Colloque Sénat-Ubifrance sur l'Afrique du Sud (12 octobre 2006)



Croissance, consommation et consommateurs
en Afrique du Sud

Philip SCHEINER,
Chargé de relations internationales, Celsa - Paris IV Sorbonne,
Représentant en France, SA Migration International

Je brosserai un tableau des tendances de consommation en Afrique du Sud. Le consommateur sud-africain est pauvre ; il se situe au même rang que le consommateur turc ou russe, et compte parmi les plus endettés du monde. Il est à noter néanmoins que les enseignes du pays opèrent une bonne gestion de la clientèle modeste. Le gouvernement intervient par ailleurs dans la vie économique pour stimuler la consommation des plus pauvres : ainsi, il oblige par exemple les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile à implanter 20 % des relais dans les zones à faible trafic et à subventionner les appels émis à partir de ces territoires. Le consommateur sud-africain reste cependant encore difficilement accessible car ses dépenses de transport et d'alimentation s'effectuent dans le secteur informel.

Les Noirs rejoignent progressivement la classe moyenne, qui, cependant, reste très peu homogène. Dans l'ensemble, les Noirs de la classe moyenne consomment beaucoup : ils sont en partie responsables des phénomènes d'explosion de ventes de voitures, d'engouement pour les cosmétiques et de fréquentation des écoles privées. En revanche les services tels que l'assurance-vie, les fonds de pension ou encore les offres touristiques restent encore peu prisés car ils s'inscrivent dans un schéma de consommation peu ostentatoire. Enfin, les consommateurs aisés, quelles que soient leurs origines ethniques ou socioculturelles, représentent un pouvoir d'achat considérable et constituent un relais d'image puissant en direction des autres catégories de consommateurs. Les modes de consommation des très riches contribuent à forger les goûts et à orienter les envies de classes émergentes. Les investisseurs étrangers trouveront donc en Afrique du Sud un marché à fort potentiel.

Je demanderai à présent à nos différents intervenants de nous présenter l'expérience de leurs sociétés en Afrique du Sud.

Arnaud DÉROULEDE,
Directeur général, Cosmétiques de France

Cosmétiques de France est implanté en Afrique du Sud depuis 1996. Cette société est en charge de l'importation de produits de marque ne pouvant être fabriqués localement. Dès le départ, notre société a identifié les courants de consommation les plus porteurs sur le marché des cosmétiques. Nous avons constaté que le marché était relativement vierge ; l'environnement était marqué par les pratiques anglo-saxonnes, caractérisé par un univers promotionnel et une grande élasticité des prix ; à cette époque, enfin, peu de concurrents avaient investi le marché du luxe. Cosmétiques de France a aussi tout de suite remarqué que la conquête des parts de marché pouvait s'effectuer à bon compte : de nombreuses opportunités de communication étaient disponibles à des prix abordables. Enfin, l'Afrique du Sud était et est toujours caractérisée par une consommation duale, avec, d'une part, une minorité très fortunée représentant 7 % de la population, et, d'autre part, 48 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Serge MOMUS,
Directeur Export, Eurogerm (additifs alimentaires)

Eurogerm est une société française, qui propose des ingrédients de boulangerie.

Serge Momus présente des photographies de boulangeries et d'usines situées en Afrique du Sud, en commentant leurs importantes capacités de production et leur respect des normes d'hygiène et de qualité.

Il existe une réelle industrie boulangère en Afrique du Sud. Elle propose néanmoins une offre restreinte en termes de produits. Il est vraisemblable, cependant, que la boulangerie, comme les autres secteurs de consommation, évolue vers une diversification. Le marché intéressant notre société est très concentré : ainsi ce sont près de 10 millions de pains de mie qui sont produits quotidiennement, dont la moitié par deux entreprises seulement. Il a donc été relativement aisé, pour une société comme Eurogerm, de se positionner sur ce marché en obtenant d'entrée de jeu un volume d'affaires significatif. Nous avons également observé une tension concurrentielle certaine chez nos clients. Enfin, à nos yeux, les entreprises françaises peuvent apporter un certain savoir-faire aux entreprises sud-africaines qui mettent en oeuvre, pour le moment, une technologie boulangère encore peu avancée.

Au nombre des inconvénients que présente le marché, il convient de citer l'insuffisance des matières premières, le manque de qualification du personnel et les ambitions encore relativement modestes de l'industrie boulangère en termes de diversification des produits. Enfin, la question clé de l'évolution du pouvoir d'achat de la population sud-africaine devra être considérée.

En conclusion, je soulignerai le potentiel important que représente le marché sud-africain à court et à moyen terme. Il convient en outre, pour nos entreprises, de se montrer attentives au sujet délicat du BEE et également d'étudier la psychologie du milieu d'affaires, afin de l'aborder finement. Enfin, je salue le travail effectué par la Mission économique de Johannesburg, qui se montre un relais très efficace en Afrique du Sud.