Table des matières


Actes du colloque Sénat-Ubifrance sur le Caucase et l'Asie Centrale
« Les dividendes de la persévérance, les promesses de la confiance »

Jeudi 12 mai 2011
Palais du Luxembourg

Tribune salle Clemenceau

MM. Alain Cousin, André Dulait, Zaza Gumberidze

Mme Natalya Artsruni, M. Adil Mamadov

Mme Lela Putkaradze

MM. Daniel Patat
et Aymeri de Montesquiou

S. Exc. M. Jyrgalbek Azylov et Dr Jyldyz Sarybaeva

Ouverture du colloque

Message de Gérard LARCHER,
Président du Sénat

« Madame et Messieurs les Présidents, Messieurs les Ambassadeurs, Chers collègues, Mesdames, Messieurs.

Le Sénat est heureux d'accueillir, pour la cinquième année consécutive, cette rencontre sur les pays du Caucase et de l'Asie Centrale.

Si nous accordons à cette région autant d'attention, c'est qu'elle est appelée à jouer un rôle croissant sur l'échiquier international du XXIe siècle. L'intitulé de la manifestation d'aujourd'hui résume à lui seul cette conviction : « Les dividendes de la persévérance, les promesses de la confiance ».

De fait, la position stratégique de ces pays, leur situation géographique et leur diversité culturelle sont un véritable trait d'union entre l'Orient et les États occidentaux, notamment ceux de l'Union Européenne.

Cette manifestation doit beaucoup au dynamisme de nos trois groupes d'amitié : France-Arménie, que préside M. Serge Lagauche, France-Asie Centrale, que préside M. André Dulait, et France-Caucase, que préside M. Ambroise Dupont.

Mes remerciements vont aussi à toutes celles et ceux qui ont contribué à l'organisation de ce colloque, parmi lesquels nos deux chefs de missions économiques à Astana et à Bakou, ainsi bien sûr qu'à nos amis d'Ubifrance, avec qui le Sénat poursuit un utile partenariat depuis maintenant plus de quinze ans.

Sur le plan géopolitique, les États du Caucase et de l'Asie Centrale sont des « pays neufs », si l'on considère que leur indépendance ne date que d'une vingtaine d'années. Mais ne nous y trompons pas : ce sont aussi des civilisations très anciennes, avec lesquelles la France a établi des relations de très longue durée. En vingt ans, ils ont accédé au rang des puissances émergentes, disposant - pour plusieurs d'entre eux - de ressources naturelles exceptionnelles : minerais, hydrocarbures, potentiel hydroélectrique, etc.

Certains objecteront que les termes de Caucase et d'Asie Centrale ont tendance à gommer les différences entre des pays moins homogènes qu'on ne les présente souvent : la situation de chacun d'entre eux diffère, en effet, tant sur les plans politique, démographique ou culturel, que du strict point de vue économique. Mais au-delà de leur diversité, ces États partagent de nombreux points communs, parmi lesquels une population jeune et bien formée, un fort potentiel de croissance et un marché intérieur soutenu.

Autant de bonnes raisons pour que les entreprises européennes - et françaises, en particulier - soient attentives à une zone où, dans certains domaines, leur expertise trouverait à s'employer.

C'est d'autant plus souhaitable que tous ces États expriment aujourd'hui un fort tropisme pour l'Europe, à la fois en tant que modèle de développement et comme zone d'influence susceptible d'équilibrer celles de leurs grands voisins, russe et chinois notamment.

Comme je le rappelais l'an dernier, le Caucase et l'Asie Centrale comptent beaucoup d'amis dans les rangs des sénateurs : soyez assurés que pour ce qui la concerne, notre assemblée sera à vos côtés dans une démarche à laquelle notre pays a beaucoup à gagner.

Je souhaite à tous de fructueux travaux au Palais du Luxembourg. »

Alain COUSIN,
Président d'Ubifrance

Monsieur le Président, Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames, Messieurs.

Je voudrais d'abord remercier le Sénat pour cette nouvelle collaboration. Je voudrais également saluer les personnalités qui nous font l'honneur de leur présence à ce colloque. Je voudrais enfin saluer la présence dans la salle de plusieurs ambassadeurs.

L'intérêt des entreprises françaises pour cette région du monde n'est plus à démontrer. Notre action d'information sur l'Asie Centrale et le Caucase est fortement encouragée par notre partenariat avec le Sénat. Cette collaboration entre le Sénat et Ubifrance avait d'ailleurs débuté en février 1997 par un colloque sur la Géorgie.

En dehors des différences importantes entre les pays qui la composent, la région Caucase-Asie Centrale est confrontée à des défis communs. L'action d'Ubifrance dans cette région passera notamment par l'organisation de deux pavillons français à Almaty, du 6 au 9 septembre 2011, puis du 5 au 8 octobre 2011.

En dernier lieu, j'adresse un remerciement particulier à la société Thalès. A toutes et à tous, je souhaite une fructueuse journée de travail.

Interventions

Lela PUTKARADZE,
Directrice, Agence d'investissement de la République autonome d'Adjarie

Mon propos portera sur les affaires à Batoumi. Batoumi est un centre d'arts et de loisirs qui se trouve au carrefour de l'Europe et de l'Asie, en République autonome d'Adjarie. Cette ville essaie de maintenir son rôle stratégique de pont entre les deux continents. Les équipements aéroportuaires, autoroutiers et ferroviaires sont en constante amélioration. Nous avons pour ambition de protéger les investisseurs et de fournir une plate-forme solide. Nous essayons de capitaliser sur un haut niveau d'éducation. Nous remettons à jour notre cadre juridique pour permettre la réussite des entreprises et renforcer les liens économiques avec la région. Des projets ont été menés à bien récemment. D'autres sont en cours.

L'agence d'investissement de Batoumi est le premier point de contact pour tous les investissements étrangers. Elle a été lancée en 2011. Son but principal est de promouvoir le climat d'investissement à Batoumi en fournissant un soutien aux investisseurs étrangers. Batoumi doit devenir une destination pour les investissements étrangers, dont nous sommes le premier partenaire local.

Nous avons identifié différentes raisons pour investir à Batoumi. Outre notre localisation stratégique, notre main-d'oeuvre est peu coûteuse. Le système d'imposition est très intéressant et l'environnement très agréable pour le travail. Notre ville se trouve entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, ce qui permet de relier différentes puissances économiques importantes.

De plus, en Adjarie, la loi protège l'investissement étranger. Par exemple, la propriété étrangère d'entreprises est protégée. Nous avons également un régime libéral d'échanges. Les tarifs d'importation sont parmi les plus bas. Nous avons de bonnes coopérations avec l'OMC, les Etats-Unis, le Canada ou encore la Suisse. Nous avons des accords de libre-échange avec la Turquie. Au final, Batoumi et la Géorgie représentent une plate-forme attirante pour les investissements étrangers.

Les taux d'imposition sont bas et flexibles. Des réformes ont été mises en place. D'autres doivent encore être appliquées. L'impôt de 20 % sera réduit à 15 %. De même, les taxes sur les dividendes seront réduites à zéro dans les années à venir.

La main-d'oeuvre est peu coûteuse et concurrentielle. D'après le PNUD, la Géorgie présente le marché du travail le plus libéral. La Géorgie affiche également le niveau de taxes le plus faible sur le marché du travail.

Notre culture unique est accueillante. Notre tradition d'hospitalité a été maintenue. Batoumi présente également des paysages extraordinaires.

En Adjarie, la tendance est bonne et les prévisions sont positives. De 2005 à 2010, les investissements n'ont fait que croître, en dépit d'une légère baisse en 2008 du fait de la crise mondiale. La part des investissements étrangers continue d'être importante. Ils concernent principalement les domaines du tourisme, de l'industrie et de la construction. La plupart de nos projets sont en cours de développement, ce qui influe sur les emplois.

Dans deux ou trois ans, nous espérons que les chiffres relatifs à la construction se maintiendront, voire progresseront. Les banques commerciales souhaitent accorder de plus en plus de prêts aux entreprises privées.

D'après la Banque Mondiale, nous sommes la 183 e économie mondiale, mais nous sommes en 29 e position dans certains domaines économiques.

Nous comptons développer une zone industrielle libre près de Batoumi, dans une zone de 15 hectares situées à 3 km de l'aéroport et à 15 km de la frontière avec la Turquie. Ce terrain permettra de développer des infrastructures. Nous pourrons ainsi créer plus de 1 500 emplois. Ce développement se fera dans les deux années qui suivront la signature du contrat.

Nous comptons également développer une station de ski à deux heures de route de Batoumi, dans une zone couverte de neige de novembre à avril. L'air y est frais, l'eau pure et le paysage exceptionnel. Enfin, avec la nouvelle autoroute, une station balnéaire sera distante de seulement 10 mn de Batoumi.

Je vous remercie de votre attention.

Adil MAMMADOV,
Président d'AzPromo (Azerbaïdjan Export & InvestmentPromotion Foundation)

Je souhaite remercier les organisateurs de cet évènement. Merci de me permettre de vous parler des opportunités d'investissements en Azerbaïdjan.

Il y a beaucoup de choses à dire sur mon pays. Vous connaissez sa géographie et sa démographie. L'Azerbaïdjan est riche de gaz et de pétrole. Nous sommes le pays au monde qui a le plus d'expérience en la matière. Nous avons commencé en 1846. Au XIX e siècle, plus de la moitié du pétrole mondial était produit en Azerbaïdjan.

L'Azerbaïdjan est un pays jeune. Nous avions déjà été indépendants par le passé, avant de nous séparer de l'URSS en 1991. Après cette seconde indépendance, nous avons su construire un Etat. L'Azerbaïdjan a été le premier pays démocratique de cette partie du monde.

Entre 2008 et 2010, notre économie a fait face à une période difficile. Malgré cela, nous avons poursuivi notre rythme de développement, avec une croissance positive de l'économie. Au cours des dernières années, notre croissance est de 7 % en moyenne. Plus de 50 % du PIB de la région que nous constituons avec la Géorgie et l'Arménie provient d'Azerbaïdjan. L'Etat a mis en place de nombreux programmes, notamment celui concernant le développement socio-économique de nos régions. Après la chute de l'Union Soviétique, nous n'avions pas de bonnes infrastructures. Il nous a fallu les construire. Un autre programme concerne la sûreté alimentaire. Nous avons également des programmes d'Etat pour le développement du tourisme et la réduction de la pauvreté. Au cours des sept dernières années, la pauvreté a été considérablement réduite : aujourd'hui, 9 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est notamment dû aux réfugiés de la guerre avec l'Arménie.

En 2009, l'Azerbaïdjan a été qualifié de premier réformateur au monde. Le pays a été rendu plus attractif pour les investisseurs étrangers. Notre notation s'est fortement améliorée.

Avant 2008 et l'introduction d'une approche unique, il fallait plus de 70 jours pour créer une entreprise. A présent, 3 jours suffisent. Nous soutenons l'entreprenariat, sans procéder à la moindre distinction entre nationaux et étrangers. Ces derniers peuvent également bénéficier du support de l'Etat.

Nous avons deux sortes d'impôts : une fiscalité simplifiée - 4 % dans la capitale, 2 % dans les régions. Au-delà de 150 000 manats, nous appliquons la TVA. L'impôt sur les bénéfices est de 20 %. L'agriculture, qui est le plus grand secteur après l'énergie, n'est pas taxée. Depuis mars, de nouvelles lois sur les importations d'équipements s'appliquent. Il est possible d'apporter son équipement sans payer de droits de douane.

L'Azerbaïdjan était considéré comme le jardin de l'URSS, avec ses produits bons et frais. L'ancien marché soviétique reçoit toujours nos produits.

Nous avons 40 accords de libre-échange et plus de 140 partenaires commerciaux. Nous avons rejoint GSP et GSP+ avec l'Union Européenne, les Etats-Unis et le Japon. En Azerbaïdjan, vous pouvez bénéficier de toute l'infrastructure et de tout notre soutien pour commercer avec ces pays sans payer d'impôts. Nos exportations représentent près de 21 milliards de dollars. Les produits que nous exportons sont, outre les hydrocarbures, essentiellement de nature agricole.

Entre 1995 et 2010, nous avons cumulé près de 100 milliards de dollars d'investissements, dont 54 milliards hors pétrole. Nos entreprises croissent et participent aux investissements. Les investissements étrangers ont représenté 55 milliards de dollars.

L'année 2010 a été très active. Notre économie est bien diversifiée. Les investissements directs étrangers concernent la construction, les services, les commerces et l'industrie lourde. Nous avons besoin de davantage d'investissements dans l'agriculture. Ces investissements proviennent des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Turquie. La France en représente 3 %. Nous vous encourageons à être plus actifs, à vraiment participer à la croissance économique de l'Azerbaïdjan.

Il existe de nombreuses raisons d'investir en Azerbaïdjan : un bon climat, une culture accueillante, la stabilité politique. Depuis que nous sommes indépendants, il n'y a pas eu de révolution. Nous avons signé des contrats avec de nombreux géants de l'énergie, et aucun contrat n'a dû être renégocié. Une autre raison d'investir en Azerbaïdjan est la stabilité financière du pays. Aucune banque n'a fait faillite durant la crise. Notre pays est stable et relativement riche, avec un budget de 30 milliards de dollars et 3 milliards de dollars de dette extérieure. Vous pouvez donc co-investir avec nos entreprises locales.

A part le gaz et le pétrole, nous possédons d'autres ressources naturelles abondantes. Ainsi, du fait de notre climat très diversifié, nous pouvons tout faire pousser. Quel que soit le produit que vous souhaitez cultiver, nous pouvons le faire pour vous.

Nous avons des projets importants en matière de tourisme. Nous jouons un rôle crucial dans le développement régional des infrastructures. Nous participons notamment à un projet de voie ferrée entre la frontière géorgienne et la frontière turque, ce qui offrira une voie directe de la Chine à l'Azerbaïdjan, puis la Turquie et l'Europe. Nous avons tout fait pour réaliser ce projet. Nous construisons des centres logistiques avec des partenaires locaux et étrangers.

Après notre indépendance, nous n'avions qu'une route, au nord, pour livrer nos hydrocarbures. Aujourd'hui, nous avons plusieurs routes. Nous avons également construit cinq aéroports de qualité internationale. Il suffit de cinq heures pour relier Bakou à Paris. Nous sommes proches des pays du Golfe et des pays asiatiques. En Azerbaïdjan, vous serez vraiment au centre du monde.

Notre main-d'oeuvre est compétente. Chaque année, des jeunes s'instruisent dans les meilleures universités du monde, y compris en France, puis ils rentrent en Azerbaïdjan afin de travailler cinq ans pour le gouvernement, qui a financé leurs études. Nous possédons des centres de recherche et développement, de très bonnes compétences en matière linguistique et informatique. Il n'y a presque pas d'illettrisme en Azerbaïdjan.

L'agriculture est en pleine expansion. Les pays du Golfe investissent. Le tourisme est un autre secteur très important. 2011 est l'année du tourisme en Azerbaïdjan. Beaucoup d'hôtels internationaux ouvrent. Nous construisons également des stations de ski. Nous avons notamment un projet à plus de 2 000 m d'altitude. Il reste des possibilités de participation. Des entreprises françaises ont déjà aidé à concevoir cette station de ski.

Le BTP est en pleine expansion, avec beaucoup de projets importants en cours. De grandes entreprises s'installent dans notre pays.

Nous étions au coeur du secteur chimique du temps de l'URSS. Les investissements ont repris pour remettre la ville de Soumgaït au coeur de ce secteur d'activité.

L'investissement étranger peut se faire à 100 % ou par des co-investissements. Il n'existe pas de limite. Un fonds d'investissement permet aux entreprises étrangères de co-investir à hauteur de 51 %, en partenariat avec l'Etat. D'autres fondations et institutions sont prêtes à co-investir. Les importations de matériel sont également considérées comme des investissements.

L'Azerbaïdjan est un très beau pays que je vous invite à venir visiter. Situé au carrefour de l'Europe et de l'Asie, il possède de nombreux monuments historiques.

Nos relations diplomatiques avec la France ont commencé en 1992 ; 41 entreprises françaises sont présentes en Azerbaïdjan. C'est peu. La France peut faire mieux.

AzPromo est l'agence de promotion de l'investissement et des exportations en Azerbaïdjan. Nous travaillons avec les investisseurs étrangers dans tous les secteurs, à part le pétrole et le gaz. Mon équipe fera tout ce qu'il faudra pour vous aider à créer votre entreprise. Une fois votre entreprise créée, vous pourrez compter sur nous pour vous aider et vous soutenir.

L'entrée sur le marché européen est un défi pour nous. Ce n'est pas impossible. D'ici quelques années, je suis certain que vous trouverez des produits d'Azerbaïdjan dans vos supermarchés !

Enfin, AzPromo soutient le développement des relations économiques entre l'Azerbaïdjan, la Géorgie et l'Asie Centrale.

Natalya ARTSRUNI,
Directrice, ADA (Armenian Development Agency)

Merci de m'avoir donné la possibilité de vous présenter les opportunités qui existent en Arménie. Notre territoire de 29 800 km² est peuplé de plus de 3 millions d'habitants. Nous avons des frontières avec l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie et l'Iran. Notre PIB a crû de manière très rapide ces dernières années, même si la crise mondiale l'a fait diminuer en 2009. Notre taux d'inflation n'est pas très élevé. Nous exportons notamment du cuivre, des diamants et des produits alimentaires, majoritairement en Russie, mais aussi aux Etats-Unis ou en Iran. Nous sommes parvenus à attirer des investissements directs étrangers. En 2008, nous avons reçu plus d'1 milliard de dollars d'IDE. Nos principaux secteurs d'IDE sont la télécommunication, l'énergie ou encore la fabrication de boissons.

Nous sommes membres de l'OMC. Nous avons des régimes spéciaux de tarification avec nombre de pays. Le gouvernement de la République d'Arménie a fait de la lutte contre la corruption un sujet-clé. Nous avons adopté et mis en place des mesures anti-corruption. En 2010, nous avons amélioré considérablement les aspects judiciaires et administratifs de nos services publics.

En venant en Arménie, les investisseurs étrangers ont accès au marché de la CEI, soit environ 250 millions de consommateurs. Notre main-d'oeuvre est très qualifiée. Il n'existe pas d'exigence de partenariat avec des entreprises locales.

Notre gouvernement a simplifié le système fiscal et douanier. La responsabilité sociale des entreprises a été renforcée. L'éducation a toujours représenté une grande valeur chez les Arméniens, après la famille. Les parents envoient leurs enfants à l'université ou dans l'enseignement supérieur, quel que soit le coût que cela représente pour eux. Nous avons plus de 100 centres de recherche et développement et une soixantaine d'universités.

En Arménie, les biens ne peuvent être ni nationalisés, ni confisqués. Nous n'avons pas de pétrole ni de gaz. Notre gouvernement a fait des industries de haute technologie sa priorité. Le secteur de l'informatique est dominé par les investisseurs étrangers. La croissance annuelle de ses entreprises est de 20 à 25 %. Le gouvernement soutient le développement de cette industrie, érigée en priorité. L'utilisation de l'informatique est devenue un élément essentiel en Arménie. Nous avons beaucoup de promoteurs de logiciels. Nous avons également une longue tradition dans le domaine des technologies de l'information. La biotechnologie a toujours été un domaine développé en Arménie. Enfin, nous avons des accords innovants dans le secteur de la santé.

L'Arménie a la réputation d'être une République très en vue dans le domaine industriel. Nous avons un grand potentiel dans l'ingénierie de précision et l'électronique.

L'énergie renouvelable est un autre sujet important. Nous avons mis en place des réformes. A l'heure actuelle, notre tableau d'investissements est assez exceptionnel. Le gouvernement achètera toute énergie verte dans les années à venir. Nous sommes un lieu intéressant pour investir dans le domaine hydraulique ou éolien.

Le tourisme est également en plein développement. Il est une priorité pour le gouvernement. Le nombre de touristes croît de 15 à 20 % en moyenne chaque année. Nous possédons une station de ski avec six téléphériques, pour une capacité de transport de 600 personnes. Cette installation a été construite par une entreprise belge. Notre héritage historique est riche. Nous avons des monuments religieux inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. Notre paysage est extrêmement diversifié. Les touristes sont toujours très contents de leurs visites en Arménie, notamment les touristes français.

Nous avons toujours été très forts dans le traitement des diamants et la bijouterie, avec 27 entreprises et plus de 5 000 salariés travaillant dans ces domaines.

L'agence de développement arménienne a été mise en place par le gouvernement. Nous fournissons des informations et organisons des visites sur site pour les investisseurs. Nous aidons à établir des partenariats, en essayant de trouver les partenaires les plus pertinents selon les activités. Nous nous assurons de la bonne mise en oeuvre des projets d'investissement. Lorsqu'un investisseur n'est pas satisfait, nous pouvons attirer l'attention du Premier ministre. Ainsi, les problèmes peuvent trouver des solutions rapides.

S. Exc. Jyrgalbek AZYLOV,
Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Kirghizstan

Permettez-moi de remercier les organisateurs de cette conférence. Les forums de ce type sont une très bonne plate-forme pour établir des contacts. C'est très important pour renforcer les relations bilatérales de mon pays avec la France.

Le 3 mars, la Présidente du Kirghizstan est venue en France. Le Kirghizstan est un pays de transit. Nous avons beaucoup de projets régionaux, notamment la construction d'une voie de chemin de fer. Nous exportons des produits énergétiques. Depuis l'époque soviétique, nous sommes très unis avec les pays voisins. La Chine est également un partenaire de choix.

Ces dernières années ont été difficiles pour notre pays sur le plan politique. Nous sommes le seul pays de la région dirigé par un parlement. Nous avons signé plus de 24 accords sur les investissements avec de nombreux pays. Nous sommes le seul pays d'Asie Centrale membre de l'OMC. Nous avons notre propre monnaie. Même si notre marché n'est pas très grand, notre législation, notamment bancaire, est très souple.

De plus en plus, nous attirons des partenaires étrangers. Nous avons beaucoup de partenaires commerciaux. Nous exportons avant tout des matières premières, mais également du textile, des minerais et des véhicules.

L'environnement des affaires est très avantageux au Kirghizstan, de même que le système d'imposition. Nous espérons développer d'autres branches de notre économie pour attirer davantage d'investisseurs.

Pour développer notre économie, nous essayons d'améliorer l'environnement des affaires. Nous explorons le système du guichet unique pour les entrepreneurs, y compris étrangers. Le droit à la propriété a également été renforcé et les formalités administratives simplifiées. Les investissements étrangers sont autorisés dans tous les secteurs d'activité. Ils peuvent aller jusqu'à 100 %. La nationalisation et l'expropriation sont interdites par la loi. Notre pays possède des zones économiques franches où les entreprises sont libérées de tout impôt ou taxe. Les produits issus de ces zones sont libérés de toute certification supplémentaire.

En mai 2009, nous avons adopté une loi sur les partenariats public-privé. Il s'est agi de la première loi de ce type en Asie Centrale. Malgré les évènements survenus l'année dernière, nous faisons tout pour protéger les investisseurs étrangers. Nous avons même limité les formalités.

Nos priorités sont l'énergie hydraulique et le domaine minier. Nous avons un grand potentiel d'hydro-énergie. Or nous ne l'utilisons qu'à hauteur de 10 %. Dans le domaine minier, une nouvelle centrale est en cours de construction. Nous avons d'importantes ressources en or, en plomb, en uranium et en minerais rares. Nous avons également un grand potentiel agricole. Notre pays produit davantage de produits agricoles que nous ne pouvons en consommer.

Enfin, notre nature est unique. Notre pays est fait de montagnes et d'eau pure. Notre secteur touristique a donc un grand potentiel.

Plusieurs organisations internationales investissent dans notre pays. Ces dernières années, nous recevons de plus en plus d'investissements. Cela prouve que nous sommes sur le bon chemin. Prochainement, une conférence internationale sur le micro-crédit sera organisée à Bichkek.

Echanges avec la salle

Denis VERRET, DV-Conseil

Vous avez surtout évoqué le commerce international, mais le commerce intra-zone se développe-t-il également ?

Daniel PATAT

Tendanciellement, les relations entre les divers pays de la zone se développent, ne serait-ce d'ailleurs que dans le pourtour caspien. Evidemment, il s'agit pour beaucoup d'hydrocarbures. Le développement du port d'Alat, en Azerbaïdjan, encouragera le commerce transcaspien. Il en va de même avec Aqtau et la zone d'Astrakhan. De plus en plus d'échanges se font à mesure que des investissements de production se réalisent au Kazakhstan et en Ouzbékistan. L'Azerbaïdjan et la Géorgie travaillent dans le développement de leurs échanges et de leurs investissements. La voie nord-sud qui reliera la frontière géorgienne à la frontière iranienne permettra de développer les relations. Evidemment, il reste beaucoup de difficultés à surmonter, notamment dans le Caucase, mais je crois beaucoup au développement de ce pourtour caspien.

Adil MAMMADOV

Nous avons divers projets d'infrastructures très importants en Azerbaïdjan. Nos entreprises y participent activement. Le volume d'échanges dans la région pourra ensuite exploser. Dans la région d'Alat, un accord a récemment été signé avec une compagnie de Singapour. Il s'agira du plus important chantier naval de la région. Ainsi, l'Azerbaïdjan pourra construire toutes sortes de navires. Actuellement, nous utilisons encore de vieux navires de l'époque soviétique. Nous devons rénover des centaines de navires. Avec ce projet, le développement de la région s'accélérera. J'espère que davantage de pays de la région contribueront à ce développement afin de rendre notre région plus attractive.

Asie centrale : perspectives et réalités

Aymeri de MONTESQUIOU,
sénateur, président pour le Kazakhstan du groupe d'amitié France-Asie centrale

Je me considère comme un amoureux de cette région. Je suis convaincu qu'elle possède un véritable avenir, d'abord pour des raisons stratégiques. L'Asie Centrale sera soit une région très paisible, soit une région d'affrontement. Le développement économique est un élément majeur pour en faire une zone paisible, en particulier pour les pays moins bien dotés que les autres par la nature.

La place économique et politique la plus importante est détenue par le Kazakhstan, qui réalise près de 70 % du PIB de la région. Le Kazakhstan possède absolument tout dans son sous-sol. Ce pays a également un potentiel agricole considérable. Le Kazakhstan est le premier exportateur de farine au monde. Il était le premier fournisseur de viande de toute l'Union Soviétique. Le Kazakhstan est gouverné par un grand Président, qui a su tout faire pour éviter de brader ses matières premières. Outre son sous-sol, il est doté d'une riche capacité intellectuelle. L'administration et les dirigeants d'entreprise possèdent un haut de niveau de vie. Je fais tout mon possible pour que le Kazakhstan soit considéré comme un pays d'avenir. Le potentiel est extraordinaire en matière d'environnement. La performance énergétique héritée de l'Union Soviétique est d'un très faible niveau. Le territoire à conquérir est donc extraordinaire. Les jeunes entreprises kazakhes ont besoin de travailler avec des entreprises françaises. Je suis certain de l'avenir de cette coopération économique.

En 1993, le Président Mitterrand avait ouvert la voie. Il s'en est suivi une grande mollesse, avant que le Président Sarkozy et le Premier Ministre Fillon n'inversent la tendance. Il demeure absurde que l'AFD ne soit pas présente au Kazakhstan. Je demande aux entreprises françaises de travailler ensemble dans cette région. Les entreprises italiennes ont su le faire. Il est également important de savoir mobiliser les crédits, européens notamment.

Le potentiel est formidable en termes d'élevage, mais nous ne l'exploitons absolument pas. Nous avons pourtant les meilleures races en France, mais nous ne les exportons pas. D'une manière générale, nous pourrions faire infiniment mieux dans tous les domaines.

Nous passons également à côté de l'Ouzbékistan. Certes, des massacres ont été commis au Ferghana, mais il ne faut pas oublier que des policiers s'y faisaient tuer par des islamistes. Ce pays a été mis à l'index. Nous commençons à renouer des relations normales, mais nous sommes en retard. Toutes les villes d'Ouzbékistan ont besoin de refaire leurs réseaux d'eau et de chaleur. La France peut prendre une part majeure.

Le Turkménistan est un pays oublié. Il deviendra pourtant le troisième exportateur mondial de gaz après la Russie et l'Iran. Il s'agit d'un pays pivot. Il devrait nous servir d'intermédiaire avec l'Iran, surtout du fait de la nécessaire diversification de l'approvisionnement gazier.

Enfin, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser surgir des problèmes sociaux graves au Tadjikistan et au Kirghizstan. Les techniques françaises pourraient s'impliquer dans la construction de barrages permettant une exportation considérable d'électricité. Pour cela, il faut un accord entre tous les pays de la région.

Comment financer vos affaires dans la région Caucase-Asie centrale ?

Jean-Pierre AUTELLI,
chef du territoire Asie Centrale-Caucase, BNP Paribas

L'Asie Centrale et le Caucase forment une zone de rêve pour les banquiers, affichant une croissance extrêmement forte - le trend moyen post-crise y est de 6 % - et de formidables opportunités. Ces huit pays mis ensemble ont un poids global substantiel. La région est très riche en hydrocarbures. Son développement est donc durable. Pendant la crise, aucun des pays d'Asie Centrale-Caucase n'est passé sous la ligne de flottaison. Ils sont restés en zone de croissance positive. Aujourd'hui, tous les éléments sont réunis pour que le développement s'y poursuive.

En 2010, une entreprise kazakhe est devenue le leader mondial de la production d'uranium, avec un taux de croissance extrêmement fort et d'excellentes marges. De plus, un énorme gisement de gaz a été trouvé au Turkménistan. Le développement de ce champ est d'ailleurs entamé.

Outre les hydrocarbures, cette zone contient beaucoup d'autres minerais. Les infrastructures sont en cours de modernisation, dans le domaine ferroviaire notamment. Alstom négocie en ce moment un contrat de construction de locomotives. Dans ces pays, il existe d'énormes commandes industrielles. Les affaires s'y font depuis plusieurs années de manière très active. Au Kazakhstan, un programme porte sur la modernisation des raffineries. Des projets sont également en négociation dans les autres pays de la région. Les banquiers travaillent sur le financement de l'extension du gazoduc BTC. Un gazoduc reliera l'est du Turkménistan à l'Europe. La Chine a également des projets de son côté.

Ces pays développent leurs infrastructures routières, lesquelles sont souvent financées par la Banque Mondiale. Des ports sont en construction. Plusieurs milliards de dollars ont été engagés en Azerbaïdjan. Des projets ont aussi été signés au Kazakhstan.

Les sources de financement sont abondantes. Le financement n'est donc pas un problème. La banque asiatique du développement est particulièrement active depuis deux ans. Les investissements en equity sont la deuxième source de financement.

Les financements apportés par les banques revêtent des formes différentes. Le pays le plus facile est l'Azerbaïdjan. La Société Générale et BNP Paribas y sont très actifs. Au Kazakhstan, depuis environ un an, la Coface a développé des promesses de garanties supérieures à 1 milliard d'euros pour deux des plus grandes compagnies publiques du pays. Les banques procèdent également à des facilités corporate directes pour beaucoup d'entreprises. Les banques locales, surtout au Kazakhstan, sont en mesure d'apporter des facilités de financement.

Un véritable évènement économique et financier se produit dans la région. Depuis deux ou trois ans, les volumes de financement en provenance de Chine sont devenus massifs. Ils sont durables. Il arrive même que des entreprises françaises bénéficient de ces financements chinois. Les Chinois possèdent de telles capacités qu'ils n'hésitent pas à financer les fournitures en provenance de pays concurrents.

BNP Paribas possède une expérience très diversifiée dans les différentes sources de financement de la région. En Azerbaïdjan, nos financements sont essentiellement basés sur la garantie souveraine. Par ailleurs, des accords-cadres ont été passés avec différentes banques de la région.

Enfin, l'Eurasian Development Bank, implantée à Almaty, se développe très vite. Elle peut servir de support pour le développement de projets dans les petits pays de la région.

Asie centrale : quels marchés pour quelles entreprises ?

Gilles REMY,
président-directeur général, Cifal Groupe, CCEF

Cette région représente un enjeu stratégique, que nous y fassions des affaires ou non. Ainsi, une déstabilisation de l'Ouzbékistan aurait des conséquences dramatiques.

Les huit pays qui composent cette zone ne sont pas si importants que cela du point de vue de leur PIB ou de leur population. Ils forment une mosaïque de pays ayant reçu en héritage soit des richesses, soit rien du tout. La population de 75 millions d'habitants - répartie sur un espace considérable - est bien éduquée.

Cette zone peut être stratégique pour des grands groupes français du fait de la richesse de ses sous-sols ou de ses projets de développement d'infrastructures. La question qui se pose porte donc sur l'occupation du terrain. Tous ces pays sont issus d'un même Etat, mais chacun possède sa propre législation, en matière de visas notamment. Il n'existe pas de capitale régionale à partir de laquelle rayonner.

Ce marché est intéressant car ses besoins essentiels correspondent aux pôles d'excellence de notre industrie. L'approche est différente pour les PME. Il n'est pas évident d'accompagner une PME dans une telle zone. Le travail doit davantage se faire par des agents locaux que par des implantations directes. A l'inverse, pour un industriel du gaz ou du pétrole, un équipementier ou une société de services, cette région est essentielle.

Les entreprises françaises qui ont travaillé dans cette région ont globalement réussi, dégageant des marges normales. Avec environ 3 % de parts de marché, la France peut progresser. La grande interrogation pour l'avenir est la présence chinoise. Tous ces pays préféreraient certainement travailler avec nous qu'avec les Chinois, mais personne d'autre que les Chinois ne peut investir 5 milliards d'euros d'emblée sur un projet.

Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan : nouvelle donne, moment de vérité

Jean-Jacques GUILLAUDEAU,
chef du service économique à Astana

L'année dernière, j'avais abondamment parlé de la Chine. Aujourd'hui, tout le monde l'a fait avant moi. Ce sujet est important. La Chine contrôle 28 % de la production de pétrole du Kazakhstan.

Le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan doivent régler des questions dont la résolution a été reportée. C'est au prix de cet effort qu'ils passeront à une étape de développement supérieur.

Le Kazakhstan vous a été très bien décrit. Sur le plan macro-économique, ce pays va bien, avec 7 % de croissance l'an dernier, et probablement un taux identique cette année. Même pendant la crise, le Kazakhstan a continué de croître. Le PIB par habitant est d'environ 9 000 dollars, soit le niveau des derniers entrants de l'Union Européenne. Ce pays est stable politiquement. Le Président de la République vient d'y être réélu. Le Kazakhstan a su conserver un équilibre et la paix dans un contexte multiethnique remarquable, fait d'une multiplicité de religions. Outre l'islam dominant, toutes les églises sont présentes au Kazakhstan.

Dans ce contexte très porteur, la France était très peu présente sur le plan industriel jusqu'au sommet du 6 octobre 2009 à Astana. Cela confirme l'importance du fait politique dans ces pays. Il existait un réel besoin de reconnaissance politique. Depuis cette date, de nombreux contrats ont été signés : Alstom construit une usine à Astana et négocie la réalisation d'un tramway, Eurocopter assemblera des hélicoptères, tandis qu'EADS, Thalès, Sagem, Total et Areva sont également présents. Total considère le Kazakhstan comme l'un de ses cinq pays stratégiques dans le monde. Le Kazakhstan est le premier fournisseur d'Areva. Dans le domaine agroalimentaire, Lactalis possède plusieurs unités de production. Danone monte en puissance. Ciments Français est présent depuis longtemps. Au final, la position de la France a pris un essor considérable au Kazakhstan depuis que les contacts politiques entre les deux pays sont de haut niveau.

Derrière tous ces grands projets, notre défi consiste à faire venir un nombre croissant de PME dans ce pays. Il existe des raisons objectives pour cela, même si pour l'instant, les Italiens ont été plus efficaces que nous dans ce domaine.

Le Kazakhstan se trouve à un point intéressant de son histoire. Pour aller plus loin, il a trois défis à résoudre. Il doit d'abord former davantage d'ingénieurs et de techniciens. Les financiers sont très doués, mais il est très compliqué de recruter des ingénieurs et des techniciens au Kazakhstan. Ce pays doit également parvenir à détourner une partie de sa richesse considérable vers le secteur agricole, qui emploie un tiers de ses habitants. Ce secteur très prometteur a besoin de beaucoup d'investissements. La France pourrait faire beaucoup dans l'élevage, les semences ou l'irrigation. Enfin, compte tenu du niveau de l'investissement étranger, le Kazakhstan doit absolument développer les conditions d'accueil des investisseurs étrangers. Des lois sont actuellement en discussion. Dans le secteur de l'énergie, nous savons à quoi nous en tenir. Dans les autres secteurs, les discussions se poursuivent. Il faut que la législation soit suffisamment souple pour que les investissements puissent perdurer. Il ne faudrait pas que le pourcentage de contenu local soit trop important.

Le projet Kashagan est emblématique pour le pays. Il est donc important que tout se passe bien. Tout le monde souhaite que cette opération soit un succès. Cela passe par la mise en oeuvre de technologies modernes. Les investisseurs français ont la volonté de transférer de la technologie au Kazakhstan et d'y bâtir une tête de pont. Pour cela, il faut qu'ils puissent y faire venir des ingénieurs et des techniciens. Or il est parfois difficile d'obtenir ou de renouveler des permis de travail.

En tout cas, le Kazakhstan représente une opportunité de développement très importante, mais il doit stabiliser les termes de son partenariat avec les investisseurs étrangers pour passer à la dimension supérieure.

L'Ouzbékistan est un pays riche et intéressant, parce que très diversifié. Outre le gaz et le pétrole, il possède de l'uranium, du coton, de l'agriculture et des mines d'or. Sa population de 30 millions d'habitants est de loin la plus importante de la région. Elle est bien formée. Le défi de l'Ouzbékistan est l'ouverture. Le frémissement que nous sentons doit se traduire dans les actes. Deux sujets se posent. Le premier concerne la convertibilité du soum. Les entreprises françaises ont une volonté de se développer dans ce pays. L'Ouzbékistan doit davantage s'ouvrir aux ressources naturelles. Ainsi, il est dommage qu'Areva ne puisse pas faire dans ce pays ce qu'il fait au Kazakhstan. Les autorités ouzbèques l'ont compris. Nous sentons que les choses changent.

Le Tadjikistan et le Kirghizstan sont intéressants non seulement parce que la stabilité y est très importante, et à cet égard les efforts du Kirghizstan pour tendre vers davantage de démocratie doivent être salués, mais également parce qu'ils renferment des possibilités. Ainsi, l'eau de ces deux pays est cruciale pour leurs voisins, mais son prix est très faible.

Le Caucase, la force de l'énergie, la volonté d'ouverture

Daniel PATAT,
chef du service économique à Bakou

Cette région est enthousiasmante. Elle porte beaucoup d'espoirs. Un nombre très important d'entreprises s'y intéresse. Elles doivent emmener avec elles des entreprises de taille plus modeste.

Il est beaucoup plus facile de gérer le Turkménistan depuis Bakou. Ce pays n'est pas épargné par l'entrée en force de la Chine dans la région. Le Turkménistan a perdu beaucoup de la superbe des années Gazprom. Il est aujourd'hui un fournisseur de gaz oriental. Ses livraisons à Gazprom sont minimales. Le Turkménistan vend à l'Iran, qui reste son principal client, ainsi qu'à la Chine, dont l'appétit semble insatiable.

Les entreprises françaises sont très orientées vers les grands marchés. D'aucuns pourraient s'en plaindre, mais c'est un moyen d'emmener d'autres entreprises qui, seules, n'y iraient pas.

Le Turkménistan se développe. Il sort d'une tradition profondément tournée vers lui-même. Le Turkménistan a compris qu'il devait s'ouvrir au monde et s'adapter à l'économie occidentale.

Ce pays ne regarde pas simplement vers l'Orient. Il veut également regarder vers l'Occident. L'Azerbaïdjan peut être le point d'entrée, par un corridor qui reste à établir. Les projets font leur chemin. Le dénouement de Nabucco ou de plus petits projets est proche. La quantité de gaz turkmène est potentiellement importante.

L'Azerbaïdjan est un grand pays pétrolier. Le Caucase a conscience d'être un trait d'union et d'avoir de véritables capacités d'attraction de l'investissement. Les taux de croissance des trois pays de cette zone sont différenciés, l'Azerbaïdjan ayant mieux vécu la crise économique que la Géorgie et l'Arménie. La Géorgie s'est très bien rattrapée. Elle a su gérer l'appui international, qui représente près de 50 % de son PIB. Elle l'a fait en devenant un pays de plus en plus ouvert, notamment à l'Azerbaïdjan voisin. L'avenir de ces deux pays dans la liaison Asie-Europe est lié.

Le Caucase ne pourra se développer que lorsqu'il sera en paix avec lui-même. La France y travaille fortement. La plus importante contribution viendra des pays qui composent la région. Ces pays savent très bien qu'ils devront réapprendre à travailler ensemble. Leur potentiel est excellent. Le Caucase doit faire la paix avec lui-même car il s'agit de sa meilleure voie de développement. C'est en s'ouvrant que ces pays retrouveront la voie du développement.

Echanges avec la salle

Laure de MONDRAGON, Ubifrance

Il serait très intéressant d'avoir le point de vue de la Coface sur les risques pays en Asie centrale et dans le Caucase.

Gaëlle BRY-LIBERT, Coface

Ces pays sont plutôt situés au bas de notre échelle de risque. C'est l'environnement des affaires qui impacte souvent directement leur note globale. Ces pays ont plutôt bien résisté à la crise. Nos prévisions sont très positives pour les pays exportateurs en 2011. Toutefois, l'inflation, notamment importée, pourrait impacter les ménages, donc fragiliser la reprise de la croissance et la demande interne. Le Kazakhstan est le pays le mieux noté. Le Kirghizstan et le Turkménistan sont moins bien notés. Des analyses économiques et de l'environnement des affaires sont disponibles sur notre site Internet.

Gilles CUDIA, GEFCO (groupe PSA)

Je n'ai pas beaucoup entendu parler du développement de l'automobile. Quels sont vos commentaires pour le Caucase et l'Asie centrale ?

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Au Kazakhstan, l'automobile est une chasse gardée nippo-coréenne pour les véhicules neufs. L'Allemagne parvient à conserver une part de marché limitée. Le marché est dominé par le 4x4. En Ouzbékistan, il existe une production locale et des joint-ventures avec les Russes. Je suis absolument persuadé qu'il y a de la place pour les constructeurs français.

Daniel PATAT

La situation est strictement la même dans le Caucase. L'essentiel du marché est un marché d'occasion. L'industrie allemande se taille la part du lion. Les quelques véhicules français sont difficiles à entretenir. La seule production digne de ce nom est à trouver en Ouzbékistan. Les véhicules innovants et les nouvelles générations sont probablement des marchés à conquérir. Nous avons du retard, mais nous pouvons le récupérer. Les gouvernants savent qu'ils ont encore beaucoup de choses à faire dans le domaine de l'environnement. Le niveau de vie d'un certain nombre de ces pays s'élève durablement.

De la salle

Quel impact pourrait avoir sur la stabilité de la région la valorisation du potentiel hydrique du Tadjikistan et du Kirghizstan ? Quel sera l'impact de la reconstruction de l'Afghanistan sur les demandes en eau de la région ? Enfin, comment acheminer la production hydro-électrique dans les pays voisins comme l'Iran ou l'Afghanistan voisins ?

Aymeri de MONTESQUIOU

Il y a un manque d'hydricité dans la région. Le problème tient à l'aval. Il existe des tensions très fortes entre l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Les Ouzbèques craignent de ne plus avoir d'eau. Une entente régionale est nécessaire. Les Nations Unies et la Chine peuvent apporter leur aide. Il n'est pas acceptable que des villages soient dépourvus d'électricité. Les lignes à construire seront ensuite une aubaine pour les entreprises françaises. Il faut commencer par un accord international.

Jean-Pierre AUTELLI

En Asie Centrale, 90 % de l'électricité est produite à partir de gaz. Son efficacité est de 40 % inférieure au niveau européen. Du fait de la montée du prix du gaz, les pays producteurs ont intérêt à exporter ce gaz et à importer de l'hydro-électricité. L'économie tend vers la construction de centrales hydro-électriques au Tadjikistan et au Kirghizstan, mais cela prendra du temps.

Table ronde Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie)

La table ronde est présidée par Daniel PATAT, avec la participation de James HOGAN, avocat associé, cabinet SALANS, et de :

- Jean-Luc DEBRIN, Directeur Europe-Asie Centrale-Sud Caucase, Sade

- Martial SEKELY, Directeur Général zone CEI, groupe Lactalis

- Catherine GRASSET, Vice-Président Kazakhstan et Azerbaïdjan, Total

- Antoine BARDON, Président, French Business Council en Géorgie

Daniel PATAT

Il y a beaucoup à faire dans le Caucase en matière de développement des infrastructures, notamment dans le secteur de l'eau. Ainsi, la société Sade est titulaire d'un marché important de rénovation et d'installation d'infrastructures en Azerbaïdjan, et ce qui se passe en Azerbaïdjan s'étendra également à la Géorgie et à l'Arménie, où les besoins en infrastructures sont tout aussi importants.

Antoine BARDON

Le French Business Council deviendra la chambre de commerce franco-géorgienne en juillet. J'ai des intérêts dans différentes compagnies, dont la plus importante construit des hôtels. Nous avons conclu un partenariat avec Accor. Le premier hôtel sera construit en Arménie, à Erevan. Le Caucase manque d'hôtels trois et quatre étoiles.

Daniel PATAT

Total est également très investi dans la région.

Catherine GRASSET

Effectivement. Nous sommes présents en Russie, en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.

Daniel PATAT

Nous avons réuni un éventail intéressant d'intervenants représentant différents secteurs de l'économie. Nous sommes ouverts à vos questions.

Michel MARECHAL, BNP PARIBAS

Pensez-vous que l'économie de l'Azerbaïdjan pourrait, à l'avenir, ressembler à celle d'un émirat du Golfe ?

Daniel PATAT

Je n'en suis pas certain. Evidemment, ce pays en présente bien des caractéristiques. Ainsi, il est fortement orienté sur les hydrocarbures. Néanmoins, il offre également des possibilités de diversification, que ce soit de manière propre ou en liaison avec ses voisins. Ce travail a d'ailleurs déjà commencé avec la Géorgie.

Catherine GRASSET

La production de l'Azerbaïdjan n'a pas atteint son plateau. L'exploration continue. Peut-être y aura-t-il davantage de pétrole et de gaz dans les prochaines années. Le futur s'annonce donc sous de bons auspices pour ce pays, qui présente toujours un bon potentiel.

Martial SEKELY

Nous croyons en l'avenir de ce marché, où nous venons juste d'ouvrir un bureau. Après la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan est le pays où il faut être pour couvrir toute la région. Nous y croyons, sinon nous ne nous y serions pas installés.

James HOGAN

Le pétrole ne risque pas de disparaître. Au pire, sa production diminuera graduellement. En tout cas, même si la production atteint un pic, l'économie de l'Azerbaïdjan ne sera pas impactée de manière significative.

Daniel PATAT

Comment réussir la modernisation et la diversification d'une économie sans hydrocarbures, ce qui est le cas de l'Arménie et de la Géorgie ?

Antoine BARDON

La situation est plus claire pour la Géorgie que pour l'Arménie, dont le secteur agricole n'est pas si important qu'en Géorgie. Toutefois, l'Arménie possède un potentiel touristique très fort du fait de sa diaspora de 6 millions de personnes à travers le monde. De plus, l'Arménie s'efforce de donner un haut niveau de culture à ses étudiants.

De la salle

Quel est le statut juridique de la Mer Caspienne ?

Daniel PATAT

Si l'on s'en tient à la définition habituelle, la Caspienne ne peut pas être considérée comme une mer car il n'y a pas de liaison directe avec l'océan. Or le droit international n'est pas le même selon qu'il est question d'un lac ou d'une mer. Une volonté très forte s'est exprimée lors du sommet de Bakou de décembre dernier. Le problème est loin d'avoir été résolu, mais il existe un réel désir d'avancer sur la question. Les chefs d'Etat s'entendent et se comprennent mieux, particulièrement entre le Turkménistan et l'Azerbaïdjan. Pour autant, beaucoup de questions restent posées.

Adil MAMMADOV

La plupart des pays commencent à s'entendre, et je pense que le dernier pays qui reste à l'écart rejoindra également ce mouvement.

Denis LAPSHOV, Valorem

Ce matin, vous avez expliqué que 90 % de l'électricité provenait du gaz naturel, dont le prix a bondi. Comment cette hausse affecte-t-elle les prix de l'électricité dans la région ? Quels sont les programmes qui permettront de réduire le différentiel entre la consommation et la production ?

Daniel PATAT

Le gaz pourrait sembler trop coûteux pour être brûlé dans des chaudières à gaz, mais son rendement a été nettement amélioré. Les derniers projets sont à très haut rendement. A la manière des « châteaux d'eau » que sont le Kirghizstan et le Tadjikistan, le Caucase est une puissante source d'hydro-électricité, avec des capacités considérables dans des zones non-peuplées qui ne posent pas de problèmes d'environnement fondamentaux. Il en existe en Géorgie, mais également en Azerbaïdjan et en Arménie. Il est possible de trouver un équilibre permettant tout à la fois d'exploiter au mieux le gaz et l'hydro-électricité.

De la salle

Pourriez-vous dire quelques mots sur le projet de chantier naval d'Alat, en Azerbaïdjan ? Il s'agit probablement d'une bonne opportunité pour toute la région de transporter du pétrole et du gaz sur des navires. Les besoins sont énormes.

Adil MAMMADOV

Je ne m'occupe pas du secteur de l'énergie, mais je vais tenter de vous éclairer. La flotte de la Caspienne doit être modernisée. Plus de 90 % de nos navires datent de l'époque soviétique. Par ailleurs, vous avez raison pour ce qui concerne le transport du pétrole d'Azerbaïdjan, vers le marché européen notamment.

De la salle

Quels sont les projets de développement des énergies renouvelables dans le Caucase ?

Antoine BARDON

La Géorgie a signé un accord avec la France en 2009 pour développer ce type d'énergies. Toutefois, il n'existe pas d'incitations, notamment pas d'obligation d'acheter l'énergie produite. L'Arménie en est au début d'un programme d'énergie éolienne et solaire.

James HOGAN

Bakou est l'une des villes les plus venteuses au monde, un peu comme Chicago. Il existe différents projets de champs éoliens en Azerbaïdjan.

De la salle

Pourrions-nous avoir quelques détails quant au projet que la Sade a remporté dans le secteur de l'eau et des infrastructures en Azerbaïdjan ?

Jean-Luc DEBRIN

Nous avons remporté deux régions sur les soixante-douze que comporte ce pays. Le financement est apporté par la Banque Mondiale à 75 % et par l'Etat à 25 %. Il est question de la construction d'infrastructures. Ce sont des engagements d'Etats. Il est donc logique et nécessaire d'intégrer une participation locale. Ces éléments-relais étaient également nécessaires pour intégrer l'aspect culturel et social d'un pays différent. Nous avons décidé de créer un centre de formation. Le projet durera 17 mois. En l'espace de 2 mois, nous avons besoin de mobiliser 600 personnes et une trentaine d'ingénieurs. Les réseaux datent de l'époque soviétique. Pratiquement tout est à faire. Or aucune entreprise sur place n'en est capable. Il nous faut donc constituer une entreprise locale avec des partenaires locaux, mais en apportant tout.

De la salle

Quelles sont les tendances actuelles des pays du Caucase en matière de tourisme ? Existe-t-il des projets de développement de ce secteur ? Quels tourismes ces pays souhaitent-ils attirer ?

Antoine BARDON

La Géorgie entend se développer sur le plan touristique, d'abord en Adjarie, sur la Mer Noire, mais également dans le ski. Ces vingt prochaines années, le nombre de stations de ski diminuera en Europe. D'autres pays ont été identifiés comme capables d'en développer. Le Caucase est l'une de ces zones. La Géorgie possède également de nombreuses stations thermales, mais elles ne sont pas en bonne condition. Il faut des investissements.

De la salle

En Adjarie, le développement du tourisme a débuté il y a quatre ou cinq ans. L'année dernière, nous avons accueilli 1 million de touristes. Cette année, nous en attendons 1,5 million. Nous comptons développer une station de ski à une heure de Batoumi. Je reconnais que nos stations thermales ont besoin d'investissements. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps.

Adil MAMMADOV

Le tourisme est très important pour l'Azerbaïdjan également. Le gouvernement apporte son soutien. 2011 a été déclarée année du tourisme. Il y a cinq ou sept ans, il n'existait pas d'endroits décents pour accueillir les touristes. Nous les avons développés. Nous avons également des projets de stations de ski. Une compagnie française d'architecture nous aide. Outre le ski, nous développons le tourisme autour de la Mer Caspienne, ainsi que le tourisme médical. Il existe déjà des spa. Au-delà des hôtels et des stations, nous avons besoin d'infrastructures de transport. Nous avons déjà un aéroport international. Je suis certain que le tourisme se développera dans les trois pays du Caucase.

Natalya ARTSRUNI

En Arménie, le développement du tourisme est une priorité pour le gouvernement. Notre pays attire les touristes pour son aspect historique et culturel. Nous possédons déjà des stations de ski. L'infrastructure se développe, de même que le tourisme médical. Nous avons beaucoup de bons dentistes. Des gens viennent des Etats-Unis, du Canada ou de France pour utiliser leurs services.

Daniel PATAT

Nous avons parlé des matières premières et des infrastructures, mais pas de la consommation.

Martial SEKELY

La demande progresse. C'est une opportunité que nous ne pouvons pas manquer. Toutefois, nous ne pouvons pas travailler dans tous les pays en même temps. Il est donc important de bien choisir où s'installer. Il a beaucoup été question du gaz et du pétrole. Nous ne sommes pas dans ce business. Nous travaillons dans le secteur laitier. Nous ne pouvons pas nous permettre de longs transports. Or, dans beaucoup pays de la région, pas uniquement le Caucase, il n'y a pas assez de lait. Depuis la fin de l'Union Soviétique, l'agriculture s'est effondrée. Il a fallu que nous nous transformions en agriculteurs. Nous nous sommes adaptés à la situation locale, ce qui était nécessaire pour prendre des positions sérieuses. Il nous a fallu acquérir de nouvelles compétences.

De la salle

L'Azerbaïdjan Investment Company avait pour objet de supporter des participations minoritaires de l'Etat dans des projets locaux ou étrangers. Qu'en est-il de l'activité de cette compagnie ?

James HOGAN

Cette compagnie reste une force importante. Elle est un bon partenaire pour les investisseurs étrangers.

Daniel PATAT

Cette discussion pourrait durer encore longtemps, mais l'heure est malheureusement venue de conclure.

James HOGAN

Nous avons effectué un très bon tour d'horizon de la région. Le message à retenir pour l'Azerbaïdjan est qu'il n'y a pas que le pétrole et le gaz. Les trois pays du Caucase ont un héritage culturel très riche qui pourrait être mis en avant pour attirer les touristes. Leurs paysages sont également magnifiques. De plus, les gens du Caucase sont parmi les plus accueillants au monde.

Table ronde Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan)

La table ronde est présidée par Aymeri de MONTESQUIOU et Jean-Jacques GUILLAUDEAU, avec la participation de James HOGAN, avocat associé, cabinet SALANS, et de :

- Dominique PAGES, Président, Promstan, Consul honoraire du Kazakhstan en France

- Gautier MANGENOT, Représentant de Cifal au Turkménistan

- Roger EBERHARD, Project Director, Schneider Electric

- Martial SEKELY, Directeur Général zone CEI, groupe Lactalis

- Michel RICARD, Vice-Président Asie Centrale, Thalès International, Directeur Général, Thalès Kazakhstan LLP, CCEF

- Catherine GRASSET, Vice-Président Kazakhstan et Azerbaïdjan, Total

- Daniel PATAT, Chef du service économique à Bakou, compétent pour le Turkménistan

Aymeri de MONTESQUIOU

Je suis convaincu que nous avons beaucoup de leçons à apprendre de cette région de culture nomade. Les nomades prennent ce qu'il y a de meilleur. Nous, Français, devons donc démontrer que ce que nous proposons est ce qu'il y a de meilleur. Nous avons tous les arguments pour cela. Il faut une stratégie pour aller en Asie centrale.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Nous avons un panel de représentants de sociétés privées ayant des expériences très différentes. Le représentant du groupe Thalès connaît tous les pays de la zone. Qu'y avez-vous appris ?

Michel RICARD

Je suis arrivé en Asie centrale en 1992. L'Ouzbékistan ressort comme un marché constant, le Kazakhstan et le Turkménistan comme deux pays d'opportunités. Il faut se préparer pour aller dans cette région. Sans support politique, rien ne se passe. Entre 1999 et 2009, sans support politique français, nous n'avons pas fait grand-chose. Le Turkménistan et le Kazakhstan présentent des potentiels à peu près égaux sur la période 2011-2015. L'Ouzbékistan redémarre après la phase d'embargo.

Il faut être tenace dans ces pays. Dans l'un d'eux, où nous travaillons depuis quinze ans dans l'aviation civile, nous avons besoin de moderniser le système que nous avons installé dans l'aéroport national. Tout le monde est d'accord. Il n'y a aucune opposition. Pourtant, le contrat n'est toujours pas sorti. Il faut dire que l'un des avions de la compagnie nationale de ce pays a été saisi en France pour des histoires de dettes à payer.

Au Kazakhstan, il faut avoir une production locale. Cela n'empêche pas d'être vigilant.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Total est le plus gros investisseur français dans la zone, et de très loin, notamment au Kazakhstan. Quel est votre sentiment aujourd'hui sur cette expérience ?

Catherine GRASSET

Total est présent au Kazakhstan depuis plus de vingt ans. Nous sommes surtout partenaires du champ géant de Kashagan, dans lequel nous détenons 17 %. Ce champ n'est pas encore en production. Nous avons rencontré des difficultés dans la construction des installations. L'objectif est une mise en production fin 2012. Nous avons d'autres affaires en cours qui devraient se finaliser dans les prochaines années.

Effectivement, il faut être tenace dans ces pays. Au niveau pétrolier, la lourdeur de la bureaucratie n'est pas pour rien dans les retards que nous rencontrons. Il faut en tenir compte, surtout pour les sociétés de taille moyenne. Ce n'est pas insurmontable, mais il faut être prêt.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Il est important d'être bien conseillé sur le plan juridique. Dans les pays de l'ex Union Soviétique, il existe une tradition de législation nourrie, voire parfois contradictoire.

De la salle

Quel est le niveau de la corruption dans ces pays ?

Catherine GRASSET

Très sincèrement, je ne pensais pas à la corruption quand j'ai parlé de lourdeur administrative. Les mécanismes de fonctionnement ministériels et de contrôle des contrats sont très lourds. La corruption existe, mais je ne pensais pas à cela.

Martial SEKELY

Lactalis est présent au Kazakhstan depuis 2004. Ce pays est en fort développement. Ce marché devient important pour nous. Il existe des règles, écrites ou non. Les taux de croissance et les marges sont largement supérieurs à ce qu'il est possible d'attendre en Europe. A chacun de choisir sa manière. Nous ne jouons pas le jeu des enveloppes. Malgré cela, nous parvenons à nous développer, même si c'est peut-être plus lentement que d'autres. Ces pays sont jeunes. Il y a eu des flottements. Le développement est plus long et plus compliqué qu'ailleurs. En tout cas, nos actionnaires sont contents de notre installation au Kazakhstan.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

L'OCDE a édicté des règles assez récemment sur le sujet. Les entreprises françaises sont parmi celles qui les respectent le plus scrupuleusement.

James HOGAN

Nous avons débuté notre activité au Kazakhstan en 1990. Nous avons ensuite mis en place un bureau stable et permanent à Almaty en 1994. Nous avons commencé avec trois juristes. Quelques mois plus tard, nous en avons engagé cinq ou six de plus. Rapidement, le Kazakhstan a adopté les bases juridiques nécessaires, avec une législation de très bonne qualité. Le problème tient davantage à la lourdeur de la bureaucratie sur place. Il faut être sérieux, prudent et attentif, et suivre les règles du jeu. Des règles de droit existent au Kazakhstan. Il faut faire toutes les opérations correctement. D'ici quelques années, les entreprises qui versent des pots-de-vin auront des problèmes.

Aymeri de MONTESQUIOU

Il faut tenter d'imaginer dans quel état se trouvait la région en 1991. Les pays se sont retrouvés sans administration, avec une économie complètement désorganisée. Un certain nombre d'entreprises se sont jetées sur les richesses de cette partie du monde en imposant des contrats léonins. Je trouverais tout à fait normal de remettre en cause des contrats inégaux. L'un des grands atouts de Total est de s'être comporté en partenaire. C'est ce qu'il faut faire dans cette région : mettre en place des joint-ventures .

Vladimir PARAMONOV, Ouzbékistan

Comment comptez-vous challenger la Chine dans cette partie du monde ?

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Ce challenge n'est pas limité à l'Asie Centrale. Pour le relever, nous devons essayer de mettre en avant nos qualités.

Catherine GRASSET

Dans le business du pétrole, il y a de la place pour tout le monde. Le Kazakhstan et le Turkménistan souhaitent diversifier leurs exportations. Je ne suis donc pas pessimiste.

Michel RICARD

La compétition avec les Chinois n'est que financière. Nos prêts ne sont pas compétitifs. En termes de technologie, nous sommes supérieurs aux Chinois, mais également aux Russes.

Vladimir PARAMONOV, Ouzbékistan

Sauf que demain, les Chinois pourront tout acheter.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Il en va aussi de la responsabilité de vos pays de choisir ce que vous voulez être pour la Chine à l'avenir.

Vladimir PARAMONOV, Ouzbékistan

Nous n'avons pas le choix. Les Chinois font du business, ils ne font pas de politique. Les Européens sont trop sensibles à certains sujets. Cela crée des barrières pour le business.

Aymeri de MONTESQUIOU

Le quart du pétrole kazakh est déjà contrôlé par la Chine. Pouvez-vous imaginer que le Kazakhstan donne une part encore plus importante ? Evidemment, cette région doit avoir de bonnes relations avec la Chine, mais sans perdre sa liberté, ce qui arrivera si elle cède toutes ses ressources aux Chinois. Nous devons conserver l'avantage que nous donnent la recherche et le développement.

Martial SEKELY

La vraie bataille n'est pas entre l'Europe et la Chine, mais entre la Chine et la Russie. Les pays d'Asie Centrale veulent se libérer de la Russie, après en avoir été prisonniers pendant 80 ans. Le Turkménistan est le premier pays de la région à devenir complètement indépendant de la Russie.

De la salle

Ce débat est très important. Dans les télécommunications, la concurrence de la Chine est dure. Quels sont les avantages des sociétés françaises ?

Vladimir PARAMONOV, Ouzbékistan

Le principal avantage de l'Europe est d'être un bon partenaire pour le business. La technique est bonne. Les Européens sont au point sur le plan technologique. Beaucoup de personnes, en Asie Centrale, voient la Chine comme une menace, au Kazakhstan notamment. Ce n'est pas le cas au Tadjikistan ou au Kirghizstan. L'Ouzbékistan n'a pas non plus peur de la Chine. La Russie et la Chine se font concurrence en Asie Centrale. Ce sont les deux acteurs principaux de la région. Les Européens devraient plutôt chercher à coopérer avec eux. C'est la meilleure manière de faire du business de long terme en Asie Centrale.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Le secteur agricole, notamment l'élevage, présente de nouvelles opportunités.

Dominique PAGES

Effectivement. Les PME ont l'opportunité de promouvoir ce business au Kazakhstan. Le créneau est extrêmement porteur. Le Kazakhstan est historiquement un pays d'élevage, ancien fournisseur de l'URSS et de l'armée soviétique. Depuis quelques années, le Président kazakh a engagé un grand travail de rénovation de ce secteur, notamment de la viande et du lait. Aujourd'hui, le Kazakhstan est importateur massif de lait en poudre. Le business de l'élevage est bien développé en France. Une région comme la Bretagne est une sorte de cluster dans ce domaine. L'élevage, ça n'est pas que les animaux. En revanche, ce sont les animaux qui font vendre tout le reste, le matériel par exemple. J'invite toutes les entreprises françaises à se rendre au Kazakhstan pour constater les opportunités.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Nous avons peu parlé du Turkménistan.

Daniel PATAT

Il s'y passe beaucoup de choses. Ce pays revient de très loin. Il est passé au travers de l'époque soviétique presque intouché et se constitue son indépendance difficilement. Les relations avec la Russie deviennent un peu plus compliquées. Gazprom a beaucoup de gaz disponible. La Russie n'a donc plus besoin d'acheter autant de gaz qu'avant au Turkménistan. Il n'en demeure pas moins que ce pays est en plein développement. Outre les hydrocarbures, il développe son agriculture et son industrie cotonnière et textile. Peu de statistiques sont disponibles. La Chine a pris une place importante. Elle finance le principal gisement de la partie orientale du pays. Des développements se préparent également au bord de la Caspienne pour faire transiter le gaz d'est en ouest. La capitale Achgabat a complètement changé. Il faut comprendre comment ce pays évolue. Son développement passe par une certaine ouverture. Les autorités l'ont compris.

Gautier MANGENOT

Cifal est la première entreprise française à s'être implantée au Turkménistan. Dans ce pays, il est très difficile d'avoir la bonne information. Il faut du temps et les bons relais sur place pour faire des affaires. La corruption existe, mais à long terme, elle n'est pas viable car ceux qui en bénéficient ne restent pas en place très longtemps.

Michel RICARD

Ce pays grand comme la France, mais peuplé de 4,5 millions d'habitants, sera bientôt le quatrième producteur de gaz mondial.

De la salle

Les Allemands et les Italiens s'implantent beaucoup dans la région. Avez-vous identifié leurs méthodes ?

Dominique PAGES

Les PMI italiennes et allemandes ont des pratiques de solidarité. Elles s'entraident. Nous n'avons malheureusement pas cela chez nous.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Au Kazakhstan, AGIP a une ancienneté de vingt ans. Cela explique que les Italiens aient pu faire entrer pléthore d'autres entreprises.

De la salle

Il existe une méthode française. Derrière nos deux grands pétroliers et gaziers nationaux, un groupe de sociétés françaises s'apprête à présenter un projet aux autorités turkmènes. Nous avons été aidés par les autorités françaises sur place.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Nous partons de loin, mais nous essayons de faire des efforts pour mobiliser les PME. Avec Ubifrance, nous sommes présents sur quatre salons au Kazakhstan, dont celui du machinisme agricole. Total s'est également mobilisé pour donner des conseils aux PME.

Martial SEKELY

Dans ces pays, l'optimisme est indispensable. Des sociétés privées italiennes, allemandes et russes se débrouillent très bien seules au Kazakhstan. Nous avons une filiale à Aqtau. Nous vendons du lait aux plates-formes pétrolières.

De la salle

Quel est le timing de la technopole d'Astana ?

Aymeri de MONTESQUIOU

Il est important d'avoir une stratégie. Je suis favorable aux entreprises privées, mais nous avons, face à nous, un pays qui a un pouvoir politique fort. C'est un élément décisif car il est décisionnaire. La plus grande interaction possible est nécessaire entre le Kazakhstan et la France. Astana est une ville de quinze ans. Elle a été totalement inventée. Le Président y a installé une université qui porte son nom et dont il est membre du conseil d'administration. Il m'a semblé intéressant de mettre en place des coopérations entre cette université et ses homologues françaises, dont l'école des Mines, l'ENA ou encore HEC. Mon objectif était de donner un enseignement aux kazakhs puis, avec le patronage d'entreprises françaises, de créer des joint-ventures pour créer une interpénétration.

Les Kazakhs n'ont pas encore décidé d'une localisation physique. Il y a une compétition entre Astana et Almaty, qui est la principale ville économique du pays. Les deux choix se justifieraient. Le maire d'Astana a mis 20 hectares à notre disposition, sur la route de l'aéroport. Une technopole, ce sont aussi des réseaux. Nous pouvons être présents à Almaty comme à Astana. Je souhaite que les entreprises françaises s'intéressent à ce développement. Nous avons presque réussi à bloquer ce qui concerne l'eau et l'énergie, où nos entreprises sont très performantes.

En janvier, j'ai emmené une délégation de 40 personnes au Kazakhstan. Nous avons mis tous les ingrédients. Nous devrions réussir, malgré la concurrence des anglo-saxons. Nos interlocuteurs sont d'un très haut niveau. L'on ne va pas au Kazakhstan avec arrogance. L'Allemagne vend 5,2 milliards d'euros à ce pays, la France seulement 280 millions d'euros. Je m'y investis avec passion. La technopole est un biais intéressant.

De la salle

Pouvons-nous nous prévaloir de notre savoir-faire face aux entreprises russes et chinoises ?

Aymeri de MONTESQUIOU

Oui, mais pas seulement. Il existe une véritable fraternité entre le Kazakhstan et la Russie, une culture et une vie communes, mais le Kazakhstan ne veut pas tout donner à son voisin. L'union douanière avec la Russie et la Biélorussie est une manière d'équilibrer le poids de la Chine au Kazakhstan. Technologiquement, nous sommes en avance. Les grandes universités françaises peuvent nous aider à convaincre les autorités locales. Il existe un tropisme anglo-saxon. Nous sommes en position d'infériorité. La France possède pourtant des atouts. Elle doit en jouer. Une ligne aérienne entre nos deux pays serait essentielle.

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Les Kazakhs ont clairement conscience que la technologie européenne, américaine ou japonaise n'a rien à voir avec la technologie chinoise. Simplement, l'élément du coût fait que dans certains domaines, le choix se porte sur des produits chinois.

Dominique PAGES

Le problème a longtemps tenu à la compétitivité de notre offre. Nous possédons du savoir-faire. Les Chinois peuvent acheter beaucoup de choses, mais ni notre âme, ni notre savoir-faire. Nous ne mesurons pas suffisamment ce que cela représente. Les PMI françaises ont des atouts à faire valoir. Leur problème tient à leur capacité à se projeter à l'étranger.

De la salle

Il a été assez peu question du secteur de l'eau. Sera-ce une priorité de ces pays dans les années à venir ?

Aymeri de MONTESQUIOU

Les réseaux municipaux sont un objectif. Veolia et GDF SUEZ sont déjà sur place. La dépollution est un autre sujet important. L'Union Soviétique a saccagé le Kazakhstan. Le chantier est énorme. Le chauffage urbain provoque des pertes de chaleur extraordinaires. Les canalisations devront être refaites. Il y a de la place. Allez-y.