Les dernières élections de mid-term aux États-Unis : Tea Party, phénomène de mode ou nouvelle force politique ?

Maria RODRIGUEZ Mc KEY , CECE


Les élections à mi-mandat sont toujours défavorables au parti au pouvoir. Dans ce contexte, la victoire du Tea Party doit être relativisée : il a soutenu 138 candidats républicains, gagné 44 sièges, dont 5 au Sénat et 39 à la Chambre des représentants, mais perdu 85 sièges, dont 3 au Sénat et 82 à la Chambre. Une approche comparative et historique peut aider à mieux comprendre l'élection de mi-mandat de 2010.

En 1994, dans un contexte économique plus favorable et sans guerre d'Irak ou d'Afghanistan, Bill Clinton a perdu la majorité dans les deux chambres alors qu'en 2010, Barack Obama n'a perdu que la Chambre des représentants. Ces élections présentent néanmoins des similitudes : d'une part, le rejet d'une proposition de loi d'assurance maladie universelle et d'une loi sur le port d'armes, d'autre part, l'élaboration par les républicains d'un contract to America en 1994 et d'un contract from America en 2010, à cette différence que le second contract émane de l'Amérique profonde. L'élection de 1994 a revêtu un caractère historique en ce qu'elle permet au parti républicain d'obtenir la majorité à la chambre des représentants pour la première fois depuis 1954.

Le Tea Party n'est pas un parti politique mais un mouvement auquel sont liés plusieurs groupes ou associations. Il a soutenu les candidats républicains les plus conservateurs lors des primaires du parti et des élections de 2010. Son nom renvoie à l'événement qui a déclenché le mouvement pour l'indépendance des Etats-Unis vis-à-vis de la Grande-Bretagne. En 1763, le roi Georges II et son gouvernement ont décidé de taxer le thé pour rembourser les dépenses de guerre. L'arrivée des bateaux déclencha une vive réaction de la part de milliers de personnes qui jetèrent le thé à la mer. Le Tea Party de 2010 puise ses origines dans les réactions au plan de sauvetage du secteur bancaire, notamment contre le plan de relance fédéral proposé par le gouvernement et adopté par le Congrès. Financé par l'association conservatrice FreedomWorks et par des entreprises, le mouvement prend de l'ampleur lors de la révélation des primes versées aux dirigeants d'AIG, compagnie qui a pourtant bénéficié du premier plan de relance, et lors du débat sur les réformes de santé proposées par le gouvernement Obama. Il apporte un soutien décisif à l'élection du républicain Scott Brown au Sénat des Etats-Unis pour l'un des sièges du Massachussetts, qui avait été celui de Ted Kennedy pendant plus de 46 ans. Enfin, le Tea Party s'oppose à trois lois sur l'énergie, la régulation financière et la réforme de la santé et défend la réduction des impôts et de l'intervention publique.

Le contract from America est l'idée de Ryan Hecker, un avocat basé à Houston, qui propose de faire appel à l'Amérique profonde pour élaborer une réforme et d'utiliser son site Internet pour recueillir des propositions. Il est aidé par Dick Armey, lié à la majorité républicaine précédente et à FreedomWorks. Est également lié au Tea Party le free state project , qui consiste à inviter les anarchistes à se regrouper dans le New Hampshire pour demander la réduction du pouvoir du gouvernement.

Comme le montre une approche comparatiste et historique des Etats, les causes du phénomène du Tea Party sont très diverses. L'expérience politique des candidats et les caractéristiques religieuses, ethniques, démographiques et socio-économiques des Etats ayant élu des candidats soutenus par le Tea Party varient. Dans les Etats industrialisés comme la Pennsylvanie, dont les cinq dernières élections ont pourtant été remportées par des démocrates, l'inquiétude face au chômage et à la crise économique a joué. Au Kentucky, qui possède des mines de charbon et dont la majorité de la population souhaite le moins d'intervention publique possible, la campagne électorale a été marquée par une hostilité aux lois sur l'environnement et sur l'assurance maladie. Dans l'Etat de New-York, deux républicains soutenus par le Tea party ont pris cinq sièges au congrès face aux démocrates qui ont remporté les postes de gouverneurs et les deux sièges du Sénat. Les circonscriptions remportées par les candidats soutenus par le Tea Party étant démocrates depuis peu, les démocrates ne s'attendaient pas à les conserver. En Géorgie, la 9 ème circonscription a été démocrate de 1875 à 1995 puis républicaine jusqu'en 2010. Le candidat républicain, soutenu par le Club pour la croissance, le FreedomWorks et par un parti proche du Tea Party, a remporté les primaires avec 56,5 % des suffrages contre un autre républicain, avec une campagne a axée sur la protection du droit au port d'armes, le remplacement de l'impôt fédéral par une TVA nationale et l'abrogation de la loi sur l'assurance maladie. Aucun candidat démocrate ne s'est présenté. Dans l'Arkansas, un état historiquement à gauche, les deux candidats soutenus par le Tea Party ont remporté l'élection dans leur circonscription. L'un était soutenu par FreedomWorks, l'autre par le Tea party.

En Amérique comme ailleurs, il y a des extrémistes de droite et de gauche. Le scrutin majoritaire à un tour leur laisse néanmoins peu de chances de remporter une élection, de bouleverser le système des partis et de produire de l'instabilité politique. Les Etats-Unis disposent d'un système bipartisan puissant. Un système de cohabitation à la française ne peut y exister, le Président américain disposant d'un droit de veto. Le Tea Party ne peut jouer qu'un rôle de groupement cautionnant l'un des deux partis. C'est une manifestation des mouvements qui vont et viennent au gré des circonstances. Les résultats des élections de mi-mandat méritent donc d'être relativisés. La participation est plus faible qu'aux élections présidentielles et marque généralement une opposition au gouvernement, partielle en 2010. En outre, le Tea Party a fragilisé le rôle de certains candidats républicains en leur donnant une image trop à droite. Son soutien a finalement contribué à la perte de trois candidats au Sénat et 82 à la chambre des représentants.