colloque Libye 2006



La nouvelle politique économique

André DULAIT
Sénateur, Président du Groupe interparlementaire France-Libye

Le programme de privatisation de l'industrie et du commerce dans lequel la Libye s'est lancée n'est pas encore achevé et repose sur le secteur étatisé de l'énergie, qui représente 95 % des exportations. Les investissements se multiplient dans des domaines variés tels que la santé ou encore les infrastructures urbaines. Les entreprises consolident leur présence dans tous les grands secteurs, comme l'énergie, l'agroalimentaire, les télécoms, ou encore les biens d'équipement et de consommation. Nos exportations ont doublé sur le premier trimestre 2006 pour atteindre 265 millions d'euros. Notons la signature du contrat prévoyant la fourniture par Airbus de 20 avions pour 2 milliards de dollars. Par ailleurs, plus de 120 entreprises françaises ont participé à la dernière Foire internationale de Tripoli, le secteur agricole étant bien représenté via Agro Libya.

L'émergence du secteur privé en Libye s'accompagne d'une concurrence accrue qui nécessitera de la part des entreprises françaises toujours plus de détermination. J'estime que nous avons mené, depuis une dizaine d'années - et ce, malgré les difficultés connues - une politique de bonne diplomatie économique, grâce aux efforts conjoints du Groupe interparlementaire, de l'association d'amitié France-Libye, de la Chambre de commerce franco-libyenne, du Groupe interparlementaire France-Libye de l'Assemblée nationale, de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, de la Chambre de commerce franco-arabe, d'UBIFRANCE, de notre Ambassade à Tripoli et de sa mission économique.

Enfin, parallèlement aux échanges commerciaux, il semble indispensable que progresse notre coopération en matière de formation, de transferts de technologie et de savoir-faire et d'éducation, entre autres, qui permettra à la France d'accompagner sur le long terme le développement de la Libye.

Une relation bilatérale en mouvement

Son Excellence Jean-Luc SIBIUDE
Ambassadeur de France en Libye

Mesdames et Messieurs, je suis frappé par le nombre de participants dans la salle, qui témoigne de l'intérêt du secteur économique et des Français pour la Libye, et la reconnaissance du travail de ceux qui sont impliqués dans la relation franco-libyenne depuis tant d'années.

La relation franco-libyenne connaît depuis deux à trois ans une dynamique nouvelle. Alors que mes prédécesseurs ont dû gérer la crise, ma principale mission consiste à rebâtir la relation bilatérale, processus en cours. Nous avons recréé un socle commun et avançons sur le chemin du partenariat.

L'année 2005, émaillée de visites ministérielles françaises majeures en Libye et d'échanges entre hauts fonctionnaires, a marqué la reprise du dialogue politique. Les Libyens ont, eux aussi, retrouvé le chemin de Paris avec plaisir. Au-delà des contacts officiels, la société civile s'est également mobilisée. J'ai ainsi reçu la visite du Tribunal de commerce de Nanterre, de l'Ordre des Notaires ou encore de l'école d'Athènes.

Si l'engouement suscité par la Libye a été motivé par une certaine curiosité et un phénomène de mode, je crois cependant que la relation franco-libyenne s'inscrit dans la durée.

Bien évidemment, vous qui représentez le monde de l'entreprise, vous comptez parmi les principaux acteurs de ce processus de bonne diplomatie économique. Je vous remercie à ce titre des efforts accomplis.

Je soulignerai que la relation franco-libyenne est marquée par un nouvel état d'esprit. Je suis frappé par la réelle volonté des partenaires libyens de renouer avec la France, et ce, malgré les vicissitudes passées : c'est en réalité le souvenir des années 70 qui reste dans les mémoires, période durant laquelle la relation franco-libyenne a été particulièrement forte. Notons à cet égard que l'indépendance de notre politique étrangère nous vaut un certain crédit en Libye et constitue un réel atout. Nous faisons partie du cercle relativement fermé des grands pays qui comptent aux yeux de la Libye. Après avoir tourné le dos à l'ex-camp soviétique, la Libye entretient à présent des liens plus forts avec l'Italie - partenaire commercial principal - le Royaume-Uni - qui se pose en partenaire stratégique - l'Allemagne, l'Espagne, les Etats-Unis et, bien sûr, la France.

La France, quant à elle, a tout intérêt à bâtir une relation stable avec la Libye. Observons que la France a la particularité de conduire une vraie politique maghrébine et africaine. Ainsi, tous les pays voisins de la Libye - mis à part le Soudan - entretiennent des relations privilégiées avec nous. Auparavant, d'ailleurs, la Libye ne figurait pas dans cette catégorie, le Tchad et le Niger prenant une place très importante justifiée par une longue tradition d'affinités avec la France.

L'enjeu du dialogue politique que nous entretenons avec la Libye réside dans la définition de la place que ce pays peut avoir dans notre politique maghrébine et africaine. La France a instauré le cadre multilatéral du « 5+5 », support de la relation maghrébine, dans lequel la Libye évolue avec aisance. Pour ce qui est de l'insertion harmonieuse de la Libye dans notre politique africaine, la situation apparaît plus complexe. En effet, l'Afrique sub-saharienne a été le théâtre de notre confrontation passée avec la Libye. Ce pays mène par ailleurs une politique proactive vis-à-vis de ses voisins sub-sahariens. En dépit de ces facteurs de difficulté, la France et la Libye sont déterminées à progresser, en termes de dialogue politique, sur le dossier Afrique. Les deux pays, en effet, visent un objectif commun : la sécurité et la stabilité du continent. Enfin, il est important de souligner que la Libye n'est plus perçue comme un facteur de déstabilisation en Afrique ; en effet, elle souhaite, depuis deux ou trois ans, mener une politique constructive en la matière.

Quant aux Anglais, je suis frappé d'observer qu'ils n'intègrent pas la dimension africaine dans la politique développée à l'égard de la Libye. S'ils évoquent le Darfour, ils se désintéressent du Mali ou du Tchad. Les Américains interviennent, eux, davantage au travers du prisme du terrorisme ; par exemple, la stabilité du régime d'Idris Deby ne semble pas non plus être sujet de préoccupation pour le président Bush, quand il s'agit d'un axe majeur pour la France.

Il est à noter, par ailleurs, que la France et la Libye tentent désormais de gérer le règlement de plusieurs différends et que ces deux pays entretiennent un dialogue constructif en matière de lutte contre le terrorisme et d'aspects sécuritaires.

J'évoquerai le dossier des enfants de Benghazi, dans lequel la France s'implique activement pour trouver une sortie de crise. Ainsi, notre pays accueille actuellement une centaine d'enfants atteints du sida et leurs familles dans ses hôpitaux, processus à l'occasion duquel la Libye a démontré sa bonne volonté. Nous espérons trouver une solution heureuse pour les infirmières bulgares et le médecin palestinien impliqués. Parmi les dossiers politiques ayant connu une forte avancée, citons celui de la coopération nucléaire qui a vu se mettre en place un comité mixte : la phase de coopération en matière de recherche a été initiée et sera certainement suivie pas un partenariat industriel avec une grande entreprise française du secteur de l'énergie.

En matière économique, je signalerai simplement que les deux années passées ont connu la multiplication des échanges et le développement des partenariats.

Je conclurai en observant que notre relation est en évolution constante et, à mes yeux, très positive. Je remercie une nouvelle fois tous les acteurs impliqués dans le processus.