Témoignages d'entreprises

Agnès GABORIT

Ecoutons maintenant le témoignage d'entreprises françaises implantées en Moldavie.

La société IC3A

Jacques COTTIER, gérant, IC3A

Depuis ce matin, nous évoquons principalement l'expérience de grands Groupes. Je ne conteste certes pas l'importance d'un pareil sujet. Pour autant, je crois que ce pays présente de nombreuses opportunités pour de petites sociétés. Notre société, IC3A, compte 13 salariés. Notre domaine d'activité est celui de la conserverie et des matériels d'embouteillage.

En 1993, j'ai souhaité relever le défi de m'implanter à l'Est, à titre d'essai. J'ai donc vendu des matériels d'embouteillages en Russie. Face aux problèmes que nous avons rencontrés, nous avons pris la décision de descendre dans le Sud. Nous sommes donc arrivés en Moldavie, dont le climat est proche de celui de la Bourgogne, voire du Bordelais. Nous avons, dans ce pays, découvert d'énormes possibilités, pour le vin comme pour les légumes. Notre chiffre d'affaires s'élève aujourd'hui à 24 millions de francs, dont 2 millions sont réalisés à l'étranger.

La Moldavie est un petit pays, indépendant depuis 1991. Le pays a été occupé durant 150 ans par les Russes. Inutile donc de préciser que plusieurs visites sur place sont pour le moins nécessaires pour comprendre le pays. La Moldavie compte 4,7 millions d'habitants. Les villes principales sont les suivantes : Chisinäu, au centre, Tighina, Comrat et Cahul, au Sud. L'économie y est importante et abrite notamment un complexe agroalimentaire. L'agriculture et l'industrie fournissent 64 % de la valeur ajoutée du pays. Toutefois, la branche agraire est dominante. Je ne détaillerai pas les principales cultures car elles sont connues. Vous savez notamment que la production céréalière est importante. L'industrie du verre se développe également, ce qui n'est pas neutre du point de vue de notre production de bouteilles.

Il semblerait que cette zone compte 60 % d'entreprises non-étatiques. Je ne sais si ce pourcentage reflète la réalité. Quoi qu'il en soit, deux grands secteurs sont capitaux pour le négoce :

la sphère vitivinicole, car 570 000 tonnes de raisin doivent être transformées chaque année -cette production permet d'obtenir 29 millions de décalitres de vin et 3 millions de décalitres d'eau-de-vie ;

le secteur fruit et légumes, notamment les fruits secs (noix, pruneaux).

Je mentionnerai aussi le tabac, dont les entreprises ont tout intérêt à évoluer, notamment dans les entreprises de traitement. Interviennent enfin les grandes cultures, comme les betteraves à sucre et les céréales... Il est à noter que la fabrication de produits frais est importante mais que la chaîne du froid demeure perfectible. Les besoins sont élevés dans différents domaines agricoles : emballage, conditionnement, énergie, groupes de froid par exemple, caisses de stockage, palettes de récolte...

Il est sans doute possible de vendre des semences car les Moldaves utilisent les mêmes graines. De même, des plants de vigne peuvent être importés. Les entreprises françaises pourraient également introduire en Moldavie des produits phyto-sanitaires. Le secteur laitier est lui aussi important -les normes et les techniciens français seraient certainement utiles dans cette région. Les besoins sont également réels dans l'industrie : construction, injection de plastiques...

Nous sommes en Moldavie depuis 1994 et j'ai travaillé en collaboration avec le poste d'expansion économique. A cette époque, la seule loi était celle du plus fort -en outre, le poste d'expansion était peu développé. Il y avait des passe-droit et il fallait connaître les bonnes personnes. Les choses étaient donc difficiles. Cela dit, la donne est plus favorable aujourd'hui. Dans tous les cas, vous ne pourrez pas travailler tout seul. La concurrence, contre les Italiens, les Turcs par exemple, est très vive. Les Italiens ont ainsi monté dans les villes des bureaux qui n'hésitent pas à démarcher les entreprises. Pour notre part, nous avons monté une petite structure pour concurrencer Italiens et Allemands. Travaillez donc de concert, ensemble, tout en étant attentifs à votre compétitivité. Les Français sont mal placés pour tout ce qui concerne les aides pouvant être apportées aux clients. Les Italiens parlent, par exemple, de leasing ou de prêts, même s'il s'agit avant tout d'arguments commerciaux. A 80 %, mes ventes ont toujours été payées en cash, avec des acomptes qui représentent 40 % du contrat. Il convient d'engager le client, d'autant que celui-ci pourra ne pas respecter ses engagements.

Pour réussir dans le négoce en Moldavie, j'insisterai finalement sur un seul point : se regrouper et ne pas travailler tout seul.

L'exemple de Mercier Pépinières

Jean-Pierre MERCIER, Gérant, Mercier Pépinières

Notre Groupe est spécialisé dans l'agriculture. Et notre Groupe est, paradoxalement, internationalisé. Depuis plus de 100 ans, nous produisons des plants de vigne et plantons des vignobles, partout dans le monde, y compris dans l'Europe de l'Est qui comptait 2,8 millions d'hectares de vignes il y a 10 ans. Ce total a été divisé par deux en quelques années et les plants de vigne restants sont dans un piteux état. C'est dire si le potentiel est indéniable.

Nous avons choisi la Moldavie car ce pays est au centre de cette zone. Cela dit, sachant que votre implantation dans un pays étranger connaîtra toujours sur le long terme des hauts et des bas, à la différence d'autres intervenants, je dirai que notre société moldave connaît un bas ces temps-ci. En 1998, avec des partenaires moldaves, dont un principal, nous avons monté une SEM à 50/50 pour constituer une entreprise de pépinières devant produire 15 millions de plantes par année, soit le tiers des besoins du pays. A la fin de l'année, notre partenaire n'a pas pu faire face à ses engagements et nous a laissé supporter toute la charge de l'investissement. Dans notre métier, 3 ou 4 ans de latence sont nécessaires, car il faut planter les vignobles mères dans un premier temps. Nous sommes donc une situation difficile. Nous arrivons maintenant devant une nécessité : procéder à la deuxième tranche d'investissement. Je n'ai pas pour l'instant les solutions financières. Les banques sont réticentes, les taux d'inflation sont proches de 25 à 30 %, ce qui réduit le loyer de l'argent en monnaie nationale, le taux en dollar sont proches de 18 %, les dossiers d'aide de l'Union sont trop compliqués et sans doute pas conçus pour les petites entreprises... Les questions sont donc nombreuses. J'ajoute que les routes sont dans un piteux état en Moldavie. Se développer dans ce pays n'est donc pas très aisé. Nous avions aussi pensé à produire des plants localement, compte tenu du climat et de la main d'oeuvre. mais les règles phytosanitaires ne permettent pas de valider les plants pour les exporter, hormis en Russie.

Je suis donc dubitatif actuellement. J'ai peut-être démarré trop tôt l'aventure, d'autant que nous ne sommes pas dans la situation d'une industrie de masse.

La Moldavie a aussi lancé une grande usine de bouteilles. Mais ces produits sont de piètre qualité, notamment quant aux goulots. De surcroît, leur exportation est malaisée car les routes sont de mauvaise qualité. En outre, le pays semble fermé sur lui-même et n'a pas de port maritime.

Je ne souhaite finalement à personne de s'engager dans les conditions qui furent les nôtres ! Soyez bien convaincus que nous vivons une situation gênante !

Agnès GABORIT

Merci pour votre franchise !

Olivier REMOND

Je précise simplement, pour la Moldavie, que le dispositif public dans ce pays est en transition et en rénovation. La notion de présence française publique en Moldavie est récente. L'Ambassade de France existe depuis 5 ans et est stabilisée depuis 24 mois. Le poste d'expansion économique, en 1997, a de plus évolué car nous suivons la Moldavie depuis la Roumanie et non plus depuis la Russie. Des procédures publiques commencent à voir le jour, pour une PME d'ailleurs, via un FASEP. J'ajoute que nous avons commencé à apporter des garanties COFACE, sur du court terme, pour des banques. Cela dit, il y a 22 banques dans le pays, ce qui est sans doute trop. Certaines mériteraient sans doute un bon audit... Le dispositif est donc en transition. Le fait que nous ayons associé Roumanie et Moldavie a dans ce cadre un certain sens. Je mentionne également les discussions pour l'adhésion du pays à l'OMC. Il faut donc être encourageants, d'autant que le potentiel, notamment agricole, du pays est indéniable.

Marie-Hélène BERARD

Les priorités de l'Union européenne pour la Moldavie, et ses 4,7 millions d'habitants, ne sont pas les mêmes que pour la Roumanie. Le pays est petit. Cela présente des avantages et des inconvénients. On arrive à travailler facilement, on peut contacter aisément les gens, pour citer ces exemples...

Agnès GABORIT

Je vous propose de lancer les tables rondes ! Merci aux intervenants.