Pourquoi faut-il être présent à Madagascar ?

Jean-François BIJON
Chef de la Mission économique d'Antananarivo

Mesdames et Messieurs, avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais dire quelques mots à l'intention de la délégation malgache. En tant que chef de la mission économique, je ne saurais pratiquer devant vous la langue de bois. J'espère donc que mes propos ne sonneront pas le glas de nos rapports amicaux avec les représentants de l'Etat malgache.

Il y a des pays à l'égard desquels les Français ne savent pas adopter une attitude dénuée de sentiments. C'est bien évidemment le cas avec Madagascar. Nos liens sont faits d'histoire, d'amitié mais de déception aussi. Déception, car l'on est en droit de se demander comment un pays présentant toutes ces richesses a pu tomber dans un tel état de pauvreté.

Parallèlement à une démission de l'Etat, force est de constater que la croissance est revenue entre 1997 et 2001 : des emplois ont été créés - chose suffisamment rare en Afrique pour que l'on y insiste, et les responsables nationaux ont vite compris qu'il était de leur intérêt d'accepter les projets qui leur étaient proposés.

L'intensité des échanges entre la France et Madagascar témoigne du dynamisme de la Grande Ile. Il convient d'ailleurs de souligner que la balance commerciale entre nos deux pays est favorable à Madagascar.

Néanmoins, malgré cette croissance retrouvée, la démission de l'Etat a provoqué d'autres maux : dégradation du réseau routier, aggravation de la situation sanitaire, corruption, etc. Madagascar était même devenu une sorte de paradis fiscal de fait.

2002 a été l'année de la crise : chômage, manifestations, etc. ont porté atteinte à la fragile croissance. Comment expliquer cette volonté de changement ? Est-ce parce que les Malgaches aiment la révolution et qu'ils éprouvent de manière récurrente le besoin de détruire ce qu'ils ont construit ? Est-ce parce qu'un leader charismatique a su les convaincre qu'il ferait un meilleur Président ? Je ne le pense pas et l'explication est, à mon sens, bien plus simple : l'opinion malgache existe et elle n'a pu se résoudre à la fin annoncée de l'Etat.

La maturation des idées serait bouclée pour que Madagascar entre enfin dans l'ère du développement. Sa situation s'apparente à ce que l'on pouvait observer en Thaïlande il y a une vingtaine d'années.

Telle est ma lecture de la situation de Madagascar. Peut-être suis-je trop optimiste et cèdé-je à la faiblesse dont les Français font souvent preuve dès lors qu'il s'agit de Madagascar ? Quoi qu'il en soit, force est de constater que les récents événements me donnent raison : des investisseurs asiatiques s'intéressent de plus en plus à la Grande Ile et le Gouvernement travaille à la stabilisation politique.

Si à l'issue des cinq prochaines années, rien ne changeait - ce que je ne crois pas - il y a fort à parier que la croissance ralentirait considérablement. Si ce scénario se concrétisait, il est préférable d'investir à court terme.

En revanche, si mes prévisions s'avèrent exactes, Madagascar verra se créer un marché intérieur dynamique. Dans ces conditions, des investissements lourds de long terme seront préférables. Face à ce dilemme cornélien, il importe de prendre un pari pascalien - si je puis dire -, celui de la veille commerciale. Cette veille vous permettra immanquablement d'être sensibles aux premiers signes. Ceux-ci sont, à mon sens, de trois ordres :

· réalisation des infrastructures urbaines et de communication ;

· démarrage de la réforme de quelques administrations clés ;

· arbitrage en faveur de l'intérêt général.

En définitive, mon message est clair : venez à Madagascar, les avantages que vous en retirerez, quel que soit le scénario, seront incontestables.

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