Société des amis du Président Gaston Monnerville

Présidents d'Honneur : MM.Alain POHER  
et René MONORY,
Anciens Présidents du Sénat.

Fondateur : M. Roger LISE
Membre honoraire du Parlement.
Ces pages sont élaborées sous la responsabilité de la Société des Amis du Président Gaston Monnerville
Repères biographiques      Bibliographies

REPERES BIOGRAPHIQUES


I.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
XI.
XII.
XIII.
XIV.
XV.
XVI.

VIII - MERS-EL-KEBIR (3 juillet 1940)

Le journal de bord se clôt sur ce que G. MONNERVILLE nomme « l'agression anglaise » du 3 juillet 1940. L'armistice avait assigné Mers-el-Kebir à cette partie de la flotte, comme port d'attache.

Vingt-cinq photographies illustrent les huit feuillets de texte. Vers la fin, G. MONNERVILLE note que le cuirassé « Provence » est touché, qu'il s'enfonce, s'échoue et flambe. Le bâtiment est évacué à partir de vingt-deux heures. G. MONNERVILLE ajoute : « L'équipage crie : Vive la France ! Pour l'Amiral : hip, hip, hip, hourra ! ». Puis, c'est la liste des pertes dans les équipages et les photos des obsèques.

Mers-el-Kebir (juillet 1940)

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Dans ses mémoires (précisément dans « Témoignage 1 »), G. MONNERVILLE reprendra le récit de Mers-el-Kebir et en donnera une version beaucoup plus travaillée. Et nuancée.

Sa hauteur de vues, sa prise en compte des intérêts légitimes de la Grande-Bretagne, ses observations sur les préjugés politiques de l'Etat-Major français, ne seront pas toujours appréciées de ses anciens compagnons d'armes.

Modernisée et fortement augmentée par Georges LEYGUES et César CAMPINCHI, la flotte avait une valeur militaire primordiale et représentait un enjeu capital. HITLER la redoutait à juste titre. La jonction de cette flotte à la Royal Navy aurait été, pour le Führer, une catastrophe qu'il fallait empêcher à tout prix. Le prix qu'il consentit fut la « zone libre ». Une clause de l'Armistice disposa que la flotte désarmée ne serait pas livrée aux puissances de l'Axe. Par là, HITLER écartait toute tentation, pour le Gouvernement français, de rallier Londres, en emmenant la flotte.

En sens inverse, évidemment, la Grande-Bretagne craignait que l'Allemagne ne s'emparât finalement de ces précieux navires. CHURCHILL prit les devants. Mers-el-Kebir fit la preuve de son inflexible détermination. Et le signal était peut-être aussi destiné à HITLER.

Il est probable que CHURCHILL désirait beaucoup moins anéantir la flotte française, qu'obtenir son ralliement, car cet appoint eût été un atout de très grand poids, dans la maîtrise des mers.

G. MONNERVILLE indique que, quelques heures avant l'attaque anglaise, le contre-amiral affecté à bord du « Provence » avait interrogé les officiers. G. MONNERVILLE, ayant critiqué l'ultimatum anglais, mais approuvé l'idée de rejoindre la Grande-Bretagne, l'amiral répliqua « Mais vous ne voyez pas, Monsieur, que ce sont les Juifs et les francs-maçons de Londres qui veulent à tout prix détruire la flotte française ! ».

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Rédigé sur le moment, le témoignage de Gaston MONNERVILLE est capital, car il éclaire aussi un point d'histoire de première importance.

Le capitaine HOLLAND, qui transmettait à l'amiral GENSOUL les propositions anglaises, donnait à la flotte française le choix entre trois solutions :

- rallier Gibraltar, c'est-à-dire la Grande-Bretagne,

- se saborder,

- rejoindre une zone française éloignée, hors de portée des Allemands. Les Anglais suggéraient un port des Antilles.

Gaston MONNERVILLE note : « HOOD dit : à défaut de Gibraltar, aller à la Martinique... ». Cette indication du « journal de bord », toute succinte qu'elle soit, prouve qu'à Mers-el-Kebir, les officiers d'un certain rang, étaient tous instruits de la solution « martiniquaise ».

Or, PETAIN n'en a, lui, apparemment rien su. Il appartenait à GENSOUL d'informer le Maréchal. Le service de Radio et du Chiffre a, semble-t-il, correctement exécuté sa tâche de transmission.

Mais la Présidence du Conseil répondit « Dans l'alternative où vous êtes, vous n'avez qu'à regagner Toulon, même en engageant le combat si nécessaire ». Le Maréchal n'aurait pas connu la solution la plus favorable à la survie de la flotte. Entièrement renseigné, il eût peut-être pratiqué un bénéfique double-jeu, comme il le fera deux ans plus tard, dans ses rapports avec Alger : protester hautement (ici, contre une violation des clauses de l'armistice) et donner en sous-main des instructions contraires (en l'occurrence, celle de rallier les Antilles).

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Les responsabilités de cette tragédie ont suscité bien des polémiques. Des années plus tard, un échange de lettres avec M. Pierre SEMENT revient sur ces événements. Ce correspondant assure que PETAIN crut de bonne foi que l'ultimatum anglais plaçait GENSOUL dans l'alternative unique de se battre ou de se rendre. SEMENT suppose que la rétention d'informations qui aurait trompé PETAIN, doit être attribuée à DARLAN. G. MONNERVILLE répond que l'hypothèse est conforme à ses propres sentiments.

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G. MONNERVILLE est démobilisé le 17 juillet 1940. Il n'a donc pas pu prendre part au vote de l'Assemblée nationale (sous ce nom, on désigne alors la réunion du Sénat et de la Chambre des Députés), dans la séance fameuse et triste du 10 juillet, à Vichy. G. MONNERVILLE est encore, pour une semaine, sous les drapeaux. Les historiens insistent sur le courage des quatre-vingts parlementaires (57 députés et 23 sénateurs), les fameux « Quatre-Vingts », qui ont refusé les pleins pouvoirs à PETAIN et ont sauvé l'honneur, mais oublient de rappeler que si G. MONNERVILLE n'a pas fait partie des « Quatre-Vingts », c'est parce qu'il était engagé volontaire.