colloque Libye 2006



Un cadre bilatéral porteur : politique de crédit, accords bilatéraux

Raphaël BELLO
Chef du bureau Afrique-Maghreb, MINEFI-DGTPE

En tant que chef du bureau Afrique-Maghreb de la DGTPE, je soulignerai qu'en Libye, les contrats se déroulent remarquablement bien : les contentieux restent plutôt rares, contrairement à ce qui semble être la règle pour d'autres pays de cette zone géographique.

La conjoncture et les efforts entrepris par le gouvernement libyen offrent des perspectives favorables aux entreprises françaises. La hausse des cours de l'or noir apporte à la Libye des recettes pétrolières atteignant 29 milliards de dollars et un excédent budgétaire de l'ordre de 33 % du PIB.

Au-delà de ce contexte favorable, il est à noter que le gouvernement libyen déploie des efforts considérables, dans tous les domaines. Ainsi, le pays a réintégré le concert des nations. Le partenariat Euro-Med offre également de réelles perspectives à la Libye et lui a permis de signer un accord bilatéral avec la Tunisie, mettant en oeuvre des accords techniques relatifs au libre échange, aux règles d'origine ou encore à la reconnaissance des normes, lui assurant par là-même une intégration régionale beaucoup plus rapide que celle de certains de ses voisins.

Le règlement des arriérés reflète la volonté de normalisation de la partie libyenne. Ainsi, la Coface a été réglée à hauteur de 44 millions d'euros.

Le pays a par ailleurs connu un tournant en 2003, point d'amorce de la mise en oeuvre de grandes réformes traduisant la volonté de modernisation et d'ouverture des autorités libyennes : ainsi ont été initiées des privatisations partielles, dans le secteur pétrolier, des ciments et du tourisme, notamment. Dans ce cadre, 360 sociétés auraient été privatisées, 55 d'entre elles admettant les capitaux étrangers. La diversification de l'économie semble par ailleurs en bonne voie.

La formation professionnelle permettra d'accélérer le transfert des technologies, et constitue donc un gage de réussite de la transition vers la modernisation. Il est à noter que, malheureusement, les Français ne semblent pas toujours avoir les moyens institutionnels et économiques d'y répondre, les Britanniques s'étant emparé du créneau.

Le développement des infrastructures s'inscrit également dans le mouvement de modernisation entamé. La loi de finances initiale 2006 prévoyait 8 milliards de dollars d'investissements dans les municipalités, les routes, le développement urbain, les logements sociaux ou encore le traitement des eaux, autant de domaines dans lesquels les entreprises françaises sont compétentes.

De manière générale, l'environnement des affaires constitue un axe de modernisation pour le gouvernement libyen qui a opéré la diminution des subventions internes aux prix, la baisse des barrières douanières, la diminution du taux de base bancaire, la création d'une bourse de valeurs et d'une loi bancaire, le plafonnement des impôts et l'allègement des procédures d'enregistrement. Le FMI a salué ces politiques tout en soulignant la lenteur de leur mise en oeuvre.

Force est de constater que les fondamentaux de la Libye sont très favorables. Il convient d'ailleurs de souligner que malgré les réserves et la rente pétrolière, l'inflation reste contenue. La croissance, située entre 3,5 et 5 %, commence aussi à être tirée par le domaine non pétrolier.

Dans ce contexte, la relation bilatérale économique avec la France est bien orientée et soutenue par un cadre juridique moderne et favorable. Je mentionnerai, au titre des accords bilatéraux, celui portant sur la promotion de la protection des investissements, qui stabilise les investissements étrangers réalisés sur le territoire libyen en accordant le traitement national, met en place une clause de la nation la plus favorisée et offre la possibilité de mettre en oeuvre des procédures d'arbitrage. Citons également l'accord de non-double imposition, signé en 2005, qui clarifie les perspectives et le climat juridique.

S'agissant de la politique de crédit, la Libye est aujourd'hui classée en catégorie 7 par l'OCDE. Cette note n'est certes pas très favorable mais résulte essentiellement de la politique passée du pays. Les réserves de la Libye sont telles, cependant, que ce classement - appelé à évoluer, très certainement - ne devrait pas tellement affecter le pays.

Dans le cadre de ces accords, les échanges franco-libyens progressent. Ainsi, les importations françaises, constituées à 96 % de pétrole et indexées sur les valeurs pétrolières, ont explosé en valeur. Les exportations françaises ont également connu un boom au premier semestre 2006 et pourraient atteindre 500 millions d'euros d'ici à la fin de cette année.

Ce flux tient compte des positions françaises en devenir. Il est à noter, par ailleurs, que nos ventes sont fortement dépendantes des grands contrats passés par Airbus ou encore SIDEM. Les flux ainsi créés sont irréguliers mais ne reflètent pas complètement le décollage exceptionnel des affaires et l'évolution de l'environnement. Il est intéressant de noter en outre que l'explosion récente des exportations concerne également les biens de consommation courante, d'équipement et intermédiaires, ce qui annonce une pérennisation et une consolidation des relations au-delà des grands contrats.

La France reste le cinquième fournisseur de la Libye avec 6 % de parts de marché ; elle se positionne loin derrière l'Italie, qui détient 21 % des parts, le Japon, le Royaume-Uni et l'Allemagne, et peut donc exploiter un potentiel fort d'augmentation.

Les perspectives semblent encore plus intéressantes pour ce qui est des investissements. Toutes les entreprises françaises disposent d'une représentation commerciale en Libye, semblant prête à saisir les opportunités à venir. L'évolution de la législation devrait permettre à un mouvement d'investissements plus profond de se dessiner.

Le contexte est donc éminemment favorable au renforcement de la relation bilatérale. Signalons que la Libye porte des préoccupations relatives à la « libyanisation » de la main d'oeuvre, la formation de sa population et l'enrichissement de la croissance localement, ce qui, pour autant, ne paraît pas incompatible avec le développement des échanges et partenariats franco-libyens et même euro-libyens.