateurs locaux et internationaux rapportent également l'absence d'enquête prompte, approfondie et impartiale sur les plaintes pour actes de torture et de mauvais traitements et le non déferrement des responsables devant la justice.

Selon des informations fournies par le ministère de la Justice, depuis 2003 les centres de détention provisoire relèvent de jure de la responsabilité du ministère de la Justice, mais certains d'entre eux sont de facto toujours sous administration du ministère de l'Intérieur en raison d'un manque de moyens financiers et d'une infrastructure insuffisante. Leur état est mauvais, à l'exception des centres de Tirana et Lezha, administrés par la direction générale des prisons. Un schéma directeur pour la détention provisoire en Albanie, développé par le ministère de la Justice dans le cadre du programme CARDS de l'Union européenne, prévoit la construction de 12 centres de détention provisoire sur le territoire albanais. Actuellement, les sites ont été choisis, les procédures d'achat sont en cours et la construction devrait démarrer rapidement. La CE rapporte que la mise en oeuvre de ce schéma directeur a pris du retard. Le ministère de la Justice coopère également avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe afin d'obtenir de l'aide pour la construction de nouveaux centres de détention provisoire.

Rendant compte aux membres du Conseil des Ministres du contenu du rapport du CPT début avril 2006, le Premier ministre a confirmé que la violence dans les prisons constituait un problème grave. Il a déclaré que des mesures de lutte contre la violence dans les prisons et de prévention de la torture étaient une priorité urgente pour le gouvernement. Il a confirmé que de nouveaux centres de détention seraient créés dans toutes les régions du pays et que leurs règlements internes seraient révisés en étroite coopération avec le CPT. Par ailleurs, des lignes téléphoniques seront mises en place dans les bureaux des procureurs de tous les districts où sont situés des centres de détention provisoire et des prisons de manière à ce que les détenus puissent dénoncer toute forme de mauvais traitements et de pression illégale.

La Commission de supervision de l'exécution des peines pénales, composée de représentants de divers ministères, du parlement et du parquet, créée pour conseiller le ministre de la Justice en matière d'exécution des peines et de protection des droits des prisonniers et détenus, n'est pas opérationnelle pour l'instant.

Les plaintes de mauvais traitements et de tortures doivent faire l'objet d'une enquête correcte et leurs auteurs doivent être déférés devant la justice. Selon des informations communiquées par les autorités, en 2005 et durant le premier trimestre 2006, des poursuites pénales ont été engagées contre 19 officiers de police. Trois d'entre eux ont été reconnus coupables. Les poursuites contre les 16 autres sont en cours. Aucune information n'a été livrée quant aux charges précises qui pesaient sur eux et à la peine à laquelle ont été condamnés ceux reconnus coupables.

Parallèlement au problème des conditions de détention, la durée excessive de la détention provisoire soulève également de graves inquiétudes. Bien que la loi fixe à deux ans la durée maximale de la détention provisoire, les retards dans les enquêtes engendrent de longues détentions provisoires qui dépassent la limite prévue par la loi.

La Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme rapporte plusieurs mesures positives prises au cours de l'année 2005. Les autorités ont commencé à mettre en oeuvre une loi imposant que les personnes définitivement reconnues coupables soient transférées des centres de détention provisoire vers des prisons. Des mesures sont prises visant l'ouverture d'une institution pour les prisonniers mentalement instables ou malades ainsi que des mesures pour améliorer le mauvais état des locaux pénitentiaires. Une nouvelle prison et un nouveau centre de détention provisoire ont été ouverts à Lezha ainsi qu'un quartier de haute sécurité à la prison de Peqin. Selon le ministère de la Justice, d'autres améliorations devraient intervenir dans un avenir proche.

L'expertise du Conseil de l'Europe a été demandée pour élaborer des mesures alternatives à l'emprisonnement qui pourraient contribuer à réduire le problème de surpopulation carcérale que connaît l'Albanie.

Les autorités doivent continuer à prendre des mesures pour améliorer la situation conformément aux recommandations du CPT inclues dans les rapports de 2003 et 2005 publiés récemment. L'engagement politique du gouvernement dans cette voie est très encourageant.

C. UNE ÉCONOMIE FRAGILE

1. Un pays pauvre

L'Albanie est, après la Moldavie, le pays le plus pauvre d'Europe. Son économie demeure fragile et largement tributaire de l'aide extérieure.

Le chômage poursuit sa décrue et a touché 13,9 % de la population active au second trimestre 2006. La part de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté a diminué de 25 % en 2002 à 18 % en 2005. Cependant, malgré un rythme de croissance soutenu, l'Albanie affiche toujours, en 2006, le PIB par habitant le plus faible des Balkans et un indice de développement humain (IDH) de 0,784, inférieur à la moyenne de l'Europe centrale et orientale (0,802). Dans le classement de l'IDH, l'Albanie se situe à la 73 e position, sur 177, derrière la Roumanie, dont l'IDH (0,805, au 60 e rang) est le plus faible des 27 Etats membres de l'Union européenne.

Par ailleurs, l'Albanie est un pays très largement soutenu par la communauté internationale et plus particulièrement par l'Union européenne , qui lui a attribué une aide d'un montant total de 1,273 milliard d'euros au cours des années 1991 à 2004.

Néanmoins, l'Albanie a engagé avec succès, depuis 1998, des réformes structurelles dans le cadre des priorités dégagées par la Banque mondiale (gouvernance et renforcement de la capacité institutionnelle, développement du secteur privé, réduction de la pauvreté) et par le FMI (privatisations de banques et d'entreprises du secteur minier et énergétique, amélioration de la collecte fiscale) qui ont permis de rétablir les grands équilibres macroéconomiques , notamment après le dramatique épisode de l'écroulement des « pyramides », en 1997, qui avait ruiné l'économie et provoqué une quasi guerre civile.

L'appréciation de l'économie albanaise par la Commission européenne

(Extraits de son rapport de novembre 2006)

S'agissant des critères économiques, l'Albanie a largement réalisé l'objectif de stabilité macroéconomique. Ceci a contribué à faire évoluer le pays vers une économie de marché viable. L'Albanie doit poursuivre vigoureusement les efforts considérables entrepris en matière de réforme, afin d'être à même de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union.

Le consensus politique sur les axes essentiels de la politique économique a généralement été maintenu. L'Albanie a largement maintenu la stabilité macroéconomique. La croissance économique a continué d'être forte et a réduit les niveaux de pauvreté. Le dosage des politiques macroéconomiques est resté judicieux. La politique monétaire a été crédible et est parvenue à maintenir l'inflation à un niveau faible. L'assainissement budgétaire s'est poursuivi et la réforme de l'administration publique et de l'administration des impôts a contribué à améliorer la situation budgétaire. Les obstacles administratifs à l'entrée sur le marché ont été réduits.

Toutefois, les déficits des comptes extérieurs se sont considérablement élargis et la base d'exportation est demeurée très faible. Le cadre juridique de l'Albanie en matière de marchés publics, de privatisation et de concessions doit être amélioré. Les carences de l'environnement économique, telles que l'incertitude juridique et l'exécution déficiente de la législation, de mauvaises infrastructures ou un approvisionnement énergétique peu fiable constituent des obstacles au développement économique. L'application des droits de propriété est restée faible et seuls quelques progrès ont été enregistrés en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité du système judiciaire. Le renforcement du cadre de régulation et de supervision du secteur financier non bancaire constitue un défi majeur. Les efforts pour lutter contre l'importante économie parallèle et la régulariser doivent encore être accélérés. Le processus de privatisation n'est pas encore terminé et la restructuration des entreprises publiques, en particulier celle de la compagnie d'électricité, doit être poursuivie sans délai. [...]

Des progrès ont été réalisés dans certains domaines du marché intérieur, mais un travail considérable est encore nécessaire dans d'autres pour que l'Albanie remplisse ses obligations dans le cadre de l'ASA. L'ASA comprend des obligations en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, la liberté des services et la liberté d'établissement. Il n'y a eu aucun progrès significatif dans le domaine de la libre circulation des travailleurs. La discrimination en matière de droits d'enregistrement pour les sociétés étrangères a été supprimée. Les procédures d'enregistrement des entreprises ont été simplifiées mais restent relativement floues. Les obstacles à l'établissement et les restrictions en matière de mouvements des capitaux sont restés en place. [...]

Les progrès réalisés pour améliorer l'environnement des entreprises et réduire l'économie informelle restent lents. Les progrès dans le domaine de l'agriculture ont été très limités. Une augmentation des ventes et des investissements relatifs à certains produits a été enregistrée, mais la productivité et la compétitivité restent faibles. Le respect des exigences de l'UE dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire, essentiel pour le succès du recours aux conditions commerciales de l'ASA et de l'accord intérimaire, reste faible.

L'économie albanaise reste toujours largement tributaire des transferts de la diaspora , estimés à plus d'un milliard de dollars, qui ont représenté, en 2005, 14,6 % du PIB, soit le double du montant des exportations et trois fois celui des investissements directs étrangers.

Afin de rendre l'Albanie plus attractive aux investisseurs étrangers, le gouvernement a pris plusieurs mesures en 2006 destinées à améliorer l'environnement économique, dont notamment la réduction de 42 à 8 jours des délais d'enregistrement des sociétés, la diminution de 50 % des frais d'examen du dossier de demande de licence commerciale pour les investisseurs étrangers et l'initiative « Albanie à un euro ». Des décisions d'investissement pour l'amélioration des infrastructures routières et portuaires ont également été prises. Le principal défi du gouvernement reste néanmoins le règlement de la crise énergétique, qui affecte directement et douloureusement la population, confrontée, y compris à Tirana, à des coupures de courant quasi quotidiennes, qui peuvent durer plusieurs heures.

Bien que difficiles à quantifier, les revenus engendrés par les activités illégales continuent à représenter une part importante de l'économie du pays.

2. Des résultats mitigés

La signature de l'ASA avec l'Union européenne, en juin 2006, ainsi que l'appréciation positive des services du FMI lors de leur dernière revue, ont conforté le gouvernement dans ses orientations de politique économique. Les indicateurs macroéconomiques sont bien orientés.

Mais ils ne doivent pas occulter des éléments persistants de vulnérabilité et la nécessité d'une accélération des réformes structurelles .

La croissance se poursuit mais reste fragile.

La croissance réelle du PIB en 2006 est estimée à 5 %, en ralentissement par rapport à 2005 (5,5 %) et 2004 (6,7 %). Les données partielles publiées par l'Institut des statistiques confirment cette décélération, bien que la croissance reste soutenue dans certains secteurs porteurs comme l'extraction minière et l'industrie agro-alimentaire. La croissance du commerce et du tourisme est également vigoureuse. Cependant, la contribution de secteurs traditionnellement moteurs de l'économie est en recul. La construction, emblématique de la croissance rapide de la période 2000-2005, a crû de seulement 6,8 % en 2005, contre 45,6 % en 2004. Elle a marqué le pas au premier semestre 2006 avec une progression annuelle de 1,6 %. L'industrie minière a, en revanche, contribué substantiellement à la croissance sur les deux premiers trimestres : les ventes ont été en hausse annuelle de 21 % puis 34 %.

Les secteurs d'activité en recul butent toujours sur le goulet d'étranglement que constitue la situation énergétique . Après la forte pénurie d'électricité qui a frappé le pays fin 2005, la situation s'est normalisée. Mais la production d'énergie électrique au premier semestre a chuté de 1,4 % par rapport à l'année précédente, tandis que les pertes techniques se sont accrues de 5 %. Les importations ont couvert 13 % de l'offre d'électricité sur la période. Les dysfonctionnements du secteur énergétique ont contribué à la stagnation du secteur des transports et des télécommunications.

En matière budgétaire, le déficit est contenu grâce à des recettes fiscales en hausse.

Un excédent budgétaire de 52,8 millions d'euros a été enregistré sur les dix premiers mois de 2006, grâce à une collecte fiscale meilleure que prévu et à des recettes douanières en hausse. En conséquence, le collectif budgétaire adopté en juillet 2006 prévoit des dépenses d'investissement supplémentaires équivalentes à 2,2 % du PIB dans les infrastructures, l'éducation et la santé, ainsi qu'une augmentation des retraites et des salaires dans le secteur public.

Le déficit public devrait atteindre 3,8 % du PIB en 2006, contre 3,6 % en 2005. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit un solde public déficitaire de 4,8 % et des dépenses d'investissement en hausse qui s'élèveraient à 7,1 % du PIB. Les ressources publiques progresseront de 10,3 % par rapport à 2006, et les dépenses totales de 12,6 %. La dette publique, en recul, s'établit à 55,3 % du PIB en 2005, dont 17,8 % d'endettement extérieur.

Cependant, le niveau d'exécution des dépenses d'investissement reste un motif de préoccupation. Entre janvier et octobre 2006, leur montant total a été inférieur de 8 % à celui prévu dans le budget, et de 2 % à leur valeur un an plus tôt. Les dépenses en capital en ont le plus pâti, puisqu'elles ont enregistré une baisse de 15 %. La faible réalisation des dépenses d'investissement, inférieure à 75 %, et moins de 50 % pour celles bénéficiant de financements extérieurs, indique une dépendance persistante à l'égard de quelques grands projets et des priorités politiques du moment. Elle ne permet pas au gouvernement de tirer un véritable profit des progrès réalisés dans la collecte des recettes fiscales.

La stabilité monétaire est maintenue dans un contexte d'expansion du crédit et d' « euroisation » croissante de l'économie.

La Banque d'Albanie a réaffirmé son objectif de contenir le taux d'inflation entre 2 % et 4 %. Elle a relevé son taux directeur d'un quart de point en juillet 2006, à 5,25 % et rencontre un succès certain, puisqu'après avoir atteint 2 % fin 2005, l'indice des prix à la consommation affichait une progression de 2,2 % en glissement annuel en octobre 2006. Cette modération est imputable en partie au recul des prix de l'alimentation et de l'habillement. Les prix des boissons alcoolisées et du tabac, ainsi que le coût du logement et de l'énergie, affichent les plus fortes hausses.

Après une appréciation de 3,8 % en 2005, le cours du lek en euros s'est stabilisé en 2006.

L'économie albanaise ne fait pas exception à la forte hausse du crédit bancaire aux ménages et aux entreprises, observée en Europe du sud-est. Le portefeuille de prêts au secteur privé a crû de 64 % entre septembre 2005 et septembre 2006, pour atteindre 1,8 milliard d'euros, soit 23,9 % du PIB. Ce niveau d'intermédiation financière reste le plus faible de la région. La forte expansion des crédits alloués au secteur privé ne suscite d'ailleurs pas de pressions inflationnistes. Les prix énergétiques, les dépenses publiques et la réduction du différentiel de taux entre les dépôts en leks et ceux en devises demeurent des facteurs de risque.

L'« euroisation » de l'économie progresse (plus de 38 % des dépôts bancaires en septembre 2006), notamment en raison du taux d'intérêt à court terme plus faible sur les prêts libellés en euros (7,8 %, contre 15,6 % sur les crédits en leks). Bien que les prêts libellés en devises représentent plus des trois quarts du total des prêts consentis, ils ont progressé moins vite depuis 2005 que les prêts en leks. Ce décalage s'expliquerait par le nombre de plus en plus important de fonctionnaires payés par virement bancaire.

La détérioration du solde commercial et l'évolution incertaine des investissements étrangers pèsent sur les équilibres extérieurs.

L'aggravation du déficit du compte courant, qui représente 7,8 % du PIB en 2005, contre 5,5 % en 2004, est alimentée principalement par le déficit croissant du solde commercial, équivalent à 22 % du PIB en 2005. Au premier semestre 2006, les importations ont dépassé les exportations de 785 millions d'euros, soit 145 millions d'euros de plus que l'année précédente.

Le déficit de la balance des paiements courants a crû de 43,7 % entre le premier semestre 2005 et le premier semestre 2006, atteignant près de 300 millions d'euros. Cette dégradation s'explique avant tout par le creusement du déficit commercial en raison d'un double mouvement :

- ralentissement de la croissance des exportations en valeur (+ 14,7 %), à l'exception des ventes de produits miniers stimulées par la hausse des cours (+ 94 %) ;

- vigueur des importations (+ 18 %), mais les biens d'équipement, qui représentent 21 % des importations, affichent la plus faible progression (+ 1,7 %). Les importations de biens intermédiaires et d'énergie ont augmenté de 36 %.

Les flux d'investissements directs étrangers ont financé 42 % du déficit courant sur les six premiers mois de 2006. En hausse de 17 % par rapport au premier semestre 2005, ils se sont élevés à 126 millions d'euros. Cependant, ces flux demeurent étroitement dépendants des recettes de privatisations, dont la concrétisation est incertaine. A titre d'exemple, la cession de la compagnie de télécommunications Albtelecom a été bloquée à plusieurs reprises et ne devrait pas aboutir avant le second semestre 2007.

Les transferts de fonds de la diaspora continuent de croître à un rythme soutenu. Ils ont atteint 886 millions d'euros en 2005, un montant équivalent à 13,3 % du PIB, et 487 millions d'euros au premier semestre 2006.

3. La nécessaire poursuite des réformes structurelles

L'accomplissement de réformes structurelles est la condition sine qua non d'une croissance durable. L'effet de rattrapage dû à la forte hausse du revenu par tête marque le pas, car les autorités ne progressent qu'avec lenteur dans quatre domaines stratégiques :

1°) le fonctionnement institutionnel et légal : la lutte contre la corruption était une promesse électorale phare de M. Berisha. Compte tenu de l'ampleur du chemin à parcourir, la capacité du gouvernement à obtenir des résultats concrets dans ce domaine est encore difficile à évaluer. On notera néanmoins que, selon le rapport de l'organisation non gouvernementale Transparency International , l'indice de perception de la corruption en Albanie s'est amélioré puisque le pays est passé, entre 2005 et 2006, du 126 e au 111 e rang.

L'élargissement de l'assiette des prélèvements fiscaux progresse, mais la lutte contre l'évasion fiscale et de nouveaux efforts en vue d'une plus grande légalisation de l'économie restent nécessaires ;

2°) l'environnement des affaires : des réformes ont été amorcées, mais le coût de création d'une entreprise et celui de sa mise en faillite restent élevés, et l'environnement légal reste peu fiable ;

Les difficultés de la réforme de la propriété en Albanie (extraits du rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 20 décembre 2006)

L'enregistrement et la restitution des biens confisqués sous le régime communiste comptent parmi les problèmes toujours en attente d'une solution conforme à la garantie constitutionnelle du droit de propriété.

Comme les délais initiaux fixés dans la loi sur la restitution et la compensation de la propriété n'ont pas été tenus, le parlement les a prolongés pour permettre jusqu'en 2006 la soumission des revendications de biens. En juin 2006, la Commission parlementaire des questions juridiques, de l'administration publique et des droits de l'homme a décidé de prolonger à nouveau ce délai jusqu'à la fin 2008.

Compte tenu de la lenteur de l'enregistrement des biens immobiliers, le bureau d'enregistrement des biens immobiliers a été placé sous l'autorité du ministère de la Justice et sa réforme a été engagée. L'une des priorités est d'achever l'inventaire des biens d'Etat disponibles, nécessaire pour estimer les besoins financiers quant aux dédommagements. Il semble qu'une grande partie des domaines situés dans les zones urbaines et côtières, au potentiel économique le plus fort, restent non enregistrés. L'OSCE assiste les autorités albanaises dans leurs efforts d'enregistrement des propriétés et de développement d'un plan d'action durable, condition préalable à de futurs prêts de la Banque mondiale.

Mi-mars 2006, le gouvernement a annoncé la dissolution de la Commission nationale de restitution et de compensation de la propriété, au motif qu'elle n'a pas rempli sa mission avec efficacité.

La loi sur la légalisation, l'urbanisation et l'intégration des constructions illégales, proposée par le gouvernement, a suscité des controverses. Le Président de la République a renvoyé une première version de la loi au parlement pour examen complémentaire, car il craignait que certaines des dispositions soient inconstitutionnelles. En avril 2006, le parlement a adopté les amendements à la version initiale proposés par le Parti républicain. Selon ces amendements, la légalisation des constructions illégales ne serait appliquée qu'après indemnisation des propriétaires légitimes. La loi a été adoptée mais l'opposition, estimant que la loi restait inconstitutionnelle même dans sa version amendée, a boycotté le vote et déclaré qu'elle s'adresserait à la Cour constitutionnelle.

Le 17 juillet 2006, une nouvelle loi régissant la restitution des biens et la compensation a été adoptée et a donné lieu à la création de l'Agence nationale pour la restitution des biens et le dédommagement. La loi prévoit la restitution d'un nombre plus important de terres, la création d'un fonds de compensation, et la dissolution de la Commission nationale de restitution et de compensation de la propriété au profit de la création de la nouvelle Agence pour la restitution des biens et le dédommagement.

Après l'adoption de la loi sur la légalisation, le gouvernement a instauré l'Agence pour la légalisation, la viabilisation et l'intégration des zones/constructions informelles. L'agence est chargée d'informer le public du développement du processus de légalisation. Elle a élaboré les documents nécessaires à la mise en oeuvre de la loi actuellement distribués par les collectivités locales. Ces dernières ont bénéficié à cet effet d'un soutien financier et des infrastructures requises.

Les autorités ont annoncé que dans les cinq ans à compter de 2007, 600 000 biens immobiliers seront enregistrés essentiellement dans les zones urbaines. La saisie numérique des informations et l'informatisation des services augmenteront leur efficacité. En octobre 2006, la Présence de l'OSCE en Albanie a signé un Mémorandum d'entente avec le bureau d'enregistrement des biens immobiliers pour favoriser la mise en oeuvre d'un premier projet pilote qui implique le démarrage de l'enregistrement dans les zones de constructions illégales identifiées comme prioritaires par l'agence.

Les autorités albanaises doivent accélérer le processus afin de parachever l'enregistrement et la restitution des biens confisqués sous le régime communiste, ainsi que l'octroi des compensations conformément à la garantie constitutionnelle du droit de propriété et à l'Article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

3°) le système éducatif : la durée de la scolarité moyenne a chuté de 12 à 9,6 ans depuis 1995 ;

4°) la mise à niveau des infrastructures , entravée par la faiblesse de l'investissement public, estimé à 4,6 % du PIB en 2005.

D. DES INFRASTRUCTURES À RECONSTRUIRE

L'Albanie peut facilement être comparée à un vaste chantier , où tout est à construire ou reconstruire.

Les travaux ont du reste largement commencé, notamment à Tirana. En revanche, il n'existe pas de système organisé de collecte des ordures ménagères et les rues de la capitale ne sont pas propres. Quand les déchets s'accumulent, ils sont brulés, ce qui dégage des fumées âcres. Le maire de Tirana, M. Edi Rama, a d'ailleurs indiqué aux membres de la délégation que la propreté de la capitale constituait l'une de ses principales priorités, avec le développement des transports en commun.

Le traitement des déchets apparaît d'ailleurs comme un problème général en Albanie, où la société de consommation s'est développée rapidement. Des paysages magnifiques sont souvent gâchés par des milliers de sacs en plastique.

Les règles d'urbanisme sont peu développées, ou alors elles ne sont guère appliquées. La banlieue de Tirana a progressé en dehors de toute logique urbanistique et vraisemblablement en toute illégalité, sans permis de construire. Les habitants, qui ont l'air beaucoup plus pauvres que dans la capitale, vivent dans des conditions très précaires, parfois sans eau ni électricité.

Les membres de la délégation se sont rendus dans un quartier situé dans la banlieue de Tirana et traversé par un immense fossé rempli de déchets de toute sorte dans lequel jouaient des enfants.

C'est dans ce quartier, à Bathore, que se trouve un dispensaire médical, le seul centre de soins auquel peuvent avoir accès les 6 000 habitants. Il est ouvert de 8 heures à 14 heures trente, six jours par semaine, mais était fermé le jour où les membres de la délégation s'y sont rendus. Ce dispensaire, qui reçoit entre 20 et 30 malades par jour, n'a ni eau - depuis que la citerne qui se trouvait sur le toit a été volée - ni électricité. Sa porte a été volontairement fracturée à l'occasion d'une querelle de voisinage et, devant l'inertie ambiante, notre ambassadeur a décidé de payer la réparation sur ses deniers personnels.

En raison de l'état de dénuement de ce dispensaire, le groupe interparlementaire a décidé de répondre favorablement à l'initiative de notre collègue Josette Durrieu, dans le cadre du conseil général des Hautes-Pyrénées, en finançant l'essentiel de l'acheminement de matériel médical depuis l'hôpital de Lannemezan. Si le matériel est bien arrivé, il conviendra de s'assurer de son utilisation par les médecins albanais.

Les membres de la délégation ont également visité le pavillon français Claude Bernard de l'hôpital Mère Teresa de Tirana.

Ce pavillon de 70 lits est spécialisé en ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie et chirurgie maxillo-faciale. Les locaux et le matériel médical ont été entièrement financés par la France via l'Agence française de développement.

Si les locaux ont paru globalement en bon état, les moyens de fonctionnement semblaient manquer. Ainsi, la réception n'était équipée d'aucun téléphone ni ... de réceptionniste. Il a été indiqué aux membres de la délégation, qui ont été accueillis par un médecin jeune et en fonctions depuis peu, que le pavillon Claude Bernard n'avait plus de directeur.

D'autres locaux du centre hospitalier avaient l'air vétuste, les fenêtres présentaient de nombreux carreaux cassés et l'état de propreté général avait l'air très médiocre.

De manière générale, le secteur de la santé albanais, qui ne représenterait que 3 % du budget de l'Etat, est complètement à reconstruire. Ce secteur est toujours régi par une loi de 1974, seulement révisée pour autoriser le secteur privé. Seules 7 % des dépenses de santé sont socialisées, et il n'existe pas de système de sécurité sociale. Les inégalités d'accès aux soins sont donc très grandes. Le matériel médical est généralement obsolète, certains services étant équipés de moniteurs chinois datant d'avant la rupture avec la République populaire, c'est-à-dire d'avant 1978 ! Enfin, et en dépit d'excellents médecins, beaucoup de praticiens albanais ne reçoivent pas une formation qui les prépare à exercer une médecine moderne.

* 7 Résolution 1538 (2007).

* 8 Les maires et les conseils municipaux sont élus distinctement.

* 9 Communiqué de presse du 19 février 2007.

* 10 L'Albanie est confrontée à une importante circulation d'armes à feu, qui sont portées en toutes occasions, y compris les plus inattendues. Ainsi, les services de sécurité de notre ambassade à Tirana ont dû désarmer certains invités à la réception donnée, le 14 juillet 2005, à l'occasion de la fête nationale.

* 11 Résolution 1101 du 28 mars 1997.

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