Colloque sur le Caucase (19 mai 2005)



La réalité des affaires en Géorgie

Cet atelier était présidé par Michel GELENINE, Chef de la Mission économique à Bakou.

Participaient à cet atelier :

Jacques FLEURY, Président directeur général, Georgian Glass and Mineral Waters ;

James HOGAN, Avocat Associé, Cabinet Salans ;

Jean-Paul LANFRANCHI, Directeur général, BIH, Groupe Castel.

Michel GELENINE

Nous constatons, depuis un an et demi, que la situation de la Géorgie s'est améliorée. Le budget s'équilibre, les privatisations se déroulent correctement et des équipes jeunes se mettent en place. De plus, il existe une réelle volonté de s'insérer dans les grands projets régionaux, et notamment dans les couloirs énergétiques. La Géorgie n'ayant pas de ressources en hydrocarbure, elle développe plus rapidement que ses voisins ses autres secteurs d'activité. Je pense notamment à l'agroalimentaire, au secteur minier et, surtout, au secteur privé et au secteur bancaire. Ce dernier est de très grande qualité, ses pratiques étant proches de celles constatées en Occident. La Géorgie se relève donc, même si elle rencontre encore des difficultés, notamment en termes de respect de l'arsenal législatif et réglementaire. Quoi qu'il en soit, la situation évolue dans le bon sens.

James HOGAN

La Révolution des Roses représente une réelle opportunité pour les entreprises souhaitant s'implanter en Géorgie. En effet, le nouveau pouvoir en place a affiché une réelle volonté de lutter contre le favoritisme et la corruption.

Jacques FLEURY

La Géorgie avait la réputation d'être un pays corrompu. Toutefois, il est à noter que plusieurs entreprises aujourd'hui florissantes ont été créées dans le strict respect des lois. Je dois dire également que les règles bancaires y sont les plus strictes du monde : cela explique notamment l'importance du développement du secteur bancaire.

En outre, il faut signaler que certains investisseurs étrangers, qui avaient quitté la Géorgie après plusieurs années difficiles, sont prêts à y revenir. Pour ma part, j'ai décidé de conduire un investissement important dans le secteur viticole, qui présente de belles opportunités en Géorgie.

Un représentant de l'Agence de coopération pour l'Europe de la Mer

J'ai passé un contrat avec le port de Batoumi, nous permettant d'y conduire des investissements. A l'issu de ce premier contrat, qui s'est révélé satisfaisant, nous avons signé un second contrat visant à attirer les investisseurs autour d'un projet conçu en étroite relation avec le port de Batoumi. Ce projet visait à faire de ce port une plate-forme logistique et commerciale pour tout le Sud-Caucase, susceptible de recevoir des porte-conteneurs. Ce contrat devait porter sur la période 2004-2006. Toutefois, suite à des changements politiques survenus en mai 2004, nous ne savons pas s'il est encore d'actualité. N'est-il pas possible, dans l'intérêt bien compris de la partie française, des Etats de la région et de la Géorgie, de parvenir à la conclusion de ce contrat, ce qui permettrait d'attirer de nouveaux investisseurs internationaux ? Le port de Batoumi deviendrait alors une véritable porte d'entrée sur le Caucase-Sud.

Michel GELENINE

Le Gouvernement géorgien a décidé de privatiser récemment le port de Batoumi. Cette décision bouleverse le contexte du contrat auquel vous avez fait référence. En clair, tout dépendra de l'acheteur. Je pense que, dans les quelques mois à venir, nous aurons davantage d'informations à ce sujet. Signalons que les opérations de privatisation actuellement conduites en Géorgie sont conclues en quelques mois, ce qui permettra d'apporter rapidement des réponses à vos questions.

Pour ce qui est du tourisme, la Géorgie est dotée d'un patrimoine très intéressant, en termes de monastères, en termes de paysages, en termes d'églises mais aussi - ce qui est moins connu- en termes de forteresses. Celles-ci constituent un véritable réseau, réellement singulier. Les sports d'hiver ou le littoral de la Mer noire offrent d'autres opportunités.

Monsieur DEVIGNE

Je constate, à l'issue de ce colloque, que les propos tenus sont relativement optimistes ou, à défaut, prometteurs. Cela dit, les banques françaises hésitent encore à conduire des investissements en Géorgie.

Jean-Paul LANFRANCHI

Rappelons que les entreprises françaises ont connu, il y a quelques années, des difficultés particulièrement fortes en Géorgie. C'est pourquoi les banques françaises sont encore très frileuses. Cela dit, chacun doit prendre conscience des changements que le pays a connus. La Révolution des Roses a notamment induit des bouleversements considérables : la corruption est moindre et la justice rendue de bien meilleure qualité. L'Etat a compris qu'il devait défendre les intérêts des investisseurs locaux, ce qui n'était pas le cas auparavant. En outre, les trois pays du Caucase-Sud sont des pays attachants et chaleureux qui méritent d'être connus. Malheureusement, les banques françaises sont peu sensibles à ces questions et font, il est vrai, preuve d'une certaine frilosité.

Jacques FLEURY

Je partage ce point de vue : les banques sont très frileuses. De toute évidence néanmoins, elles se résoudront à investir dans les pays du Caucase-Sud. Les banques françaises, malheureusement, refusent d'investir dans des zones totalement normalisées et adoptent des stratégies de court terme. Cette logique n'est pas la bonne. En effet, il faut savoir réfléchir dans une optique de long terme et faire face aux difficultés sans quitter les pays connaissant parfois des remous. Ceux-ci vous sont reconnaissants, ensuite, de les avoir soutenus dans l'épreuve.

Michel GELENINE

Je peux vous dire, sans vous donner d'autres détails, que certaines banques s'intéressent de plus en plus au Caucase. Des frémissements sont à l'ordre du jour.

Michel PIQUET, BNP Paribas, Head of Export Finance Europe

Je ne pense pas qu'il soit possible d'affirmer que les entreprises françaises n'investissent que dans une logique de court terme. BNP Paribas est présente dans le financement de BTC. En outre, elle va signer, dès lundi à Bakou, une opération de 400 millions de dollars. Dans le domaine des infrastructures, elle est associée à des financements de long terme dans les infrastructures routières de l'Azerbaïdjan. Ainsi, les banques françaises ont des engagements significatifs dans plusieurs projets du Caucase. Peut-être pouvons-nous regretter leur manque de présence physique. Quoi qu'il en soit, elles sont bien présentes dans la région.

Jean-Paul LANFRANCHI

Les opérateurs français dans le Caucase éprouvent néanmoins des difficultés à rencontrer des interlocuteurs bancaires français. Le Caucase, malheureusement, n'est pas la seule zone concernée : nous constatons en effet le même phénomène en Afrique. Évidemment, en termes de financements, les banques françaises interviennent dans le Caucase. Toutefois il n'y a pas en Arménie, en Géorgie ou en Azerbaïdjan, d'interlocuteurs bancaires français.

Michel GELENINE

Les banques commencent à s'intéresser au risque corporate en Azerbaïdjan et en Arménie. Aujourd'hui, la question du bilan et des garanties se pose. Dès que le risque corporate est en jeu, des garanties, des bilans doivent inévitablement être présentés aux banques : ce point doit donc être pris en considération. Cela dit, une nouvelle classe d'entrepreneurs apparaît : ils savent présenter des bilans.

Jacques FLEURY

Nous n'avons pas accès à des financements Hermès ou COFACE à des taux intéressants. En Géorgie notamment, nous avons parfois davantage intérêt à traiter directement avec des banques nationales, car un double système de commission est appliqué aux financements européens auxquels je viens de faire référence.

Michel PIQUET, BNP Paribas

Je ne crois pas que des taux se surajoutent les uns aux autres, d'autant que cette question est très réglementée.

Jacques FLEURY

Je peux vous assurer que, malgré plusieurs tentatives, je n'ai pas réussi à obtenir des taux intéressants par le biais des systèmes de prêts européens.

Israfil AKHMEDOV, Ambassadeur de Géorgie en France

Pourquoi ne pas envisager d'implanter une ligne de TGV, reliant Bakou à la Mer Noire ? Cela permettrait de développer, notamment, le tourisme sur la Mer Noire.

Michel GELENINE

Construire une ligne de TGV est très onéreux : il faut refaire les voies, commander des rames, assurer un entretien constant.... Il s'agirait d'un investissement très lourd, qui, en outre, ne répondrait pas réellement à une demande : le nombre de passagers est très faible. Je pense que de tels projets, de toute façon, ne pourraient être soutenus uniquement par l'Azerbaïdjan ou la Géorgie. Ils devraient être portés par la BERD et la Banque mondiale.

De la salle

Cette idée de ligne de TGV est intéressante. Il est à noter, si nous nous appuyons sur l'exemple français, que les lignes de TGV ne sont pas rentables dès leur construction. Cela vaut d'ailleurs pour tous les grands projets d'infrastructures de transport.

De la salle

Air France dessert-il Bakou, Erevan et Tbilissi ?

Michel GELENINE

Dans le cadre de Skyteam, à laquelle appartient Air France, la compagnie tchèque CSK dessert ces trois villes.

De la salle

Force est de constater que la desserte est mieux assurée par British Airways et Lufthansa.

Michel GELENINE

Air France a noué une alliance avec ASAL, qui dessert le Caucase. Il faut bien avoir à l'esprit que se pose, pour Air France, la question du remplissage des avions. La clientèle des compagnies de transport, dans le Caucase, est essentiellement une clientèle pétrolière : elle souhaite avant tout rejoindre Londres et Aberdeen et choisit donc British Airways. La question de la rentabilité des vols se pose donc avec une certaine acuité pour Air France. Je pense qu'il est bon qu'Air France attende des conditions de rentabilité plus avantageuses avant de créer une ligne régulière avec le Caucase.

Synthèse rédigée en temps réel par la société Ubiqus Reporting France
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