CHAPITRE III
L'ECONOMIE INDIENNE :
CONJONCTURE FAVORABLE ET POURSUITE DES REFORMES

Après plusieurs années de réforme, l'économie indienne connaît actuellement une période de croissance économique soutenue avec un taux annuel de 7,2 % en 1994-1995, 7,1 % en 1995-1996 et probablement 6,8 % en 1996-1997. L'économie indienne souffre cependant encore de handicaps qui freinent le décollage économique du pays. La nouvelle vague de réformes entreprise par le Gouvernement du Front Uni pourrait permettre à l'Inde de conserver durablement un taux de croissance élevé.

I. LA SITUATION EXTÉRIEURE DE L'INDE S'EST NETTEMENT AMÉLIORÉE DEPUIS LA CRISE DE BALANCE DES PAIEMENTS DE 1991

A. LE DÉFICIT DE LA BALANCE DES TRANSACTIONS COURANTES EST MAITRÎSÉ

L'année budgétaire 1995-1996 avait été caractérisée par une dégradation du déficit courant atteignant 5,2 milliards de dollars (soit 1,6 % du PIB), suite à une envolée des importations (+ 30 %) qui avait fortement aggravé le déficit de la balance commerciale (8,6 milliards de dollars en 1995-1996, contre 4,8 milliards de dollars en 1994-1995). Actuellement, en dépit d'une légère décélération du taux de croissance des exportations, le fort ralentissement de la croissance des importations (notamment de biens d'équipement) devrait permettre de limiter le déficit commercial et de stabiliser le déficit courant à 2 % du PIB. Les réserves de change n'ont cessé de croître depuis avril 1996 pour atteindre, à la fin décembre 1996, 19,8 milliards de dollars (hors DTS et or).

B. LES FLUX D'INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER SONT CROISSANTS.

L'investissement direct étranger croît régulièrement. Cependant, son montant demeure faible. Il s'élevait, en 1994-1995, à 1,3 milliards de dollars, 2 milliards en 1995-1996. Les estimations pour 1996-1997 sont de 2,75 milliards de dollars. Le financement de la balance des transactions courantes se fait encore largement par investissements de portefeuille, qui par définition sont des capitaux volatiles. La situation extérieure de l'Inde est encore tributaire du comportement des investisseurs institutionnels étrangers.

II. LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE RESTE FORTE

La croissance du PIB devrait se situer en 1996-1997 entre 6,5 % et 6,8 %. Au début des années 90, la croissance n'était que de 0,9 % par an. La croissance industrielle ne devrait pas atteindre les niveaux de l'an passé, mais une prévision de 9 ou 10 % est réaliste. La croissance de la production agricole devrait se situer aux alentours de 4,5 % (0,9 % l'an passé) en raison d'une bonne mousson. L'inflation, même si elle a tendance actuellement à augmenter, devrait se maintenir entre 9 et 10 %.

Même si l'économie indienne paraît en relative bonne santé à court terme, il semblerait que le modèle économique indien ait pourtant atteint ses limites. A long terme, si le Gouvernement veut stimuler la croissance et réaliser son objectif d'une croissance durable de 7 %, un assainissement du déficit public et une seconde vague de réformes économiques vont s'imposer.

Le revenu par habitant reste encore très faible (350 $) : pour le doubler, il faudrait une croissance économique supérieure à 8 % pendant au moins une dizaine d'années.

III. DES HANDICAPS PERSISTANTS ET STRUCTURELS SUBSISTENT NEANMOINS

A. LE DÉFICIT PUBLIC RESTE ÉLEVÉ.

Evalué à 9,2 % du PIB en 1995-1996 (dont 5,9 % pour le déficit du seul Gouvernement central), le déficit public est financé largement par émissions de bons du Trésor, qui pèsent sur les taux d'intérêt (taux d'intérêt réels de 10 %) et exercent un fort effet d'éviction sur l'investissement privé. En dépit de l'instauration d'un impôt sur le profit des entreprises, la " Minimum Alternate Tax ", qui devrait accroître les recettes fiscales, l'objectif de réduction du déficit budgétaire à 5 % du PIB en 1996-1997 sera difficile à atteindre : le chiffre définitif devrait être plus proche de 5,5 %. Le Gouvernement escomptait 50 milliards de roupies (1,8 milliard de dollars) de recettes de privatisation ; le résultat final sera vraisemblablement de 10 milliards de roupies (0,36 milliard de dollars).

B. LA DETTE INTÉRIEURE PESE SUR L'ECONOMIE

La dette intérieure reste importante et le fort déficit public ne permet pas de la résorber efficacement. En pourcentage du PIB, la part de la dette intérieure diminue mais demeure encore élevée : 27,8 % en 1995-1996 contre 28,2 % en 1994-1995). Cela pénalise l'épargne nationale qui est relativement faible (24 % du PIB), en raison d'une épargne publique (2,1 % du PIB) pratiquement inexistante, l'essentiel des recettes étant affecté au service de la dette.

C. LES INFRASTRUCTURES RESTENT INSUFFISANTES

L'Inde souffre encore d'un développement insuffisant de ses infrastructures, ce qui freine considérablement le développement économique du pays. Le budget 1996-1997 prévoyait la création d'un organisme, l'" Infrastructure Development Finance Company ", chargé de fournir un financement de long terme pour des projets de grande ampleur. La mise en place de cet organisme est encore à l'étude.

IV. LE GOUVERNEMENT DU FRONT UNI POURSUIT LA POLITIQUE DE REFORMES ECONOMIQUES

A. LE BUDGET 1996-1997 ET LE PROJET DE BUDGET 1997-1998 TÉMOIGNENT DE LA POURSUITE DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES

Le Front Uni poursuit le processus de réformes économiques engagé en 1991. Les deux meilleurs gages de cette continuité sont la présence de M. Deve Gowda à la tête du premier Gouvernement de Front Uni, qui, dans le Karnataka, a mis en oeuvre une politique favorable à l'ouverture aux investissements étrangers, et celle de M. P. Chidambaram, l'un des principaux artisans des réformes menées depuis 1991, comme Ministre des finances.

Les premières orientations économiques et budgétaires de la coalition gouvernementale dirigée par M. Deve Gowda se sont inscrites dans la continuité du processus de réformes engagées il y a cinq ans. Dans la foulée du Common Minimum Programme (CMP), sorte de plate-forme politique commune avalisée par l'ensemble des composantes de l'actuelle majorité, le budget de l'année 1996-1997 (1 er avril 1996 - 31 mars 1997) prend non seulement acte des résultats passés mais plaide également pour une extension et un approfondissement de la politique d'ouverture et de libéralisation.

Les grandes lignes du budget 1996-1997 se veulent à la fois délibérément réformatrices et politiquement accommodantes. Le premier budget du Gouvernement du Front Uni est donc un budget de compromis qui assure la poursuite du processus des réformes, même si les dépenses courantes n'ont pas été réduites. Il prévoit notamment :

- le soutien à l'investissement dans le secteur des infrastructures (création de l'Infrastructure Development Finance Company et incitations fiscales variées) ;

- la privatisation, par l'intermédiaire d'une commission ad hoc , des entreprises publiques non rentables et dans des secteurs non prioritaires ;

- la rationalisation et la simplification du système fiscal (instauration de la Minimum Alternate Tax, allégement de l'impôt sur les bas salaires, baisse des droits de douane malgré une surtaxe générale de 2%, diminution de la surtaxe s'appliquant à l'impôt sur les sociétés...) ;

- la poursuite de l'ouverture des marchés financiers aux investisseurs institutionnels étrangers ;

- l'accroissement des ressources allouées à l'agriculture.

La rationalisation de la structure des droits de douane et la simplification des procédures sont inscrites dans le budget 1996-97. Bien qu'un droit de douane spécial de 2% ait été appliqué sur l'ensemble des biens importés à l'exception des produits à taux nul, le budget prévoit des réductions de droits et des pics tarifaires sur plusieurs gammes de produits (engrais, produits pharmaceutiques, chimie organique, plastiques, composants électroniques etc.), avec pour objectif de ramener la moyenne tarifaire à 25%.

Le projet de budget pour 1997-1998, présenté par M. Chidambaram le 28 février 1997, soit quelques jours avant la chute du Gouvernement de M. Deve Gowda, témoigne d'un souci encore accru d'accélérer le processus des réformes économiques. Il prévoit notamment en effet :

- la diminution de l'impôt sur les sociétés de 40 % à 35 % pour les entreprises indiennes (le taux pour les entreprises étrangères étant quant à lui ramené à 48 %) ;

- une franchise d'impôt pour les revenus tirés de l'exportation ;

- la diminution des taux d'imposition sur le revenu pour les particuliers ainsi que l'augmentation des seuils des différentes tranches ;

- la réduction du pic tarifaire douanier de 50 % à 40 %.

- certaines mesures favorables aux investissements étrangers (suppression de l'impôt sur les dividendes, diminution de l'imposition sur les droits de brevets étrangers...) ;

- des incitations aux investissements dans l'exploration pétrolière.

Le Gouvernement prévoit en outre de limiter le déficit budgétaire à 4,5 % du PIB. Ce projet de budget a été accueilli très favorablement par la population et par les milieux d'affaires indiens et étrangers.

B. LE REMPLACEMENT DE M. GOWDA PAR M. I. K. GUJRAL NE DEVRAIT PAS RALENTIR LE RYTHME DES RÉFORMES ECONOMIQUES

Les tenants du libéralisme se sont inquiétés des conséquences de l'arrivée de M. I. K. Gujral sur le processus des réformes économiques. En effet, le nouveau Premier Ministre est de sensibilité de gauche et fut ambassadeur à Moscou quand l'Inde jouissait avec l'Union soviétique d'une relation privilégiée. Le nouveau Premier Ministre a cependant souhaité rassurer les investisseurs en déclarant qu'il entendait " approfondir et élargir " les réformes d'inspiration libérale lancées il y a six ans par le Gouvernement du Congrès dirigé par M. Narasimha Rao.

La composition du Gouvernement de M. I. K. Gujral est très proche de celle de l'ancien cabinet. A la demande du Premier Ministre, M. Chidambaram, dont le parti a quitté la coalition, a accepté de conserver son portefeuille de Ministre des finances. Cet élément semble avoir définitivement rassuré les investisseurs et les milieux d'affaires quant à la poursuite des réformes économiques.

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