colloque Libye 2006



La Libye : conjoncture et opportunités pour les entreprises françaises

Patrick LEBRUN
Chef de la mission économique de Tripoli

Je soulignerai avant toute chose que l'implication croissante des entreprises françaises dans le marché libyen résulte d'un travail d'équipe et de réseau. Je remercie donc tous les partenaires impliqués dans le processus.

Depuis peu, la Libye a rejoint la communauté internationale, les dernières sanctions américaines ayant été levées. Cette normalisation facilite la très vive reprise des investissements publics et privés dans un pays riche en hydrocarbures.

I. Le cadre économique

Le cadre économique offert par la Libye est optimal. Ainsi, la croissance du PIB atteint 5 %, avec une inflation maîtrisée. Le pays n'a pas de dette extérieure. L'exportation des hydrocarbures a rapporté à la Libye 29 milliards de dollars en 2005, soit 68 % du PIB.

Depuis trois ans, le cadre législatif s'est considérablement amélioré : sont concernés aussi bien le droit des sociétés, le droit du travail et celui de la propriété que le droit fiscal. Les autorités ont publié la loi sur les investissements n°5 et ont également procédé à une simplification des taxes et du régime d'importation.

II. Les opportunités d'affaires

2006 s'annonce comme l'année de la reprise des investissements. Ainsi, en 2005, les investissements directs étrangers atteignaient 1 milliard de dollars dans le domaine pétrolier, et 1,4 milliard de dollars en 2004-2005, s'agissant du domaine non-pétrolier. Le plan de développement 2005-2015 vise la production de 3 millions de barils de pétrole par jour et nécessiterait 30 milliards de dollars d'investissements, dont 7 milliards seraient consacrés à l'exploration seule. De nombreux projets de modernisation et d'extension de raffineries voient également le jour. Une enveloppe de 1,7 milliard d'euros doit être consacrée à l'ANOC en 2006 ; de nombreuses réformes sont en cours dans ce secteur porteur.

Un troisième round a été lancé. Le nombre de 40 opérateurs étrangers implantés dans le pays est donc appelé à croître.

Il est à noter que le secteur pétrolier n'est pas le seul à connaître une vague d'investissements. Ainsi, l'Etat investit massivement dans les infrastructures et le domaine social ; il y consacre 4,5 milliards d'euros en 2007, sur un budget total de 7 milliards d'euros. Le logement social et les routes sont concernés. La mission économique a édité un guide répertoire sur le BTP, secteur qui connaît un véritable boom en Libye. Il est à noter par ailleurs que c'est 1 milliard de dinars qui seront consacrés aux hôpitaux. GECOL prévoit d'investir 10 milliards de dollars dans les infrastructures, dans les quinze ans à venir. Des projets de développement de six ports et trois aéroports sont également lancés. S'agissant des télécommunications, GPTC achève ses négociations avec des constructeurs chinois. Enfin, l'agriculture a été relancée au plus haut niveau cette année, domaine dans lequel la France a un rôle certain à jouer.

III. Le contexte de la privatisation : rapport public/privé

L'arrivée d'un nouveau Premier ministre au mois de mars dernier a permis un renouvellement des équipes, qui ont fait montre, depuis, de leur grande compétence et de leur résolution à faire aboutir les projets dans les meilleurs délais et termes. En vue de favoriser les investissements étrangers, le Premier ministre a également mis en oeuvre un rabaissement du seuil des investissements de 50 milliards de dollars à 3 millions d'euros, via la loi n°5. Néanmoins, la tendance est à la « libyanisation » : le gouvernement veille légitimement à ce que le développement du pays serve ses propres citoyens. Ainsi, les sociétés étrangères se doivent de recruter des Libyens tout autant que des non ressortissants. La formation de la population est également mise en avant. A titre d'exemple, notons également que les directeurs ou directeurs adjoints des bureaux de représentation et des filiales doivent être de nationalité libyenne.

Les privatisations sont en cours. Ainsi, la Libyan Arab Airlines a fait l'objet d'une telle évolution. Pour ce faire, le gouvernement a choisi le portage par une société privée à capitaux d'origine étatique (National Investment Corporation), qui prend la majorité dans les secteurs privatisés, avec un portage complémentaire de banque. Le gouvernement semble par ailleurs avoir la volonté de développer une épargne populaire. D'autres domaines devraient bientôt être concernés par les privatisations.

Il semble également que désormais, tous les projets d'investissement, quelle que soit leur nature, s'effectueront au travers de grands fonds d'investissement et de manière rapide. En 2006 a été créé le nouveau fonds d'investissement africain-libyen, doté de 5 milliards de dollars d'actifs ; les autorités libyennes appellent fortement à associer des investisseurs français à leurs projets en Afrique. Au nombre des fonds d'investissement majeurs, signalons également la National Investment Corporation, dotée de 1,2 milliard de dinars ou encore le Fonds de développement économique et social dont le capital initial équivaut à 2,5 milliards de dollars, ce à quoi s'ajouteront 4 milliards de dollars supplémentaires du fonds pétrolier : il s'agira d'investir et de réserver aux 1,2 millions de Libyens les plus pauvres les revenus de ces investissements. Ajoutons la National Development and Real Estate and Tourism Investment and Price Co ou encore LINAS qui portent des projets d'investissement importants, dans le domaine hôtelier ou commercial. La Real Estate Investment Corporation et le Conseil national d'investissement immobilier comptent également au nombre de ces fonds d'investissement.

Enfin, le Commandant Saadi, l'un des fils du Guide, a récemment annoncé la création d'une zone franche à la frontière tunisienne, qui permettra d'investir dans des projets immobiliers, des centres commerciaux et touristiques. Une loi d'extraterritorialité s'appliquerait alors.

Le secteur informel privé reste également très dynamique. La ville de Tripoli voit fleurir les petits commerces et on assiste à la réfection de nombreux de ses bâtiments et logements. C'est un micro-capitalisme qui éclot : chaque jour, les commerçants font jouer les échanges avec l'Extrême et le Moyen-Orient, avec la Tunisie ou la Turquie. Nous assistons à la naissance d'une classe de jeunes entrepreneurs libyens formés à l'étranger, qui connaissent une réussite remarquable.

L'évolution que connaît la Libye apparaît donc extrêmement favorable. Pour autant, certaines difficultés persistent. Ainsi, l'environnement des affaires demeure imprécis : par exemple, les dates d'entrée en vigueur des lois restent mal connues. L'administration fait encore preuve de lenteur. Enfin, il convient de prendre en compte l'imprévisibilité des interlocuteurs libyens, tout en gardant à l'esprit, cependant, que les projets, s'ils connaissent une évolution lente, ont toutes les chances d'aboutir : il faut donc avant tout faire preuve de patience.

La Libye offre des opportunités aux entreprises françaises. Rappelons ainsi les contrats importants passés par SIDEM, pour une valeur de 230 millions d'euros, et ceux qu'AREVA T&D a conclus en l'espace de trois ans, pour une valeur de 500 millions d'euros.

Les relations bilatérales entre la France et la Libye n'ont jamais été aussi bonnes. De nombreuses coopérations ont été nouées dans le domaine des sciences, du droit, de la santé, de l'aéronautique, du tourisme ou encore de l'agriculture. Ce sont avant tout les notions de partenariat, de transfert partiel de technologies et de formation que doit privilégier un investisseur en Libye, tout en faisant preuve de prudence et d'une présence attentive. La concurrence est en effet rude. Quoi qu'il en soit, la construction de l'avenir du pays se joue dès maintenant.