CHAPITRE I
L'EXPERIENCE DU FRONT UNI :
UNE CONFIGURATION POLITIQUE INEDITE ET FRAGILE

I. L'INDE EST AUJOURD'HUI GOUVERNÉE PAR UNE COALITION DE GAUCHE, LE FRONT UNI, QUI BÉNÉFICIE DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU CONGRES

A. LE PARTI DU CONGRÈS A LONGTEMPS DOMINE LA VIE POLITIQUE INDIENNE

L'Inde compte quelque 200 partis politiques, de dimension nationale ou locale, qui se multiplient essentiellement pas scissiparité. Le Parti du Congrès a gouverné l'Inde pendant 44 des 49 années qui ont suivi l'indépendance du pays. Les principaux partis de l'opposition sont le BJP (Bharatya Janata Party, Parti du peuple indien, de tendance nationaliste hindou), le Janata Dal (Parti du peuple), qui a accédé au pouvoir en 1977 et 1989, et enfin les deux partis communistes, le CPI-M (Communist Party of India - Marxiste) et le CPI (Communist Party of India).

Les dimensions du pays et l'existence de préoccupations locales croissantes compliquent le jeu politique en empêchant toute configuration binaire simple.

Le Congrès a dominé la vie politique indienne jusqu'à la fin des années soixante-dix. La politique économique et sociale menée par Indira Gandhi ayant uni contre elle les oppositions, Mme Gandhi décréta en 1975 l'état d'urgence pour pouvoir continuer à gouverner. Lors des élections de mars 1977, que Mme Gandhi avait elle-même fixées et qu'elle avait voulu libres, la fille de Nehru fut vaincue par une coalition de partis (socialistes, anciens membres du Congrès, hindouistes traditionalistes) regroupés sous le sigle du " Janata " (peuple). Le nouveau Gouvernement formé par M. Desai tomba toutefois à la suite de l'éclatement de la coalition en juillet 1979 et son successeur, M. Charan Singh, géra les affaires courantes jusqu'aux élections de janvier 1980.

Mme Gandhi mena alors une campagne électorale placée sous le signe de l'efficacité et évita de reprendre les thèmes qui lui avaient coûté le pouvoir en 1977, notamment celui du contrôle de la natalité. Victorieuse aux élections générales, Mme Gandhi redevint Premier Ministre en 1980. A sa mort, en octobre 1984, son fils Rajiv lui succéda aux affaires. Aux élections générales qui suivirent en décembre, le Parti du Congrès remporta une majorité écrasante de 415 sièges sur 545. Après l'échec de ce dernier aux élections de novembre 1989, M. Gandhi dut céder le pouvoir à M. V. P. Singh, dont le Gouvernement minoritaire (Janata Dal) tomba en novembre 1990 à la suite du retrait du soutien du BJP. Son successeur, M. Chandra Shekhar gouverna avec une soixantaine de députés et l'appui du Congrès. Ce fragile équilibre ne résista que quatre mois. En mars 1991, M. Chandra Shekhar démissionnait. Des élections anticipées furent alors organisées en mai 1991. Elles furent marquées par l'assassinat de M. Rajiv Gandhi, le 21 mai, au lendemain du premier jour du scrutin. Elles donnèrent la majorité relative au Parti du Congrès.

Le Gouvernement minoritaire fut dirigé à partir du 21 juin 1991 par M. Narasimha Rao, qui décida un important programme de réformes économiques visant à ouvrir l'Inde aux investisseurs étrangers. Sa politique, saluée par les instances internationales et une large partie de la communauté d'affaires, ne réussit cependant pas à enrayer la lente érosion politique qui frappait le Parti du Congrès, déconsidéré par des affaires de corruption.

B. LES ÉLECTIONS GÉNÉRALES DU PRINTEMPS 1996 ONT PERMIS LA MISE EN PLACE, SOUS LE NOM DE " FRONT UNI ", D'UNE ALLIANCE REGROUPANT TREIZE PARTIS ET BÉNÉFICIANT DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU CONGRÈS.

Les élections générales du printemps 1996 ont fait du BJP le premier parti en nombre de sièges. M. A. B. Vajpayee, chef du BJP, n'a cependant pas été en mesure de dégager une majorité au Parlement. Son Gouvernement n'a duré que treize jours. Il a été remplacé par une coalition de treize partis : le Front Uni, sous la direction de M. Deve Gowda. Cette coalition, qui rassemble des partis de gauche et des partis régionaux, est soutenue, sans participation, par le Congrès.

Le ciment de la coalition réside dans la volonté de barrer la route à la droite nationaliste hindoue, représentée par le BJP et ses alliés. La nouveauté est l'arrivée au pouvoir de membres des basses castes et de provinciaux qui n'avaient guère eu jusqu'à présent l'occasion de se faire entendre à Delhi, bien qu'ils exercent le pouvoir dans la plupart des Etats.

La politique intérieure du Gouvernement de Front Uni ne se démarque pas fondamentalement de celle du Congrès, avec cependant une tonalité sociale plus affirmée : le Gouvernement du Front Uni semble en effet beaucoup plus attentif au problème de la pauvreté que les gouvernements précédents. La libéralisation et l'ouverture de l'économie indienne commencées par M. Narasimha Rao se poursuivent, souvent avec les mêmes personnes - le Ministre des finances de M. Deve Gowda, M. Chidambaram, était Ministre congressiste du commerce. Le fait essentiel que constitue l'arrivée au pouvoir des membres des basses castes, sensibles aux problèmes locaux, est d'ores et déjà pris en compte par l'ensemble de la classe politique.

Le Front Uni souffre cependant d'un handicap majeur : la diversité extrême de ses composantes, qui ont sur beaucoup de sujets des visions difficilement compatibles de la politique à mener. Ces dissensions entravent souvent la bonne marche du Gouvernement.

De plus, comme en témoigne la chute du Gouvernement de M. Deve Gowda, la survie de cette expérience novatrice dépend du bon vouloir du Parti du Congrès.

C. LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DE M. DEVE GOWDA TEMOIGNE DE LA FRAGILITE DU GOUVERNEMENT DE FRONT UNI

Le 30 mars 1997, le Parti du Congrès décidait de retirer son soutien à la coalition dirigée par M. Deve Gowda. Le chef du Parti du Congrès, M. Sitaram Kesri, qui avait, dix mois plus tôt, décidé de " soutenir sans participer " ce Gouvernement de coalition remettait une lettre au Président de la République, l'informant que sa formation cessait d'apporter son soutien parlementaire à M. Gowda. Il accusait le Premier Ministre d'avoir " eu un effet démoralisateur sur le pays ", de n'avoir pas été capable d'y maintenir l'ordre et d'avoir négligé les questions de défense et de sécurité. Il reprochait aussi au Gouvernement de n'avoir pas su contenir la montée des nationalistes hindous du BJP.

En dépit de longues tractations et alors que ministres et parlementaires du Front Uni s'évertuaient à défendre leur bilan, le Parti du Congrès n'est pas revenu sur sa décision : le Gouvernement de M. Gowda était donc renversé le 11 avril 1997 à la suite du rejet d'une motion de confiance par le Parlement.

Afin d'éviter la tenue d'élections législatives anticipées, le Parti du Congrès annonçait cependant le 14 avril son intention d'apporter son soutien à une nouvelle coalition gouvernementale. Le Congrès ayant fait du remplacement de M. Gowda à la tête du Front Uni la condition sine qua non d'un arrangement, l'ancien Premier Ministre avait auparavant indiqué qu'il était prêt à laisser sa place.

La nomination d'Inder Kumar Gujral au poste de Premier Ministre, le 20 avril, permettait de mettre fin à trois semaines de crise. Celui-ci obtenait le 22 avril un vote de confiance du Parlement ; le Congrès apportait une nouvelle fois un " soutien sans participation " à la coalition du Front Uni.

Le Premier Ministre change mais le Front Uni reste au pouvoir, et la composition du nouveau Gouvernement reste la même que celle du cabinet sortant. M. I. K. Gujral conserve le portefeuille des affaires étrangères.

Les milieux politiques et économiques indiens ont accueilli favorablement la nomination de M. I. K. Gujral. " Je donnerai au peuple un Gouvernement honnête et qui s'occupe des problèmes de base de la pauvreté " a-t-il déclaré.

M. I. K. Gujral devra maintenant s'efforcer de maintenir l'unité d'une coalition hétérogène affaiblie parfois par ses dissensions internes. Même si elle a survécu, la coalition reste extrêmement fragile. La tâche la plus délicate de M. I. K. Gujral va être de convaincre les responsables des treize partis de la coalition de surmonter leurs différences idéologiques et personnelles.
Enfin, la survie du Gouvernement de M. I. K. Gujral repose entièrement sur le soutien du Parti du Congrès. Celui ne semble soutenir le Gouvernement du Front Uni que dans l'attente de recouvrer ses forces. Il est probable qu'il n'hésitera pas à le renverser à nouveau s'il juge que des élections législatives anticipées le ramèneraient au pouvoir. Pour le Parti du Congrès, le Gouvernement de Front Uni s'apparente vraisemblablement à une solution d'attente, par définition provisoire.

D. LE PARTI DU CONGRES ET LE BJP NE SONT CEPENDANT PAS ENCORE EN MESURE DE REPRESENTER UNE ALTERNATIVE POLITIQUE

1. Le Parti du Congrès reste fragilisé par les problèmes judiciaires de sa hiérarchie précédente

Des élections auraient pu constituer une solution à cette impasse mais personne ne les souhaitait, à l'exception des nationalistes hindous du Parti du peuple indien (BJP), qui auraient pu encore accroître leur représentation à la Chambre.

M. Narasimha Rao et nombre de membres de son ancienne équipe gouvernementale sont sous le coup de poursuites pour des faits de corruption. Le parti a entrepris de se réorganiser sous la direction de M. Sitaram Kesri et se détache peu à peu de son apparence antérieure d'une formation opérant sous la direction de membres des hautes castes, en général originaires du Nord.

Par ailleurs, l'appareil du Congrès s'efforce d'élargir son assise en cherchant à réintégrer des groupes dissidents entiers, voire en débauchant des factions suffisamment importantes de certains partis. Quel que soit le succès de cette tactique fondée sur le fait qu'une large partie du spectre politique provient initialement de ce " parti mère " qu'est le Congrès, il ne le dispenserait pas de la nécessité de constituer une nouvelle coalition pour gouverner.

2. Le BJP traverse une phase difficile

De leur côté, les forces nationalistes du BJP et, au Maharashtra, du Shiv Sena rencontrent des difficultés croissantes. Une scission a d'ores et déjà fait perdre au BJP la direction de l'Etat du Gujarat.

Les instances du BJP, réunies du 10 au 12 janvier 1997, ont étudié cette situation avec quelques inquiétudes, concluant que leur parti souffrait décidément d'" indiscipline ", et de "  problèmes organisationnels ".

La presse locale et une partie des milieux d'affaires souhaitent visiblement l'échec de l'expérience entreprise par M. Deve Gowda, puis par M. I. K. Gujral. Celle-ci est pourtant aujourd'hui la seule envisageable en l'absence de solutions de remplacement que pourraient fournir des oppositions crédibles. Les nationalistes hindous restent minoritaires et isolés dans le pays, et le Congrès doit achever sa restructuration avant de briguer à nouveau le pouvoir.

II. LE PARLEMENT CONSTITUE LE VERITABLE CENTRE DES INSTITUTIONS ET DE LA VIE POLITIQUE INDIENNES

La délégation sénatoriale a rencontré les plus hauts responsables du Parlement de l'Union indienne, à la fois au cours d'entretiens officiels et à l'occasion d'un déjeuner offert en leur honneur par la Vice-Présidente - et Présidente effective - du Rajya Sabha 1 ( * ) .

Lors d'une journée particulièrement dense passée au Parliament House, la délégation du Groupe sénatorial a pu approfondir sa connaissance du système parlementaire indien : les sénateurs ont assisté aux débats en cours dans les deux chambres et ont rencontré successivement les Présidents effectifs du Lok Sabha et du Rajya Sabha, ainsi que le Président du BJP, chef de l'opposition parlementaire. Cette journée au Parlement a permis aux sénateurs de comparer le fonctionnement de l'institution parlementaire dans nos deux pays et d'évoquer avec leurs interlocuteurs la situation politique et économique indienne. Elle a également révélé l'importance accordée, du côté indien, aux relations entre parlementaires

A. L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU PARLEMENT INDIEN

Les sénateurs de la délégation se sont montrés très intéressés par la grande vivacité des débats parlementaires et la qualité du fonctionnement démocratique d'un pays aussi vaste. La composition des chambres indiennes illustre en effet les préoccupations locales croissantes, qui empêchent, dans le Parlement actuel, toute configuration binaire simple. Les débats suivis par la délégation portaient sur des questions de détournement de fonds publics et d'énergie nucléaire. Il s'agissait d'interventions sans ordre de parole défini préalablement (la "zero hour") et donnant lieu, par conséquent, à des discussions animées.

Les sénateurs ont remarqué que l'institution parlementaire indienne se caractérisait par l'importance du travail effectué au sein des commissions permanentes ou ad hoc , dont les Présidents sont des personnalités politiques de tout premier plan : il en va ainsi de M. Manmohan Singh (Commission du commerce), de M. Atal Bihari Vajpayee (Commission des affaires extérieures), ou encore de M. Biju Patnaik (Commission des finances).

Le Parlement se réunit lors de trois sessions ordinaires dites de " printemps ", " mousson " et " hiver ".

1. Le Lok Sabha (Assemblée du Peuple)

La Chambre basse (Lok Sabha), élue au scrutin uninominal à un tour tous les cinq ans, compte 545 députés. Le Lok Sabha exerce un contrôle du Gouvernement par la mise en jeu de sa responsabilité, par le vote de résolutions ainsi que par la procédure des questions.

A l'issue des élections de mai 1996, la composition de la Chambre basse est la suivante : 180 sièges pour le Front Uni, 140 pour le Parti du Congrès et 195 pour l'Opposition Nationaliste Hindoue, dont 161 pour le seul BJP. 28 élus sont indépendants ou affiliés au BSP (parti des très basses castes). Le Congrès soutient le Gouvernement sans y participer.

2. Le Rajya Sabha (Assemblée des Etats)

La Chambre haute (Rajya Sabha), composée des représentants des Etats, compte 245  sièges : 12 parlementaires sont nommés par le Président de l'Union, les autres sont élus par tiers, tous les deux ans, pour 6 ans au suffrage indirect par les Chambres des Etats. La composition du Rajya Sabha reflète donc, avec quelque retard, les mouvements d'opinion enregistrés lors des scrutins locaux.

Le Vice-Président de l'Union préside de droit et joue un rôle discret mais essentiel, notamment dans la désignation des Présidents de commission, conjointement avec le Président de la Chambre basse. La présidence des séances est assurée, de fait, par Mme Najma Heptulla, Vice-Président.

Au sein du Rajya Sabha, le Front Uni rassemble près d'une centaine de parlementaires ; il est suivi du Congrès (88 sièges) et du BJP (45 sièges).

B. ENTRETIEN AVEC M. P. A. SANGMA, PRÉSIDENT DU LOK SABHA

M. Purno Agitok Sangma, membre du Parti du Congrès, élu pour la première fois au Lok Sabha en 1977, a été à plusieurs reprises Ministre délégué de l'Union, au commerce, à l'industrie, au charbon, dans les gouvernements de Rajiv Gandhi et de Narasimha Rao. Il a été élu Président de la Chambre basse au printemps 1996.

Lors de l'entretien qu'il a accordé à la délégation sénatoriale, M. P. A. Sangma a tenu d'emblée à insister sur la différence séparant nos deux régimes institutionnels : l'Inde ayant un système parlementaire beaucoup plus "orthodoxe" que celui que connaît la France, les assemblées y ont un pouvoir effectif nettement plus important, a-t-il affirmé. M. P. A. Sangma a présenté le Parlement comme l'enceinte où se décidaient les grandes orientations de la politique indienne : sur les sujets d'envergure nationale, tels que la politique étrangère, une "position indienne" n'est adoptée que lorsqu'un consensus a été dégagé entre les représentants du Peuple et les représentants des Etats.

Le Président de la Chambre basse a ensuite brossé un portrait rapide de la situation politique indienne, en insistant sur la singularité de la composition actuelle du Parlement, marquée par le poids des partis régionaux.

M. P. A. Sangma a insisté sur la qualité de l'amitié franco-indienne et sur les possibilités de la renforcer encore. Il a indiqué qu'il n'existait aujourd'hui aucun groupe d'amitié consacré à la France au sein du Parlement indien. Il a souhaité par conséquent la création au sein du Lok Sabha d'un tel groupe et a affirmé avoir demandé aux leaders de tous les partis politiques d'identifier les parlementaires susceptibles de le constituer.

C. DÉJEUNER OFFERT PAR MADAME NAJMA HEPTULLA, VICE-PRÉSIDENT DU RAJYA SABHA

Membre du Parti du Congrès, Mme Najma Heptulla a été élue par ses pairs Vice-Président de la Chambre Haute en 1985. Petite-fille de Maulana Azad, fondateur avec Nehru de la République Indienne, et musulmane modérée, elle est considérée comme l'interlocuteur indien privilégié des pays arabes, dont elle parle la langue. Mme Heptulla est aussi Vice-Président de la conférence interparlementaire, dont une session s'est tenue à Delhi au mois de février 1997.

Madame Heptulla a organisé en l'honneur des sénateurs un déjeuner au Parlement. Elle a réuni, à cette occasion, plusieurs parlementaires représentatifs, membres des principales commissions ou ayant avec la France un lien particulier, à l'exemple du député de Pondichéry.

Cette réception très cordiale s'est achevée par un discours fortement empreint de francophilie de la part du Vice-Président du Rajya Sabha, qui s'est fait fort d'obtenir rapidement la constitution d'un groupe d'amitié homologue du groupe français. M. Alloncle lui a répondu par des remerciements très vifs.

D. ENTRETIEN AVEC M. ATAL BIHARI VAJPAYEE, CHEF DE FILE DE L'OPPOSITION ET PRÉSIDENT DU BJP

Elu au Lok Sabha pour la première fois en 1957, M. Vajpayee est le chef du BJP, parti nationaliste hindou, depuis 1993 et préside la commission des Affaires extérieures du Lok Sabha.

Premier Ministre pendant treize jours en mai 1996, il n'a pu trouver les soutiens qu'il escomptait dans une assemblée où la préoccupation laïque dominait ; il a par conséquent démissionné.

La discussion avec les sénateurs a porté sur les relations bilatérales entre la France et l'Inde, la politique extérieure et la situation politique et économique indienne.

Après avoir souhaité aux sénateurs la bienvenue "de la part de l'opposition", M. Vajpayee a immédiatement ajouté que l'amitié avec la France transcendait, en Inde, les clivages politiques. Il a dit attendre avec impatience la venue en Inde du Président de la République française, prévue, selon lui, pour le prochain Republic Day (26 janvier 1998).

Si le chef de l'opposition est apparu très heureux que M. Chirac ait mentionné l'Inde comme un partenaire essentiel, il a exprimé le souhait que la France se fasse plus nettement l'interprète des intérêts indiens en Europe. Parlant de l'ASEM (Asia-Europe Meeting : sommet Europe-Asie), il s'est, en effet, dit "très déçu que le rapprochement entre l'Europe et l'Asie ignore, pour 0le moment, l'Inde", et a affirmé ne pas comprendre comment une telle omission était envisageable du côté européen.

Evoquant la politique extérieure indienne, le chef de file de l'opposition a exprimé l'idée très haute qu'il se fait de la place de l'Inde dans le monde. "La première démocratie du monde, engagée dans la défense des droits de l'homme et dans la promotion de la liberté politique", doit tenir son rang sur la scène asiatique et mondiale. M. Vajpayee a considéré que l'Inde devait aujourd'hui développer les relations politiques avec ses voisins et a estimé que la coopération économique régionale était promise à un grand avenir ; M. Vajpayee a, en particulier, évoqué la nécessité de développer les relations économiques avec le Pakistan et d'élargir la SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation).

Cette attitude d'ouverture au dialogue ne signifie pas que l'Inde doive renoncer à quelque pan que ce soit de sa souveraineté : c'est pourquoi le leader du BJP a affirmé qu'il était temps pour l'Inde d'exercer l'"option nucléaire" et de devenir un Etat doté de l'arme nucléaire. En effet, si elle est favorable à un monde totalement dénucléarisé, l'Inde ne peut pour autant rester dans l'expectative, alors que d'autres puissances poursuivent leurs travaux de recherche dans ce domaine.

S'agissant de la situation politique indienne et de la place du BJP, M. Vajpayee a exposé la spécificité du Gouvernement de M. Deve Gowda, coalition de treize petits partis "dont l'objectif est de ne pas laisser le pouvoir aux deux grands". Or, a-t-il affirmé, les institutions politiques indiennes, héritées du système parlementaire britannique, sont conçues pour fonctionner avec deux ou trois grands partis d'alternance. Pour autant, s'il estime que la configuration politique actuelle est malaisée à gérer, le chef du BJP considère qu'elle représente une sorte de passage obligé pour la vie politique indienne. Ainsi, c'est sans amertume aucune qu'il analyse son expérience avortée comme chef du Gouvernement : n'ayant pas pu, ni voulu, rechercher le soutien d'autres partis, il dit avoir démissionné "avec un certain plaisir", et prendre très à coeur son rôle de chef de l'opposition.

Ce rôle l'investit d'une mission de critique constructive de la politique gouvernementale. Ainsi, interrogé sur le projet de budget qui venait d'être déposé devant les chambres, il s'est dit satisfait des mesures de libéralisation ou d'allégement de la pression fiscale, mais également soucieux d'une utilisation plus rigoureuse de l'argent public, qui permettrait d'accroître les sommes allouées au secteur social, à l'éducation ou encore au développement rural.

Pour finir, M. Vajpayee a tenu à présenter succinctement les positions et le rôle de son parti : premier parti d'opposition au centre, le BJP est au pouvoir dans plusieurs Etats (Rajasthan, Penjab, Maharashtra, Gujarat). Selon son Président, c'est un parti "centriste", dont les portes sont ouvertes à tous les citoyens indiens, sans distinction fondée sur les castes ou les religions.

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