colloque Libye 2006



L'environnement des affaires en Libye

Georges VAILLANT
Président de la Chambre de commerce franco-libyenne et Président d'honneur du CNCCEF

Monsieur l'Ambassadeur, mes chers amis, je souhaite remercier chaleureusement le Président Dulait d'accueillir une réunion consacrée à la promotion des échanges franco-libyens et à l'information sur le marché libyen. Depuis plus de dix ans, le groupe interparlementaire France-Libye ne cesse de soutenir les actions visant à favoriser le rapprochement économique des deux pays et d'appuyer les projets des entreprises françaises. La manifestation de ce jour nous permettra de mesurer les évolutions intervenues sur le marché libyen depuis notre dernière rencontre, il y a 18 mois.

Les relations bilatérales France-Libye ne cessent de s'améliorer. Les entreprises françaises savent profiter de cet environnement favorable. Après l'année 2005 de la consolidation du partenariat, il semble que nos exportations pourraient atteindre, en 2006, jusqu'à 500 millions d'euros. Les prises de commandes se situent d'ores et déjà à un niveau élevé. Je remercierai avant tout nos entreprises françaises qui ont su s'imposer face à une concurrence de plus en plus vive : elles ont su mettre à profit leurs compétences, leur dynamisme, leur persévérance et leur compétitivité.

Evolution actuelle du système bancaire libyen

Jean-Paul ILLY
Représentant général, Calyon Libye, Conseiller du commerce extérieur de la France

Talal EL KEILANY
Deputy General Manager Arab World, UBAF

I. Le système bancaire libyen : état des lieux et perspectives
1. Les acteurs

Le système bancaire libyen est dominé par l'omniprésence de la Banque centrale : celle-ci est régulateur, gestionnaire des réserves et actionnaire de 90 % du système bancaire libyen. Elle accorde également les licences de représentation aux banques étrangères et les licences bancaires au secteur privé ; elle interprète la loi bancaire et joue également le rôle de banquière traditionnelle.

La Libyan Foreign Bank constitue le deuxième acteur principal du paysage bancaire : il s'agit d'une banque offshore, détenue dans son intégralité par la Banque centrale. Elle dispose d'un personnel anglophone et francophone, ce qui facilite les échanges avec les investisseurs étrangers. Sa licence la limite aux devises étrangères.

Les banques commerciales publiques sont au nombre de cinq. La Banque centrale en est l'actionnaire historique à 100 %. La Sahara Bank et la Wahda Bank sont cependant en cours de privatisation. La Gumhouria Bank, la NCB et la UMMA Bank sont en ce moment même auditées en vue d'une privatisation. L'on trouve un sixième acteur plus atypique, la banque Sahélo-saharienne, détenue à 40 % par la Libye et à 55 % par les Etats du Sahel : celle-ci est dédiée au développement et constitue le bras d'investissement de la politique africaine du Colonel Kadhafi. La banque Sahélo-saharienne vient d'inaugurer la Waha Bank en Libye. De manière générale, les investisseurs étrangers trouvent peu aisé de traiter avec les banques d'Etat libyennes.

Au nombre des banques privées, l'on trouve la Bank of Commerce and Development, qui compte entre 2 000 et 4 000 actionnaires, et qui est gérée de manière commerciale. L'Aman Bank, plus récente, compte un actionnaire dominant, qui semble offrir un service en adéquation avec les besoins du marché ; elle est particulièrement appréciée par les immigrés en Libye. Enfin, l'on trouve la National Banking Corporation, structurée en différentes caisses régionales.

Les banques spécialisées, telles que la Housing Bank, l'Agriculture Bank ou la Development Bank, sont présentes également sur le marché.

Enfin, les banques étrangères, comme la British Arab Commercial Bank, ABC Bank, Bank of Valetta ou encore Calyon, ne sont présentes à Tripoli qu'au travers de leurs bureaux de représentation.

2. Réglementation et environnement

La loi bancaire de 2005 prévoit la création de banques privées et la participation de banques étrangères sous forme d'agences, de joint-venture ou de banques commerciales. Si la volonté politique d'accueillir les banques étrangères ne fait aucun doute, certains grands acteurs semblent faire preuve de réticence, ce qui explique les difficultés d'application de la loi.

3. Cas d'école

Les banques libyennes viennent d'être autorisées à prêter de l'argent aux banques étrangères. Calyon a ainsi pu monter, cette année, une opération internationale pour un montant de 200 millions de dollars, consistant dans le financement de trois Aframax, pétroliers aux capacités incroyables, pour le compte de la compagnie d'Etat de navigation. Il s'agit d'une opération complexe, qui a pu être menée à bien en Libye, sans encombre majeure, avec la participation de la Development Bank, notamment, qui a apporté du capital.

II. Les garanties et les lettres de crédit en Libye

L'UBAF - détenue à 47,32 % par Calyon et à 9 % par la Libyan Foreign Bank (LFB) - émet des garanties classiques (soumissions, restitutions d'acomptes, retenue des garanties...) par l'intermédiaire de la LFB, sous forme de Standby Letter of Credit (SBLC), uniquement en devises étrangères. L'UBAF fait également appel à la Bank of Commerce and Development pour ce qui est des devises et monnaies locales ainsi qu'aux autres banques commerciales libyennes (Sahara Bank, Wahda Bank).

Pour ce qui est de l'émission de garanties, toutes les banques libyennes sont régies par la circulaire 180 du 23 juillet 1977. La loi libyenne sur les marchés publics n'interdit pas les garanties ou SBLC directes. Dans ce cas, l'UBAF soumet les garanties à la loi française et, dans la mesure du possible, au RU Publication ICC 458. Les SBLC sont soumises aux Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires (publication n°500). Les émissions directes restent cependant rares. Mais la plupart des émissions de garantie passe par l'intermédiaire des banques locales.

Les dates de validité sont obligatoires et respectées, dans le cadre de la SBLC ou de garanties classiques. Elles peuvent faire l'objet de demande de prorogation. A noter que la pratique de dépôt de garantie de 25 % cash est révolue.

S'agissant des garanties de découvert local, elles sont souvent destinées à payer les droits d'enregistrement des contrats, ou à rémunérer en monnaie locale les ouvriers. Le taux de découvert est actuellement de l'ordre de 6 à 6,5 %.

Dans la circulaire 180 du 23 juillet 1977, il est précisé que le contre-garant (la banque étrangère qui demande une émission à une banque libyenne) s'interdit d'opposer à la banque libyenne émettrice toute éventuelle décision de justice faisant défense de payer en cas d'appel. Cette disposition conduit les contre-garants, et l'UBAF, notamment, à obtenir un engagement identique de la part des donneurs d'ordre. A présent, la Libyan Foreign Bank exige cette pratique.

Les conditions de commissions qui sont facturées par le client libyen sont répercutées sur les frais de notre client ; ils s'établissent généralement à 0,15 % par mois, soit 1,8 % par an. Ces frais s'ajoutent aux commissions perçues au titre de notre engagement. La LFB réclame généralement d'avance ses commissions, à l'émission, pour toute la durée de la SBLC ; il convient cependant de négocier. Les autres banques facturent également d'avance, selon une périodicité trimestrielle ou semestrielle. Les banques libyennes facturent un forfait de 0,5 %, couvrant les frais divers et de timbres fiscaux. Désormais, la lettre de crédit est ouverte nette ; elle ne comprend plus les frais de timbres fiscaux, qui sont déduits auparavant.

Pour ce qui est des crédits documentaires, il n'existe pas encore de financement à moyen terme sur la Libye (sauf dans le cas de l'opération des Aframax). Le mode de règlement quasi exclusif est la lettre de crédit à vue ou à 30 jours de vue. Il n'y a théoriquement pas de limitation de durée ou de montant. Les LCs ne sont généralement pas transférables. Ils sont ouverts par la Banque centrale, la Libyan Foreign Bank ou par l'une des banques commerciales. De plus en plus, pour des raisons budgétaires, les marchés importants font l'objet de lettres de crédit revolving. Dans ce cas, il convient d'être attentif au fait qui déclenche le revolving. Jusqu'à présent, les montants de lettres de crédit ont toujours été payés ; nos relations avec les banques libyennes sont excellentes. La capacité de l'UBAF à confirmer les lettres de crédit et à organiser une syndication pour les montants élevés est importante.